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02/12/2011

Le souffle du souffle

musique

Morceaux choisis en hommage à Abdeslam MICHEL RAJI

arts,corégraphie

Texte Abdelkader Mana, photos Jean François Clément

L’artiste et l’univers éblouissant des idées

L’artiste ne vise pas à reprendre un seul sens, le « sens unique », il brouille les cartes pour multiplier les sens possibles. L’art est proche de ces pratiques mystiques où l’on pensait que la perfection nominale consiste à conjurer les esprits des sphères et des astres. Plus une forme est belle, plus elle a de chance de faire sortir l’artiste de son île où souffle un vent de crabes, pour le livrer à l’univers éblouissant des idées.

      Très cher Raji

 La revue Horizons Maghrébin vient de me commander un texte sur ta chorégraphie : je pense à ta danse sur l'ahouachau quelle j’ai assisté à Tata à celle où tu t’est livré à la danse extatique des derviches tourneurs et des soufies, à Agadir et dans l’Oriental marocain lors des training de l’Unesco pour la musique et la danse auxquels nous a convié notre ami Jean François Clément, en cette année 2011.

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  J'ai besoin de m’appuyer sur ces images pour écrire sur ton art , ta chorégraphie mystique que tu appelle « chorésophie »…. Je ne peux pas écrire de texte valable uniquement de mémoire....Et voilà que tu me sort d’affaire en m’envoyant la thèse de Bruno Couderc  intitulée : « L’improvisation en danse, une présence à l’instant ».Je lis, toute affaire cessante le chapitre intitulé « dialogue avec le souffle de Michel Raji »: je vous suis infiniment reconnaissant , à toi et à Habib Samrakandi, de m’avoir inspiré ce travail gratifiant qui me tire en plus de ma torpeur, de ma stupeur estivale: tant que le corps se porte mal, l'esprit ne suis pas . Seul un corps léger permet à l'esprit de danser à sa guise.... Si je ne me trompe, je crois que chez les mystiques soufis, la danse extatique permet d'élever l’âme vers Dieu...grâce au dhikr  l'âme se libère ainsi de son écorce charnelle .... 

arts,corégraphie De l’improvisation poétique

 « L’improvisation dis-tu est une pratique qui se fait à l’instant où le danseur est dans une écoute intérieure ». Cependant l’improvisation demande un travail en amont, une préparation : se laisser transporter par cet Othello incarné, retrouver les émotion primordiales du compositeur d'il y a des lustres: une communion mi-religieuse, mi-mondaine. L'esthétique de la science des harmonies entre notes célestes et transport amoureux... Dieu seul sait que derrière cette apparente improvisation se cache des années de travail sur la voix et ses possibilités acoustiques; la voix en tant qu'instrument musical. Et puis qu'est ce que la musique et la danse si non ce mystère qui nous met au diapason des beautés célestes ? « J’ai toujours improvisé en dansant » nous dis-tu, car l’improvisation imprègne notre culture marocaine, où on ne peut écouter placidement la musique sans y participer activement : Les marocains qui ont une culture participative ne voient pas pourquoi ils resteraient assis sagement tandis que les musiciens se produisent. Pour les marocains la frontière entre musiciens et public doit être abolie. Ils ne se sentent à l'aise et en fête que lorsqu'ils participent bruyamment à la fête en applaudissant, en trépignant, en poussant des you-you et des appels au Prophète. Il s'agit pour eux d'une décharge énergitique et biologique, en un mot d'une catharsis. Or pour la musique de chambre, on exige d'eux l'écoute attentive, le silence absolu, le bien se tenir. Conséquence peu de marocains parmi le public au printemps des alizés : la sélection ne se fait pas ici par l'argent mais par l'habitus culturel. Ici comme ailleurs, le Musée du Louvre et la musique de chambre ne sont pas fréquentés par le premier venu: il faut une éducation particulière de l'ouïr et du jouir...

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  La musique dans la vie

      J’ai retrouvé partout où je suis allé filmé les musiques et les danses du Maroc, cet esprit de participation et d’improvisation . Chez les Branès  par exemple; où le chant accompagne les fêtes depuis toujours, où on appelle les déclamations « semence » ; on a un mélange improvisé de poésie et de danse. Quand le poète fait signe qu'un nouveau chant est prêt, on se tait, on s'arrête. L'improvisation poétique de Doukkali - ce Zajalpopulaire et savoureux - est une véritable chronique de la vie villageoise. La langue d'expression est l'Arabe, mais le style rappelle étrangement les déclamations poétiques des troubadours berbères du Haut Atlas. C'est que les Branès, situés aux premières marches du pré - rif , sont eux-mêmes d'anciens berbères précocement arabisés du fait de leur position à la lisière de la trouée de Taza,sur la voie des grandes migrations en provenance  de l'Orient arabe. Le poète, tel le journaliste de la tribu,  traite de toutes les préoccupations de la vie quotidienne : cherté des prix« qui brûlent au souk », pénurie d'eau, sécheresse, ou encore conflit du Moyen Orient. Ainsi, à Tafraout, dans son improvisation poétique, le poète fustige l’avarice qui fait de l’accumulation de richesse le but ultime de la vie. L’avare ne peut s’adapter à la vie sociale : Dieu lui a interdit de goûter au miel des choses. Dans une fête où l’assistance est faite principalement d’épiciers et de commerçants ayant bâti leur richesse à force d’épargne, l’évocation de l’avarice paraît un clin d’œil qui ne manque pas de sel.

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 « L'aurore que j'aime se lève la nuit, resplendissante, et n'aura pas de couchant ». La « Laylat el Hajr » de Hallaj paraissant viser la nuit de l'esprit, sous d'autres symboles : l'oiseau aux ailes coupées, le papillon qui se brûle, le cœur enivré de douleur, qui reçoit.

Chorégraphie improvisée chez les troubadours de Sous

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Les troubadours de Sous, se produisent dans la plupart des moussem du sud marocain. Ils plantent généralement leur théâtre au parc forain qui constitue la partie ludique  et profane de la fête patronale. La Raïssa Amina dont le répertoire fait partie de la nouvelle chanson berbère en vogue, chante d’une voix naïve et belle les mots simples de l’amour du terroir et de ses symboles sacrés. Le raïs Amarok évoque quant à lui "l’aigle au beau plumage" :

« Ô aigle au beau plumage

Toi, l’étrange oiseau

À la lune tu porteras mon salut

Et tu lui diras : L’étoile polaire   désire te voire »

Mais par delà leur voix, les Raïssa  apportent un plus avec leurs diadèmes magiques,leurs caftans bariolés et leur chorégraphie improvisée. L’improvisation musicale constitue, en effet, avec la participation du public, un des traits majeurs de cet art populaire.

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Improvisation poétique chez les Glawa

Dans la poésie chantée qu’on appelle N’dam, les hommes ont un rôle prépondérant. Ce sont eux qui assurent l’improvisation poétique, devant les villageois rassemblés sur la place publique. On chante le N’dam en couvrant la bouche de son tambourin comme pour se protéger des puissances surnaturelles autant que pour mieux moduler sa voix. Un refrain montagnard, jeu de tambour, tambour de fêtes saisonnières. Voilà ce qui frappe le plus du point de vue musical au pays Glaoua que nous avons traversé à mi – chemin entre Marrakech et Warzazate ,à l’aube de cette nouvelle année agricole de 1998. Pour en finir avec l'improvisation dans l'ahouach, avant d'attaquer ta mystique, celle de Jean François Clément, ce fils de la miséricorde et mon regretté ami Boujamaâ Lakhdar  pour qui l’art  était un rite du silence qui anime les nuits de pleine lune. :

L’ ahouach d’assif el Mal qu’on appelle Idikel est également pratiqué par les tribus voisines de Mzoda , Aït Bou Yaâkoub et Douirane. C’est un ahouach d’un rythme différent de celui d’Imin Tanout et du pays Haha, même si ces derniers appartiennent au même ère linguistique chleuh. Ahouach Idikel se distingue surtout par la position centrale qui y occupe le chant solo, cette improvisation poétique et musicale qu’on appel arasal et qui est propre aux montagnards du Haut – Atlas.  Pour orchestrer l’ahouach Idikel on recourt à trois tambours à cadre à tonalités différentes, selon qu’il s’agit d’un coup vibrant appliqué de poing au centre de la peau ou de coups secs obtenus par le choc de la main à plat sur bord. Le premier tambour, le trime, commence par jouer un rythme appelé hamz, le deuxième qu’on appelle amtarfo , parce qu’il occupe les marges, joue une autre variation rythmique appelée asidari, et le troisième soliste recourt à une technique de jeu appelée Amdil. Chaque soliste joue un rythme différent mais il doit être impérativement complémentaire des deux autres.

Le chant des femmes Jbala

      Chez les Jbala on appelle Aâyouâ, le chant qui accompagne les travaux agricoles des femmes (moissons, gaulage des olives). On  peut traduire ce mot par l’expression « échos de montagnes » : son ambitus extrêmement aigue et allongé porte au loin la voix des femmes Jbala. Elles s’en servaient, dit-on, pour signaler d’en haut des collines, aux guérilléros d’Abd-el-krim, les déplacements des colonnes françaises. Et aux fêtes de mariage, on se servait de ces voix de soprano pour faire parvenir le message à tous les participants sans avoir à recourir au haut parleur. Le hautboïste Mr.Aziz Zouhri, dont la troupe vient d’être invitée en France, nous rapporte ce couplet, que les femmes chantaient lors des fêtes saisonnières :

 Warwar yâ limama, fal hjour dal ghoddana

La iâjbak chi zînak, hakdak kount hatta yana

 Aux branches des figuiers, recoule ô colombe !

Ne soit pas étourdi par ta beauté , moi aussi j’étais belle !

      Du point de vue mélodique, ce chant s’apparente au mode musical andalous dit « lahgaz » : de par leur position géographique sur la rive sud de la Méditerranée, les Jbala ont été influencé par la musique andalouse. Ce sont les fêtes de mariage qui ont permis à ce genre de se perpétuer, mais il est en voie de disparition : les femmes qui le pratiquent sont pour l’essentiel décédées. D’où la  nécessité de mesures conservatoires pour l’enregistrer avant qu’il ne soit trop tard. Cette nécessaire documentation concerna aussi les deux autres genres que sont le haïtet Taqtouqa Jabaliya.

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 Ce que tu dis du corps, de l’instant et de l’éternité

Ce qui reste de Shoshtari, comme des maîtres spirituels qui lui ont succéder depuis, c'est cette actualisation poignante de l'instant, où ils veulent nous faire rejoindre l'éternel. « L'instant est une coquille de nacre close ; quand les vagues l'auront jetée sur la grève de l'éternité, ses valves s'ouvriront ». Il n'en disait pas davantage pour laisser comprendre qu'alors on verra dans quelles coquilles les instants passés avec Dieu ont engendré la Perle de l'Union. Ce à quoi fait échos NIYAZI MISRI, poète mystique turc du 17ème siècle :« Après avoir voguer sur la mer de l'esprit dans la barque matérielle de mon corps, J'ai habité le palais de ce corps, qu'il soit renversé et détruit ; » OUI, l'instant est une coquille de nacre  close ; quand les vagues l'auront jeté sur la grève  de l'éternité, ses valves s'ouvriront.

Le corps photographié d’Ameziane

Le cheikh Moussa est actuellement le plus célèbre à Nador. Il est accompagné de l'Azemmar, une sorte de biniou, munit de deux cornes d'antilopes. On appelle le chant rifain «  izri « (pluriel ; « izran »). En voici un qui fut composé, en 1911, à l'occasion de la mort du Chérif Mohamed Ameziane, le chef de la résistance rifaine contre l'Espagne, au début du 20ème siècle :

Sidi Mohamed Ameziane est mort !

Nous ne pouvons honorer son tombeau

L'ennemi ayant  emporté sa dépouille

Dans les villes pour la photographier !

Par Dieu ! Ô Mouh fils de Messaoud !

Rends nous son corps afin que nous le vénérions !

Pour Abdélkébir Khatibi, l’enfant né au monde en tant que corps dansant et parlant:

«  Pour un conteur populaire lui dis-je  une fois, le jour de la résurrection même les analphabètes retrouveront la faculté d’écrire ; l’indexe sera leur plume, la bouche leur encrier et le linceul la page blanche. Comme le miracle coranique avait commencé pour le Prophète par l’impératif : « Lis ! », le miracle de la résurrection commencera pour chacun d’entre nous par l’impératif : « écris ! ». Qu’en pensez-vous ?  Ce à quoi il me répondit : « On peut interpréter de différentes manières. Je ne suivrais pas sa manière d’interpréter. Mais par exemple, symboliquement l’enfant apprend la langue, il naît au monde en tant que corps et puis il naît au langage en apprenant le premier mot, son nom propre, le nom propre de sa mère, son père, son entourage et il entre dans le langage comme naissance. Une résurrection dans ce sens là, parce qu’elle permet de rentrer dans un autre ordre du symbolique qui change les choses dans le sens où l’activité de l’écrit a sa loi propre. C’est une activité qui laisse des traces, qui durent et qui entrent dans une mémoire et dans une généalogie de textes, qui se transmet de siècles en siècle. Donc, la résurrection c’est la survie aussi de textes dans ce sens là. »

De la résurrection des corps

   La légende des sept saints Regraga s’inscrit dans une vielle tradition méditerranéenne dont la source serait celle des Sept Dormants d’Ephèse en Turquie comme le soulignait en 1957 Louis Massignon : « En Islam, il s’agit avant tout de « vivre » la sourate XVIII du Qora’n, qui lie les VII dormants à Elie (khadir), maître de la direction spirituelle - et la résurrection des corps dont ils sont les hérauts, avant coureur du Mehdi, au seuil du jugement, avec la transfiguration des âmes, dont les règles de vie érémitiques issues d’Elie sont la clé. Ce culte a donc persisté en Islam, à la fois chez les Chiites et les Sunnites mystiques. ». En Bretagne, par où les sept saints Regraga, auraient passé à leur retour de La Mecque avant d’accoster par leur nef au port d’Agoz à l’embouchure de l’oued Tensift, Massignon notait : « En Bretagne spécialement, le nombre des Sept Dormants raviva une très ancienne dévotion celtique au septénaire, seul nombre virginal dans la décade (Pythagore), chiffre archétypique du serment. On est tenté de penser que c’est une dévotion locale aux sept d’Ephèse, qui a précédé et provoqué les cultes locaux aux VII saints en Bretagne. »

Le corps broyé par les vagues

Dans la clarté du jour la procession investit la cité du son grave du tambour, du martèlement des crotales.

Dis-nous, ô arbre immobile !

Entends-tu les sons graves qui

Accompagnent le taureau vers le repos éternel ?

Son sang va jaillir comme jaillissent en  geysers de brume

Les chevaux marins de la houle violente.

Corps broyé par les vagues.

Rôde la mort, la mort sereine et brutale.

En échos à la prière cosmique du firmament,

Des ombres en oraison se répondent dans la pâle clarté du crépuscule.

L’esprit entre dans le corps

Léon l’Africain nous parle pour sa part de femmes qui « font entendre au populaire qu’elles ont grande familiarité avec les démons, et lorsqu’elles veulent deviner, se parfument avec quelques odeurs, puis (comme elles disent) l’esprit entre dans leur corps, feignant par le changement de leur voix que c’est l’esprit qui répond par leur gorge ». La fumigation de parfums, aux dires d’Ibn Khaldoun, met certains individus dans un état d’enthousiasme tel qu’ils prévoyaient l’avenir.

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 Pour B.Lakhdar l’art  était un rite du silence qui anime les nuits de pleine lune.

Quand on a assez de musique en soi pour faire danser le monde…

Un vrai musicien de Marrakech doit connaître tous les rythmes, maîtriser tous les instruments de musiques traditionnelles, et même savoir danser. C’est le sens des mots Bahja (esprit de la fête) et Hyala (esprit de la danse) : la joie qui habite le corps et l’esprit au printemps de l’âge - quand on a assez de musique en soi pour faire danser le monde.

L’épuisement du corps

Le feu du soleil nous communique son ardeur. L’espace mythique parcouru à pied et à dos-d’âne est intensément vécu, arpent par arpent, jusqu’à l’épuisement du corps. La vitesse des villes engendre le stress, le déhanchement des chameaux nomme chaque arbre et chaque pierre. Tout seul, j’aurais vite abandonné, mais entraîné par l’endurance des pèlerins - tourneurs, j’apprends dans le sillage des chameaux, ce que signifie aller au-delà des limites assignées par la vie sédentaire. La sédentarité engourdit les os et sclérose l’esprit. Je jalouse ces nomades qui ont l’âge de la vieillesse et l’agilité des chèvres. Ce n’est pas seulement le temps qui produit la vieillesse, mais aussi la vie urbaine.

arts,corégraphieLe corps et les mauvais esprits

Au milieu du cap Sim, je découvre une plante médicinale du nom vernaculaire d’ajebbardou, que deux jours auparavant, ma mère m’avait réclamée : on malaxe cette plante charnue avec de l’huile d’olive et l’on s’en enduit le corps pour se débarrasser des mauvais esprits — les esprits du vent qu’on nomme ariah ou on la met sous l’oreiller d’enfants souffrant de cauchemars. Ma mère souffrait d’hallucinations dues à une tumeur au cerveau et elle en a besoin pour cette aison. Les deux messages cosmiques signifient aussi que mes racines profondes se trouvent dans ces lumineux rivages et que, partout ailleurs, je pourrais peut-être gagner plus d’argent mais serais toujours comme une nacre hors de l’eau, une plante hors de sa terre nourricière.

Quel rapport entre tout cela et la danse fraternelle de Raji? Une complicité éternelle: Affaire à suivre...

Se réchauffer le corps et le cœur au soleil

Il y a par ici, de gigantesques caroubiers et de très beaux palmiers. J’ai l’impression de me promener dans le jardin d’Eden où coule une eau douce et bénéfique. Une balade qui pourrait bien être un remède pour les blessures de l’âme. Mon père aimait beaucoup marcher de la sorte, au printemps renaissant. Il y puisait une énergie vitale, le renouveau physique et spirituel. Se réchauffer le cœur et le corps au soleil. Partout les frais feuillages luisent sous le paisible soleil d’hiver.

Tous ceux que nous aimons

Maintenant que ceux que nous aimons ont disparus, qu'est ce qui nous retient encore à ce beau pays où les amandiers perdent déjà leurs fleurs sous la pluie? Mon corps est mouillé mais mes yeux sont desséchés d'avoir perdu tous ceux que nous avons aimés. Maintenant qu'ils sont tous partis, qu'est ce qui nous retient encore à ce beau pays où les amandiers commencent déjà à perdre leurs pétales mauves et blancs sous la pluie?

« J'écris sur ma toile, disait le peintre mystique Larbi Slith, en miniature, les mots qui ouvrent chaque sourate et qui représentent l'invisibilité et la puissance de Dieu. J'orne mes toiles d'un alphabet dansant, chantant, un alphabet qui parle, il parle d'horizons lointains, il parle de moi, embryon au milieu de la sphère tendre et chaleureuse. »

Du souffle

Vous avez raison, j'ai oublié le souffle qui joue un rôle central dans votre démarche:

Souffle ! Souffle ô Bou - Iblâne !

Rafraîchit l'air du plat pays

Car la belle n'est pas habituée à une telle chaleur !

Ô Bou - Iblâne ! N'était le froid, j'aurai planté ma tente sur ton sommet !

Le souffle d’Aïssa qui guérit les aveugles et les paralytiques…

À l’approche du sanctuaire, comme happé par les énergies spirituelles du seuil sacré ,le  horm, hommes et femmes accourent pieds nus, chevelures au vent, souffle haletant, regard hagard. Humanité pathétique qui semble avoir laissé derrière elle, charrue et travaux des champs pour venir ici à la rencontre du divin. Pathétiques et néanmoins beaux, par leur quête du céleste et du sacré, sont ces paysannes disgracieuses et ces vieillards édentés aux pieds calleux, retrouvant en ce temps du pèlerinage, jouvence et nouvelles énergies. Au terme d’une course éperdue, ils s’accrochent au catafalque du saint pour y trouver réconfort et purification. Au cours de cette course effrénée, ils doivent enjamber le corps de pèlerins à plat ventre au seuil du mausolée, comme pour leur transmettre l’énergie bénéfique dont ils sont sensés être porteurs en ce moment de grâce. La croyance veut que par ce geste, ils contribuent à dénouer les entraves visibles et invisibles dont on cherche délivrance, auprès d’Aïssa le guérisseur des aveugles et des paralytiques.

Le souffle chez les Hamadcha

Souffler dans la ghaïta, souffler en dansant.

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 Le souffle du souffle

Ton homonyme mon ami le poète Moubarak Erraji:

Depuis que l’arbre est arbre

Tous les souffles sont vibrations d’ailes sur l’arbre

Le souffle de l’âme

Le souffle du saxophone

Le souffle du souffle

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Faust et le feu sacré

   Gloire à la mer ! Gloire à ses eaux environnées de feu sacré !

   Gloire à l’onde ! Gloire à l’étrange aventure ! Le Faust de Goethe

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Poème recueilli l'hiver 2005 au Sahara:

Nos gîtes de campagne,

Sont dressés là - même où sont nos racines.

Cette étendue désertique est frappée de l’éclaire du Sud-Est.

Doux rêve d’hiver, sous les nuages, la fine pluie et sous la tente

Parfum d’herbes sèches, s’évaporant du milieu des oueds.

Lointaines rumeur des bêtes sauvages.

Cérémonial de thé, entre complices de l’aube.

Crépitement de flammes aux brindilles desséchées

Et avec le jour d’hiver qui point

Chacun des deux amants rejoint la tente des siens.

 La caprification

Un auteur n'écrit jamais à partir d'une page vide, mais à travers une accumulation et une « caprification », cet échange symbolique entre deux esprits d'où jaillit la lumière ou le rêve éveillé, c'est selon... 

Casablanca le vendredi 10 juin 2011  Abdelkader Mana

musiqueL'auteur lors de la remise des prix à l'équipe du training de l'Unesco sur la musique et la danse par le gouverneur

de Tata

musique

L'équipe des training de l'UNESCO sur la musique et la danse de gauche à droite: Jean François Clément, Belaïd Akkaf, le maire de Tata, abdelkader Mana, Michel Raji et Brahim Mezned

musique

L'équipe du training de l'Unesco sur la musique et la danse au tout nouveau théâtre de Tata: Abdelkader Mana, Jean François Clément, Belaïd Akkaf et le chorégraphe Michel Raji

11:06 Écrit par elhajthami dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arts, corégraphie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

22/11/2011

ITINIRAIRE

arts

Le rêve rural d’El Atrach[i]

Après avoir émigré vers le Sous, en tant qu’ouvrier agricole, El Atrach est revenu au pays Chiadma , dans son village natal de Hanchane, pour y travailler en tant que plombier , sauf durant le mois sacré du Ramadan, où il se convertit en pâtissier de la « chebbakiya » . Et pendant ses heures libres, il peint. Il a toujours ressentit le besoin de peindre comme un appel intérieur, une vocation inexpliquée : « Je peignais depuis mon enfance sans but précis, jusqu’au jour où j’ai appris qu’il y avait une galerie à Essaouira. J’y ai alors apporté mes premières œuvres. C’était en 1993. »

arts

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 Comme Tabal, il découvre la plupart de ses idées au souk. Mais il ne peint pas in situ. D’où peut être cette absence de perspective : toutes en surface les images forment un puzzle de motifs entrelacés, comme dans un tapis berbère. Il se sert des scènes de la vie quotidienne au souk, comme autant de bric – à – braque à peindre : « Même quand je parle aux gens , je « photographie » cérébralement  le porteur d’encensoir qui passe par là. Dans un tableau j’ai représenté un Regragui en train de guérir une femme en la flagellant avec des rameaux d’olivier. Si le personnage central est assis sur un félin, c’est pour montrer le pouvoir des Regraga sur les animaux. »

arts

 Lorsqu’on regarde de près le tableau en question, on se rend compte qu’il n’y a aucune commune mesure, entre la réalité observée – l’arrivée des Regraga à une étape donnée – et l’univers fantastique au quelle cette scène a donné lieu. Une véritable fantasmagorie du réel par l’imaginaire, qui rend peut être mieux compte du mystère du pouvoir surnaturel des Regraga sur les êtres et les choses. Il peint le cérémoniel observé non pas d’après le déroulement concret du rite, mais tel que son imagination  se le représente à travers les mythes : c’est en mythifiant le réel qu’il accède plus sûrement à l’imaginaire collectif qui le sous-tend.

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 Reflet de la complexité des représentations collectives – le rêve rural de l’artiste ne peut être rendu que faiblement par les mots : «  Mes premiers tableaux avaient un rapport avec l’environnement de la campagne. Mes tableaux actuels explorent les liens complexes qui existent entre le monde animal et le monde humain. C’est l’interdépendance entre ces deux mondes que j’essaie de montrer. » A travers son imaginaire individuel, il explore, sans le savoir, l’inconscient collectif. Ce qui est le propre des artistes réellement enracinés dans leur culture.

arts

 Les images à peindre surviennent comme dans un rêve , surtout la nuit , quand il est seul avec sa bougie , dans une maison en ruine , située en dehors de son village natal. La seule pièce qui n’est pas tombée , est celle dans laquelle il travaille. La maison est à ciel ouvert et on peut y observer nettement la voie lactée. Il y trouve une âme d’astronome. L’environnement nocturne et solitaire contribue à ce dialogue créatif de l’imaginaire avec la nature : « La bougie allumée sous un ciel étoilé, m’aide à exécuter ce qui me passe par la tête. Cette maison en ruine ne sert pas pour dormir : je m’y isole uniquement pour peindre. Des fois, j’y reste à peindre de trois heures de l’après-midi à une heure du matin. Pour étancher ma soif , je m’y contente d’une théière et d’une cruche d’eau. Mais l’idée que je porte me pèse lourdement. J’ai peur de la perdre ou de l’oublier. Je ne me sens vraiment soulagé qu’une fois que je l’ai exécuté. »

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 Pour représenter le ciel et la terre, le soleil et la mer, le féminin et le masculin, le diurne et le nocturne – comme autant d’oppositions fondatrices – le peintre travaille avec des couleurs naturelles, sans avoir à les mélanger les unes aux autres : le jaune de l’aube, le bleu du ciel, le blanc de la brume, le rouge du crépuscule et enfin le noir de la nuit. Ces couleurs qui constituent les teintes du jour et de la nuit, renferment la vie des humains et des animaux. C’est dire toute l’audace d’une telle démarche, qui tente, sous un ciel constellé d’étoiles, de recréer tout un univers au milieu d’une ruine. Abdelkader Mana



[i] Article paru dans l’hebdomadaire « Le Temps du Maroc » n°48 , du 27 sept . au 2 octobre 1996 Larticle est ancien mais les oeuvres sont récentes

15:42 Écrit par elhajthami dans Aïta | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arts | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

20/11/2011

Abdellah El Atrach, le rêveur fantastique

arts

Comme nous tous, il est arrivé à El Atrach de se souvenir d’un merveilleux rêve  qu’il a  voulu sauvegarder pour toujours, en le restituant par sa peinture de ces étranges personnages aux crânes oblangues et au facié allangé, tout droits sortis des papyrus égyptiens, qu’entourent des houris, des gazelles et des volatiles. Mais à chaque tentative , il se rend compte que le rêve  était plus beau et demeure pour ainsi dire inaccessible. Pour l’approcher, il se remet à nouveau à peindre, passant sa  vie de Sisyphe, dans cette quête d’amour impossible. Pour notre bonheur cela a le mérite de perfectionner son incomparable art du fantastique, sans assouvir pour autant son désir d’accomplir ce rêve primordial après lequel il court toujours  et qui se dérobe comme mirage au désert à chaque fois qu’il semble enfin arrivé  à bon port.

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    Cette quête  vers l’inaccessible du rêve évanoui est la  flamme  qui attise en permanence son œuvre  nécessairement  inachevée  parce qu’humaine, trop humaine. Voyage dans les obscurs antres de l’inconscient aussi  interminables que  toute psychanalyse. El Atrach  jongle ainsi avec les symboles et les signes de l’inconscient qui sont certes limités par leur nombre, mais qui grâce à chaque fois à une nouvelle combinatoire des éléments qui les composent ; ouvrent sur cet infini de réalités totalement nouvelles et totalement surprenantes. Ce qui est le propre du rêve et du fantastique où tout est possible et affranchi des pesanteurs terrestres et de ses interdits. Basculement permanent du réel vers le surréel, cet univers libéré de toute entrave qui est propre à toute quête d’amour : les insatisfactions humaines trouvent  dans l’œuvre fantastique imaginaire et surréelle d’ El Atrach un merveilleux  exutoire  .  .

arts

El ATRACH , bacchanal

Univers libéré de toute entrave où s’exprime le désir  Le corps comme fantasmagorie nocturne que l’artiste sublime plastiquement dans des formes éthérées où ils semblent  en apesanteur comme saisi par je ne sais quelle ivresse. Des corps si légers, portés  sur les ailes d’amour de pigeons voyageurs à l’allure étrange : dans l’interprétation des rêves l’envol est bien souvent l’expression fantasmatique du désir.

arts

EL aTRACH, baiser

 Chez nul autre artiste de sa génération – il est né dans la campagne  environnante d’Essaouira, en 1972 – on ne perçoit d’une manière aussi palpable et évidente  cette  imagination créatrice issue tout droit du rêve…Ce passage imperceptible par touches successives de la prose du monde réel à ce fantastique à la beauté fragile, irréelle et éternelle semble surgir de ces rêves dont nous réussissons  rarement à nous souvenir dans notre vie fracassée par le bruit et la fureur du monde alors qu'El Atrach semble y accéder si aisement à travers ce qu'il dénomme son "rêve éveillé" .

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El Atrach, sans entraves

Il passe sa vie à nous restituer ce rêve, sans jamais y parvenir à l'identique : toute son oeuvre est une quête nostalgique de cet amour inaccessible…Appelons le pour l'instant "Ounagha", le toponyme féminin d'un village voisin de son village de Hanchan auquel on a pris l'habitude d'accoler le dicton selon lequel le chemin qui mène à Hanchan est aussi droit que ce sentier lumineux qui mène le serpent à sa tannière....

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 Ounagha

Le discours le plus sûr d’El Atrach est celui qu’il tient sur lui-même. Ecoutons le d’abord avant de procéder à quelque analyse que ce soit de son œuvre si énigmatique et mystérieuse : « Je m’inspire de la vie quotidienne en transformant le thème traité par l’imaginaire, en traitant par exemple le coiffeur du souk à ma manière . Je m’appuie également sur les légendes. Je montre la coiffure à l’ancienne lorsqu’on rasait la tête en laissant juste une touffe, symbole de germination au quelle on accrochait des gris – gris contre  les mauvais oeils. 

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Le coiffeur d'El Atrach

 C’est une scène ordinaire que je transforme en réalité imaginaire qui ne se laisse pas déchiffrer au premier abord. Au travail d’imagination, j’ajoute des symboles de mon propre cru : le personnage a parfois entre les mains des objets insolites, inconnus, indéfinis. Ils sont de ma propre création. C’est ce rêve éveillé qui me distingue des autres artistes. Je vis dans un autre dimension du monde où les êtres et les choses revêtent un caractère étrange. Je me considère comme un convertisseur de la réalité en surréalité grâce à l’imagination créatrice. C’est comme si j’avais dans mon cerveau une porte qui s'ouvrirait sur un autre monde : en franchissant son seuil on passe de l’autre côté du miroir vers un univers imaginaire. Ce convertisseur cérébral transforme systématiquement les observations les plus banales de la vie de tous les jours en surréalité . C’est ce que j’appelle « le rêve éveillé ».

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El Atrach le surréaliste

J’essaie d’exprimer les sentiments qui sont nécessairement intérieurs à chacun de nous en postures corporelles . traduire le langage corporel en tant qu'expression de notre intériorité la plus intime à  travers notre gestuelle..Une fois mises à nues nos attitudes corporelles sont fort parlantes. Pour exprimer nos tristesses et nos joies, il n’y a pas mieux que nos postures corporelles ... .   

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Tout ce que je peinds a une signification symbolique : ainsi du pigeon voyageur comme messager d’amour, mais aussi comme clé d'accès possible à mon œuvre. De la rose comme offrande, au bien aimé. De l’œuf brisé comme symbole de tout commencement et de toute fin.itude De la bchandelle comme symbole de vie, avec laquelle tout s'éteind quand elle vient à s'éfilocher. De l’encensoir  comme symbole de spiritualité puisqu'il accompagne tout sacré et tout sacrifice..Le tout tient dans le cercle d'or des saisons et des jours...

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  Apesanteur

Je me mets d’abord en condition de peindre, en  "préparant" l’ambiance du travail. Il s’agit de créer les conditions optimales nécessaires à l’apparition de ce que j’appel « le rêve éveillé », sans lequel il n’y aura pas de passage du réel vers l'imaginaire. Je complexifie à souhait le thème traité pour que l’observateur soit obligé de fournir un effort lors de son déchiffrement

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Indéchifrable El Atrach

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El Atrach : le bien aimé pris aux fils de l'araignée

L' œuvre. se présente d’abord comme une énigme à déchiffrer. Comme un rêve à interpréter . Il faut beaucoup de temps pour interpréter un rêve, beaucoup de temps pour déchiffrer ses œuvres qui ne se laissent pas facilement décoder, des oeuvres exécutées d'après  ses rêves  ......

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Selon le témoignage de Procope au VI è siècle : « Chez les Berbères, les hommes n’ont pas le droit de prophétiser ; et se sont au contraire les femmes qui le font : certains rites religieux provoquent en elles des transes qui, au même titre que les anciens oracles, leur permettent de prédire l’avenir. » Dans l'histoire des Berbères, la Kahéna est la plus illustre des voyantes.L’antique héroïne berbère du Maghreb portait en fait un nom arabe :  kahénasignifie en arabe « devineresse », manifestement en rapport avec les dons prophétiques que prêtent à la reine les auteurs musulmans à partir d’Ibn Abd al-Hakam (mort en 871).

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Ibn khaldoun indique que la kahéna avait d’abord été « la reine de l’Aurès » avant de devenir « la reine des berbères de l’Ifriqiya ». Les Berbères se rallièrent à elle après la mort de Koceila leur chef en 688. Al Wakidi, écrit qu’elle se souleva « par suite de l’indignation qu’elle ressentit à la mort de koceila». L’historien arabe El Maliki rapporte ce détail singulier sur la kahéna : « Elle avait avec elle une énorme idole de bois qu’elle adorait ; on la portait devant elle sur un chameau. » Des siècles après la reine de l’Aurès fait encore rêver, comme en témoigne les illustrations qu’en fait aujourd’hui Oumami ou ce qu’on disait une brochure anonyme de 1890 qui s’achève ainsi : « Sparte eût inscrit son nom dans ses temples. Homère l’eut célébré dans ses poèmes immortels». Cette « force amazigh » est aussi symbolisée par les antiques aguellid (ces anciens rois berbères) : Juba II, Massinissa, Jugurtha. Le plus illustre est Jugurtha qui apostropha ainsi  Rome après avoir distribuer son or aux membres de la classe sénatoriale : « Ville à vendre et condamnée à périr si elle trouve un acheteur ! »

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 L’artiste dépeint ainsi cette voyante qui pratique la cartomancie : on voit les personnages qui viennent la consulter en train de lui présenter des sacrifices et des offrandes.A la question de savoir qui vient  consulter la voyante ? Malika  voyante médiumnique des Gnaoua répond :“La femme qui n’enfante pas. L’homme qui a du mal à trouver du travail.Quand un patient ou une patiente, vient me consulter, J’ouvre l’autel pour consulter les esprits à son propos. Ce sont les esprits qui m’assistent au cours de la voyance en me disant de quoi souffre ce Monsieur ou cette dame. Qu’à –t- il ? Es-t- il malade ? Que lui réclament les esprits ? Veulent –ils seulement qu’il organise une lila pour le délivrer ? Ou bien qu’il devient leur serviteur ? Les a – t – il atteint de quelque manière ? Ou les a – t – il agressé ? Une fois que j’ai consulté les esprits, je dis au malade : voici de quoi tu souffres et voilà ce qu’attendent de toi les esprits. Ils veulent que tu leur organises une lila que tu leur présente un sacrifice un mouton ou un bouc par exemple , ou que tu leur prépares un poulet non salé. Leur faire un don une offrande. Il y a aussi le patient à qui ils recommandent le pèlerinage soit à Chamharouch, Moulay Brahim ou Tamsloht.

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Généralement les esprits lui recommandent d’organiser une lila chaque année. Moi-même, je ne sais quoi dire, jusqu’à ce que je consulte les esprits. Je suis alors en transe. C’est dans cet état que je les consulte et c’est eux qui disent ce dont la patiente souffre et ce qu’elle doit amener comme offrandes. Les esprits parlent par ma bouche.  Je les fais « monter ». C’est delà que vient le mot talaâ, celle qui fait monter les esprits . Je suis leur simple médium et c’est eux qui prédisent par ma bouche quand je suis  en transe. Ce n’est pas seulement celui ou celle qui est malade qui danse en état de transe ; moi aussi je danse en état de transe , et cela m’apaise. La nuit, lorsque je suis nerveuse, je vois apparaître les esprits dans mes rêves. »

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El Atrach : Nuit bleue

 El Atrach voit aussi les esprits comme dans un rêve, qu'il tente de reproduire sur ses toiles.  Mais cela suppose une mise en condition une « préparation »; voilà le mot clé de l’artiste. Il s'agit de « préambules » et de  « préliminaires » qui doivent précéder toute mise en oeuvre comme ils précèdent tout rituel . Car pour El Atrach, la peinture est d’abord une activité rituelle et obéit donc aux mêmes préparatifs. C'est pourquoi notre artiste  a besoin de s’isoler dans sa "ruine"  en dehors du village, à chaque fois qu’il veut se mettre au travail. Cela  rappelle ces rites d’initiation africains où les adolescents doivent passer par une période d’isolation en brousse  pour faciliter leur "passage" à l’âge adulte. En ce sens chaque oeuvre d' El Atrach est une épreuve initiatique .

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En écoutant de sa bouche le mot " préparation", j'ai immédiatement pensé à ce samedi après midi où j’avais rejoins pour la première fois  feu maâlem Bosso à sa maison du côté de la foire de Casablanca pour ma propre initiation à ce rite orgiaque plein de mystère que constitue une lila des Gnaoua. Je  l’avais trouvé en compagnie d’autres maâlem Gnaouis originaires de Marrakech comme lui : ils étaient en plein préparation des adjuvants rituels sans lesquels ils ne pouvaient opérer convenablement ce passage de la réalité ordinaire à cette  réalité extraordinaire, qu’est la lila ou nuit rituelle. Cette ouverture de la place  , qu’on appelle « ftouh Rahba », où les esprits possesseurs sont conviés à "chevaucher" les possédés de la place sacrée à force d'offrandes et de sacrifices..

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  En pénétrant le soir le seuil de sa « ruine » pour s’isoler de la vie ordinaire, El Atrach , se  « prépare » lui aussi à rentrer en contact avec ses esprits possesseurs  qui lui ouvrent l’univers fantastique des mondes supranaturels et imaginaires. C’est seulement après avoir franchi le seuil de la nuit et de cette ruine qu’il peut s'affranchir du réel , accéder à ce " rêve éveillé", à cet état modifié de conscience sans lequel les voies vers l'imagination créatrice reste infranchissables.. Il est en cela comme ces voyantes médiumniques  qui ont, elles aussi, besoin de plusieurs nuits d’incubations dans la grotte sacrée pour rendre opératoir leur pouvoir de médium entre le divin et l'humain.

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Pour se faire, elles se rendent en pèlerinage auprès de Sidi Chamharouch, le sultan des djinns du Haut Atlas , pour une nuit d'incubation et de rêve devinatoire, pour  y « recharger » d’énergie nouvelles leurs objets rituels : sans quoi leur voyance devient impossible et inopérante. D'une certaine façon El Atrach , pratique lui aussi cette voyance médiumnique mais à sa manière : c’est ce qui lui permet d’ouvrir cette fenêtre sur cet univers étrange et fantastique tel qu'il se révèle d'après ses oeuvres. Une oeuvre qui se veut surréaliste , c'est-à-dire au-dessus et au-delà de la réalité déjà connue , telle qu’il la vit quotidiennement dans son propre petit village de Hanchan.  

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.Aux banales scènes de la vie quotidienne vient se mêler des apparitions fantastiques – que vient faire un pigeon voyageur chez un coiffeur ?- où des êtres antagonistes dans la réalité semblent vivres ensembles en toute bonne intelligence : hommes, serpents, oiseaux, arbres, poissons…Ils semblent vivre sur la même arche de Noé où ils voguent ainsi vers un monde étrange et beau, leur ouvrant des horizons inconnus. Un monde théâtre de rencontres insolites qui n’ont jamais lieu dans la réalité ; une drôle d’alchimie. Univers à la fois pacifié et féerique où de douillés oiseaux viennent adoucir par leur être d’une insoutenable légèreté, la banal et rude réalité des homme.. La prose du monde.

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  Ces éclosion du fantastique  dont un être ordinaire a rarement la possibilité de se souvenir au réveil parce qu’une épaisse couche sépare l’inconscient où se déroule le rêve et le conscient où s’opère le principe de réalité…Or chez El Atrach il n’existe qu’une membrane fragile et transparente entre conscient et inconscient, c’est pourquoi il se souvient de tous ses rêves qu’il perçoit même dans son demi sommeil comme « des rêves éveillés »…Chez lui le passage de l’ordinaire vers l’extraordinaire se fait presque naturellement : il lui suffit de franchir le seuil de la nuit et de sa ruine , à la lisière du village habité et de la forêt inhabitée(khla) , pour palper sous les étoiles l’univers fantastique qui s’ouvre à lui, comme s’ouvrent les cieux la nuit du destin,  pour laisser brusquement entrevoir, sous la voûte céleste  une espèce de chapelle Sixtine révélant un univers coloré à la Chagall, mais qui rappelle aussi les couleurs chatoyantes des amérindiens de l’Amérique Latine et ses Amazones.

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    Chez EL Atrach, les signes et les symboles qui sont profondément ancrés dans l’imaginaire collectif, remontent spontanément à la surface de l’acte créateur, parce qu’ils constituent une composante essentielle de l’identité culturelle de l’artiste.Abdelkader Mana

19:51 Écrit par elhajthami dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arts | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook