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04/06/2011

Taza la haute

T A Z A,sentinelle du Maroc Oriental

histoire,le couloir de taza

       On oublie trop souvent que le minaret de Taza est l’ancêtre des tours Almohades :  les formes architecturales de la Koutoubya et de Tinmel ont été élaboré dans ce sanctuaires almohades. Son minaret sobre et puissant reste le meilleur symbole de Taza. Depuis huit siècles, il monte la garde à la crête du plateau, au dessus des chemins qui mènent des plaines atlantiques aux steppes méditerranéennes et où se décida tant de fois le sort du Maroc.

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épigraphie Almohad de la nef axiale la plus décorée de la grande mosquée de Taza

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      Taza est une des positions maîtresse, une des clefs du Maroc. C’est la sentinelle du seul couloir passant entre le Rif et le Moyen Atlas reliant le Maroc Atlantique au Maroc Oriental. La grande route commerciale, connue traditionnellement sous le nom de « Triq Sultan »(voie Royale) - passage obligé vers Fès, d’un côté et vers Tlemcen de l’autre - qu’empruntaient les pèlerins à l’allée comme au retour de la Mecque : c’est  « la trouée de Taza ».. Le seul passage étroit entre les montagnes  était le lit de la rivière Innaouen, qui était facile à bloquer. D’où l’intérêt stratégique de Taza sur le plan militaire. Elle pouvait obstruer le passage à l’ennemi héréditaire venant de l’Est.

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Linteau de la medersa mérinide de Taza

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Le linteau de la porte atteste de la splendeur de ce petit collège, qui recevait ses subsides des biens en main morte de la Qaraouiyne   de Fès. Si la piété des princes mérinides se manifeste par ces collèges beaux comme des palais, c’est qu’ils en attendent une pépinière de gens efficaces pour leur gouvernement.La médersa est à la fois maison de science et asile de prière. Ce double rôle suffirait à la caractériser comme spécifiquement musulmane et médiévale. Au Maroc cette institution remonte au 13ème et 14ème siècle. On y enseigne les sciences religieuses et plus spécialement le droit qui fait partie de ces sciences. Les médersa qu’élevèrent les mérinides à Fès, Taza et Tlemcen, devaient restituer à la doctrine Malékite sa primauté compromise par l’hétérodoxie Almohade.

      Taza est l’un des rares sites, où l’on peut témoigner de la continuité de la présence humaine depuis la préhistoire. Les grottes de Taza  étaient habité dés l’époque néolithique, comme l’attestent  les fouilles de la caverne de Kifan El Ghomari : Ces fouilles ont mis à jour, les vestiges d’une faune aujourd’hui disparue : lion,  panthère, ours, rhinocéros, buffle antique, mouflon,  gazelle, chameau…. Des ossements d’animaux et d’homo sapiens fossile ainsi que des silex taillés, et des pointes de flèches.

         Citadelle islamique aux ruelles plus larges et moins labyrinthique que celles de Fès, et moins grouillante que celles de Marrakech, telle paraît Taza au visiteur. C’est la plus jolie ville du Maroc, à en croire Ali Bey qui la traversa en 1805 : 

« Les ruelles sont  belles, les maisons en bon état » et peintes à la chaux comme Chefchaouen. Lieu de fixité millénaire, retraite pour ermites et nécropole, elle est évoquée en ces termes par un vieux rabbin de Taza : « Nous regrettons surtout d’avoir été forcés d’abandonner les tombeaux de nos saints ancêtres. N’est – ce pas dans les grottes de Taza que nous avions l’habitude d’implorer la grâce divine en cas de malheurs publics. »

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Marqueterie du minbar de la grande mosquée de Taza

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Détails du minbar

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Le minbar de la grande mosquée de Taza est fait d’une marqueterie ornée de fines baguettes d’ivoire et de bois précieux,. Aujourd’hui bien mutilé, seules ses façades latérales permettent de juger de l’œuvre ancienne qui se déploie en entrelacs. On est tenté de croire que ce type de chaire est le résultat d’une évolution commencée au 12ème siècle. On se trouve là  face au minbar Almohade réparé au 13ème siècle par le Sultan mérinide Abou Yaqoub qui en dota la mosquée agrandie par ses soins.

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    Lorsque l’Islam s’implanta donc au Maroc, Taza avait déjà un long passé : elle était à tout le moins l’Agadir et la nécropole d’une tribu ou d’un groupe de tribus berbères. La seule chose sûre est que Taza est antérieure à l’islamisation du pays, soit à l’an 800. Elle existait déjà lors qu’Idris 1er s’installa dans le Maroc du Nord : il passa à Taza peu avant sa mort, en 790. Tous les historiens musulmans s’accordent à dire qu’à l’emplacement de Taza, il y eut d’abord un Ribat. D’après Ibn Khaldoun, ce Ribat, sorte de forteresse frontière occupée par les volontaires de la foi, a été fondé par les Meknassa du Nord, sous le règne d’Idriss 1er (788-803) qui islamisa les Ghiata et autres tribus berbères de la région de Taza.

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C'est de Tinmel dans le haut Atlas que les Almohad se sont lancés à la conquête de l'Andalousie et du Maghreb, en bâtissant sur leur passage la sentinelle de taza, là même où s'élevait un vieux ribât dévolu au jihad et à la guerre sainte

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        C’est de Tinmel que les Almohades se sont lancés à la conquête de l’Andalousie et du Maghreb, à travers Taza leur seconde étape. Parti de Tinmel, l’armée  d’ Abdelmou’mîn déboucha à travers le Haut et le Moyen Atlas sur Taza, qui devint son point d’appui pour sa campagne au Maghreb Central – toujours tenu par les Almoravides. Après la défaite de ces derniers près de Tlemcen, Tachfin l’Almoravide, au cours d’une marche nocturne, tomba du haut d’une falaise avec son cheval. C’est la première fois depuis longtemps, peut – être depuis toujours, que le Maghreb connaît l’unité politique sous des chefs issus de son sol. Et cette unification est l’œuvre de montagnards sédentaires. Le pouvoir du premier souverain Almohade s’étendait ainsi, depuis l’Îfriqiya jusqu’à l’Andalousie. Il régnait sur tous les grands centres de civilisation, et laissa à son fils un vaste empire qui comprenait tout le Maghreb et la majeure partie de l’Espagne musulmane.

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      Les travaux de Taza auraient été ordonnés par Abdelmoumen en  1135. Les murailles furent complétées en 1172 au voisinage de la tour sarrasine. Un siècle plus tard, vers 1249, le Mérinide Abou Yahya, s’empara de Taza après quatre mois de siège et fit remettre les fortifications en état.

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      La première moitié du 12ème siècle fut, dans l’histoire de la fortification marocaine, un moment décisif. Le pisé se substitua à la pierre, il paraît sous les Almoravides, il triomphe peu à peu sous les Almohades. Il semble que c’est une technique ancienne chez les montagnards de l’Atlas, qui savaient encore construire des ksours en cette matière.

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Partant de la nouvelle ville, on remonte par des escalier, la pente raide jusqu'à Baba Jamaâ qui donne accès au vieux Taza du haut

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Bab Jamaâ(la porte du souk du vendredi) est la principale porte d'accès à Taza la haute.Mais il existe d'autres portes aussi célèbres tel Bab Rih(la porte du vent) ou Bab zitoun(la porte de l'olivier) Taza est célèbre pour la qualité de son huile d'olive sans acide introduit dans ces parages depuis les almohades

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Ces murs de pierres s’accompagnent de tours rondes : tel se présente le mur de pierre de Taza. Il impose la tour massive des remparts Almohades et Mérinides. L’aspect de la fortification maghrébine s’en trouva fixé pour des siècles. Si les remparts Almoravides de Marrakech sont déjà en pisé, on les retrouve sous les Almohades avec les murailles qui couronnent le sommet rocheux de Taza. L’enceinte enveloppante, était selon les chroniqueurs, tel le halo encerclant la lune. Construits partie en pierres, partie en pisé, les remparts ne sont pas homogènes et appartiennent à des époques différentes.

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Le bastion élevé par les Saâdiens pour contrer le péril Turc qui menacait aux confins Est du maroc

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        Dans l’ensemble imposant que forment les fortifications de Taza du côté de l’Orient, une forteresse quadrangulaire attire immédiatement le regard, tant par sa masse que par sa disposition architecturale, Cette forteresse, encore aujourd’hui, appelée du vieux nom d’El Bastioun, est en effet la partie la plus intéressante de l’ancien système défensif. C’est le point fort de la place, le centre de résistance où converge tout le système des murs. C’est sur le Bastioun que repose toute la défense de Taza. Le reste de la citadelle, ville et kasbah, prisent, il pouvait encore continuer de résister. La lourde forteresse devenait en quelque sorte le pivot de la défense marocaine contre l’ennemi héréditaire de l’est.

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        A l’avènement d’Ahmed El Mansour, son premier acte fut de se poser , dès le début, en adversaire des Turcs. Or la place forte dont la situation nécessitait le plus impérieusement un armement défensif puissant était Taza. C’est à elle qu’el Mansour devait songer  tout d’abord, puisqu’il voulait fermer la porte aux Turcs. C’est donc à ce moment qu’eut lieu  semble – t – il la restauration des remparts de Taza, et leur adaptation aux nouvelles conditions de la guerre de siège, auxquelles répondait le Bastioun. On fixe vers le milieu du 16ème siècle, la date où fut construit le Bastioun

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   Le mausolée de Si El Haj Ali Ben Bari est le plus considérable de la plaine des tombeaux de Taza. L’édifice d’époque Mérinide, se situe au dessus de « Triq Sultan » qui, sortait de la ville. Sur le mur de l’édifice religieux, un panneau  porte cette  inscription  relative à la vie du saint : « Ceci est le Mausolée du Docteur Abou El Hassan Ali Ibn Bari Et- Tsouli Et- Tazi, » Si on se rapporte à l’Encyclopédie de l’Islam :

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      Ibn Barri, naquit vers 1262 à Taza, et qu’il est surtout connu par ses Dourar. C’est au méchouar que se situe la medersa mérinide, dont Abou El Hassan Ali dota la ville.

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     Au pied du minaret, la chambre du mouwaqqit qui sert de bibliothèque de la grande mosquée depuis les mérinides. On  y trouve un manuscrit du Coran qui remonte au règne Saâdien d’Ahmed El Mansour Dahbi à qui on doit la fortification connue sous le nom du Bastioun à Taza. Manuscrit magnifique sur du papier remarquablement calligraphié et enluminé avec des double pages dorées(à la fin et au commencement).

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Enliminures Royales léguées en main morte à la bibliothèque de la grande mosquée de Taza

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"kitab chifa", le livre de la guérison du Qadi Ayad, légué par Ahmed Al Mansour Dahbi à la bibliothèque fondée par Abou Inan, le grand sultan Mérinide

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Les chambres de mouwaqqit n’apparaissent au Maroc qu’au 13ème siècle. Malgré les remaniements qu’elle a subi, celle-ci semble bien être de fondation mérinide. On y trouve ainsi «Kitab Chifaâ »(  le livre de la guérison) du Qadi Ayad, en sa page de garde le seau d’Abou Înan le mérinide léguant ce manuscrit en main morte à la grande mosquée de Taza .

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Ce qui reste le long des frises, du style décoratif almohade se caractérise par des formes géométriques sobres aux lignes épurées et fermes comme ce fut le cas à la mosquée de Tinmel.

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Le style décoratif sobre de la grande mosquée de Taza, inspiré du modèle de la mosquée Almohad de TinmelComme à Tinmel, la mosquée Almohade était à neuf nefs réparties d’une manière symétrique. Harmonieuse combinaison d’anciennes traditions hispano – mauresques, et d’éléments nouveaux venus d’Orient.

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Abdelmou’mîne qui construisit Taza, jeta les premiers fondements des mosquées Almohades. Celle de Taza est antérieure à la Koutoubiya  puisqu’elle fut commencée dés 1135, et constitue ainsi  «  le prototype même de toutes les mosquées Almohades. »  Nous dit Henri Terrasse.

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 La nef axiale reste suivant la tradition almohade, plus décorée que les nefs communes. C’est bien entendu au mihrab que se trouvent les plus riches décors de toute la mosquée. Ainsi,à la grande mosquée de Taza, la hiérarchie du décor reste dans la tradition almohade. Nulle part qu’à la grande mosquée de Taza on ne peut juger des caractères généraux et des tendances du décor du 13ème siècle. Malgré les progrès de la géométrie et de l’épigraphie le décor de la grande mosquée de Taza reste avant tout floral. Il donne une importance nouvelle à la géométrie et à l’épigraphie. Tel se présente  la mosquée de Taza, chef d’œuvre de logique et de grâce solide, derrière lequel on sent vibrer l’âme d’un architecte de génie. L’agrandissement mérinide n’a fait qu’accroître la profondeur de la salle de prière. Et ce vaste oratoire, aux longues perspectives, tout noyé de pénombre malgré sa blancheur, est d’une beauté ferme et grave.

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Le grand lustre souligne la dignité éminente de la nef axiale. Dés sa construction, il fut célèbre. L’historiographie mérinide fait l’éloge de cette œuvre exceptionnelle de la bronzerie musulmane. Aucun lustre orné de cette taille n’a été signalé en Orient.

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  Les grandes cours des mosquées anciennes d’Espagne et du Maghreb furent très souvent plantées d’arbres. Le Sahn el Kébirde Taza perpétuait magnifiquement cette tradition. Les historiens nous apprennent qu’Abou Rebia y fut inhumé et la pierre tombale de ce sultan s’y voyait encore en 1923.

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 Le style des arcs, les motifs et les teintes des zellijs, la silhouette de la grande fontaine ne permettent pas de faire remonter ces aménagements au-delà de Moulay Rachid : on croirait volantier que ce fut ce premier souverain Alaouite qui donna au Sahn el Kébir son ordonnance actuelle. Cette immense cour baignée de soleil avec ses magnifiques figuiers est d’une poésie prenante. histoire,le couloir de taza

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 La vue des toits est aussi belle que celle des grandes mosquées du 12ème siècle. .Le Jamaâ El Kébir, la grande mosquée de TAZA, à laquelle ont déjà travaillé les Almohades, est agrandie par les Mérinides, les travaux étant terminés en 1294.Une inscription, en zellij noir, contigu à la Qibla, date les réparations et agrandissement  que fit faire le Sultan Mérinide . On y lit :

       «   Abû Ya’qûb, ordonna d’agrandir la mosquée par quatre nefs du côté de la Qibla et deux nefs, une orientale et une occidentale, ainsi que le Sahn qui est à l’Est de cette mosquée, car toutes ces parties étaient sur le point de s’écrouler. Commencés le  4 mars 1291, les travaux finirent le 29 octobre 1292. »

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   Les Almohades ont crée une véritable civilisation, et ne se sont pas contenté, de se faire les agents de diffusion de la civilisation Andalouse. Civilisation austère et énergique où les forteresses et les mosquées l’emportent sur les palais et les jardins, mais dont l’originalité et la grandeur ne sont pas contestables.   histoire,le couloir de taza

              À l’occasion du retour du pèlerinage de la Mecque, des séances de « Samaâ » sont animées, chez des particuliers à Taza. Et c’est à la tête de quatre cent pèlerins que de retour de la Mecque est mort, le 6 octobre 1269, Ali Shushtouri le grand mystique andalou qui marqua de son passage le Ribât de Taza. Cette sentinelle du Maroc oriental, était en liaison directe avec l’Andalousie via Sebta.: les poètes et mystiques andalous du 14ème siècle passaient par Taza pour se rendre à Tlemcen, à Bougie ou à Oran.  C’est lors d’un séjour à Taza que le célèbre vizir Grenadin Lissân Eddin Ibn El Khatib  avait appris le décès de sa mère en Andalousie.

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        La position de la médina de Taza, comme couloir de passage entre l’Est et l’Ouest du Maghreb, en faisait une étape où s’arrêtaient des personnages de renommée en provenance d’Andalousie comme Lissan Eddin Ibn El Khatib, le célèbre vizir et poète Grenadin. Il y est venu d’Andalousie avec ses coutumes, ses traditions et sa culture. On se souvient également du célèbre séjour d’Ibn Battouta, lors de son retour de Chine. Il existe encore une ruelle à Taza qui porte métaphoriquement son nom : c’est « Derb Cinî »(la ruelle du Chinois) . Comme Ibn Batouta était arrivé à Taza de Chine,  la ruelle où il séjourna fut baptisée « ruelle du Chinois » . 

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         Ce sont les confréries religieuses qui ont contribué à la sauvegarde ce patrimoine musical et littéraire andalou au Maghreb. Ces confréries allaient maintenir en vie une tradition musicale et poétique dans le cadre de leurs cérémonies, comme on le voit à Sidi Azzouz, où on chante la borda de  Bossiri. Personne ne connaît la période où avait vécu Sidi Azzouz, le saint patron de la ville, dont on dit qu’il aurait un parent enterré en Tunisie comme d’ailleurs le mystique marocain des Ghomara Abou El Hassan Chadili. L’artisan qui a peint la barchla de sa coupole a daté son œuvre du 3 ramadan  809 de l’hégire, soit le 2 novembre 1407.

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Taza, vendredi 26 nov. 2010:L’année dernière vers le coup de 13h, le sanctuaire de Sidi Azzouz, le saint patron de la ville, où nous avions enregistré une séance de samaâ en 2006 pour la série documentaire « la musique dans la vie », était dévoré par les flammes. Le ministère des habous et des affaires islamiques, qui a affecté un budget pour sa restauration n’avait plus aucune trace ni d’images du toit peint du sanctuaire. Le seul document dont les maâlem barchliya (peintres sur bois) disposaient pour restaurer à l’identique le toit peint disparu est le documentaire « Taza sentinelle du Maroc Oriental » dont j’ai supervisé pour le compte de la deuxième chaîne en 2006 ! Le chantre du samaâ local, M.Hamid Slimani qui me rapporte cette anecdote ajoute : « S’il n’y avait pas ton documentaire ; ils n’auraient pas été en mesure de restaurer la coupole en lui restituant sa décoration initiale !histoire,le couloir de taza

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       À Taza, les associations dévolues au samaâ œuvrent également pour l’épanouissement de la musique andalouse. Et cela d’autant plus que cette vieille médina maghrébine se prévaut d’une grande tradition dans ce domaine. Parmi les grands noms Tazis de la musique andalouse on peut citer entre autres, maître Haj Ahmed Labzour Tazi, mûnshid  et joueur de Rebab qualifié. Il se distingua par sa contribution à l’enregistrement de l’intégralité du répertoire de la Ala, avec le concours de l’UNESCO, et par une tentative sérieuse de transcription, souligne Ahmed Guettat dans son monumental ouvrage intitulé « empreinte du Maghreb sur la musique arabo – andalouse ». Parmi les autres grands noms figure celui de feu Abdessalam Lbrihi, ce natif de Taza qui se trouve parmi les auteurs ayant contribué au recueil du Haïk qui fut publié sous les règnes de Hassan Ier et de Moulay Abdelaziz. C’est d’ailleurs son fils Mohamed Lbrihi qui fonda, au tout début du XXe siècle, la première association de musique andalouse qui allait contribuer, d’une manière décisive, à la préservation de ce legs andalou au Maroc. Cet originaire de Taza, comme le mentionne un dahir de Moulay Abdelaziz, était devenu chanteur de Cour (moutrib al qasr). Il est mort en 1945. Il avait formé à la ala andalouse toute une génération de musiciens de Fès, à commencer par le plus fameux d’entre eux, El Hajj Abdelkrim Raïs. Les plus grands ténors de la musique andalouse ont donc été formés par un homme originaire de Taza. L’association qu’il avait fondée est actuellement présidée par son gendre Anas El Attar.

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Mrs. Mohamed Belhissi, homme de théâtre et Hamid Slimani, chef d'orchestre du samaâ, actuellement les principaux animateurs de la vie culturelle Tazie..

      L’un des grands noms du malhûn à Taza est le poète Mohamed Belghiti surnommé Btigua. Ce dernier animait régulièrement des soirées de ce genre poétique et musical à Fès et, dit-on, il connaissait par cœur quelque quatre cents qasidas, dont celle qui évoque la mort du Prophète ou encore « haoul lqiyama », le jour de la résurrection. Il avait composé des qasidas sur Taza dont l’une énumère les saints de la ville. C’est au cours de ces soirées qu’il organisait dans les Riad de Fès qu’il présentait ses nouvelles créations en matière de qasidas chantées du genre malhûn. Autre chantre du malhûn tazi, Belaïd Soussi, l’auteur de la qasida du ferran (le four public) et de cette chanson qui connaît encore un grand succès populaire (et que chante Mohamed El Asri) et qui a pour refrain :

Allah y l’ghadi l’Sahra jib li ghzal !

Ô toi qui t’en vas au Sahara, ramène-moi une gazelle !

 Autre succès de cet auteur tazi « lgaâda f’jnan sbil » (villégiature au jardin de Jnan Sbil de Fès) et « Ya man bgha zine » (ô toi qui désires la beauté !). C’est encore lui qui avait composé cette chanson nationaliste à l’occasion du retour de Mohamed V de son exil de Madagascar :

 Saâdi ziyant ayâmi, mahboub khatri jani !

Heureux sont mes jours, mon bien-aimé est arrivé !

 Il avait également composé des chansons pour des vedettes de la chanson marocaine tel Fath Allah Lamghari. Taza faisait partie des vieilles cités marocaines, telles Salé, Safi et Meknès qui produisaient du malhûn. Mais elle ne dispose pas actuellement d’un orchestre de malhûn déplore M. Hamid Slimani. Pourtant les habitants de Taza restent encore attachés au malhûn. Certains musiciens font, de temps en temps,  quelques tentatives pour faire revivre le malhûn. On entend donc du malhûn exécuté par les orchestres qui animent les fêtes de mariage, mais il n’existe pas d’orchestre spécialisé dans le malhûn proprement dit.

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       De par sa position entre Tlemcen et Fès, Taza est l’un des terreaux les plus fertiles au Maroc en matière de samaâ , un art du chant déclamé suivant les modes musicaux andalous, fondé sur la déclamation, les prières et les qasida mystiques. Parmi les grands noms Tazis de la musique andalouse on  cite, entre autres, maître Haj Ahmed Labzour Tazi, mûnshid  et joueur de Ribab qualifié. Il se distingua par sa contribution à l’enregistrement de l’intégralité du répertoire de la Ala, avec le concours de l’UNESCO, et par une tentative sérieuse de transcription, comme le souligne Ahmed Guettat dans son monumental ouvrage intitulé « empreinte du Maghreb sur la musique arabo – andalouse » . 

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     . Henri Terrasse a insisté à juste titre sur la part prépondérante de l’influence andalouse à Taza. D’où les monuments, d’où une certaine floraison littéraire où domine le poète et historien andalou Ibn El Khatib. Taza, était en liaison directe avec l’Andalousie via Sebta.: les poètes et mystiques andalous du 14èmesiècle passaient par Taza pour se rendre à Tlemcen, à Bougie ou à Oran.  C’est lors d’un séjour à Taza que le célèbre vizir Grenadin Lissân Eddin Ibn El Khatib  avait appris le décès de sa mère en Andalousie. Le grenadin   Lissân Eddin Ibn El Khatib y composa una qasida où il est dit :

 Taza le célèbre pays

 Pays où les jardins  reverdissent

 Pays où l’air est bon, où  l’eau est abondante

 Pays où la beauté est  resplendissante…

     Poète mystique andalou, né à Cadix vers 1203, ayant d'abord vécu au Maroc, avant de voyager en Orient, c’est à la tête de quatre cent pèlerins que de retour de la Mecque est mort ,le 6 octobre 1269, Ibn El Hassan Shoushtouri , le grand mystique andalou qui marqua de son passage le Ribât de Taza. Ce fut un des grands Washâh mystiques, qui parcourait les marchés et les foires en s’accompagnant d’un instrument en chantant ses Mouwashahâtes andalouses :

 « Un cheikh du pays de Meknès

 A travers les souks va chantant

 En quoi les hommes ont-ils à faire avec moi

 En quoi ai-je à faire avec eux ?... »

 Lors de l’un de ses voyages d’Andalousie au pays d’Algérie, au milieu du sixième siècle de l’hégire, ce grand poète soufi – maître du Samaâ’ et grand pôle mystique -, est passé par Taza , en tant que lieu de transit reliant l’Orient à l’Occident musulman. Il se rendait alors à Bougie où résidait le grand mystique Ibn Sabaâïn. Il est passé par la ville qui l’a séduite, et où il composa ce poème :

  J’ai  porté la coupe

 A l’ombre apaisantes de jardins

 Ce fut dans une citadelle à l’Est de Fès

 Douce était ma joie, vifs mes souvenirs

 Au point que j’en oublie les miens

 J’ai quitté la patrie pour la demeure des biens aimés

 Où on m’a  servi la coupe divine.

 Ce qui reste de Shoshtari, comme des maîtres spirituels qui lui ont succéder depuis, c'est cette actualisation poignante de l'instant, où ils veulent nous faire rejoindre l'éternel. « L'instant est une coquille de nacre close ; quand les vagues l'auront jetée sur la grève de l'éternité, ses valves s'ouvriront ». Il n'en disait pas davantage pour laisser comprendre qu'alors on verra dans quelles coquilles les instants passés avec Dieu ont engendré la Perle de l'Union. Ce à quoi fait échos Niyazi Misri, poète mystique turc du 17ème siècle :« Après avoir voguer sur la mer de l'esprit dans la barque matérielle de mon corps, J'ai habité le palais de ce corps, qu'il soit renversé et détruit ; »

 Oui, l'instant est une coquille de nacre  close ; quand les vagues l'auront jeté sur la grève  de l'éternité, ses valves s'ouvriront. Cette dimension mystique imprègne encore aujourd’hui la vieille médina de Taza, où les pèlerins de retour de la Mecque sont encore accueillis par le samaâ qu’y légua, il y a des siècles de cela le grand maître andalous du chant soufi.

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 En dehors de la médina, il n’y avait que des vergers, et des cimetières .La citadelle continuait à dominer de ses remparts la campagne alentour.On trouve dans Kitab El Istibcar une description curieuse de la ville dans la deuxième moitié du 13ème siècle. Elle est établie au milieu de grandes montagnes d’accès difficile ; les figuiers, la vigne, les arbres fruitiers de toutes espèces et le noyer y abondent. Les habitants sont des berbères Ghiata : « c’est une grande ville, située sur le flanc d’une montagne, et qui domine des plaines traversées par des ruisseaux d’eau douce ; elle est protégée par un rempart considérable de pierres jointes au mortier, et la durée en est assurée. » Ribat-Taza qui se trouve sur la route menant d’occident en orient, est aussi appelée  Taza.- Ez-Zaïtoun, en raison de l’abondance de l’olivier..Taza atteste la grande extension de la culture méditerranéenne de l’olivier qui remonte ici au temps du lime romain. Des silos creusés dans la médina recelaient des provisions de grain qui devenaient précieuses en cas de blocus. On y cultivait des vergers, des réservoirs y accueillaient des eaux de la hauteur en provenance Ras El Ma. La ville recevait en temps normal l’eau d’une seguia descendant des montagnes, alimenté par une dérivation de l’Oued Taza. En cas d’hostilités avec les tribus montagnardes, le premier soin de celles – ci été de  couper la seguia , afin de priver d’eau la ville[1] : les Ghiata n’y ont point manqué jusqu’au début du 20ème siècle. C’était une chose à laquelle Taza devait s’attendre fatalement à chaque siège. C’est d’ailleurs pour  la délivrer du blocus des Ghiata, que Hassan 1er s’était rendu à Taza en 1874.En dépit de la barrière du Rif, le Taza du haut  est une citadelle méditerranéenne par excellence du fait même de son histoire et de sa culture. Au pied de son éperon, le Taza du bas, la ville nouvelle, ne cesse de s’étendre sur ce qui fut jadis des jardins et des vergers.Abdelkader Mana