07/05/2013
Un gamin qui sait parler aux marmottes … !!!
Système éducatif archaïque et système éducatif performant.
Alors qu'à Mogador la petite Dounia est éloignée de la mer si proche, de la Mère eternelle qu'est la NATURE et privée de Liberté, on voit ce petit enfant grâce à l'amour de la Nature et de la Liiberté, réaliser l'incroyable prouesse de communiquer et de se faire accepter par des marmottes!!!
C'est qu'à Essaouira comme dans le reste du Maroc, on vit encore malheureusement au Moyen -Âge en terme d'éducation. Nos éducateurs n'ont pas encore lu l'Emile de J.J.Rousseau: comme dans l'école coranique de jadis, le système éducatif est encore basé sur la punition, la "correction", et non sur l'épanouissement et la liberté. Le principe est la mémorisation par contrainte et non le développement de toutes les facultés de l'enfant dans la liberté et le plaisir du jeu: la tante de Dounia m'a dit hier, qu'à Darna, les enfants sont non seulement enfermés, mais puni: c'est ce qui expliquerait pourquoiu Dounia si joyeuse en liberté est devenu prostré, enfermé sur elle-même, ayant pardu le goût des bonnes choses de la vie et de la parole..Il est certain que si Dounia était née dans le même contexte que cet enfant, elle pourrait devenir Mozrt, Tolstoï, Darwin, Bertrand Russel ou Charlie Chaplin. Mais comme elle est née dans ce contexte marocain sous développé, elle ne pourra malheureusement reproduire que le modèle de sa mère: une pauvre femme frappée de mutisme, incappable de défendre ses droits contre l'arbitraire et la tyranie d'une institution comme "Darna"(notre maison).
Tyranisé dés la prime enfance, le marocain est incappable de prendre des initiatives qui exprime sa créativité et son savoir propre: dés la prime enfance on lui a appris principalement à mémoriser et a avoir peur de la liberté au risque d'être puni d'enfermement comme il arrive en ce moment à la pauvre petite Dounia de Mogador. Eric Fromm explique la naissance du Nazisme et du Hitlérisme par un système éducatif Allemand éxtrêmement sévère et autoritaire, où les enfant sont élevé dans la crainte et le resprect absolu du pater familias. On peut se demander si les système autoritaire qui menace le monde arabo-musulman n'est pas le résultat d'une éducation autoritaire et répréssive qui a donné ce mouvement extrêmiste appelé "Salafiya Jihadiya"?....
depuis que ses parents (des amoureux de la nature) l'ont emmené à Groslocker (Autriche), en plein parc national Hohe Tauern, il y a quatre ans.
La petite famille y retourne 15 jours tous les étés et Matteo retrouve alors ses amies, d'habitude si timides.
Ce sont elles qui vont à sa rencontre et cherchent à attirer son attention.
Matteo les nourrit, leur fait des câlins et joue avec elles
Si vous aimez les animaux ... ils vous le rendront au centuple et sans contrepartie, c'est de l'amour pur !!! Ils ne vous trahiront JAMAIS !
Aimez la nature et elle vous le rendra ... c'est notre futur !!!!!!!!!!
A Mogador, Dounia a eu le malheur de ne pas naître dans un milieu favorable, avec des parents éduqués et amoureux de la nature et de la liberté, comme cet enfant. Elle a eu le malheur de naître dans un système social auto=ritaire où jamais au grand jamais, la moindre réflexion n'a été mené sur le système éducatif et pédagogique qui fonctionne encore sur des canneaux autoritaires comme au Moyen Âge: lorsque Darna se réfère essentiellemnet à la décision de justice pour priver Dounia de son droit à l'épanouissement dans la nature et la liberté, c'est que implicitement cette institution clame en face du monde son attachement à un système éducatif qui remonte au Moyen-âge basé sur le principe "Surveiller et punir", en ignorant totalement les plus récents développement pédagogiques, pédiatriques en matière de psychologie de l'enfance et de ses nouveaux droits..
Ainsi nos enfants privés d'une vie harmonieuses en symbiose avec la nature ne pourront jamais , au grand jamais rivaliser demain avec les enfant des pays nordiques bénéficiant du système éducatif le plius performant qui soit: nous préparons dés maintenent nos enfants à être des débiles mentaux de demain alors qu'il préparent les leurs pour être les nouveaux Mozart, et les nouveau Einstein....
Casablanca, le mardi 7 mai 2013
Abdelkader Mana
12:46 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
26/04/2012
Le conteur de Marrakech
Le conteur de la Koutoubia
Le comédien Mustapha Khalili
Loin des bruits de Jamaâ Lafna, sous la paix et le silence de la Koutoubia, le conteur. Son public l’entour, comme les cils entourent les yeux. Au loin, les palmiers , les montagnes enneigées, le ciel bleu. La plaine lune scintille au milieu du jour. Ba-Miloud peut commencer :
- Quand le Calife du temps embrassa la terre pour la remercier des bienfaits qu’elle prodigue aux hommes, les maudits se taisent ! …Vous vous souvenez de ce passage ?
- Recommence depuis le début lui crie-t-on dans le public.
- Si le mensonge était une preuve, la vérité est plus salutaire…
Une meute de chiens aboie, un âne braie interrompant la narration.
- Voici l’âne, voici les chiens, il ne manque plus que le coq !...
Il y a constamment un va et vient entre le récit du conte et le commentaire de ce qui se passe tout autour.Ici, c’est le muezzin qui interrompt le conte par sa prière.Le conteur, c’est celui qui parcourt une géographie imaginaire, qui relate l’histoire des royaumes disparus, ou qui n’ont jamais existé. Le livre jaune reste un mort parmi les morts, s’il ne trouve pas de conteur professionnel qui peut le ranimer en donnant aux chevaux en cavalcade des sabots d’or :
- Je ne lis pas, j’improvise avec mon propre style.Je dialectise l’arabe classique pour me aire comprendre des illettrés. Ce sont pour la plupart des artisans qui ont laissé leurs ouvrages au marché de la crié avant de me rejoindre. Je n’apprends pas par cœur :la parole est infinie, il n’est pas facile de la parcourir. Jamais huit tomes ne peuvent être racontés par une seule bouche. A moins d’être un Ibn Khaldoun. Chaque soir, je rapporte un épisode d’une légende qui peut durer plusieurs mois :j’exerce comme conteur depuis 1958 . Lorsque tu dis : « Ce conteur est mort », c’est la fin du conte :il en surgit un autre du milieu de la place…
Une autre mémoire se substitue au néant. Cette durée de l’imaginaire n’existe que par la voix du conteur. Le conte est constamment recréé par la communauté de l’espace imaginaire, qui est d’ici et de nul part. La « Sira », c’est le temps à la fois figé et éternel du conte. C’est un voyage suspendu au souffle du conteur, qui transporte les auditeurs en dehors d’ici et d’eux-mêmes. Le conte se situe dans une durée rituelle entre deux prières : La « Sira » de l’étoile polaire et celle de Saladin. Abdelkader Mana
Article paru à Téléplus, n°13, Mars 1991
Repris in Cahiers d’études Maghrébines N° 15, 2001, p143-145, Cologne.
Sur scène le comédien Mustapha Khalili donnant la réplique au dramathurge TAYEB SADDIKI
13:25 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poèsie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
15/02/2012
D'or et de sang
Moubarak Erraji et Abdelkader Mana, Essaouira, le mardi 14 février 2012
Chaînes (salasil)
Quelle expédition sanglante
A traversé la chaînette d’or,
Pour parvenir jusqu’à ton cou, ô ma belle ? !
Ce collier d’or a pour ombre
Des squelettes enchaînés quelque part
Ton cou est une feuille épanouie du livre de la nature
Ton cou est plus précieux pour être un simple accoudoir
Pour les accessoires de la mort
Dans un cimetière inconnu
Débarrasses-toi de cette fourrure d’ours également
Ne vois-tu pas son sang dégouliner sur tes chaussures ?
Quelle faute a commit ce pauvre écureuil
Pour devenir une simple écharpe sur tes épaules ?
Imagines-le en ce moment-même
Faisant sa cour à sa bien aimée
Au sommet des montagnes ?
Ton manteau de cuire, ton sac , tes chaussures,tes gans
Combien j’appréhende de te dénuder complètement
Même si cela est une exigence esthétique de la beauté,
D’une peinture, d’une sculpture, d’un poème.
Du frémissement d’une vie libre
O ma belle, je ne veux pas du sang laissé par tes pas
Mais seulement de celui qui émane d’un cœur amoureux
Epris de toi jusqu’aux limites de la folie….
Poème de Moubarak Erraji, traduit de l'arabe par Abdelkader Mana
14:06 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poèsie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le peintre et le poète
Peintures de Hamza Fakir et poème de Moubarak Erraji
Plus qu’un pinceau (aktar min fourchât)
Premier pinceau
Il tombe de la main de l’artiste
Et refuse la théorie classique de l’art
Deuxième pinceau
Brûle son blaireau, aime la couleur du feu
Et n’obéit à son artiste, que lorsqu’il s’assoit au cratère du volcan
Dont l’imaginaire, tel un panache, s’élève très haut
Et qui n’allume sa pipe qu’aux allumettes
Prises aux étagères du soleil…
Troisième pinceau
Douteux, il ne cesse d’évoquer
Les dix preuves de celui qui doute de tout
Il est à la recherche du magma primordial
Et non de son simple reflet
Quatrième pinceau
Aime peindre les femmes nues
Et se fond dans la toile
Comme la brûlure d’amour dans le corps
Cinquième pinceau
C’est celui déposé au fond d’un verre d’eau
Se lavant des futures peintures
Qui ne sont pas encore posé sur la toile
Sixième pinceau
C’est la main de l’artiste sans pinceau
Septième pinceau
C’est l’âme de l’artiste sans pinceau
Alors que l’artiste s’endort,
Le pinceau recueille ses rêves
Sur le point de tomber sur une rose
Du haut de sa fenêtre
Il recueille ses rêves
Qui virevoltent dans l’atmosphère de sa chambre
Pour les raconter le lendemain
Aux frissons de sa main…
Moubarak Erraji
13:34 Écrit par elhajthami dans Arts, Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : arts, poèsie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
12/02/2012
J’ai choisi l’errance
Raja Mohamed aux premiers escarpements du Haut - Atlas Occidental
Comme on disait jadis « Pline l’ancien », elle s’appelle Tihihite taqdimt(l’ancienne) . Elle réside en ce haut lieu du pays Haha qu’est Aït Daoud. Raja Mohamed, en parfait berbérophone m’a aidé à traduire son poème sur l’errance où elle répond à l’injonction de ce clerc qui lui interdit la musique et le chant, comme au temps des Almohades ! Elle y exprime sa révolte contre des traditions pesantes qui acculent la femme rurale aux travaux pénibles des champs et à la seule fonction de reproduction. Elle s’insurge contre l’asservissement dépourvu de tendresse et surtout contre l’humiliation faite à la femme de vivre sous le même toit que les autres co-épouse d’un mari polygame:
J’implore les miens de ne pas trop m’en vouloir
Les affres d’amour ont brisé mes os
J’implore l’indulgence des miens
Pour qu’ils ne pensent pas à mal ce que j’ai à vous dire..
Il y a maintenant des fous de Dieu qui vous disent :
« Il ne t’est pas permis de diffuser tes chants parmi les hommes ! »
J’ai choisi l’errance et la liberté
Puisque je n’ai pas trouvé le mari
Qui me couvrirait du voile de sa tendresse et de son foyer
Pour y trouver enfin repos et réconfort
Peu m’importe si je serai amener à y moudre les enclos d’épines !
Quand je m’endors, mon cœur s’embrase
Et quand je me réveille, je deviens folle
J’allume alors la lampe à l’huile
Et je me remets à pleurer en me disant :
« Il ne te convient pas de pleurer,
Mais si tu restes là où tu es, tu en deviendrais malade ! »
Dieu m’est témoins, que mes intentions sont pures en revenant au pays !
Je laboure, je moissonne, je colmate les brèches sur les terrasses
Je participe au ramassage du bois, au rinçage du linge au bord de l’oued
Je sue de tous mes pores, sans jamais me plaindre de mes peines.
Si un jour je me marie pour devenir une mère porteuse
Je serais incapable de supporter les contrariétés des co-épouses
Il m’est préférable d’errer avec joie, sur cette terre
Loin des soucis qui oppressent...
J’ai maintenant autre chose à faire
Rien ne peut plus me retenir :
Ni temps, ni argent, ni maison, ni terre
J’ai choisi l'errance et la liberté, puisque tôt ou tard la terre finira par nous avaler
Sur la route d'Aït Daoud, le célèbre souk du miel de thym et de romarin
Raja a proposé de me conduire tôt ce vendredi 10 février 2012 au souk hebdomadaire d’Aït Daoud, pour tenter de rencontrer quelqu'un qui puisse nous introduire auprès de Tihihite taqdimt. Mais une fois sur place on nous a appris qu’elle vit actuellement à Aït Melloul dans la banlieue d’Agadir : comme la plupart des chansonniers du pays Haha elle est ainsi attiré par Agadir qui constitue depuis de nombreuses années déjà, le cerveau musical du pays berbère..
Aux abords d'Aït Daoud des barbelés interdisent désormais le pacage dans l'arganeraie destinée à l'industrie cosmétique en lien avec l'huile d'argan commercialisée ces dernières années à l'international...
De nombreuses vallées demeurent inaccessibles : pour se rendre au souk, les habitants laissent leurs bêtes de somme au bord de la route la plus proche pour prendre ensuite le taxi à l'aller comme au retour: Raja me fait remarquer qu'on aurait pu accorder la priorité à ces routes rurales qui désenclavent le pays profond, au lieu d'investir des sommes colossales pour le future TGV. Il y a en effet, des endroits au Maroc où les gens continuent de vivre encore dans "les cent ans de solitude" de.Garcia Marquez ...Et on ne doit la survie des ânes et autres mulets de ces parages qu'à ce retard dans le programme des routes qui devaient normalement désenclaver ce monde rural, même si le peu de routes qui existent déjà demeurent désertent et on y circule encore quasiment tout seul comme ce fut le cas en Angleterre du temps de Dickens à la fin du XIXème siècle....
Dans cette économie montagnarde, peu monaitarisée et qui confine au troc, tout doit être soigneusement pesé: la moindre marchandise a ici une valeur d'usage et donc une valeur d'échange...
Pour faire leur marché ces montagnards viennent vendre leurs poulets de ferme et leurs oeufs beldi à un dirham trente la pièce...
Comme la plupart des montagnards nous avons acheté deux paires d'oeufs que nous avons fait faire frire à l'huile d'argane chez le cafetier rustique du coin: rien de tel pour réchauffer le corps en ces temps de frimas qu'une bonne et chaude galette de seigle trompée dans cette omelette accompagnée d'un bon thé à l'absinthe (chiba)...
Que vend-on encore pour faire son marché? Des pépins d'argan, des amandes récoltées l'été dernier, des olives...
Pour acquérir de la monnaie nécessaire à tout échange, le paysan vient vendre au marchand de menues quantités d'olives, de menues quantités d'amandes, de menues quantités de pépins d'argane...
Dans cette économie parcimonieuse d'autosubsistance montagnarde, il existe pourtant quelques "grossistes" qui se distinguent par leurs entrepots de marchandises...
Ici s'échangent le sel et les céréales de la plaine d'avec les dattes du désert et les noix de la haute montagne..
Les montagnards viennent surtout ici pour s'approvisionner en fruits et légumes
Le navet est particulièrement prisé en cette période de grand froid du fait qu'il a la réputation d'être "un aliment chaud" dans toute la montagne berbère...
Les fruits et légumes viennent tout particulièrement de la plaine de Sous et des Houara
Les légumes de Sous
Les agrumes des Houara
Artisanat rural, bric à brac et pacotille
De quoi se compose le panier du ménager rural? Car il n'y a pas de ménagère à vrai dire: la femme vient rarement faire le marché à ce souk des hommes.Il existe pourtant un souk des femmes dans le Sous.Mais dans les deux cas la mixité est bannie dans ces sociétés berbères puritaines et conservatrices...
Dans cette société pré-capitaliste où les structures tribales restent prégnantes: on prend le temps de vivre, de discuter de tout et de rien, car le temps n'est pas encore cette denrée rare, cet l'étalon à travers lequel on évalue toute marchandise...
Le temps de flâner sans raison apparente...
Le temps de peser le pour et le contre avant d'effectuer le moindre achat...
Le temps d'acheter de l'encens pour apaiser les esprits qui hantent les seuils et les foyers.
Ustenciles pour puiser de l'eau, rincer le linge..
Ferronnerie et poterie
Tagines et braseros
Clés, haches et soufflets
Charges d'âne ou chouari, tressé en palmes de palmiers-nain ou en plastique
Le palmier nain(doum) pousse avec abondance sur ces montagnes et favorise ainsi la vannerie
Recyclage de fourre tout à vendre...
Rien ne se perd: on réutilise les boutons d'un costume détruit, les braguettes d'un pantalon déchiré, et on se sert des vieux pneux pour confectionner des sandales(boumentel) capable de résister aux pentes les plus abruptes et aux terrains les plus accidentés...
Gros plan sur Boumentel , les sandalles les plus prisées par les montagnards...
Marchand de portables périmés
L'âne, l'inséparable campagnon..
Reportage photographique d'Abdelkader Mana
11:58 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poèsie, haha, haut-atlas | | del.icio.us | | Digg | Facebook
12/10/2011
L’être et le néant
En hommage à Mustapha Salamat qui vient de nous quitter
Au milieu Mustapha Salamat décédé ce lundi 3 octobre 2011
L’amour qui est un beau prétexte pour venir au monde
ne le serait-il pas pour le quitter ?
Poème de Moubarek Erraji,
Et brusquement, j’interpelle mon corps, (mon moi)…
Pouvons - nous oublier notre petite expérience d'ici-bas ?
J’ai maintes fois retourné la question,
Des amertumes, des futilités et de l’absurdité de la vie
De ses rêves, de ses femmes et de ses blessures d’amour
J’ai maintes fois parcouru les continents
Semelles ensanglantées, l’azure me filant d’entre les doigts
Et brusquement, j’interpelle mon corps, (mon moi)…
Pouvons - nous oublier notre petite expérience d'ici-bas ?
Allons-nous ajouter à la poussière une autre triste poignée de sable ?
Que feront de nous les massons ?
Ecouterons - nous siffler le sinistre hululement au dessus de nos crânes ?
Le vent nous dispersera avant même notre métamorphose et notre disparition
Allons –nous demander au vent de nous déposer là
Pour que nous puissions à nouveau marcher
Boire notre dernière tasse de café
Caresser la chevelure d'une femme qui passait par là
S’enivrer de ses idées sur l’amour, voir par la lucarne de ses rêves
La tête enveloppé de la nuit et du vent
Comment pouvons-nous lui chuchoter la langue des langues
Lui insufler notre alliage enflammé ?...
Allons-nous ajouter à la terre, une autre triste poignée de sable
D’où surgirait cet arbre où ne s’arrêterait aucun oiseau migrateur
Dans sa folle course à travers les continents?
Un arbre juste né pour les flammes…
Abdellah Oulamine
Comment ô mon corps as-tu poussé ton premier cri de vie
Après l’improbable fécondation spermatozoïdale
Alors que mon père était dans les nus
Et que ma mère emportait les tempêtes d’une main à l’autre ?
D’une flèche d’amour la vie a surgi
D’une cellule l’autre,d’un fourmillement de nerfs, l’autre
Tandis que mon père et ma mère ont fermé leurs yeux
J’ai ouvert les miens au fond des entrailles
Abdellah Oulamine
Comment, ô mon corps nous sommes parvenus
A toucher leur rêve fuyant comme la nuit touche aux étoiles ?
Nous étions incapable d’expliquer tout cela à notre merveilleuse mère
Même s’il nous arrivait de sonner le glas de l’univers
A l’intérieur même de ses entrailles
Et il arrivait que notre mère attribue toute cette agitation
Aux rêves vibrants, aux signes obscures
Annonciateurs de notre désir de naître prématurément
Pour jouer aux bulles de savons
En papotant de joie dans un bain de mousse
Comment avec le cri primordial
Nous sommes parvenus à jeter nos souvenirs en dehors de son utérus ?
Nous nous souvenons de rien.
Abdellah Oulamine
Y - aurait- il en l’air un principe d’oubli ou une goutte d’eau issue du fleuve de Platon ?
Y – aurait – il face à chaque syllabe que nous apprenons, une autre qui n’aurait pas lieu d’être ?
Es – ce le premier exile de l’être ?
Es – ce en naissant, nous mourrons en même temps ?
En cette nuit mon père était nuageux
Tandis que ma mère transportait les tempêtes d’une main à l’autre
D’un fourmillement de nerfs à l’autre
De l’arc d’un œil amoureux, ils ont décoché la première flèche de vie
L’amour qui est un beau prétexte pour venir ne le serait-il pas pour partir ?
Parmi toutes ces improbables fécondations spermatozoïdales
Comment ô mon corps as-tu pu surgir à la vie?
Le sperme infécond nous demande :
- Vos pas étaient – ils prêts pour l’éclair ? Nous sommes revenus au néant parce que nous avons compris l’inutilité de la compétition.
- Sperme, première gouttelette du genre humain, es – ce que le désespoir ne vous a pas encore saisi ?
- Parfois le désespoir nous atteint quand le cri de vie se métamorphose en cri des morts. Il arrive que le cheikh Al Maârra Al Naâman , se transforme en minaret d’ascèse. Quand les autres, sur cette terre, ne veulent pas comprendre que l’amour qui est une raison suffisante pour venir pourquoi ne le serait-il pas pour partir ?
Il n’est pas aisé ô mon corps, que le soleil à travers son signe lumineux dise à l’univers :
- Vous êtes plus beaux que les anges parce qu'ils n’ont pas expérimenté la douleur. Vos pas sont plus beaux que mes rayons .Alors que vous êtes tous jeunes,vos questions, m’incitent à vous attirer vers moi, s’il n’y avait toutes ces éternelles chaînes d’or qui me retiennent là haut, s’il n’y avait cet empressement de la nuit à succéder à mes jours.L’amour est une raison merveilleuse pour venir et pourquoi ne le serait-il pas pour partir ? Là où la délectation de l’inconnu ne reconnaît qu’elle-même et ne s’avoue que pour les questionnements brûlants et éternels
Traduit de l’arabe par Abdelkader Mana
12:43 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poèsie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Florilège
Florilège poétique de Moubarak Erraji
L'apocalypse d'après Roman Lazarev
L’épître des anges
Dans son épître des anges, al-maârri, fait s’asseoir la mort au cercle de ses disciples et l’interroge ainsi au sujet de la langue :
- Connais-tu , l’étymologie de ton propre nom ô ange de la mort ?
- Non.
- Prends alors une plume de tes ailes et écris..
Or combien est difficile de s’envoler vers les cîmes quand vient à manquer à nos ailes, ne serais-ce qu’une plume. Et combien est difficile d’atteindre les sommets éthérés où réside l’âme d’al-maârri quand vient à manquer à nos ailes ne serait-ce qu’une plume ! Ange de la mort ! Quel moment solennel que celui que tu vis maintenant en présence d’al-maârri ! N’alourdis pas de chaînes ses frêles épaules, si ton désir est de l’accompagner aux stratosphères où ses yeux d’aveugle se sont accoutumés aux lumières éclatantess.
L’ancre trempée au frisson de la mort
Ciel étrange de Roman Lazaev
Est – ce un linceul noir que cette page qui m’attire vers des abysses insondables ?
Vers des berceaux indécis et sans fond ?
Est-ce le balbutiement d’un nouveau-né conçu par de multiples utérus ?
Est-ce le déferlement de mots en chute libre au milieu de la nuit étoilée ?
Que dirons – nous à chaque vertige à l’ancre trempée au frisson de la mort ?
Attendrons-nous l’expiration des saisons des deuils
et des baisés fatals des araignées amoureuses
ou la brûlure sadique du soleil des profondeurs ?
Montes et joue là-haut ; là où toutes les directions ne mènent nulle part
Rejoins l’espace d’amour où se déploie la lettre « Alif »
Montes et joue là-haut ; là où toutes les directions ne mènent nulle part
Ne reviens qu’une fois tes pieds calleux soient trempées aux pierres et dans la boue
Je te veux ardent faisant pleuvoir de tes propres mains la nuit étoilée
Montes et joue là-haut ; là où toutes les directions ne mènent nulle part
Rejoins l’espace d’amour où se déploie la lettre « Alif »
Là où se déploie le questionnement d’une bande d’enfants
Ivres d’amphores de vin des tempêtes,
là où le vent rejettera ta lassitude au milieu de la nuit
Tu mourras le jour où tu n’imagineras plus
Tu t’effriteras et tu te décomposera le jour où tu auras trahi le poème
Tu ne feras plus partie des éléments ardents et de leur flamme
La caresse de la mort profonde te privera à jamais de l’érotisation vitale
Et à l’émerveillement succédera le ronronnement des répétitions routinières
La non – dualité
Ouverture des cieux la nuit du destin, Roman Lazarev
De l’erreur et de la certitude,
Que fera l’enfant ?
Le vent répond avec éclat :
Un serf volant.
Bouquet
J’ai vu la vie dans tes yeux cueillir la mort
Avec l’élégance d’un ciseau de jardinier
Qui vivait auparavant aux jardins de l’Eden et de la géhenne
J’ai vu la vie dans tes yeux cueillir la mort
En dixième fleur du bouquet que tu porte
J’ai écouté ton corps gémir de beauté
Sur un lit en air
Une femme
Peinture Roman Lazarev
La terre ferme entière, je la présume en ton poids d’éther
En tes doigts à la beauté éternelle trempés dans l’océan
Traduit de l’arabe par Abdelkader Mana
12:43 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poèsie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
30/09/2011
Arrivages au port
11:55 Écrit par elhajthami dans Poésie, Reportage photographique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poèsie, photographie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
27/09/2011
Littoral
"L'été indien de Mogador"et ses oiseaux migrateurs
Fou de Bassan juvénile
Photographié ce mois de septembre 2011 sur la plage d'Iftan au sud d'Essaouira, ce jeune Fou de Bassan se nourrit de poissons tels que le maquereau, le hareng ou le calmar comme le cormoran, mais son mode de pêche est différent: il vole d'une manière stationnaire trés haut dans le ciel avant de fondre sur sa proie comme une flèche en plongeant droit au fond de la mer. Comme la plupart des oiseaux migrateurs de ces rivages, il vient de très loin plus précisemment d'Europe du Nord...Sa dénomination latine, dont dérive son nom français, signifie "fou de Bass", île située à proximité des côtes orientales de l'Écosse, qui en abrite une colonie particulièrement abondante. Cet excellent plongeur qui se nourrit de petits poissons et céphalopodes ;vit principalement dans l'Atlantique Nord en plus de la Bretagne et le Canada. C'est le plus gros des oiseaux de mer d'Europe.
Fou de Bassan adulte
Brun foncé la première année, il se métamorphose progressivement en oiseau aux plumages clairs, sur la tête d'abord puis sur le dos, le ventre, et la partie de l'aile située entre le poignet et le corps, jusqu'à acquérir leur plumage d'adulte au bout de cinq ans, avec une envergure allant jusqu'à 1,80m. Cet oiseau marin d'envergure à l'évolution lente,évoque à la fois l'albatros de Baudelaire et le corbeau étrange et beau d'Edgar Alan Poe qui répond invariablement au visiteur nocturne "Jamais plus!".Le jeune et sombre Fou de Bassan est ici une métaphore du Fou de Layla ou d'Elsa" d'Aragon, c'est selon....
O hôte d'Allah ! Soit le bienvenue
Avance sans voiles au pays des ardeurs inassouvis !
Pourquoi tiens - tu une arme à la main ?
N'aie pas peur, répond au salut de la paix.
Le poète s'adresse ainsi à sa bien aimée qui vient lui rendre visite la nuit déguisée en garçonnet. Ce poème rappelle étrangement « l'hôte » du Cheikh Jilali Mtired dont Al Andaloussi était le disciple. Dans les deux cas, il s'agit d'un bien aimé qui vient frapper la nuit à la porte du poète, non pour le soustraire à sa retraite studieuse, mais plutôt pour répondre à ses secrets désirs.
On découvre avec stupéfaction dans la qasida du Cheikh Jilali Mtired, qui a servi de modèle, d'étranges similitudes avec le poème du corbeau d'Edgar Alan Poe. Dans les deux cas, il s'agit de la visite fantastique de l'esprit de la maîtresse disparue qui vient frapper la nuit à la porte de son amant et auquel l'étrange oiseau répond invariablement "Jamais plus!".Dans sa qasida sur la tempête de mer qui emporte le fou d'amour, on reconnait nettement l'influence de la littérature arabe classique dont le fameux « fou de Leila » qui a servi de modèle pour le prince des poètes arabes Ahmed Chawki en Orient et qui aurait inspiré par la suite en Occident « le fou d'Elsa » de Louis Aragon. Cheikh Jilali, humble marchand de légumes à Marrakech au XIXème siècle se montre ici, un précurseur :
Ô toi qui t'engage dans la tempête d'amour !
Reviens avant que ses vents mugissants ne t'emportent !
Et que son tumulte ne t'engloutisse
Sous ses abîmes de brouillard et son déluge,
De houles, de tonnerres et d'éclaires !
L'amour est un océan sans fin à l'abîme insondable
Aucun amoureux n'a pu un jour le conquérir !
Combien de corsaires y ont fait naufrage !
Ni mâts, ni voiles, n'ont pu les sauver !
Avant lui Qays, le pitoyable s'y est déjà aventuré
Mais loin des siens, il n'a connu, hélas que l' errance,
Au milieu des haillons et des bêtes sauvages....
Le vent alizé soufle violemment tout le long du mois d'août mais quand arrivent les mois de septembre et d'octobre ces rivages connaissent un climat très doux connu sous le nom d"été indien d'Essaouira" qu'apprécient particulièrement les oiseaux migrateurs: Aigrette neigeuse, héron cendré, flamand rose font leur apparition dans ces parages....
Images du randonneur - photographe Abdelmajid Mana
Poésie de Moubarak Erraji traduite de l'arabe par Abdelkader Mana
Avec un peu de "gachti", un peu de provision, le marin a quitté l'épouse endormie pour réveiller l'âme de la mer
Marin
Voyez ce marin jeter la lumière de son âme
Appât enflammé au bout de l’hameçon
Pêchant le reflet de la lune dans l’eau
Transperçant d’une aiguille de lumière
Son capuchon de paille
Le marin n’a pas emporté de provisions avec lui
A part une croûte tachetée de sang
Une besace pleine de vent
Et un rêve au bord des sourcils de l’univers
Qu’il a vu demain…
Elle se tient dans toute sa splendeur sur son rocher marin où j'ai vu le vent admirer la toile qu'il avait peint il y a mille ans
Bhay Bah
Filet de pêche
Malgré ses innombrables yeux
Le filet n’a aucune chance
La mer, il lui suffit l’œil du poète et de la lune
Eux seuls sont issus de cette flamme
Venue d’une galaxie lointaine
Rien ne me sépare de la mer
Des poissons des vagues à mon âme
Et de mon âme à leurs vagues
Ceci est ma schizophrénie bleue
En dehors des cahiers de la psychologie
Comme l’atteste la blessure qui écume
Entre marais haute et marais basse
Protestation de l'oeil du poisson qui a connu les profondeurs
Contre la terre ferme où il se meurt
Ses yeux disent: "Plate est la surface de la terre."
Revoilà l'océan
Après les marais houleuses
Tel un bébé fermant les yeux
Dans un berceau bleu
L'île de Mogador où nichent les faucons d'Eléonore
L’Éléonore
Sur l’île de Mogador
Le pur Éléonore
A oublié le salut secret au vent
Moi qui ne suis né
Que pour me donner en entier à la mer
Par un envoi de vagues
Je lui enverrai mon cœur
Empaqueté dans une coquille
Laissant derrière moi
Mon mirage offrir une poignée de sable
A la terre ferme
Une poussière de mes ancêtres
Cette lignée carbonisée
Sur laquelle les semelles impriment leurs chiffres
Et le vent ses pas invisibles
Avant que l’océan ne les mêle à son sable
D’écume pour l’éternité
Qui prétend que j’avais pleuré par ici ?
Qui détermine le sel de mes yeux dans la mer ?
Mon corps est une eau qui file entre les mailles du filet
Et non entre les salines et les épices à cuire
Le croissant de lune est ma raison amoureuse
Il est le poème qui attire la mer
La transformant en marée montante
Plus maigre et plus petit qu’une aile de poisson
La mer est un doux volcan
D’une pureté profonde
Que les lampes nocturnes
Des étrangers qui partagent ses vagues
Chandelles pour cette nuit
Ce matin l’océan est un amoureux
Au bord des larmes
Prêt à donner son âme
Pour une corde brisée
D’un violoniste fou
Qui monte les voiles d’un bateau égaré
Le corps nu sous le vent et sous la pluie
Ces bécasseaux courent à tout allure en bordure de mer pour attraper des insectes aquatiques: ils se nourissent aussi des petits molusques dissimulés sous le sable à la lisière où viennent mourir les vagues
Comme du temps des caravanes de Tombouctou, des chameaux sur ces rivages
Cap Sim au loin : après Sidi Kawki on abouti aux cascades
Les cascades sont également connues par Sidi M'barek
Le vent est si virulent dans ces parages que les arbre s'en trouvet décoiffés
Le vent à Mogador
Est un violon que je porte sur mes épaules
Poussé vers un vide stellaire et infini
Racines mises à nue par la violence du vent
A Mogador, le vent et la mer
Sont nés au même moment
Dans un cocon de sable
Depuis la poésie de l’univers
Depuis que la pluie a dévoilé
Les signes et les symboles des nuages
Et l’écriture des poèmes de l’oubli
Sur ses sourcils endormis
Sur nos ombres légères comme la vie
A Mogador, le vent et la mer
Sont nés au même moment
Dans un cocon de sable
Plein de pierres précieuses
De blessures primordiales
Secrètement, ils ont brisé les œufs
Sur les toitures des maisons et des phares
Secrètement, ils ont remis leurs ailes aux mouettes
En leur plantant dans les hauteurs des plumages virvoltants
Sperme bleu d’une généalogie marine
Issue du vent
Secrètement ils nous ont fait sangloter
D’isolement lointains
Aux ongles des questionnements et des poèmes.
AGHBALOU
Les rivages au - delà de Cap Sim
Manuscrit d'une vague
Entre une vague et une autre, point de ligne abstraite: Juste des écumes enportées par le vent avec des bulles d'où se jette le regard de créatures que j'ai vu dans un rêve à venir
Petite marais
De mon corps - marin, mes lèvres s'offrent aux mouettes
Un mot bleu pour la coquille de l'âme
Un mot doré pour le soleil
Blanc pour le sable
Mais pas un mot
Au crabe
à l'intérieur
de son couillage
Après les cascades de Sidi M'barek on abouti à la falaise d'où se détache un rocher sur lequel vit une colonie de cormorans
Le rocher sur lequel vit la colonie de cormorans
De quelles résonnances
S'extasie le chant de syrène
Au plus profond de la mer ?
Cette colonie de cormorans vit en permanence sur ce rocher
Les plantes qu'on découvre plus au sud du côté d'Iftan
Iftan - Sidi Ahmed Sayeh
Au fond d'un coquillage
Le grand océan
a passé la nuit entière
à l'écoute des voix - visionnaires
d'un rêve qui nage
Fou de Bassan juvénile photographié ce mois de septembre 2011 sur la plage d'Iftan au sud d'Essaouira
Issu de l'âme
d'un marin mort de noyade
Le ploncton nourrit la flamme éclairante
De la chandelle de mer
Port d'Iftan
T A F E L N E Y
Tafelney, la baie encaissée comme une citerne(d'où son nom de "Tafedna" toponyme qui signifie "citerne" en berbère) est le haut lieu de rencontre des oiseaux migrateurs au mois de septembre
En langeant la côte au sud d'Essaouira on découvre des oiseaux marins et des oiseaux migrateurs parfois très rares et qui viennent de très loin
Une aigrette neigeuse?
Cette aigrette neigeuse se nourrit des bancs de petits poissons au grè des vaguelettes
Héron cendré
Héron cendré sur fond d' échopes des pêcheurs de Tafelney
Héron cendré et aigrette neigeuse se nourrissant de petits poissons et d'insectes aquatiques
Bécasseau à échasse qui préfère chasser dans les rochers marins
Aylala
Aylala, la mouette féconde
Après cent et une caresse du vent
Après cent et un battement du coeur
Elle pondra au dessus de cette hutte,
Un foeutus pour les vagues qui bruissent au loin
Combien j'aurai aimé
Me chamailler avec lui
Si je n'avais pas peur
De suscitet la jalousie des rêves
Qui montent du grognement
D'un chat sur mes genoux...
Jour de lumière à Essaouira
Après la tempête des derniers jours de février 2010, l'éclaircie de ce lundi 1er mars : jour de lumière à Essaouira. Au sortir de l'aube je me dis : ce jour est différent, c'est le premier jour de lumière transparente, translucide qui mettra en valeur le blanc et le bleu d'Essaouira. Ni ciel, ni mer, un seul bleu éclat de lumière. Et puis les mouettes, encore et toujours. Elles occupent maintenant le cœur même de la médina. Se chamaillant pour une bouchée de pain endurcie maintenant que la tempête des derniers jours a empêché les arrivages au port et forcé les bateaux bleus à rester à sec sur les quais du port. Elles n'ont plus peur de l'homme, elles sont partout, cependant que se lève le soleil à l'Est des îles purpuraires.
Première prise de vue : la porte du lion : en ce jour qui point, par delà l'horizon le soleil se profile derrière le rideau des branchages d'araucarias. Cet arbre venu d'Amérique Latine s'est tellement bien acclimaté au ville côtière du Maroc qu'il donne l'impression de faire partie du paysage depuis toujours.Je regarde ma montre, il est 7h.17. et je me rends compte qu'on est déjà au premier jour de mars : les tempêtes de février sont déjà loin derrière nous. Je note la lumière du soleil levant sur les crêtes des vaguelettes, les vieilles pierres ocres du port, l'île reverdissante au loin, le flamboiement des minarets et des araucarias se dressant au ciel comme autant de lances de chevaliers Donquichottesques en marche. L'aube et ses humeurs. L'aube et ses lumières. Oui, aujourd'hui, la lumière sera bonne et le ciel serein.
Les photos récentes et en couleurs sont les miennes et celles de mon frère Abdelmajid Mana, rondonneur impénitent à la recherche de ces racines à Essaouira et son arrière pays.C'est le lundi 1er mars 2010 où j'ai vraiment découvert ma vocation de photographe. Plus qu'une question de technique, la photographie est d'abord une affaire de "feeling" et de présence: il fallait être là au bon moment..
La Tour de feu et du vent
Les hippis s'abritaient du vent à Borj el Baroud (peinture Roman Lazarev)
Je note la lumière du soleil levant sur les crêtes des vaguelettes, les vieilles pierres ocres du port, l'île reverdissante au loin, le flamboiement des minarets et des araucarias se dressant au ciel comme autant de lances de chevaliers Donquichottesques en marche.
Petite par son espace, grande par son temps mouvant,Essaouira se prête au regard poétique
Plus je m'approche de Borj El Baroud, cette tour de feu, plus elle prend les allures d'une œuvre d'art sculptée par les vagues et les vents. Elle n'a plus la forme de la tour de guet qu'elle avait au début du siècle dernier avec ses créneaux et ses arcades. Elle semble s'effondrer sur elle-même au milieu des dunes de sable.Elle est maintenant à l'embouchure de l'oued ksob, le lieu de rencontre privilégié de nué d'oiseau après avoir été le lieu des rencontres amoureuses au temps des hippies. En en faisant le tour brusquement deux bétyles phéniciens se dressèrent devant mon objectif ! Une découverte ! Une révélation toute fraîche concernant un lieu visité et revisité depuis mon enfance ! Je n'aurais probablement jamais remarqué une si évidente parenté avec les bétyles phéniciennes de l'île d'en face. C'est la prise de vue qui orienta ainsi mon regard, ma perception et mon analyse. La photographie comme outil de recherche...La lumière de l'aube, c'et aussi la lumière sur le passé phénicien d'Essaouira.Je garde le meilleur pour la fin: ma découverte des bétyles phéniciennes d'Essaouira. Comme disait Hegel: "Au début toutes les vaches sont noires, ce n'est qu'à la fin que l'oiseau de minerve se lève." Ce n'est qu'à la fin que l'éclaircie permet à la lumière d'éclater.
Hamza Fakir n’a que 21 ans et sa peinture a la fraîcheur même de son âge. Son discours porte la marque des rêves qui bourgeonnent à l’équinoxe du printemps : " Un soir, du haut du promontoire d’Azelf, j’ai vu Essaouira illuminée, entourée de noir. Elle semblait flotter dans l’air, nager dans l’eau. Depuis lors je n’ai pas cessé de représenter sa population dans un espace plein. Mes rêves sont toujours limités, à ce petit monde d’Essaouira. L’idée du tableau me vient parfois au début du sommeil. Je commence à imaginer des visages et des formes. Il y a des moments, où je sens vraiment que ma tête va éclater, alors je me réveille et j’essaie d’esquisser un premier croquis. Ça peut demander des heures de travail et de fatigue. Mas juste après, je me sens soulagé, et l’envie de dormir me revient. Quand le matin arrive, je vais sur la plage, et j’essaie de bien développer cette idée conçue dans le rêve du demi-sommeil. Je vais dans mon coin préféré ; un abri en haut des ruines de « la tour du feu.C’est là que je développe mes esquisses, surtout quand il y a beaucoup de vent. J’ai déjà essayé mais je ne pourrais pas travailler ailleurs. Seul, ce lieu hanté par l’histoire et l’esprit du passé, m’inspire. J’y dialogue avec la mer et les pierres anciennes. Comme par le passé, de temps en temps des caravanes venues d’ailleurs, laissant des empreintes de chameaux que rapidement le ressac efface.
La « tour de feu » et la solitude m’inspirent. Delà, j’ai une superbe vue sur la plage immense ; au loin je vois des vaches et je pense à la Corne de l’Afrique, ce bout du monde. Les vaches sont toujours là, le matin, calmes sur le sable. Ce qui est bizarre avec ces vaches, c’est qu’elles viennent soit du sacré village de Diabet, soit de Ghazoua. Elles viennent de bon heure, sans berger, car elles connaissent les chemins de la forêt, qui débouchent sur la mer. En regardant les mouettes et les goélands, dont l’envol m’inspire…
Quand tu t’assois le matin au bord de la rivière, tu vois des oiseaux superbes. Surtout les faucons qui volent vers l’île. C’est surtout le ballet aérien des étourneaux sur l’île et sur la ville, qui m’inspire les formes flottantes de certains de mes tableaux. Une fumée emportée par le vent. Pourquoi les piranhas ?
Parce que tu vois dans la rivière, surtout quand il y a du vent, de jolis poissons, qui sautent en pleine liberté. Ils sont très contents de leur milieu aquatique, limpide et calme. Je les représente sous des formes d’algues, avec des nageoires multicolores et surtout de grosses dents. Si tu les vois avec ces grosses dents, tu diras qu’ils sont méchants, mais c’est tout à fait le contraire, les grosses dents représentent leur sourire : un sourire qui n’est pas tronqué, un vrai sourire du cœur. Je vais sur la plage et j’essaie d’imaginer ce monde.
Quand je me promène seul, dans les ruelles d’Essaouira, le regard ébloui par ses petites fenêtres bleues, et ses murs blancs, je scrute surtout les visages, que j’imagine par la suite à ma façon. Je vois que derrière le voile du sourire, il y a beaucoup de problèmes. Un sourire de masque. C’est surtout cette souffrance derrière le masque que je peins par un cri. Le masque est leur vrai visage. Je représente toujours la souffrance des gens, avec des visages grimaçants. Ce n’est pas de beaux visages, car j’adore beaucoup les films d’épouvante, où les visages font peur.J’ai peints un grand masque sur fond gris.C’est le grand esprit qui n’est pas heureux. Il domine la femme qu’il possède. Sa tête est un volcan, et c’est ma tête aussi. Il est beau, non ? Il crie jusqu’à ce que les larmes jaillissent de ses yeux, dont on voit les vaisseaux bleus qui jaillissent comme l’éclair au milieu du ciel. C’est un masque vivant. Quand les Gnaoua dansent, ils portent aussi leur masque rituel sous la forme d’écharpes multicolores. Avec cet anneau au pied, cet errant qui voyage à pied le sac sur le dos, et ce chameau, j’essaie de faire voir les caravanes qui passaient à Essaouira.
Mais je ne peux pas toujours expliquer mes tableaux, sauf quand je me réveille le matin, que je mets mes mains dans ma poche, et que je marche très longtemps sur la plage. Ce jour-là, je me raconte ma peinture, pendant des heures et des heures. C’est seulement à ces moments d’extase, où la parole vous tient à cœur autant que les images, que j’arrive vraiment à m’expliquer mes propres tableaux. Mais ce sont des moments où les paroles sont adressées au soleil et au vent et non pas aux humains.
Poussant des cris joyeux un couple de hérons se pourchassent, tantôt s’élevant lentement tantôt piquant vers le bas. Une oie sauvage étend ses ailes noires pour accueillir le soleil matinal. La nature semble d’une beauté fragile, éternelle, irréelle.
Les ailes du vent
A chaque jour suffit sa peine.
Le vendredi 12 mars 2010, je devais envoyer le manuscrit de la nouvelle version de mon livre sur les Regraga aux éditions MARSAM, mais étant fatigué, je me suis assoupi en écoutant Chopin. En fin d'après midi je m'asseois sur un banc non loin du port. La lumière n'est pas extraordinaire ce jour là, mais brusquement je m'aperçois d'une intense activité des goélands du côté des poissonniers. Je décide alors de prendre quelques images, avec la certitude que certaines seraient assez extraordinaires. A mon retour à la Kasbah, je rencontre mon ami le poète Moubarak Erraji attablé à la terrasse d'un café non loin de la pâtisserie Driss. Il va bientôt publier un recueil de poèmes dédié à son fils, intitulé « Berceuse pour Adam ». Il faut signaler que notre ami a déjà été consacré par le prestigieux prix Al Bayati qui consacre les jeunes poètes du monde arabe. Moubarak Erraji a reçu ce prix à Damas en 1998, pour son recueil "contre la terre ferme".
Je lui montre les images que je viens de prendre au port, des goélands portés par le vent. Il me dit : " Avec les ailes de l'une d'entre elles, entremêlées au ciel et au vent, l'image donne l'impression de formes surréalistes."
Moubarak Erraji était en train de lire des Haïku Japonais. Je note au hasard celui-ci :
Silence
Le chant des cigales
Pénètre les rocs
Des Haïku, Moubarak Erraji, en produit lui-même, mais en arabe, avec une sensibilité particulière. Il me cite celui-ci, sur la mer, le vent et les oiseaux de ces rivages :
Après la marée haute
La mer s'est apaisée
Comme un nourrisson fermant ses yeux
Dans un berceau bleu
Et puis encore celui-ci :
Entre une vague et une autre
La non-ligne abstraite de l'écume
Sa mousse portée aux quatre vents
Et ses bulles d'où se penchent les milles yeux des créatures
Que j'ai vu jadis dans un rêve à venir
Et pour finir le jeune poète me recommande de conclure par celui-ci :
Les mouettes sont des vagues qui prennent leur envol
Et les vagues, des mouettes qui grondent
Quand on brise une vague
Une aile vous pénètre profondément
Et quand on brise une aile
Une vague vous pénètre profondément
Ecoutez les trois mouettes briser leurs oeufs
Comme si la mer surgissait du sable pour la première fois
Avec comme notes musicales : l'éclosion d'œufs de mouettes
Un peu plus tard, la lumière a complètement changé, je décide de prendre cette dernière image à la tombée du jour et d'intituler cette note: "Les ailes du vent". Dimanche 14 mars 2010, vers la mi-journée, la mer avait une couleur vert-bleu qui m'attire et qui me plaît : elle donne aux vols des goélands une allure plus majestueuse et plus poétique encore
Le soir, je montre les dessins géométriques et floraux, ces "marqueteries" qui restent de notre père et que je viens de publier dans ma note"les marqueteurs d'Essaouira" . Il trouve les pièces belles et rares, en ajoutant que les Marocains sont actuellement en dehors de leur mémoire, "hors-mémoire", comme on dit "hors-zone", mais il viendra un jour où ils seront obligés de s'occuper de leur patrimoine. En faisant part de cette réflexion de mon frère Majid.à mon ami le poète Moubarak Erraji, celui-ci me rétorque alors:
- Celui qui est sans mémoire, se situe à la marge froide de l'avenir. Nous aurions aimé avoir une continuité dans le souffle de la mémoire de ton père, les autres oeuvres de sa vie, et pas seulement ces vestiges de "touriq" (marqueterie), ainsi que des autres artisanats de la ville. Malheureusement, il y a des trous dans cette mémoire de la ville et de ses hommes.
On s'est retrouvé au même lieu, mais pas au même temps. Nous étions tous les deux égarés, dans l'incertitude des temps qui courent. Ni moi, ni lui, nous ne savons de quoi demain sera fait. On ne veut ni faire sourire la carte postale, ni la faire pleurer, mais nous rêvons de jours meilleurs pour cette ville...Il n'y a pas seulement les différents moments de la journée où le visage de la ville change : c'est chaque minute que les envolées elliptiques des goélands prennent une nouvelle coloration : ce vert-turquoise d'aujourd'hui que j'aime beaucoup..
Je me lève pour commander mon café et voilà qu'à l'autre bout de la terrasse; j'aperçois mon ami David Bouhaddana, assis coude à coude avec le Palestinien Saâd Abou Tammam, originaire de la ville de Safad (à côté de Thébiriade), sur le mont Canaân:
- Mais c'est un très ancien nom que ce Canaân? lui dis-je
- C'est le nom des premiers habitants de la Palestine : ce sont les Canaânéens qui ont reçu Abraham et le peuple juif lors de leur exode d'Egypte, d'où il fuyaient Pharaon...
Saâd Abou Tammam a connu l'histoire d'un autre exode : celui du peuple Palestinien en 1948. Il s'est réfugié alors avec sa famille en Syrie et vit actuellement en Suèd. David Bouhadana qui est né à Essaouira, vit pour sa part depuis de nombreuses années à Marseille. Saâd lui dit:
- Je n'ai absolument rien contre toi, en tant que juif marocain.Nous avons nos extrémistes et ils ont les leurs, mais nous sommes tous les deux pour la tolérance, la cohabitation et la paix.
- Formidable message de paix que tu viens de noter ce soir mon cher Mana! s'écrie David Bouhadana en serrant très affectueusement la main de Saâd Abou Tammam le palestinien.
L'un vit en Suèd , l'autre à Marseille et c'est l'honneur d'Essaouira, ville de la cohabitation et de la tolérance de les réunir fraternellement et humainement ainsi par delà le bien et le mal, par delà les religions et les nationalismes : l'humanité souffrante, l'humanité aimante les a réunie.
Aylal et Aylala
Nous avons retrouvé chez Ghorba, le vieux cordonnier disparu, qui pendant le Ramadan du haut des minarets enchantait la ville, par les airs séraphiques de son hautbois, seul instrument de musique admis, à l’exclusion de tous les autres, considérés comme étant diaboliques en ce temps d’abstinence, un manuscrit légué par Saddiq, poète de la ville, ayant vécu au XIXèmesiècle : de la liasse poussièrouse de manuscrits, on a dégagé, tel un talisman, un poème dédié à « Aylal et Aylala » (goéland et mouette).
Ce poème est le seul à être sauvegardé de lakhazna perdue de Ghorba. Le terme khazna désigne le trésor de manuscrits contenant les qasida de malhûn, que les connaisseurs consevent jalousement au fond d’un coffre. Ghora le cordonnier d’Essaouira, le hautboïste virtuose, l’adepte des Hamadcha, qui a perdu un œil lors d’une compétition chantée du rzoun de l’achoura, était l’un des principaux khazzan(conservateurs) des qasidas du genre malhûn. Il refusait d’en transmettre le contenu à ceux qui enquêtaient au début des années 1980 sur les paroles oubliées d’Essaouira, jusqu’au jour où après sa mort, sa vétuste boutique de cordonnier s’effondra engloutissant à jamais sous les décombre, tout le trésor poétique qu’il conservait si jalousement.
Que raconte le poète à travers cette qasida-talisman, d’« Aylal » et d’« Aylala » ? La légende d’un couple de mouettes ayant niché au dessus de la terrasse où vivait le poète de ces îles purpuraires où n’existaient que le sable et le vent. Ils finirent par focaliser son attention d’autant plus que goélands et mouettes étaient nombreux à s’élever en nuées successives au dessus de sa tête :
Tout commença avec un couple de mouettes
Qui s’en vint bâtir son nid au dessus de ma terrasse
Leurs robes blanchâtres scintillaient tels les sommets enneigés
Et le burnous gris du bien – aimé virevoltait dans les cieux
Fascination de tout ce qui est cloué au sol pour tout ce qui vole
Un jour le mâle s’est envolé pour ne plus revenir
Vint alors un chaton menaçant qui se hissa vers le nid
Restée seule que peut faire la mouette au milieu des tempêtes ?!
Qu’elle s’envole ou qu’elle demeure, ses petits seront la proie du félin,
Ses jacassements emplissent alors les fortifications du port
Des centaines d’oiseaux survolèrent l’éplorée
Le félin disparu, le vent tomba, et mon âme s’apaisa
C’est ce qui arrive à celle qui a vendu sa ceinture d’or
Permettant à l’inconnu de dérober ce qu’elle a de plus précieux
Elle a beau lancé des appels de détresse, personne n’y répond
C’est un poète – conteur qui composa cette qasida sur la mouette
Comme il en aurait composé sur l’abeille ou la flamme effilochée
Interroge – toi plutôt sur le sens des symboles
Prends une lampe et va déchiffrer à ton tour les symboles de la vie
Ne fais aucune confiance au temps, Ô toi qui comprend !
Il fait d’une hutte un château
Et d’un palais une ruines ensablées dans la baie !
Pour ce poète comme pour le magicien de la terre qu’était Boujamaâ Lakhdar, les représentations de la nature – salamandre, gazelle, mouette, abeille, etc.- sont souvent des symboles anthropomorphiques dont il faut déceler le sens au-delà des apparences. Une mouette n’est pas une mouette, elle est pour l’artiste peintre le symbole même de la ville. Le dernier tableau peint par Boujamaâ Lakhdar, avant sa disparition en 1989, représentait une mouette fantastique portant sur ses ailes les signes et les symboles magiques de la ville.Essaouira reste une « veuve déchue qui se souvient de sa gloire », me disait mon père.
Goéland cendré et faucon d'Eléonore
Le citoyen Broussonet est le premier vice-consul français à Mogador Ce fut seulement en 1798, qu’il partit de Montpellier pour rejoindre son poste à Mogador : « je serais au comble de mes vœux , écrit-il si je pouvais être envoyé à Mogador ; c’est le lieu de passage des oiseaux qui viennent d’Europe, et la quantité de volaille qu’on y trouve est réellement prodigieuse. »En y arrivant il découvre « d’immenses argans, dont on recueillait alors les fruits » ainsi que le thuia, dont on tire la résine de sardanaque ; « le thuia sandaraque ; le gommier, arbre important du genre de mimosa, dont on tire une gomme qui est un des objets du commerce du pays, que les arabes emploient en onguent dans les maladies cutanées ; un stapélia, leur sert d’aliment et grand nombre d’autres végétaux rares et inconnus. »
Autour de l’île, les eaux sont si poissonneuses qu’on y pêche avec les algues, par nuit sombre, comme au clair de lune. Sans cesse un vent impitoyable balaie tout sur son passage. Quand souffle le vent du nord, il faut pêcher sur l’îlot de « firaoune », mais quand souffle le vent du Sud, il faut aller jusqu’à la grande île. Les goélands y forment une véritable voie lactée aux milliers d’ailes qui vibrent avec douceur, comme des prières bercées par les vagues.
Le faucon Eléonore niche ici du mois d’avril au mois d’octobre, loin des bruits et des fauves, au sommet des montagnes...L’hiver, les étourneaux , ces oiseaux solaires qu’on appelle zerzour, forment un immense « boa volant », qui orne le ciel et se confond avec lui. Calligraphie céleste, noria tournoyante au crépuscule. Ces oiseaux sont les gardiens de l’île, ou peut être la réincarnation des âmes qui la hantent encore.
A Essaouira, à l’embouchure de l’oued ksob et sur les parois des îles pupuraires Afalkay, le faucon d’Éléonore vient nicher du mois d’avril au mois d’octobre;On trouve des faucons sauvages dans les Doukkala mais c’est surtout en allant vers le Sud, à partir de Safi qu’on les trouve en abondance. Déjà, il y a cinq siècles, Diégo de Torres signalait les monts clairs, c'est-à-dire le Haut Atlas comme un pays où on trouvait des faucons réputés.
Les Doukkala distinguent deux espèces de faucons : le Bahri et le Nabli. Quand ils ont jeunes, ils se ressemblent tous les deux. Le Nabli devient plus grand et plus beau. Ses yeux sont grands et noirs et sa poitrine devient avec l’âge toute tigrée. Le Bahri chasse de la Ânsra, le 24 juin, jusqu’à mars. Et le Nabli d’octobre à la Ânsra. Le reste du temps, on les tient à l’attache. Aucun d’eux ne chasse la grosse outarde, ou l’Ahbara.
La chasse est un sport à l’honneur chez les Doukkala. Ils ont poussé assez loin, l’art de dresser les oiseaux, et c’est chez les Doukkala que se trouvent les plus célèbres fauconniers du Maroc. « la chasse au faucon rajeunit » disent les adeptes, en raison du plaisir intense qu’elle donne. En même temps qu’elle pousse au maximum toutes les facultés locomotives. Les fauconniers , ou Biaza au Maroc, forment une sorte de corporation placée sous le patronage de Sidi Ali Ben Qacem. Ce saint homme vivait à Marrakech où il mourut. Son sanctuaire se trouve actuellement derrière laKoutoubia. Les fauconniers qui prétendent aujourd’hui descendre du saint s’appellent , en son souvenir, Qouacem.
A l’époque de la domination portugaise les faucons figuraient au nombre des redevances féodales des petites villes berbères comme Agouz. De même lorsque les espagnoles traitaient avec les rois de Tlemcen ; ils obligeaient ceux – ci à leur livrer annuellement un nombre déterminé de ces oiseaux.Cette descendance maraboutique des fauconniers, leur organisation en une corporation d’ailleurs aristocratique et religieuse, peuvent sans doute être considéré comme des vestiges d’une époque antique à laquelle le faucon avait un caractère sacré.
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Sculpture des vagues et du vent
08:11 Écrit par elhajthami dans Poésie, Reportage photographique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : poèsie, photographie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
30/05/2011
Cap Sim
Les sept vagues de l’aube
Essaouira, le 9 août 2003
J’ai marché, marché à n’en pas finir, depuis la baie immense et lumineuse d’Essaouira, jusqu’au-delà du cap Sim, sans rencontrer âme qui vive, hormis quelques tourterelles perchés aux branchages squelettiques et desséchés des mimosas. Car les dunes de sable sont d’une brûlure insupportables. J’arrive enfin à la crique où finit le cap Sim et où commence la baie sauvage et préhistorique de Kawki. C’est à ce moment-là — après m’être baigné dans l’océan glacial d’un bleu turquoise – qu’au bruissement des vagues, et sous le soleil zénithal, j’ai enfin le déclic salvateur : je proposerai à la revue française Immédiatement un article sur la jeune poésie du zajal dans le Sud marocain. Le cap Sim et le Zajal. Béni soit le cap Sim pour m’avoir fait une telle offrande de poésie.
La mer
Je ne l’ai pas trouvée là où elle posait ses mains
Où est partie la mer ce matin ?
Était-ce un poète qui serait passé par là ?
La mouette
Il n’a pas trouvé sur quoi écrire son désarroi
Était-ce un poète qui serait passé par là ?
De deux coquillages,
Une pierre de sagesse me parvient
En se roulant vers moi
Était-ce un poète qui serait passé par là ?
Il se demandait le long du fleuve :
Était-ce
Un poète
Qui serait
Passé
Par
Là
?
Je me suis rendu au cap Sim, puis à Kawki. Cela fait un trajet de vingt-cinq kilomètres à pied par une côte sauvage et magnifique. Bien entendu, je pense très fort à mon père décédé le 14 décembre 2002, qui est à l’origine de mon projet d’écriture : sauver de la ruine, les fragiles empreintes de ceux que nous aimons, c’est ne pas les perdre totalement. Et voilà, qu’à mi-parcours, je tombe sur un coquillage rare dans les parages, et pas n’importe lequel : une nacre . C’est le type même de ces coquillages avec lesquels mon père décorait les tables d’arar (thuya) durant toute sa vie de labeurs, de sueurs et de prières. Chez les Argonautes du Pacifique occidental aussi, la circulation des coquillages souleva (blanc) et mwali (rouge) signifie, d’une certaine manière, le retour de la mémoire des morts. Pour quiconque, une telle rencontre nacrée est simple coïncidence, pour moi, c’est l’esprit toujours vivant de mon père, qui m’envoie ainsi ce message cosmique pour apaiser ma désolation et ma solitude.
OUI, « l’instant est une coquille de nacre close ; quand les vagues l’auront jeté sur la grève de l’éternité, ses valves s’ouvriront. » Shoshtari
Un peu plus loin, au milieu du cap Sim, je découvre une plante médicinale du nom vernaculaire d’ajebbardou, que deux jours auparavant, ma mère m’avait réclamée : on malaxe cette plante charnue avec de l’huile d’olive et l’on s’en enduit le corps pour se débarrasser des mauvais esprits — les esprits du vent qu’on nomme ariah — ou on la met sous l’oreiller d’enfants souffrant de cauchemars. Ma mère souffrait d’hallucinations dues à une tumeur au cerveau et elle en a besoin pour cette raison.
Les deux messages cosmiques signifient aussi que mes racines profondes se trouvent dans ces lumineux rivages et que, partout ailleurs, je pourrais peut-être gagner plus d’argent mais serais toujours comme une nacre hors de l’eau, une plante hors de sa terre nourricière.
Essaouira, le 10 août 2003
Face au crépuscule et au hadir (grondement de mer) mon ami Raji me fait de vive voix le récit de ses poèmes dont celui dédié à ces marins que les femmes attendent au rivage et qui ne reviennent jamais :
Chaque vague est un ancien pêcheur
Mort de noyade
La vague peut-elle se noyer en elle-même ?
La mer est plus longue qu’une canne de pêcheur
Ce n’est pas moi qui le dis
Ce sont les fuites d’eau au travers des mailles du filet.
Métaphore des espèces en voie de disparition en ces parages — algues, poissons, arbres, hommes, culture — la grande coupe de forêt à laquelle procèdent des bûcherons aux environs du cap Sim : des mimosas et des eucalyptus qui ne fleuriront plus cette année. Les bûcherons brûlent tout, sauf ce genre de thuya, qui pousse aux abords de l’océan, parce que contrairement au thuya de l’Atlas, dont se servait mon père en tant que marqueteur, il ne repousse jamais après la coupe.
Se faufiler au milieu des chèvres qui ruminent parmi les arganiers, voilà en quoi consiste la volupté sauvage du lieu. Mais pour combien de temps encore ce sanctuaire incarnera-t-il les rêves — poètes de notre farouche adolescence ? Déjà des gîtes d’étapes y sont aménagés, des dunes y sont labourées par des cohortes de touristes à motos, à chevaux et à faux méharis de cirque.
Entre les racines du cœur et l’esprit de la terre
L’arbre déteste la hache
Et le visage du bûcher
Il préfère le serpent multicolore
Qui glisse comme le désir sur sa peau
Brûlure du midi au cap Sim, fraîcheur des algues à la lisière des eaux douces et des eaux salées, envol d’oiseaux de mer au gré des alizés esprit de la terre qui nous rattache aux morts, à nos morts ; brûlure des interrogations, déracinement des hommes.
Lundi 18 août 2003
Journée lumineuse. Abondants arrivages au port. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, Essaouira est port méditerranéen sur l’Atlantique. Non seulement en raison de son histoire ancienne de port-relais entre les caravanes de Tombouctou et les caravelles de la lointaine Europe, mais aussi en raison des mutations en cours : tout ce que compte la médina de beaux riads est désormais entre les mains de résidents venus de l’autre rive et de l’autre vent. Le pouvoir brutal et imperceptible de l’argent.
Un sentiment de dépossession semble s’être emparé des natifs de la ville vendue au plus offrant. Ils se sentent marginalisés, expulsés de leur propre ville. Hors jeux. Même la culture — ou plutôt ce qui en tient lieu, en termes de communication version marketing y est désormais animée d’une manière extravertie. Le fait d’être un Ould Blad (enfant du pays), ne vous donne aucune légitimité pour bénéficier des substantielles prébendes du sponsorat que génèrent des festivals forcément internationaux. Au contraire. Tout ce qui dans le local ne peut pas rimer avec le global est exclu. Ainsi les Gnaoua riment avec les musiques du monde, par rapport à ces gens de l’ombre que sont devenus les Hamadcha, les Aïssaoua et autres musiques de l’extase. La reconnaissance de la culture locale est désormais tributaire de la mode et de l’esthétique dominante au niveau mondial. Tout ce qui n’est pas moderne dans le local est destiné au Musée de l’ethnographie, lui-même relégué aux oubliettes de l’histoire depuis 1989. Développement local sans la participation des locaux. C’est cela aussi, la mondialisation.
« On a vendu les clés de la ville », disait mon père.
On a vendu la ville tout court et ô suprême dérision, au nom de la sauvegarde même de la ville ! Le tiers des maisons de la médina est désormais aux mains d’Allemands, de Bretons, d’Italiens, de Danois, d’Anglais, d’Américains. Il y a même une Zimbabwéenne blanche, toujours élégante, par-delà les âges.
Et la vente aux enchères continue ! Ici, les gens sont pauvres, m’explique un courtier de la ville, lorsqu’ils entendent cent millions de centimes, ils cèdent immédiatement leur maison. Des quartiers entiers sont maintenant occupés majoritairement par des Européens. Bientôt, il va falloir un visa aux Marocains pour accéder à la médina…
Pour le moment notre vieille maison n’est pas à vendre. Par le passé, elle appartenait au négociant Touf El Âzz, l’un des actionnaires du bateau à voile Le Prophète qui reliait Essaouira à Marseille.
Avec la bataille dite d’Isly, qui préfigurait au Maroc la pénétration capitaliste et coloniale, les habitants ont pu retrouver après l’accalmie leurs maisons et leur culture. Avec la mondialisation, les nouvelles règles du jeu édictées par l’OMC et l’argent - roi – tout est à vendre l’ethnopeinture des artistes « singuliers » comme les plus belles filles de la ville, les habitants risquent de ne plus retrouver ni leurs maisons, ni leur culture. Quand les écarts de niveau de vie confinent à la provocation, comment les échanges « psychologiques » peuvent-ils être équilibrés entre l’autochtone et l’allogène ? Des Souiris de souche disent qu’ils sont reçus avec moins d’égards que les résidents européens par les autorités de tutelle. Vraie ou fausse, une telle perception est la traduction d’un climat qui rappelle une urbanité de type colonial.
Morts sont les gens du Rzoun, cette compétition chantée, ce charivari carnavalesque, qui opposait jadis, à chaque nouvel an, les deux clans de la ville : les Béni Antar, ces gens de la mer et de l’Ouest, aux Chebanates, ces nomades du désert, du feu et de la terre. Avec la disparition du Rzoun, c’est un peu des repères de la ville qui se perdent :
Permettez-moi donc d’avouer
Les soucis qui m’oppressent
Et si je meurs, que personne ne me pleure
Mais quel est votre chef ô Chebanate ?
Osman à la tête bossue
Et à la bedaine serrée d’une cordelette ?
Et qui est votre chef Ô Béni Antar ?
Ali Warsas traînant au port son chien
Éternellement sur son âne ?
Le modèle culturel urbain est menacé de disparition, en tant que corporation d’artisans, en tant que confréries religieuses, en tant que communautés de voisinage et de sentiments.
Devant le chalet de la plage, une sculpture de Miloudi à la signification sans équivoque : « Main basse sur la ville ». Le patron du chalet de la plage n’en revient pas des spéculations en cours :
" Les Européens arrivent ici avec un petit capital, achètent une maison, la transforment en restaurant, et la revendent quelques années plus tard à dix fois son prix. Et dire qu’ils sont venus « investir » !.
De démographiquement majoritaires, les habitants de la ville sont devenus psychologiquement et politiquement minoritaires. Il est d’ailleurs significatif que Dar Souiri ait été en même temps le siège du Centre culturel français, en attendant qu’il soit transféré à la vieille demeure où l’explorateur Charles de Foucauld fut reçu en 1884 par un orchestre andalou animé par des musiciens juifs et musulmans, dont le chantre mogadorien David Iflah… À Essaouira, les pouvoirs — à commencer par celui du Makhzen — sont toujours venus d’ailleurs.
Partout s’installent des bazaristes venus du Grand Sud. Dans une ville-bazar. Il n’y a plus d’artisans incrustant la nacre dans les essences de l’Atlas. Les artisans meurent, émigrent ou noient leur chagrin dans le vin.
Je passe devant l’atelier de mon père : fermé.
Celui d’Amseguine, le maître des rebouteux, également.
Celui de Ba Antar avec ses tables d’arar aux dessins géométriques et floraux complexes, aussi.
Les grands maîtres de l’artisanat local morts, ne reste plus qu’un immense bazar. Les Rifains en nouveaux seigneurs du port, les Sahariens pour les bazars, et les Européens pour les riads, voilà la nouvelle configuration du peuplement d’une ville où il faut être désormais du tourisme ou ne pas être.
De « carrefour culturel », Essaouira n’est plus qu’une station balnéaire, où la plage – le convivial taghart de notre enfance, jadis dédié aux compétitions sportives entre quartiers est désormais vendue aux résidents d’hôtels de luxes et quadrillée de policiers, à moto, à cheval et à pied, et le soir venu, violemment éclairé par de puissants projecteurs : surveiller et punir… Il est loin le temps où les femmes venaient se débarrasser du mauvais sort, aux sept vagues de l’aube, le temps où des devineresses berbères prédisent l’avenir en écoutant des térébratules fossiles, le temps où l’on n’osait pas s’approcher des vagues les nuits obscures, de peur d’être frappé par les déesses de la mer. Bref, il est loin le temps des ensorcellements et des mystères. Voici venu le village planétaire des marchandises… et des rencontres virtuelles des solitudes.
Seul le mellah, le quartier juif, taudifié et en partie effondré, échappe encore à cette balnéarisation mondialisée, parce que trop exposé aux embruns. Mais guère pour longtemps… Au mellah un flot de touristes est invité par un guide à visiter une vieille maison juive sur laquelle est écrit :
« Cette maison est à vendre : porte ouverte à l’acheteur ». C’est au pied de cette même maison témoin d’une période révolue qu’un jour, vers le coup de seize heures, alors que je m’amusais avec les enfants de Papes qui possédait le bain maure du même nom, où en 1949 Orson Welles avait tourné des scènes d’Othello que par un cri déchirant, j’avais découvert pour la première fois la séparation et la mort… La juive qu’on voyait toujours avec son mari au balcon, avait brusquement surgi à sa fenêtre, éplorée, se frappant la poitrine : elle venait de perdre pour toujours le compagnon de sa vie, et pour nous, le voisin d’une autre vie, d’une autre ville… Le mellah est maintenant mémoire béante ouverte sur le ciel et le vent, en attendant son improbable sauvegarde par l’UNESCO.
Le Mardi 19août 2003
Ni ciel, ni mer, un seul bleu éclat de lumière. Au fond de la baie, un pêcheur retire son filet vide de l’océan et de l’azur. De mon oncle paternel – Da Omar le coléreux poissonnier adepte de la confrérie disparue des Aïssaoua, mort une aube des années soixante-dix, il se souvient encore. Cela me rassure, que notre nom ne soit pas totalement éteint, puisque la baie s’en souvient toujours. Le vieux pêcheur fournissait mon oncle en captures d’une baie jadis poissonneuse :
- Au lieu-dit « Ma Lahlou » (eau douce, là où une source jaillit à la lisière des vagues, où se désaltèrent les récolteurs d’algues), je pouvais prendre dans mes filets, jusqu’à soixante-dix kilos d’ombrines et de loups. L’ombrine ne coûtait qu’un demi -dirham le kilo, et guère plus de trois pour le loup. La sargala (la bonite) qui a disparu des parages, on la jetait aux chats.
Sous la roue de sa bicyclette jetée à même le sable, gît l’unique capture du jour : une pauvre serelle. Où sont passés les poissons ?
- En vingt-quatre heures, je n’ai rien pêché. Mais celui qui a trouvé sa gana – terme utilisé par les artisans locaux dans le sens de « disposition d’esprit propice à la création » - en travaillant avec la mer, ne peut plus travailler avec les hommes.
Au moment de nous quitter, il m’offrit la serelle :
- Tu trouveras plus loin de quoi la griller.
Je lui offre pour ma part une grappe de raisin. Cette année, les raisins sont certes aussi sucrés et charnus que d’habitude, mais leur taille est anormalement petite. La sécheresse en est la cause, mais aussi les rejets chimiques du complexe phosphatier de Safi, qui auraient affecté les oliveraies de la plaine atlantique et les fonds marins. Un ânier nous offre le feu :
- Ne me remerciez pas, ne sommes-nous pas enfants de la même ville ?
- Nous sommes la ville elle-même, lui rétorque Raji. Nous sommes son sourire amer quand elle se dénude face au miroir. La ville, c’est du ciment mêlé au secret.
- Quel secret ?
- La peur du silence au fond de la nuit. Mon ombre et ton ombre effacées.
La mer gronde sous le vent et déjà l’homme à l’âne n’est plus que mirage au fil des dunes.
« Le monde est tout ce qui arrive », disait Watsenstein.
Et ce qui nous arrive en ce moment est d’être là, face à nous-même et à ce fantomatique cormoran étalant ses ailes noires sur les rochers à la lisière des vagues :
- L’ombre s’efface, constate Raji. Mon ombre et ton ombre effacées. Nous ne sommes que des fantômes invisibles.
Lieu de communication et d’écriture, karkora, le tas de pierres sacrées que la mer couvre et recouvre au gré des marais et des saisons. Parole de récolteur d’algues :
- Il faut récolter une grosse quantité d’algues, pour avoir une galette d’orge.
Et pour retrouver la paix de l’âme, le violon bleu cherchera en vain la femme, pour jouer sur sa poitrine la musique des flux et des reflux des nouvelles lunes…Une musique douloureuse, sur la trace de ceux que nous avons aimés et que nous n’avons jamais retrouvés. La mer et l’amour ont l’amer en partage, m’écrit Falk. Et c’est le légendaire aède berbère qui le dit :
De tous ceux qui sont passés
Hélas, tu te souviens,
Tu connaîtras que la vie n’est rien qu’un chemin…
Au port, le patron du restaurant Coquillages un ami d’enfance me promet une sortie en mer, avec un sardinier ou un chalutier, le vendredi ou le samedi prochain. Un Raïs rifain me recommande vivement le chalutier Azzam II (quelque chose comme « le deuxième souffle »), d’une part, parce qu’il parcourt plus de milles qu’un sardinier, et d’autre part, parce qu’on y mène une véritable vie sociale à bord. Une ultime raison me décide : le chalutier lève les amarres à l’aube.
Le vendredi 22 août 2003
Aux affaires maritimes, on ne voit pas d’inconvénient à ce que je sorte en mer avec le navire de mon choix, à condition qu’on m’enrôle sur la liste d’un équipage…
- Quatre heures du matin largua d’ici éclate de rire Abahhû croisé à la porte de la marine, qu’on encensait jadis pour apaiser les esprits de la mer. Dans le subconscient maghrébin, la mer est toujours synonyme de mort.
- C’est quoi « largua » ?
- Larguer les amarres en espagnol.
- Te souviens-tu de sargala ?
- Nous l’appelions « poisson juif », parce qu’il était très apprécié au repas du shabbat. Les Français l’appellent « bonite », je crois.
- Ça fait des lustres que ce sargala a disparu ?
- On le retrouve plus qu’aux rivages du Sahara, du côté de la Mauritanie. Une espèce en voie de disparition au même titre que d’autres poissons migrateurs.
Raji s’enthousiasme pour mes projets d’écriture en haute mer :
Le poisson ne se lave pas le visage le matin,
La mer est son visage lavé.
Depuis ce blanc sel, depuis ce bleu éternel…
Avant que les portes de la ville ne se ferment le soir, une femme grimpait au sommet du vieux figuier pour scruter à l’horizon l’improbable retour du bien aimé, mort de noyade. En vain, elle adressait ses folles suppliques à la nuit et à la mer :
La mer est le marin lui-même
Toi, la veuve, ton mari n’est point mort
Il est redevenu vagues
Car, terrien, il ne l’était que par erreur
L’âme de la lune attire la mer vers les vagues
Ton mari n’est pas mort
Il est revenu au bleu originel des vagues
Il est revenu au blanc-sel originel
À l’infini itinéraire des éternités
Ô veuve, ton mari n’est pas mort !
Terrien, il l’était par erreur
Seule la mer est à même de rectifier
Les généalogies et les origines
Pourquoi grimpes-tu donc au vieux figuier ?
Qu’il soit à Bab Marrakech ou à la porte de la marine ?
Les racines de cet arbre vont te murmurer ses nouvelles
Tel le vieux voyant de la ville
Qu’est moi-même avant de naître
L’arbre est le mirage de l’âme secrète
De la mer dans un coquillage
Ce qui scintille au lointain horizon
N’est pas la chandelle qui illumine ce cap Sim
Mais l’âme éternelle du marin
Au plus profond des vagues…
La peur du grand large, chacun l’exorcise à sa manière, moi par l’écriture, mon frère Majid par l’achat d’une arganeraie, juste avant son départ pour la France. L’écriture et la terre, c’est pour partir sans jamais partir.
Le samedi 23 août 2003
1 h 30. J’ai peu dormi. Le jeune mousse m’avait demandé de me présenter au port à 2 heures du matin. C’est la première fois que j’accompagne un chalutier en haute mer. Et si je n’en revenais pas ? Ces derniers temps un paquebot aurait heurté au Sahara un chalutier : tous les marins sont portés disparus. Je pars avec de l’eau, des raisins et des figues. Il va falloir se couvrir, car froide est la haute mer. La ville dort encore. Elle est silencieuse. Mais une fois franchie la porte de la marine, énormes grondements de moteurs :
Le grondement des navires lointains
Nostalgie de qui à qui ?
La plupart des équipages quittent les cales où l’on s’endort, allument les lumières, s’activent sur les ponts, mettent simultanément les moteurs en marche. Le port s’endort. Le port se réveille. J’arrive à temps : le chalutier Azzam II où je suis enrôlé est toujours à quai. Le jeune mousse vient me souhaiter la bienvenue à bord.
- Tout l’équipage est au courant que je suis du voyage ?
- Bien sûr, on t’a enrôlé in extremis, alors que la Marine fermait déjà ses portes. Sans quoi vous seriez resté à quai…
On ne larguera les amarres qu’à l’approche de l’aube. On ira du côté de cap Sim, qu’on appelle aussi « trou espagnol », parce que les navires s’y mettent à l’abri des tempêtes. Si je retrouve ainsi le cap Sim, c’est signe que je suis en train de prendre le bon cap. En haut des mâts, j’entrevois le croissant de lune. Il fait sombre. De petites barques quittent le port. C’est pour la pêche à la langouste. Les mouettes survolent les bateaux en éternelles gardiennes du port. Et de Raji me survient ce poème :
À l’oiseau couleur d’âme
Des battements d’ailes
En guise d’à-Dieu.
On ira loin, plus loin que le cap Sim.
Légère brise, « cette chevelure du vent » qui scella mon amitié au jeune poète :
Pour apaiser ses gémissements
Elle peignait la chevelure du vent
Le coquelicot n’est que brise
Si son parfum n’était si fort
L’abeille amoureuse l’aurait dédaigné
Ô mon fils, lui a-t-elle dit
Quand on a annoncé au coquelicot
Qu’on doit lui couper la tête
Le coquelicot enlaça et embrassa son propre sang
Au coquelicot les rites funéraires furent des noces
Ô mon fils lui a-t-elle dit
La mer, sa magie et sa grâce
On a cru pouvoir l’enfermer dans un cercueil
Mais sa veine déborda d’une blessure salée
Et brisa le cercueil…
La mer, ne la fait pas monter par une canne
Ne la fait pas monter au bord d’un hameçon
Laisse la mer à la mer
Laisse la mer à sa guise
« Pour la pensée, les signes ont la même importance qu’eût pour la navigation, l’idée d’utiliser le vent afin d’aller contre le vent », écrivait le mathématicien autrichien Gottlob Frege. L’idée d’utiliser le signe pour aller contre l’amnésie et la mort. C’est en cette même heure sombre de la nuit, que mon père nous a quittés : il parvint dans un dernier souffle à prononcer le nom qu’il m’avait donné. Les prières augmentent les lumières des étoiles, et jettent un pont par-dessus la mort.
Quelle idée blessante fait tourner le sable ?
Les vides de son hémorragie
Sont cousus par la montée écumante du sel.
Quelle idée blessante fait tourner le sable ?
Ce qui te fait gronder ô mer
N’est pas la mer
Ce sont les blessures du martyr Hallaj
Quelle idée blessante fait tourner le sable ?
Mille et un clapotis de rames l’apaisent.
On s’active sur le pont. Hormis un marin autochtone Chiadma, tout l’équipage est d’origine rifaine. On prépare les filets, on actionne le treuil, on largue les amarres. Il est exactement 3h30, quand Azzam II s’engage dans la baie sombre. Derrière nous la ville dort encore. Mer calme tant que nous sommes dans la baie protégée de la houle par l’île au large. Mais une fois franchie cette barrière, vertige tant que durera le cap vers le sud. Au sombre firmament, le croissant de lune. L’équipage rejoint à nouveau la cale pour dormir. Le chalutier vogue par-dessus les grosses vagues, en draguant le filet à vive allure : racler les fonds marins de sorte qu’au passage les poissons se trouvent pris au piège.
Tel un cancre aveugle
Le marin libère la lune de ses filets
En point d’interrogation ( ?)
Maintenant la proue ne pense qu’à l’hameçon
La mer est un hameçon
Qui dort
Dans la tête
D’un homme bleu
Il lui arrive de pêcher, des poissons dont il ne connaît même pas le nom
La mer perdue,
La mer qui n’a laissé aucune trace,
Renaît en permanence sous forme de poèmes,
Qui lèvent leur chapeau à sa majestueuse étendu bleu…
Au levé du jour, bleu d’azur, bleu profond, une caravelle se pose sur le mât. Une lourde charge ralentit le dragage. Était-ce une grosse prise ? Une de ces baleines qui hantent les parages ? De soixante-seize brasses de profondeurs, on retira finalement une énorme météorite. Des poulpes, des crabes, des coquillages, des dorades et des sérails frétillants. Le Raïs décide de rentrer au port. Entrer en mer, c’est mourir. En sortir, c’est renaître. De quelle lumière est l’horizon ? La mer l’a surpris de nuit, par un coup de pinceau couleur d’azur.
Le soir de mon départ pour Casablanca, la campagne électorale bat son plein. Elle ne me concerne point. J’apprends le décès d’Abdelaziz, le dernier infirmier des Béni Antar. Il vivait reclus depuis longtemps. On l’a enterré presque incognito, alors qu’il y a quelques années toute la ville aurait suivi son cortège funèbre. Avec lui, c’est un peu d’Essaouira de notre enfance qui meurt. Et puis ce terrible Haïkou de mon ami Raji :
Dans les innombrables urnes
Un seul mort
Le pays
Cette terre où nous sommes nés, nous appartient-elle toujours ? Avant l’écriture et après l’écriture, le silence.
Abdelkader MANA
21:39 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poèsie | | del.icio.us | | Digg | Facebook