07/12/2015
Le Modèle Musical Maghrébin(M.M.M)
Savoir-faire et transmission dans la musique de tradition orale
Constantine, du 23 au 25 novembre 2015
L’auteur de ces lignes était le seul marocain à participer à la sixième éditions du colloque « Anthropologie et musique » qui s’est tenu à Constantine – la capitale culturelle de l’Est algérien- du 23 au 25 novembre 2015.Il traite de la musique dans sa dimension maghrébine, africaine et méditerranéenne. Ces colloques se donnent pour objectif chaque année de faire un état des lieux et de répertorier les musiques, les danses traditionnelles et les instruments de musique dans une région déterminée et de débattre de solutions adéquates pour parer aux impacts de la modernité et de la mondialisation sur des répertoires fragiles car de tradition orale. Le prochain colloque aura lieu en Tunisie et les organisateurs espèrent participer à des colloques semblables au Maroc et en Mauritanie. Nous pouvons commencer ainsi la construction Maghrébine, à partir du patrimoine musical commun .Outre les musicologues et ethnomusicologues algériens, plus d’une vingtaine de nationalités du portour méditérranéen ont participé à la rencontre en plus du chercheur malien qui nous a entretenu des griots africains . Les organisateurs auraient aimé voir davantage de chercheurs marocains participer à de telles rencontre qui traitent de la transversalité du substratum culturel commun. Il était aussi question dans ce colloque de la musique populaire comme source d’inspiration pour la musique savante. On a illustré ce fait par les transcriptions effectuées à Skikda par Bela Bartok au mois de juin 1913, comme le compositeur Hongrois l’explique lui-même : « Pout ma part, j’ai collecté et utilisé comme support aussi bien la musique paysanne hongroise que celle de nos peuples voisins(les Slovaques, les Roumains). J’ai même entrepris, juste avant la guerre, un voyage en Afrique du Nord pour y collecter et étudier la musique paysanne arabe des oasis du Sahara, et je ne me suis pas soustrait à l’influence de cette musique(à laquelle on peut attribuer, par exemple, le troixième mouvement de ma suite pour piano). » . Il y a comme un jeu de muroir de part et d’autre des frontières maroco –algérienne et algéro-tunisienne pour ce qui concerne les similitudes des musiques et des danses, ayant des racines communes du temps des Almohades et d’Ibn khaldoune où ces récentes frontières n’existaient pas encore : la voie terrestre du pèlerinage à la Mecque était durant des siècles, un chemins où les Maghrébins échangeaient, poèmes, musiques, danses et légendes. le pèlerinage par voix terrestre était transversal à tout le Maghreb et emprunté par des figures culturelles et spirituelles qui constituent en quelque sorte le substratum commun à tous les peuples du Maghreb: seul un élargissement de la loupe et du point de vue est en mesure de rendre compte des réalités culturelles Maghrébine comme l'avait si magistralement démontré un Ibn khaldoune en transcendant par ses analyse les nouvelles frontières Maghrébine- qui n'existaient pas à son époque...
Je savais intuitivement que je trouverai la moitié perdue des explications de tous nos chants, danses et légendes de l'autre côté de la frontière! Il fallait se rendre à Constantine pour trouver l'origine égyptienne d’une légende recueillie au bord de la Moulouya chez les transhumants Houara! Et c'est également à Constantine que j'ai appris que ces même Houara que j'ai connu dans le Sous marocain et au bord de la Moulouya, existent à la frontière Algéro-tunisienne, quoique ces trois fractions aux origines communes - le delta du Nil- ne pratiquent actuellement ni la même musique, ni le même chant ni la même danse : au fur et à mesure que leurs ancêtres s'enfonçaient vers l'ouest du Maghreb ; ils ne constituent plus que des îlots arabophones dans un océan berbère. Il a fallu également se rendre à Constantine pour trouver des similitudes entre les femmes Jbala du Maroc et celles de la Kabylie; qui utilisent les échos montagnards pour échanger leurs chants d'une colline à l'autre. Sans oublier que le rite de possession des Gnaoua d'Essaouira trouve son équivalent à Annaba et que Constantine encore une fois a ses adeptes du Cheikh el kamel de Meknès qui jouent au mode musical dit tbaâ hssin de Tunis! Ce pressentiment que pour comprendre les musiques, les chants, les danses et les légendes du Gharb il faut abolir les frontières qui nous séparent , je l'ai senti dés 2002 en me rendent aux fêtes du Mouloud du Hadi Bena Aïssa de Meknès où j'ai rencontrés les charbonniers Miliana d’Algérie qui y dansent en transe avec des tisons de feu : ils m'avaient rappelé le Bossu de Notre-Dame autant que le portier de la géhenne de Dante. Par leur antiquité, ils attestent des relations anciennes entre Miliana et Meknès.
La trouée de Taza qui relie Fès à Tlemcen, a toujours été le lieu de circulation par où a transité l’islamisation, l’arabisation, mais aussi musiques, danses et légendes. Les poussées humaines se sont toujours succédé comme des vagues d’Est en Ouest vers les rivages atlantiques. La région est une voie de passage obligatoire, où depuis 1914, une ligne de chemin de fer, relie Fès à Oujda. On peut voir chaque jour serpenter dans ces étendues steppiques, ce chemin de fer qui , dans la partie orientale de son parcours est située sur l’axe de la grande voie ferrée qui traverse l’Afrique du Nord dans toute sa longueur, de l’Atlantique à Tunis. Guercif n’est que le centre d’échange entre le Tell et les Hauts Plateaux. Son intérêt de lieu d’échange entre Maroc occidental et Maroc oriental prendra davantage d’ampleur avec la construction Maghrébine. Aujourd’hui, on peut déjà commencer la construction maghrébine par les échanges culturels en espérant demain, grâce à la monnaie unique maghrébine, ne plus avoir à échanger le dirham contre le dinar, lorsqu’on atterri à Alger en provenance de Casablanca. C’était déjà le rêve des Etudiants Nord Africains qui ont accédé au pouvoir à l’indépendance ; un rêve qui sera peut-être réalisé un jour par la troisième ou quatrième génération d’après les indépendances maghrébines. Abdelkader Mana
08:06 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique | | del.icio.us | | Digg | Facebook