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23/10/2009

Al-hawaâriyyûn

La tradition des douze apôtres : Al-hawaâriyyûn

Dans son « Mounqîd min adhalâl », Al Ghazâlî déclarait : « En tout temps il existe des hommes qui tendent à Dieu, et que Dieu n’en sevrera pas le monde, car ils sont les piquets de la tente terrestre ; car c’est leur bénédiction qui attire la miséricorde divine sur les peuples de la terre. Et le Prophète l’a dit : c’est grâce à eux qu’il pleut, grâce à eux que l’on récolte, eux, les saints, dont ont été les Sept Dormants ». La légende des sept saints regraga s’inscrit dans une vielle tradition méditerranéenne dont la source serait celle des Sept Dormants d’Ephèse en Turquie comme le soulignait en 1957 Louis Massignon : « En Islam, il s’agit avant tout de « vivre » la sourate XVIII du Qora’n, qui lie les VII dormants à Elie (khadir), maître de la direction spirituelle - et la résurrection des corps dont ils sont les hérauts, avant coureur du Mehdi, au seuil du jugement, avec la transfiguration des âmes, dont les règles de vie érémitiques issues d’Elie sont la clé. Ce culte a donc persisté en Islam, à la fois chez les Chiites et les Sunnites mystiques. » En Bretagne, par où les sept saints Regraga, auraient passé à leur retour de La Mecque avant d’accoster par leur nef au port d’Agoz à l’embouchure de l’oued Tensift, Massignon notait : « En Bretagne spécialement, le nombre des Sept Dormants raviva une très ancienne dévotion celtique au septénaire, seul nombre virginal dans la décade (Pythagore), chiffre archétypique du serment. On est tenté de penser que c’est une dévotion locale aux sept d’Ephèse, qui a précédé et provoqué les cultes locaux aux VII saints en Bretagne. » Vestiges du Maroc préislamique, beaucoup de saints sont dénommés soit Aïssa (Jésus) – comme Sidi Brahim Ou Aïssa (Abraham et Jésus) de l’oued Ksob – soit Yahya (saint jean- Baptiste), probablement en souvenir du passé chrétien du Maroc : la tribu Haha des Ida Ou Isarne , c’est-à-dire, les descendants des Nazaréens, c’est-à-dire les adeptes des apôtres de Jésus, est issue de ces mêmes vieilles croyances que leurs voisins du Nord de l’oued Ksob, la tribu berbère des Regraga qui crurent d’abord au Paraclet qui leur annonça au bord de la saline de Zima l’avènement du sceau des Prophètes : Mohammed. Dans les carnets d’un lieutenant d’El Mansour, qui portent la date de 988-1580 , découverts en 1931 à Aglou, dans le Sous, on peut lire: « Nos seigneurs les Regraga appelés Hawâriyyûn, sont des marabouts dont le plus grand nombre est chez les Haha. Nos seigneurs les Regraga – que Dieu les favorise- sont les descendants des apôtres mentionnés, dans le livre de Dieu. Ils sont venus du pays des Andalous. Ils étaient quatre hommes, et c’était au temps du paganisme. Ils s’établirent au lieu dit Kouz, au bord de l’oued Tensift. Les gens leur firent bon accueil. Ils habitèrent là longtemps et y bâtirent une mosquée qu’on appela la mosquée des apôtres (Masdjid a- Hawâriyyûn). De là ils se dispersèrent. Les quatre firent souche et c’était : Amejji, Alqama, Ardoun et Artoun . Ils habitèrent : Amijji, à Kouz. Alqama, à Tafetacht. Ardoun, à Sekiat et Mrameur. Artoun à Aïn Lahjar. Puis ils apprirent la nouvelle de la venue du Prophète – sur lui la prière et le salut –et de son message. Ils allèrent à lui et ils étaient sept hommes. Ils reçurent du Prophète une grande baraka. Et on raconte qu’il y aura toujours parmi eux sept saints jusqu’au jour du jugement... » Le terme collectif d’al-hawaâriyyûn désigne douze personnes qui auraient été nommé par Mohammed « pour être les représentants de leur peuple, comme les apôtres furent les représentants de Aïssa ben Maryam, et comme moi (Mohammed) je suis le représentant de mon peuple ». La tradition relative à ces douze apôtres musulmans est peut-être, le simple développement d’une donnée coranique : « Jésus dit : Qui son mes Ansâr pour la cause de Dieu ? Et les Hawâriyyûn répondent : Nous sommes les ansâr de Dieu etc. À propos de ces prosélytes Regraga, hommes de Dieu, faiseurs de pluie Jacques Berque note : « Dans le Sud marocain, les Regraga font « la soudure », si j’ose dire, entre deux cycles prophétiques : celui de Jésus et celui de Mahomet. Disciples du premier, Hawâriyyûn, ils sont comme les baptistes du second, qu’ils annoncent, et qu’ils vont trouver dés le début de sa mission. Leur personnalité oscille entre une qualification confrérique et une qualification ethnique. »

Abdelkader MANA


15:01 Écrit par elhajthami dans Regraga | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : regraga | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Humour

Abdellah le chauve

 

Non loin des arcades de Souk Jdid, à l’entrée de la Joutia (le marché à la criée) vivait le tailleur traditionnel dénommé Abdellah Majjout (le chauve) célèbre dans tout le pays par son humour :

il serait né à Essaouira à la fin du XIXe siècle, et mort assez vieux au milieu des années soixante. Il élevait deux rossignols déplumés qu’il chérissait tant et auxquels il ouvrait la cage pour qu’ils puissent bénéficier du soleil : les oisillons sortaient et rentraient à leur guise. Et voilà qu’un chat déroba l’un d’eux. Furieux Abdellah le chauve attira par des morceaux de viande le félin fautif et l’assomma d’un violent coup de bâton sur la tête. On lui dit alors selon la croyance qui accorde aux chats sept vies :

- Vous venez de tuer sept âmes !

Ce à quoi il répondit :

- Je n’ai tué qu’une seule âme : dites lui alors de vivre grâce aux six autres âmes que vous lui accordez !

 

Une autre fois un client se présente à lui avec un magnifique tissu pour lui demander de confectionner une djellaba à nulle autre pareille. Il confectionna ladite djellaba avec un manche trop court et un manche trop long. Le client alla se plaindre au pacha borgne, et quand celui-ci le convoqua, Abdellah le chauve se justifia en ces termes :

- J’ai confectionné cette djellaba de la sorte parce que le vœu de ce client était d’avoir une djellaba qui n’a jamais existé…

L’un des apprentis d’Abdellah le chauve, dénommé « Kih », qui a fini sa vie ses dernières années à l’alimentation des goélands — dès qu’il paraît à l’horizon, une nuée d’« Aylal » comme on les appelle en berbère (c’est-à-dire ceux qui volent de leurs ailes) vient à sa rencontre — était un amateur de beaux garçons, notoire dans les années soixante. C’est à cause de lui que je tiens à raconter cette blague salace et significative, qu’on rapporte à propos d’Abdellah le chauve et que j’ai omis de rapporter par autocensure :

« Une fois, vers le coup de dix heures du matin un blédard est venu lui demander dans sa boutique de la Joutia :

- Combien coûte cette chemise ?

- 400, lui répond Abdellah le chauve.

- Et ce pantalon ?

- 1 000 réaux.

Le blédard fit le tour de la Joutia et revint à la charge :

- Combien coûte ce pantalon ?

- 400, répond Abdellah le chauve.

- Et la chemise ?

- 1 000 réaux

Le campagnard lui dit alors :

- Comment se fait-il qu’entre deux tours, vous avez fait monter la chemise et baisser le pantalon ?

- C’est pour t’enculer ! Lui rétorqua Abdellah le chauve.

Blessé dans sa virilité, le blédard alla se plaindre au pacha borgne, qui gouvernait la municipalité de Mogador à l’aube des années 1950 et à la veille de l’indépendance. Le coursier du pacha fit venir Abdellah au Pachalik sis à Derb- Laâlouj, dans l’actuel Musée d’Essaouira.

 

- Je sais pourquoi vous m’avez convoqué, dit Abdellah le chauve au Pacha  borgne : s’il mérite d’être enculé, enculez-le vous-même !

 

Abdellah le chauve qui vivait en célibataire dans sa boutique de la Joutia est venu un jour demander au pacha borgne le droit de s’abriter dans l’ancien logis du canonnier au-dessus de Bab – Doukkala. Une requête auquel le pacha borgne répondit favorablement. Mais voilà qu’à l’approche du Ramadan, une délégation de notables se présenta au pachalik, réclamant l’expulsion d’Abdellah le chauve de l’ancien logis de canonnier, sous prétexte qu’il y reçoit des personnes à la moralité douteuse, et qu’à l’approche du Ramadan on doit préparer le canon qui annonce la rupture du jeûne.

 

Abdellah le chauve qui voyait venir le complot et les comploteurs, s’empressa de se photographier sur les lieux : il avait la taille trapue, les jambes arquées, et les bras ballants et démesurés comme ceux d’un gorille. Impression renforcée par son teint foncé et ses petits yeux  pétillant de malice.

 

En voyant venir à lui, le Chaouch démesurément grand du pacha  borgne précédé de son propre apprenti, à la fois chétif et de petite taille, Abdellah le chauve s’exclama :

- Voici venir le chameau guidé par une allumette ! (Ouqida)

C’est de là que vient le surnom d’« allumette » qu’on donnera à son apprenti, sa vie durant.

 

Quand le pacha  fit part à Abdellah  des recommandations des notables  le concernant, il retira sa propre photo qu’il avait en poche et la remit au pacha en lui disant :

-  Je sais que c’est mon célibat qui fait problème, mais si jamais vous trouvez une femme qui accepterait de se marier avec un tel individu, faites-moi signe !

Il était convaincu que ses disgrâces physiques lui interdisaient le mariage. En fait la plupart des hommes de sa génération, non seulement n’avaient pas accès à la maison close de Jraïfiya, en raison de leur statut social et de leur pauvreté, mais avaient peu de chance de séduire une beauté locale en raison de la règle d’exogamie qui avait cours dans la ville. Les habitants  se considéraient comme une même famille, si bien que les mariages intra-muros étaient considérés comme de l’endogamie : à Mogador, le mari idéal doit nécessairement venir de loin. Le mariage avec le voisin immédiat fait si peu rêver les jeunes filles, comme j’en ai fait moi-même l’expérience au début des années quatre-vingts. Je venais de terminer mes études en France, et j’enseignais la littérature au lycée de la ville. Un médecin interne de l’hôpital me pria alors de rédiger sa thèse sur les maladies vénériennes de la région. Un samedi après – midi je me rendis chez ce médecin interne pour lui rendre un  chapitre. Une fois à l’internat, je dus traverser un immense couloir jonché de bouteilles de bières vides, où les internes qui se sentent exilés trompaient leur ennui. Il y avait là quatre ou cinq médecins, et surtout quatre jeunes filles dans la fleur de l’âge, avec des corps dorés de nymphe. L’une d’entre elles entraîna dans la cuisine le médecin qui m’accompagnait. Au bout d’un moment il vint vers moi et m’entraîna dehors en m’expliquant que la jeune fille m’ayant  reconnu comme enfant du pays lui avait dit :

- Si jamais tu ramènes encore une fois parmi nous un type d’ici, c’est la dernière fois que tu nous verras parmi vous !

Tous les médecins étaient en effet des étrangers : or pour préserver leur réputation du qu’en-dira-t-on, l’amant doit être nécessairement un étranger ! Encore aujourd’hui, les plus belles filles de la ville partent maintenant à l’étranger avec le prince qu’elles ont choisi et qui est venu de loin. Comme pour les oranges ; les plus beaux fruits sont destinés à l’exportation !

« Le Marrakchi qui na pas damant nest pas de Marrakech, et le Souiri qui na pas de maîtresse nest pas dEssaouira », me disait récemment un ami. La formule me rappelle le début d’Anna Karenine, mais elle n’est pas juste. Le point commun entre les deux médinas traditionnelles était le phénomène de « Liwate » : les artisans efféminaient les beaux garçons, selon la tradition du poète Abou Nuwâs, parce que la femme était recluse et voilée, et ne pouvait donc être accessible que dans le cadre légal du mariage. Conséquence ceux qui ne pouvaient pas se marier n’avaient de choix qu’entre la transe rituelle et le transfert sur les beaux « ghoulam », pour décharger leur bioénergie. C’était une société de mystification absolue refusant de nommer l’innommable, en dehors de cadre strictement codifié par la tradition. Une société de souffrance silencieuse instituée.

 

Un Souiri invita un jour à Adellah le chauve Casablanca et lui confia les clés de son appartement situé au quatrième étage d’un immeuble. Alors qu’il était seul dans l’appartement tout d’un coup la sonnette retentit. De la fenêtre il vit quelqu’un qui lui fit signe de descendre. Une fois en bas, le personnage s’avèra être un mendiant demandant l’aumône au nom de Dieu. Pour toute réponse Abdellah le chauve l’invita à monter : une fois là-haut il lui dit en lui claquant la porte au nez : « Que Dieu facilite les choses ! » (la formule rituelle qu’on adresse aux mendiants quand on n’a rien à leur offrir). Mais comme le disait Bergson le rire est difficilement traduisible.

 

Abdelkader MANA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

14:43 Écrit par elhajthami dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mogador, humour, essaouira- | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Prospérité éphémère

Une prospérité éphémère

 

 

Dans un article désormais fameux sur la vie urbaine dans le Maghreb précolonialStambouli et Zghal, développent l’idée, que par ses principaux traits urbains Mogador s’apparente au mode de production asiatique, où, la ville apparaît comme la projection dans l’espace d’un projet royal. Elle est construite selon un plan tracé au cordeau et prévoyant un ensemble de quartiers nettement délimités. La ville Chinoise – du moins jusqu’à la dynastie des Song (12ème siècle) où le modèle est encore parfait – apparaît davantage comme un centre de transactions commerciales contrôlées par le prince et à son bénéfice, plutôt qu’un foyer de création de richesses et un centre de mise en valeur de la région. Or constatent nos deux auteurs «  tous ces traits qui définissent la ville asiatique se retrouent d’une manière quasi parfaite dans une seule ville maghrébine précoloniale Mogador ». Pour étayer leur thèse  les deux auteurs évoquant les quatre traits distinctifs suivants :

 

1. Mogador est la concrétisation d’un projet royal, une ville créée de toute pièce selon un plan géométrique en damier et à quartiers bien délimités.

2. Le  Sultan par l’intermédiaire de sa bureaucratie contrôle la totalité des activités urbaines.

3. Le commerce qui constitue l’activité principale de Mogador, est monopolisé par le Sultan qui importe des populations, dont les étrangers (juifs et chrétiens) pour assurer le succès de cette activité. Tous les locaux sont la propriété du Sultan, qui les loue à son tour aux commerçants.

4. Enfin Mogador apparaît comme un centre de transactions par excellence et non comme un foyer de création de richesses économiques.

 

Et nos deux auteurs de conclure :

 

« Mogador apparaît comme un type urbain exceptionnel, non représentatif de la société urbaine maghrébine. D’ailleurs l’echec rapide de cette expérience souligne bien les limites d’un tel type ».

 

Une prospérité éphémère. En effet, à Mogador, progressiement, les négoçiants juifs prennent leur distance vis-à-vis du pouvoir central en se mettant sous la protection des consulats étrangers. Le système des protections des individus va s’emplifier tout le long de la deuxième moitié du XIXè siècle pour s’étendre comme un cancer au reste du corps social et aboutir au protectorat. Aymé d’Aquin, agent consulaire de l’époque, dénonce en 1868 « la protection exclusive et injuste » qu’on offrait aux israélites au détriment de l’intérêt des musulmans. Les plus exploités dans ce système étaient les ruraux, comme le notait le Tourneaux : « Le berbère est un perpétuel emprunteur, l’argent est à la ville ». La ville par le système de crédits abusifs et l’échange inégal, « pompait » en quelque sorte les richesses de la campagne ; d’où l’hostilité  latente des caïds de la région. En particulier celle du caïd Anflous.

 

Avec l’occupation de Tindouf par la France en 1896, les caravanes se faisaient de plus en plus rares, et avec l’invention de la propultion à vapeur, les navires pouvaient désormais aborder d’autres rivages sans tenir compte des barres maritimes. Casablanca se profilait déjà àl’horizon et ne cessait de prendre de l’importance par rapport à Essaouira : « C’est à Casablanca que le consulat de Mogador pourrait être utilement transféré » notait-on dés 1857. « Les principaux établissements français sont là et c’est là que nos intérêts commerciaux ont leplus besoin d’être soutenus ».  A la fin du règne de Hassan 1er , Essaouira avait déjà perdu son rôle de port international.

 

De port international autrefois, aujourd’hui Essaouira n’est plus qu’un petit port de pêche où les marins cousent des filets aux multiples couleurs, tandis que  les goélands tissent le ciel avec la mer.


Abdelkader MANA


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

14:41 Écrit par elhajthami dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, négoçiants du roi | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook