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08/04/2012

Souvenirs de Mogador

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Mon père, maalem Tahar Mana, jaugeant un madrier de bois de thuya(gayza) à la coopérative des marqueteurs d'Essaouira(les années 1950)

Au tout début des années 1980, mon père avait accordé à la radio une interview où il relatait l'histoire de la marqueterie à Essaouira. Son ami maitre Abdessadek qui a conservé l'enregistrement audio m'en avait remi copie lors d'un repas communiel commémorant le quarantième jour de son décès le 13 décembre 2002.Aujourd'hui en recherchant un document qui atteste de la présence des Al Mohad au pays Haha, je suis tombé sur la transcription des propos de mon père, que je pubie ici parce qu'ils me semblent les plus appropriés pour "légender" les vieilles photos en noir et blanc du Mogador du début de ce XXème siècle où il était né vers 1912;;;

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L'atelier de mon père était jadis l'un des entrepots des canoniers(tabjia) de la Scala

Dans son entretien radiophonique mon père racontait comment des éléments d'architecture de la ville l'avait influencé lui-meme ainsi qu'un de ses prédécessaurs:

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"La porte de dar laachar(là où on entreposait le 1/10ème des marchandises qui transitaient par le port) a été imitée par maalam Omar El Eulj que Dieu ait son ame: il avait confectionné une table dont les pieds imitaient parfaitement cette porte monumentale avec toute sa décoration.Comme il s'agissait d'une table hexagonale, il fallait reproduire six fois la meme façade.On appela alors cette table "Du Chayla": le nom de la frégatte qui avait effectué la prise d'Essaouira par les Français en 1913 La table dite "du Chayla" de maitre Omar remonte à 1932 : on l'avait retrouvé brisée et jetée négligemment au parc municipal de la ville.Elle comportait une transcription calligraphié au feu, semblable à l'ancre de chine, mais cette brulure, cette épreuve du feu avait la particularité d'etre inscrite pour l'eternité.A l'époque on lustrait les objet avec l'huile de noix : aucun specimen n'a été malheureusement conservé, de sorte que lorsqu'on avait ouvert le Musée en 1980, l'artiste et conservateur Boujamaa Lakhdar avait trouvé la plus grande difficulté  à réunir des modèles représentatifs de l'artisanat local(bijoux, tapis, marqueterie etc.). La ville a connu pourtant de grands artistes-artisans, dont il ne reste que peu de traces pour témoigner de leurs oeuvres ...

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Mogador- Caserne du Chayla

L'ancien magasin du Makhzen, qui fut une prison à la veille du protectorat et qui a été transformé en caserne par les français qui le surnommèrent "Du Chayla", du nom de la frégatte qui avait opérer la prise de la ville en 1913.

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"Les français ont donné le nom de "du Chayla" à toute cette place "

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Mogador-Prisonniers berbères amenés à la prison sur ordre de Moulay Abdelaziz

A la veille du Protectorat, le dar laachar, était devenue une prison où on enfermait les rebelles du bled siba.Et juste à coté, il y avait l'ancienne medersa qui dépendait de la mosquée de la kasbah.

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Les troupes du nouveau sultan Moulay Hafid se préparent à marcher sur Casablanca

La marqueterie s'est développée pour répondre aux commandes des premiers habitants de l'ancienne kasbah qu'étaient le Makhzen, les négociants juifs et les consuls raconte mon père: "Maâlem Omar fabriquait de petites boites décorées de nacre ainsi que des crosse de fusils pour la fantasia à partir du bois de noyer.Dans les années 1930, le pacha Ben maalem m'avait donné à imiter un boitier à sucre en bois de noyer en me disant qu'il faisait partie du mobilier de Moulay Abdelaziz.C'était une technique souirie ancienne: de petits objets simples quant à leur décoration.Vivaient alors à Essaouira, les Amines du port, les consuls des nations européennes et les représentants du Makhzen.Ils ont commencé à faire des commandes aux artisans comme ça sera le cas avec les touristes européens par la suite: c'est la commande qui a permi à la marqueterie de se développer peu à peu.."

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Défilé du "Makhzen" sur la place de la grande mosquée à la veille du Protectorat

Le maitre artisan de Omar el Eulj qui s'était inspiré de la fameuse porte de l'ancienne kasbah pour fabriquer sa table dite la "Mida du Chayla", avait pour maitre el haj Jilali el Eulj: ces Alouj dont l'un des quartiers de la ville porte le nom, sont d'anciens chrétiens issus de prises de mer au temps de la course: ainsi la porte de la Marine, on la doit à Ahmed EL EULJ, dit également Ahmed el Inglisi(l'ANGLAIS), et lors du bombardement de la ville par l'escadre de Joinville, les canoniers de la Scala de la mer était dirigés par Omar el Eulj, à la meme époque ceux de la grande ile étaient dirigé par Torrès le renégat d'origine andalouse.Et on doit la finition des travaux de la Scala de la mer à un Génois: la ville revetait donc un caractère international dés sa fondation du fait de son ouverture sur les lointaine rivages de la Méditérranée et sur les lointains confins du désert...

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Le temps des caravanes dans les dunes de Mogador

"Le bois de thuya,poursuit mon père, on l'amenait qu'on travaillait d'abord au tour, pour les estrades et les balcons des maisons en construction, était amené à dos de chameaux des hrarta, au sud d'Essaouira.Auparavant on utilisait d'autre bois: le palais ensablée à l'embouchure de l'oued ksob, qui servait de résidence à Mohamed Ben Abderrahmane au milieu du XIXème siècle ou la mosquée de la kasbah, leur boiserie n'était pas en thuya..."

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La boiserie de dar sultan ensablée, n'était pas en thuya

"Le Sultan avait chargé Concler ,le consul des Pays Bas, de lui construire une maison  à deux étages sur le plan de celle d’Amsterdam, mais avec un patio ; il avait indiqué le nombre de pièces, leurs dimensions,etc.., le toit devait être en plomb, les cheminées en marbre, les vitres en cristal, et non en verre ordinaire.Il était bien entendu que les bois et les fers ouvrés devaient venir des Pays-Bas.Le consul se rembourserait avec des franchises de sortie sur les blés."  Lettre de Sumbel à Concler , 28 août 1767.(Rijksarchief, Stat.-Gen., 7.121 ;Llias Barbarije, 1767-1770)

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A Mogador, les caravanes de Tombouctou relayaient les caravelles de la lointaine Europe

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L'un des grands fondateurs de la marqueterie locale, fut le cheikh Brik; un noire qui exécutait les commandes de "dar Makhzen"(la Maison Royale).Une fois, alors qu'il était encore jeune, Haj Mad(le maitre artisan de mon père) a aperçu le cheikh Brik en train d'administrer une fessée à l'un de ses apprentis sur un madrier.De sorte que lorsque son propre père l'a amené pour apprendre le métier à son tour, il s'en est souvenu et a tout fait pour éviter toute punission.D'ailleurs le maitre ne l'a jamais puni parce qu'il l'aidait à déchiffrer les messives qu'il recevait de dar Makhzen.

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El haj Mad était étudiant dans une école coranique: une fois de retour d'une partie de chasse avec un copain, en passant l'allée des forgerons(haddada), accompagnés de sloughi et portant une tenue de chasse, son père Belaid el kouchnane s'adressa en ces terme à l'un de ses amis:

- Le voilà devenu voyou, et moi qui voulait faire de mon fils un étudiant en religion?!

Et c'est ainsi qu'il avait décidé de le faire sortir de l'école coranique pour le confier à son maitre - artisan en marqueterie.

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Haddada l'allée des forgerons en 1912, où aboutissaient les caravanes

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C'est dans cette artère de haddada que se trouvait l'atelier de l'un des premiers marqueteurs d'Essaouira, ainsi que la zaouia d'où partait en procession "la chamelle de Moulay Brahim" à chaque fete du Mouloud vers son sanctuaire dans l'Atlas au Sud de Marrakech: laquelle chamelle était conduite par notre voisin le boiteux Moulay Omar. Le local de cette zaouia existe encore à Haddada mais il semble fermé pour toujours...La chamelle était offerte àMoulay Brahim le saint qui favorise l'amour et qui fonctionne comme une agence matrimoniale auquelle s'adressent surtout les jeunes filles en mal de mariage...

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La parade du vendredi: un moment fort où le makhzen impose son pouvoir symbolique

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Le pouvoir tire sa légitimité de sa descendance du Prophète : en pays musulman une partie de la population écrase l'autre au nom de la religion...

 

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Place Laachour avant la démolition de la cloison qui l'isolait de Dar Makhzen: sur les deux images précédantes on reconnait les trois portes de l'ancien tribunal qui existe toujours

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L'entrée de Dar Makhzen que le Protectorat a démolithistoire,mogador

La meme entrée de Dar Makhzen où sont réunis les négociants juifs

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L'ancienne "Dar Makhzen" avant sa démolition à l'avènement du Protectorat

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L'emplacement de "Dar Makhen" était aussi un lieu de campement

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Sur le front de mer, un grand rempart reliait l'ancienne kasbah au port

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Campement au pied du Mechouar comme centre politique

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Le Mechouar est au coeur des transaction économiques et politiques

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Face au pouvoir central qui avait son siège dans la ville, il y avait le caidalisme qui dominait dans la campagne.

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Le protectorat a joué les "caids soumis" du bled makhzen contre les "caids rebels" du bled siba.

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Le caid Tigzirine des Ida Ou Tanane était l'allié du Protectorat contrairement au caid Anflous des Neknafa

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La parade du caid et sa suite en ville

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Le défilé des soldats français de la frégate du Chayla sur la place qui allait porter le nom de "Place de Chayla" et qui s'appelait jadis "Place de la grande mosquée" ou "Place Laachar".

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Mogador - Place Laachour

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La désormais "Place du café de France" apès le décloisonnement de l'ancienne "Place laachour"

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Place du Chayla où on venait de planter les caouatchou du genre numphéa

 

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Mogador, avenue "du Chayla" avec "café de france"...

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Et l'hotel "Roussillon"...

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Place de "Café de France"

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Le syndicat d'initiative rasée dans les années 1980 ainsi que les cabines de la plage

Jusqu'aux années 1970, était exposé à la vitrine du syndicat d'initiative une miniature de la Scala de la mer en bois de thuya fabriquée par mon père dans les années trente.On la retrouvé plus tard au parc municipale brisée et désarticulée en plusieurs morceaux.Mon père racontait en ces termes cette création de sa jeunesse dont il était fier: "La marqueterie avait connu une réelle expansion dans les années trente du fait qu'il fallait répondre aux nombreuses commandes de la communauté française de la ville.La plupart des marqueteurs travaillaient alors pour le compte du bazariste Bungal.Un jour celui - ci est venu me voire pour me commander d'exécuter une miniature en bois de thuya de la Scala de la mer me disant:

- Prends une équerre et une planche et trace un arc.

Une fois que je l'ai exécuté, il me demande:

- Qu'est ce que c'est?

C'est ainsi que j'ai commencé à exécuter la miniature de la Scala sans échelles. De ce fait le premier essai n'était pas concluant.

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C'était le temps du Protectorat français sur le Maroc:les agens du controleurs civil étaient venus voir la mignature de la Scala accompagnés du minotier Sandillon.Celui-ci dit à Bungal:

-Vous ne réussirez à reproduire la Scala qu'en travaillant à l'echelle.histoire,mogador

Bungal me rejoint avec un rouleau de ficelle et me dit:

-Allons-y!

On s'est rendu à la Scala tôt le matin et nous avons commencer à prendre les mesures en faisant correspondre à chaque metre de la Scala réelle à deux centimère pour sa miniature.Pour ne pas etre l'objet de risée des gens, j'ai commencé à venir à la Scala dés la prière de l'aube, bien avant le levé du soleil pour mesurer les dimensions de la place forte dont j'avais établi le plan.La transformation du metre en centimètre a pris plusueurs jours avant que je ne commence à voir un peu de lueur.Je me rapelle que c'était en 1935, lorsque j'avais commencer à prendre les mesures de la tour ronde de "Borj el Barmil"...

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 Le décor de la Scala joue un rôle essentiel dans la mise en scène de la tragédie d'Othello. Ceux de Mogador  avec sa forteresse dans les brumes avec une telle découpe sur le ciel qu'elle convient le mieux au complot Shakespearien de Lago. Au début des années cinquante, le souvenir était encore vivace du tournage d’Othello par Orson Welles à Mogador. Le soir on le voyait souvent méditer sur la grande place du syndicat d’initiative.histoire,photographie Dans le film, on reconnaît surtout « Tik-Tik » avec son luth au pied des remparts de la Scala de la mer. « Tik-Tik » est mort récemment en ivrogne à la vieille impasse d’Adouar qu’évoque en ces termes le rzoun, vieux chant de la ville : 

Ô toi qui sen vas vers Adouar 

Emporte avec toi le Nouar  

La rime est un jeu de mot entre « Adouar » (le nom de la sombre impasse supposée cacher les belles filles de la ville) et le « Nouar » (le bouquet de géranium et de basilic). 

Mon père me racontait qu’un jour Orson Welles se présenta à son atelier alors qu’il était en train de terminer une magnifique table en bois d’arar, décoré de dessins géométriques complexes et de rinceaux d’inspiration andalouse. Quand mon père dit à Orson Welles le prix de la table en question, le cinéaste américain en fut offusqué :  

À ce prix-là, lui dit-il, je briserais  cette table sur ma tête plutôt que de la vendre !

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La meme allée des forgerons où on avait planté des arbres sous le protectorat(1912-1956)histoire,mogador

Maalem Tahar Mana(1912-2002)

16:18 Écrit par elhajthami dans Histoire, Mogador | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, mogador | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Le crépuscule de Mogador

histoire

Le juif de Mogador, peint en 1958 par Boujamaâ Lakhdar(1941-1989),

Collection maître ABDESLAM Raïs.

Le crépuscule de Mogador …

Par Abdelkader Mana

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Femmes en haïk à Sdi Mogdoul, vénéré aussi bien par les musulmans que par les juifs d'Essaouira

« Essaouira périra par le déluge

Un vendredi ou un jour de fête,

Marrakech est un tagine brûlant,

Fès, une coupe transparente.... »

Quatrain du Mejdoub

En réaction à mon article sur "le temps des caïds", je viens de recevoir cette réaction interessante de Mr David Bensoussan concernant le caïd Oubihi des Haha :"J'ai trouvé l'info sur Bihi fort intéressante.Dans mon ouvrage "Il était une fois le Maroc", je le mentionne dans le contexte suivant:En 1844, deux tribus vinrent piller le Mellah dans l'intention de profiter du désordre général qui suivit les bombardements français. Ces deux tribus s'entre-tuèrent pour se réserver la part du lion du pillage. Celui-ci atteignit la partie Est et non juive de la ville et l'on rapporte que les dommages dus au pillage de la ville furent supérieurs à ceux causés par les bombardements des Français. L’on dénombra plus de 200 morts. Un grand nombre de juives furent enlevées et la famine régna un certain temps. Le Cheikh Abdallah Bihi de la tribu des Hahas prit l’initiative d’aller chercher des Juifs de Mogador et de les disperser dans les villages alentour, leur offrant ainsi protection jusqu’à ce que les troubles cessent."C'est troublant ce que vous me rapportez là, lui répondis-je : d'habitude, on ne rapporte que les exactions contre les juifs comme celui où on aurait obligé l'ancêtre des Afriat et ses compagnons dans le Sous à la conversion forcée à l'Islam...Alors que là, vous nous rapportez un fait à l'honneur du grand caid Oubihi des Haha,  qui aurait été le protecteur des juifs lors du pillage de la ville après le bombardement de 1844.Moi-même, je me souviens comment mes oncles maternels du pays Haha recevaient le bâtier et autres colporteurs juifs avec le rite d'hospitalité de la société berbère qui dénote d'une cohabitation millénaire sans le moindre indice d'une quelconque intolérance religieuse : Un bradiî (bâtier) juif, nous rendait alors visite sur son petit âne,et mon oncle l’installait sur une hssira (natte de jonc), à l’ombre de notre figuier préféré, lui offrait du thé et il se mettait à rafistoler les bâts éventrés d’où sortaient les touffes de pailles dorées.La récolte de l’arganier se faisait alors au prorata des ayants droit avec sacrifice de bouc et festin. Et le soir on assistait à de magnifiques fêtes de mariage avec chants de femmes aux caftans bariolés et fantasia

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La mort du Sultan Sidi Mohamed Ben Abdellah (1790) ouvre une période d'anarchie .Un prétendant vint du Sud , un sorcier qui s'appelait Bou Hallas "l'homme au bat".A la tête des gens du Sud, et principalement les Ait Ba A'mran, il monta vers le Nord.A Ifran , il fit massacrer tous les juifs.Les juifs d'Ifran conservent le souvenir de ce massacre qui eut lieu en 1790."Bou Hallas" disent-ils, brûla nos frère sur un bûcher dont ils apportèrent eux - mêmes le bois et sur lequel ils montèrent , sur l'ordre de leur chef , Naftali Afriat.Ces Ifrati seraient des descendants de ceux qui ne livrèrent pas leurs bijoux pour façonner le vaux d'or.Ils portaient en souvenir de ce fait un anneau d'or à l'oreille.Lors du massacre, Naftali arracha le sien et le donna en échange d'un peu d'eau pour faire ses ablutions.".Un marabout de Massa , Sidi Mohamed Ou Tsakat, se mit à la tète d'une armée qui s'opposa au prétendant.La rencontre eut lieu à El Aouina , Bou Hallas périt dans la bataille, en 1208(1793).mogador,nostalgie poésie

Lorsque transitaient par le port d'Essaouira, les caravanes de Tombouctou et les caravelles de la lointaine Europe....

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L'entrée du Mellah disparu de Mogador

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Que des ruraux, que des ruraux, du côté Nord de la ville : où sont passés les visages connus ? Que des ruraux, que des ruraux déambulant au milieu de la pacotille ! Tel est le nouveau destin de la ville ; d’un côté, la clientèle touristique de la baie, et de l’autre ce peuple anonyme déambulant dans la ville. Des hordes hilaliennes perdues. Des citadins, mon père disait : ils ont vendu les clés de la ville. En ce moment à Essaouira, c’est le temps de la foule des vacanciers : autant dire le vide. Rien à lire non plus dans les journaux, y compris dans la presse française. Il est loin le temps où les intellectuels français se manifestaient dans la presse, on dirait qu’ils ont choisi de se taire. Au Maroc, les intellectuels des années 1970, sont maintenant devenus ministres des finances et de l’enseignement, et à l’université, les islamistes ont pris la place des marxistes. Et en lieu et place des revues de réflexion s’est substituée la culture du papier glacé. Autant raconter l’histoire ancienne : lutter contre le silence et l’oubli.

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 Maâlem Tahar Mana, jaugeant une "gayza", madrier de thuya à la coopérative des marqueteurs d'Essaouira(début des années 1950)

mogador,nostalgie poésieMaître Abdellah Abibou, chantre du malhûn et faiseur de poème et de pain de la ville.Grand connaisseur et commentateur du malhûn, maître Abibou venait souvent à l'atelier de mon père pour y échanger auteur de cette poésié andalou-bédouine tellement appréciée par les artisans des vieilles médina maghrébine. Il lui citait souvent ce passage controversé quant au mot de la fin que certains interprètent comme étant "les retardataires"(ma talla) et d'autres comme étant "les amateurs"(ma tabla) du fait de l'ambivalence de la langue arabe:   Zman jaïer

Oulbdan diîfa

Oulakhlayeq ma taâdar

Man talla...

Tumultueux sont les temps

Maîgres sont les corps

Les caravaniers n'attendent pas

Les retardataires....

A ceux qui optent pour "amateurs" comme étant le mot de la fin, maître Abibou rétorquait : "Amateurs" de quoi? Du vin ou du kif? Non, il faut entendre "retardataires" par rapport à l'avancée de la caravane..."

Ce matin je rencontre un banquier, ex-footballeur d’Essaouira installé à Agadir au début des années soixante-dix (période charnière dans l’histoire de la ville : en 1967, les derniers juifs d’Essaouira quittent la ville à la suite de la guerre israélo-arabe, 1968 : arrivée massive des hippies qui s’installent au village de Diabet ; 1970 : départ massif des Souiris vers Casablanca, Marrakech et Agadir). Les « Souiris» d’Agadir sont restés les plus nostalgiques de la belle époque de Mogador du fait qu’Agadir les a moins dispersés qu’une ville comme Casablanca. Ce matin, donc, l’ex-footballeur, né en 1948, me parle de ses souvenirs d’enfance, c’est-à-dire d’Essaouira des années cinquante et soixante :

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A Gauche les remparts , à droite le muret qui entourait les jardins potagers

des jardins potagers qui entouraient la ville — en dehors des remparts il n’y avait que des cimetières et des  potagers — , des pêches fabuleuses des sardines et de thon ; de « lOcéan Sandillon » avec son rocher aux pigeons et son rocher aux plumes (Sidi Bou Richa) où les femmes venaient sacrifier aux génies de l’océan ; poules et coq aux sept couleurs des esprits : les Gnaoua leur recommandaient de se nourrir de la chair non salée de la volaille pour apaiser les entités surnaturelles qui les possèdaient.

- Les « possédées » venaient déposer là en offrande poules et coq pour Sidi Bou Richa  raconte l’ex-footballeur ; et nous profitions de l’occasion pour détourner les offrandes à notre profit en préparant de succulents tagines.

Il me raconte par la suite comment à ce même endroit réputé hanté par Aïcha Qandicha (Kadoucha, la déesse de la mer ?), la mer en se retirant laissait derrière elle, dans les interstices des rochers, de petits poissons couleur d’algues dénommés « boris » probablement par la population d’origine africaine de la ville parce qu’il existe effectivement une divinité africaine du nom de « Bori » et parce qu’au cours du rituel de la Lila, il existe un esprit possesseur (melk) où le possédé danse avec un bol d’eau de mer contenant ce petit poisson des rochers .

- Enfant, poursuit notre ami, après les avoir capturés, on les vendait au juif dénommé Ishoâ. J’avais décidé un jour de l’épier pour voir ce qu’il pouvait bien faire avec de si petits poissons de roches. Je l’ai suivi jusqu’au Mellah où il tenait une boutique en face du dépôt de vin, où on fabriquait, à base des raisins charnus du pays chiadma — dénommés « tétons de jument » (bazzoult al âouda) — un vin rouge qui était célèbre pour son nom d’« arche de Noé».

 Cette même arche de Noé avec laquelle la ville accueillait le nouvel an musulman, car le subconscient du port a toujours été hanté par la crainte du déluge. Sidi Abderrahman El Majdoub ( mort en 1569) ne prédisait-il pas dans ses quatrains qu’« Essaouira verra ses richesses venir de pays lointains et qu’elle périra sous le déluge, un vendredi ou un jour de fête »? À force de boire de cette arche de Noé, pour faire face au froid glacial du Gulf stream et des vents alizés, les marins étaient toujours ivres en montant à bord :

- En épiant le soir cet Ishouâ, je me suis rendu compte qu’il vendait les boris en petits morceaux aux juifs qui en nourrissaient leurs chats.

C’est pour cette raison que les chats et les mouettes disputaient aux humains depuis lors, les terrasses et les ruelles de la ville !

 

Mellah de mogador.jpg
Mellah de Mogador


Les juifs travaillaient à mille et un métiers : ils étaient celliers et colporteurs sillonnant les campagnes environnantes sur leurs ânes ; ils étaient tailleurs et orfèvres, cordonniers et frappeurs de monnaies. Il y en avait même parmi les marqueteurs me disait mon père : il fabriquait pour les mariées juives un secrétaire en mohagné (lacajou) dénommé « skitiriou ». Pour survivre, les juifs faméliques du Mellah acceptaient n’importe quelle rétribution :

- Je me souviens de deux aveugles qui acceptaient de nous vendre du poivron vinaigré contre de la fausse monnaie ! Et l’on pouvait se faire coiffer à deux sous chez Afriat !

 

rue du mellah de mogador.jpg
Mellah de Mogador

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Qu’on ne s’étonne pas qu’une telle communauté ait pu donner naissance à un Abraham Serfaty ; le chef du marxisme marocain, qui a payé son engagement politique par la paralysie de ses deux jambes sous la torture ; et don’t Yveline la sœur a payé de sa vie le fait d’avoir refusé, au début des années soixante-dix, d’indiquer aux policiers qui la torturaient où se trouvait caché son frère ? Ca y est, j’ai retrouvé le nom de l’unique marqueteur juif d’Essaouira selon mon père : il s’appelait David El Qayèm (son nom de famille signifie en arabe le « redressé »). Et aujourd’hui même j’ai rencontré à Imine – Tanoute, un paysan berbère du haut Seksawa qui se dénomme « Afriat », je lui demande :

- Pardon, comment se fait-il que vous portez ce nom d’Afriat, célèbre à Essaouira comme étant le nom d’un luthiste juif, amateur de Malhûn, originaire de Goulimine ?

Mon interlocuteur d’Imine –Tanoute, m’explique que le nom d’Afriat n’a rien à voir avec la langue hébraïque ; c’est en fait un mot berbère qui désigne la personne dont les gencives sont disjointes. Nous avons une autre famille d’Essaouira qui porte un nom ayant la même signification en arabe : El Form (le « disjoint »). Donc ce n’est pas le berbère qui porte un nom hébreu, mais c’est le juif qui portait un nom berbère ! « Afriat » est un mot berbère et non pas hébraïque.J’ai retrouvé au Haut-Atlas, en remontant vers le mont Toubkal, un hameau à la lisière de Tifnoute qui était anciennement habité par des judéo-berbères. Tifnout désigne ces montagnes dénudées qui entourent le lac d’Ifni : Tifnout en tant que haut lieu inhabité s’oppose comme le vide au plein, aux zones de moindre altitude où l’habitant vit à l’ombre de gigantesques noyers. Le hameau dont il s’agit est le dernier lieu habité, après quoi on pénètre dans le vide sans vie des montagnes rocheuses de Tifnout, l’équivalent du « Khla », en arabe ; c’est à dire lieu sans habitation, sans végétation et sans vie.

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Le pêcheur juif de Mogador

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Chaque année les juifs s’y rendent en pèlerinage, comme ils le font au hameau d’Aït Bayoud de la tribu Meskala dans la région d’Essaouira. Et comme ils le font à « Moulay Ighi » dans la fraction de Tisakht-Ighi, des Glawa –Nord. Ces observations que nous avons fait nous-mêmes lors de dérives au Haut-Atlas, sont confirmés par les témoignages rapportés par Haïm Zafrani :

« Nous avons recueilli auprès d’un vieux rabbin, divers renseignements sur les communautés judéo – berbères de  Beni-Sbih, dont notre informateur est originaire, celle de Ktama, de Glawa, de Tifnut et de Tamgrut. »

Deux mille ans de vie commune sur la terre marocaine ont laissé des traces. Mais ce qui est étrange, c’est comment toute cette communauté s’est évaporé d’un seul coup après la naissance d’Israël ?

15 janvier 2003 : Hier, j’étais à la municipalité pour y rencontrer Hallab, le chef du groupe folk local. Il m’a dicté une qasida de Souhoum où l’on parle du Barzakh, cette station céleste des âmes mortes.Le soir Ben Miloud m’a parlé du récit que me racontait mon père sur son grand -  père l’imam de la Grande Mosquée Ben – Youssef :

« Le prêtre de l’église locale avait l’habitude de se rendre tôt à la plage de Safi, au nord d’Essaouira. Un jour il perdit un gousset plein de louis d’or, non loin de Bab Doukkala. Le grand- père de Ben Miloud, qui était imam à la Grande Mosquée, et qui avait lui aussi l’habitude de faire sa promenade matinale au bord de la mer, découvrit le gousset de louis d’or. Le jour même, il fit appel au crieur public pour annoncer au travers les artères de la ville, que « quiconque avait perdu un gousset ; doit se présenter devant l’imam de la Grande Mosquée pour donner son signalement et son contenu, afin qu’elle lui soit restituée. Le prêtre se présenta devant l’imam et retrouva effectivement son gousset  de Louis d’or intact ».Cette anecdote sur la cohabitation des religions me rappelle un souvenir d’enfance : au cours d’un été, alors que j’étais encore en culottes courtes, le bruit courut que « Jmia » s’était noyée, que son corps avait été recueilli sur les rivages de Sidi Mogdoul et que les pompiers l’avaient déposé à la morgue de la ville. Je ne me souviens plus comment je m’étais retrouvé en train de regarder par la serrure de la morgue : c’était la première fois de ma vie que je voyais le corps nu d’une jeune femme morte. Un corps doré mais inerte. « Jmia » m’aimait beaucoup, et me chantait souvent une chanson alors en vogue :

Ô flammes brûlantes qui me dévorent les entrailles

Le lendemain, j’ai eu une autre surprise : à son enterrement était présent le mari juif de notre institutrice, Mme Cohen. Que faisait donc ce juif à l’enterrement de Jmia dans un cimetière musulman ? On avait l’impression que toute l’assistance était pleine de respect et de gratitude pour ce geste du Sieur Cohen pour l’enterrement de Jmia. Il n’y avait plus ni juifs ni musulmans, quand il s’agissait d’enterrer une part de la mémoire commune de la ville.Le Sieur Cohen a émigré par la suite avec sa famille au Canada comme ce fut le cas du bijoutier Nessim Lup : dans les années soixante mon père m’avait envoyé faire une commission chez ce dernier qui habitait alors rue Théodor Cornut : sa salle à manger disposait d’un piano importé d’angleterre comme dans toutes les maisons des négoçiants juifs de la kasbah. Au milieu une immense table en acajou, où sont servis des mets variés et raffinés, où  s’entremêlent produits de la terre et ceux de la mer.

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De part et d'autre de Bab Marrakech, le cimetière disparu en 1985, par lequel nous passions pour nous rendre à l'école...

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"C'EST UNE PHOTO INHABITYUELLE DE BAB MERRAKCH. DE MON TEMPS LES ACROBATES ET LES CHARMEURS DE SERPENTS Y PULULAIENT." David Bensoussan qui a quitté Essaouira en 1965 et qui vit depuis au Canada.

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La dernière année de mon enseignement à l’école primaire de l’Alliance Israelite, nous avions comme instituteur d’Arabe, un safiot sec comme une alumette avec des dents entièrement ravagées par la carie à force de fumer du kif. C’était une véritable terreur, qui en état de manque soumettait les élèves récalcitrants à de véritables séances de tortures. Un jour le père de l’un des élèves, policier de son état, est venu se plaindre à Monsieur Moïse Ohanna, le directeur de l’Alliance Israelite, paisible et rondouilmlet homme à la calvitie prononcée et au eterrnel costume gris, féru de mandoline et qui se substituait aux maîtres en mathématiques en cas d’absentéisme. Le lendemain de son entrevue avec le parent policier, il se pointa à la première heure à notre cours d’Arabe et apostropha ainsi notre instituteur colérique :

- Mais Monsieur, nous ne sommes pas ici en commissariat de police ! Vous n’avez pas à pratiquer la torture sur mes élèves ! Suivez –moi à mon bureau…Depuis lors, nous n’avons plus jamais revu cet instituteur au grand soulagement de tous les écoliers.Et maintenant Josephe Sebag m’apprend que notre directeur d’école d’alors avait quitté Mogador à la fin des années soixantes pour finir ses jours en solitaire dans une chambre d’hotel en Espagne, où il vivait de quêtes en jouant de sa mandoline à la gare de Barcelonne ! A sa mort, au début des années 1990, le seul bien qu’on avait trouvé sur lui, était une théière de Mogador ! Elle appartenait probablerment à sa mère. Il était né d’une grande famille de négoçiants de Mogador qui trafiquaient dans le henné – d’où le nom d’Ohanna- et exportaitaient les amandes et la gomme  de sardanaque. Moïse Ohanna vivait avec deux autres frères qui ne s’étaient jamais mariés comme lui, dans une demeure de Derb Laâlouj et leur père était vendeur d’épices à Attarine.

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L'allée des araucarias avec au fond à droite l'ALLIANCE

A l’alliance israélite où j’étudiais, on m’accorda alors de beaux livres pour enfant, que je n’ai pu recevoir à l’estrade, mais que Zagouri, mon institutrice, me fit alors venir chez le pâtissier Driss, où j’ai eu droit et aux Beaux Livres et à un gâteau au chocolat ! Je lui ai menti, en lui disant que je n’ai pas pu assisté à la remise des prix parce que j’étais parti à Chichaoua ! En réalité l’appel de la plage et des vacances étaient plus forts, surtout quand les élèves se mettaient à chanter à la récréation dans la cour :
« Gai gai l’écolier, c’est demain les vacances...
 Adieu ma petite maîtresse qui m’a donné le prix
Et quand je suis en classe qui m’a fait tant pleurer !
Passons par la fenêtre cassons tous les carreaux,
Cassons la gueule du maître avec des coups de belgha (babouches)

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C.P.-2 - 61-62 : Cours Préparatoire, deuxième année de l'Alliance pour l'année 1961-1962 ( l'auteur est assi au second rang(troisième à partir de la droite). Najib Lachhab, l'actuel propriétaire du restaurant "Coquillage" tient l'ardoise entre les mains. On ne voit pas Mme Bensoussan, notre sévère maîtresse qui nous terrorisait avec son nerf de boeuf et qui à l'heure de goûter - on nous distribuait une tranche de pain, une tranche de fromage Américain et du chicolat au lait bien chaud - elle épulchait invariablement sa grosse orange au point que cela émoustillait nos narines...Son mari était marchand de vins au marché aux fleurs, là où un rabin et un imam procédaient au sacrifice des poulets de ferme selon les rites respectifs des juifs et des musulmans pour que la viande soit halal pour les uns cacher pour les autres. Après le décès de sa fille dans un accident de la circulation survenu au promontoire d'Azelf, notre maîtresse Bensoussan quitta précitamment Essaouira en 1965 et mouru peu après plus par le chagrin de quitter Mogador que par vieillesse...

Mon père disait souvent qu’en ce bas monde, il ne nous restera que ce que nous avons  mangé et bu….Et à Mogador, les juifs étaient très férus des plaisirs de table, au point que certaines variétés de poissons, comme la morue, sont appelés localement « poissons juif » (ou « Iskran » en berbère ).L’air distingué, chapeau melon gris sur tête, Nessim Loeub, m’invite au partage comuniel :

- Il faut d’abord honorer ma table, on parlera de la commission de ton père par la suite....

C’était à la veille d’une mémorable visite que feu Mohamed V devait faire à la ville : Nessim Loeub avait  confectionné à cette occasion, un magnifique sabre en filigrane d’or sur fond d’argent incrusté d’émeraudes et autres pierres précieuses où s’exprimait tout l’art des orfèvres juifs de  Mogador – le fameux « dagg souiri » - et mon père devait fabriquer le coffret en bois de thya  tapissé de velour bordeau où devait reposer le sabre royal . Traditionnellement la hadiyya de la communauté juive consistait en pièce d’orfèvrerie.. Avec leur beau sabre, et son coffret en bois de thuya, Nassim Loeub et mon père s’inscrivaient ainsi dans la vieille tradition marocaine de la hadiya.

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 Nassim Loeub, l'orfèvre d'Essaouira mogador,nostalgie poésie

Evoquant le travail des métaux précieux Haïm Zafrani, qui a enseigné longtemps à Mogador et sa région  avant de s’établir en France, écrit à sujet : « Dans la division du travail qui semble s’être instauré, de longue date, entre artisans juifs et musulmans, certains métiers sont traditionnellement reservés aux juifs particulièrement ceux où l’on manipule le plus de matière de valeur : or, argent, pierres précieuses et perles fines. »


Nessim Loeb était en réalité « Chkâ’yrî » (bailleur de fonds) en métaux précieux. Il faisait travailler les artisans bijoutiers grâce à ses capitaux. Il y en avait deux sortes : les dhaybya qui travaillaient l’or, et les syagha qui travaillaient l’argent. Même lalla, notre maraine, habile cuisinière, participait aux préparatifs. Finalement cette visite royale n’a jamais pu avoir lieu puis que feu Mohamed V fut appelé au chevet des sinistrés du tremblement de terre qui frappa Agadir à vingt trois heures 40, le 20 février 1960. En dix secondes, les trois quarts de la ville sont détruits et 10 000 à 12000 personnes perdent la vie. Le poète berbère Ibn Ighil s’est fait l’écho de ce terrible tremblemnt de terre  :

Agadir a été détruit, des milliers y sont enterrés

Quelle pitié ! Tous sont morts, aucun sauvé.

Tous ceux qui y sont des tribus totalement anéanties

Ils n’ont pas atteint leurs buts, ils n’ont rien accompli

L’Arabe comme le berbère, personne n’a été épargné

Quiconque y est entré, n’en n’est plus sorti

Les juifs sont morts ce jour-là, les chrétiens aussi

Tout comme les musulmans maudits et ceux du droit chemin

Les enfants sont morts ce jour-là, les femmes aussi

Quelques mutins, tirés des décombres, gardaient encore leurs âmes

Ils espéraient se réveiller, reprendre conscience

D’autres tirés des décombres,en direction de la mort, l’eternelle....


L’onde de choque s’est propagée jusqu’au coeur d’ Essaouira, à plus de 170 kms au nord de l’épicentre du séisme. Arraché à son profond sommeil, mon père avait cru que le vacillement de notre vieille maison était dû à la violance du vent. Ne sachant pas ce qui lui arrivait, il s’est levé ,   tatonnant dans l’obscurité,  en répétant   :

- lbard ! lberd ! lberd ! (Le vent ! Le vent ! Le vent ! ).

Pendant plusieurs nuits de suite les gens ont dormi dehors : nous passions la nuit à la belle étoile,avec nos voisins, au marché aux grains ! De surcroit le desastre est survenu le jour de l’Aïd El Kébir,si ma mémoire est bonne : c’est cela « le déluge un jour de fête » dont parlait le Mejdoub ! C’était aussi l’époque de l’exode massive de la communauté juive d’Essaouira  vers Israel . Les juifs du Mellah vendaient tout leurs biens et prenaient pour la dernière fois l’ autocar de Bab Doukkala, quittant ainsi définitivement la ville qui les a vu naître. Il y avait parmi eux Rahèel, la couturière de notre quartier, que j’ai connu toujours assise à même le sol, activant sa vieille machine à coudre « Singer », pour confectioner des habits traditionnels, qu’elle vendait ensuite à la Joutia ou aux colporteurs juifs qui sillonaient les campagnes environantes. On l’appelait khiyata d’el-melf, couturière spécialisée dans la coupe et la couture des vêtements de drap et de toile. J’ai appris beaucoup  plus tard qu’elle serait morte lors de la traversée de la Méditérranée, sans avoir jamais atteint « la terre promise »... La ville abritait autant de juifs que de musulmans comme l’atteste le recencement de 1921 : sur une population de 20.309 qui habitaient alors Mogador, 10.080 étaient musulmans et 9.487 israelites. Le reste, soit 1440, étaient européens. Les juifs étaient minoritaires dans le pays, mais pas à Mogador. Et puis un jour ils sont tous partis.

 

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 Je devais avoir huit ans et j’étais le seul de mes frères et sœur à fréquenter l’alliance israelite, où on étudiait aussi bien l’Arabe et le Français que l’hebreu. Mon voisin de banc n’était autre que Jojo Bouganim, le frère cadet de l’auteur du « récit du Mellah », où celui – ci  raconte cet émouvant départ sans retour de la communauté juive de Mogador : « Ma dernière journée à Mogador, quand le vent se mit à souffler, l’océan à déborder, les palmiers à se tordre et que, comme dans un cauchemar, les sionistes se présentèrent, la nuit tombée, pour nous embarquer. »

L’exil,  la nostalgie, le crépuscule de Mogador ...Abdelkader MANA

10:55 Écrit par elhajthami dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : mogador, nostalgie poésie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

15/02/2012

D'or et de sang

poèsie

Moubarak Erraji et Abdelkader Mana, Essaouira, le mardi 14 février 2012

Chaînes (salasil)

Quelle expédition sanglante

A traversé la chaînette d’or,

Pour parvenir jusqu’à ton cou, ô ma belle ? !

Ce collier d’or a pour ombre

Des squelettes enchaînés quelque part

 

poèsie

Ton cou est une feuille épanouie du livre de la nature

Ton cou est plus précieux pour être un simple accoudoir

Pour les accessoires de la mort

Dans un cimetière inconnu

poèsie

Débarrasses-toi  de cette fourrure d’ours également

Ne vois-tu pas son sang dégouliner sur tes chaussures ?

Quelle faute a commit ce pauvre écureuil

Pour devenir une simple écharpe sur tes épaules ?

Imagines-le en ce moment-même

Faisant sa cour à sa bien aimée

Au sommet des montagnes ?poèsie

 

Ton manteau de cuire, ton sac , tes chaussures,tes gans

Combien j’appréhende de te dénuder complètement

Même si cela est une exigence esthétique de la beauté,

D’une peinture, d’une sculpture, d’un poème.

Du frémissement d’une vie libre

 

O ma belle, je ne veux pas du sang laissé par tes pas

Mais seulement de celui qui émane d’un cœur amoureux

Epris de toi jusqu’aux limites de la folie….

 Poème de Moubarak Erraji, traduit de l'arabe par Abdelkader Manapoèsie

14:06 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poèsie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook