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27/08/2010

Ahouach

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A H O U A C H
"Ô mon Dieu ! Accordez – lui son gagne pain de la musique ! Ainsi d’ailleurs qu'à sa descendance !"
Si Mokhtar le patriarche du hameau d'Anbdour.

L ahouach c’est le nom générique des danses collectives de l’Atlas occidental où on parle le chleuh, par opposition à l’ahidus, la danse du  moyen Atlas où on parle le tamazight. Ahidus et ahouach ont en commun d’être une musique de village chantée par des chœurs accompagnée par une batterie de tambours sur cadre et de claquement de mains. C’est sans doute sur le plan mélodique que se différencie plus nettement l’ahidus de l’ahouach : les mélodies de l’ahouach sont très généralement pentatoniques , celle de l’ahidus sont fréquemment composées de petits intervalles s’inscrivant dans un ambitus plutôt étroit.Cette danse est de toutes les fêtes nous confie la Raïssa Bihi au hameau d’Anbdour :

« On s’adonne à l’ahouach à la grande fête du sacrifice, à la petite fête de la rupture du jeûne et aux moussem (fête saisonnières). On danse accompagnées des percussionnistes et des flûtistes. Nous autres femmes, on chante : « C’est au nom de Dieu que commence notre tour de rôle. » Cependant que les Raïs frappent les tambourins et que les flûtistes jouent des airs de bergers. Et quand on a assez dansé, chacun rentre à sa maison. »

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Nous nous sommes rendu à la fête d’ assif el Mal, auprès de la famille Jakraw qui vit de musique plutôt que d’agriculture : le fils aîné joue du rebab, le cadet du tambourin à cadre et de la flûte berbère aouad et enfin le junior de l’outar. Nous avons tenu à ce qu’ils nous présentent eux – mêmes leur musique en commençant par leur patriarche Si mokhtar, car comme le disait Jacques Berque, « le discours le plus sûr d’une population est celui qu’elle tient sur elle – même ». Au cours de la fête qu’ils ont organisé pour notre tournage on a retrouvé les ahouach d'Idikel et de Tiskiwin , mais aussi la musique des Rways, ces troubadours de l’Anti – Atlas.

L’ ahouach d’assif el Mal qu’on appelle Idikel est également pratiqué par les tribus voisines de Mzoda , Aït Bou Yaâkoub et Douirane. C’est un ahouach d’un rythme différent de celui d’Imin Tanout et du pays Haha, même si ces derniers appartiennent au même ère linguistique chleuh. Ahouach Tidikel se distingue surtout par la position centrale qui y occupe le chant solo, cette improvisation poétique et musicale qu’on appel arasal et qui est propre aux montagnards du Haut – Atlas.  Pour orchestrer l’ahouach Idikel on recourt à trois tambours à cadre à tonalités différente, selon qu’il s’agit d’un coup vibrant appliqué de poing au centre de la peau ou de coups secs obtenus par le choc de la main à plat sur bord. Le premier tambour, le trime, commence par jouer un rythme appelé hamz, le deuxième qu’on appelle amtarfo , parce qu’il occupe les marges, joue une autre variation rythmique appelée asidari, et le troisième soliste recourt à une technique de jeu appelée Amdil. Chaque soliste joue un rythme différent mais il doit être impérativement complémentaire des deux autres.

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Au pays chleuh, l’aouada est indispensable à chaque fête. On dit que les chevaux de la fantasia sont très sensibles aux airs de cette flûte de berger par excellence. Sans cette flûte et la danse atlasique qui l’accompagne ; la fantasia ne serait pas réussie. Pour le Raïs Mohamed Lamzoudi :

« Les Chtouka de Sous sont surtout connus pour leur outar. Ils sont doués pour cet instrument à corde. Les Haha, le sont pour leur aberdag, trépignement et leur aouad, flûte. Cet instrument à vent est né chez eux. Les Mtougga, eux, sont réputés pour leur rebab. Comme les autres tribus du Haouz, ils produisent beaucoup de poésie. »

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T I S K I W I N

La danse Tiskiwin a une vieille histoire. Son nom lui vient du corne qu’on appelle tiskt (corne en Berbère). Les guerriers s’en servaient comme étui à poudre, qu’on appelle aâlaw. Au retour de chaque expédition guerrière, la corne du bélier était portée sur l’épaule gauche, en guise de signe de victoire. Tiskiwin est à la fois danse du bélier et danse de la victoire. Elle est spéciale aux Seksawa du Haut – Atlas, aux Ida ou Mahmoud et aux Aït Aghbar. Les danseurs revêtus d’une grande tenue de coton blanc et portant sur l’épaule gauche une corne à poudre d’argent ornée de franges rouges. Ce groupe encercle autour d’un Raïs exécute une sorte de parade rythmée dont les figures diffèrent beaucoup de celles des autres danses de tribus. La corne portée par chacun des danseurs est un objet précieusement conservé dans chaque famille. Chez les Aït Mansour , il est formellement interdit de la vendre. Elle se transmet de père en fils. L’utilisation du petit tambourin dénommé tagbalt, qui vient en complément,imprime à la danse, une cadence et un rythme particuliers.

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A Chichaoua (Seksawa en berbère), la rivière d’ assif el Mal, ne charrie pas seulement les limons du haut Atlas, mais aussi toutes ses musiques. Les influences musicales de la montagne aboutissent à son embouchure où se tient chaque année le moussem de Sidi Bou Othmane vers lequel affluent toutes les tribus environnantes et bien au – delà. Ce moussem est l’occasion d’échanges intertribaux d’ordre économique mais aussi culturels. On s’y rend  même depuis le Sous de l’autre côté de la montagne selon le patriarche du hameau d’Anbdour :

« Sidi Bou Othmane est lui – même originaire de Sous. Il était arrivé ici où on l’a enterré il y a si longtemps de cela. Quelques trois cent ans. En vérité, personne ne se souvient plus de son arrivée ici. C’est lui qui aurait fondé ce moussem ; le sien. Vers la mi – septembre, on y plante les tentes des cafetiers et des marchands. On  y vend ovins, bovins, raisins, beignets, ferronneries et ustensiles. Le deuxième jour est marqué par la vente des ânes, des mulets et autres bêtes de somme, »

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C’est le saint protecteur des musiciens qui avait d’ailleurs donné son nom à leur hameau escarpé d’Anbdour:« Au départ les gens d’Anbdour habitaient au douar Ajmani. C’était du temps des caïds, bien avant l’arrivée des Français, raconte Si Mokhtar. Ils ont déménagé ensuite dans cette citadelle imprenable qui ressemble à un bateau. Nos aïeuls avaient choisi d’habiter ici pour s’isoler de l’ennemi et des crues. Ce Babor, ce vaisseau, était inaccessible à l’ennemi et à ses chevaux qui pouvaient venir du caroubier d'en face.  C’est Sidi Ahmad Ou Moussa qui l’avait surnommé « anbdou » (on commence) . En arrivant du Sous jusqu’ici, après avoir traverser à pied le Haut – Atlas, il a dit : « bismi Allah nabdou » (Au nom d’Allah, commençons !). C’est par ici, que nous commençons avait dit le saint homme de Sous. C’est pour cela qu’on appelle ici « Anbdou » auquel on ajouté un « r » ce qui a donné « Anddour » ».Le lieu du commencement, de la commémoration,  où tout avait commencé. Il  fait penser au  Babor, ce vaisseau mythique qui aurait échoué dans cette rivière d’or ! Une citadelle inaccessible aussi bien à la rivière en crue qu’aux chevaux de l’ennemi qui pouvaient surgir inopinément depuis ce vieux caroubier d’en face.
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Tout le long de l’oued, qui dévale de l’Atlas vers la plaine, avec ses galets bordés de lauriers rose s’égrènent les hameaux et les douars de l’ assif el Mal, la rivière de la providence ou « rivière d’or » . En amont, de l’oued souvent desséché mais dont les crues peuvent être brusques et violentes, la fraction Mejjad qui s’étend jusqu’aux douars Aït Abaïd et Tifratine. Vient ensuite Anbdour le hameau – citadelle à l’allure de vaisseau à mi distance entre les  douars de Timlil et Imi N’ighzer (le seuil des inondations). Toujours en suivant ainsi le cours d’eau, on aboutit au douar Taskourt ( la perdrix) et finalement à l’embouchure où se tient chaque année le moussem de Sidi Bou Othmane, qui connaît une grande affluence.

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Au moussem de Sidi Bou Othman, se souvient notre patriarche, se tenait la fantasia. Les tambourinaires prenaient les devants, suivis des chevaux de la fantasia :

«  Je jouais de la tara. J’étais encore jeune et je portais des lunettes. Mon père que Dieu ait son âme, me voyant ainsi  me fit cette prière :

- Ô mon Dieu ! Accordez – lui son gagne pain de la musique ! Ainsi d’ailleurs qu'à sa descendance !

C’est pour cette raison que nous sommes tous des musiciens dans ce village ! Cette prière avait décidé de notre sort. »

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De quoi est fait le tambour à cadre et à peau unique qu’on appelle tara en arabe, iqarqab à assif el Mal et partout ailleurs en Atlas, allûn ou taguenza ? Il est confectionné par un maâlem , un artisan spécialisé à Sidi Bou Othmane. Il fait sécher le bois au soleil puis l’arrondi à un moule qu’on appelle tamrrayt. Il le perse ensuite d’un trou et le recouvre d’une membrane faite de boyaux de bouc. Une fois déseché, il obtient ainsi la tonalité suraiguë recherchée. L’autre instrument de musique indispensable est la flûte appelée aouada. Pour émettre des sons aiguë, elle est confectionnée dans un roseau femelle Car le roseau est mâle et femelle. La flûte oblique dont il s’agit est percée de sept trous. Son accord ressemble à celui du rebab. Elle donne un air qu’on appelle « âsra Gnaouia » : c’est la gamme pentatonique.

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Les femmes autant que les hommes savent improviser les refrains au milieu de l’ahouch : au fur et à mesure que le rythme chauffe, que la compétition s’active ; leur créativité poétique s’aiguise. Et si le troubadour de Sous emprunte les sentiers solitaires et tracés d’avance ; l’improvisation poétique des danses montagnardes explore dans toutes les directions, des territoires inconnus. Au milieu de l’ahouach, la parole poétique fuse de partout, fruit imprévu de l’improvisation, de la compétition et du dialogue. Comme la rivière d’assif el Mal , elle est tantôt desséchée , tantôt en crue, mais toujours le produit de sources à la fois multiples et disparates. On reconnaît le refrain du terroir à son style comme l’apiculteur reconnaît à son parfum à quelle fleur de mars les abeilles avaient butiné leur miel. Le n’dam, poésie, n’est pas limité à assif el Mal et aux Mzoda, mais se trouve disséminé à travers toutes les montagnes du Haut – Atlas. Il y a même certaines poétesses virtuoses chez les Glaoua. Quand l’ ahouach est là, le n’dam, n’est pas loin. Abdelkader Mana

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21:34 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique, haut-atlas | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

26/08/2010

Le joueur de clarinette ...

B O U G H A N I M[i]

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Le bouffon du Haut – Atlas Central

 

« J'ai toujours été un homme roseau. Frêle et délicat. Solidement enraciné dans mon terreau et résistant aux vents. Tous les vents. Philosophiques, religieux, poétiques. Je ne ploie pas, je plie. Puis je me redresse, comme le dit un midrash. »Bouganim Ami

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Aux premières approches du printemps, lorsque la température se fait plus douce, que les cols de l’Atlas sont débarrassés de leur neige et que les troupeaux bien nourris donnent un lait abandon ; des troupes ambulantes de poètes berbères descendent des montagnes vers la plaine. La troupe se compose d’un Boughanim, ou l’homme à la flûte , le joueur de clarinette, le musicien, le bouffon, le baladin qui représente dans la troupe l’élément comique et de deux imdyazen , poètes ambulants sachant se servir habilement du tambourin à peau unique. Le répertoire des aèdes imadyazen est intimement lié par son contenu à la vie agricole et pastorale. Voici donc nos aèdes près à partir : ils se renseignent sur l’état des cols, sur les chutes de neige dans le grand et le moyen Atlas, sur le retour des transhumants en montagne. Si les nouvelles sont bonnes , ils se mettent en route. Ce sont finalement les poètes – musiciens, avec leurs déambulations voyageuses qui unifient culturellement les tribus Berbères. Car souvent, l’itinéraire de leurs tournées transcende l’univers linguistique local.
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Boughanim , homme au roseau joue d’une clarinette double en roseau ; aghanim, qu’il utilise pour la danse mais aussi comme instrument d’appel. En se rendant sur la place du village , il signale sa présence ainsi que celle de ses compagnons aux gens du village et les invite à se rassembler . Les imdyazen qui l’accompagnent sont à la fois poètes et musiciens. Ils sont itinérants au sens stricte du mot. A l’approche d’un douar, ils se préparent ; ils se costument. Ces voyageurs se transforment alors en comédiens.

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Aouryl désignant la double flûte de roseau:

-  Ceci est aghanim.

Désignant la flûte ordinaire :

- Cette autre flûte est dénommée tagmoud, en berbère.

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Enfin se désignant lui-même il ajoute :

- Je suis bou-ghanim, celui qui joue d’aghanim en conduisant son troupeau en haut de la montagne.. Mon père jouait de la grande et de la petite flûte pour conduire le troupeau mais aussi aux fêtes de mariage. Une tradition transmise de génération en génération. Tadla et Azilal sont connues par aghanim, tout particulièrement les Aït Bouguemmez. L’été, nous allons d’un douar à l’autre : après les Aït Bouguemmez,on entame les Aït Abbas puis Aït Bouilli, waouizeght, zaouit cheikh. Les gens s’attroupent autour de nous. Boughanim est le symbole de nos fêtes. Nous avons une maison en plaine et une autre au mont Azurki. L’hiver on habite la plaine et l’été notre gîte de montagne.

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Les Berbères de l’Atlas central sont essentiellement des pasteurs. Mais ils possèdent aussi des terres de culture bour et irriguées où sont fixés leurs villages ou leurs tighremt. Partout où il neige , la vie devient impossible en hiver. Les montagnards descendent alors dans la zone plus basse de l’azaghar. La plaine. i2.JPG

Voici nos deux imdyazen au souk hebdomadaire du vendredi des Aït Bouguemmez. Ils utilisent deux langues : au souk , la langue d’usage, c’est le tachelhit de Sous. Aux fêtes , c’est plutôt  le tamazight qui constitue la langue de culture, comme nous l’explique l’imdyaz des Aït Abbas:

« Notre parler relève à la fois du tamazight de zayan et du tachelhit de Sous.Car nous vivons dans une région charnière située entre les Zayan et le Sous. Au souk nous parlons le tachelhit de Sous et aux fêtes nous adoptons le tamazight Zayan. »

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Les deux principales danses de l’Atlas sont l’ahidus et l’ahouach. A l’Est et au Nord de l’Atlas, c’est le pays de l’ahidus. A l’Ouest et au Sud, c’est le pays de l’ahouach. Ahouach et ahidus ne sont que deux des nombreuses formes musicales connues par les Berbères de la montagne. Ahidus et ahouach ont en commun d’être une musique de village chantée par des chœurs accompagnée par une batterie de tambours sur cadre et de claquement de mains. C’est sans doute sur le plan mélodique que se différencie plus nettement l’ahidus de l’ahouach : les mélodies de l’ahouach sont très généralement pentatoniques , celle de l’ahidus sont fréquemment composées de petits intervalles s’inscrivant dans un ambitus plutôt étroit .Ouissaâdan, chef de troupe Ahidus : « l’aire d’ahidus s’étend d’Azilal à khénifra en passant par les Aït Bouzid et les Aït Chokhman. C’est le même ahidus que celui des Aït Atta . De Damnate et au-delà en direction du sud, c’est le domaine de l’ahouach dans le Sous. C’est un rythme à part par rapport à celui d’Azilal de ce côté – ci. »

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C’est en tamazight que nos  imdyazen composent leurs poèmes :

« Mon père et mon oncle étaient des anchad (chansonniers) . C’est aux fêtes de mariage que j’ai commencé moi-même à composer. C’est de cette manière que j’ai appris à composer mes poèmes. On y évoque les évènements de ce monde. Des légendes. Celle d’Adam, des Prophètes Joseph et Job ainsi que l’histoire de cet apprenti de l’école coranique. On évoque le passé proche et lointain. »

Parmi les légendes religieuses introduites par les demi lettrés, figurent en effet l’histoire d’Adam et  celle de Job dont il circule des récits poétiques dans tous l’Atlas. Ces récits sont véhiculés à la fois par les trouvères chleuhs et les imdyazen amazighs. Il s’agit de sorte de chansons – récits , cantilènes , qui appartiennent au genre poème d’édification traditionnelles, des hadiths dont la matière est tirée des livres sacrés ou des commentaires pieux. Le drame raconte l’histoire d’Adam et d’Eve jusqu’à leur expulsion du paradis et leur chute. Le diable tenta Adam en lui disant :

-  Adam ! T’indiquerais- je l’arbre de l’éternité et un Royaume impérissable ?!

Tous deux, Adam et Eve en mangèrent. Adam désobéit ainsi à son Seigneur et s’égara . Cet égarement atteindra finalement la descendance d’Adam composée des trois religions monothéistes qui, depuis lors, n’ont pas cessé de faire la guerre au lieu de faire la paix. Depuis cette chute originelle l’homme n’a pas cessé de vivre la nostalgie des origines : celle du paradis perdu.

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Chaque année, ils empruntent un itinéraire traditionnel qui leur fait visiter les principales tribus de la montagne : les  hauts alpages d’Azurki où se retrouvent les transhumants  Aït Abdellah , Aït Abbas et  Aït Bouguemmez que nous avons visité mais aussi les Aït Bouilli . Souvent ces groupes portent le nom de leur propre montagne : le Ghat couvert de neige est le mont des Aït Bouilli. L’autre mont enneigé est celui des Aït Bouguemmez et plus loin encore celui des Aït M’gun. C’est parmi ces cimes enneigées que se trouve la zaouia d’Ahançal, sanctuaire du haut Atlas Central par excellence.

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Ighrem, la construction la plus emblématique du haut Atlas Central est destinée à servir à la fois d’abris aux habitants et de grenier fortifié pour les grains et les provisions. Car les transhumants n’emportent dans leur déplacement hivernal que la plus faible partie de leur récolte. Telle est la raison de ces innombrables ighrem que les tribus du Haut Atlas central ont défendu avec opiniâtreté à chaque avance des Français. En Haut Atlas central , ighrem désigne une enceinte carrée , bastionnée, aux ongles des tours basses enserrant une grande tour. Nous avons visité l’ ighrem du douar Bernat qui  appartient au caïd  Mah de la tribu Aït M’hamed . Lorsque la troupe est arrivée au pied d’ighrem , boughanim, s’est mis à vanter les qualités et la générosité du maître des lieux,  le caïd Mah . Et le barde d’ajouter celui de la théière :

Nous sommes arrivés chez le guerrier

Qui a fait son devoir le jour du combat

Comme le jour où les trouvères lui demandent l’hospitalité

Hommage à celui qui nous offre le thé !

Le premier verre écarte les soucis

Et le monde m’apparu autrement.

C’est la théière que je chante

Les verres de cristal, beaux comme un groupe de jeunes

D’où nous viens-tu, ce thé inconnu des cultivateurs ?

Mes avis,il vient du Gharb où le chrétien a fait son apparition.

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Lahcen Aouryl,le boughanim des Aït Bouguemmez nous raconte :

« Cette qasida parle d’un brave homme qui était notre caïd nous autres les Aït Bouguemmez et les Aït M’hamed. C’est lui qui a dit aux colonisateurs :

Il nous faut notre indépendance !Nous avons notre Roi et ceci est notre peuple. Vous êtes arrivés la veste sur les épaules, vous partirez la veste sur les épaules ! Vous n’avez rien apporter, vous n’emporterez rien ! »

Il est rare qu’un berbère renvoie les imdyazen sans rien. A le faire, il risquerait de se voir bafouer dans leurs champs. On en a vu promener par les marchés, une tortue au bout d’un bâton en criant à la foule amusée :

« Voici le beau mouton qu’un tel le généreux a égorgé à notre honneur. »

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Chaque groupe domestique est à la fois cultivateur  et pasteur. Activité agricole et activité pastorale ne sont pas seulement complémentaires : elles sont indissociables. La pratique de l’agriculture est intensive et s’effectue sur des terres privées, tandis que l’élevage des ovins et des caprins est extensif et se pratique sur les parcours collectifs.
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Transhumant du Haut Atlas central :

« Nous autres amazigh, au temps des labours on donne du fourrage à nos troupeaux et au mois de mars , on les emmène paître en montagne. Que ce soit nous les Aït M’hamed ou les Aït Bouguemmez, les gens du Sahara (les Aït Atta), de Warzazate, de Tinghir ; on se retrouve tous aux alpages d’Azurki. Certains plantent des tentes en toile, d’autres en palmier – nain ou vivent sous les huttes de branchage. On reste en haute montagne du mois de mai au mois d’août puis on retourne en plaine avec la saison des pluies. Ceux qui sont très loin de chez eux reviennent en camions, les autres à pied. On commence alors à engraisser le troupeau dans les écuries. »

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Transhumant des environs de kasba Tadla :

« Au mois d’octobre on vient du haut- Atlas pour transhumer ici. On y garde notre troupeau en pâturage pendant tout le printemps et au mois de juin on revient à la maison de haute montagne pour y pratiquer la veine pâture après la moisson. Car, en cette période, le manque d’eau commence à nous poser problème ici. C’est en cela que consiste notre vie ; l’élevage principalement et un peu d’agriculture. Les Berbères pratiquent aussi la transhumance : ils montent en montagne avec leur troupeau aux mois de décembre – janvier et y restent jusqu’aux mois d’août – septembre. Après quoi ils reviennent à leur azib (alpage). Le temps devient alors plus sec et l’herbage se fait plus rare dans les montagnes et les vallées en raison de la neige. ». Après la période des moissons, les troupeaux quittent leurs hauts alpages pour revenir vers la veine pâture de la plaine.

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La stratégie militaire de la colonisation Française consistait à bloquer ce va et vient circulaire entre la montagne et la plaine en empêchant les pasteurs – nomades de descendre en hiver des zones d’alpage vers l’azaghar. Tandis que l’armée Française occupait l’azaghar, les pasteurs – nomades se réfugiaient avec leur troupeau  dans le Haut Atlas. Les moutons moururent par centaine durant le rigoureux hiver 1922 – 1923. Des poèmes d’imdyazen livrent ainsi un aperçu fascinant de ces tribus de haute montagne qui ne seront entamés par l’avance Française que 30 ans plus tard :

S’il ne sait mettre baïonnettes au canon

Affectons-le donc à la garde des moutons

Le Haut – Atlas central, la partie de la montagne de la région d’Azilal , se situe à cheval sur le moyen et haut Atlas. La plus haute altitude est de 4071 m. Le contacte heurté de la plaine et de la montagne constitue ce qu’on appelle le dir ou piedmont. Si les colons ont pu conquérir la plaine de Tadla et y implanter de somptueuses fermes, ce ne fut pas le cas de la montagne où vivent des montagnards passionnément attachés à leur indépendance et à leur terre. Il a fallu aux Français vingt ans d’opérations militaires pour assurer la pacification de l’Atlas Central.

 

Abdelkader MANA

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[i] Boughanim signifie joueur de clarinette double en roseau. ...

23:50 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : musique, haut-atlas | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

22/08/2010

Dédicace à Bouganim Ami

L'ami Bouganim

La tolérance vient d'abord de l'éducation: le fait que nous avons partagé le même banc d'école, les mêmes éducteurs, le même enseignement de l'Arabe et de l'Hébreux avait grandement contribué aux respect mutuel entre juifs et musulmans de Mogador.Paléstiens et Israéliens ne peuvent coéxister pacifiquement en Terre Sainte que  s'ils envoient leurs enfants étudier à la même école maternelle où on apprend l'hébreux aussi bien que l'Arabe , où on apprend à reconnaitre l'humanité de l'autre...De sorte qu'en grandissant on n'oserait plus le haïr et encore moins le tuer...

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Classe de première année de l'école pimaire de l'Alliance israélite de Mogador où étudiaient juifs et musulmans : 1961 - 1962

Je viens de publier sur mon blog une note sur le pays montagneux des Glaoua où il est question d'un saint judéo - berbère du nom de Moulay Ighi qui est situé dans la fraction Glaoua de Tisakht Ighi. Et ce matin je m'apprête à écrire une nouvelle note sur le Haut Atlas central mais j'hésite sur le titre: hier soir déjà je me disais que le titre qui conviendrait le mieux c'est celui du bouffon-musicien qui joue à la double flûte de roseau (aghanim en langue tamazight) qui porte de ce fait le nom de "Boughanim". Et juste avant de dormir j'ai fait le lien entre "Boughanim" et "Bouganim" et je me suis dit que peut-être ce rapprochement sémantique n'est pas le fruit du pur hasard....  Consulté à ce sujet; aujourd'hui; Bouganim Ami me réconforte dans cette hypothèse :

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L'élève Abdelkader Mana; premier en bas à droite

Très cher Albdekader,

J'ai toujours été un homme roseau. Frêle et délicat. Solidement enraciné dans mon terreau et résistant aux vents. Tous les vents. Philosophiques, religieux, poétiques. Je ne ploie pas, je plie. Puis je me redresse, comme le dit un midrash. Quand j'ai quitté Mogador pour Casablanca, je me suis retrouvé au théâtre du parc des jeux. J'étais à la fois prince et… clown. Ca n'a duré que deux ans, c'était assez pour me marquer pour la vie. Prince par-ci, clown par-là. Ne me posant pas en prince sans être pris pour un clown, ne me livrant pas à mes clowneries sans m'attirer des attentions princières. Mes souvenirs de théâtre sont consignés dans un livre intitulé Le Cid qui n'a pas encore paru, mes illuminations de roseau pensant et rieur sont consignées dans un dossier que je reprendrai peut-être un jour et qui s'intitule : "Ainsi parlait Derbala…"

Tu vois que n'es pas loin.

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Entre-temps, je travaille sur mon manifeste poétique de Mogador. Tu es mentionné toutes les cinq pages environ. Sans parler de ton portrait. C'est te dire que je suis un des meilleurs connaisseurs de ton site. Peut-être passerai-je deux ou trois semaines en novembre à Mogador. Pour rencontrer Hussein Miloudi, découvrir l'arrière-pays, prendre des notes pour un roman que j'ai en tête et compléter le manifeste.

Me permets-tu de reprendre cette correspondance dans mon propre blog ?

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Mais bien sûr et avec grand plaisir : à cause de ton frère cadet; Jojo mon copain de classe chez notre maîtresse Benssoussan, j'ai un rapport très mystérieux avec les Bouganim. Disant un rapport fraternelle . Quand tu m'avais conduit à la maison où tu étais né à Mogador ; il s'est trouvé que c'est dans cette même maison que j'ai passé les plus heureuses années de mon enfance...Quand plus tard j'ai pleuré d'émotion en lisant ton récit du Mellah...Maintenant que tout ce que nous aimons n'est plus là-bas, maintenant que nos retrouvailles avec notre villes sont peuplés de déceptions...Maintenant que le passage devant notre école et notre vieux cimetière ne nous fait plus frémire de nostalgie...Maintenant que la ville ne nous appartient plus. Maintenant... Abdelkader Mana

P.S. Ma tante maternelle habitait alors dans la médina d’Essaouira du côté de la Scala de la mer — la maison même où était né Bouganim Ami, l’auteur du « Récit du Mellah », comme il me l’a indiqué lui-même lors de son bref séjour de 1998. Une maison avec patio où la lumière venait d’en haut. Et moi tout petit au deuxième étage regardant le vide à travers des moucharabiehs et répétant la chanson en vogue à la radio :

Cest pour toi que je chante

Ô fille de la médina !

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Comment de la plaine resurgirait Mogador
Comment pourrait-on haïr qui l'on aime?
Je t'aime Mogador, je t'aime!

A l’alliance israélite où j’étudiais, on m’accorda alors de beaux livres pour enfant, que je n’ai pu recevoir à l’estrade, mais que Zagouri, mon institutrice, me fit alors venir chez le pâtissier Driss, où j’ai eu droit et aux Beaux Livres et à un gâteau au chocolat ! Je lui ai menti, en lui disant que je n’ai pas pu assisté à la remise des prix parce que j’étais parti à Chichaoua ! En réalité l’appel de la plage et des vacances étaient plus forts, surtout quand les élèves se mettaient à chanter à la récréation dans la cour :

« Gai gai l’écolier, c’est demain les vacances...

Adieu ma petite maîtresse qui m’a donné le prix

Et quand je suis en classe qui m’a fait tant pleurer !

Passons par la fenêtre cassons tous les carreaux,

Cassons la gueule du maître avec des coups de belgha (babouches)

De cette vieille maison que nous avons en partage Bouganim Ami  écrit  :

" De Mogador, je conserve surtout le souvenir d'une maison lézardée qui menaçait de céder et de s'écrouler. Les marches étaient si vieilles qu'elles craquaient sous nos pieds. Les monter ou les descendre relevaient d'une prouesse acrobatique. L'escalier était si obscur, de jour et de nuit, hanté de gnomes, de démons et de génies qu'on ne savait qui l'on croisait. Les carreaux de la verrière, contre laquelle le vent s'acharnait, ne cessaient de casser et de s'écraser dans la cour. Les balustrades des fenêtres étaient si fragiles qu'il nous était interdit de nous y appuyer. Les portes et les volets ne cessaient de claquer, secouant toute la bâtisse. Les souris et les chats s'introduisaient librement par la porte entrouverte en permanence ; les hirondelles ne se glissaient malencontreusement par la verrière que pour se heurter aux murs en quête d'une introuvable issue de secours. Les mouches, les abeilles et les hannetons voltigeaient tout autour jusqu'à ce que, par distraction, ils échouent dans l'une des nombreuses toiles d'araignées qui dentelaient les coins. Pourtant, c'était le paradis, ça l'est resté, malgré la riche galerie des esprits ou grâce à eux, et à l'occasion du  tournage d'un documentaire sur Mogador, j'ai découvert sans grand étonnement que des promoteurs sagement avisés s'apprêtaient à en faire une maison d'hôte."

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Il y a quelque jours Marta , l'ami Française m'écrivait: "Vous Mana, vous êtes un intellectuel, un cérébral, et un érudit, et avec une ouverture d'esprit peu commune." Je crois savoir aujourd'hui que mon ouverture d'esprit me vient de mon passage par l'école Israélite de Mogador..

Avec la nostalgie d'une humanité pastorale, le souvenir d'une humanité tatouée, la hantise d'une humanité robotisée,comme l'écrit Bouganim par ailleurs , je lui dédierai le texte sur le pastoralisme du Haut Atlas que je suis en train d’écrire et que parcourent depuis toujours les Boughanim au son de leur double clarinette de roseau….Abdelkader Manamoi.JPG

 

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Pratiquement à la même fameuse allée des arocarias, qui borde l'alliance Israélite d'une part et le vieux cimetière musulman d'autre part, à des années lumières d'interval: l'auteur en 1961 et en 2009....

17:34 Écrit par elhajthami dans Mogador, Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poèsie, mogador | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook