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20/11/2011

Abdellah El Atrach, le rêveur fantastique

arts

Comme nous tous, il est arrivé à El Atrach de se souvenir d’un merveilleux rêve  qu’il a  voulu sauvegarder pour toujours, en le restituant par sa peinture de ces étranges personnages aux crânes oblangues et au facié allangé, tout droits sortis des papyrus égyptiens, qu’entourent des houris, des gazelles et des volatiles. Mais à chaque tentative , il se rend compte que le rêve  était plus beau et demeure pour ainsi dire inaccessible. Pour l’approcher, il se remet à nouveau à peindre, passant sa  vie de Sisyphe, dans cette quête d’amour impossible. Pour notre bonheur cela a le mérite de perfectionner son incomparable art du fantastique, sans assouvir pour autant son désir d’accomplir ce rêve primordial après lequel il court toujours  et qui se dérobe comme mirage au désert à chaque fois qu’il semble enfin arrivé  à bon port.

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    Cette quête  vers l’inaccessible du rêve évanoui est la  flamme  qui attise en permanence son œuvre  nécessairement  inachevée  parce qu’humaine, trop humaine. Voyage dans les obscurs antres de l’inconscient aussi  interminables que  toute psychanalyse. El Atrach  jongle ainsi avec les symboles et les signes de l’inconscient qui sont certes limités par leur nombre, mais qui grâce à chaque fois à une nouvelle combinatoire des éléments qui les composent ; ouvrent sur cet infini de réalités totalement nouvelles et totalement surprenantes. Ce qui est le propre du rêve et du fantastique où tout est possible et affranchi des pesanteurs terrestres et de ses interdits. Basculement permanent du réel vers le surréel, cet univers libéré de toute entrave qui est propre à toute quête d’amour : les insatisfactions humaines trouvent  dans l’œuvre fantastique imaginaire et surréelle d’ El Atrach un merveilleux  exutoire  .  .

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El ATRACH , bacchanal

Univers libéré de toute entrave où s’exprime le désir  Le corps comme fantasmagorie nocturne que l’artiste sublime plastiquement dans des formes éthérées où ils semblent  en apesanteur comme saisi par je ne sais quelle ivresse. Des corps si légers, portés  sur les ailes d’amour de pigeons voyageurs à l’allure étrange : dans l’interprétation des rêves l’envol est bien souvent l’expression fantasmatique du désir.

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EL aTRACH, baiser

 Chez nul autre artiste de sa génération – il est né dans la campagne  environnante d’Essaouira, en 1972 – on ne perçoit d’une manière aussi palpable et évidente  cette  imagination créatrice issue tout droit du rêve…Ce passage imperceptible par touches successives de la prose du monde réel à ce fantastique à la beauté fragile, irréelle et éternelle semble surgir de ces rêves dont nous réussissons  rarement à nous souvenir dans notre vie fracassée par le bruit et la fureur du monde alors qu'El Atrach semble y accéder si aisement à travers ce qu'il dénomme son "rêve éveillé" .

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El Atrach, sans entraves

Il passe sa vie à nous restituer ce rêve, sans jamais y parvenir à l'identique : toute son oeuvre est une quête nostalgique de cet amour inaccessible…Appelons le pour l'instant "Ounagha", le toponyme féminin d'un village voisin de son village de Hanchan auquel on a pris l'habitude d'accoler le dicton selon lequel le chemin qui mène à Hanchan est aussi droit que ce sentier lumineux qui mène le serpent à sa tannière....

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 Ounagha

Le discours le plus sûr d’El Atrach est celui qu’il tient sur lui-même. Ecoutons le d’abord avant de procéder à quelque analyse que ce soit de son œuvre si énigmatique et mystérieuse : « Je m’inspire de la vie quotidienne en transformant le thème traité par l’imaginaire, en traitant par exemple le coiffeur du souk à ma manière . Je m’appuie également sur les légendes. Je montre la coiffure à l’ancienne lorsqu’on rasait la tête en laissant juste une touffe, symbole de germination au quelle on accrochait des gris – gris contre  les mauvais oeils. 

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Le coiffeur d'El Atrach

 C’est une scène ordinaire que je transforme en réalité imaginaire qui ne se laisse pas déchiffrer au premier abord. Au travail d’imagination, j’ajoute des symboles de mon propre cru : le personnage a parfois entre les mains des objets insolites, inconnus, indéfinis. Ils sont de ma propre création. C’est ce rêve éveillé qui me distingue des autres artistes. Je vis dans un autre dimension du monde où les êtres et les choses revêtent un caractère étrange. Je me considère comme un convertisseur de la réalité en surréalité grâce à l’imagination créatrice. C’est comme si j’avais dans mon cerveau une porte qui s'ouvrirait sur un autre monde : en franchissant son seuil on passe de l’autre côté du miroir vers un univers imaginaire. Ce convertisseur cérébral transforme systématiquement les observations les plus banales de la vie de tous les jours en surréalité . C’est ce que j’appelle « le rêve éveillé ».

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El Atrach le surréaliste

J’essaie d’exprimer les sentiments qui sont nécessairement intérieurs à chacun de nous en postures corporelles . traduire le langage corporel en tant qu'expression de notre intériorité la plus intime à  travers notre gestuelle..Une fois mises à nues nos attitudes corporelles sont fort parlantes. Pour exprimer nos tristesses et nos joies, il n’y a pas mieux que nos postures corporelles ... .   

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Tout ce que je peinds a une signification symbolique : ainsi du pigeon voyageur comme messager d’amour, mais aussi comme clé d'accès possible à mon œuvre. De la rose comme offrande, au bien aimé. De l’œuf brisé comme symbole de tout commencement et de toute fin.itude De la bchandelle comme symbole de vie, avec laquelle tout s'éteind quand elle vient à s'éfilocher. De l’encensoir  comme symbole de spiritualité puisqu'il accompagne tout sacré et tout sacrifice..Le tout tient dans le cercle d'or des saisons et des jours...

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  Apesanteur

Je me mets d’abord en condition de peindre, en  "préparant" l’ambiance du travail. Il s’agit de créer les conditions optimales nécessaires à l’apparition de ce que j’appel « le rêve éveillé », sans lequel il n’y aura pas de passage du réel vers l'imaginaire. Je complexifie à souhait le thème traité pour que l’observateur soit obligé de fournir un effort lors de son déchiffrement

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Indéchifrable El Atrach

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El Atrach : le bien aimé pris aux fils de l'araignée

L' œuvre. se présente d’abord comme une énigme à déchiffrer. Comme un rêve à interpréter . Il faut beaucoup de temps pour interpréter un rêve, beaucoup de temps pour déchiffrer ses œuvres qui ne se laissent pas facilement décoder, des oeuvres exécutées d'après  ses rêves  ......

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Selon le témoignage de Procope au VI è siècle : « Chez les Berbères, les hommes n’ont pas le droit de prophétiser ; et se sont au contraire les femmes qui le font : certains rites religieux provoquent en elles des transes qui, au même titre que les anciens oracles, leur permettent de prédire l’avenir. » Dans l'histoire des Berbères, la Kahéna est la plus illustre des voyantes.L’antique héroïne berbère du Maghreb portait en fait un nom arabe :  kahénasignifie en arabe « devineresse », manifestement en rapport avec les dons prophétiques que prêtent à la reine les auteurs musulmans à partir d’Ibn Abd al-Hakam (mort en 871).

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Ibn khaldoun indique que la kahéna avait d’abord été « la reine de l’Aurès » avant de devenir « la reine des berbères de l’Ifriqiya ». Les Berbères se rallièrent à elle après la mort de Koceila leur chef en 688. Al Wakidi, écrit qu’elle se souleva « par suite de l’indignation qu’elle ressentit à la mort de koceila». L’historien arabe El Maliki rapporte ce détail singulier sur la kahéna : « Elle avait avec elle une énorme idole de bois qu’elle adorait ; on la portait devant elle sur un chameau. » Des siècles après la reine de l’Aurès fait encore rêver, comme en témoigne les illustrations qu’en fait aujourd’hui Oumami ou ce qu’on disait une brochure anonyme de 1890 qui s’achève ainsi : « Sparte eût inscrit son nom dans ses temples. Homère l’eut célébré dans ses poèmes immortels». Cette « force amazigh » est aussi symbolisée par les antiques aguellid (ces anciens rois berbères) : Juba II, Massinissa, Jugurtha. Le plus illustre est Jugurtha qui apostropha ainsi  Rome après avoir distribuer son or aux membres de la classe sénatoriale : « Ville à vendre et condamnée à périr si elle trouve un acheteur ! »

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 L’artiste dépeint ainsi cette voyante qui pratique la cartomancie : on voit les personnages qui viennent la consulter en train de lui présenter des sacrifices et des offrandes.A la question de savoir qui vient  consulter la voyante ? Malika  voyante médiumnique des Gnaoua répond :“La femme qui n’enfante pas. L’homme qui a du mal à trouver du travail.Quand un patient ou une patiente, vient me consulter, J’ouvre l’autel pour consulter les esprits à son propos. Ce sont les esprits qui m’assistent au cours de la voyance en me disant de quoi souffre ce Monsieur ou cette dame. Qu’à –t- il ? Es-t- il malade ? Que lui réclament les esprits ? Veulent –ils seulement qu’il organise une lila pour le délivrer ? Ou bien qu’il devient leur serviteur ? Les a – t – il atteint de quelque manière ? Ou les a – t – il agressé ? Une fois que j’ai consulté les esprits, je dis au malade : voici de quoi tu souffres et voilà ce qu’attendent de toi les esprits. Ils veulent que tu leur organises une lila que tu leur présente un sacrifice un mouton ou un bouc par exemple , ou que tu leur prépares un poulet non salé. Leur faire un don une offrande. Il y a aussi le patient à qui ils recommandent le pèlerinage soit à Chamharouch, Moulay Brahim ou Tamsloht.

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Généralement les esprits lui recommandent d’organiser une lila chaque année. Moi-même, je ne sais quoi dire, jusqu’à ce que je consulte les esprits. Je suis alors en transe. C’est dans cet état que je les consulte et c’est eux qui disent ce dont la patiente souffre et ce qu’elle doit amener comme offrandes. Les esprits parlent par ma bouche.  Je les fais « monter ». C’est delà que vient le mot talaâ, celle qui fait monter les esprits . Je suis leur simple médium et c’est eux qui prédisent par ma bouche quand je suis  en transe. Ce n’est pas seulement celui ou celle qui est malade qui danse en état de transe ; moi aussi je danse en état de transe , et cela m’apaise. La nuit, lorsque je suis nerveuse, je vois apparaître les esprits dans mes rêves. »

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El Atrach : Nuit bleue

 El Atrach voit aussi les esprits comme dans un rêve, qu'il tente de reproduire sur ses toiles.  Mais cela suppose une mise en condition une « préparation »; voilà le mot clé de l’artiste. Il s'agit de « préambules » et de  « préliminaires » qui doivent précéder toute mise en oeuvre comme ils précèdent tout rituel . Car pour El Atrach, la peinture est d’abord une activité rituelle et obéit donc aux mêmes préparatifs. C'est pourquoi notre artiste  a besoin de s’isoler dans sa "ruine"  en dehors du village, à chaque fois qu’il veut se mettre au travail. Cela  rappelle ces rites d’initiation africains où les adolescents doivent passer par une période d’isolation en brousse  pour faciliter leur "passage" à l’âge adulte. En ce sens chaque oeuvre d' El Atrach est une épreuve initiatique .

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En écoutant de sa bouche le mot " préparation", j'ai immédiatement pensé à ce samedi après midi où j’avais rejoins pour la première fois  feu maâlem Bosso à sa maison du côté de la foire de Casablanca pour ma propre initiation à ce rite orgiaque plein de mystère que constitue une lila des Gnaoua. Je  l’avais trouvé en compagnie d’autres maâlem Gnaouis originaires de Marrakech comme lui : ils étaient en plein préparation des adjuvants rituels sans lesquels ils ne pouvaient opérer convenablement ce passage de la réalité ordinaire à cette  réalité extraordinaire, qu’est la lila ou nuit rituelle. Cette ouverture de la place  , qu’on appelle « ftouh Rahba », où les esprits possesseurs sont conviés à "chevaucher" les possédés de la place sacrée à force d'offrandes et de sacrifices..

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  En pénétrant le soir le seuil de sa « ruine » pour s’isoler de la vie ordinaire, El Atrach , se  « prépare » lui aussi à rentrer en contact avec ses esprits possesseurs  qui lui ouvrent l’univers fantastique des mondes supranaturels et imaginaires. C’est seulement après avoir franchi le seuil de la nuit et de cette ruine qu’il peut s'affranchir du réel , accéder à ce " rêve éveillé", à cet état modifié de conscience sans lequel les voies vers l'imagination créatrice reste infranchissables.. Il est en cela comme ces voyantes médiumniques  qui ont, elles aussi, besoin de plusieurs nuits d’incubations dans la grotte sacrée pour rendre opératoir leur pouvoir de médium entre le divin et l'humain.

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Pour se faire, elles se rendent en pèlerinage auprès de Sidi Chamharouch, le sultan des djinns du Haut Atlas , pour une nuit d'incubation et de rêve devinatoire, pour  y « recharger » d’énergie nouvelles leurs objets rituels : sans quoi leur voyance devient impossible et inopérante. D'une certaine façon El Atrach , pratique lui aussi cette voyance médiumnique mais à sa manière : c’est ce qui lui permet d’ouvrir cette fenêtre sur cet univers étrange et fantastique tel qu'il se révèle d'après ses oeuvres. Une oeuvre qui se veut surréaliste , c'est-à-dire au-dessus et au-delà de la réalité déjà connue , telle qu’il la vit quotidiennement dans son propre petit village de Hanchan.  

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.Aux banales scènes de la vie quotidienne vient se mêler des apparitions fantastiques – que vient faire un pigeon voyageur chez un coiffeur ?- où des êtres antagonistes dans la réalité semblent vivres ensembles en toute bonne intelligence : hommes, serpents, oiseaux, arbres, poissons…Ils semblent vivre sur la même arche de Noé où ils voguent ainsi vers un monde étrange et beau, leur ouvrant des horizons inconnus. Un monde théâtre de rencontres insolites qui n’ont jamais lieu dans la réalité ; une drôle d’alchimie. Univers à la fois pacifié et féerique où de douillés oiseaux viennent adoucir par leur être d’une insoutenable légèreté, la banal et rude réalité des homme.. La prose du monde.

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  Ces éclosion du fantastique  dont un être ordinaire a rarement la possibilité de se souvenir au réveil parce qu’une épaisse couche sépare l’inconscient où se déroule le rêve et le conscient où s’opère le principe de réalité…Or chez El Atrach il n’existe qu’une membrane fragile et transparente entre conscient et inconscient, c’est pourquoi il se souvient de tous ses rêves qu’il perçoit même dans son demi sommeil comme « des rêves éveillés »…Chez lui le passage de l’ordinaire vers l’extraordinaire se fait presque naturellement : il lui suffit de franchir le seuil de la nuit et de sa ruine , à la lisière du village habité et de la forêt inhabitée(khla) , pour palper sous les étoiles l’univers fantastique qui s’ouvre à lui, comme s’ouvrent les cieux la nuit du destin,  pour laisser brusquement entrevoir, sous la voûte céleste  une espèce de chapelle Sixtine révélant un univers coloré à la Chagall, mais qui rappelle aussi les couleurs chatoyantes des amérindiens de l’Amérique Latine et ses Amazones.

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    Chez EL Atrach, les signes et les symboles qui sont profondément ancrés dans l’imaginaire collectif, remontent spontanément à la surface de l’acte créateur, parce qu’ils constituent une composante essentielle de l’identité culturelle de l’artiste.Abdelkader Mana

19:51 Écrit par elhajthami dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arts | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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