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26/02/2010

Les navigateurs mouillent à Mogador

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Lorsque les navigateurs mouillaient à Mogador

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« Il faut commercer avec les gens de Diabet»

Écrit Razilly à Richelieu vers 1630


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Par Abdelkader Mana

Le Castello Real , n’avait pas été entièrement détruit après son abandon par le Portugal, car, en 1577, l’amiral anglais Francis Drake en avait parcouru les ruines :

« Ayant fait provision de bois et visité un vieux fort bâti jadis par le roi de Portugal, mais maintenant ruiné par le roi de Fès, nous partîmes... »


Dans sa relation, Francis Fletcher, qui prit part comme chapelain, au voyage de circumnavigation accompli par Francis Drake de décembre 1577 à octobre 1580, note :

« La flotte mouille à Mogador. Les indigènes viennent à bord. Pour obtenir des renseignements sur la flotte et ses desseins, ils se saisissent par stratagème d’un de ses hommes descendu à terre et l’amènent en hâte devant Abd–el-Malek. La flotte fait voile vers le Sud. »

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Sir Francis Drake, fait aussi allusion à la présence du Roi saâdien Abd-el-Malek à Mogador :

« décembre 1577. La flotte de Drake arrive à l’île de Mogador. Réception des indigènes à bord. Craignant que les navires ne fussent les avant-coureurs d’une flotte portugaise, Moulay Abd – el – Malek fait saisir pour l’interroger un homme descendu à terre. Il le renvoie vers Drake avec un présent. Dans l’intervalle, la flotte a levé l’ancre après une vaine incursion de Drake à terre pour délivrer les prisonniers. Le roi renvoit celui-ci en Angleterre. La flotte passe devant Santa-Cruz-du Cap-de-Guir. »

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Une année plus tard, le 4 août 1578, le Sultan saâdien Moulay Abd-el-Malek-el-Mouâtassim – Billah (1576-1578), emporta la victoire sur le roi du Portugal Don Sébastien à Oued El Makhazine. De lui Montaigne écrit:


« De sa litière, Abd-el-Malek, éssouflé, paralysé par un mal mystérieux, surplombe le champ de bataille. Il rassemble ses dernières forces, quitte sa litière, se fait apporter de force son cheval. Cet effort acheva d’accabler ce peu de force qui lui restait.On le recoucha. Lui, se ressuscitant comme en sursaut de cette pasmoison, toute autre faculté lui défaillant, pour avertir qu’on tût sa mort...expira tenant le doigt contre sa bouche, signe ordinaire de faire silence. Son dernier mot : marcher plus avant. » Son frère Ahmed-el- Mansour- Dahbi (le doré) fut aussitôt proclamé Roi.


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Anglais, Français, Espagnoles convoitaient l’île de Mogador comme le montre une plaquette espagnole qui se trouve à la Bibliotheca Nacionale, de Madrid qui expose en 1621, la nécessité d’occuper la position de Mogador en ces termes :


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« Dans la partie qui regarde l’Occident, face à la côte d’Afrique qui est battue par l’océan, près du cap de Ghir, entre celui-ci et le Cap cantin, se trouve le point et l’île de Mogador qui, bien qu’elle soit petite et peu connue (heureusement pour nous), est, au dire de tous les marins qui pratiquent cette côte et la route des Indes, un port très important pour la couronne d’Espagne, parce que, par sa situation, il commande ces rivages. Ce port est vaste, facile à défendre, d’une entrée et d’une sortie sûres pour les gros vaisseaux. On pourrait sortir, lors du passage ordinaire de nos flottes, et, s’il en est qui ne connaissent pas encore ce passage, il leur suffira une sortie dans ces parages pour le relever avec précision. Et si le Turc ou un autre ennemi avait cette place et cette sûre retraite, il tiendrait, comme on dit, le couteau sur la gorge à toutes nos entreprises pour les égorger ; et si cette position est importante pour eux, c’est une raison pour nous de l’occuper afin qu’ils ne l’acquièrent pas. Les ordre militaires pourraient très bien se charger de cette opération, avec le concours des navires qui croisent ordinairement devant les autres ports de la côte d’Afrique ; et même on pourrait confier la garde de cette place à l’un de ces ordres, de même que celui de Saint Jean à celle de Malte, qui lui a été donnée de nos temps par l’empereur Charles Quint . Car, à bien éxaminer, comme il est nécessaire de le faire, une chose si importante, si une autre nation occupe cette île, que l’on dit être par elle-même très désirable, outre la place et le port qu’elle contient, il y aura dans l’Océan, près de la route ordinaire d’ici aux îles Canaries, et non loin d’elles, un obstacle fort dangereux pour la sécurité de la navigation, sur lequel repose l’existence et la richesse de l’Espagne, et qui doit principalement maintenir cette monarchie pour sa conservation.


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En effet, au dire de capitaines et marins expérimentés, Mogador occupée, c’est un Alger dans l’Océan, par sa situation, son port et sa retraite assurée, pour toutes les entreprises que l’ennemi turc ou hollandais tenterait contre nous, avec une sortie sûre et commode pour faire delà toutes ses courses et arrêter et inquiéter les flottes des Indes Orientales et Occidentales, qu’il rencontrerait forcément non loin de ce parage, quand elles passeront pour prendre hauteur ; et une fois que les ennemis auront occupé ce point, ils sont à même de détruire ou conquérir les Canaries, en coupant les communications de ces îles.


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Si le Turc tient Mogador, il peut tenter d’étendre sa domination sur le Maroc, ainsi qu’il est devenu par Alger maître de Tunis, car celui qui est maître de la mer qui baigne un pays est fort à portée d’en conquérir l’intérieur en empêchant le peuple conquis d’être secouru par mer ; et tout ce qui établit les avantages que le Turc retirerait de ce point fait ressortir combien notre situation serait critique, s’il venait à l’acquérir...Dieu, moteur universel des choses, par la providence duquel elles se gouvernent, nous a fait la grâce que jusqu’à présent l’ennemi n’ait pas connu cette position. Autrefois les Maures n’usaient pas de vaisseaux de haut bord ; aujourd’hui, les prises qu’ils ont faites leur ont donné des forces et de la cupidité, car le gain et l’intérêt donnent de la vaillance,et c’est le profit qui nourrit les sciences. Ils voudront ne plus avoir besoin, pour opérer dans l’Océan de passer par le détroit, et voudront d’autant plus avoir un établissement sûr de ce côté-ci, d’où pourront sortir pour faire leurs prises ces corsaires Turcs si nombreux qui opèrent aujourd’hui, réunis aux Irlandais et aux Hollandais, dont nous devons nous méfier davantage. Ils se trouveront dans Mogador comme dans une tour ou un observatoir d’où ils sortiront pour fondre sur ceux qu’ils auront remarqué s’avançant sans précaution ; et maîtres de ce point, ils attaqueront tout.

Aussi pour éviter la longueur de la route et s’assurer gratuitement une meilleure position, en ayant sous la main un port à garder et vendre ses prises, caréner ses vaisseaux, et reposer et approvisionner ses équipages et flottes. Et cette maison se trouve au milieu du bois où il chasse, qu’y aurait-il d’étonnant à ce qu’il la dispose pour y passer la nuit en sécurité, sans payer le logement, y trouvant une place d’armes pour son ravitaillement et un dépôt pour ses marchandises, avec une entrée et une sortie large et sûre, causant à l’Espagne une crainte horrible et inquiétant delà toute la chrétienté ; car, si ce qu’aujourd’hui nous pouvons posséder avec sécurité est occupé par eux, il sera nécessaire de vendre les calices des églises pour les en déloger, et nous ne sommes pas certain du succès.

Et quand on considère tout ce qui vient d’être dit, il est très certain qu’il n’est pas besoin de la force ni du secours du Grand Turc pour prendre ce que personne ne défend, et que si les Hollandais s’établissaient en permanence à Mogador, y descendraient à terre, s’y installaient comme dans une tente ou une baraque, entrant et sortant sur leurs navires, ils créeraient là en peu de temps une place sûre et fortifiée, et c’est une miséricorde et un miracle exprès de Dieu qu’ils ne le fassent pas. Plus on fermera le détroit et l’on en fortifiera la sortie, plus il importe aux Hollandais d’avoir là-bas un point d’appui sur l’Océan et un port où ils puissent se réunir et, après s’être rassemblés de conserve en grosse et forte compagnie, sortir pour rompre notre défense, sans qu’il y ait pour l’empêcher d’autre que Jésus-Christ. Qu’il daigne, par les mérites de son sang, faire en sorte que cette gloire revienne à la noblesse d’Espagne et à ses ordres militaires, pour l’exaltation de sa foi et l’honneur de sa bienheureuse mère qui soit louée à jamais ! Amen. »

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Cinq années plus tard, le 26 novembre 1626, Razilly adresse un mémoire à Richelieu, où il lui parle d’un plan d’occupation de l’île de Mogador, et des avantages commerciaux que la France retirerait de cette opération :


« ...Et du même voyage que l’on aura retiré les esclaves, l’on pourra laisser cent hommes à l’île de Mogador, située à poter de canon de la terre ferme,à 32° de latitude, île très aisée à fortifier. D’autre part, il y faudrait mettre six pièces de canons et laisser du biscuit aux cent hommes, et envoyer nombre de planches de sap pour y faire des maisons, car d’autres forteresses, il n’en est jamais besoin, d’autant que l’île est naturellement toute fortfiée. Il faudrait y étblir un commerce de toile, fer, drap, et d’autres mêmes marchandises , jusqu’à la somme de cent mille écus par ans. L’on aura de la poudre d’or en payement, dattes et plumes d’autruches. Et l’on pourrait tirer quelques chevaux barbes des plus forts et meilleurs de l’Afrique. Le profit de la vente des marchandises pourrait monter à 30 p. 100 de gain, d’autant que le voyage est fort court : car, des côtes de France, ayant bon vent, l’on y peut être en huit jours. C’est avoir un pied en Afrique pour aller s’étendre plus loin.


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Il y a quelques français qui ont trafiqué dans la rivière de Gambye. Mais dans tous ces quartiers de Guinée, l’air est très mauvais. Et pour les habitations, il n’y a lieu en Afrique propre aux Français que l’île de Mogador et Tagrin (le cap de Tagrin, sur la côte de Guinée, près de la baie de Sierra-Leone), où les Portugais avaient en diverses années, armé des vaisseaux pour y dresser des colonies. Tagrine est onze degrés nord de la ligne. Les Portugais y ont été défaits par les Français. Le pays est fort agréable. Mais le reste de l’Afrique est très malsain et en beaucoup d’endroits stérile, dont je ne parlerais pas davantage. »


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La silhouette du château portugais de Mogador devait, se trouver modifiée par des réfections, dont certaines dataient du règne de Moulay Abd-el-Malek ben Zîdân, qui y séjourna au mois d’août 1628 :


« Voulant voir Mogador, petite isle sur la mer Athlantique, entourée de rochers excessivement hauts, qui font des precipices espouvantables, y faisant séjour de quinze jours, son exercice fut de courir à la chasse des hommes, et, lorsqu’il en avait rencontré, les monter en haut de ces rochers et les précipiter dans la mer, en riant à gorge déployée. Et un jour se promenant en bateau autour de cette petite isle, le vent s’étant si fort eslevé qu’il estoit en danger de périr, ses alcaïds l’ayant mis à bord comme les plus experimentez de ses pilotes, pour salaire il les fit bien bastonner puis fouetter. Et après, les ayant fait boire avec luy, les prit pour compagnons, pour luy ayder au massacre de vingt deux pauvres barbares, qu’il tenoit enchaisnez auprès de luy. Sortant de ce lieu pour aller en chedma, où son frère Moulay el-Oualid lui fut livré entre les mains par un traistre, après en avoir fait les feux de joye, il luy feit mettre les fers aux pieds, le conduisant luy – mesme jusques à Marroque pour l’executer en temps convenable : celuy de la Pasque du mouton. Revenu qu’il fut en chedma, ayant envoyé au supplice plusieurs esclaves françois qui servoient à son écurie...De chedma, tournant vers Safy pour y faire quelque demeure, pour estre l’un de ses plus beaux chasteaux, en quatre mois qu’il demeura, il n’y eut jour qu’il n’y fist quelque massacre... »


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Ce passage figure dans une biographie caricaturale, de Moulay Abd el-Malek ben Zîdan, écrite l’année de sa mort le 10 mars 1631. Elle semble avoir été composée, sinon par le père François d’Angers, du moins par quelque capucin de la mission du Maroc. On noircissait le tableau à souhait pour justifier les collectes d’argent, en vue de racheter les captifs européens retenus comme esclaves au Maroc, et pour occuper l’île de Mogador qui leur semblait situer sur une position stratégique le long du litoral africain.


A cette époque des Anglais étaient retenus en esclavage à Mogador par Moulay – Abd-el-Malek, comme le rapporte dans son mémoire du 8 octobre 1630 John Harisson :


« Si le Sultan Moulay Abd– el–Malek refuse encore de mettre en liberté, les Anglais qu’il retient en esclavage, Charles 1er devrait s’emparer de l’île de Mogador et y fonder un établissement dans les mêmes conditions qu’à la Mamora. Ces deux places attirent tout le commerce du Maroc et permettraient de constituer des approvisionnements en vue d’attaques contre des possessions espagnoles. »


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Et on peut lire dans une lettre des esclaves français de Safi en Barbarie adressée en 1631 au Roy de France :

« ...le troisième château est Mogador, situé au bord de la mer. Le château est fort petit et foible, habité par quelques quatre – vingts hommes ; le Roy l’a fait réparer et habiter depuis trois ans (c’est-à-dire en 1628), pour empêcher le trafic des chrétiens avec les Arabes et le santon du païs qui lui sont rebelles. Il y a une isle inhabitée demi lieue à la mer : l’isle commande le château et le port, car elle est tellement située que d’un bout elle commande au dit fort et le peut battre en ruine, et de l’autre elle commande dans le port qui est la retraite ordinaire des forbans pendant l’hyver. Il a une rivière d’eau douce d’où les navires prennent de l’eau en dépit de tous les Maures ; lesdicts château et port de mer sont entre Safi et Ste Croix. Il faut aussi que le Roy y envoie des provisions par mer dans quelques petits bateaux, car les Arabes sont maîtres de la campagne.


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Le Roy a beaucoup de païs à son commandemement et beaucoup de sujets qui lui rendent hommage, sans payer aucun tribut, si lui-même ne le va recueillir dans leurs douars et habitations, ce qu’il fait tantôt en une province, tantôt en une autre, menant avec soi une armée de 15 ou 20 000 hommes à cheval, car ils n’ont point d’infanterie en ce pays ; et, si ce Roy n’y aloit le plus fort, il n’auroit aucun tribut qui consiste en bled, orge ou froment, chevaux, moutons, vaches, chameaux et volailles, car pour de l’argent, il n’en tire point, si non des susdites places où il a des douanes et impots sur les marchandises. Les juifs faisant tout ce négoce. Il entretient sa maison et son armée par les moyens desdictes douanes et des autres commodités qu’il prend sur ses sujets, payant ordinairement sa gendarmerie de bœufs, moutons, bled etc. Il a de grands trésors d’or, argent et pierreries que lui ont laissé ses prédecesseurs... »

Le 24 mai 1629, Le père Joseph écrit à Razilly, pour que ce dernier fasse agrée r par Moulay Zidân l’occupation de Mogador :

« Le dessein de Mogador étant bien conduit, est celui seul qui peut avoir de la suite et donner fondement à plusieurs grandes choses, à quoi monseigneur le cardinal de Richelieu se porte constamment. Et contribuera tout ce qui sera requis auprès de Sa Majesté pour cette généreuse entreprise....Ne vous fiez pas à ce roy barbare que sous bon gage ; c’est ce qui me fait priser le dessein de Mogador, que je tiens bien plus sûr que la parole du Maure.....Que si on s’établit à Mogador, il est utile d’y mettre le Père Pierre pour supérieur, ayant grande expérience de ce païs – là, et peut beaucoup profiter aux occasions, pour le soulagement et le salut des âmes abondonnées....La perfection de votre ouvrage serait, après avoir pris Mogador, de le faire trouver bon au roy du Maroque, et qu’il l’agréât pour la sûreté du commerce, et lui faire voir le profit qui lui en arrivera pour la richesse et sûreté de ses Etats, apaisant sa colère par le present que vous lui portez, qui fait voir que l’on na va pas vers lui comme ennemi. Que si pour cette heure, il ne le veut pas consentir, il le pourra faire après par la force ou par amour. »


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En réponse à cette lettre le Cardinal de Richelieu autorise Razilly à s’emparer de Mogador et à y laisser garnison :

Alais, 18 juin 1629

Suscription. A Monsieur le chevalier de Razilly.

Monsieur,

Si vous estimez, estant sur les lieux, que l’isle de Montguedor se puisse conserver et que la prise en soit utile, je vous laisse de la part du Roy la liberté de vous en saisir et d’y laisser cent hommes.Cependant, je demeure

Votre bien affectionné à vous servir.

Signé : Le card. De Richelieu

De Alais, 18 juin 1629


Du 8 au 23 janvier 1641, le peintre hollandais Adrien Matham, séjourna en rade de Mogador et dessina un croquis de la côte et du château. Il faisait état de l’existence d’une Kasbah, abritée derrière les rochers où vivaient les corsaires Béni – Antar :


« Le 8 janvier, au matin, nous nous sommes trouvés en vue de l’île de Mogador, et nous avons mis notre cheloupe à la mer pour voir si la rade était bonne pour nous. Nous y avons trouvé quatre toises d’eau, entre l’île aux pigeons et l’île de Mogador. Dans l’après midi, nous avons jeté l’ancre et tiré une salve de trois coups de canon, auxquels les gens de la kasbah ont répondu par un coup.

Le 9 au matin, notre cheloupe est allée à terre, par un vent nord-est, pour voir s’il y avait moyen de se procurer de l’eau fraîche, et aussi si nous pouvions trafiquer avec les Maures de la Kasbah. Ceux-ci ont accueilli amicalement nos gens et ils nous ont envoyé à bord leur interprète, un juif, en échange duquel, suivant leur coutume, un des nôtres devait rester à terre, comme otage, tant que durerait, des deux côtés, les visites de leurs gens à bord et des nôtres à terre.



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La kasbah est munie de onze ou douze canons en fer, et, vue d’une certaine distance, elle a l’apparence d’un four à chaud hollandais ; mais l’île aux pigeons est inhabitée, sauf qu’on y trouve d’innombrables pigeons sauvages qui se nichent par milliers dans les rochers et qui sont si familiers qu’ils se laissent prendre avec la main. Il y avait dans un petit bosquet, à terre, un faucon qu’un de nos gens aurait pu prendre, s’il l’avait vu, car il faillit mettre le pied dessus, et c’est alors seulement que le faucon prit son vol. Pour parcourir cette île aux pigeons dans sa longueur, il faut une bonne demi-heure de marche environ : sa largeur ne dépasse pas dix fois la longueur de notre vaisseau ; mais elle est très élevée et sans eau fraîche. On trouve seulement entre les rochers de l’eau de pluie en très petite quantité.

Pour en revenir à l’île de Mogador, toujours est-il que nous avons pu y faire de l’eau. Le juif susdit nous fournit aussi du pain frais, des amandes, des raisins et des gâteaux d’olives qui avaient un goût excellent. Le costume des habitants est singulier : ils portent habituellement un long vêtement blanc – le haïk – qu’ils enroulent de diverses manières autour du corps. Le juif susdit nous a donné des renseignements sur leur mariage, etc.


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Le 12 janvier 1641, c’était pour les Maures leur fête de Pâques – l’aïd es-seghir qui marque la cessation du jeûne du Ramadan- qu’ils célèbrent avec une grande dévotion. Dans l’île on trouve une espèce rare de grands oies. Nous en avons acheté à la kasbah de fort belles et fort grasses, à deux stuivers pièce. Quant à l’approvisionnement d’eau, il comporte ici de grands dangers, à cause des brisants, au point que notre petite chaloupe et les gens qui la montaient pour apporter de l’eau à bord ont chaviré deux fois, le 15 et le 16 de ce mois. Nos gens se sont sauvés à grand’peine, non sans courir de grands périls. Pour chaque tonneau d’eau on devait payer au caïd de la kasbah la valeur environ d’un écu de Hollande.


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Il est aussi à remarquer que nous avons ici trois dimanches à célébrer chaque semaine, à savoir, celui des Maures : le vendredi, celui des juifs : le samedi, et le nôtre : le dimanche.

Le 23, nous avons fait tous nos préparatifs pour faire voile, avec l’aide de Dieu, vers Ste Croix, si le vent nous est favorable. Nous sommes sortis heureusement du port de Mogador par un vent est-nord-est et nous avons gagné la haute mer. »


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Courant juillet et août 1688, des corsaires algériens, sous domination turque, avaient capturé des bâtiments français qui croisent depuis la Mamora jusqu’aux Canaries et fait deux cent prisonniers. Bostangi et quatre autres corsaires turcs qui les avaient faites prisonniers étaient de retour en septembre sur la côte du Maroc. Bostangi alla se ravitailler à Agadir et ses compagnons se rendirent pour caréner à Mogador, où ils débarquèrent les 60 français. Les corsaires craignant une attaque de l’escadre française, se retranchèrent dans l’île de Mogador, où ils construisirent des redoutes armées de canons, attendant un vent favorable pour franchir le détroit. En attendant ils ont relaché à Mogador soixante français, d’où ils les ont envoyé à Alger par voie de terre. A leur passage à Meknés, Moulay Ismaïl a racheté de force ces soixante hommes, comme le relate Pierre Catalan à tavers la note qu’il avait envoyée à Seignelay, depuis Cadix, le 8 novembre 1688 :


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« Une tartanne française qui sortait de Safi en Barbarie le 28 du mois d’octobre est arrivée en cette baie le 4 de novembre. Le patron d’icelle a rapporté qu’il y avait quatre navires d’Alger à Mogador, deux de 40 pièces, un de 36 et l’autre de 24, avec une caravelle de 18 pièces ; que ces corsaires ont pris 13 bâtiments français sur le grand banc de Terre Neuve, qui sont de La Rochelle, Bordeaux, Havre-de-Grâce, Honfleur et un de Saint-Malo, et que sur la hauteur des Açores ont coulé à fonds un navire de Marseille, duquel les corsaires sauvèrent seulement dix hommes, qu’ils ont pris aussi à l’ambouchure de la Manche un navire de Dunkerque chargé de sucre, qu’ils ont amené et vendu à Mogador ; que de tous ces navires pris ; ils ont 200 hommes esclaves à leur bord. Desquels débarquèrent 60 hommes pour les envoyer par terre à Alger, leur faisant traîner deux charettes pour porter leurs vivres, qui, passant à Miquenès(Meknés), le roy du Maroc leur prit d’autorité ces 60 hommes esclaves, leur payant 45 écus pour chacun, et il fit une rude reprimande aux soldats d’Alger qui les conduisaient, de traiter si inhumainement les chrétiens. Ce patron m’a délivré le rosle inclus des noms de ces 60 hommes. Les 140 restants, les ont retenu à bord de leurs navires, dont ce patron a dit encore qu’ils croisent depuis la Mamora jusqu’aux Canaries. »


La prise de Santa-Cruz-du-Cap-de-Guir (Agadir), enlevée aux Portugais, le 12 mars 1541, par le chérif Mohamed ech-Cheikh, affermit l’autorité de la dynastie saâdienne. Tout le Maroc du Sud fut la contrée par excellence de la domination saâdienne, et la ville de Marrakech fut presque exclusivement leur capitale. C’est à Santa-Cruz, le port du Souss, c’est à Safi, le port de Marrakech, que les trafiquants anglais débarquent le plus souvent. Ce choix s’explique en outre, pour les trafiquants, par l’importance des opérations sur le sucre, car la culture de la canne ne dépassait guère au Nord le cours de l’oued Tensift.

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Abdelkader MANA

CIMG1814.JPGReportage photographique réalisé par Abdelkader Mana le vendredi 26 février 2010

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17:47 Écrit par elhajthami dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : histoire, diabet, richelieu, les saâdiens | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Répétitions en vue du Mouloud

 

Audition spirituelle en vue

 des fêtes du Mouloud

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A l'approche des fêtes du Mouloud qui commémorent la nativité du Prophète, les haddarates d'Essaouira et les jeunes de la confrérie des Darkaoua de la ville se sont retrouvés au restaurant "la Rencontre" de Latifa Boumazzourh pour des répétitions du samaâ, en vue de la soirée qu'ils comptent organiser au marché au grain à l'occasion de cette fête religieuse qui aura lieu cette année le vendredi 5 mars 2010. Etant convié à ces répétitions j'en ai profité pour les photographié in vivo. Le leader du groupe des jeunes M.Marina, dirige ces répétitions en compagnie de Rabia Haïl la haddara d'Essaouira.Ce qui m'a le plus surpris dans ces répétitions, c'est l'ardeur et le sérieux que les femmes mettent à scander et à comprendre les qasida d'un Shoshtari, le soufi andalous qui a chanté Meknès et qui errait avec son tambourins dans les souks marocains du Moyen - Âge. Il est considéré comme le maître incontesté du samaâ (l'oratorio). Les confréries religieuses sont finalement le lieu de sauvegarde de ces traditions musicales et spirituelles comme on le voit ici à Essaouira, une ville où le confrérisme semble résister encore à la raboteuse nivelante de la mondialisation en marche. Mais ce qui fait exception à la règle: c'est tout d'abord la mixité, ensuite ce lieu - même un peu insolite de "La rencontre", restaurant dévolu au départ aux rencontres amoureuses comme son nom l'indique. Je ne sais pas si toutes les femmes présentes lisent réellement dans le texte les qasida qu'elles ont sous les yeux, ou simplement par ouï dire, mais ce qui est certain c'est qu'elles y mettent une telle ardeur magique qu'elles finissent par forcer notre adhésion et notre respect, de faire montre d'une telle vénération pour la chose écrite comme on le voit sur ces images. Il est vrai que les traditions musicales et religieuses traditionnelles résistent mieux à Essaouyira et il est vrai que les confréries constituent ici un vértable conservatoire pour ces musiques et ces chants spirituels

Reportage photographique d'Abdelkader Mana

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Abdelkader Mana
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15:46 Écrit par elhajthami dans Reportage photographique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

25/02/2010

Tempête sur Essaouira

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Jour de tempête à Essaouira
Jeudi 18 février 2010
Reportage photographique d'Abdelkader Mana
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Ce jour -là seuls les mouettes osent braver les trombes d'eau qui se déversent sur la ville
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La citadelle est prise violemment d'assaut par les vagues
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La mer est toute rougeâtre par les alluvionnements de l'oued ksob

Le soir du mercredi 17 février 2010,je fais part à mon ami l'artiste peintre Abdellah Oulamine de ma volonté de continuer mon journal de route photographique en allant d'Essaouira à Sidi Kawki via cap Sim. Il me dit que les images ne seraient pas aussi spectaculaires que ceux des paysages ruraux que je viens de prendre aux amandiers et aux arganiers sous la grêle dans l'heureuse vallée de Tlit en pays Haha et que ce parcours côtier est archi connu des touristes qui le parcourent depuis déjà longtemps en CAD-CAD . Je lui fait remarquer alors que chaque jour est unique par sa lumière, son climat , les surprises qu'il nous réserve, et les nouvelles connaissances qu'on peut en tirer. Peut-être que j'y découvrirais d'autres espèces d'oiseaux que les goélands et les cormorans que j'y avait rencontré la première fois? Peut-être que les pêcheurs au filet et les récolteurs d'algues me raconteront des histoires inédites si jamais j'arriverais à les dénicher de sous leurs huttes de branchages par un pareil mauvais temps? Et puis, avec ces intempéries, on  a affaire à un autre Maroc que celui déjà connu par son  solei lumineux et son ciel perpetuellement bleu...

 

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Au terme de notre discussion et en guise d'exercice, je demande à Oulamine de me photographier et je le photographie à mon tour!

Le lendemain, jeudi 18 février 2010, je me prépare donc à entreprendre cette équipée côtière de vingt cinq kilomètres à pied, mais le vent est si violent et la mer si rougeâtre par les alluvionnements de l'oued ksob que j'ai rpréfèré renoncer à prendre un quelconque risque inutile.

 

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Pour ne pas rester inactif , j'ai voulu alors changer mon fusil d'épaule  en rejoignant les ruines du caïd Anflous  en montagne Neknafa que je n'ai pas encore photographié jusqu'à maintenant et dont les seules images disponibles sont celles publiées récemment par Omar Lakhdar et qui datent pour l'essentiel du temps du protectorat. Or nous n'allons pas resté perpetuellement tributaires de ces anciens archives: c'est à nous d'en produire maintenant pour notre propre mémoire scripturale et iconographique, pour notre propre future.

 

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Jusqu'ici, nous avons négligé l'image au profit du seul signe. Je me souviens à ce propos de ce qui me disait un jour mon ami le regretté Abdélkébir khatibi de la civilisation japonaise qui le fascinait: tant par sa capacité d'adaptation et par la rapidité avec laquelle elle a rejoint l'Occident en passant du signe à l'image: " Quand les Japonais, me disait-il ,débarquent au Maroc pour quelques jours ou quelques semaines; ils parcourent notre pays de long en large avec leurs appareilles numériques et accumulent en peu de temps des archives iconographiques considérables sur le Maroc, ses paysages, ses villes et ses hommes." C'est si vraie, que nous n'avons même pas parfois, les images de ceux que nous aimons, une fois qu'ils ne sont plus là! Nous en perdons jusqu'aux traces une fois disparus....Et quand j'étais journaliste à Casablanca; ce qui m'a le plus frappé, c'est de voir le peu de cas qu'on faisait des illustrations: on n'avait pas toujours le souçi d'illustrer l'évènement par des iconographies y affèrant : au dernier moment on cherchait une "image" qui peut "illustrer" tel papier ou tel reportage. D'ailleurs cette même image "momifiée" peut continuer indéfiniment à être ré-utilisée par le journal des années durant! Ce qui dénote de la volanté de figer le réel en une image immuable!Ce n'est pas tellement important l'image; ce qui compte, c'est le texte nous disaient-ils à la rédaction...Pauvre de moi, toute la mémoire visuelle des jours, des êtres et des choses que j'ai perdu, à commencer par les images de ma propre mère et grand-mère!

Une fois à la gare routière, je me rends compte que je n'avais pas pris avec moi de quoi prendre des note sachant que  le  dernier des Anflous à vivre au milieu des ruines est un personnage volubile qui a beaucoup de chose à raconter : décidemment la dérive ethnographique n'est jamais équipée comme il se doit: avant c'était pour le texte tout seul que je me déplaçais et maintenant je n'ai plus de yeux que pour l'image! Or une bonne ethnographie doit associer les deux. Je ne suis donc pas prêt de partir, en plus il ne cesse de venter et de pleuvoir des trombes d'eau !

Comme le paysage urbain ne m'inspire pas trop en ce moment, je décide donc de tout reporter à plus tard et de rentrer chez moi.

Mais voilà que vers 17 heures, une simple promenade routinière allait tout faire basculer. En allant faire un tour à la kasbah  je découvre brusquement que le visage habituel de la ville avait complètement changé; comme si l'espace urbain s'était  brutalement métamorphoseé en quelques heures de pluies déluviennes! Divine surprise: mon café habituel est fermé! Le vent qui souffle est  si violent. que les serveurs ont préféré rentrer chez eux après avoir ranger sommairement les chaises de vannerie les unes sur les autres : la terrasse est vide de sa clientèle habituelle. Je me dirige alors vers Bab Laâchour  où de nombreux mordus du foot , pour l'essentiel des marins n'ayant pas larguer les amarres en cette période de grosse tempête,regardaient à la télé un match entre deux équipes locales.

Après avoir pris mon café et une fois dehors, je suis brusquement pris dans une violente tempête de pluie : j'ai du me réfugier à la librairie toute proche de mon ami Joseph Sebag. Et quoique le trajet soit si court j'y parviens trempé jusqu'à l'os comme si quelqu'un aurait déversé sur moi un saut entier d'eau !

A la première éclaircie je quitte la librairie pour aller me changer. Mais une fois dehors ; je découvre  une autre ville,toutes les places , toutes les rues étaient inondées . On dirait Venis sous les eaux, sauf qu'ici; ce sont des charettes qu'on utilise pour franchire les plans d'eau,en guise de barques! Pour traverser de l'autre côté de la marre, les gens devaient mouiller leurs souliers ou louer les services des charretiers pour les faire parvenir à sec à l'autre bout de la rue. Je décide alors de prendre une première photo et je me rends compte immédiatement de l'insolite de la situation : il me faut absolument faire un reportage photographique sur Essaouira sous les eaux. Et je dois faire très vite, car le soir tombe déjà et bientôt,il n'y aura plus assez de lumière pour prendre des images suffisemment contrastées pour être lisibles ! Finalement, on n'avait pas tant besoin que ça d'aller au bout du monde pour découvrir l'insolite et l'extraordinaire:il peut parfois surgir brusquement sous nos pieds voir nous tomber du ciel! Il fallait juste être suffisemment attentif  et préparé - pour la prise des photos - pour découvrir l'incroyable métamorphose de la ville qui s'opère in vivo sous nos propres yeux!

 

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22:30 Écrit par elhajthami dans Reportage photographique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : photographie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook