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01/12/2011

Les Jbala et le Rif

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Texte Abdelkader Mana, images Jean François Clément

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Comme ailleurs au Maroc, les paysans sédentaires du pays Jbala et du Rif ont conservé l’usage de l’antique calendrier julien, le long duquel s’égrènent les actes et les rites de la vie agricole : l’époque magiquement propice aux labours, les périodes néfastes où il faut se garder de travailler le sol, le moment des bénéfiques pluies de Nisân , l’instant heureux des moissons , et enfin le jour de la « mort de la terre », après lequel tout est brûlé ;  mort jusqu’à la résurrection aux  premières gouttes de la pluie automnale.

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Lieu d’échange entre la plaine et la montagne, Taounate est l’un des principaux marchés du pays Jbala, où s’échangent les produits de la montagne en contre partie de ceux de la plaine. Occupant la partie occidentale de l’ensemble rifain, limité à l’ouest par l’Atlantique, au sud par les plaines du Gharb et au sud-est par le Rif central, le pays Jbala s’étend depuis le nord de Fès jusqu’au haouz de Tétouan. A la suite de la reconquête de l’Andalousie par les Rois Catholiques à la fin du XVème siècle , beaucoup d’andalous viennent s’installer dans les principales villes du pays Jbala que sont Tétouan, Chefchaouen et Ouazzan. Ce qui n’est pas sans avoir un certain impact sur  « Taqtouqa Jabaliya » influencée entre autre par le mode musical andalou dit lahgaz

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Taounat, en tant que marché Jbalien dépendant de Fès où s’établissent souvent ces tolba et ses musiciens, tel Mohamed Laâroussi actuellement, est connue par trois genres de musiques et de chants : Taqtouqa Jabaliya, le chant des femmes Jbala dit « aâyouâ » et le genre « haït » spécifique à la plaine du Gharb toute proche.

Taqtouqa Jabaliya de Taounate

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    Actuellement, en plus des instruments de musique traditionnelles que sont le violon, le luth, souisdi, le bandir (tambour à cadre), la darbouka et le trier, les musiciens de Taqtouqa Jabaliya, recourent également aux instruments modernes : la guitare, le piano et la batterie. Sous l’encadrement de Mohamed Laâroussi, le cinquième festival de Taqtouqa Jabaliya qui s’est tenu à Taounate en 2009 a réuni une centaine de musiciens de ce genre représentant les trois régions : Tanger et ksar Sghir, Tétouan et Chefchaouen  et Taounate. Ce festival a été organisé par l’association Safir (ambassadeur) de Taounate. Les deux principaux maîtres de Taqtouqa Jabaliya sont Mohamed Laâroussi de Taounate et Abdellatif el khoms de Chefchaouen.  Les œuvres de Mohamed Laâroussi sont les plus connus et les mieux diffusées à travers la radio – télévision et sous forme de cassettes et de CD. C’est la musique qui symbolise le mieux le pays Jbala,. Elle est présente dans les trois régions suivantes, avec d’infimes variations locales que seule une oreille exercée peut déceler :

a)      La Taqtouqa Jabaliya de la région de Tanger et de ksar Sghir

b)      La région de Tétouan et de Chefchaouen avec les Béni Ârous en particulier, d’où est issu Moulay Abdessalem Ibn Mashish du djebel Alam, descendant de Omar, l’un des douze fils d’IdrissII, le fondateur de Fès. Les musiciens de Taqtouqa Jabaliya sont très présents auprès des disquaires du moussem annuel de la naskha qui a lieu autour de la grotte et de l’arbre sacré de Moulay Abdessalam vers la mi – chaâban, le mois lunaire qui précède le Ramadan.

c)      Enfin la région de Taounate avec les Mernissa et surtout les Bni Zeroual, d’où est issue Mohamed Laâroussi, actuellement considéré comme le chanteur de Taqtouqa Jabaliya par excellence. Les Mernissa  pratiquent  Taqtouqa Jabaliya et  un genre de haït plus proche de l’oriental marocain du fait de leur position à l’Est des Jbala à la lisière de la tribu rifaine des Gzenaya ( des guerriers qui ne pratiquent ni danse ni musique)et  des Tsoul, qui ont le même type d’habitat et de dialecte que les Jbala mais qui font plutôt partie du couloir de Taza.

Mohamed Laâroussi

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Considéré comme l’une des grandes figures de taqtouq al jabaliya Mohamed Laâroussi est né le 14 janvier 1934 Taferrant chez les Bni Ârous, fraction Bni Zeroual , située à 40 kms de Fès. Il était né à une période où les esprits étaient encore marqués par  l’offensive Franco – Espagnole de 1926 contre le Rif à partir justement des postes de Bni Zeroual et surtout ceux de Mernissa  : Abd el –krime menaçait alors Fès dont il annonçait la prise pour mai 1925. Inquiet de cette poussée puissante de nationalisme, le maréchal Pétain obtient le départ du Maréchal Lyautey, hostile à une coopération avec l’Espagne. Les conversations franco – espagnols commencent le 17 juin 1925. Lors de la rencontre le 28 juillet entre Pétain et Primo de Rivera, le principe d’une riposte commune sévère est arrêté. La guerre franco – espagnol du Rif commence. Dans ses « Lettres du Maroc, l’offensive dans le Riff 1925, la Tache de Taza 1926 », édition militaire, 1930, le Lieutenant J.Joubert écrit : « L’offensive française a commencé le 12 avril 1925, par une « souga » chez les Beni zeroual, à la zaouia d’Amjot ; ils nous lachèrent en partie. Abd el-krim voulait le chemin de Fès. Vous pensez quelle victoire pour lui de prendre la ville sainte, la capital intellectuelle. C’était la reconnaissance certaine de sa puissance, puis de son autorité, c’était notre défaite. Trois Harka d’ Abd el-krim étaient formées pour investir la ville : leurs efforts convergeaient. Ils isolaient les postes et on les vit un à un tomber. On essayait bien d’aller au secours des assiégés, mais c’était difficile. D’abord, il y avait peu de bataillons disponibles, et l’ennemi montrait du mordant. Il y avait du matériel moderne. Les canons et les mitrailleurs des postes, ils les retournaient contre nous, car ils savaient parfaitement s’en servir. Il y a, je crois, chez les Rifains, des déserteurs de la légion, et aussi des aventuriers de tous pays. C’est une si belle poire à accueillir que ce Rif ! Ce qui rendait surtout la situation très critique, c’était le départ en dissidence de nos tribus soumises. Les unes après les autres, elles nous lâchaient, nos postes étaient ainsi complètement isolés. Il y a quelques semaines, les Tsoul et les Branès sont eux aussi partis en dissidence, et c’est un fameux bloc contre nous, surtout à cause de leurs terrains mamelonnés. »

 

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    En 1925, les guérilleros d’Abd el krim  multiplient leurs attaques contre les postes Français et leurs auxiliaires chez les Branès, les Tsoul et les Bni Zeroual. Le mercredi 9 septembre 1925, le Maréchal Pétain en personne vint inspecter les avants postes d’Aïn Aïcha et de Taounate. Et c’est à partir de Mernissaentre autre que sera déclenché l’offensive du côté Français contre le Rif : L’échec des pourparlers d’Oujda avec les émissaires rifains a entraîné immédiatement, l’offensive franco-espagnole : dés le 7 mai 1926 l’aviation entreprit sur tout le front des reconnaissances et des bombardements massifs sur les rassemblements et les centres importants, notamment sur le poste de commandement du Khamlichi à la Zaouia de Bou Ghileb . Dés le lendemain le 8 mai les troupes françaises et les troupes espagnoles commençaient une offensive conjuguée : les secteurs espagnols d’Alhuceima et de Melilla marchèrent en même temps que l’ensemble de la ligne française. Celles-ci avançait sur plusieurs axes simultanément : à l’ouest depuis Ouazzan et Chefchaouen afin de couper les Jbala du Rif, et plus à l’Est depuis les Mernissa et Taza en direction du Kert.

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      Grandissant dans un contexte où la  guerre du Rif revenait souvent dans les récits des chaumières de son enfance, Mohamed Laâroussi  se souvient encore de ce qu’on lui racontait tout jeune des attaques désespérées des rebelles rifains contre les postes militaires Français de sa tribu des Bni Zeroual, tenus par les tirailleurs sénégalais et autres goumiers qu’ « on n’hésitaient pas, raconte-t-il, à pousser dans les fosses en les précipitant dans le vides des falaises. ». Et dans  sa toute première chanson intitulée « le capitaine Soly » il se faisait l’écho du mécontentement des paysans Jbala contre les postes militaires qui se servaient gracieusement en figues, olives, poules, moutons et moisson. Mohamed Laâroussi  débuta donc sa carrière de musicien en 1944, par cette qasida sur « le capitaine Soly » qui commandait les Bni Zeroual où il raconte les affres de la colonisation. Quand le capitaine Soly en eut vent, le 20 juillet 1946, il le jeta immédiatement en prison où il allait croupir pour dix ans, s’il n’y avait l’intervention d’un certain Mohamed Ben Taïb, traducteur, qui le tira finalement d’affaire au bout de neuf jours seulement. On lui interdit néanmoins de se rendre à Fès où il réside  actuellement. Il a fallu attendre l’indépendance du Maroc pour voire finalement  ses  chansons diffusées à la radio à partir de 1958. Il a même connu une carrière de chanteur de Cour sous le Roi Mohamed V puis Hassan II . C’est un chanteur prolifique : depuis le début de sa carrière à nos jours, il a produit quelques 526 chansons : d’où la nécessaire de réunir et de publier ses chansons sous forme de recueil pour préserver cette  mémoire, qui fait incontestablement partie du patrimoine populaire marocain menacé de disparition en ces temps de nivellement par la raboteuse de la mondialisation : enregistrer, traduire, le publier, préserver de l’oubli. 

Le chant des femmes Jbala

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     Chez les Jbala on appelle Aâyouâ, le chant qui accompagne les travaux agricoles des femmes (moissons, gaulage des olives). On  peut traduire ce mot par l’expression « échos de montagnes » : son ambitus extrêmement aigue et allongé porte au loin la voix des femmes Jbala. Elles s’en servaient, dit-on, pour signaler d’en haut des collines , aux guérilléros d’Abd-el-krim, les déplacements des colonnes françaises. Et aux fêtes de mariage, on se servait de ces voix de soprano pour faire parvenir le message à tous les participants sans avoir à recourir au haut parleur. Le hautboïste Mr.Aziz Zouhri, dont la troupe vient d’être invitée en France, nous rapporte ce couplet , que les femmes chantaient lors des fêtes saisonnières :

Warwar yâ limama, fal hjour dal ghoddana

La iâjbak chi zînak, hakdak kount hatta yana

Aux branches des figuiers, recoule ô colombe !

Que ta beauté ne t’étourdit pas , moi aussi j’étais belle !

     Du point de vue mélodique, ce chant s’apparente au mode musical andalous dit « lahgaz » : de par leur position géographique sur la rive sud de la Méditerranée, les Jbala ont été influencé par la musique andalouse. Ce sont les fêtes de mariage qui ont permis à ce genre de se perpétuer, mais il est en voie de disparition : les femmes qui le pratiquent sont pour l’essentiel décédées. D’où la  nécessité de mesures conservatoires pour l’enregistrer avant qu’il ne soit trop tard. Cette nécessaire documentation concerna aussi les deux autres genres que sont le haït et Taqtouqa Jabaliya. « Récemment, nous dit Mohamed Ben khazzou, nous avons essayer de recueillir les rites de mariage dans la ville de Taounate : les chants nuptiaux dont nous essayons d’enregistrer les mélodies et les rythmes. Ce projet sur lequel nous travaillons actuellement vise la préservation de ce patrimoine avant qu’il ne disparaisse. »  Il existe également le carnaval masqué que pratique à Ghafsaï, la troupe des fantassins qui pratiquent la fameuse « tbourida »: un pré -théâtre populaire avec tambours et hautbois qu’on trouve avec force aux environ de Moulay Abdessalam Ibn Mashish. Ce carnaval masqué a surtout lieu à l’occasion de achoura.. 

Le genre haït des hyaïna  et des Tsoul

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 Le genre dit le « haït » qu’on trouve chez les hyaïna et chez les Tsoul, a ses origines dans la plaine du Gharb : ce genre musical se manifeste surtout lors du moussem de sidi Bouzid qui a lieu au mois d’avril à Tissa chez les hyaïna , très connue par ses élevages de chevaux. Le haït arabophone de  Taounat diffère de celui berbérophone d’El Huceima . Musique essentiellement instrumentale et rythmique Le haït se caractérisant par une césure rythmique de 9/4, raison pour laquelle les musiciens l’appellent « mizân aâraj » (mesure boiteuse). Comme instruments de musique caractéristique de ce genre : le hautbois, le bendir (tambour à cadre), le ciseau pour les sons aigus et agoual (sorte de tambourin allongé). A  Taounat, les groupes connus de ce genre sont les suivants :

  • Groupe « Noujoum Hyaïna »
  • Groupe « Noujoum Tissa »
  • Groupe « Ben Allal »de Taounat qui a été invité au festival des Arts Populaires de Marrakech.

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Chez les Tsoul on joue du hautbois des Jbala. On trouve également chez eux des influences musicales venues de l’Ouest, en particulier le genre « Haït », caractéristique des plaines du Gharb. Chez eux la musique est toujours associée, au pré – théâtre burlesque de « Ba – Cheikh », avec son comique gestuel et ses accoutrements.Chez eux on trouve aussi  les influences musicales venues de l’Est – tels les genres Reggada, Mangouchi et Laâlaoui, qui caractérisent particulièrement l’Oriental marocain. Chez les Tsoul, on ressent cependant davantage l’influence des Jbala comme nous l’explique l’un des habitants de leur village qui porte curieusement du nom des mérinides :« Ce douar qui fait partie desTsoul  porte le nom des Mérinides.  Jadis, les mérinides avaient campé  ici avec leur Makhzen, et leurs troupeaux. Nous nous sommes établis ici après leur départ et nous avons gardé à cet endroit le nom des Mérinides ». Au début du 13ème siècle, au déclin de l’empire Almohade les Béni Mérine qui nomadisaient dans le pays compris entre Figuig, la Moulouya et l’oued Zâ, avaient l’habitude de passer l’été dans le Tell où ils étaient liés avec les tribus habitant les montagnes de Taza dont celles des Meknassa et des Tsoul. Dans cette région, quand les garçons veulent étudier, ils s’en vont chez les Béni Zeroual, L’jaïya, et Ouazzane. Ils étudient le Coran chez les Jbala. Ils y restent jusqu’à ce qu’ils l’apprennent par cœur : cela prend cinq à dix ans, après quoi ils reviennent ici pour y  enseigner dans une école coranique. Leur formation aux sciences religieuses se fait chez les Jbala et  à la Qaraouiyne de Fès. Une tradition qui remonte au plus prestigieux des Tsoul, Ali Ben Berri Tsouli, clerc, serviteur des mérinides. Son mausolée est le plus considérable de la plaine des tombeaux de Taza. L’édifice d’époque mérinide, se situe au dessus de « Triq Sultan » qui sortait de Taza et se dirigeait vers le sud. Sidi Ali Ben Berri a vécu au 12ème siècle, sous la dynastie Mérinide. Quand sa réputation et sa science se sont répandues, il fut choisi par Abû Inane le Mrinide, pour devenir son secrétaire particulier. Les cours d’eau de la vallée de l’Innaouen et du couloir de Taza ont toujours été un enjeu historique. : « Les Meknassa, nous dit Ibn Khaldoun, se composent de plusieurs tribus qui habitent les bords de la Moulouya, depuis Sijilmassa jusqu’aux environs de Taza et des Tsoul. » Ainsi, vers l’an 1045, les Ghiata, en entamant leur mouvement vers le nord, durent se ruer sur la vallée de l’Innaouen, repoussant peu à peu les Meknassa et les Tsoul sur les collines peu fertiles et moins arroses du Rif.

Musique et histoire du Rif

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Musiciens rifains de Nador 

Le Rif proprement dit va de l’oued Kert à l’oued Bni Gmil, et comprend les tribus côtières des Aït Ittef, Ibeqoien, Bni Wariaghel,  Tamsaman, Aït Saïd. Le Rif oriental se situe entre l’oued Kert et la basse Moulouya, et les tribus suivantes : les Guelaya, et les kebdana. A cette énumération,il convient d’ajouter les tribus de l’intérieur : Bni Touzin, Aït Âmmert, Aît Oulikech, et les Gzennaya.Le Rif linguistique s’arrête à la frontière algérienne. On classe en effet dans le groupe des Bni Iznacen, les Bni  Bou Yahi et les Mtalsa .

      Du point de vue musical le Rif se distingue par l’Azemmar ,  sorte de biniou composé d’une peau de bouc munie de deux cornes d’antilope à l’aide desquelles le musicien gonfle l’outre et règle la sortie de l’air. L’Azemmar(pluriel izemmaren), désigne également le joueur de biniou, ou de flûte(tazemmart), qui dérive du mot arabe « zamar »(flûte). Le  Cheikh Moussa qui chante Izri (poésie en rifain), accompagné d’azemmar est  le plus célèbre actuellement à Nador. Traditionnelllement lors des fêtes de mariage les jeunes filles chantent  Izran  mais il est très difficile de les observer ou de les enregistrer dans un milieu sévèrement conservateur vis-à-vis de la gente féminine . Voici un izran qui fut composé, en 1911, à l’occasion de la mort de l’un des chefs de la résistance contre les Espagnols dans le Rif, le Chérif Sidi Mohamed Amezian :

Sidi Mohamed Amezian est mort !

Nous ne pouvons honorer son tombeau

Aboulissi(le policier) et le capitaine ayant empoté sa dépouille

Dans les villes pour le photographier !

Par Dieu ! Ô Mouh fils de Messa’oud !

Rends nous son corps afin que nous le vénérions !

Sidi Mohamed Amezian, qui avait levé l’étendard de la guerre sainte contre les espagnols, tomba dans une embuscade avec trente de ses compagnons. Son corps n’ayant pas été retrouvé, le bruit couru dans le Rif que les chrétiens avaient empotés sa dépouille pour l’exposer dans leur pays et le photographier.

C’est le 15 mai 1912 qu’étant sorti, apparemment pour une reconnaissance, Mohamed Amezian se heurta à une troupe adverse qu’il ne pouvait, vu son grand nombre, ni affronter ni esquiver. S’avisant cependant que c’était des Rifains, de ces « régulares » enrôlés par l’Espagne, il se porta vers eux en faisant de grands signes, comme s’il se proposait de leur parler. Mais il tomba frappé à mort, avant d’avoir été ni reconnu ni entendu. Ce n’est qu’alors qu’un des « regulares », en s’approchant, l’examina et su que c’était lui. Identifié, le corps fut aussitôt porté à Melilla où, si l’on croit la tradition rifaine, on l’exposa publiquement. Et quelques jours plus tard, on l’envoya à Zeghenghen pour son inhumation. On racontait aussi, dans les veillées comment, ayant franchi le Kert avec une grosse escorte, il s’était installé pour la nuit, dans un village, chez les Beni Sidel.Mais avisés de sa présence par un espion, les Espagnols, grâce à l’obscurité, affluèrent de partout, fermant le cercle autour de lui. Quand Amezian s’en aperçut, il rassembla ses hommes et demanda des volontaires pour mourir avec lui dans son dernier combat. Demeuré, avec eux, il acheva sa nuit dans la prière, puis, au matin, il se battit en attendant la mort. Quand l’ennemi vint relever son corps, il trouva, ô prodige, le cheval du héros qui pleurait sur son maître et qui ne voulait pas se séparer de lui. On dit aussi que rien, après sa mort, n’a jamais plus poussé autour du lieu où il tomba, car la Nature en deuil ne se consolait pas.

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 Le corégraphe Abdeslam Raji lors d'une démonstration à Taounate

     S’inspirant du mouvement folk de Nass el Ghiouan dans les années 1970, le goupe rifain de « Tatouan », recourt à la même mise en scène et aux mêmes instruments de musique : tam-tam, banjo, centir etc. Vivant en Europe, ce goupe folk rifain s’est fait connaître surtout par la chanson Dhar Ouberran, le principal épisode de la bataille d’Anoul. Le nom de « Dhar Ouberran » signifie « la huppe du perdreau », parce que seul le sommet de cette montagne est couvert d’arbres faisant penser à la tête huppée de cet oiseau. C’est une montagne située chez les Tamsamane dans la commune de Bou Dinar . Le président de cette commune nous dit à ce propos : « Pourquoi le nom de cette montagne est souvent cité par l’histoire ? C’est parce qu’elle était la première position occupée par le colonialisme espagnol dans le Rif. Cette montagne surplombe la Méditerranée d’un côté et le Rif de l’autre, du fait qu’elle est assez haute. A l’époque les espagnoles avaient cru qu’en occupant cette position, ils allaient dominer la région entière. » A partir de cette position, les espagnols avaient, en effet,le contrôle de l’oued Kert , où s’était replié le chérif Mohamed  Ameziane, en 1919. Ils envisageaient de relier à partir de là Melilla à la baie d’Al Huceima par voie de terre.. Pour leur barrer la route, fin janvier 1921, des combattants Beni Ouariyaghel vinrent s’établir sur la hauteur du Jebel El Qama. Un izri, poème rifain de l’époque,  relate ces manœuvres espagnoles en ces termes :

Le roumi fait souga, il a pris Tizi Azza.

Il veut faire le thé, avec de l’eau d’Oulma,

Moujahidines au combat !  À quoi bon la vie.

Le plan Beranger que devait exécuter en arrivant le général Silvestre, consiste en un premier bond qui devait conduire à Sidi Driss, sur l’embouchure de l’Amekrane, à une dizaine de kilomètres vers le nord d’Anoual. La position formerait une base rapprochée, où lui viendrait ensuite, par voie maritime, le gros de son ravitaillement.Les premiers débarquements de l’artillerie eurent lieu à la plage d’Afraou à l’Est de Sidi Driss. A partir de cette position, les espagnoles prirent d’assaut, le piton de « Dhar Oubarran », qui surplombe à la fois les rivages et l’intérieur du pays. Sur le « Abda », le navire qui le menait vers l’exile, Abd el krim, raconte en ces termes, cet épisode de « Dhar Ouberran », la première grande victoire des rifains :« Les espagnols venaient d’occuper Dhar Ouberran, en pays Tamsamane, point stratégique et politique de toute première importance. Je me proposais sur le champ, de leur disputer cette position. La partie était risquée. Je disposais à cette heure, de 300 guerriers. Je revins me mettre à leur tête. Et malgré ma pauvreté en munitions, je déclenchais la contre attaque. Après un combat des plus durs, ma troupe réoccupa Dhar Ouberran.Ayant vu la débandade espagnole, les autres fractions Tamsamane, se joignirent à nous : le bloc rifain se constituait. » Les armes pris aux espagnols à « Dhar Ouberran » ont permis par la suite de mener la bataille d’Anoual. C’est la défaite des Espagnols à Dhar Ou Berran qui allait conduire en 1921 au desastre d’Anoul, après lequel Primo de Rivera parvint à la conclusion qu’Abd el krim est un danger pour la présence coloniale européenne dans tout le Maghreb. On comprend que le premier groupe folk rifain ait d’abord chanter Dhar Ouberran ! Le principal tournant de la légendaire bataille d’Anoual où quelques montagnards avaient mis en déroute une grande puissance coloniale de l’époque ! La musique est ici liée à une forte revendication identitaire, à la fois historique et linguistique.

Le Rif aux rythmes de la World Music

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   Le Rif se caractérise par des vallées compartimentées et surpeuplées, où les cultures ne suffisent pas aux besoins et contraignaient une grande partie des montagnards à l’émigration. Les jeunes musiciens rifains ne font pas exception à la règle. : tout en restant attaché à la langue et à la poésie rifaine, ils se sont formés en autodidacte aux instruments de musique moderne en terre d’immigration. C’est le cas de Choukri le jeune chanteur rifain qui chante izran avec la guitare et qui s’installe aux Pays Bas en 1990 : « Le rapport entre la musique traditionnelle rifaine et contemporaine a provoqué en moi des idées novatrices. » déclare-t-il. Invité à la radio télévison flamande, au mois de juin 1990, le groupe rifain « ithan » (les étoiles en Berbère) a chanté le drame des clandestins qui s’engloutissent au détroit de Gibraltar avec leurs pateras : « En dépit du nombre de tes habitants, ô mer, tu veux engloutir aussi les hommes ? » Chant auquel fait échos Zhimi Kamal d’El Huceima dans un autre album : « La mer, dis-moicombien d’hommes as-tu englouti ? La mer, quand laisseras-tu mes frères rejoindre l’autre rive ? ». Le groupe décrit son style comme étant « une musique moderne Amazigh ». :  un art décrit comme un arbre qui plonge ses racines dans le patrimoine artistique et culturel et qui est « fécondé », en queque sorte, par la musique moderne. Le groupe « Ithran », dispose d’ailleurs d’un site officiel sur le Net faisant référence à la Belgique leur pays d’acceuil (www. ithran.be.). Le musicien khalid Yachou qui est né en 1969 à Melilla et qui s’est produit à Strasbourg, puise lui aussi dans les izri (poèmes rifains traditionnels), tout en étant « clairement influencé par les musiques africaines et méditerranéennes ». Ces « maquisards de la chanson berbère », pour reprendre une expression de Kateb Yacine, puisent ainsi dans l’héritage ancêstral rifain, tout en le modernisant sur les plans instrumental et musical, mariant les anciens rythmes Amazigh à la World Music.  C’est le cas du groupe Timès qui réunit Rifains, Cubains et Belges qui semble avoir réussi un mariage subtile entre des sonorités de salsa, quelques notes de jazz et le style rifain. Ils ont réussi , d’après Tel Quel, à « conquérir des milliers de jeunes fans, pas forcément rifains, grâce notament à une musique moderne ouverte sur la World Music.»  La plupart de ces groupes sont des autodidactes, n’ayant bénéficier d’aucune formation musicale particulière. Ils considèrent tous les festivals comme de véritables tremplins pour les jeuns talents et souhaitent être encouragés par les différents médias nationaux. .

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     La plupart des tribus rifaines, aux traditions guerrières pratiquent surtout la fantasia comme les Metalsa et n’ont parfois ni musique ni danse comme les Gzenaya qui considèrent la pratique musicale comme indigne de la virilité et du courage des hommes. C’est pourquoi ils font plutôt  appel aux musiciens de leurs voisins Mernissa. Les jeunes musiciens Gzenaya sont obligés d’aller développer leur art à Nador. On peut dire de même des Bni Bou Yahi qui font appel aux joueurs de la guasba, la flûte des hauts plateaux de l’oriental marocain et du tell algérien, comme nous avons pu le constater à Saka chez les Bni Bou Yahi au nord de Guercif.Abdelkader Manamusique

07:40 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : musique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

vive le rif

Écrit par : guendouli | 22/11/2013

Je vous félicite pour votre critique. c'est un vrai état d'écriture. Développez .

Écrit par : MichelB | 13/08/2014

Les commentaires sont fermés.