18/03/2010
Colloque Migrations
Colloque Migrations, Identité et modernité au Maghreb
Essaouira du 17 au 20 mars 2010
Journée du jeudi 18 mars 2010 : Nous publions sans tarder les images de ce colloque exceptionnel et de haute tenue en attendant d'alimenter cette note à fure et à mesure de commentaires appropriés .
21:22 Écrit par elhajthami dans Colloque | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : colloque, photographie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Calligraphie
Mohammed TIFARDINE
Le calligraphe d'Essaouira
Le tatouage de la mémoire par les couleurs du destin
Le souvenir de mon ami défunt Larbi Slith m'a été suggéré d'écrire ce texte sur les calligraphes d'Essaouira pour deux raisons : la mue du printemps et le départ de « la fiancée de l'eau » des Regraga, demain jeudi 18 mars 2010, qu'il visitait à la fin des années 1980 en espérant que leurs prières apaiseront les douleurs du cancer qui le tenayait à la gorge et qui a fini par l'emporter. La seconde raison est ma rencontre fortuite, avec le calligraphe Mohammed Tifardine, lors de ma dérive d'hier au cœur d'Essaouira, où il tient un atelier de calligraphe rue des ruines.
J'ai pris quelques images de ses œuvres les plus récentes. Sur lui, j'écrivais il y a déjà si longtemps, juste avant l'effondrement du mur de Berlin , ce texte intitulé « l'anagramme comme cri de l'extase », texte illustré, pour des raisons évidentes d'économie de papier, par une seule calligraphie : c'était avant l'avènement d'Internet et des appareilles numériques qui permettent maintenant de publier instantanément et à profusion textes et images : à l'époque, il fallait attendre l'arrivée des journaux antidatés en début d'après midi et pour la parution d'un livre ou d'un catalogue, galeristes, éditeurs et imprimeurs, pouvaient se délecter de leur immense pouvoir de décider de la forme, du contenu et du moment opportum de la publication selon leur bon plaisir. Entre temps Tifardine a fait d'immenses progrés comme le prouvent les calligraphies ici publiées et qui sont toutes de lui: nous n'avons malheureusement plus de trace de celles publiées jadis par Larbi Slith, auquel nous tenons néomoins à rendre hommage tout en l'illustrant lui aussi par l'oeuvre foisonante de ce fabuleux calligraphe qu'est Tifardine dont la modestie et la gentillesse ne font que le grandir à nos yeux.
Les premiers rudiments de l'art islamique, on les apprend à l'école coranique : en lavant sa planche d'une sourate apprise pour la remplir d'une sourate nouvelle, l'enfant musulman fait progressivement le lien entre le chant sacré qui illumine son cœur et la belle forme qui éblouit son regard. Les belles lettres ne sont jamais muettes ; elles sont la voix céleste qui illumine le monde, le sens sans lequel la vie n'a pas de sens. L'artiste garde ainsi, au fond de lui-même, cette nostalgie du paradis de l'innocence, cette première découverte inouï du divin. Au temps de cette plongée initiatique, dans le bain d'une civilisation sémite qui magnifie les symboles et glorifie les mots, on lui apprend que c'est de la parole divine qu'est né le monde.
La calligraphie orne ainsi le ciel de la toile comme une nuée d'oiseaux migrateurs, empreintes de caravanes errantes dans le désert, odes arabes rythmant le déhanchement des chameaux, procession cosmique dans les hauteurs stellaires, célébration de l'aube du temps, stèle funéraire :
« J'écris sur ma toile, disait le peintre mystique Larbi Slith, en miniature, les mots qui ouvrent chaque sourate et qui représentent l'invisibilité et la puissance de Dieu. J'orne mes toiles d'un alphabet dansant, chantant, un alphabet qui parle, il parle d'horizons lointains, il parle de moi, embryon au milieu de la sphère tendre et chaleureuse. »
L'artiste ne vie pas ici à reprendre un seul sens, le « sens unique », il brouille les cartes pour multiplier les sens possibles. L'art est ici proche de ces pratiques mystiques où l'on pensait que la perfection nominale consiste à conjurer les esprits des sphères et des astres. Plus une forme est belle, plus elle a de la chance de faire sortir l'artiste de son île où souffle un vent de crabe, pour le livrer à l'univers éblouissant des idées.
Né au cœur - même de la médina d'Essaouira - qu'il a rarement quitté- Larbi Slith était un oiseau de mer, un être fragile au milieu des tempêtes. Il portait en lui, l'extrême sensibilité du musicien, la tendresse du peintre et la détresse de l'artiste. Il incarna, pour nous, l'éternelle jeunesse des « fiancées du paradis », leur errance sauvage, leur douleur solitaire.
Après avoir raclé les guitares des années soixante dix, il s'était mis à communiquer avec les formes cosmiques : il peint la rumeur de la ville, la baie immense et lumineuse, les haïks immobiles, les sphères de la marginalité et du silence, les prières de la nuit et le soupire de l'océan. Chaque toile était pour lui une épreuve de la purification et une prière. Son art était une lutte continue contre les souillures de ce monde et l'épaisseur de son oubli. Son microcosme de signes et de symboles archaïques sont la « trace » de la transfiguration du monde par les visions oniriques. Pour lui, la peinture fut une trace, et la « trace » est la forme suprême de la lutte contre la fuite du temps. Il était habité par l'urgence de créer, par le désir d'éternité. Chez lui, la peinture devenait un tatouage de la mémoire par les couleurs du destin, une procession des saints vers les soleils éclatés...Et les lumières énigmatiques du rêve émanaient de ses couleurs étranges. Les couleurs que prend l'âme à l'approche des énergies telluriques de la montagne.
Mais la douleur retira avec les énergies vitales, les couleurs chaude de sa dernière toile ; il y mit un éclipse du soleil, un ciel de linceul, des racines aériennes emportées par le vent vers l'au-delà des êtres et des choses. Il était notre Rimbaud de la peinture, une fleur de la morte saison pour qui les aubes d'hiver sont cruelles et navrantes entre toutes : « Mais vrai, j'ai trop pleuré, les aubes sont navrantes... ». Peintre mystique, l'art fut pour lui, une secrète hégire vers Dieu. Par nos larmes intérieures, au cœur de l'hiver - le 4 octobre 1989 - nous confiâmes une part de nous-mêmes, à la colline du bon Dieu. « M'cha zine Oukhalla H'roufou » : le beau est parti mais il a laissé ses alphabets , ses traces...
Plus on regarde les anagrammes de Tifardine, plus la combinaison de leurs voyelles et consonnes, explosent en de nouvelles significations. L'assemblage et la permutation des voyelles par diade, triade et tétrade, permettent la multiplication des sens possibles. Ce potentiel de sens est en quelque sorte « augmenté » par l'emploi de l'accentuation et de la consonance implicite qui renforcent l'ambivalence de la langue arabe. Par exemple les voyelles « H » et « M », peuvent former avec leur consonance implicite, soit le pronom pluriel « houm » (eux), soit le qualificatif « ham » (souci), ou encore l'accentuation de la voyelle « M », le participe passé « hamma »(s'est dressé).
Le calligraphe Mohamed TIFARDINE dans son atelier
C'est donc une calligraphie ouverte sur l'infini, en particulier sur l'idée de Dieu. L'une d'entre elles, composée de triades et appelée « cris de l'extase ». Le calligraphe y a mis l'accent sur les syllabes « Ha » et « Wa » qui, assemblées, forment « hawa » (air), mais comme la consonance reste implicite, la règle de l'ambivalence veut qu'on puise aussi lire « houwa » , le transitif indirect « lui » qui désigne Dieu sans le nommer, parce qu'il est innommable. Cette évocation elliptique de l'unique, les mystiques la répètent en soufflant, jusqu'à ce que la flamme de l'extase divine s'allume.
Pour les sémites, le verbe , le logos descent du ciel
Les calligraphie sphériques de Tifardine - nom de berbère de pure souche s'il en est - n'ont pas de centre, elles s'orientent vers le divin axe, par déclinaison et génuflexion du sud vers le nord et de l'ouest vers l'est. Dans l'une d'entre elles, l'agrégat alphabétique est généré par deux lettres principales qui, en s'entrecroisant, séparent et lient organiquement les autres lettres, tout en les voilant partiellement. Le signe d'accentuation signifie que les mots portent en eux-mêmes une « densité ». Il ne s'agit pas là d'une « densité démographique », mais de quelque chose d'autre, à la fois plus puissant et plus solide. Le calligraphe a voulu montrer le lien organique qui existe entre les lettres en tant que « masse ». Car la langue arabe n'est pas une masse inerte ou morte ; elle reste vivante en donnant sens aux êtres et aux choses.
Abdelkader Mana
15:16 Écrit par elhajthami dans Arts | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : arts, arts islamiques, calligraphie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
14/03/2010
Carrefour Culturel
Essaouira, Carrefour Culturel
L'arganier, l'arbre-fétiche de la région développe des ramifications semblables à celles de la communication des synapses cérébrales
André Azoulay apporte un soutien décisif au colloque international d'Essaouira
Nous venons de recevoir un appui décisif, que nous publions ci-après, pour la tenue du colloque international sur « les pèlerinages circulaires en Méditerranée et à travers le monde ». Il s'agit de l'appui de l'enfant prodige d'Essaouira, le Conseiller Royal Monsieur André Azoulay, qui a toujours œuvrer pour une politique culturelle d'ouverture ; bonne pour Essaouira, bonne pour le Maroc.
Voici donc le message de soutien qu'a adressé Monsieur André Azoulay au colloque international qui se tiendra à Essaouira, du 7 au 11 avril 2010 par l'entremise de l'éminent chercheur Jean François Clément, qui fait partie à part entière du comité scientifique :
Mercredi 10 mars 2010 21h27
Mon cher Abdelkader, voici la réponse que j'ai reçue de Monsieur André Azoulay. Je te la transmets aussitôt, amicalement,J-F Clément
Cher Jean-François,
J'ai dit à plusieurs reprises à mon ami A. Mana que son projet est remarquable et qu'il a été d'une efficacité que je salue, pour mobiliser les scientifiques et autres experts qui donnent à sa démarche la profondeur et la qualité qui augurent du meilleur succès pour son entreprise. J'ai aussi précisé à Abdelkader que l'Association Essaouira Mogador se mobilisera au mieux de ses moyens pour l'aider à mener ce projet à bon port.Ceci étant rappelé il est clair que nous ne pouvons pas assurer la responsabilité centrale de cet événement, ni sur le plan financier ni sur le plan de son organisation.Il faut que la démarche soit autonome pour en garantir la qualité scientifique et il faut que les moyens de sa réalisation soient assurés par ailleurs pour que notre apport vienne compléter ce qui aura été mobilisé auprès des institutions nationales, régionales et locales directementconcernées. Voilà ce que je peux vous dire à ce stade et que vous pouvez partager avec Abdelkader à qui je souhaite très sincèrement de réussir dès que possible cette très belle entreprise. Bien à vous.André Azoulay
Essaouira, carrefour culturel
Dés sa naissance, Essaouira -Mogador, occupait une position géographique au carrefour des routes marchandes, terrestres et maritimes, où cohabitaient, juifs, chrétiens et musulmans. La tolérance religieuse et le métissage culturel étaient inscrits dans son patrimoine génétique en quelque sorte.
Les genres musicaux par exemple n'y sont pas juxtaposés, ils s'interpénètrent à la manière des fils d'une tapisserie. C'est pourquoi l'idée d'entrelacement que suggère l'image de la trame permet de décrire plus dynamiquement l'interpénétration des cultures dans la ville. Au niveau des pratiques musicales nous sommes en présence d'une trame : les groupes de musique populaire sont capables de reproduire des genres musicaux très divers. La musique d'Essaouira, par exemple, apparaît comme une musique décentrée dont les centres se trouvent ailleurs. C'est la musique d'une culture « Carrefour » et non d'une culture patrimoine. On ne peut pas saisir cette culture inachevée de la ville par des méthodes qui supposent l'existence d'un corpus stabilisé. Soit l'exemple du seul corpus apparemment stable fixé et endogène : le chant de l'Achoura, on a d'abord l'impression que c'est le poème endogène de la ville, mais on découvre ensuite que le modèle poétique et mélodique du rzoun a la même matrice que celui de Marrakech et de Taroudant. Il semble être le résultat d'un phénomène de diffusion culturelle à partir de ces deux villes plus anciennes. On constate aussi que les Brioula (couplets du rzoun) ne sont pas toujours de la même époque. Bref, ce chant de l'Achoura qui semble le plus proche de la définition traditionnelle du patrimoine achevé et endogène est en réalité un poème inachevé, ouvert, en perpétuelle évolution et pour une part, venu d'ailleurs. Voilà un exemple de culture carrefour que nous avons particulièrement étudié avec notre regretté maître Georges Lapassade, parce qu'il est exemplaire, ce fait n'est pas seulement un caractère de la musique mais aussi des produits artisanaux dont l'esthétique provient en partie d'ailleurs.
Cette diversité des sources d'inspiration est due à la nature même de cette ville qui, dés sa fondation en 1760, fut un carrefour des cultures et des civilisations. Son fondateur, Sidi Mohamed Ben Abdellah, y a fait venir des populations de toutes les origines : des consuls européens, des négociants juifs, mais aussi des lettrés, des artistes et des artisans de toutes les régions du Maroc et notamment beaucoup de noirs du Soudan.
Cette diversité culturelle est devenue un atout qui sauve la ville enclavée, par le tourisme culturel justement. Mais toute action culturelle d'envergure, festival international ou colloque international, suppose une volonté politique au plus haut niveau décisionnel, pour aboutir. C'est cette politique culturelle de tolérance religieuse et d'ouverture sur le monde, que le meilleurs des nôtres, Monsieur André Azoulay ne cesse de promouvoir : si le colloque international est bon pour Essaouira, alors, il est bon pour le Maroc que nous aimons.
Abdelkader Mana
17:33 Écrit par elhajthami dans Colloque | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : colloque, pèlerinages circulaires en méditerranée | | del.icio.us | | Digg | Facebook