02/12/2011
Le souffle du souffle
Morceaux choisis en hommage à Abdeslam MICHEL RAJI
Texte Abdelkader Mana, photos Jean François Clément
L’artiste et l’univers éblouissant des idées
L’artiste ne vise pas à reprendre un seul sens, le « sens unique », il brouille les cartes pour multiplier les sens possibles. L’art est proche de ces pratiques mystiques où l’on pensait que la perfection nominale consiste à conjurer les esprits des sphères et des astres. Plus une forme est belle, plus elle a de chance de faire sortir l’artiste de son île où souffle un vent de crabes, pour le livrer à l’univers éblouissant des idées.
Très cher Raji
La revue Horizons Maghrébin vient de me commander un texte sur ta chorégraphie : je pense à ta danse sur l'ahouachau quelle j’ai assisté à Tata à celle où tu t’est livré à la danse extatique des derviches tourneurs et des soufies, à Agadir et dans l’Oriental marocain lors des training de l’Unesco pour la musique et la danse auxquels nous a convié notre ami Jean François Clément, en cette année 2011.
J'ai besoin de m’appuyer sur ces images pour écrire sur ton art , ta chorégraphie mystique que tu appelle « chorésophie »…. Je ne peux pas écrire de texte valable uniquement de mémoire....Et voilà que tu me sort d’affaire en m’envoyant la thèse de Bruno Couderc intitulée : « L’improvisation en danse, une présence à l’instant ».Je lis, toute affaire cessante le chapitre intitulé « dialogue avec le souffle de Michel Raji »: je vous suis infiniment reconnaissant , à toi et à Habib Samrakandi, de m’avoir inspiré ce travail gratifiant qui me tire en plus de ma torpeur, de ma stupeur estivale: tant que le corps se porte mal, l'esprit ne suis pas . Seul un corps léger permet à l'esprit de danser à sa guise.... Si je ne me trompe, je crois que chez les mystiques soufis, la danse extatique permet d'élever l’âme vers Dieu...grâce au dhikr l'âme se libère ainsi de son écorce charnelle ....
De l’improvisation poétique
« L’improvisation dis-tu est une pratique qui se fait à l’instant où le danseur est dans une écoute intérieure ». Cependant l’improvisation demande un travail en amont, une préparation : se laisser transporter par cet Othello incarné, retrouver les émotion primordiales du compositeur d'il y a des lustres: une communion mi-religieuse, mi-mondaine. L'esthétique de la science des harmonies entre notes célestes et transport amoureux... Dieu seul sait que derrière cette apparente improvisation se cache des années de travail sur la voix et ses possibilités acoustiques; la voix en tant qu'instrument musical. Et puis qu'est ce que la musique et la danse si non ce mystère qui nous met au diapason des beautés célestes ? « J’ai toujours improvisé en dansant » nous dis-tu, car l’improvisation imprègne notre culture marocaine, où on ne peut écouter placidement la musique sans y participer activement : Les marocains qui ont une culture participative ne voient pas pourquoi ils resteraient assis sagement tandis que les musiciens se produisent. Pour les marocains la frontière entre musiciens et public doit être abolie. Ils ne se sentent à l'aise et en fête que lorsqu'ils participent bruyamment à la fête en applaudissant, en trépignant, en poussant des you-you et des appels au Prophète. Il s'agit pour eux d'une décharge énergitique et biologique, en un mot d'une catharsis. Or pour la musique de chambre, on exige d'eux l'écoute attentive, le silence absolu, le bien se tenir. Conséquence peu de marocains parmi le public au printemps des alizés : la sélection ne se fait pas ici par l'argent mais par l'habitus culturel. Ici comme ailleurs, le Musée du Louvre et la musique de chambre ne sont pas fréquentés par le premier venu: il faut une éducation particulière de l'ouïr et du jouir...
La musique dans la vie
J’ai retrouvé partout où je suis allé filmé les musiques et les danses du Maroc, cet esprit de participation et d’improvisation . Chez les Branès par exemple; où le chant accompagne les fêtes depuis toujours, où on appelle les déclamations « semence » ; on a un mélange improvisé de poésie et de danse. Quand le poète fait signe qu'un nouveau chant est prêt, on se tait, on s'arrête. L'improvisation poétique de Doukkali - ce Zajalpopulaire et savoureux - est une véritable chronique de la vie villageoise. La langue d'expression est l'Arabe, mais le style rappelle étrangement les déclamations poétiques des troubadours berbères du Haut Atlas. C'est que les Branès, situés aux premières marches du pré - rif , sont eux-mêmes d'anciens berbères précocement arabisés du fait de leur position à la lisière de la trouée de Taza,sur la voie des grandes migrations en provenance de l'Orient arabe. Le poète, tel le journaliste de la tribu, traite de toutes les préoccupations de la vie quotidienne : cherté des prix« qui brûlent au souk », pénurie d'eau, sécheresse, ou encore conflit du Moyen Orient. Ainsi, à Tafraout, dans son improvisation poétique, le poète fustige l’avarice qui fait de l’accumulation de richesse le but ultime de la vie. L’avare ne peut s’adapter à la vie sociale : Dieu lui a interdit de goûter au miel des choses. Dans une fête où l’assistance est faite principalement d’épiciers et de commerçants ayant bâti leur richesse à force d’épargne, l’évocation de l’avarice paraît un clin d’œil qui ne manque pas de sel.
« L'aurore que j'aime se lève la nuit, resplendissante, et n'aura pas de couchant ». La « Laylat el Hajr » de Hallaj paraissant viser la nuit de l'esprit, sous d'autres symboles : l'oiseau aux ailes coupées, le papillon qui se brûle, le cœur enivré de douleur, qui reçoit.
Chorégraphie improvisée chez les troubadours de Sous
Les troubadours de Sous, se produisent dans la plupart des moussem du sud marocain. Ils plantent généralement leur théâtre au parc forain qui constitue la partie ludique et profane de la fête patronale. La Raïssa Amina dont le répertoire fait partie de la nouvelle chanson berbère en vogue, chante d’une voix naïve et belle les mots simples de l’amour du terroir et de ses symboles sacrés. Le raïs Amarok évoque quant à lui "l’aigle au beau plumage" :
« Ô aigle au beau plumage
Toi, l’étrange oiseau
À la lune tu porteras mon salut
Et tu lui diras : L’étoile polaire désire te voire »
Mais par delà leur voix, les Raïssa apportent un plus avec leurs diadèmes magiques,leurs caftans bariolés et leur chorégraphie improvisée. L’improvisation musicale constitue, en effet, avec la participation du public, un des traits majeurs de cet art populaire.
Improvisation poétique chez les Glawa
Dans la poésie chantée qu’on appelle N’dam, les hommes ont un rôle prépondérant. Ce sont eux qui assurent l’improvisation poétique, devant les villageois rassemblés sur la place publique. On chante le N’dam en couvrant la bouche de son tambourin comme pour se protéger des puissances surnaturelles autant que pour mieux moduler sa voix. Un refrain montagnard, jeu de tambour, tambour de fêtes saisonnières. Voilà ce qui frappe le plus du point de vue musical au pays Glaoua que nous avons traversé à mi – chemin entre Marrakech et Warzazate ,à l’aube de cette nouvelle année agricole de 1998. Pour en finir avec l'improvisation dans l'ahouach, avant d'attaquer ta mystique, celle de Jean François Clément, ce fils de la miséricorde et mon regretté ami Boujamaâ Lakhdar pour qui l’art était un rite du silence qui anime les nuits de pleine lune. :
L’ ahouach d’assif el Mal qu’on appelle Idikel est également pratiqué par les tribus voisines de Mzoda , Aït Bou Yaâkoub et Douirane. C’est un ahouach d’un rythme différent de celui d’Imin Tanout et du pays Haha, même si ces derniers appartiennent au même ère linguistique chleuh. Ahouach Idikel se distingue surtout par la position centrale qui y occupe le chant solo, cette improvisation poétique et musicale qu’on appel arasal et qui est propre aux montagnards du Haut – Atlas. Pour orchestrer l’ahouach Idikel on recourt à trois tambours à cadre à tonalités différentes, selon qu’il s’agit d’un coup vibrant appliqué de poing au centre de la peau ou de coups secs obtenus par le choc de la main à plat sur bord. Le premier tambour, le trime, commence par jouer un rythme appelé hamz, le deuxième qu’on appelle amtarfo , parce qu’il occupe les marges, joue une autre variation rythmique appelée asidari, et le troisième soliste recourt à une technique de jeu appelée Amdil. Chaque soliste joue un rythme différent mais il doit être impérativement complémentaire des deux autres.
Le chant des femmes Jbala
Chez les Jbala on appelle Aâyouâ, le chant qui accompagne les travaux agricoles des femmes (moissons, gaulage des olives). On peut traduire ce mot par l’expression « échos de montagnes » : son ambitus extrêmement aigue et allongé porte au loin la voix des femmes Jbala. Elles s’en servaient, dit-on, pour signaler d’en haut des collines, aux guérilléros d’Abd-el-krim, les déplacements des colonnes françaises. Et aux fêtes de mariage, on se servait de ces voix de soprano pour faire parvenir le message à tous les participants sans avoir à recourir au haut parleur. Le hautboïste Mr.Aziz Zouhri, dont la troupe vient d’être invitée en France, nous rapporte ce couplet, que les femmes chantaient lors des fêtes saisonnières :
Warwar yâ limama, fal hjour dal ghoddana
La iâjbak chi zînak, hakdak kount hatta yana
Aux branches des figuiers, recoule ô colombe !
Ne soit pas étourdi par ta beauté , moi aussi j’étais belle !
Du point de vue mélodique, ce chant s’apparente au mode musical andalous dit « lahgaz » : de par leur position géographique sur la rive sud de la Méditerranée, les Jbala ont été influencé par la musique andalouse. Ce sont les fêtes de mariage qui ont permis à ce genre de se perpétuer, mais il est en voie de disparition : les femmes qui le pratiquent sont pour l’essentiel décédées. D’où la nécessité de mesures conservatoires pour l’enregistrer avant qu’il ne soit trop tard. Cette nécessaire documentation concerna aussi les deux autres genres que sont le haïtet Taqtouqa Jabaliya.
Ce que tu dis du corps, de l’instant et de l’éternité
Ce qui reste de Shoshtari, comme des maîtres spirituels qui lui ont succéder depuis, c'est cette actualisation poignante de l'instant, où ils veulent nous faire rejoindre l'éternel. « L'instant est une coquille de nacre close ; quand les vagues l'auront jetée sur la grève de l'éternité, ses valves s'ouvriront ». Il n'en disait pas davantage pour laisser comprendre qu'alors on verra dans quelles coquilles les instants passés avec Dieu ont engendré la Perle de l'Union. Ce à quoi fait échos NIYAZI MISRI, poète mystique turc du 17ème siècle :« Après avoir voguer sur la mer de l'esprit dans la barque matérielle de mon corps, J'ai habité le palais de ce corps, qu'il soit renversé et détruit ; » OUI, l'instant est une coquille de nacre close ; quand les vagues l'auront jeté sur la grève de l'éternité, ses valves s'ouvriront.
Le corps photographié d’Ameziane
Le cheikh Moussa est actuellement le plus célèbre à Nador. Il est accompagné de l'Azemmar, une sorte de biniou, munit de deux cornes d'antilopes. On appelle le chant rifain « izri « (pluriel ; « izran »). En voici un qui fut composé, en 1911, à l'occasion de la mort du Chérif Mohamed Ameziane, le chef de la résistance rifaine contre l'Espagne, au début du 20ème siècle :
Sidi Mohamed Ameziane est mort !
Nous ne pouvons honorer son tombeau
L'ennemi ayant emporté sa dépouille
Dans les villes pour la photographier !
Par Dieu ! Ô Mouh fils de Messaoud !
Rends nous son corps afin que nous le vénérions !
Pour Abdélkébir Khatibi, l’enfant né au monde en tant que corps dansant et parlant:
« Pour un conteur populaire lui dis-je une fois, le jour de la résurrection même les analphabètes retrouveront la faculté d’écrire ; l’indexe sera leur plume, la bouche leur encrier et le linceul la page blanche. Comme le miracle coranique avait commencé pour le Prophète par l’impératif : « Lis ! », le miracle de la résurrection commencera pour chacun d’entre nous par l’impératif : « écris ! ». Qu’en pensez-vous ? Ce à quoi il me répondit : « On peut interpréter de différentes manières. Je ne suivrais pas sa manière d’interpréter. Mais par exemple, symboliquement l’enfant apprend la langue, il naît au monde en tant que corps et puis il naît au langage en apprenant le premier mot, son nom propre, le nom propre de sa mère, son père, son entourage et il entre dans le langage comme naissance. Une résurrection dans ce sens là, parce qu’elle permet de rentrer dans un autre ordre du symbolique qui change les choses dans le sens où l’activité de l’écrit a sa loi propre. C’est une activité qui laisse des traces, qui durent et qui entrent dans une mémoire et dans une généalogie de textes, qui se transmet de siècles en siècle. Donc, la résurrection c’est la survie aussi de textes dans ce sens là. »
De la résurrection des corps
La légende des sept saints Regraga s’inscrit dans une vielle tradition méditerranéenne dont la source serait celle des Sept Dormants d’Ephèse en Turquie comme le soulignait en 1957 Louis Massignon : « En Islam, il s’agit avant tout de « vivre » la sourate XVIII du Qora’n, qui lie les VII dormants à Elie (khadir), maître de la direction spirituelle - et la résurrection des corps dont ils sont les hérauts, avant coureur du Mehdi, au seuil du jugement, avec la transfiguration des âmes, dont les règles de vie érémitiques issues d’Elie sont la clé. Ce culte a donc persisté en Islam, à la fois chez les Chiites et les Sunnites mystiques. ». En Bretagne, par où les sept saints Regraga, auraient passé à leur retour de La Mecque avant d’accoster par leur nef au port d’Agoz à l’embouchure de l’oued Tensift, Massignon notait : « En Bretagne spécialement, le nombre des Sept Dormants raviva une très ancienne dévotion celtique au septénaire, seul nombre virginal dans la décade (Pythagore), chiffre archétypique du serment. On est tenté de penser que c’est une dévotion locale aux sept d’Ephèse, qui a précédé et provoqué les cultes locaux aux VII saints en Bretagne. »
Le corps broyé par les vagues
Dans la clarté du jour la procession investit la cité du son grave du tambour, du martèlement des crotales.
Dis-nous, ô arbre immobile !
Entends-tu les sons graves qui
Accompagnent le taureau vers le repos éternel ?
Son sang va jaillir comme jaillissent en geysers de brume
Les chevaux marins de la houle violente.
Corps broyé par les vagues.
Rôde la mort, la mort sereine et brutale.
En échos à la prière cosmique du firmament,
Des ombres en oraison se répondent dans la pâle clarté du crépuscule.
L’esprit entre dans le corps
Léon l’Africain nous parle pour sa part de femmes qui « font entendre au populaire qu’elles ont grande familiarité avec les démons, et lorsqu’elles veulent deviner, se parfument avec quelques odeurs, puis (comme elles disent) l’esprit entre dans leur corps, feignant par le changement de leur voix que c’est l’esprit qui répond par leur gorge ». La fumigation de parfums, aux dires d’Ibn Khaldoun, met certains individus dans un état d’enthousiasme tel qu’ils prévoyaient l’avenir.
Pour B.Lakhdar l’art était un rite du silence qui anime les nuits de pleine lune.
Quand on a assez de musique en soi pour faire danser le monde…
Un vrai musicien de Marrakech doit connaître tous les rythmes, maîtriser tous les instruments de musiques traditionnelles, et même savoir danser. C’est le sens des mots Bahja (esprit de la fête) et Hyala (esprit de la danse) : la joie qui habite le corps et l’esprit au printemps de l’âge - quand on a assez de musique en soi pour faire danser le monde.
L’épuisement du corps
Le feu du soleil nous communique son ardeur. L’espace mythique parcouru à pied et à dos-d’âne est intensément vécu, arpent par arpent, jusqu’à l’épuisement du corps. La vitesse des villes engendre le stress, le déhanchement des chameaux nomme chaque arbre et chaque pierre. Tout seul, j’aurais vite abandonné, mais entraîné par l’endurance des pèlerins - tourneurs, j’apprends dans le sillage des chameaux, ce que signifie aller au-delà des limites assignées par la vie sédentaire. La sédentarité engourdit les os et sclérose l’esprit. Je jalouse ces nomades qui ont l’âge de la vieillesse et l’agilité des chèvres. Ce n’est pas seulement le temps qui produit la vieillesse, mais aussi la vie urbaine.
Le corps et les mauvais esprits
Au milieu du cap Sim, je découvre une plante médicinale du nom vernaculaire d’ajebbardou, que deux jours auparavant, ma mère m’avait réclamée : on malaxe cette plante charnue avec de l’huile d’olive et l’on s’en enduit le corps pour se débarrasser des mauvais esprits — les esprits du vent qu’on nomme ariah — ou on la met sous l’oreiller d’enfants souffrant de cauchemars. Ma mère souffrait d’hallucinations dues à une tumeur au cerveau et elle en a besoin pour cette aison. Les deux messages cosmiques signifient aussi que mes racines profondes se trouvent dans ces lumineux rivages et que, partout ailleurs, je pourrais peut-être gagner plus d’argent mais serais toujours comme une nacre hors de l’eau, une plante hors de sa terre nourricière.
Quel rapport entre tout cela et la danse fraternelle de Raji? Une complicité éternelle: Affaire à suivre...
Se réchauffer le corps et le cœur au soleil
Il y a par ici, de gigantesques caroubiers et de très beaux palmiers. J’ai l’impression de me promener dans le jardin d’Eden où coule une eau douce et bénéfique. Une balade qui pourrait bien être un remède pour les blessures de l’âme. Mon père aimait beaucoup marcher de la sorte, au printemps renaissant. Il y puisait une énergie vitale, le renouveau physique et spirituel. Se réchauffer le cœur et le corps au soleil. Partout les frais feuillages luisent sous le paisible soleil d’hiver.
Tous ceux que nous aimons
Maintenant que ceux que nous aimons ont disparus, qu'est ce qui nous retient encore à ce beau pays où les amandiers perdent déjà leurs fleurs sous la pluie? Mon corps est mouillé mais mes yeux sont desséchés d'avoir perdu tous ceux que nous avons aimés. Maintenant qu'ils sont tous partis, qu'est ce qui nous retient encore à ce beau pays où les amandiers commencent déjà à perdre leurs pétales mauves et blancs sous la pluie?
« J'écris sur ma toile, disait le peintre mystique Larbi Slith, en miniature, les mots qui ouvrent chaque sourate et qui représentent l'invisibilité et la puissance de Dieu. J'orne mes toiles d'un alphabet dansant, chantant, un alphabet qui parle, il parle d'horizons lointains, il parle de moi, embryon au milieu de la sphère tendre et chaleureuse. »
Du souffle
Vous avez raison, j'ai oublié le souffle qui joue un rôle central dans votre démarche:
Souffle ! Souffle ô Bou - Iblâne !
Rafraîchit l'air du plat pays
Car la belle n'est pas habituée à une telle chaleur !
Ô Bou - Iblâne ! N'était le froid, j'aurai planté ma tente sur ton sommet !
Le souffle d’Aïssa qui guérit les aveugles et les paralytiques…
À l’approche du sanctuaire, comme happé par les énergies spirituelles du seuil sacré ,le horm, hommes et femmes accourent pieds nus, chevelures au vent, souffle haletant, regard hagard. Humanité pathétique qui semble avoir laissé derrière elle, charrue et travaux des champs pour venir ici à la rencontre du divin. Pathétiques et néanmoins beaux, par leur quête du céleste et du sacré, sont ces paysannes disgracieuses et ces vieillards édentés aux pieds calleux, retrouvant en ce temps du pèlerinage, jouvence et nouvelles énergies. Au terme d’une course éperdue, ils s’accrochent au catafalque du saint pour y trouver réconfort et purification. Au cours de cette course effrénée, ils doivent enjamber le corps de pèlerins à plat ventre au seuil du mausolée, comme pour leur transmettre l’énergie bénéfique dont ils sont sensés être porteurs en ce moment de grâce. La croyance veut que par ce geste, ils contribuent à dénouer les entraves visibles et invisibles dont on cherche délivrance, auprès d’Aïssa le guérisseur des aveugles et des paralytiques.
Le souffle chez les Hamadcha
Souffler dans la ghaïta, souffler en dansant.
Le souffle du souffle
Ton homonyme mon ami le poète Moubarak Erraji:
Depuis que l’arbre est arbre
Tous les souffles sont vibrations d’ailes sur l’arbre
Le souffle de l’âme
Le souffle du saxophone
Le souffle du souffle
Faust et le feu sacré
Gloire à la mer ! Gloire à ses eaux environnées de feu sacré !
Gloire à l’onde ! Gloire à l’étrange aventure ! Le Faust de Goethe
Poème recueilli l'hiver 2005 au Sahara:
Nos gîtes de campagne,
Sont dressés là - même où sont nos racines.
Cette étendue désertique est frappée de l’éclaire du Sud-Est.
Doux rêve d’hiver, sous les nuages, la fine pluie et sous la tente
Parfum d’herbes sèches, s’évaporant du milieu des oueds.
Lointaines rumeur des bêtes sauvages.
Cérémonial de thé, entre complices de l’aube.
Crépitement de flammes aux brindilles desséchées
Et avec le jour d’hiver qui point
Chacun des deux amants rejoint la tente des siens.
La caprification
Un auteur n'écrit jamais à partir d'une page vide, mais à travers une accumulation et une « caprification », cet échange symbolique entre deux esprits d'où jaillit la lumière ou le rêve éveillé, c'est selon...
Casablanca le vendredi 10 juin 2011 Abdelkader Mana
L'auteur lors de la remise des prix à l'équipe du training de l'Unesco sur la musique et la danse par le gouverneur
de Tata
L'équipe des training de l'UNESCO sur la musique et la danse de gauche à droite: Jean François Clément, Belaïd Akkaf, le maire de Tata, abdelkader Mana, Michel Raji et Brahim Mezned
L'équipe du training de l'Unesco sur la musique et la danse au tout nouveau théâtre de Tata: Abdelkader Mana, Jean François Clément, Belaïd Akkaf et le chorégraphe Michel Raji
11:06 Écrit par elhajthami dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arts, corégraphie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
01/12/2011
Les Jbala et le Rif
Texte Abdelkader Mana, images Jean François Clément
Comme ailleurs au Maroc, les paysans sédentaires du pays Jbala et du Rif ont conservé l’usage de l’antique calendrier julien, le long duquel s’égrènent les actes et les rites de la vie agricole : l’époque magiquement propice aux labours, les périodes néfastes où il faut se garder de travailler le sol, le moment des bénéfiques pluies de Nisân , l’instant heureux des moissons , et enfin le jour de la « mort de la terre », après lequel tout est brûlé ; mort jusqu’à la résurrection aux premières gouttes de la pluie automnale.
Lieu d’échange entre la plaine et la montagne, Taounate est l’un des principaux marchés du pays Jbala, où s’échangent les produits de la montagne en contre partie de ceux de la plaine. Occupant la partie occidentale de l’ensemble rifain, limité à l’ouest par l’Atlantique, au sud par les plaines du Gharb et au sud-est par le Rif central, le pays Jbala s’étend depuis le nord de Fès jusqu’au haouz de Tétouan. A la suite de la reconquête de l’Andalousie par les Rois Catholiques à la fin du XVème siècle , beaucoup d’andalous viennent s’installer dans les principales villes du pays Jbala que sont Tétouan, Chefchaouen et Ouazzan. Ce qui n’est pas sans avoir un certain impact sur « Taqtouqa Jabaliya » influencée entre autre par le mode musical andalou dit lahgaz.
Taounat, en tant que marché Jbalien dépendant de Fès où s’établissent souvent ces tolba et ses musiciens, tel Mohamed Laâroussi actuellement, est connue par trois genres de musiques et de chants : Taqtouqa Jabaliya, le chant des femmes Jbala dit « aâyouâ » et le genre « haït » spécifique à la plaine du Gharb toute proche.
Taqtouqa Jabaliya de Taounate
Actuellement, en plus des instruments de musique traditionnelles que sont le violon, le luth, souisdi, le bandir (tambour à cadre), la darbouka et le trier, les musiciens de Taqtouqa Jabaliya, recourent également aux instruments modernes : la guitare, le piano et la batterie. Sous l’encadrement de Mohamed Laâroussi, le cinquième festival de Taqtouqa Jabaliya qui s’est tenu à Taounate en 2009 a réuni une centaine de musiciens de ce genre représentant les trois régions : Tanger et ksar Sghir, Tétouan et Chefchaouen et Taounate. Ce festival a été organisé par l’association Safir (ambassadeur) de Taounate. Les deux principaux maîtres de Taqtouqa Jabaliya sont Mohamed Laâroussi de Taounate et Abdellatif el khoms de Chefchaouen. Les œuvres de Mohamed Laâroussi sont les plus connus et les mieux diffusées à travers la radio – télévision et sous forme de cassettes et de CD. C’est la musique qui symbolise le mieux le pays Jbala,. Elle est présente dans les trois régions suivantes, avec d’infimes variations locales que seule une oreille exercée peut déceler :
a) La Taqtouqa Jabaliya de la région de Tanger et de ksar Sghir
b) La région de Tétouan et de Chefchaouen avec les Béni Ârous en particulier, d’où est issu Moulay Abdessalem Ibn Mashish du djebel Alam, descendant de Omar, l’un des douze fils d’IdrissII, le fondateur de Fès. Les musiciens de Taqtouqa Jabaliya sont très présents auprès des disquaires du moussem annuel de la naskha qui a lieu autour de la grotte et de l’arbre sacré de Moulay Abdessalam vers la mi – chaâban, le mois lunaire qui précède le Ramadan.
c) Enfin la région de Taounate avec les Mernissa et surtout les Bni Zeroual, d’où est issue Mohamed Laâroussi, actuellement considéré comme le chanteur de Taqtouqa Jabaliya par excellence. Les Mernissa pratiquent Taqtouqa Jabaliya et un genre de haït plus proche de l’oriental marocain du fait de leur position à l’Est des Jbala à la lisière de la tribu rifaine des Gzenaya ( des guerriers qui ne pratiquent ni danse ni musique)et des Tsoul, qui ont le même type d’habitat et de dialecte que les Jbala mais qui font plutôt partie du couloir de Taza.
Mohamed Laâroussi
Considéré comme l’une des grandes figures de taqtouq al jabaliya Mohamed Laâroussi est né le 14 janvier 1934 Taferrant chez les Bni Ârous, fraction Bni Zeroual , située à 40 kms de Fès. Il était né à une période où les esprits étaient encore marqués par l’offensive Franco – Espagnole de 1926 contre le Rif à partir justement des postes de Bni Zeroual et surtout ceux de Mernissa : Abd el –krime menaçait alors Fès dont il annonçait la prise pour mai 1925. Inquiet de cette poussée puissante de nationalisme, le maréchal Pétain obtient le départ du Maréchal Lyautey, hostile à une coopération avec l’Espagne. Les conversations franco – espagnols commencent le 17 juin 1925. Lors de la rencontre le 28 juillet entre Pétain et Primo de Rivera, le principe d’une riposte commune sévère est arrêté. La guerre franco – espagnol du Rif commence. Dans ses « Lettres du Maroc, l’offensive dans le Riff 1925, la Tache de Taza 1926 », édition militaire, 1930, le Lieutenant J.Joubert écrit : « L’offensive française a commencé le 12 avril 1925, par une « souga » chez les Beni zeroual, à la zaouia d’Amjot ; ils nous lachèrent en partie. Abd el-krim voulait le chemin de Fès. Vous pensez quelle victoire pour lui de prendre la ville sainte, la capital intellectuelle. C’était la reconnaissance certaine de sa puissance, puis de son autorité, c’était notre défaite. Trois Harka d’ Abd el-krim étaient formées pour investir la ville : leurs efforts convergeaient. Ils isolaient les postes et on les vit un à un tomber. On essayait bien d’aller au secours des assiégés, mais c’était difficile. D’abord, il y avait peu de bataillons disponibles, et l’ennemi montrait du mordant. Il y avait du matériel moderne. Les canons et les mitrailleurs des postes, ils les retournaient contre nous, car ils savaient parfaitement s’en servir. Il y a, je crois, chez les Rifains, des déserteurs de la légion, et aussi des aventuriers de tous pays. C’est une si belle poire à accueillir que ce Rif ! Ce qui rendait surtout la situation très critique, c’était le départ en dissidence de nos tribus soumises. Les unes après les autres, elles nous lâchaient, nos postes étaient ainsi complètement isolés. Il y a quelques semaines, les Tsoul et les Branès sont eux aussi partis en dissidence, et c’est un fameux bloc contre nous, surtout à cause de leurs terrains mamelonnés. »
En 1925, les guérilleros d’Abd el krim multiplient leurs attaques contre les postes Français et leurs auxiliaires chez les Branès, les Tsoul et les Bni Zeroual. Le mercredi 9 septembre 1925, le Maréchal Pétain en personne vint inspecter les avants postes d’Aïn Aïcha et de Taounate. Et c’est à partir de Mernissaentre autre que sera déclenché l’offensive du côté Français contre le Rif : L’échec des pourparlers d’Oujda avec les émissaires rifains a entraîné immédiatement, l’offensive franco-espagnole : dés le 7 mai 1926 l’aviation entreprit sur tout le front des reconnaissances et des bombardements massifs sur les rassemblements et les centres importants, notamment sur le poste de commandement du Khamlichi à la Zaouia de Bou Ghileb . Dés le lendemain le 8 mai les troupes françaises et les troupes espagnoles commençaient une offensive conjuguée : les secteurs espagnols d’Alhuceima et de Melilla marchèrent en même temps que l’ensemble de la ligne française. Celles-ci avançait sur plusieurs axes simultanément : à l’ouest depuis Ouazzan et Chefchaouen afin de couper les Jbala du Rif, et plus à l’Est depuis les Mernissa et Taza en direction du Kert.
Grandissant dans un contexte où la guerre du Rif revenait souvent dans les récits des chaumières de son enfance, Mohamed Laâroussi se souvient encore de ce qu’on lui racontait tout jeune des attaques désespérées des rebelles rifains contre les postes militaires Français de sa tribu des Bni Zeroual, tenus par les tirailleurs sénégalais et autres goumiers qu’ « on n’hésitaient pas, raconte-t-il, à pousser dans les fosses en les précipitant dans le vides des falaises. ». Et dans sa toute première chanson intitulée « le capitaine Soly » il se faisait l’écho du mécontentement des paysans Jbala contre les postes militaires qui se servaient gracieusement en figues, olives, poules, moutons et moisson. Mohamed Laâroussi débuta donc sa carrière de musicien en 1944, par cette qasida sur « le capitaine Soly » qui commandait les Bni Zeroual où il raconte les affres de la colonisation. Quand le capitaine Soly en eut vent, le 20 juillet 1946, il le jeta immédiatement en prison où il allait croupir pour dix ans, s’il n’y avait l’intervention d’un certain Mohamed Ben Taïb, traducteur, qui le tira finalement d’affaire au bout de neuf jours seulement. On lui interdit néanmoins de se rendre à Fès où il réside actuellement. Il a fallu attendre l’indépendance du Maroc pour voire finalement ses chansons diffusées à la radio à partir de 1958. Il a même connu une carrière de chanteur de Cour sous le Roi Mohamed V puis Hassan II . C’est un chanteur prolifique : depuis le début de sa carrière à nos jours, il a produit quelques 526 chansons : d’où la nécessaire de réunir et de publier ses chansons sous forme de recueil pour préserver cette mémoire, qui fait incontestablement partie du patrimoine populaire marocain menacé de disparition en ces temps de nivellement par la raboteuse de la mondialisation : enregistrer, traduire, le publier, préserver de l’oubli.
Le chant des femmes Jbala
Chez les Jbala on appelle Aâyouâ, le chant qui accompagne les travaux agricoles des femmes (moissons, gaulage des olives). On peut traduire ce mot par l’expression « échos de montagnes » : son ambitus extrêmement aigue et allongé porte au loin la voix des femmes Jbala. Elles s’en servaient, dit-on, pour signaler d’en haut des collines , aux guérilléros d’Abd-el-krim, les déplacements des colonnes françaises. Et aux fêtes de mariage, on se servait de ces voix de soprano pour faire parvenir le message à tous les participants sans avoir à recourir au haut parleur. Le hautboïste Mr.Aziz Zouhri, dont la troupe vient d’être invitée en France, nous rapporte ce couplet , que les femmes chantaient lors des fêtes saisonnières :
Warwar yâ limama, fal hjour dal ghoddana
La iâjbak chi zînak, hakdak kount hatta yana
Aux branches des figuiers, recoule ô colombe !
Que ta beauté ne t’étourdit pas , moi aussi j’étais belle !
Du point de vue mélodique, ce chant s’apparente au mode musical andalous dit « lahgaz » : de par leur position géographique sur la rive sud de la Méditerranée, les Jbala ont été influencé par la musique andalouse. Ce sont les fêtes de mariage qui ont permis à ce genre de se perpétuer, mais il est en voie de disparition : les femmes qui le pratiquent sont pour l’essentiel décédées. D’où la nécessité de mesures conservatoires pour l’enregistrer avant qu’il ne soit trop tard. Cette nécessaire documentation concerna aussi les deux autres genres que sont le haït et Taqtouqa Jabaliya. « Récemment, nous dit Mohamed Ben khazzou, nous avons essayer de recueillir les rites de mariage dans la ville de Taounate : les chants nuptiaux dont nous essayons d’enregistrer les mélodies et les rythmes. Ce projet sur lequel nous travaillons actuellement vise la préservation de ce patrimoine avant qu’il ne disparaisse. » Il existe également le carnaval masqué que pratique à Ghafsaï, la troupe des fantassins qui pratiquent la fameuse « tbourida »: un pré -théâtre populaire avec tambours et hautbois qu’on trouve avec force aux environ de Moulay Abdessalam Ibn Mashish. Ce carnaval masqué a surtout lieu à l’occasion de achoura..
Le genre haït des hyaïna et des Tsoul
Le genre dit le « haït » qu’on trouve chez les hyaïna et chez les Tsoul, a ses origines dans la plaine du Gharb : ce genre musical se manifeste surtout lors du moussem de sidi Bouzid qui a lieu au mois d’avril à Tissa chez les hyaïna , très connue par ses élevages de chevaux. Le haït arabophone de Taounat diffère de celui berbérophone d’El Huceima . Musique essentiellement instrumentale et rythmique Le haït se caractérisant par une césure rythmique de 9/4, raison pour laquelle les musiciens l’appellent « mizân aâraj » (mesure boiteuse). Comme instruments de musique caractéristique de ce genre : le hautbois, le bendir (tambour à cadre), le ciseau pour les sons aigus et agoual (sorte de tambourin allongé). A Taounat, les groupes connus de ce genre sont les suivants :
- Groupe « Noujoum Hyaïna »
- Groupe « Noujoum Tissa »
- Groupe « Ben Allal »de Taounat qui a été invité au festival des Arts Populaires de Marrakech.
Chez les Tsoul on joue du hautbois des Jbala. On trouve également chez eux des influences musicales venues de l’Ouest, en particulier le genre « Haït », caractéristique des plaines du Gharb. Chez eux la musique est toujours associée, au pré – théâtre burlesque de « Ba – Cheikh », avec son comique gestuel et ses accoutrements.Chez eux on trouve aussi les influences musicales venues de l’Est – tels les genres Reggada, Mangouchi et Laâlaoui, qui caractérisent particulièrement l’Oriental marocain. Chez les Tsoul, on ressent cependant davantage l’influence des Jbala comme nous l’explique l’un des habitants de leur village qui porte curieusement du nom des mérinides :« Ce douar qui fait partie desTsoul porte le nom des Mérinides. Jadis, les mérinides avaient campé ici avec leur Makhzen, et leurs troupeaux. Nous nous sommes établis ici après leur départ et nous avons gardé à cet endroit le nom des Mérinides ». Au début du 13ème siècle, au déclin de l’empire Almohade les Béni Mérine qui nomadisaient dans le pays compris entre Figuig, la Moulouya et l’oued Zâ, avaient l’habitude de passer l’été dans le Tell où ils étaient liés avec les tribus habitant les montagnes de Taza dont celles des Meknassa et des Tsoul. Dans cette région, quand les garçons veulent étudier, ils s’en vont chez les Béni Zeroual, L’jaïya, et Ouazzane. Ils étudient le Coran chez les Jbala. Ils y restent jusqu’à ce qu’ils l’apprennent par cœur : cela prend cinq à dix ans, après quoi ils reviennent ici pour y enseigner dans une école coranique. Leur formation aux sciences religieuses se fait chez les Jbala et à la Qaraouiyne de Fès. Une tradition qui remonte au plus prestigieux des Tsoul, Ali Ben Berri Tsouli, clerc, serviteur des mérinides. Son mausolée est le plus considérable de la plaine des tombeaux de Taza. L’édifice d’époque mérinide, se situe au dessus de « Triq Sultan » qui sortait de Taza et se dirigeait vers le sud. Sidi Ali Ben Berri a vécu au 12ème siècle, sous la dynastie Mérinide. Quand sa réputation et sa science se sont répandues, il fut choisi par Abû Inane le Mrinide, pour devenir son secrétaire particulier. Les cours d’eau de la vallée de l’Innaouen et du couloir de Taza ont toujours été un enjeu historique. : « Les Meknassa, nous dit Ibn Khaldoun, se composent de plusieurs tribus qui habitent les bords de la Moulouya, depuis Sijilmassa jusqu’aux environs de Taza et des Tsoul. » Ainsi, vers l’an 1045, les Ghiata, en entamant leur mouvement vers le nord, durent se ruer sur la vallée de l’Innaouen, repoussant peu à peu les Meknassa et les Tsoul sur les collines peu fertiles et moins arroses du Rif.
Musique et histoire du Rif
Musiciens rifains de Nador
Le Rif proprement dit va de l’oued Kert à l’oued Bni Gmil, et comprend les tribus côtières des Aït Ittef, Ibeqoien, Bni Wariaghel, Tamsaman, Aït Saïd. Le Rif oriental se situe entre l’oued Kert et la basse Moulouya, et les tribus suivantes : les Guelaya, et les kebdana. A cette énumération,il convient d’ajouter les tribus de l’intérieur : Bni Touzin, Aït Âmmert, Aît Oulikech, et les Gzennaya.Le Rif linguistique s’arrête à la frontière algérienne. On classe en effet dans le groupe des Bni Iznacen, les Bni Bou Yahi et les Mtalsa .
Du point de vue musical le Rif se distingue par l’Azemmar , sorte de biniou composé d’une peau de bouc munie de deux cornes d’antilope à l’aide desquelles le musicien gonfle l’outre et règle la sortie de l’air. L’Azemmar(pluriel izemmaren), désigne également le joueur de biniou, ou de flûte(tazemmart), qui dérive du mot arabe « zamar »(flûte). Le Cheikh Moussa qui chante Izri (poésie en rifain), accompagné d’azemmar est le plus célèbre actuellement à Nador. Traditionnelllement lors des fêtes de mariage les jeunes filles chantent Izran mais il est très difficile de les observer ou de les enregistrer dans un milieu sévèrement conservateur vis-à-vis de la gente féminine . Voici un izran qui fut composé, en 1911, à l’occasion de la mort de l’un des chefs de la résistance contre les Espagnols dans le Rif, le Chérif Sidi Mohamed Amezian :
Sidi Mohamed Amezian est mort !
Nous ne pouvons honorer son tombeau
Aboulissi(le policier) et le capitaine ayant empoté sa dépouille
Dans les villes pour le photographier !
Par Dieu ! Ô Mouh fils de Messa’oud !
Rends nous son corps afin que nous le vénérions !
Sidi Mohamed Amezian, qui avait levé l’étendard de la guerre sainte contre les espagnols, tomba dans une embuscade avec trente de ses compagnons. Son corps n’ayant pas été retrouvé, le bruit couru dans le Rif que les chrétiens avaient empotés sa dépouille pour l’exposer dans leur pays et le photographier.
C’est le 15 mai 1912 qu’étant sorti, apparemment pour une reconnaissance, Mohamed Amezian se heurta à une troupe adverse qu’il ne pouvait, vu son grand nombre, ni affronter ni esquiver. S’avisant cependant que c’était des Rifains, de ces « régulares » enrôlés par l’Espagne, il se porta vers eux en faisant de grands signes, comme s’il se proposait de leur parler. Mais il tomba frappé à mort, avant d’avoir été ni reconnu ni entendu. Ce n’est qu’alors qu’un des « regulares », en s’approchant, l’examina et su que c’était lui. Identifié, le corps fut aussitôt porté à Melilla où, si l’on croit la tradition rifaine, on l’exposa publiquement. Et quelques jours plus tard, on l’envoya à Zeghenghen pour son inhumation. On racontait aussi, dans les veillées comment, ayant franchi le Kert avec une grosse escorte, il s’était installé pour la nuit, dans un village, chez les Beni Sidel.Mais avisés de sa présence par un espion, les Espagnols, grâce à l’obscurité, affluèrent de partout, fermant le cercle autour de lui. Quand Amezian s’en aperçut, il rassembla ses hommes et demanda des volontaires pour mourir avec lui dans son dernier combat. Demeuré, avec eux, il acheva sa nuit dans la prière, puis, au matin, il se battit en attendant la mort. Quand l’ennemi vint relever son corps, il trouva, ô prodige, le cheval du héros qui pleurait sur son maître et qui ne voulait pas se séparer de lui. On dit aussi que rien, après sa mort, n’a jamais plus poussé autour du lieu où il tomba, car la Nature en deuil ne se consolait pas.
Le corégraphe Abdeslam Raji lors d'une démonstration à Taounate
S’inspirant du mouvement folk de Nass el Ghiouan dans les années 1970, le goupe rifain de « Tatouan », recourt à la même mise en scène et aux mêmes instruments de musique : tam-tam, banjo, centir etc. Vivant en Europe, ce goupe folk rifain s’est fait connaître surtout par la chanson Dhar Ouberran, le principal épisode de la bataille d’Anoul. Le nom de « Dhar Ouberran » signifie « la huppe du perdreau », parce que seul le sommet de cette montagne est couvert d’arbres faisant penser à la tête huppée de cet oiseau. C’est une montagne située chez les Tamsamane dans la commune de Bou Dinar . Le président de cette commune nous dit à ce propos : « Pourquoi le nom de cette montagne est souvent cité par l’histoire ? C’est parce qu’elle était la première position occupée par le colonialisme espagnol dans le Rif. Cette montagne surplombe la Méditerranée d’un côté et le Rif de l’autre, du fait qu’elle est assez haute. A l’époque les espagnoles avaient cru qu’en occupant cette position, ils allaient dominer la région entière. » A partir de cette position, les espagnols avaient, en effet,le contrôle de l’oued Kert , où s’était replié le chérif Mohamed Ameziane, en 1919. Ils envisageaient de relier à partir de là Melilla à la baie d’Al Huceima par voie de terre.. Pour leur barrer la route, fin janvier 1921, des combattants Beni Ouariyaghel vinrent s’établir sur la hauteur du Jebel El Qama. Un izri, poème rifain de l’époque, relate ces manœuvres espagnoles en ces termes :
Le roumi fait souga, il a pris Tizi Azza.
Il veut faire le thé, avec de l’eau d’Oulma,
Moujahidines au combat ! À quoi bon la vie.
Le plan Beranger que devait exécuter en arrivant le général Silvestre, consiste en un premier bond qui devait conduire à Sidi Driss, sur l’embouchure de l’Amekrane, à une dizaine de kilomètres vers le nord d’Anoual. La position formerait une base rapprochée, où lui viendrait ensuite, par voie maritime, le gros de son ravitaillement.Les premiers débarquements de l’artillerie eurent lieu à la plage d’Afraou à l’Est de Sidi Driss. A partir de cette position, les espagnoles prirent d’assaut, le piton de « Dhar Oubarran », qui surplombe à la fois les rivages et l’intérieur du pays. Sur le « Abda », le navire qui le menait vers l’exile, Abd el krim, raconte en ces termes, cet épisode de « Dhar Ouberran », la première grande victoire des rifains :« Les espagnols venaient d’occuper Dhar Ouberran, en pays Tamsamane, point stratégique et politique de toute première importance. Je me proposais sur le champ, de leur disputer cette position. La partie était risquée. Je disposais à cette heure, de 300 guerriers. Je revins me mettre à leur tête. Et malgré ma pauvreté en munitions, je déclenchais la contre attaque. Après un combat des plus durs, ma troupe réoccupa Dhar Ouberran.Ayant vu la débandade espagnole, les autres fractions Tamsamane, se joignirent à nous : le bloc rifain se constituait. » Les armes pris aux espagnols à « Dhar Ouberran » ont permis par la suite de mener la bataille d’Anoual. C’est la défaite des Espagnols à Dhar Ou Berran qui allait conduire en 1921 au desastre d’Anoul, après lequel Primo de Rivera parvint à la conclusion qu’Abd el krim est un danger pour la présence coloniale européenne dans tout le Maghreb. On comprend que le premier groupe folk rifain ait d’abord chanter Dhar Ouberran ! Le principal tournant de la légendaire bataille d’Anoual où quelques montagnards avaient mis en déroute une grande puissance coloniale de l’époque ! La musique est ici liée à une forte revendication identitaire, à la fois historique et linguistique.
Le Rif aux rythmes de la World Music
Le Rif se caractérise par des vallées compartimentées et surpeuplées, où les cultures ne suffisent pas aux besoins et contraignaient une grande partie des montagnards à l’émigration. Les jeunes musiciens rifains ne font pas exception à la règle. : tout en restant attaché à la langue et à la poésie rifaine, ils se sont formés en autodidacte aux instruments de musique moderne en terre d’immigration. C’est le cas de Choukri le jeune chanteur rifain qui chante izran avec la guitare et qui s’installe aux Pays Bas en 1990 : « Le rapport entre la musique traditionnelle rifaine et contemporaine a provoqué en moi des idées novatrices. » déclare-t-il. Invité à la radio télévison flamande, au mois de juin 1990, le groupe rifain « ithan » (les étoiles en Berbère) a chanté le drame des clandestins qui s’engloutissent au détroit de Gibraltar avec leurs pateras : « En dépit du nombre de tes habitants, ô mer, tu veux engloutir aussi les hommes ? » Chant auquel fait échos Zhimi Kamal d’El Huceima dans un autre album : « La mer, dis-moicombien d’hommes as-tu englouti ? La mer, quand laisseras-tu mes frères rejoindre l’autre rive ? ». Le groupe décrit son style comme étant « une musique moderne Amazigh ». : un art décrit comme un arbre qui plonge ses racines dans le patrimoine artistique et culturel et qui est « fécondé », en queque sorte, par la musique moderne. Le groupe « Ithran », dispose d’ailleurs d’un site officiel sur le Net faisant référence à la Belgique leur pays d’acceuil (www. ithran.be.). Le musicien khalid Yachou qui est né en 1969 à Melilla et qui s’est produit à Strasbourg, puise lui aussi dans les izri (poèmes rifains traditionnels), tout en étant « clairement influencé par les musiques africaines et méditerranéennes ». Ces « maquisards de la chanson berbère », pour reprendre une expression de Kateb Yacine, puisent ainsi dans l’héritage ancêstral rifain, tout en le modernisant sur les plans instrumental et musical, mariant les anciens rythmes Amazigh à la World Music. C’est le cas du groupe Timès qui réunit Rifains, Cubains et Belges qui semble avoir réussi un mariage subtile entre des sonorités de salsa, quelques notes de jazz et le style rifain. Ils ont réussi , d’après Tel Quel, à « conquérir des milliers de jeunes fans, pas forcément rifains, grâce notament à une musique moderne ouverte sur la World Music.» La plupart de ces groupes sont des autodidactes, n’ayant bénéficier d’aucune formation musicale particulière. Ils considèrent tous les festivals comme de véritables tremplins pour les jeuns talents et souhaitent être encouragés par les différents médias nationaux. .
La plupart des tribus rifaines, aux traditions guerrières pratiquent surtout la fantasia comme les Metalsa et n’ont parfois ni musique ni danse comme les Gzenaya qui considèrent la pratique musicale comme indigne de la virilité et du courage des hommes. C’est pourquoi ils font plutôt appel aux musiciens de leurs voisins Mernissa. Les jeunes musiciens Gzenaya sont obligés d’aller développer leur art à Nador. On peut dire de même des Bni Bou Yahi qui font appel aux joueurs de la guasba, la flûte des hauts plateaux de l’oriental marocain et du tell algérien, comme nous avons pu le constater à Saka chez les Bni Bou Yahi au nord de Guercif.Abdelkader Mana
07:40 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : musique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
29/11/2011
Le modèle Andalous au Maghreb
Texte Abdelkader Mana, reportage photographique Jean François Clément
Les images ont été prises à Fès, capitale de l'ART ISLAMIQUE
La musique comme fait social
La culture est toujours ambulante, déplacée et en mouvement : soit que sa déambulation voyageuse se fasse comme autrefois et encore aujourd’hui en carriole, soit que la circulation de la culture traditionnelle emprunte la voie des ondes et des bandes magnétiques. Au Maroc, comme partout ailleurs à travers le monde, on est rentré maintenant dans la phase Internet qui permet de voir à volanté les musiques et les danses des hameaux les plus reculés, grâce aux vidéos amateurs postées sur Youtub.Un jeune marocain né en France, me signale ainsi la vidéo qu’il vient de poster sur Youtub : et qui porte sur la danse du baroud dans un mariage Ghiata , tribu dont il est originaire et qu’il a filmé lui-même grâce à une caméra amateur, au cours de ses vacances au Maroc.Des milliers de vidéos portant sur les musiques régionales sont ainsi postées sur Youtub. Les jeunes y expriment leurs goûts musicaux et leur attachement à leurs racines culturelles. La diffusion massive de la musique populaire via Internet est un phénomène culturel important pour la reproduction de la musique populaire locale comme pour la diffusion de la musique venue d’ailleurs. Le téléchargement de la musique sur le Web est une nouvelle phase dans le changement permanent de la culture populaire et sa déstabilisation continuelle.
Au cours de notre enquête sur le Rai à Guercif, nous avons constaté les changements des pratiques culturelles et de la sensibilité populaire par l’effet – Internet : tous les artistes semblent impuissant face au piratage et au téléchargement de leurs albums sur le web,mais tous aspire aussi à se faire connaître grâce à cet outil même s’ils n’ont pas toujours les compétenses et la formation recquise pour se faire connaître en créant leur propre site. C’est gâce en effet, à facebook, que le groupe du samaâ de Taza a pu être invité à un pays du Golfe persique et parfois à animer des fêtes de mariage en dehors de Taza.
- Fête de mariage et goûts musicaux
L’institution de mariage avec la nuit des cadeaux et deux jours plus tard, la nuit des noces, constitue une situation musicale spécifique. L’appel adressé à l’occasion des mariages à plusieurs groupes musicaux à la fois, correspond à la différence des classes d’âge, des couches sociales, des milieux urbains et rural qui s’y rencontrent : « Il en faut pour tous les goûts ; il faut des chikhates pour les uns et le Rai pour les autres. ».A Oujda et à Taza, on fait appel à divers groupes musicaux pour animer les fêtes de mariages :
a. Dans un mariage de familles Oujdies ou Tazies,on produit la musique Andalouse (Art noble).
b. Dans un mariage populaire on peut trouver les Cheikhs de Bab Sidi Abdelwaha qui chantent les genres « aroubi » ou une chikhate de Guercif qui chante le genre Ssaff (ahidûs arabisé) surtout si une partie des invités parents et amis viennent de la campagne. Dans ce même mariage à une autre phase de l’évènement on trouvera :
c. Un groupe de Rai local chez les invités de la mariée.
d. Un groupe de musiciens populaire (chaâbi) chez les invités du marié.
e. Pour ce même mariage, pour la plupart des mariages traditionnels, le cortège à travers la ville – avec la charrette aux cadeaux – fait appel à quatre musiciens : Deux tambourinaires et deux hautboïstes qui sont intégrés par ailleurs aux confréries religieuses locales tels les Aïssaoua de Taza.
L’analyse de la demande sociale permet de rendre compte du dépérissement d’un genre musical et du développement d’un autre qui lui succède sur le marché de la musique. Dans le passé les pratiques musicales étaient conviviales et la musique avait une valeur d’usage et non une valeur d’échange : c’était le cas du berger qui joue de la flûte ou du rituel de l’achoura qui était une pratique collective autogérée, auto – organisée et gratuite.Aujourd’hui, les festivals sont gérés, organisé et subventionné par les politiciens. Autrefois les musiciens bénévoles ne prétendaient pas vivre de la musique. Aujourd’hui, la nouvelle génération de musiciens se professionnalise et vend ses services musicaux, ses CD et ses clips. Les jeunes musiciens s’efforcent de se placer sur le marché porteur du Rai. La société marocaine, rejoint ainsi cette occidentalisation de la musique comme le constatait J.Maquet à propos de l’Afrique Noire : « La musique populaire des centres urbains, accuse une influence très forte de la musique de danse d’Amérique Latine et du Jazz ; la guitar est devenue l’instrument principal. » Cette pénétration de la musique Occidentale se fait par la diffusion des industries cultuelles et à travers Internet.
- Le Modèle Musical Andalous
« Notre jeunesse ne réagit plus à la musique Andalouse. Elle était pourtant la musique des châteaux du paradis perdu de Séville , de Cordoue, de l’Alhambra de Grenade et des châteaux marocains Alors que les parents apprécient cette musique, les jeunes s’en détournent. Cela est dû à l’impact de la musique orientale et occidentale à travers la radio et la télévision. » Musique de Palais mauresque de Grenade, Séville et Cordoue, née de la confrontation en Andalousie des apports oriental et occidental. Après la chute de Grenade, elle s’est répondue dans tout le Maghreb.L’autre élément de la culture médiniste est le malhûn ,poésie et musique populaire des artisans des cités Andalouses et Maghrébines. Le terme malhûn vient de la racine lahn qui désigne en arabe classique, aussi bien l’erreur de style et de grammaire que l’opération musicale qui transforme un poème en un chant. Les origines lointaines du malhûn seraient à la fois andalouse et bédouines. Dans toutes les Zaouia citadine on chante des mdah (louanges au Prophète) en forme de malhûn. Son origine bédouine est attestée par son instrument de percussion, le douf (peau de chameau couvrant un cadre en bois en forme carrée). Il émet des rythmes lents qui lui sont suggérés par la marche déhanchée des caravanes. Une autre preuve semble être le thème du « voyage » commun à la tradition poétique des nomades et des artisans. En effet, la narration d’un voyage à travers le désert où le poète s’arrête de temps en temps pour se lamenter sur des ruines (atlal) est un schéma classique de la qasida préislamique. Le même thème se retrouve chez les artisans sédentaire sous le vocable du warchan (pigeon – voyageur).Le porteur de message est prétexte à la description d’un itinéraire. Le malhûn était vivant autrefois dans les médinas de Taza et d’Oujda où il existait des chanteuses citadines qui le chantaient dont certaines étaient originaire soit de Tlemcen soit de Fès. Ce type de chikhates n’existe plus. Avec elles, c’est un pan de la culture traditionnelle médinie qui a disparu. Les quelques midinis connaisseurs du malhûn à Taza par exemple ne sont pas organisés en orchestre. Il ne reste que quelques nostalgiques de cette période, refusant la modernité et ceux qui l’adoptent. Chez les tribus d’origine de l’oriental, on pratique un malhûn bédoin, comme c’est le cas chez les Mhaya, fraction issue des Béni Hilal, établie aux environs d’Oujda. Du temps de la colonisation Française, ces mhaya nomadisaient entre Taourirt au Maroc et Tlemcen en Algérie tout en étant ouverts sur le domaine saharien du côté de Bou ärfa et de Figuig. Ces nomades pratiquent encore, le « malhûn bédoin », qasida qui pleurent les ruines du désert à la manière des anciens d’Arabie. Du point de vue musical, ils recourt à la gasba (la grosse flûte du désert». Les cheikhs de ces tribus nomades à cheval sur le Maroc et l’Algérie, ont fortement influencé les stars du Rai moderne aussi bien par leur repertoire poétique que par leur rythme musical.
- Le Modèle Musical Maghrébin
Il existe au Maghreb un modèle culturel commun aux médinas traditionnelles. S’agissant de la musique, comme d’ailleurs d’autres formes d’art, nous savons que le modèle est venu de la civilisation Andalouse ; c’est notamment Ziriab, l’oriental installé à Cordoue qui a contribué à la fixation des règles de la nouba. Dans toutes les médinas, par opposition à la campagne on trouve un modèle musical médiniste (MMM) qui se pose en s’opposant à la campagne. C’est le cas des deux principales médina de l’oriental marocain que Taza et Oujda, situées entre Fès et Tlemcen et ayant subi l’influence de ces deux anciennes cités maghrébine en matière de musique andalouse en particulier. Aujourd’hui, ces médinas, investies par la modernité et marginalisées par leurs périphéries, perdent à la fois de leur caractère communautaire et de leur culture traditionnelle. Les nouveaux apports de population avec de jeunes fonctionnaires et des ruraux, ignorent la culture médiniste et ne peuvent la reproduire. Cependant des associations y ont pris le relais des anciennes zawiyas et s’efforcent de faire revivre le patrimoine musical local.
Ø L’identité culturelle de la médina est à la fois universelle et spécifique. Il faut donc faire la part de l’universel (le Modèle Musical Maghrébin) et du singulier (Modèle Musical Local). Le modèle général du changement dans le (M.M.M) provient de la modernisation des biens culturels et de « l’industrie culturelle » (Adorno et Horkeimer).
Ø Sur le plan spécifique (M.M.L.), on notera l’influence au niveau local d’une particularité Maghrébine ; le mouvement musical du genre Rai A partir des années 1980, le Rai un développement spectaculaire dans la région oranaise avant d’atteindre Oujda, Berkane, Guercif et les principales villes du Rif, El Huceima et Nador. C'est-à-dire un creuset de l’émigration y compris clandestine,où les jeunes du Rif et de l’oriental vont à la rencontre de la World Music, sans pour autant renoncer à leurs racine : on les voit recourir au synthétiseur et à la boite à musique tout en chantant les izri (poèmes rifains) ou en recourant aux rythmes traditionnels de la danse du baroud ou de la flûte des transhumants de l’oriental marocain.
Ø Les midinis disent : « On a vendu les clés de la médina ». La ville, surtout après l’indépendance, a été envahie par la campagne environnante. La musique rurale fait maintenant partie intégrante de la vie musicale dans la ville. Elle constitue la plus forte vente des cassettes chez les disquaires à Oujda. Cette musique locale s’oppose à l’influence uniformisante de la radio. Les musiques rurales sont particulièrement appréciées par les éléments de la population de transplantation récente dans la ville. La classe paysanne et la classe ouvrière ont en commun non seulement le fait de « manier directement la matière » (Halbwachs) mais aussi d’avoir les mêmes goûts musicaux.
Il y avait au départ trois écoles de musique andalouse au Maghreb :
- La alaandalouse qui caractérise les vieilles médinas marocaines ramenée à Fès, par les migrants andalous surtout ceux de Valence et de Séville ; s’est progressivement diffusée en direction des autres médinas marocaines (Meknès, Salé,Chefchaouen, Tétouan,Taza, Marrakech, Essaouira) etc.
- Le tarab ghernati ou sanaâ, s’est diffusé quant à lui de Tlemcen vers Oujda et Alger et plus tardivement vers Rabat où l’avait introduit, Si Qaddour Benghabrite . Ce Tlemcenien d’origine, était, « naib sultani » (représentant du sultan) à Oujda. C’est ce personnage qui avait crée le cadre associatif de l’ Andaloussiya d’Oujda dont l’orchestre de tarab gharnatiallait représenter le Maroc au Congrès de la musique Arabe du Caire,en 1932. Benghabrite, qui deviendra par la suite recteur de la mosquée de Paris, n’est mort en 1954, qu’après avoir légué ce patrimoine grenadin à Rabat, où il reste encore vivant grâce aux familles Birou et Tazi .
3. L’école du maâlouf, qui s’étend de Constantine dans l’Est algérien à la Libye en passant par Tunis : cette école de musique andalouse est très influencée par la musique orientale.
A.La musique andalouse à Taza
Etre médini n’est pas seulement le fait d’habiter la médina au sens de ville traditionnelle, c’est aussi une conception du monde et une position dans la culture. Etre médini, c’est connaître de l’intérieur et pratiquer la culture traditionnelle de la médina. En tant que patrimoine commun des médini, la musique des médinas est un élément fondamental du système.
À Taza, les associations dévolues au samaâ œuvrent également pour l’épanouissement de la musique andalouse. Et cela d’autant plus que cette vieille médina maghrébine se prévaut d’une grande tradition dans ce domaine. Parmi les grands noms Tazis de la musique andalouse on peut citer entre autres, maître Haj Ahmed Labzour Tazi, mûnshid et joueur de Rebab qualifié. Il se distingua par sa contribution à l’enregistrement de l’intégralité du répertoire de la Ala, avec le concours de l’UNESCO, et par une tentative sérieuse de transcription, souligne Ahmed Guettat dans son monumental ouvrage intitulé « empreinte du Maghreb sur la musique arabo – andalouse ». Parmi les autres grands noms figure celui de feu Abdessalam Lbrihi, ce natif de Taza qui se trouve parmi les auteurs ayant contribué au recueil du Haïk qui fut publié sous les règnes de Hassan Ieret de Moulay Abdelaziz.
C’est d’ailleurs son fils Mohamed Lbrihi qui fonda, au tout début du XXe siècle, la première association de musique andalouse qui allait contribuer, d’une manière décisive, à la préservation de ce legs andalou au Maroc. Cet originaire de Taza, comme le mentionne un dahir de Moulay Abdelaziz, était devenu chanteur de Cour (moutrib al qasr). Il est mort en 1945. Il avait formé à la alaandalouse toute une génération de musiciens de Fès, à commencer par le plus fameux d’entre eux, El Hajj Abdelkrim Raïs. Les plus grands ténors de la musique andalouse ont donc été formés par un homme originaire de Taza. L’association qu’il avait fondée est actuellement présidée par son gendre Anas El Attar.
B.Le malhûn à Taza
L’un des grands noms du malhûn à Taza est le poète Mohamed Belghiti surnommé Btigua. Ce dernier animait régulièrement des soirées de ce genre poétique et musical à Fès et, dit-on, il connaissait par cœur quelque quatre cents qasidas, dont celle qui évoque la mort du Prophète ou encore « haoul lqiyama », le jour de la résurrection. Il avait composé des qasidas sur Taza dont l’une énumère les saints de la ville. C’est au cours de ces soirées qu’il organisait dans les Riad de Fès qu’il présentait ses nouvelles créations en matière de qasidas chantées du genre malhûn. Autre chantre du malhûn tazi, Belaïd Soussi, l’auteur de la qasida du ferran (le four public) et de cette chanson qui connaît encore un grand succès populaire (et que chante Mohamed El Asri) et qui a pour refrain :
Allah y l’ghadi l’Sahra jib li ghzal !
Ô toi qui s’en vas au Sahara, ramène-moi une gazelle !
Autre succès de cet auteur tazi « lgaâda f’jnan sbil » (villégiature au jardin de Jnan Sbil de Fès) et « Ya man bgha zine » (ô toi qui désires la beauté !). C’est encore lui qui avait composé cette chanson nationaliste à l’occasion du retour de Mohamed V de son exil de Madagascar :
Saâdi ziyant ayâmi, mahboub khatri jani !
Heureux sont mes jours, mon bien-aimé est arrivé !
Il avait également composé des chansons pour des vedettes de la chanson marocaine tel Fath Allah Lamghari. Taza faisait partie des vieilles cités marocaines, telles Salé, Safi et Meknès qui produisaient du malhûn. Mais elle ne dispose pas actuellement d’un orchestre de malhûn déplore M. Hamid Slimani. Pourtant les habitants de Taza restent encore attachés au malhûn. Certains musiciens font, de temps en temps, quelques tentatives pour faire revivre ce genre poético - musical. Le malhûn est actuellement exécuté par les orchestres qui animent les fêtes de mariage, mais il n’existe pas d’orchestre spécialisé dans le malhûnproprement dit.
C. Taza, bastion du samaâ.
Au Maroc, c’est grâce au samaâ (oratorio, chant soufi) qui se pratique principalement selon les modes musicaux andalous que les zâwiyyas ont joué un rôle fondamental dans la préservation du patrimoine musical andalou. Taza est l’un des principaux centres maghrébins où s’est épanoui le modèle musical andalou (M.M.M.) : samaâ, musique andalouse et malhûn. Dans la vieille médina de Taza, le samaâ est en effet un art vivant lié à la vie quotidienne. Il est omniprésent à toutes les étapes de la vie du berceau au tombeau : on y recourt pour tous les rites de passage depuis les berceuses, les baptêmes, les circoncisions et les mariages jusqu’aux oraisons funèbres qui accompagnent le mort à sa dernière demeure. Pratiqué traditionnellement par les adeptes des confréries religieuses, le samaâ est passé récemment à Taza de la phase des zâwiyyas à celle de jeunes associations qui en font la promotion sur Internet. Le nombre de ces associations est passé de deux en 2006 à plus d’une trentaine en 2010. Ce regain d’intérêt pour le samaâserait dû à l’impact de la télévision qui a consacré à ce genre des émissions diffusées quotidiennement par la deuxième chaîne marocaine tout le long du Ramadan en 2006 :
« Au début des années 1990, raconte M. Hamid Slimani, notre rencontre avec le grand maître du samaâ que fut le cheikh Abdessalâm Ben Mansour fut une étape décisive pour notre professionnalisation. C’est ce qui a permis la renaissance de cet art à Taza, sa valorisation et l’intérêt que lui porte la jeunesse de la ville. Il y a eu aussi l’impact de la télévision : en valorisant le patrimoine local, celle-ci a incité les jeunes à s’intéresser au samaâ en le pratiquant. Au point que nous avons maintenant à Taza, 14 associations comprenant 35 groupes qui pratiquent le samaâ alors qu’elles n’étaient que deux à le faire en 2006 ».
Ces groupes sont actuellement très demandés par les familles de Taza surtout en période d’accueil des pèlerins de retour de La Mecque. Leurs prestations varient en fonction de leur professionnalisme, leur qualification et leur réputation. Le chef de file de ce genre à Taza, M. Hamid Slimani nous confie à ce propos :
« Le samaâ a toujours existé à Taza, mais sa pratique était traditionnelle et spontanée. Lorsque notre génération est arrivée pour prendre la relève au début des années 1990, nous avons trouvé des personnes âgées qui pratiquent ce chant sacré sans en connaître les fondements. Pour acquérir une véritable formation dans ce domaine, il nous a fallu partir ailleurs. Notre initiation eut lieu principalement auprès de la zâwiyya herraqiya (l’incandescente) qui constitue la source du samaâ au Maroc puisque c’est elle qui anime les cérémonies de la nativité du Prophète au mausolée d’Idriss II à Fès. C’est surtout au sein de sa branche de Rabat que nous avons accompli notre apprentissage avec feu Si Abdessalâm Ben Mansour, maître incontesté au Maroc dans ce domaine ».
Notre interlocuteur vient d’ailleurs de poster sur Facebook une vidéo consacrée à l’hommage qui fut rendu à son maître au théâtre Mohamed V juste avant sa disparition. Le musicologue et conseiller Royal, M. Abbas El Jirari, y déclare, parmi d’autres déclarations, que le défunt était la référence absolue en matière de samaâ et de musique andalouse au Maroc. Que son grand-père maternel était le cheikh de la zâwiyya herraqiya à Rabat. Qu’il avait, de ce fait, une parfaite maîtrise des « toubaâ, angham et sanaâ » (« les modes musicaux andalous, leurs mélodies et l’art de leur déclamation »).
Qu’au cours des années 1970, il avait publié le haïk, recueil de qasida et de mouachah andalous où sont consignés, pour la première fois, certains modes musicaux andalous disparus. Et surtout qu’il avait formé de nombreux chanteurs dans ce genre en tant que fondateur d’une école du samaâqui constitue au Maroc la référence des références en la matière.
D.La chanson moderne à Taza
L’association marocaine des musiciens professionnels vient d’être fondée à Taza au mois d’octobre 2010. Elle se compose principalement de musiciens et d’enseignants de musique de l’Éducation nationale. C’est une association qui s’intéresse principalement à la chanson marocaine moderne, ce qui la distingue ainsi nettement de la musique patrimoniale telle que celle du samaâ ou du folklore. Elle est présidée par M. Qadaâ Lakhal, jeune professeur de musique, qui s’élève contre la retraditionalisation de la société que connote ici le renouveau du samaâ en tant que chant religieux : « Nous assistons à une nouvelle vogue de la musique religieuse qu’on appelle samaâ. Cela est dû, en partie, à la rediffusion de valeurs traditionnelles au sein de la société. Peut-être par réaction à la mondialisation ? Peut-être par réaction à la diffusion d’une culture permissive sur le web ? D’où l’intérêt d’une certaine jeunesse pour cette musique à connotations religieuses. En tant que jeunes intéressés par le domaine musical, nous voulons certes encourager la musique, mais en tant qu’art diffusant des valeurs humanistes universelles qui ne soient pas nécessairement des valeurs religieuses. En tant que jeunes, nous voulons contribuer à la diffusion de la musique marocaine, mais il est erroné de croire que nous allons accepter la musique marocaine dans son moule traditionnel qui est pauvre sur le plan musical. Les jeunes ne peuvent accepter cette musique présentée sous cet angle Par conséquent, nous prenons cette musique comme un simple moule que nous retravaillons d’une manière moderne. La musique est un puissant moyen d’intégration des jeunes permettant de les éloigner de l’extrémisme religieux aussi bien que de la délinquance et de la drogue. Les jeunes aiment bien le Rai du fait qu’il fait fusionner musique arabe et musique occidentale ».
La musique Andalouse dans l’Oriental
Oujda fut fondée en 994, par Ziri Ben Atya, chef des Maghraoua, groupe de Zénètes nomades. Investi par les khalifes Omeyyades de Cordoue du commandement du Maghreb. Ziri Ben Atya , qui dut s’y imposer par la force, décida de s’installer au centre du pays qu’il devait administrer plutôt qu’à Fès ou à Tlemcen. Il résolut de créer une « capitale » au milieu de la plaine d’Angad, à proximité de la source de Sidi Yahya(le beau parc de Sidi Yahya qu’abritent les térébinthes séculaires ne fut qu’un cimetière) et de montagnes qui pourraient éventuellement lui servir de refuge. Mais le site d’Oujda se justifie aussi par le croisement qui s’y opère entre deux grandes voies commerciales : la voie nord-sud de la mer à Sijilmassa et est-ouest de Fès à Tlemcen. Le géographe andalou, Oubeïd el Békri écrivait vers l’an 1068 :
« Les voyageurs qui partent des contrées orientales (de l’Afrique) pour se rendre à Sijilmassa et aux autres localités de l’Occident, traversent la ville d’Oujda et y suivent la même route lors de leur retour. » Cette voie de passage pour le commerce était aussi le « triq sultan »( seule voie de circulation praticable entre Fès et Tlemcen) ponctuée par le Moulouya et la Kasbah des Msoun, qu’empruntaient les armées des Sultans du Maroc lorsqu’elles se portaient contre les Souverain Abdelwadides de Tlemcen. Oujda fut ruinée et relevée quatre fois au cours des guerres continuelles qui opposèrent les maîtres de Fès à ceux de Tlemcen.
Située dans la plaine d’Angad, Oujda est à 14 kms de l’Algérie et à 60 kms de la Méditerranée. la ville d’Oujda fut rasée à deux reprises sous les règnes des Mérinides Abou Youssou Yacoub(1272) et Abou El Hassan(1335). Occupée en 1907, par l’armée coloniale française, la ville vit sa population augmenter avec l’immigration d’Européens et d’Algériens lors du protectorat. Durant la guerre d’Algérie(1954 – 1962), Oujda accueillit une vague de réfugiés et servit de base arrière pour la résistance algérienne, ce qui explique l’arrivée au pouvoir à Alger du « clan d’Oujda ». C’est ce que nous explique l’anthropologue Bader el - Maqri dont la famille est arrivée à Oujda vers 1820 :
« Les cousins de l’émir Abdelkader se sont établis à Oujda, lieu de métissage par excellence. Le club de football local, la « Mouloudiya d’Oujda » comprend 10% de joueurs d’origine algérienne. L’équipe du FLN où a-t-elle débuté ? A Oujda ! Toute l’élite algérienne était ici à Oujda. Il n’y avait pas de distinction entre ce qui est algérien et ce qui est marocain.. Au point que nos grands parents nous disaient qu’ils n’ont découvert que leurs voisins étaient algériens qu’après 1962, au moment où ils sont revenu en Algérie. C ‘est là qu’ils ont compris qu’ils sont d’origine algérienne ! »
Louis Voinot dans « Oujda et l’Amalat », 3 tomes, 1912, écrit ainsi à propos du métissage culturel à Oujda à l’aube du 20èmesiècle :
« Il existe certes un petit noyau de descendants de vieilles familles Oujdis, renforcés dans les années 1830 – 1840, par l’installation de familles algériennes fuyant l’occupation française et de quelques représentants de firmes fassies venant profiter du regain des échanges liés aux fournitures à l’émir Abd el Kader. Mais ces apports sont continus et multiples. Ainsi en 1882 une effroyable disette sévit dans le Souss. Sur les conseils du Sultan, les habitants viennent s’installer dans la région d’Oujda. La population juive passe de 10% à plus de 20%. Diversité, spécificité d’une part, mixité de l’autre : arabes citadins et arabes campagnards, berbères, figuiguiens, juifs marocains et juifs français, européens aussi, moins rares qu’il n’a été dit, voir « levantins », gens à la langue dorée et à l’inspiration fertile. La cohabitation est heureuse de ces ethnies différentes, qui apparaissent vivant de façons beaucoup plus mêlées que dans les autres cités. »
Sous le protectorat la médina d’Oujda abritait les musulmans et les juifs marocains. La ville européenne s’était étalée au-delà des remparts, détruits durant les années trente, et remplacés par des avenues. Les deux tiers des juifs marocains vivaient dans l’ancienne médina intimement mêlés aux musulmans, partageant le même immeuble autour de la même cour. Ainsi, les juifs marocains d’Oujda n’étaient pas comme dans d’autres villes du Maroc confinés dans un Mellah entouré de remparts. Un certain nombre de juifs marocains enrichis, avaient quitté la médina pour la ville européenne. Celle-ci recevait également des familles de notables musulmans marocains et plus encore algériens. Cette réalité sociale explique largement le caractère métissé de la musique andalouse à oujda. La société de musique « Andaloussia », a été fondée en 1921 par deux fonctionnaires algériens, Si Rahal Mohamed interprète judiciaire, et Bensmaïn Mohamed, professeur au lycée. Elle a vivement intéressé S.M. Le Roi Mohamed V, lors de sa première visite officielle à Oujda.
Le répertoire classique des Noubât Gharnati d’Oujda a pour source Tlemcen qui recueillit dés le 13ème siècle le legs musical andalou. Cité des grands maître de la musique arabo – andalouse, dont Al Maqqari Al Tilimçâni, l’auteur de nafhat – tîb qui raconte le cycle des nawba Gharnati – de Grenade – où les plus grands musiciens de Cordoue se retrouvèrent, avant de refluer vers le Maghreb, à la suite de guerre de reconquêtes catholiques en Espagne. La tradition Gharnati de Tlemcen a entretenu des contacts avec les villes d’Oujda et de Tétouan au Maroc. Tlemcen a été un centre de rayonnement de la musique andalouse dans sa sphère culturelle avec à l’Ouest, le couloir de Taza et à l’Est, Bejaïa. Cette musique andalouse est appelée ala au Maroc, Gharnati à Tétouan, Oujda et Tlemcen, San’âà Alger, et Maâlouf au constantinois et à Tunis.
La nawba fut mise au point dès le 9ème siècle, à Cordoue, en Espagne musulmane. Vastes constructions mélodiques qui ont vaincu l’oubli et traversé le temps. C’est Ziryab qui fut à l’origine du grand monument andalou, constitué par les vingt quatre nouba-s, un système qui se développa sous la forme d’un arbre symbolique, l’arbre des tempéraments, Shajarat al-toubou’, ou arbre des modes. A chaque heure qu’égrène le jour correspond un mode, un maqâm, c'est-à-dire un chant, une mélodie, qui exprime un état d’âme, une pensée, un sentiment. Si par exemple, le mode raml et raml el Maya, célèbre les chatoiements du crépuscule, le maya et rasd – eddil, saluent le jour qui point. Le grand Ziryab ajoute une cinquième corde à son luth et fixe à cinq le total des mouvements essentiels de la suite musicale arabo – andalouse qu’on appelle nawba. Des vingt quatre modes que comptait l’ingénieuse et géniale classification de Ziryab et de ses disciples, quinze seulement subsistent au Maghreb. Et sur les 15, 12 seulement restent suffisamment connues pour offrir matière à la composition de nawba parfaites, c'est-à-dire de suites à peu près complètes. Vers 1800, à la demande du Sultan Sidi Mohamed Ben Abdellah, on rassembla dans le manuscrit du Hayk al Titouâni, les textes de tous les chants qui se chantent couramment sur les vingt quatre échelles modales ( toubou’) des onze nawbâtmarocaines.
Dans la nawba maghrébine héritière de la nawba andalouse, la musique, le chant et la poésie sont étroitement liés. Toute tentative de faire abstraction de l’une des composantes de la nawba aboutit à une analyse erronée. On ne peut donc parler du muwashah sans le mettre en relation avec la nawbadans laquelle il est chanté, et avec le mode tba’ qui en détermine souvent le contenu thématique et la forme stylistique.
Les pièces vocales se composent aussi de Zajal et de qasaïd-s classiques. Et il arrive souvent qu’au cours du même mouvement on chante successivement un Zajal, un mûwashah et une qasida. Le muwashahqu’on peut traduire par « la parure poétique chantée » est né dans les jardins andalous. C’est ce genre poétique typiquement andalou qui serait derrière la poésie de « l’amour courtois » qui caractérisait au Moyen Âge les troubadours de l’Europe méridionale.
Le tarab ghernati entre Oujda et Tlemcen
Au Sahara, on parle de « tarab hassani », par référence à l’empreinte profonde, que procure à l’auditoire la notion de tarab chez les anciens d’Arabie. Un art musical et plus précisément un tarab, cette émotion musicale qui aboutit à l’extase et qui caractérise entre autre, le chant andalous de Grenade : « L’art de chanter est un don de la jeunesse, et la mélodie des voix, un don de Dieu ! ». Excellente définition du tarab. Les musiciens de Grenade avaient donc pour ambition d’aboutir à cette émotion musicale qui aboutit à l’extase d’où l’appellation de leur chant de « tarab gharnati ». A Oujda, comme à Tlemcen et Alger on se réclame de ce legs grenadin.
En 1492, avec la chute de Grenade, le dernier des sultans nasrides , Abou Abd el Ilah(le fameux Abou Abdil des chrétiens) a débarqué du côté de Ferkhana, à une centaine de kilomètres au nord d’Oujda, du côté de Nador, avant de se diriger vers Oujda. C’est dire que les relations entre Oujda et Grenade sont anciens. Il n’est donc pas étonnant que le tarab gharnati soit un élément essentiel de l’identité culturelle d’Oujda. Les relations culturelles entre Oujda et l’Andalousie remontent plus loin encore, à la dynastie Almoravide au XIème siècle comme l’attestent les relations de voyage relatives aux échanges entre Oujda et Séville, Murcie, Valence et Grenade.
Cette empreinte culturelle s’est davantage renforcée au XIV ème siècle avec l’émigration des juifs de Séville vers Debdou en 1392. Jusqu’à aujourd’hui existe à Debdou une source qui s’appelle « Aïn - Chbiliya » (la source de Séville).On ne peut pas parler du tarab gharnati d’Oujda sans évoquer le rôle de la communauté juive en particulier celui que jouèrent deux familles de Debdou : les Cohen et les Marciano, (de Murcie), en concurrence permanente y compris sur le plan artistique. C’est eux qui ont introduit certaines qasidas, celles par exemple d’Ibnou Sahl, un poète juif d’Andalousie. En Algérie, les turcs ont laissé des empreintes dans les manières de table, dans le vestimentaire et certainement aussi dans le domaine musical : « Il y a une influence certaine de la musique turc, sur le gharnati de Tlemcen qui constitue une référence pour Oujda, nous explique, le cheikh Mohamed Chaâban.Quand tu écoute la musique classique turc, tu a l’impression d’écouter le gharnati.Il y a une influence certaine de la musique turc sur le gharnati ! »
Pour l’étude des modes musicaux spécifique au tarab gharnati proprement dit, il faut signaler le kounnach el haïk, de l’imam Mohamed Ben el Ghamad el Oujdi , fikih et musicologue ayant vécu au XVIIème siècle. Maître Mohamed Chaâban, qui préside aux destinées de l’Association Andalousia, fondée en 1921 nous déclare à cet égard :
« Les juifs étaient très connus pour le tarab gharnati. Et qui avait réuni le recueil du gharnati, si ce n’est Edmond Yafil ?! Avant lui, le gharnati était dispersé : à chaque fois qu’un cheikh meurt, il emportait avec lui les nouba et les sanaâ qu’il maîtrisait. C’est Edmond Yafil qui les a recueilli auprès des cheikhs, en les publiant dans un petit recueil qui porte son nom de « Yafil ».J’en ai une copie. Après lui, les grands cheikhs d’Algérie, l’ont corrigé et augmenté en publiant des recueils plus volumineux. J’en possède trois volumes où ils ont traduit de l’hébreu beaucoup de sanaâ qu’on trouve chez Yafil. Ces recueil des 12 nouba du tarab gharnati qui prélude à chaque fois par ce qu’on appelle lamchaliya et touichiya .Cette dernière est plus longue que celle qu’on trouve dans la Ala andalouse. Et chacune des 12 noubas comprend cinq mesures ou mizân :
1. Première sanaâ, lamsadder qui est lent
2. Deuxième sanaâ, labtaïhi
3. Darj
4. N’siraf
5. MAkhlass(pour conclure)
C’est en ces cinq sanaâ que se compose la nouba. On y ajoute des fois ce qu’on appelle la qadriya, qui n’existe que dans les noubas de raml el maya, lahssin, et laghrib. C’est en cela que consiste la nouba complète. Ces dernières sont au nombre de 12 :
- Zidân
- M’janba
- Raml
- Dil
- Rasd Dil
- Maya
- Laghrib
- Lahssin
- Rasd
- Raml l’maya
- Sika
- L’mazmoum
Le tarab gharnati diffère de la ala andalouse au niveau du mizân (la mesure) : la maya de la ala n’est pas la même que celle du gharnati : la maya de la ala ressemble à la sika du gharnati sur la mesure de « Mi ». ET la maya du gharnati ressemble à l’istihlal de la ala ou à son rasd dil. C’est en cela que réside la différence entre la ala andalouse et le tarab gharnati. Il y a aussi des différences au niveau de la sanaâ et du mizân : le derj de la ala n’est pas celui du gharnati et on peut dire de même pour labtaïhi. La grande école du tarab gharnati est celle de Tlemcen : son gharnati est plus complexe avec des noubas plus longues. La première école du gharnati est celle de Tlemcen qui a fortement influencé Oujda. Jadis, on le chantait aussi à Taza.Malheureusement, le gharnati a disparu de Taza. A une certaine époque, les juifs chantaient le gharnati à Fès. Et il commence à décliner à Rabat.».
Il existait à Oujda un club féminin d’adeptes du tarab gharnati, où la chikha Titma de Tlemcen séjourna pendant cinq ans, entre 1920 et 1925, avant de s’en aller à Fès. Beaucoup de poètes de l’ouest algérien étaient venus à Oujda où on chantait leurs qasidas, lors des fêtes de mariage, sous le mode gharnati : Qaddour Ben Âchour Zerhouni, adepte de la zâwiyya taybiya mort en 1938 dont le recueil fut imprimé à Oujda en 1932.Autres poètes algériens ayant séjourné à Oujda : Lakhdar Ben Khallouf de Mostaganem, Ben M’sayb qui y composa « mon cœur s’est enflammé » ou encore Mustapha Triki Zengli. Au point que dans son encyclopédie du malûn, Mohamed El Fassi nous dit que les meilleures qasidas sont celle qui ont été composées à Oujda. Il ne pouvait pas y avoir de fêtes à Oujda sans cette fusion entre le gharnati et le malhûn. Ce métissage poético – musical qu’on appelle haouzi en Algérie, mêle aussi bien les chantres du malhûn d’Algérie que ceux du Maroc :
On chantait ainsi El Meknassiya de Sidi Qaddour El Alami, l’hôte de Dieu de Cheikh Jilali Mtired de Marrakech, Beautés de Fès, de Mohamed Ben Slimane (qu’interprète Cheikh el Hajj M’hamed el’Anka), le faucon et le corbeau d’Ahmed el-Ghrabli, Zhirou de Lili el-Abbassi et même la chandelle de Mohamed Ben Sghir d’Essaouira ! Ville-frontière, Oujda connaissait une telle effervescence poético - musicale, car en plus qu’elle se situe entre Fès et Tlemcen, elle était sur le chemin du pèlerinage saturé par la littérature de voyage : adab rahalat, aussi bien des occidentaux que des maghrébins. On peut citer Mustapha Ben Brahim, mufti de Sidi Bel Abbas, mort en 1854, qui était venu à Oujda où il a composé une longue qasida dénommée « el goumri » où il décrit en 1500 vers, sa « rihla » (récit de voyage) d’Oujda à Fès. A titre d’illustration également , on peut citer la « Qsida Ouajdiya » de Raymond Marciano qui vécut à Oujda dans les années 1940-1950, où il évoque Bab Sidi Abdelwahab, souk laghzel, Qissariyat Ben Attar…C’est le Cheikh Saleh , né en 1911 et mort en 1973, qui était allé loin dans cette fusion entre le malhûn et le tarab gharnatidonnant naissance à ce qu’il est convenu d’appeler la « Qasida Ouajdiya », très demandé aux fêtes de mariage de l’ouest algérien : M’askar,, Oran, Saïda,
Le cadre associatif du tarab gharnatià Oujda
Actuellement, il existe 11 associations de tarab gharnati à Oujda. Fondée en 1921, l’association andaloussiya est l’association – mère d’où sont issues toutes les autres :
- Association Andaloussiya
- Association Ahbab Cheïkh Saleh
- Association Mossoliya
- Association Ziryab
- Association Ismaïliya
- Association Nassim
- Association Nassim el Andalous
- Association des amateurs de tarab gharnati
- Association Jouq Salam
- Association la SICADA
- l’orchestre de la Wilaya d’Oujda
En arrivant à Oujda,le 29 mars 1907, parmi les premières choses que le Maréchal Lyautey avait entreprises , le règlement des associations qui permettait, entre autre, aux musiciens de se réunir administrativement sous un Dahir des libertés public. C’est en 1921 qu’a vu le jour à Oujda, l’association Andaloussiya, fondée par Mohamed Bensmaïn. Cet originaire de Tlemcen, décédé en 1947, exerçait à Oujda en tant qu’enseignant au lycée Omar C’est lui, le premier qui a eu l’idée de réunir les mélomanes Oujdis en association. Ce sont les membres de cette association qui ont représenté le Maroc en 1932, au Congrès de la musique Arabe au Caire, avec Mohamed Bensmaïn, Si Qaddour Benghabrite et Marzouqi qui était délégué de la douane à Oujda et qui est mort à la fin des années 1940. Et c’est encore l’association Andaloussiya qui allait représenter le Maroc à la foire coloniale de Paris en 1936, où l’orchestre du tarab gharnati comprenait 60 musiciens, dont un seul est encore vivant : Si Mohamed el Hachmi Sghir. L’association andaloussiya avait débuté un projet de musique andalouse avec nota qui est perdu malheureusement. Actuellement, c’est le professeur de tarab gharnati, Mr. Mohamed Chaâban , né à Oujda en 1948, qui préside aux destinées de cette association dont son père, le cheikh Saleh était membre fondateur comme il nous l’explique lui-même :
«Cheikh Saleh, mon père, était le disciple d’un très grand maître, le cheikh Larbi Ben Sari de Tlemcen, qui animait des fêtes de mariage à Oujda. Il allait jusqu’à Fès. Même mon grand père, Saïd Chaâban, jouait de la kamandja (violon) Il était né à Tunis. Au cours de la première guerre mondiale, il a traversé l’Algérie à l’âge de vingt ans et était venu s’établir à Oujda, où il a épousé une Tlemcenienne donnant naissance à mon père qui allait devenir mélomane grâce à Larbi Ben Sari. Celui-ci venait de Tlemcen pour animer des fêtes de mariage à Oujda. Il remarqua mon père en s’enquérant de sa filiation il découvre qu’un lien de parenté les lie tous les deux. Le voyant mélomane, il lui conseilla de rejoindre l’orchestre de Bensmaïn,le fondateur d’Andaloussiya en 1921.Sachant déjà jouer d’un instrument, mon père s’initia a la sanaâ auprès de Bensmaïn, jusqu’à ce qu’il devint l’un des meilleurs de ses élèves ainsi que le cheikh Abdelkader que Dieu ait son âme. C’est mon père qui a pris par la suite la relève de Bensmaïn. Mon père était surtout connu pour sa belle voix. Le cheikh Saleh a cessé de présider l’Andaloussiya en 1969. Tous les enseignants de musique des autres associations ont été formés dans cette association – même .Malheureusement, ils ne sont pas allés jusqu’au bout de leur formation. A peine ont-ils commencé leur initiation que déjà, ils s’en vont former leur propre association ailleurs. En 1921,l’association Andaloussiya a été créée par Bensmaïn, lui succèda cheikh Abdelkader,puis le cheikh Saleh, mon père. A sa mort, lui succéda Zemmouri, que Dieu ait son âme, puis j’ai succédé à ce dernier depuis 1976 à nos jours. »
El Fakir Ahmed qui a adhéré à l’association Andaloussiya en 1975 a crée l’association Ziryab en 1985 avec dix autres membre tous issus de l’association – mère. Ils sont maintenant dix membres en plus des juniors. Cette association a depuis participé aux 19 éditions du festival du tarab gharnati, qu’organise annuellement à Oujda le ministère de la culture, d’abord à Saïdiya et maintenant à Oujda. Le juré du festival se composait de Mr.Ahmed Aydoun, le délégué de la culture à Meknès, El Haj Birou et Mr.Agoumi. L’association était également invitée aux soirées du Ramadan organisées à Oran et Tlemcen. En 1999, l’association a participé à la onzième édition du festival de Babel en Irak et au Temps du Maroc en France, par une tournée intitulée « chant de traverse » où participaient également des musiciens juifs, dont la Française d’origine algérienne Françoise Atlan.
En 2005 l’orchestre « chant de traverse » que finance Serge Berdugo, anime une soirée à Madrid et anime une soirée musicale sur la deuxième chaîne marocaine avec comme vedette feu Sami el Maghribi. L’association fut également invitée, en 2009 à Essaouira au festival des Andalousies atlantiques. L’orchestre de tarab gharnati d’Oujda a ainsi accompagné Raymonne el Bidaouiya (la Casablancaise) et Haïm Louk venus pour cette circonstance de Loos Angeles. Il faut signaler que Mr. Fakir Ahmed qui chante à merveille en arabe , chante également sans problème en hébreux. Pour sa part, l’association Moussiliya a été invitée par l’Institut du Monde Arabe au mois de janvier 2010 et ira au mois de janvier 2011 à Nancy. Ainsi donc, quand une association de tarab gharnati est invitée à l’étranger, elle ne représente pas seulement Oujda mais tout le Maroc. Elle rentre dans le cadre de ce qu’on a convenu d’appeler « la diplomatie culturelle ».
Le samaâ dans l’Oriental : la tariqa Boutchichia
À la frontière algéro – marocaine, où la plaine de Triffa s’étend au pied du massif des Bni Iznassen, se situe la zaouia –mère de la tariqa Boutchichia actuellement le principal épicentre du samaâ au Maroc au vu du nombre considérable des adeptes qui s’y adonnent. Issu des Béni Iznassen, Sidi Mokhtar Boutchich, premier maître spirituel de la tariqa(voie soufie) vint s’y établir, à partir de 1907, plus précisément au village de Madagh qui va devenir le fief de la Tariqa avec le Cheykh Abou Mediane, mort à Madagh en 1955. Lui succédera alors jusqu’au début des années soixante dix, le Chaykh Sid El Abbas, le père de Sidi Hamza, le Chaykh actuel de la Tariqa.
Cette Voie se nomme « Qadiriya » par référence à Moulay Abdelkader Al Jilani, maître soufi qui vécu à Baghdad au 12ème siècle. A chaque fête du Mouloud, des milliers d’adeptes venus de toutes les régions du Maroc, mais aussi de Thaïlande, d’Europe, d’Amérique et d’Afrique , se retrouvent à Madagh, pour commémorer en présence de Sidi Hamza, leur maître spirituel vivant, la naissance du Prophète. Deux nuits soufies ont lieu simultanément : d’un côté celle des femmes, de l’autre celle des hommes, en présence de leur guide spirituel. Au cours de ces nuits soufies ont lieu des séances de samaâ animées surtout par le « groupe de Casablanca ». Ces « concert spirituel » ou « oratorio »(samâ’) ont pour but de développer la partie « affections » de la méditation collective.Abdelkader Mana
06:28 Écrit par elhajthami dans Arts, Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arts islamiques, musique | | del.icio.us | | Digg | Facebook