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30/04/2012

Les aventures extraordinaires de Sidi Ahmad Ou Moussa

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El Atrach

Au nom de Dieu, le Clément et le miséricordieux ; qu’il accueille en sa miséricorde notre Seigneur Mohamed. Voici ce que rapporte Sidi Ahmad Ou Moussa, le Samlali ; que Dieu lui accorde sa grâce.

« Nous étions un jour en train de jouer  à la balle quand soudain, arriva un vieillard aux cheveux blancs. Il portait sur la tête un panier de figues fraîches. 

- Qui parmi vous, nous dit-il, portera pour moi ce panier sur la tête ? Dieu l’élèvera en un rang supérieur à tout autre et lui fera parcourir un pays que jamais aucun prophète ni aucun saint n’a encore parcouru.

Je mis, (continue Sidi Ahmad Ou Moussa), ce panier sur la tête et accompagnai le vieillard jusqu’à sa demeure. Revenu chez mes compagnons, je m’assis et perdis connaissance. Je restais ainsi trois jours durant. Le quatrième jour, je sortis de ma maison et me dirigeai vers Marrakech où vivait le saint Sidi Abdelaziz surnommé et-tebbaa, que Dieu lui accorde sa grâce et nous fasse profiter de sa bénédiction, amen.

voyage

Roman Lazarev

Arrivé chez le saint, celui-ci me dit :

- Soit le bien venu, o saint envoyé par Dieu ; Dieu t’élèvera en un rang supérieur et te fera parcourir des régions que n’a jamais traversé aucun prophète et aucun saint.

Cela dit, il me frappa sur la tête et j’en demeurai étourdi pendant neuf jours. Le dixième jour, je quittai la demeure du Saint et je parti pour rendre une visite pieuse au tombeau de l’Elu ( le Prophète Mohamed), que Dieu lui accorde sa miséricorde et le Salut éternel. Arrivé  à Médine , que Dieu accorde sa Miséricorde et le Salut éternel  ceux qui y sont enterrés, je me mis  la recherche du saint plein de vertus  Sidi Abdelkader eljilali(saint mystique musulman qui vécu  Bagdad ; né en 470(1077-1078), il mourut en 561(1166), que Dieu lui accorde sa grâce après l’en avoir rendu digne. J’avais enduré beaucoup de fatigue à me rendre du tombeau du Prophète à la demeure de Sidi Abdelkader eljilali  . Aussi, ce dernier m’invita-t-il à enfourcher un roseau qu’il me présentait. Je m’y refusai et, le quittant , je marchais pendant dix sept jours dans la direction des arabes bédouins. (Etant arrivé chez eux) je passai la nuit chez une femme qui possédait douze ânesses de l’espèce asine particulière à ce pays. Je dînai chez cette femme de beurre et de lait. Mon hôtesse m’invitait instamment à manger en me disant :

-  Il faut que tu manges !

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 Trifis Abderrahim

Mais à la première bouchée, regardant vers le sol j’aperçus le bœuf qui constitue le socle sur lequel repose la terre(dans la cosmogonie traditionnelle musulmane, le buhmut, désigne non le taureau, mais l’énorme poisson qui le supporte. Dans les parlers berbères du Sud-Ouest marocain on appelle buhmut , une fosse profonde, un précipice, un abîme) . Puis tournant mes regards vers le Ciel j’aperçus l’Estrade et le Trône divin. Je quittai, ajoute Sidi Ahmad Ou Moussa, la maison de cette femme et pris la direction du levant. Je rencontrai un homme qui consacrait son temps à parcourir la terre. Je l’accompagnai pendant quatre nuits, puis le laissant , j’allai chez Mohamed – U- Yassin. Je le trouvai en train de paître des chameaux en compagnie d’Arabes bédouins. M’adressant à eux, je leur dit :

- Creusez le sol ici, vous y trouverez le tombeau d’un des Saints envoyés par Dieu.

Ils creusèrent à l’endroit indiqué, mais n’ayant rien trouvé, ils me frappèrent tellement que j’ai failli en perdre la vie. Cependant ayant creusé une deuxième fois, ils trouvèrent le tombeau. Je ne leur avais donc pas menti, mais c’était Dieu seul qui avait décidé de mon sort. Quelqu’un se dressa devant moi et me dit :

- Il te reste à recevoir une nouvelle bastonnade puis tu t’élèvera au rang réservé aux saint personnage.

-  Qui es-tu donc Seigneur ? lui demandé-je.

-  Je suis Abdellah Ben Brahim, fils de cet Abdellah al Jalil qui reçu le roseau (symbole d’initiation mystique) des mains de Sidi Mohamed Ben Sliman el-Jazouli, répondit-il.

voyage

Le piton rocheux de Sidi Mohamed Ben Sliman el-Jazouli,en pays Haha

(Ce propos échangé), je marchai pendant dix sept jours, sans autre nourriture que de l’herbe, dans la direction du levant. Le dix-huitième jour, mon âme (il s’agit ici de en-nefs al-ammara bi soua, l’âme qui incite au mal) concupiscente se révolta et me dit :

- Que signifie cette marche ?   

Nous rencontrâmes cependant des individus presque nus n’ayant que des peaux pour tout vêtement. Nous restâmes deux nuits chez eux sans manger autre chose que du fromage sec. Puis, les quittant, nous réprimes notre marche et traversâmes pendant douze jours, des forêts et des déserts, sans y rencontrer âme qui vive.  

voyage

 Arrivés chez les Barbares, nous rencontrâmes soudain un homme borgne paissant des moutons. Nous le saluâmes et il nous rendit notre salut selon les règles ordinaires. Lui ayant demandé l’hospitalité au nom de Dieu, il nous souhaita la bienvenue et nous conduisit à sa demeure. Nous entrâmes avec lui dans une grotte dont il ferma l’entrée d’un rocher que, seuls quarante hommes pourraient remuer et qu’il souleva et plaça, cependant, tout seul, sans aide étrangère.(Cela fait), il alluma du feu , égorgea un mouton à notre attention, le fit rôtir, et, lorsque nous en fumes  rassasiés, nous demanda si nous voulions autre chose :

- Ce que nous avons mangé nous suffit, répondîmes – nous. Il nous dit alors :

- Moi, je n’ai pas encore dîné, et je me demande ce que sera ce dîner. C’est l’un de vous qui en sera la matière.

- Mais Dieu te l’interdit lui répliquâmes – nous, et si tu es musulman, il t’a rendu la chaire humaine illicite.

-  Je ne suis pas musulman, nous répondit-il, mais infidèle, arrangez vous donc pour que l’un de vous me serve de dîner.

Chacun de nous  se proposa alors pour être la première victime dont cette brute dînerait. 

-  Je ne suis utile à personne, me dit mon compagnon, tandis que toi, selon nos vœux, dois servir à tous.

-  Que veux-tu dire par là ?

-  Je ne doute pas, que tu sois appelé à accomplir des actions agréables à Dieu.

voyage

 Maimoun Ali

Et aussitôt, il se rendit auprès de la brute qui, le saisissant par une épaule se mit à le dévorer. Lorsqu’il l’eut achevé, mon compagnon était mort, que Dieu l’accueille en sa Miséricorde !

La brute revint encore vers les restes du mouton qu’il avait égorgé pour nous. Il les mangea et il me dit :

- C’est toi qui demain de bonne heure, seras mon premier déjeuner.

Là - dessus il se coucha sur le dos et s’endormit. Je me levai, je pris la broche qui lui avait servi à nous préparer la viande rôtie, et je la mis au feu. Lorsqu’elle fut rouge, je l’enfonçai dans l’œil qui permettait encore à la brute de voir. L’œil éclata. La brute effrayée, me poursuivit en cherchant à m’atteindre. Je pénétrai, en m’éloignant de lui, au milieu des moutons. Il ne me trouva pas, mais il me dit :

-Par où sortiras-tu ? Demain je t’attraperai à la porte !

La nuit se passa. Le lendemain matin, la brute déplaça le rocher qui lui servait à fermer l’entrée de la grotte. Puis il s’assit et fit sortir les moutons tout en passant la main sur eux. Les moutons sortaient un par un et le brute les palpait dans l’espoir de mettre la main sur moi. Je me dit alors : « Comment ferai-je pour me tirer de ce mauvais pas ? » . Dieu voulant me protéger de brute, m’inspira alors un stratagème. Je revêtis la peau du mouton sans que sa main, Dieu en soit loué, me rencontrât. Je m’arrêtai et attendis qu’il eut fait sortir tous ses moutons.

- Où es – tu ? Me demanda-t-il.

- Je suis dehors o ennemi de Dieu, o le pire des ogres, lui répondis-je.

Et là-dessus, lui ayant échappé, je me mis en route dans la direction du levant et marchai pendant trente cinq jours. J’étais triste et soucieux en songeant à mon compagnon dévoré par l’ogre. Je ne mangeai en cours de route rien d’autre que de l’herbe.

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   Abderrahim Trifis

Le trente – sixième jour, mon âme concupiscente me dit : « Personne n’agit ainsi ; nous voici accablé de fatigue et mort de faim ; dirigeons – nous donc vers les pays des hommes ! » Je suivis son conseil et me remis en marche. « Tu vaux mieux que tous les hommes. » me dit alors mon âme. – Et toi lui répliquai-je, tu es inférieure à eux tous. » Et voilà que, soudain, des lions et des bêtes fauves se dirigent vers moi en rugissant. Mon âme me répète alors ses premiers propos et me donne le conseil suivant :

-  Si tu veux leur échapper, il est bon, avant qu’ils ne t’aient atteint, que tu montes sur ce pistachier térébinthe. Peut-être de cette manière, échapperas-tu aux lions.

Je lui répliquai en protestant que Dieu ne m’approuverait pas de chercher à fuir le sort qu’il avait décrété. Là – dessus, fauves et lions, arrivent sur moi, se frottent à moi, m’entourent de droite et de gauche, puis l’un d’eux, levant la patte, urine sur moi. Je dis alors à mon âme : « Ne t’avais-je pas dit que tous les hommes valaient mieux que toi ? Vois ce que m’a fait ce lion ? » C’est alors qu’un lion me saisissant par la tête l’introduit toute entière dans sa gueule et l’y garda un petit moment puis me relâcha. Je crus que ma vie sortant d’entre mes épaules m’avait quitté. Je me remis  marcher pendant huit autres jours. Le neuvième j’aperçu à la tombée de la nuit, dans un ravin, un nuage de poussière qui paraissait dù à des sauterelles s’abattant dans la gueule d’une énorme bête. Cette bête, ouvrait la gueule et avalait tous les volatiles qui se présentaient. Je demeurai là sept jours à m’emerveiller de ce spectacle.

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    Mohamed Tabal

Le huitième je repris ma route et pressai la marche en traversant douze jours durant, forêts et déserts. Je trouvai (alors) des hommes qui entraient, dans leur mosquée par tous les côtés. J’entrai avec eux. Ils me maudirent comme les hommes le font pour Satan. Puis l’un d’eux m’enleva du sol pendant qu’un autre lavait  grand eau l’endroit o je m’étais arrêté. Je me remis en marche en me dirigeant vers quelque chose qui me parut avoir la taille des palmiers. Je m’aperçus, en approchant, que c’étaient des femmes remplissant d’eau des outres faites de peaux de chameaux. Ces femmes, en se retournant, s’étonnèrent de ma petite taille. L’une d’elles me prit par sa main, me tendit  une de ses campagnes qui, à son tour, s’émerveilla. Une des femmes, enfin, me saisit, me plaça dans la paume de sa main et m’emporta vers sa demeure. Les gens arrivaient de tous côtés et de tout lieux et me regardaient avec curiosité pendant que les femmes ne cessaient de me faire passer de paume en paume et cela jusqu’à l’approche de la nuit . La femme qui m’avait emporté chez elle, égorgea un bouc et me dit :

-  O homme, que tu sois un être humain ou un démon, mange de la viande et jette les os sans croquer !

Oubliant cette recommandation, je croquai les os. Un homme alors se leva, m’empoigna avec une violence à faire mal et me jeta derrière leurs demeures, la main brisée et la tête fendue. Je restai là jusqu’au matin. Une femme me prit et me déposa dans une jatte à lait qu’elle recouvrit. Un moment après, je m’enfuis loin de la demeure. Huit ou dix jours après, mon âme concupiscente eut envie de chair de poulet et d’œufs cuits et assaisonnés de poivre. Je lui fais observer que nous n’en prenions pas la route. Je me dirigeai cependant vers les pays habités. J’aperçu une agglomération ; je l’atteignis à la fin de la nuit et je m’arrêtais à l’entrée d’un jardin. Ce jardin avait été pillé par les voleurs. C’est pourquoi, ses propriétaires s’emparèrent de moi, me rouèrent de coups de bâton, me ligotèrent en me disant :

-C’est toi le voleur !

Tout en me tirant par la barbe, ils répétaient :

- Ah ! voleur ; c’est toi qui ne cesse de piller notre jardin !

Ils me remirent enfin entre les mains d’un esclave des plus méchant appelé Maimoun(allusion à Sidi Mimoun, un des génie les plus important) et armé d’une baguette :

-   Laissez-moi, leur dit-il ; je vais lui donner une sévère bastonnade !

Et il se met à me frapper si violemment sur le ventre que j’ai crus qu’il éclatait. Après m’avoir retourné il en fit autant pour le dos. Mais bientôt il s’arrêta et dit à ses compagnons :

-J’entends une voix mystérieuse qui me dit : « O Maimoun, j’en atteste le Dieu le Puissant, si tu donnes encore un seul coup, à ce saint de Dieu, ta main seras, sans aucun doute, détachée de l’extrémité du bras.

On ne le crut pas et autre esclave s’emparant de la baguette, se mit à me frapper. Aussitôt ses mains et ses pieds, se détachèrent, arrachés des extrémités ( des bras et des jambes) auxquels ils étaient attachés. Ses compagnons l’emportèrent et me conduisirent chez le maître du jardin. Ce dernier me fit servir des poulets et des œufs cuits assaisonnés de poivre. Je mangeai et une fois rassasié, je dis à mon âme concupiscente : « Tu n’a obtenu ce dont tu avait envie qu’au prix d’une sévère bastonnade. »voyage

Je quittai ces gens-là et marchai pendant huit jours. Je rencontrai, me barrant le chemin, un serpent à sept têtes portant douze cornes. Ce serpent était velu comme un bouc et de ses yeux et de sa bouche le feu jaillissait. Pendant huit jours cette bête traversa la plaine sans que je puisse savoir où elle se dirigeait. Lorsqu’elle eut disparu, je me mis à mesurer les traces qu’elle avait laissées. Je constatai que sa largeur était de quarante - deux coudées ; quant à sa longueur, Dieu seul la connaît.Le mendiant céleste selon Tabal

  Je me remis en marche, mais pendant mon sommeil j’entendis une voix mystérieuse, inspirée par Dieu, qui me disait : « Sais-tu O Hmad Ou Moussa ce qu’était ce serpent ? – Non, répondis-je. – Et la voix ajouta : « C’était un des serpents qui peuplent l’enfer. »

Je repris ma route et cheminai de nouveau pendant quatre jours. J’arrivai dans un pays dont les habitants trayaient des vaches noires. Chacune de ces vaches portait au milieu de la tête une corne toute droite et semblable à un piquant de porc-épic. Les queues elles-mêmes avaient cette forme. Je restais sept jours chez ces gens sans manger autre chose que du fromage sec.

  Je me remis en marche et traversai, quinze jours durant, forêts et  déserts. Je rencontrai un homme en train de labourer ; derrière lui,(le grain semé). Je m’arrêtai à le regarder, lorsque sa femme arriva, la chevelure peignée, teinte au henné et parfumée :

-   Laisse-là ta charrue O un tel, et rentrons à la maison ; nous sommes de fête (littéralement de noce) aujourd’hui car ton fils est mort.

Le laboureur abandonna sa charrue et accompagna sa femme. Lorsqu’il eut enterré son fils il offrit un repas que les gens acceptèrent. Pendant ce temps j’avais pris la charrue et labouré quelque peu. Lorsque l’homme revint, il vit que mes sillons étaient restés jaunes et que rien n’y avait poussé ; au contraire, ce qu’il avait semé était sorti de terre et était tout verdoyant. 

-Que Dieu nous garde de ta présence, me dit-il ; tu es sans doute originaire de ce pays du Maghreb où les gens se lamentent à la mort de quelqu’un.

voyage

 Maimoune Ali

En quittant ces lieux, me voilà de nouveau en marche, traversant pendant vingt-deux jours, forêts et  déserts. Je trouvai enfin, des hommes, qui n’avaient pas d’autres demeures que des grottes, qui labouraient la nuit et fuyaient,le jour, la chaleur du soleil. Je leur demandai, au nom de Dieu, la permission de m’abriter chez eux de la chaleur du jour.

-  Soit le bienvenu O hôte envoyé par Dieu, répondirent-ils.

(Entrant) dans leur demeure, je levai les yeux et aperçus une profusion de serpent de couleurs différentes, des verts, des jaunes, des rouges et des blancs.

- N’aie pas peur d’eux, me dit une femme de ce peuple, ils ne font de mal qu’à celui qui leur en fait.

Cette femme, voulait aller traire des brebis, prit les ustensiles nécessaires à la traite, elle s’aperçu qu’un serpent avait pendu dans une jatte. Une autre femme survenant alors dit en s’écriant :

-  Cette façon de faire nous lasse.

Et elle brisa l’œuf du serpent en ajoutant à l’adresse de ce dernier :

-  Vous nous encombrez !

Le serpent lui fit observer que la jatte dans laquelle l’œuf avait été brisé et un serpent tué, contenait (désormais) du poison. Puis cette femme s’en alla traire mais, se souvenant qu’elle avait brisé l’œuf du serpent, elle lui demanda de l’en excuser en alléguant qu’elle ne l’avait pas fait exprès. Le serpent, cependant, montant sur la jatte à lait, la renversa en la vidant de son lait. La femme s’adressant alors à moi me dit :

- Que Dieu t’éloigne de nous et qu’il te maudisse, tu as renversé notre lait.

Je lui répondis que Dieu seul connaissait celui qui avait renversé le lait, que ce n’était pas moi mais bien le serpent dont elle avait brisé l’œuf.

voyage

Maimoun Ali

Puis m’éloignant de ces lieux je me remis en route et marchai pendant huit jours. J’arrivai chez des êtres humains – dont la bouche s’ouvrait dans le cou et les yeux dans les genoux ; les poiles dont leur corps était couvert étaient leur seul vêtement. Je saluai ces gens mais ils ne me rendirent pas mon salut. Je les interrogeai sur leur origine et ils me répondirent qu’ils étaient les diablotins du peuple des démons. Je restai sept jours chez eux, puis, les quittant, je repris ma route et marchai pendant six jours. Je rencontrai alors un oiseau vert ; lorsqu’il se posait sur un arbre cet arbre verdoyait, lorsqu’il s’envolait , l’arbre se desséchait mais redevenait verdoyant lorsque l’oiseau se posait à nouveau sur lui. Je me dis, en présence de ce spectacle : « Il n’y a d’autres divinités que Dieu ! Que vois-je là ? » L’oiseau me répondit en ces termes :

- O Hmad Ou Moussa, ces arbres sont comme les co-épouses d’un même homme ; l’arbre sur lequel je me pose verdoie pendant que l’autre se dessèche ; si je me pose sur le sol, les deux arbres verdoient ensemble. Il en va de même des deux femmes d’un même homme ; celle chez qui il passe la nuit est heureuse alors que l’autre est mécontente.

voyage

    Trifis Abderrahim

Je poursuivis pendant deux jours ma marche et le troisième jour j’arrivai chez des gens qui possédaient des chèvres blanches dont tous les boucs étaient noirs.

    Huit jours après (j’atteignis) une vallée où grouillaient serpents et scorpions. Je demandai le nom de cette vallée et on me répondit que c’était celle du Sind. Je restai là trois jours effrayé et perplexe. C’est alors que le Maître Sidi Abdelkader eljilali , se présenta à moi me remis le roseau dont nous avons déjà parlé et m’invita à l’enfourcher. C’est ce que je fis en survolant la vallée où grouillaient serpents et scorpions. J’atterris sur mon roseau chez les Ayt - Béni - Israël. Puis le roseau, m’emportant de nouveau dans les airs, me déposa aux abords du JebelQaf (dans la cosmogonie musulmane, c’est le nom donné à l’énorme montagne, inaccessible aux hommes, qui entoure le monde terrestre). Je trouvais là un homme dans le voisinage de cette montagne. Il me salua en disant :

-  Salut O Sidi Ahmad Ou Moussa ! Où vas-tu ?

Je lui demandai de me décrire cette montagne.

- Il faut, me répondit-il, neuf mois de marche , pour en atteindre le sommet, un temps aussi long pour en traverser le plateau supérieur et enfin neuf autres mois pour en redescendre le versant opposé. Et cela ne vaut que pour celui qui vole de ses propres ailes, quant à celui qui, comme toi, marche  pieds, personne n’en parle.

J’enfourchai donc mon roseau qui, m’emportant dans son vol, me déposa entre midi et le milieu de l’après-midi, au sommet de la montagne. Je trouvai là un autre personnage qui me dit :

- O Sidi Ahmad Ou Moussa, penses – tu avoir atteint les limites du Monde ? N’oublie pas qu’il y a encore sept autres mondes après celui-ci, et tous ces mondes ne sont habités que par les anges.

Alors, je tournai la tête et fit à Dieu acte de contrition.  

voyage

Trifis Abderrahim

    Sidi Ahmad Ou Moussa poursuivant alors son récit ajouta :

« Je trouvai au sommet de cette montagne une source d’eau claire et fraîche. Je souhaitai d’en boire en mangeant du pain d’orge que l’on cuit dans le pays des Ida - Ou - Samlal . Ce souhait était  à peine formulé dans mon esprit qu’une femme se présenta  moi et me remit un pain qui venait de sortir du four.

-De quelle tribu, demandai-je  la femme ?

-Des Ida - OuSamlal,me répondit-elle en repartant .

Je mangeai le pain, bus de l’eau fraîche en me disant : « Quelle aventure ! ». N’ayant pu rendre mes devoirs  cette sainte femme, je me levai, enfourchai mon roseau et suivis ses traces. J’arrivai soudain à Massa, dans la pays de Sous, entre midi et le milieu de l’après-midi. Je voulus m’informer de cette femme, mais je craignis que l’on ne se moquât de moi. Quelle signification pourrais-je leur donner ? Comment s’informer d’une personne dont on ignore et le nom et la demeure ?  Je restai donc sur place, ne sachant quoi faire. Je me résolus enfin  parcourir tout le bourg de Massa dans l’espoir de rencontrer la femme que je cherchais. Je venais  peine de me mettre en marche quand j’entendis me dire :

- O Sidi Ahmad Ou Moussa, passes par ici et suis moi.

J’avançai donc sur ses pas et la suivis jusqu’à sa maison. Elle entra et me fit entrer avec elle . Elle me servit à dîner, ainsi qu’à ses enfants. Le repas achevé, elle coucha ses enfants et attendit qu’ils fussent endormis ; elle me dit :

 -C’est moi la sainte taba-Teaazza des Ida Ou Samlal, lèves-toi que je te conduise dans un certain lieu.

voyage Je l’accompagnai. Nous entrâmes dans la mer et moi, la suivant par la grâce de Dieu nous cheminâmes sur les eaux comme on marche sur le sol. Nous atteignîmes enfin une île où se trouvaient des hommes. Elle leur dit :

 - Voici Sidi Ahmad Ou Moussa de qui je vous ai entretenu.

 Puis elle me laissa chez ces hommes qui me dirent :

 -Un tel, saint protégé de Dieu, vient de mourir ; nous te demandons  de prendre sa place.

 Je répondis  ces saints personnages que j’étais disposé  faire tout ce qu’ils attendaient de moi.

voyage

Roman Lazarev

 C’est ainsi que s’achève le récit , entendu par nous , des pérégrinations de Sidi Ahmad Ou Moussa. Ce récit a été rédigé par Brahim Ou Mohamed , originaire de la région du Sous, de la tribu des Ikounka, du village d’Ifrhel du clan des Ayt Bahman. Que Dieu le protège des maladies, de celles de l’âme comme de celle du corps. Ce texte a été traduit du Berbère par Arsène Roux qui a donné dans « Récist, contes et légendes berbères en tachelhit » (Rabat 1942) en version berbère quatre fragments de la légende de Sidi Ahmad Ou Moussa. Laoust en 1921, dans son « Cours de berbère marocain (dialecte du Sous, du Haut et de l’Anti-Atlas) » donne le texte berbère de deux épisodes de la légende du saint. La même année il publie dans « Hespéris » la traduction française de l’un de ces épisodes : L’aventure de « Sidi Ahmad Ou Moussa dans la caverne de l’ogre. »  Il reprend cette traduction dans ses « Contes berbères du Maroc » (Paris, 1949). Mais c’est le Colonel Justinard qui a étudié le plus abondamment et la vie et la légende du patron de Tazerwalt. Il l’a fait dans « Hespéris » année 1925, 2ème trimestre et surtout dans les Archives marocaines , vol. XXIX, année 1933 . Pour ma part,en 1998 , j’ai consacré un documentaire au moussem de Sidi Ahmad Ou Moussa et  la maison d’Illigh, intitulé « Les troubadours de Sous » diffusé la même année par la deuxième chaîne marocaine sous le titre « Les troubadours de Sous ». Dans cette même série documentaire intitulée « la musique dans la vie », j’avais produit deux autres documentaires sur cette même région de l’Anti-Atlas :  « Massa, Terre de légendes » et « Idernan la fête de l’Anti-Atlas ». Abdelkader Mana

15:06 Écrit par elhajthami dans Achoura, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voyage | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Acrobates et prestidigitateurs

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Sur la célèbre place de Jamaa Lafna de Marrakech, parmi les halqa(cercles) de montreurs de singes, de charmeurs de serpents, de bouffons, de musiciens, on remarque celle des acrobates et des équilibristes, descendants de Sidi Ahmad Ou Moussa, patron du Tazerwalt et l'un des saints les plus populaire au Maroc.

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Les Oulad Sidi Ahmad Ou Moussa dans la médina de Casablanca

Ils voyagent organisés en petites troupes, donnant ça et là des exhibitions au carrefour des rues et sur les places publiques.Les curieux attirés par les tambourins et les flûtes se rangent en cercle autour d'eux: ils interrompent leur exercice d'acrobatie par des quêtes aumonières suivies d'invocations à l'adresse du saint.Ils sont parés d'un grand anneau d'argent pendant à l'oreille gauche et vêtus d'un vêtement à larges rayures blanches, noires ou rouges, rappelant assez le maillot des montreurs de tours des cirques.Ils emploient entre eux le berbère qui est leur langue maternelle et font usage d'un argot (ghoss) comme d'ailleurs la plupart des animateurs de halqa(cercle) que ce soit à Jamaa Lafna ou ailleurs.Ce sont des gens de voyage à l'image de leur légendaire ancetre.voyage

Quant aux voyages de leur saint protecteur et à ses courses à travers le monde, voici ce qu'en rapporte le grave auteur des Fawaid:

- J’entai un jour chez lui dans son Hermitage. Je le trouve exposé au soleil, les jambes étendues. Il regardait ses deux pieds et riait. J’ai cru qu’il riait de moi   :

-  Pourquoi ris-tu mon père ? Lui dis-je.

- Tu me trouve en train de regarder ces deux - là et je ris, me répondit-il en désignant ses pieds. Car tous les chameaux de la terre, en tout lieu du monde , auraient beau porter des charges , ils périraient avec tout leur chargement avant d’avoir franchi tout ce qu’ont franchi ces deux-là. » On rapporte encore au sujet de Sidi Ahmad Ou Moussa qu’un certain jour , regardant ses pieds, il se prit à dire : « Si on suppose un aigle volant si longtemps qu’il en perde ses plumes, puis recouvrant ses plumes et les perdant encore, reprenne son vol trois fois de suite(on peut affirmer)que cet aigle n’aura pas parcouru la distance couverte par les pieds que voici. »

voyage

Mohamed Tabal

 Ces pérégrinations de Sidi Ahmad Ou Moussa rappellent le pèlerinage du soufi à travers les sept stations que l’âme doit  franchir avant de s’anéantir dans le sein de Dieu.Sidi Ahmad Ou Moussa est un personnage historique du XVIè siècle,contemporain des sultans saadiens.Il est né à Bou Mérouan de la tribu des Ida Ou Samlal et il est mort en 971(1560),au Tazeroualt où son tombeau est vénéré.Nombreuses sont les hagiographies à son sujet qu'on appelle "manaqib".Selon l'une d'entre elles: « Parvenus aux confins du monde, Sidi Ahmad Ou Moussa et son compagnon de voyage accrochèrent à une étoile le petit sac de cuir renfermant leurs provisions de route. L’étoile disparut emportant le sac et les deux voyageurs se prirent de querelle. Un étranger que le hasard de la route conduisit dans leurs parages s’informa de l’objet de leur querelle et leur dit : « Ne vous disputez point ! Passez ici le reste de la nuit et quand, au matin, l’étoile réapparaîtra vous reprendrez votre sac ! » C’est ce qu’ils firent et, au matin, ils trouvèrent le sac avec ses provisions intactes.La nuit suivante,ils s’en furent demander l’hospitalité à un ogre(aguerzam) qui habitait dans une caverne profonde où chaque soir, venait s’abriter de nombreux troupeaux de moutons. « Soyez les bienvenus ! » leur dit-il. Et ayant allumé un grand feu à leur intention, il ajouta : « Que désirez vous manger ? » - « Ce que tu nous offriras » répondent-ils – « Je vous donnerai de la viande, mais vous m’en donnerez aussi ! » dit-il. Les deux hôtes se regardèrent et dirent : « Mais, où en trouverons-nous ? » S’étant consultés, ils décidèrent de manger et de s’en rapporter à Dieu pour le reste.Après le repas, l’ogre leur demanda : « Avez-vous mangé ? »-« Oui, dirent-ils »- « Et moi, non, répartit le monstre, donnez-moi l’un d’entre vous ! » - « Volontiers, dirent – ils, le sort va désigner celui que tu dévoreras de nous deux ! »

voyage

    Mohamed Tabal

Le sort désigna Sidi Ahmad Ou Moussa qui se prépara au sacrifice malgré les supplications de son compagnon qui voulait s’offrir à sa place. Mais, au moment où l’ogre s’apprêtait à le dévorer, Sidi Ahmad Ou Moussa, mit au feu la pointe de son long bâton de pèlerin et d’un coup violent le planta dans l’œil unique du monstre. Celui-ci rugissant de colère leur dit : « Vous êtes dans ma caverne et vous n’en sortirez pas ; je vais me poster à l’entrée et demain nous nous retrouverons ! »

   Le lendemain Sidi Ahmad Ou Moussa et son compagnon égorgèrent deux moutons et s’étant revêtus de leurs toisons ils se melèrent au troupeau qui partait  comptant et touchant ses brebis une à une ; il ne les poussait dehors qu’après les avoir reconnues.Cependant grâce à leur stratagème, les deux voyageurs réussirent à tromper sa vigilance et à échapper à sa vengeance. Quand ils furent sortis, ils enlevèrent leur toison et s’en servirent pour frapper le cyclope : « C’est ainsi, dirent-ils que tu traite l’hôte (de Dieu) qui passe la nuit chez toi ! » Puis ils s’enfuirent. »

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Photo Abdelmajid Mana : l'habitat au pays haha

 Ce récit a été rédigé par Brahim ou Mohamed , originaire de la région de Sous, de la tribu des Ikounka , du village d’Ifrhed du clan des Ayt Bahman.Que Dieu le protège des maladies , de celles de l’âme comme de celles du corps !Amen !

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Photo Abdelmajid Mana: l'habitat au pays haha

 La première partie de ce récit figure, avec des variantes nombreuses, dans d’autres légendes de saints. La seconde, par contre, est, je crois, jusqu’ici inédite. Qu’on remplace le nom de Sidi Ahmad Ou Moussa par celui d’Ulysse, qu’on donne à l’aguerzam berbère le nom de Kiklops, on aura dans ces épisodes essentiels toute l’aventure d’Ulysse dans la caverne de Polythène. Il n’est pas jusqu’au trait final du récit chleuh qui n’ait sa ressemblance avec le récit homérique : « kyklope », tu n’as pas mangé dans ta caverne creuse, avec une grande violence,les compagnons d’un homme sans courage, et le châtiment devrait te frapper,malheureux ! Toi qui n’as pas craint de manger tes hôtes dans ta demeure. C’est pourquoi Zeus et les autres Dieux t’ont châtié. » Mais par quelle voie le récit est-il parvenu jusqu’aux Berbères ?voyage

Photo Abdelkader Mana: La fiancée de l'eau, la jument blanche et son écuyer 

Dans mon livre sur les Regraga "La fiancée de l'eau et les gens de la caverne", à l'étape de Sidi Abdeljalil, le patron de Talmest – qu’on appelle aussi Moul l’Oued Lakhdar (le patron de la rivière verte) est un héros de la fertilité. En vertu de cela, les femmes vont se baigner dans ses eaux lustrales, offrant leur nudité au brouillard matinal azuré et aux regards indiscrets cachés dans les feuillages.

   On raconte une légende inspirée du cycle de Persée, celle de la jeune fille délivrée du monstre. Une légende très significative des anciens rites d’initiation :

    « Un âfrit (démon) qu’on appelait Mgharat Boutazart (la grotte du figuier en chleuh) vivait sur le mont Talmest. Il dormait une année et se réveillait l’autre. Sa caverne regorgeait des fruits de son errance en pays Chiadma. Un jour, il enleva Mammas, la fille de Sidi Saïd Ben Yahiya ; c’était l’ancien patron berbère de Talmest. Abdeljalil, un jeune théologien, lui promit de sauver sa fille en échange de la source de son jardin. Le chleuh accepta le contrat. Alors Abdeljalil se présenta devant la grotte maudite et provoqua l’âfrit en duel. Grâce à la lecture  du Diamiati, le grand livre de la magie, il transforma l’âfrit en abeille et l’enferma dans un roseau. Puis il ramena la jeune fille sur son cheval blanc. Comme l’exigeait le contrat, il devint le propriétaire de la source qu’il transforma en rivière. Depuis, toutes les terres bordant ses rives appartiennent à sa descendance. »

Abdelkader MANA

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TAFRAOUT

I D E R N A N E
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La fête saisonnière de l'Anti-Atlas

Au milieu des montagnes tourmentées de l’Anti – Atlas, le jour se lève sur Tafraout, toponyme qui figure parmi les plus fréquemment relevé en Berbèrie et qui signifie l’auge où les chèvres et les brebis viennent s’abreuver. Tafraout entourée d’un chapelet de villages aux maisons souvent vides mais auxquelles ses habitants d’origine restent attachés même s’ils ont réussi à faire fortune ailleurs. C’est à Tafraout que le Soussi oublie ses soucis, en retrouvant les parfums et les airs qui ont bercé jadis sa prime enfance. C’est là que chacun se réconcilie avec ses racines et son identité profonde.

A l’herbe des prés l’amandier en fleur a dit :

A quoi bon désirer l’eau ? Ô fleur voici l’abeille !

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Lorsque les amandiers en fleurs donnent aux valets de l’Anti – Atlas leur aspect presque riant et au moment où commence le gaulage des olives, la fête des idernane a lieu juste après le jour de l’an du calendrier julien : c’est ras- el- âm, le jour de l’an berbère, cette porte de l’année agricole qui correspond au 13 janvier du calendrier grégorien, qui donne le départ à ces fêtes saisonnières qui permettent aux vallées de l’Anti-Atlas de sortir progressivement de la mort hivernale à la renaissance printanière. La fête des idernane commence en tribu Ida Ou Samlal le jeudi 15 janvier ; les autres tribus la célèbrent ensuite jusqu’à la mi – mars. C’est une fête qui dure trois jours : le jeudi, le vendredi et le samedi. Que sont les idernane ? Ce sont les baignés faits de patte que l’on cuit dans le plat à pain enduit au préalable d’huile d’argan. Ce jour – là on mange aussi les moules séchées achetées sur le marché : les villageois préparent les crêpes ainsi que les moules qu’on appelle waïl en berbère, bouzroug en arabe. Ils s’invitent entre eux et le soir venu a lieu la fête dans le douar. Au sommet du djebel el Kest, qui surplombe Tafraout ainsi que la célèbre vallée d’Ammeln, au tout début du mois de janvier 2004, nous avons assisté à cette fête du calendrier berbère qui a coïncidé cette année avec la fête lunaire du sacrifice abrahamique.
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La trêve des idernane

Perché au sommet du djebel el kest , la plus haute montagne de l’anti – atlas, qui culmine à 2300 m , le village de Tagdicht fait partie de la fraction des Aït Smayoun, qui surplombe la vallée où coule par intermittence l’oued Ameln au pied de la muraille semi – circulaire de l’adrar el kest : c’est par rapport à l’oued qui coule au milieu de la vallée d’Ameln que se répartissent les douars. Il y a ceux en amont de la rivière qui appartiennent  au domaine du haut, afella ou assif, et ceux  en avale de la rivière qui appartiennent au domaine du bas, agouns ou assif. Les premiers formaient le long du djebel el kest une alliance des montagnards dénommée le leff des Tahougalt qui s’opposaient aux villages de la vallée qui formaient le leff de Tagouzoult. Ces deux leff antagonistes ne connaissaient de trêves que durant les fêtes des idernane, comme nous l’explique notre hôte au village de Tagdicht :

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Jalahi Abed, le patriarche de Tagdicht, notre hôte
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Tagdicht
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« L’occasion des idenane, quelle en est la cause ? Les famines et les guerres ! Il y avait la famine et on guerroyait d’un village à l’autre, d’une tribu à l' autre. Les Oulémas de Sous se sont alors réunis à Igourdane et ils ont cherché à établir une trêve, pour que les gens puissent faire leur marché en paix. Ils ont donc appelé cette trêve « la trêve d’idernane » : deux représentants de chaque douar avaient signé ce pacte. De sorte que quiconque veut se rendre au douar ne puisse être muni d’armes, ne serais-ce que d’un simple couteau. Il peut ainsi se rendre au douar avec confiance. Et ils ont commencé à Igourdane. Le 8 janvier commence idernane à igourdane, suivi de Tagenza, la semaine d’après, puis  vient le tour de Tagdicht où nous sommes . Cette fête mettait ainsi fin à l’opposition entre les leff de Tahougalt et celui de Tagouzoult. Le leff de Tahougalt défendait son territoire et celui de Tagouzoult également. A partir d’Aït Smayoun à Ida Ou Samlal , c’est le leff de Tagouzoult. Et de Tazoult à Aferni , c’est le leff de Tahougalt. On fête idernane en recevant les invités avec les crêpes : les femmes arrivent le jeudi, les hommes le vendredi. Et on commence à danser l’ahouach l’après midi jusqu’à très tard le soir. »
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Lors de la fête nocturne les jeunes chanteuses ont la tête entièrement recouverte par un voile collectif qui les relie entre elles qu’on appelle chéch. Ce voile collectif semble être imposé par les vieilles zaouia et écoles coraniques de la région. Ce voile collectif imposé par les hommes limite l’expression chorégraphique des femmes. A cet égard, le Sous se répartit en deux sortes de tribus : celles dont l’ahouach (danse collective) des femmes se déroule sans voile et qui excellent dans la danse et le chant et celles qui dissimulent leurs corps sous un voile collectif de sorte qu’elles ne laissent paraître de leur beauté physique  que les mains enduites de henné et recouvertes de bijoux (les jeunes nubiles se produisent ainsi pour les beaux yeux de l' éventuel future, les femmes mariées sont de simples spectatrices).Ici, le corps des femmes est marqué d’interdits ; on nous a même empêché de filmer les spectatrices. Et comme nous avions voulu filmer les traditions culinaires de cette fête des idernane ; on nous a promis par politesse d’accéder à l’espace intérieur réservé aux femmes, mais c’était juste une promesse qui n’a pas été suivie d’effet. De manière symbolique, le seuil, al-atba , marque la limite à ne pas franchir .

Résurrection des fleurs sauvages

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Le poète Mohamed Kheir Eddine , né dans cette vallée d’Ameln, plus précisément au  village d’azrou ouadou (le rocher du vent) s’était élevé à son retour d’exile contre ces traditions étouffante tout en exprimant de la nostalgie pour ces musiques naïves et attendrissantes qu’il a connu dans son enfance. Une enfance où il n’avait connu de la femme que son voile noire et son fagot de fourrages sur le dos :

La femme portant la montagne sur le dos

La femme naissant du creux moite de l’omoplate

Des moutons sacrifiés sur l’ardent miroir fauve

Mère ! Issue des plantes fourragères

Je vais par ce chemin abrupt atteindre tes yeux baies

Et très haut une lune peut – être qui pose ses nasses

Avec sa langue embrassant les étoiles

Morte ?! Non. Fatiguée de l’amour acre non consommé

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C’est en ces termes que dans sa « Résurrection des fleurs sauvages », que Mohamed Kheir Eddine rend hommage aux femmes de ce pays qui est le sien. Et « on arrive dans son pays, écrivait – il , plein de bruits des mégapoles, de la furie des mers et baignant dans les espaces immenses. Quel miracle ! Après les vins forts de l’errance que les brocs de petit lait saupoudrés de teins moulu. On refait connaissance avec la moindre poutre, la moindre marche. On redécouvre les pièces visitées en rêve, exiguës et ténébreuses. On est véritablement à l’écoute des musiques de l’enfance. »

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Les commerçants des villes bâtissent ici des villas en béton dont ils confient les clés à des allogènes et où ils ne viennent habiter qu’une quinzaine de jours par an, à l’occasion de mariages. Au pays reste la femme : c’est elle qui cultive la terre, c’est elle qu’on voit arracher de l’herbe en flanc de montagne. Curieuse économie à deux branches : l’agriculture et le commerce dont l’une, la complémentaire s’est développée au point de devenir la principale. Au pays d’Ameln, l’émigration a dispersé les hommes au point qu’on a du faire appel à l’ahouach des hommes de la tribu voisine d’Amanouz. Dans son improvisation poétique, le poète fustige l’avarice qui fait de l’accumulation de richesse le but ultime de la vie. L’avare ne peut s’adapter à la vie sociale : Dieu lui a interdit de goûter au miel des choses. Dans une fête où l’assistance est faite principalement d’épiciers et d commerçants ayant bâti leur richesse à force d’épargne, l’évocation de l’avarice paraît un clin d’œil qui ne manque pas de sel. Un simple recensement des invités nous convainque de leur origine social : tailleur à Tanger, buraliste à Casablanca, épicier à Rabat, restaurateur à Tafraout, propriétaire de supermarché dans la banlieue parisienne : ils sont tous revenus au pays à l’occasion de l’aïd el kébir et ont choisi de prolonger leur séjour pour participer au village, aux environs de Tafraout, à la fête saisonnière de l’Anti – Atlas. Contrairement au Haut – Atlas où nous pouvions interroger des femmes d dévoilées sur leur chant et leur danse, dans cet Anti – Atlas puritain, on a dû ruser pour filmer furtivement au loin, des femmes voilées.grenier.JPG

Dans le Sous, la femme reste la gardienne de la culture et de l’agriculture. De tout temps la femme berbère a été pourvoyeuse des significations du monde. C’est elle qui inculque aux très jeunes enfants la culture ancestrale que l’homme trop paresseux quand il n’est pas occupé dans les mines d’Europe ou les épiceries de Casablanca ne leur dispense pas. Cette culture se donnait comme un travail de patience et de méthode qui consiste à nourrir le cerveau de l’enfant de la geste symbolique tout en lui faisant connaître les beautés diverses et immédiates de la terre.

Abdelkader MANA

15:01 Écrit par elhajthami dans Documentaire, Musique, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tafraout | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

AGADIR

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Les greniers collectifs de l'Anti - Atlas

Dans le Sous les régions  montagneuses  sont connues par leurs greniers collectifs (Igoudar , en berbère, pluriel d’ Agadir) . Le rôle que jouent ces greniers collectifs de l’Anti-Atlas s’explique aisément par les conditions de vie d’un pays où les hommes ne peuvent subsister qu’en amassant les provisions dans les années d’abondance en prévision des années de sécheresse et de famine. Jadis, on avait édifié également ces Agadirs pour que les femmes et les enfants s’y réfugient en temps de siba , d’anarchie et de guerres intertribales. Ces Agadir qui servent toujours de banque d’épargne, retiennent aujourd’hui notre intérêt pour leur architecture exceptionnelle : vieux de mille ans, leur beauté rustique en fait l’un des principaux patrimoine historique de la région de Sous.

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Au loin se profile le mont adrar qui surplombe à plus de 2000 mètres d’altitude l’assise territoriale de la tribu Touska aux environ de Tafraout. Entouré de trois villages telle une forteresse, voici le grenier collectif Tasguint où les villageois de la tribu mettent leurs moissons de blé et leurs récoltes d’amandiers. Maintenant la plupart des villageois sont épiciers à travers les villes du Maroc. Cette tribu de Touska comprend sept greniers collectifs : Dougadir, Tasguint, Agdil, Touliline, Tidza et Issil. Nous avons visité celui de Tasguint , l’Agadir millénaire qui a servi de modèle à tous les autres .
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Chaque tribu ou grande fraction a sa forteresse - grenier, souvent située sur des hauteurs imprenables. Elles est disposée à l’intérieur en forme de rue étroite sur laquelle s’ouvre sur trois ou quatre étages deux rangées de chambrées dénommées ahanou, où l’on met en abris récoltes et objets précieux de la famille. Une réglementation juridique  compliquée  qu’on appelle luh(table de la loi  parce qu’ elle était inscrite sur des planchettes au départ), fixait minutieusement les droits et les charges des usagers. De l’administration de ce makhzen (magasin) dépend chaque jour la vie matérielle des villageois.
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Comme tout autre Agadir de la région, celui de Tasguint ne peut être ouvert qu’en présence de deux clés se trouvant dans deux douars en contrebas. Sans le consentement des villageois concernés, ce grenier collectif ne peut être ouvert. Pour assurer le contrôle chaque douar dont les habitants disposent de chambre dans l’Agadir délègue des membres qui se relaient pour la surveillance de nuit : ils arrivent à six heures du soir et repartent à six heur du matin. Si quelqu’un enfreint la réglementation de l’Agadir on recourt aux notables qu’on appelle inflas en berbère : c’est eux qui ont rédigé les lois coutumières en vigueur et qui veillent à leur application jusqu’à nos jours. En cas d’infraction, les douze membres qui veillent sur l’Agadir se réunissent et prononcent leur sentence à l’encontre du contrevenant pour qu’il paie l’amende sans quoi l’accès lui est formellement interdit même s’il dispose d’objet précieux dans l’une des chambrée du grenier collectif. Les notables, en présence de l’amine et des gardiens assistent à l’acquittement de la dette par l’individu condamné, sous la forme d’une vache, d’une chèvre ou d’un bélier. Tout le monde reconnaît ainsi qu’un tel s’est excusé en sacrifiant.Au grenier collectif, on dépose les bijoux en argent, en or ou encore du miel; des objets dont on ne se sert qu’une à deux fois par an. Ce sont les objets les plus précieux qu’on dépose à Agadir.

Abdelkader MANA

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14:55 Écrit par elhajthami dans Arts, Histoire, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : agadir | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

20/05/2010

Belle demeure d'Essaouira

Essaouira, ville à vivre
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Où séjourner à Essaouira?

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Maison d'hôte au coeur de la médina

Avec vue panoramique sur la baie et les terrasse d'Essaouira

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Donnant sur l'horloge...et

Sur la baie....

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Avec vue sur les terrasse d'Essaouira

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La belle demeure , rue d'Agadir

On est rue d'Agadir, l'un des quartiers les plus anciens de la médina, puisqu'il remonte à quelques années de 1764 , date de la fondation du port et de la kasbah  : en 1773, Agadir qui résistait encore à la pression du souverain, et où se maintenaient d'importants marchands chrétiens et juifs fut puissamment attaquée par une armée venue de Marrakech. La ville ne put résister, ses fortifications furent détruites. Sidi Mohamed Ben Abdellah n'accorda qu'un temps très bref à ses habitants pour ramasser ce qu'ils possédaient et leur ordonna de se transporter à Essaouira où un quartier « derb Ahl Agadir », leur fut attribué.

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Abdelmajid Mana: GSM(Maroc) :(212.6.70.27.14.12).e-mail: mana35@hotmail.fr

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Maison du 18ème siècle  sis rue Agadir : l'appartement situé au 2ème étage avec entrée indépendante,comprend: 4 chambres, 1 grand salon, 1 cuisine équipée,3 salles de bain. Avec une capacité d'accueil de 10 personnes. Selon les saisons le tarif est le suivant: A) Bassa saison: 700 Euros par semaine B) Haute saison: 900 Euro par semaine

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Maison traditionnelle d'Essaouira :

Riad ou plutôt Menzeh(vue panoramique sur la mer) ?

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Par Abdelmajid MANA

Depuis maintenant une quinzaine d'années, s'est développée au Maroc, la formule touristique, d'habiter les Riad dans la médina.  Cela permet d'une part d'être au cœur de la culture de la médina marocaine, que ce soit Fès, Marrakech ou Essaouira, et d'autre part de sortir de l'anonymat du tourisme industriel de masse. Cependant, , comme on le voit dans tous les sites Internet, il y a un abus de langage concernant  l'utilisation du mot « Riad ». Un  terme mal défini qui prête à confusion, surtout pour ce qui concerne les maisons du 18ème et 19ème siècle d'Essaouira. Les gens qui ont acquis ces maisons,  les appellent abusivement « Riad ». Or je vis justement dans l'une de ces vieilles maisons  qui n'est pas un Riad et que quelqu'un qui ne connait pas  l'histoire de la ville serait tenté de l'appeler ainsi.

On est rue d'Agadir, l'un des quartiers les plus anciens de la médina, puisqu'il remonte à quelques années de 1764 , date de la fondation du port et de la kasbah  : en 1773, Agadir qui résistait encore à la pression du souverain, et où se maintenaient d'importants marchands chrétiens et juifs fut puissamment attaquée par une armée venue de Marrakech. La ville ne put résister, ses fortifications furent détruites. Sidi Mohamed Ben Abdellah n'accorda qu'un temps très bref à ses habitants pour ramasser ce qu'ils possédaient et leur ordonna de se transporter à Essaouira où un quartier « derb Ahl Agadir », leur fut attribué.

Ces négociants juifs ou berbères originaires de Sous - les fameux « toujar sultan » (négociants du roi)-  qui s'établirent dans la kasbah et à « derb Ahl Agadir », construisirent des maisons à deux niveaux plus une terrasse. Le rez - de Chaussée était réservé à l'entrepôt des  marchandises. Ce type de demeure comportait deux entrées : ce qui montre bien qu'on ne mélangeait pas négoce et vie privé. La première porte  donne  accès au lieu du travail qui est l'entrepot des marchandises destinées à l'exportation via le port : des sacs empilés les uns sur les autres jusqu'au plafond d'amendes décortiquées, du blé, de peaux,  de caroubes et surtout de  gomme (lagracha), d'où le nom " lahraya dyal lagracha "(entrepôt de la gomme). D'après ma tante maternelle,  qui accompagnait sa maman , dans ces entrepôts, où  les femmes la filtraient et  nettoyaient  la gomme » durant la grande famine de fin  1920-début  1930 :  c'est de l'immense forêt de thuya de béribérie, au sud d'Essaouira, qu'on ramenait cette gomme qu'on appelait lagracha.

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La deuxième porte donnait sur les  étages : Le premier pour la famille, le second pour les invités  . Ce dernier était souvent  le plus beau avec vue sur la baie . On l'appelait manzah, mot qui signifie "vue panoramique" justement. A l'époque, il n'y avait pas d'hôtels et les voyageurs de passage étaient reçus : soit au  manzah des négociants , soit à la « douiriya »(, maisonette mitoyenne à la maison proprement  ou dar). En effet, partout ailleurs dans l'ancienne médina, chaque  foyer disposait de deux maisons adjacentes : dar(ou maison) pour la famille et et douiriya (maisonnette)pour les célibataires et les invités.

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Le rez- de - chaussé des maisons - entrepôt, se caractérisait par d'énormes arcades en  pierres de taille (manjour) , matériau  au fondement de l'ancienne kasbah et des fortifications du port. Dans l'hinterland d'Essaouira, on retrouve encore aujourd'hui d'excellents tailleurs de cette roche de sable, à Had Dra, Akermoud et Tamanar en particulier. Ces rez-de-chaussée étaient hauts de six à huit mètres  pour y entreposer suffisemment de marchandises. Il faut donc que ça soit grand mais aussi que ça soit solide : leurs plafonds étaient en bois de thuya, qu'on appelle tassiout en berbère. Ce dont  les européens raffolent maintenant en les imitant même pour leurs salons. C'est le plafond berbère par excellence, à base de baguettes en thuya de soixante centimètres soutenues transversalement par des poutres en madriers de thuya également.

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Le meilleurs exemple de ce type d'entrepôt à Essaouira, c'est le restaurant  El Menzeh : avec ses énormes arcades en pierres de taille, son très haut plafond en tassiout ,le mur badigeonné en blanc. C'est à la fois simple et beau. Il n'y a pas cette profusion de Zellidj , de couleurs, de calligraphie, et de dessins géométriques et floraux qui caractérisent les Riad de Fès ou de Marrakech. Aujourd'hui, paradoxe des paradoxes, les européens préfèrent de loin ces lieux rustiques et simples, que sont les anciens entrepôts d'Essaouira aux soi-disant Riad avec des tas de zellidj et de décorations.

Maintenant, on a installé un restaurant  dans ce rez - de - chaussé en ajoutant de la déco ,de la lumière, et à l'étage, on a mis des chambres un peu partout. C'est cela qu'on appelé abusivement Riad. Or Essaouira est une ville récente et maritime et le vrai Riad est un legs andalous caractéristique des villes impériales comme Fès et Marrakech. C'est quoi un Riad ? C'est un mot arabe qui dérive de « Raoud » qui signifie « jardin » ou encore mieux « jardin de l'Eden ». Le modèle est andalou : il s'agit d'un patio avec jardin et fontaine . Carré magique, sourate Coranique : de l'eau, on a crée toute chose vivante. Le Riad est une demeure à patio avec arcades entourant jardin et fontaine où la lumière descend d'en haut. Lumière de la lune, des étoiles et du soleil, mais aussi lumière divine inspiratrice de rêverie et de méditation en ce lieu où chantent les oiseaux dans les arbres et où ruisselle l'eau dans la fontaine. Ciel ouvert avec oliviers, orangers, figuiers et palmiers. Les arbres du paradis et de la méditerranée par excellence. Mais aussi bananier et pomiers venus d'ailleurs.

Comme pour le modèle musical médini (M.M.M), le Riad est  d'inspiration andalouse. J'irai encore plus loin que les andalous. Tu trouve cela chez les romains, en fait : la structure de cette maison en carré avec à l'intérieur un jardin et en dessous une citerne - comme la citerne portugaise d'El Jadida. Dans notre maisons d'Essaouira , on a aussi, des citernes avec arcades. Petit, je suis descendu à sa citerne située au sous sol et j'ai vu des arcades en pierres de taille comme le reste de la maison. Ce modèle d'architecture est romain : avant de mettre un jardin au-dessus de cette réserve d'eau, on mettait en place toute un système ingénieux et invisible de canalisation qui conduit délicatement les eaux de ruissèlement de la terrasse jusqu'àu sous sol c'où on puisait l'eau pour arroser le jardin. A Essaouira, les seuls véritables Riad appartenaient au caïds de la région et le savoir faire venait de Marrakech qui n'est pas loin. Les véritables maisons d'Essaouira avaient certes une citerne au sous sol, pour laver le linge et autres travaux ménagers, mais sans jardin ni fontaine.

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Un Riad est donc « un jardin intérieur » à ciel ouvert. Autour du carré de ce jardin  s'organisent toute une série d'arcades et de chambres. Son rez-de chaussé  se distingue par la présence d'une cuisine et d'une immense pièce où le maître de la maison reçoit ses amis et ses invités. Les femmes et les enfants sont à l'étage. Or, nous avons une situation tout à fait inversée dans la cas de la maison-entrepôt d'Essaouira, où la réception des amis et des invités se fait plutôt au deuxième étage, avec son menzeh et sa vue panoramique sur mer. Le spectacle qui repose les sens et invite à la méditation n'est pas le jardin de l'Eden, mais l'océan de lumière. A Essaouira, il s'agira plutôt d'un jardin suspendu dans les hauteurs : pots de basilics et de géranium avec vue sur la baie. Au Riad classique  de Marrakech ou de Fès, le lieu de villégiature et de spectacle ; c'est le rez-de-chaussé. Au menzeh d'Essaouira, il faut monter plus haut pour voir la mer. Là -bas, c'est le Riad, à Essaouira, c'est plutôt le menzeh (vue panoramique et aérienne sur mer).

Quand on est dans la médina, bien souvent, les maisons n'ont aucune ouverture sur l'extérieur. La lumière descend d'en haut. Or dans les maisons juives d'Essaouira : partout les fenêtres sont grandes ouvertes au dessus du niveau des remparts et donnent sur la mer. Car, on n'avait pas à cacher la femme. Dans certaines rues importantes comme celle des Alouj (les anciens convertis issus des prises de mer de la piraterie barbaresque  qui travaillaient comme canonniers à la scala du port et de la mer) , il y a même des balcons. C'est la maison typique des négociants juifs et des consuls chrétiens établis à Essaouira dés sa fondation en 1764.  Alors que les maisons musulmanes se caractérisent par des façades aveugles, avec petite porte d'entrée, donnant sur un véritable paradis, avec son puits de lumière venant d'en haut. expression de cette pudeur selon laquelle, la femme ne doit pas se montrer, se dévoiler.

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Maâlam Tahar Mana, doyen des marqueteurs d'Essaouira, mon père

D'où vient donc le mot Riad ? Dans le Coran, il signifie « jardin du paradis ». Par ces jardins intérieurs, les hommes veulent reconstituer en quelque sorte  un petit bout de paradis sur terre. Ils vont  y mettre des plantes exotiques et  sacrées qu'on retrouve dans le Coran. Souvent un olivier ,un figuier et un pommier. Les fruits dont on se nourrira dans l'Eden.  Ils reconstituent ainsi, quelque part,  ce bout de paradis dont chacun rêve après sa mort. Le cimetière porte aussi le nom de jardin : Raouda. D'ailleurs les cimetières qui se trouvaient au pied des remparts de l'ancienne médina - comme ceux de Bab Marrakech malheureusement rasés par la municipalité d'Essaouira au tout début des années 1980 - étaient tellement couverts de végétaux qu'on ne voiyait plus les tombes. Le cimetière était un véritable jardin. On laisse les plantes folles l'envahir  . Cela était vrai pour les anciennes médina comme Essaouira,  Marrakech ou  Fès , mais cela l'est aussi pour la  campagne : au cimetière d'Aït Daoud, le souk du miel de thym, que j'ai visité récemment et dont j'ai les photos, on permet à toutes les plantes de se développer à leur guise.

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Si Mohamed Mana qui a pris la relève dans l'atelier de notre père...

Chez nous, on désigne donc le cimetière  par le mot « jardin » et non pas maqbara (lieu d'ensevelissement) comme c'est le cas dans d'autres villes. Mais je trouve très beau qu'à Essaouira, on dise Raouda (jardin). Alors qu'à Casablanca qui est une ville anonyme, on dit plutôt maqbara (lieu d'ensevellissement). On dit maqbara Chouhada (sépulture des martyres), mais pas Raouda (jardin), un mot beaucoup plus apaisant et moins dramatique. A Essaouira, qui est une ville enracinée, souvent, le cimetière est un jardin.  Et quand on dit « jardin », dans l'inconscient collectif, on met tous les morts à égalité et on leur souhaite à tous de rejoindre le paradis.

Abdelmajid Mana


[1] Vue panoramique sur la mer

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10:35 Écrit par elhajthami dans Voyage | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : maison d'hôte à essaouira | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

11/05/2010

Ouarzazate

 

A Ouarzazate les amandiers sont déjà en fleurs

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Tifoultout

 

Tout avait commencé en musique, un accueil au rythmes de la montagne entrecoupé de youyou. L’Ahouach de Tifoultout. Au bout du voyage réel commençait le voyage imaginaire. Le dépaysement est complet. Une ambiance propice à l’amitié entre les hommes et les femmes qui ne se connaissaient pas cinquante minutes plus tôt. C’est le mystère de Ouarzazate. La ville du silence où l’on se recueillit pour être attentif à l’appel du berger et à l’échos de la bergère que mime justement le mariage de ces voix graves et aigues de ces chanteuses et de ces musiciens habillés aux couleurs bariolées de la fête ; arc-en-ciel lumineux du soleil.

 

 

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Ahouach

Après cet accueil musical, un dîner copieux est offert au bien nommé hôtel « karam » (hospitalité). C’est l’occasion pour les invités de nouer les liens de l’amitié autour d’une même table. Beaucoup d’entre eux avaient quitté l’hiver et la neige en Europe pour se retrouver au printemps et au soleil de Ouarzazate. Le matin en est une illustration éblouissante : l’eau qui s’évapore crée une atmosphère de rêve que renforce le chant multimélodiques des oiseaux. Direction Tinghir puis les gorges de Toudhra en passant par la source des poissons sacrés : la journée commence bien. Le guide explique :

« Faisant une petite promenade à pied dans les gorges. Il y a des mouflons dans la montagne. On peut les voir grâce aux jumelles ».

 

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Gorges de Todhra

Les parois abruptes des gorges sont impressionnantes ; elles s’élèvent à pic jusqu’à 300 m. L’ascension dure trois heures en moyenne. Il y a des gens qui passent ici toute une semaine, rien que pour pratiquer des escalades. Laftah Omar, le président de la commune rurale de Tinghir précise : « Les alpinistes viennent généralement en équipe. Les gorges de Toudhra sont uniques. Ils s’agrippent aux falaises. Il faut le voir pour le croire». A Tinghir les amandiers sont déjà en fleurs. Des fioritures de hautbois nous accueillent. On nous offre un repas pantagruélique sur une esplanade qui a vue sur les montagnes enneigées. En fait, on va d’une grande bouffe à l’autre, d’une musique à l’autre, d’un paysage à l’autre.

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Aux environs de Ouarzazate

 

Lawrence d’Arabie et les dix commandements

 

 

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Lieu de tournage de Lawrence d Arabie

 

 

La journée du samedi 21 février 1987…s’achève en apothéose par un dîner – spectacle à l’hôtel Karam Palace avec orchestre de musique flamenco et groupe les lords (tenue sombre). Le groupe espagnol a notamment dansé sur les airs du « Lac de signe » de Tchaïkovski. Le dimanche, la ville silencieuse de Ouarzazate se réveille dans la lumière et le silence ; ville rouge sur fond de montagne enneigée. Le touriste peut pratiquer toutes sortes de sports dans cet air purifié. : le tennis, le tir à l’arc, l’équitation, la nage et j’en passe. Il peut vivre en deux jours l’équivalent d’un mois de vacances, tellement le temps est bien rempli et l’espace parcouru dans tous les sens.

 

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Les dix  commandements en tournage a Ouarzazate le 23 mai 2005

Rien de mieux pour faire peau neuve et prendre une nouvelle charge d’énergie : On oublie, on se laisse vivre, on devient un autre. Les ksour et les kasbah parsèment de temps en temps, ici et là des espaces sauvages, dénudés, silencieux, mystérieux et magnifiques. Au milieu d’un paysage lunaire et rocailleux où pas une herbe ne pousse, brusquement la vie ressurgit avec sa profusion de végétations : c’est la victoire de la vie sur la mort, de l’eau sur la sécheresse. C’est le cas de l’oasis où nous fûmes accueillis au milieu des tentes caïdales. L’eau y vient de l’oued Taznakht. Il y a aussi des eaux souterraines qui proviennent de la fonte des neiges du versant sud du haut – atlas.

 

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Autre lieu de tournage de Lawrence d Arabie a Ouarzazate

Devant les tentes caïdales, l’immense Ahouach de l’Adrar.

Les percussionnistes sont assis à même le sol alors qu’auteur d’eux les danseuses cosmiques imitent la roue solaire : ici, ce n’est plus cet objet décoratif et folklorique qu’on promène dans les hôtels et les « fichta » officielles. L’ahouach est dans son cadre naturel, au bord de l’oued sur fond de falaises et de lumière. Il n’y a ni micro, ni estrade. C’est la culture paysanne dans son authenticité. Dans ce contexte naturel ; le produit exotique, se sont les touristes !

 

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Oasis de Ouarzazate

 

Sur le plan culinaire et musical, on a presque fait le tour de l’univers si l’on peut dire : du plat norvégien au menu traditionnel dans sa version berbère et fassie et de la musique espagnole à la Sokla de Tamgrout….Une journaliste française me dit : « Il faut que je fasse ma provision de thé à la menthe, parce qu’à Paris, ça ne cours pas tellement les rues ». Un autre journaliste français lui rétorque : « Ici, on mange ; on ne fait pas de discours. Alors qu’en France ; Oh là, là ! Les discours ! Ici, les discours, on les traduit par les faits. ». Le méchoui est servi. Des youyou strident entrecoupent le chant des femmes qui rythment avec leurs mains. Au delà de quelques îlots de verdures…l’espace ocre court jusqu’au pied de la montagne ombragée. Ce n’est pas par hasard que les cinéastes avaient choisi ce paysage à la fois hostile et sauvage pour tourner leurs films. Des studios de cinéma sont déjà installés à Ouarzazate. On y a tourné plusieurs films : Laurence d’Arabie, le dernier James Bond, les Milles et une nuit, les joyeux de Niel, et « Liberté, égalité, choucroute ».La kasbah des Aït Ben Haddou a d’ailleurs été le théâtre de plusieurs activités cinématographiques comme nous le précise le guide du coin du nom de Mohamed Abdou du haut de cette kasbah :

 

 

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Amandiers en fleurs

 

« Là en bas, près des jardins avec des amandiers en fleurs et des figuiers, on a rajouté une petite muraille pour les besoins du film « Lawrence d’Arabie » ; c’est cela ce qu’ils appellent « la kasbah ». mais ce n’est pas comme ça qu’on la voit dans le film, parce qu’ils ont coupé tous les arbres. Les figurants qui jouaient le rôle de nomades sont des sédentaires qui vivent à Ouarzazate. Ils ont loué tous les jardins du village pour y installer des tentes. Pour cela, ils ont coupé tous les arbre. Maintenant, il y a moins de fruits parce qu’il est difficile de faire repousser un arbre tout de suite. Les quatre fenêtres blanches que vous voyez là-bas ne sont pas d’origine : avant…il n’y avait pas de fenêtres sur les murs ; ça, c’est pour un film français qui s’appelle « le vol du sphinx » avec Alain Souchon. Ils ont mis sept coupoles qui ressemblent à des marabouts. Au cinéma, les gens croient qu’il y a plein de marabouts à Aît Ben Haddou. Je dirai non. Ce ne sont pas des vrais. Le vrai marabout est derrière : au village à côté du cimetière et la petite coupole aussi. Là haut, on l’appelle « Agadir », vous savez ce que c’est ?

- Le grenier collectif, lui répondit-on.

- Grenier collectif pour mettre les gazelles ! (éclat de rire).

Excusez – moi… Messieurs – Dames, parce que je rigole un petit peu. Nous, on n’est pas des dromadaires ou des chameaux qui sont toujours fâchés. D’ailleurs il n’y a plus de chameaux parce que les chameaux ne servent plus, puisqu’il n’y a plus de caravanes. Le problème maintenant, c’est que les gens quittent la kasbah qui se trouve sur les hauteurs pour habiter la terre pleine. Car la kasbah n’a plus sa fonction de lieu protégé contre les razzia. Par conséquent, les maisons non entretenues tombent en ruines.

 

Le monde d’hier qui tombe en ruine peut être restauré parce qu’il a maintenant une autre fonction : répondre aux besoins du tourisme culturel. En présence du gouverneur de Ouarzazate, le séjour s’est terminé en apothéose par une soirée marocaine à l’hôtel Salam animé par l’orchestre de musique andalouse sous la direction de Haj Abdelkrim Raïs. La vedette en était le jeune chanteur Abderrahim Souiri qui a ébloui tout le monde par ses mawal enflammés, ses inçiraf légers et la gaieté des ses mouwashah andalous. Aux lueurs qui préludent le jour, tout le monde est transporté à l’aéroport où l’avion a pris son envol en même temps que le levé du soleil pour atterrir à Casablanca au moment où tout le monde prenait encore son petit déjeuner.

 

Abdelkader MANA



[1] Article paru à Maroc – Soir du vendredi 27 février 1987.

12:53 Écrit par elhajthami dans Voyage | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : voyage | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook