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11/05/2010

Ouarzazate

 

A Ouarzazate les amandiers sont déjà en fleurs

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Tifoultout

 

Tout avait commencé en musique, un accueil au rythmes de la montagne entrecoupé de youyou. L’Ahouach de Tifoultout. Au bout du voyage réel commençait le voyage imaginaire. Le dépaysement est complet. Une ambiance propice à l’amitié entre les hommes et les femmes qui ne se connaissaient pas cinquante minutes plus tôt. C’est le mystère de Ouarzazate. La ville du silence où l’on se recueillit pour être attentif à l’appel du berger et à l’échos de la bergère que mime justement le mariage de ces voix graves et aigues de ces chanteuses et de ces musiciens habillés aux couleurs bariolées de la fête ; arc-en-ciel lumineux du soleil.

 

 

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Ahouach

Après cet accueil musical, un dîner copieux est offert au bien nommé hôtel « karam » (hospitalité). C’est l’occasion pour les invités de nouer les liens de l’amitié autour d’une même table. Beaucoup d’entre eux avaient quitté l’hiver et la neige en Europe pour se retrouver au printemps et au soleil de Ouarzazate. Le matin en est une illustration éblouissante : l’eau qui s’évapore crée une atmosphère de rêve que renforce le chant multimélodiques des oiseaux. Direction Tinghir puis les gorges de Toudhra en passant par la source des poissons sacrés : la journée commence bien. Le guide explique :

« Faisant une petite promenade à pied dans les gorges. Il y a des mouflons dans la montagne. On peut les voir grâce aux jumelles ».

 

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Gorges de Todhra

Les parois abruptes des gorges sont impressionnantes ; elles s’élèvent à pic jusqu’à 300 m. L’ascension dure trois heures en moyenne. Il y a des gens qui passent ici toute une semaine, rien que pour pratiquer des escalades. Laftah Omar, le président de la commune rurale de Tinghir précise : « Les alpinistes viennent généralement en équipe. Les gorges de Toudhra sont uniques. Ils s’agrippent aux falaises. Il faut le voir pour le croire». A Tinghir les amandiers sont déjà en fleurs. Des fioritures de hautbois nous accueillent. On nous offre un repas pantagruélique sur une esplanade qui a vue sur les montagnes enneigées. En fait, on va d’une grande bouffe à l’autre, d’une musique à l’autre, d’un paysage à l’autre.

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Aux environs de Ouarzazate

 

Lawrence d’Arabie et les dix commandements

 

 

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Lieu de tournage de Lawrence d Arabie

 

 

La journée du samedi 21 février 1987…s’achève en apothéose par un dîner – spectacle à l’hôtel Karam Palace avec orchestre de musique flamenco et groupe les lords (tenue sombre). Le groupe espagnol a notamment dansé sur les airs du « Lac de signe » de Tchaïkovski. Le dimanche, la ville silencieuse de Ouarzazate se réveille dans la lumière et le silence ; ville rouge sur fond de montagne enneigée. Le touriste peut pratiquer toutes sortes de sports dans cet air purifié. : le tennis, le tir à l’arc, l’équitation, la nage et j’en passe. Il peut vivre en deux jours l’équivalent d’un mois de vacances, tellement le temps est bien rempli et l’espace parcouru dans tous les sens.

 

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Les dix  commandements en tournage a Ouarzazate le 23 mai 2005

Rien de mieux pour faire peau neuve et prendre une nouvelle charge d’énergie : On oublie, on se laisse vivre, on devient un autre. Les ksour et les kasbah parsèment de temps en temps, ici et là des espaces sauvages, dénudés, silencieux, mystérieux et magnifiques. Au milieu d’un paysage lunaire et rocailleux où pas une herbe ne pousse, brusquement la vie ressurgit avec sa profusion de végétations : c’est la victoire de la vie sur la mort, de l’eau sur la sécheresse. C’est le cas de l’oasis où nous fûmes accueillis au milieu des tentes caïdales. L’eau y vient de l’oued Taznakht. Il y a aussi des eaux souterraines qui proviennent de la fonte des neiges du versant sud du haut – atlas.

 

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Autre lieu de tournage de Lawrence d Arabie a Ouarzazate

Devant les tentes caïdales, l’immense Ahouach de l’Adrar.

Les percussionnistes sont assis à même le sol alors qu’auteur d’eux les danseuses cosmiques imitent la roue solaire : ici, ce n’est plus cet objet décoratif et folklorique qu’on promène dans les hôtels et les « fichta » officielles. L’ahouach est dans son cadre naturel, au bord de l’oued sur fond de falaises et de lumière. Il n’y a ni micro, ni estrade. C’est la culture paysanne dans son authenticité. Dans ce contexte naturel ; le produit exotique, se sont les touristes !

 

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Oasis de Ouarzazate

 

Sur le plan culinaire et musical, on a presque fait le tour de l’univers si l’on peut dire : du plat norvégien au menu traditionnel dans sa version berbère et fassie et de la musique espagnole à la Sokla de Tamgrout….Une journaliste française me dit : « Il faut que je fasse ma provision de thé à la menthe, parce qu’à Paris, ça ne cours pas tellement les rues ». Un autre journaliste français lui rétorque : « Ici, on mange ; on ne fait pas de discours. Alors qu’en France ; Oh là, là ! Les discours ! Ici, les discours, on les traduit par les faits. ». Le méchoui est servi. Des youyou strident entrecoupent le chant des femmes qui rythment avec leurs mains. Au delà de quelques îlots de verdures…l’espace ocre court jusqu’au pied de la montagne ombragée. Ce n’est pas par hasard que les cinéastes avaient choisi ce paysage à la fois hostile et sauvage pour tourner leurs films. Des studios de cinéma sont déjà installés à Ouarzazate. On y a tourné plusieurs films : Laurence d’Arabie, le dernier James Bond, les Milles et une nuit, les joyeux de Niel, et « Liberté, égalité, choucroute ».La kasbah des Aït Ben Haddou a d’ailleurs été le théâtre de plusieurs activités cinématographiques comme nous le précise le guide du coin du nom de Mohamed Abdou du haut de cette kasbah :

 

 

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Amandiers en fleurs

 

« Là en bas, près des jardins avec des amandiers en fleurs et des figuiers, on a rajouté une petite muraille pour les besoins du film « Lawrence d’Arabie » ; c’est cela ce qu’ils appellent « la kasbah ». mais ce n’est pas comme ça qu’on la voit dans le film, parce qu’ils ont coupé tous les arbres. Les figurants qui jouaient le rôle de nomades sont des sédentaires qui vivent à Ouarzazate. Ils ont loué tous les jardins du village pour y installer des tentes. Pour cela, ils ont coupé tous les arbre. Maintenant, il y a moins de fruits parce qu’il est difficile de faire repousser un arbre tout de suite. Les quatre fenêtres blanches que vous voyez là-bas ne sont pas d’origine : avant…il n’y avait pas de fenêtres sur les murs ; ça, c’est pour un film français qui s’appelle « le vol du sphinx » avec Alain Souchon. Ils ont mis sept coupoles qui ressemblent à des marabouts. Au cinéma, les gens croient qu’il y a plein de marabouts à Aît Ben Haddou. Je dirai non. Ce ne sont pas des vrais. Le vrai marabout est derrière : au village à côté du cimetière et la petite coupole aussi. Là haut, on l’appelle « Agadir », vous savez ce que c’est ?

- Le grenier collectif, lui répondit-on.

- Grenier collectif pour mettre les gazelles ! (éclat de rire).

Excusez – moi… Messieurs – Dames, parce que je rigole un petit peu. Nous, on n’est pas des dromadaires ou des chameaux qui sont toujours fâchés. D’ailleurs il n’y a plus de chameaux parce que les chameaux ne servent plus, puisqu’il n’y a plus de caravanes. Le problème maintenant, c’est que les gens quittent la kasbah qui se trouve sur les hauteurs pour habiter la terre pleine. Car la kasbah n’a plus sa fonction de lieu protégé contre les razzia. Par conséquent, les maisons non entretenues tombent en ruines.

 

Le monde d’hier qui tombe en ruine peut être restauré parce qu’il a maintenant une autre fonction : répondre aux besoins du tourisme culturel. En présence du gouverneur de Ouarzazate, le séjour s’est terminé en apothéose par une soirée marocaine à l’hôtel Salam animé par l’orchestre de musique andalouse sous la direction de Haj Abdelkrim Raïs. La vedette en était le jeune chanteur Abderrahim Souiri qui a ébloui tout le monde par ses mawal enflammés, ses inçiraf légers et la gaieté des ses mouwashah andalous. Aux lueurs qui préludent le jour, tout le monde est transporté à l’aéroport où l’avion a pris son envol en même temps que le levé du soleil pour atterrir à Casablanca au moment où tout le monde prenait encore son petit déjeuner.

 

Abdelkader MANA



[1] Article paru à Maroc – Soir du vendredi 27 février 1987.

12:53 Écrit par elhajthami dans Voyage | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : voyage | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

09/05/2010

Le théâtre des "remparts"

En hommage à El Haj Mahmoud Mana

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Fondateur du théâtre les remparts en 1979

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Les premiers pas de Mahmoud Mana au théâtre: souvenirs, souvenirs...Interprétation de  l'avare de  Molière en arabe dialectal en 1964.

Il y a plus de trente ans El Haj Mahmoud Mana, créait la première compagnie théâtrale d'Essaouira du nom du "Théâtre des remparts". C'est un fervent amoureux du théâtre qu'il pratiquait depuis l'âge de 12 ans au tout début des années 1960.

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On reconnais au milieu Mahmoud Mana; il y a déjà de cela si longtemps; du temps du noir et blanc: nostalgie quand tu nous tient...En colonie de vacances à Ifran en 1969.

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Mahmoud Mana dans sa prime jeunesse, portant l'épée de bois de Samsan et de Masist des années 1960..."La lutte des générations"(Siraâ al Ajial), piéce présentée à la salle de bascket en 1963
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On reconnait à gauche, le comédien Boussen du temps de sa jeunesse: ce fonctionnaire municipale qui délivre les extraits d'actes de naissance et de décès est le fils du célèbre herboriste du même nom qui avait vendu sa belle  demeure de la kasbah au prix de clopinettes, devenue depuis le Tharos qui vaut maintenant son pesant d'or depuis que les festivaliers y organisent leurs dîners de gala. Boussen est également un fervent adepte de la confrérie des hamadcha où il a toujours joué un rôle important en tant que percussioniste du Herraz lors de la Hadhra...

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On peut lire sur cette affiche: tout en haut Masrah Al Asouar (le théâtre des remparts)avec Mahmoud Mana présente: "Cris du fond des gorges enrouées". Prix d'entrée: 25 DHS, spectacle théâtral exceptionnel: deux heures de plaisir et de rire...

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Entre tradition et modernité: on recourait littéralement à cette notion d'enfermement dans des remparts, ces derniers , en carton-patte, étaient omniprésents sur le plateau comme pour signifier le fort enracinement de ce théâtre dans la ville...Un enjeu culturel mais aussi urbain en quelque sorte...

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La dimension ihtifaliste, festive, de ce théâtre participant à un dséfilé officiel probablement lors de la fête du trône qui avait eu lieu chaque 3 mars à l'époque du Roi défunt.Epopée dont Mahmoud Mana en tant que directeur artistique du festival a réalisé la mise en scène au pays Haha de la pièce "Haha, jeunesse et fêtes": c'était  au premier festival de Tamanar en 1986

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Théâtre d'émanation municipale très influencé à ses début  par le vaudeville égyptien et le feuilleton télévisuel...C'est la pièce "choumouâ wa doumouâ" (Larmes et chandelles): Mahmoud a participé avec cette pièce a une rencontre nationalez à Fès sur le planning familial où cette pièce a obtenu le deuxième prix

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Une scène où on reconnait à gauche le comédien kalaza, compagnon de route de Mahmoud Mana depuis toujours. Scène de la pièce "cri du fond  des gorges enrouées" joué l'an 2007 et 2008 où la troupe a donné quatre spectacles à Essaouira. Kalaza  y a joué le rôle d'un petit fonctionnaire faisant face à de nombreux problèmes familiaux et noyant sa mélazncolie en buvant comme un trou force alcool

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Kalaza excellait surtout dans le rôle de "l'ivrognee", provoquant à chaque fois l'hilarité universelle ...

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Le théâtre less "remparts", symbole d'Essaouira par excellence puisque le nom de la ville signifie jusqtement "petites remparts", a toujours était le lieu d'épanouissement des talents féminins malgrés des traditions étouffantes au sein des remparts.

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Trio féminin sur scène: l'art naïf et poétique au service de la cause des femmes.....

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Parti de l'expérience des maisons des jeunes dans les années 1960, ce théâtre de quartiers tourne en dérision les scènes de la vie quotidienne: en arrière plan on peut lire en arabe: "Interdit de jeter les détritus sur la place public"....Bien avant l'heure ce théâtre se voulait comme un moyen de mobilisation en faveur de l'environnement, il s'agissait en quelque sorte de réveiller l'esprit civique chez le spectateur.

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Cette pièce remonte probablement à l'après attentat  terroriste de mai 2003 qui a fait plus de quarante victimes à Casablanca puisqu'on peut lire sur l'une des affiches: non à la violence, non à l'incitation à la haine contre les enfants de mon pays...

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Le rabbin, le prêtre et l'imam: tout un  symbole : un message de coéxistence et de tolérance entre les trois religions monothéistes: on reconnait là aussi l'influence du dramathurge Tayeb Saddiki avec lequel Mahmoud Mana a collaboré au temps de maqamat Badiî zaman al hamadaniu et durant le premier festival d'Essaouira de 1980-1982, intitulé "la musique d'abord" que dirigeait alors tayeb Saddiki et au colloque de musicologie, il y avait alors Georges Lapassade, Edmond Amran el Maleh, Ahmed Aydouin, Abdelkader Mana, Hussein Miloudi; Mohamed Bouadda, Abdelghani Maghnia, Boujamaâ Lakhdar, Hussein Toulali, et j'en oublie...Un moment culturel-clé pour Essaouira et son histoire: c'est le moment de l'explosion des arts plastique comme bombe à retardement de la peinture psychédélique qu'a connu la ville avec l'afflu du mouvement hippie vers la ville à la fin des années 1960 - début des années 1970. Ce festival de la musique d'abord qui n'a connu que deux éditions, celle de 1980 et celle de 1982, sera en quelque sorte le precurseur et l'annonceur de tous les autres festivals qu'a connu la ville depuis...

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Artiste peintre et calligraphe comme le dramathurge Tayeb Saddiki, le metteur en scène Mahmoud Mana, recours lui aussi à ses calligraphies dans la mise en scène de ses pièces théâtrales comme on le voit ici: une espèce de Machbet au bord du néant doublé de Moïse avec ses tables de la lois...Cette pièce s'intitule "Majdoub Bladi"(le Mejdoub de mon pays)  présentée pour la première fois en 1983 à la troisième édition du festival "la musique d'acord" d'Essaouira et à la première rencontre théâtrale d'Agadir en 1984 où     cette pièce a été selectionnée pour participer au 24ème festival du théâtre amateur à Rabat.
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Mahmoud Mana peintre devant l'une de ses oeuvres dans les années 1970

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Une oeuvre artistique de Mahmoud Mana, le peintre

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Mahmoud Mana (cigarette au bec; on sait maintenant ce qu'il lui en coûte avec les problèmes cardiaques qu'il endure...) en compagnie du dramathurge Tayeb Saddiki son ami, signant à la galerie Frederic Damgaard sa pièce "le dîner de gala" qui venait de paraître vers la fin des années 1980...
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Encore une photo souvenir de Mahmoud Mana avec Tayeb Saddiki(barbe et cigare) son modèle en art dramatique...C'était en 1980, du temps du premier festival d'Essaouira: "La musique d'abord"....
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Mahmoud Mana avec un jeune Rasta au tout début du festival des Gnaoua et musiques du monde(1998). Il était devenu impréssario des Gnaoua, les accompagnant dans leur tournées ibnternationales de Toronto à Tokyo en passant par Bruxelles...
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Mahmoud en imprésario des Gnaoua, il est en compagnie de Larbi "lazoukay"(l'homme à tout faire de la lila des Gnaoua), dont Mahmoud et Kalaza viennent de ml'apprendre le décè l'année dernière

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En belle campagnie de maâlem hayat nom qui signifie le vie tout simplement...
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A travers ces costumes et cette mise en scène, on voit bien que Fontômas et Drakula sont passés par là...

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Consécration : du bonheur d'être reconnu par son public..

La dernère pièce réalisée par Mahmoud Mana est celle des Al achbah (les fantômes) présentée à Essaouira et à Safi à l'occasion de la journée mondiale du théâtre le 27 mars 2010. Notre auteur faute de soutiens pense cette pièce sera son ultime baroud dans ce domaine...

Abdelkader Mana

 

16:05 Écrit par elhajthami dans Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : hommage | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Lettre de Casablanca

t3.JPGLettre de Casablanca

Chère Marta,

Je prends immédiatement le bus pour aller voir ma fille à Casablanca. La sincérité, est ce qu''il y a de plus beau: c'est le seul style qui me sied et qui siéra à notre relation. Considère que je suis seul dans le cosmos et vient à ma rencontre..... Aujourd'hui comme un fou, j'appelle toutes les femmes de mon portable et je les surprends en leur disant combien j'ai envie d'elles toutes avec jubilation... Oui il est venu pour moi le temps de raconter une histoire.Je n'ai pas de scénario pour une "histoire", la mienne et celle de mon pays: il faut juste écrire au jour le jour en espérant trouver un fil conducteur. En partant de mon impasse et de celle de mon pays. A Casablanca j'ai l'impression étrange de me retrouver dans un monde inconnu. De me sentir comme un "revenant": Il n'y a plus personne à qui s'adresser. Oui j'ai l'impression de me réveiller dans un autre Maroc... Un pays amnésique qui ne sait plus d'où il vient ni où il va...

Pour ce qui est de mon ex-je lui ai demandé hier de me prêter son appareille photo numérique Elle m' a répondu : " Je te le donnerai dès mon retour de Fès ce dimanche » . Il est vrai que mes pulsions deviennent particulièrement virulentes à chaque fois que je prends le train: c'est là que je me suis rendu compte un jour brutalement de son départ irrémédiable et que je me suis mis à pleurer comme un enfant abandonné par sa maman...Dans un train en  partance vers le Sud. Depuis lors, à chaque fois que je monte dans un train je n'arrive pas à me tenir en place: je me mets à errer dans les couloirs et les compartiments comme si j'allais la retrouver à nouveau pour m'y blottir. C'est pourquoi j'ai terriblement peur des pulsions incontrôlables qui me saisissent à chaque fois que je monte dans un train...En ce printemps renaissant, le désir est pour moi un signe de bonne santé physique mais je sens que je n'en n'ai plus pour longtemps. C'est une manière d'exprimer la panne d'écriture. Ni Casa ni Rabat ne me sont d'aucun secours: je dois revenir à Essaouira et tenter d'être admis à nouveau à l'écriture: ici le vide est effrayant...Tenter de retrouver cette brûlure, cette flamme intérieur si précieuse à mon écriture.

Je suis content que vous ayez trouvé belles mes images....C'est extrêmement beau et gratifiant. J'en tire deux conclusions essentielles: ce qui me sied le plus c'est le style 'journal de route' où je m'implique émotionnellement et non le style prétendument 'objectif', genre rapport ou documentaire (ce qui suppose une documentation qui n'est pas mienne et qui n'appartient déjà plus au monde des vivants, figeant ainsi ma respiration dans le marbre, me privant de ma propre libre expression...La seconde observation est vitale : tous les textes que vous venez de choisir ont été rejetés, censurés par la presse officielle au point que le pauvre Jbiel n'a pu trouve nul part où publier notre réçit sur son bidonville! Mon blog était une simple consolation. Ça nous rassure tous les deux: ce n'est pas nous qui sont des enfoirés mais le système. On n'est pas des officiels; c'est rassurant y compris pour la série documentaire suspendue que j'animais a la deuxième chaine marocaine. Dernière observation d'importance   : mon blog a fait un bon significatif en terme de visiteurs (il est passé de 153  avant hier a 184 visiteurs hier et 225 aujourd'hui) :  Est- ce a cause de la guerre du Rif ou de la naissance de mon nouveau blog ? http://abdelkadermana.wordpress.com/

Vous m'avez écrit entre autre :

« Je pense que je sais de quoi tu parles : je suis restée un an et demi au Maroc, et c'est assez récent pour que je ressente encore cette oppression, cette terreur, ce vide, j'étais à Moulay Bousselham, un village de pêcheurs sur la côte entre Kénitra et Larache. Cette inculture, cette saleté, et leur détresse : à qui peuvent-ils s'adresser ? Cette corruption à tous les étages, ce manque de solidarité. La grande misère dans le douar, pas d'eau courante. Les femmes qui passent de l'enfance à l'état de grand-mère sans avoir eu l'idée d'apprendre à sourire, cheminant pliées à l'équerre sous leur charge de fagots de bois.Je viens de feuilleter compulsivement mon cahier, celui où on écrit à la main, pour retrouver le mot que Saïd m'avait dit. Vous auriez compris. Paranoïa, Loi du Silence, Omerta. Un peuple dans une détresse extrême, tenu dans l'ignorance et la crainte. Je ne pourrai jamais m'habituer à ce marché de dupes. J'ai pris la fuite, j'ai compris mon bonheur d'être française ; ce réseau d'aide sociale fonctionne plus ou moins bien, c'est admis, mais il existe tout de même. Cette prise en charge médicale quand des soins urgents doivent être administrés. Mais le Maroc que j'ai vu, ce n'est même pas le Moyen Âge, c'est l'aube de l'humanité ! Momo Erectus ! Je dis ça pour vous faire rire. Une autre devinette que vous connaissez peut être : quelle est la différence entre la dictature et la démocratie ? La dictature c'est "ferme ta gueule" et la démocratie c'est "cause toujours". Bon. Il faut rire pour se remuscler les abdos... »
Votre message est très fort et émouvant. Il m a  convaincu de mettre en ligne les documentaires suspendus. Je reporte mon voyage a Essaouira à la semaine prochaine. Il faut que mon blog serve la mémoire de ce pays. Ton très beau message arrive à un moment très difficile de ma vie: depuis le mois de mars 2008, la deuxième chaîne marocaine - le colloque que je préparais ce printemps a  probablement été annulé pour les mêmes raisons - a suspendu la série documentaire "La musique dans la vie"  que j'y anime depuis 1997: en 11 années de laborieuses recherches  j'ai supervisé, en tant qu'ethnomusicologue  pour le compte de 2M, 81 documentaires  sur le Maroc profond et méconnu, du Rif au Sahara, de l'Atlantique à l'Oriental, dont 21 prêts à diffuser depuis 2008 et qui ne le sont toujours pas a ce jour, alors que 'La musique dans la vie' a purement et simplement disparue de la grille des programmes. Il s'agit entre autre de deux documentaires sur la guerre du Rif(1921-1926), de plusieurs autres sur le soufisme: Nuit Soufie, Spiritualité vécue, fête du Mouloud chez les Seksawa du Haut Atlas...On a suspendu brutalement mon émission sans me rembourser un reliquat de 37500 DHS et sans donner suite à mes réclamations concernant le non respect du contrat par la chaine: non diffusion des documentaires tournés au mépris des population de Bou Iblan, de Nador, de Gzenaya, du Moyen Atlas Oriental etc. Ils ne m'ont pas non plus remis copie des 81 documentaires réalisées sur une durée de 11 ans et qui peuvent constituer la base de mon livre "le Maroc musical du Rif au Sahara".J'ai effectué des repérages au Maroc Oriental mais a ce jour pas de tournage comme stipulé par le contrat. J'en ai également effectué au Haut Atlas...J'ai adressé mille et un courriels aux "responsables" de la chaine mais à ce jour aucune réponse n'a été donnée  à mes requêtes et réclamations. Silence radio propice a toutes les interprétations pour donner l'illusion qu'un jour l'émission reverra le jour alors qu'en réalité elle a été enterrée une fois pour toute, sans que le propre intéressé en soit avisé d'une manière ou d'une autre. Ainsi va le Maroc : mise à l' écart, mise en placard en catimini.  J'ai adressé les mêmes requêtes au ministre de la communication, au ministre des Affaires religieuses mais sans réponse à ce jour. J'ai même voulu adressé une requête en ce sens au premier ministre mais un Istiqlalien m'en a dissuadé me disant qu'il avait lui-meme des comptes a régler avec la deuxième chaine. Pour un ancien dirigeant de cette chaine : 'A mon avis ils ne feront rien tant qu'ils n'auront pas d'instructions d'en haut'. Mais ce qui est grave et inquiétant c'est qu'aucune institution ne se croit tenue par le contrat moral engagé : il y a un an le maire de Casablanca a donné son accord verbal pour un beau livre que je devais écrire sur les peintres de Casablanca. Puis, plus rien. Un an après le maire d'Essaouira a donné son accord pour la préparation d'un colloque international sur les pèlerinages en Méditerranée. Puis plus rien. On m'a laissé préparer le colloque pendant des mois et des mois à mes propres frais pour se dérober à la dernière minute sous des prétextes fallacieux. Plus personne n'a de crédibilité et personne ne semble s'en soucier. Aucun engagement n'est jamais respecté, aucun contrat n'est mis en œuvre, aucune institution à qui s'adresser :le vide mortel.

En attendant il faut vivre et mourir à crédit. Depuis mars 2008, je survis sans ressources , depuis déjà une éternité .On vous laisse dans l'attente angoissée, les faux espoirs, les interprétations polysémiques.  Cela me rappelle ce qui s'est passe en 1999  quand j'ai travaillé comme sociologue consultant pour l'Office National d'Électricité (ONE). Comme la tonalité du rapport commandé sur le programme d'électrification rurale n'avait  pas plu - c'est mon interprétation, eux ils n'en n'ont donné aucune, se contentant de me fermer la porte au nez - ils ont suspendu  là aussi le contrat sans me remettre un reliquat de 100 000 Dhs; et sans donner suite à mes réclamation; suite à quoi ma beauté de femme m'avait immédiatement quitté pour un plus riche que  moi avec toutes les blessures de l'âme que vous pouvez imaginer. Entre temps mon Beau Livre "Essaouira, le temps d'une ville" a été co - réédité sous le titre "Essaouira, perle de l'Atlantique" à Casablanca et à Genève, distribué en Europe par Vilo, mais sans droits d'auteur en pleins tourments pour ma famille. Toqueville disait: "Pour reconnaître une démocratie, il faut voir le traîtementqui y est administré aux gens d'esprit....".

C'est la raison de la naissance au mois de mars 2009 de ce blog : gratuité pour  gratuité autant mettre toute ma littérature gracieusement sur Internet. Mes démarches auprès des éditeurs Français n'ayant pas été fructueuses non plus que ce soit pour la réédition du printemps des Regraga épuisé depuis 1992 ou pour "l'aurore me fait signe", ouvrage que je comptais illustrer par mes propres soins. Mais l'aurore commence peut - être à poindre à  nouveau pour moi  et c'est l'Europe qui me fait signe grâce à l'Université Européenne qui m'invite cet été....Mon regretté amiAbdelkébir Khatibi, après la fermeture de l'institut de sociologie qu'il dirigeait à Rabat dans les années soixante dix a fini par trouver une issue en France avec son amitié avec Jean Genet, Roland Barth et Derrida...

En tant qu'ethnologue, journaliste, intellectuel, je suis effectivement menacé d'asphyxie et je pense m'exiler ailleurs pour survivre. Rompre l'isolement est devenu un impératif de survie. Il est vital d'ouvrir une fenêtre sur l extérieur, se faire entendre au - delà du désert,  desserrer l'étau qui m'enserre. En regardant la deuxième chaine hier soir j'étais horrifié par le vide absolu qu'on  y a installé et je me suis dis: ma place n'est plus là, ma place n'est plus dans cette télévision des spots publicitaires. Il faut faire quelque chose avant qu'on m'enterre  vivant ...Ce soir ou demain je commencerai a mettre en ligne la guerre du Rif et les  documentaires suspendus sans préavis, et non diffusés a ce jour. En attendant, je vais faire un tour a Rabat pour voir un peu du pays... à Rabat où je viens de manger de la tête de chameau, je n'ai déjà qu'une seule envie: revenir à nouveau à Essaouira. Le cœur du pays est vide. Pour mon âge l'Europe n'est pas non plus une solution. Il faut vivre de peu mais écrire: il ne sert de rien de ressortir les vieux documentaires. Il faut passer à autre chose. Se donner la peine d'accoucher d'autres chose...S'efforcer ....

Le mercredi 21 avril 2010, je reçois ce message : « Ce soir dîner spectacle à 20h  avec Mamoun au café-théâtre Azizi 515 bd Ghandi devant le Pacha ». Le chauffeur de taxi qui m'y conduit me dit que Radio FM en a parlé à la mi journée. C'est un théâtre privé ou plutôt « privé de moyens » comme se plait à l'appeler son promoteur le dramaturge Tayeb Saddiki.

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Une fois sur place, je m'empresse d'aller le saluer. Il m'accueille avec les jeux de mots qu'il affectionne : « On ne fait pas du théâtre contemporain , me dit-il ; on fait du théâtre, quand on pourra !... »

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Il avait là un groupe folk jouant le répertoire de Nass elGhiouane :

-         Comment tu traduis « Nass el Ghiouan » ? Me demande Tayeb Saddiki.

Je reste pantois et lui de poursuivre :

-         El Ghiouan, c'est la perdition. Ceux de la perdition...Maintenant qu'est ce que tu veux boire ?

-         Rien. Lui répondis-je

-         Donnez-lui un verre vide ! Ordonna - t -il.

-         Que Dieu lui donne sa baraka, lui dit quelqu'un.

-         Es-ce qu'il n'aimerai pas avoir une baraque ? Lui rétorque le dramaturge. Puis s'adressant à moi, il ajoute, va faire un tour ; le vrai théâtre se trouve à l'étage. Mon fils Baker Saddiki te donnera tout un dossier de presse concernant ce théâtre de Mogador.

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Au théâtre de Tayeb Saddiki, deux symboles: le groupe de musique folk de Nass El Ghiane dont il a été l'initiateur au tout début des années soixante dix et Molière son modèle en art dramatique.
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Dans un coin de la buvette trône cette statuette de Molière en marbre
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Juste en face un autre portrait de Molière sur scène que cache ce groupe folk, excellent imitateur des mythiques Nass El Ghiouane qui se produisent sous le projecteurs pour faire patienter les premier spectateurs du "dîner de Gala", le titre d'une pièce de théâtre que Tayeb avait publié du vivant de son frère Azizi dont cette salle de spectacle porte le nom en guise d'hommage. Azizi était un humoriste fabuleux et un chroniqueur de talent.
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Le théâtreâtre Mogador est une passion, une affaire de famille: Amina la fidèle campagne du grand dramaturge y est omniprésente; pleine de soins pour tous les invitées de la soirée: prodiguant un mot gentil par ci, un autre par-là. Je lui prends ce portrait, mais elle ne le trouve pas génial, je le trouve pour ma part sympathique et pour lui faire plaisir, elle qui me présente à tout le monde comme étant "écrivain", je lui prends une photo plus large avec pour fond les  calligraphie de son géniale mari.
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Sur le fronton du théâtre Mogador une magnifique calligraphie de Tayeb Saddiki en guise d'emblème
Car pour ceux qui ne le savent pas Tayeb Saddiki est un artiste total, son talent est multiple et va de l'art dramatique à la mise en scène et à l'criture théâtrale sans oublier son humour omniprésente qui dédramatise les choses de la vie aussi douleureuses soient - elles. C'est un homme qui aime son pays, qui aime Mogador, sa ville natal dont ce théâtre porte le même nom que celui de Paris. Mais ce n'est pas le Marocain qui imite ici Paris mais plutôt le contraire: après son bombardement de Mogador en 1844, le Prince de Joinville avait édifié à Paris un théâtre en hommage à sa bien aimée et lui avait donné le nom de la bataille dont il était le maître d'oeuvre au Maroc d'alors: celle de Mogador...
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Quand j'ai fini de prendre cette photo à Amina,je lui demande:
- Es -ce que nous sommes en train d'assister à la soirée inaugurale?
- Non, me répondit-elle, c'est la quinsième soirée de Gala. A la soirée inaugurale il y avait tous les officiels du grand Casablanca.
Normal la ville se devait de rendre hommage au directeur du théâtre municipal de Casablanca disparu, lui qui veut rendre au théâtre tout son éclat au prix de possibles déboires financiers: il n'est pas aisé de faire fructifier un théâtre privé dans une ville qui n'aime pas sa culture, dans un pays où la télévision nationale bannit les émissions consacrées au patrimoine culturel national, dans un environnement pas tellement favorable à la fréquentation des salles de théâtre et de cinéma ( la plupart des salles de cinéma ont fermé leur porte à Casablanca et à travers le pays). Mais quand on aime le théâtre comme Tayeb ; on ne compte pas...
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Quand Mamoune monte sur scène , la soirée peut enfin commencer, un pur plaisir plein d'émotions et de dérision:s  à la fois du Jacques Brel et du devos.
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La modernité qui sied à une grande ville comme Casablanca. En arrière plan; un portrait de Molière: tout un symbole. Saddiki traine partout sa famille en campagnie théâtrale comme le faisait jadis Molière. Car le théâtre est un plaisir qui se partage en famille...
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Ce magnifique portrait de Molière exprime a lui tout seul toute la poésie du théâtre en tant qu'art total: cette ambiance claire-obscure si caracteristique des mises en scene Sadikiennes et de ses oeuvres de jeunesse: les quatrains de Sidi Abderrahman El majdoub, en particulier, qui est le plus grand poète marocain de tous les temps. Certains s'offusquaient alors de voir tayeb recourir au pré_théâtre populaire de la halka: ils ne savaient peut-être pas alors que les plus grands musiciens comme Chopin et Bartock et les plus grands hommes de théâtre comme Molière s'inspiraient justement de la culture populaire dont tayeb Saddiki était le magnifique promoteur et modernisateur en étant à l'origine du mouvement folk marocain avec le succès que l'on connait...
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L'un des moments forts de la soirée fut incontestablement la montée en scène du magnifique chanteur et du virtuose pianiste Fettah N'gadi.
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Jazz-man savoureux, mêlant sa voix langoureuse et belle au crotales des Gnaoua, il dira plus tard avec une certaine amertume en réponse à l'hommage que lui rend la salle unanime: "Et dire qu'on fait appelle aux artistes libanais en oubliant ceux d'ici au festival Mawazine...". Tayeb Saddiki , lui - même , fondateur du premier festival d'Essaouira, n'a pas été Prophète en son propre pays comme il aurait du l'être. Mais d'ores et déjà l'histoire de la culture au Maroc, au Maghreb et bien au-dela dans tout le monde arabo-islamique reconnait son apport de leadert incontestable dans le domaine culturel et a été reçu en tant que tel par les grands de ce monde,, du Shah d'Iran, en passant par Saddam Hussein jusqu'à feu Yasser Arafat...Son étoile brillait si haut qu'il était coutisé par des hommes politique de niveau mondial dans leur relationnel publique...

Abdelkader Mana

16:04 Écrit par elhajthami dans Arts | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : casablanca, lettre, mogador, la musique dans la vie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook