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27/08/2010

Ahouach

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A H O U A C H
"Ô mon Dieu ! Accordez – lui son gagne pain de la musique ! Ainsi d’ailleurs qu'à sa descendance !"
Si Mokhtar le patriarche du hameau d'Anbdour.

L ahouach c’est le nom générique des danses collectives de l’Atlas occidental où on parle le chleuh, par opposition à l’ahidus, la danse du  moyen Atlas où on parle le tamazight. Ahidus et ahouach ont en commun d’être une musique de village chantée par des chœurs accompagnée par une batterie de tambours sur cadre et de claquement de mains. C’est sans doute sur le plan mélodique que se différencie plus nettement l’ahidus de l’ahouach : les mélodies de l’ahouach sont très généralement pentatoniques , celle de l’ahidus sont fréquemment composées de petits intervalles s’inscrivant dans un ambitus plutôt étroit.Cette danse est de toutes les fêtes nous confie la Raïssa Bihi au hameau d’Anbdour :

« On s’adonne à l’ahouach à la grande fête du sacrifice, à la petite fête de la rupture du jeûne et aux moussem (fête saisonnières). On danse accompagnées des percussionnistes et des flûtistes. Nous autres femmes, on chante : « C’est au nom de Dieu que commence notre tour de rôle. » Cependant que les Raïs frappent les tambourins et que les flûtistes jouent des airs de bergers. Et quand on a assez dansé, chacun rentre à sa maison. »

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Nous nous sommes rendu à la fête d’ assif el Mal, auprès de la famille Jakraw qui vit de musique plutôt que d’agriculture : le fils aîné joue du rebab, le cadet du tambourin à cadre et de la flûte berbère aouad et enfin le junior de l’outar. Nous avons tenu à ce qu’ils nous présentent eux – mêmes leur musique en commençant par leur patriarche Si mokhtar, car comme le disait Jacques Berque, « le discours le plus sûr d’une population est celui qu’elle tient sur elle – même ». Au cours de la fête qu’ils ont organisé pour notre tournage on a retrouvé les ahouach d'Idikel et de Tiskiwin , mais aussi la musique des Rways, ces troubadours de l’Anti – Atlas.

L’ ahouach d’assif el Mal qu’on appelle Idikel est également pratiqué par les tribus voisines de Mzoda , Aït Bou Yaâkoub et Douirane. C’est un ahouach d’un rythme différent de celui d’Imin Tanout et du pays Haha, même si ces derniers appartiennent au même ère linguistique chleuh. Ahouach Tidikel se distingue surtout par la position centrale qui y occupe le chant solo, cette improvisation poétique et musicale qu’on appel arasal et qui est propre aux montagnards du Haut – Atlas.  Pour orchestrer l’ahouach Idikel on recourt à trois tambours à cadre à tonalités différente, selon qu’il s’agit d’un coup vibrant appliqué de poing au centre de la peau ou de coups secs obtenus par le choc de la main à plat sur bord. Le premier tambour, le trime, commence par jouer un rythme appelé hamz, le deuxième qu’on appelle amtarfo , parce qu’il occupe les marges, joue une autre variation rythmique appelée asidari, et le troisième soliste recourt à une technique de jeu appelée Amdil. Chaque soliste joue un rythme différent mais il doit être impérativement complémentaire des deux autres.

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Au pays chleuh, l’aouada est indispensable à chaque fête. On dit que les chevaux de la fantasia sont très sensibles aux airs de cette flûte de berger par excellence. Sans cette flûte et la danse atlasique qui l’accompagne ; la fantasia ne serait pas réussie. Pour le Raïs Mohamed Lamzoudi :

« Les Chtouka de Sous sont surtout connus pour leur outar. Ils sont doués pour cet instrument à corde. Les Haha, le sont pour leur aberdag, trépignement et leur aouad, flûte. Cet instrument à vent est né chez eux. Les Mtougga, eux, sont réputés pour leur rebab. Comme les autres tribus du Haouz, ils produisent beaucoup de poésie. »

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T I S K I W I N

La danse Tiskiwin a une vieille histoire. Son nom lui vient du corne qu’on appelle tiskt (corne en Berbère). Les guerriers s’en servaient comme étui à poudre, qu’on appelle aâlaw. Au retour de chaque expédition guerrière, la corne du bélier était portée sur l’épaule gauche, en guise de signe de victoire. Tiskiwin est à la fois danse du bélier et danse de la victoire. Elle est spéciale aux Seksawa du Haut – Atlas, aux Ida ou Mahmoud et aux Aït Aghbar. Les danseurs revêtus d’une grande tenue de coton blanc et portant sur l’épaule gauche une corne à poudre d’argent ornée de franges rouges. Ce groupe encercle autour d’un Raïs exécute une sorte de parade rythmée dont les figures diffèrent beaucoup de celles des autres danses de tribus. La corne portée par chacun des danseurs est un objet précieusement conservé dans chaque famille. Chez les Aït Mansour , il est formellement interdit de la vendre. Elle se transmet de père en fils. L’utilisation du petit tambourin dénommé tagbalt, qui vient en complément,imprime à la danse, une cadence et un rythme particuliers.

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A Chichaoua (Seksawa en berbère), la rivière d’ assif el Mal, ne charrie pas seulement les limons du haut Atlas, mais aussi toutes ses musiques. Les influences musicales de la montagne aboutissent à son embouchure où se tient chaque année le moussem de Sidi Bou Othmane vers lequel affluent toutes les tribus environnantes et bien au – delà. Ce moussem est l’occasion d’échanges intertribaux d’ordre économique mais aussi culturels. On s’y rend  même depuis le Sous de l’autre côté de la montagne selon le patriarche du hameau d’Anbdour :

« Sidi Bou Othmane est lui – même originaire de Sous. Il était arrivé ici où on l’a enterré il y a si longtemps de cela. Quelques trois cent ans. En vérité, personne ne se souvient plus de son arrivée ici. C’est lui qui aurait fondé ce moussem ; le sien. Vers la mi – septembre, on y plante les tentes des cafetiers et des marchands. On  y vend ovins, bovins, raisins, beignets, ferronneries et ustensiles. Le deuxième jour est marqué par la vente des ânes, des mulets et autres bêtes de somme, »

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C’est le saint protecteur des musiciens qui avait d’ailleurs donné son nom à leur hameau escarpé d’Anbdour:« Au départ les gens d’Anbdour habitaient au douar Ajmani. C’était du temps des caïds, bien avant l’arrivée des Français, raconte Si Mokhtar. Ils ont déménagé ensuite dans cette citadelle imprenable qui ressemble à un bateau. Nos aïeuls avaient choisi d’habiter ici pour s’isoler de l’ennemi et des crues. Ce Babor, ce vaisseau, était inaccessible à l’ennemi et à ses chevaux qui pouvaient venir du caroubier d'en face.  C’est Sidi Ahmad Ou Moussa qui l’avait surnommé « anbdou » (on commence) . En arrivant du Sous jusqu’ici, après avoir traverser à pied le Haut – Atlas, il a dit : « bismi Allah nabdou » (Au nom d’Allah, commençons !). C’est par ici, que nous commençons avait dit le saint homme de Sous. C’est pour cela qu’on appelle ici « Anbdou » auquel on ajouté un « r » ce qui a donné « Anddour » ».Le lieu du commencement, de la commémoration,  où tout avait commencé. Il  fait penser au  Babor, ce vaisseau mythique qui aurait échoué dans cette rivière d’or ! Une citadelle inaccessible aussi bien à la rivière en crue qu’aux chevaux de l’ennemi qui pouvaient surgir inopinément depuis ce vieux caroubier d’en face.
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Tout le long de l’oued, qui dévale de l’Atlas vers la plaine, avec ses galets bordés de lauriers rose s’égrènent les hameaux et les douars de l’ assif el Mal, la rivière de la providence ou « rivière d’or » . En amont, de l’oued souvent desséché mais dont les crues peuvent être brusques et violentes, la fraction Mejjad qui s’étend jusqu’aux douars Aït Abaïd et Tifratine. Vient ensuite Anbdour le hameau – citadelle à l’allure de vaisseau à mi distance entre les  douars de Timlil et Imi N’ighzer (le seuil des inondations). Toujours en suivant ainsi le cours d’eau, on aboutit au douar Taskourt ( la perdrix) et finalement à l’embouchure où se tient chaque année le moussem de Sidi Bou Othmane, qui connaît une grande affluence.

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Au moussem de Sidi Bou Othman, se souvient notre patriarche, se tenait la fantasia. Les tambourinaires prenaient les devants, suivis des chevaux de la fantasia :

«  Je jouais de la tara. J’étais encore jeune et je portais des lunettes. Mon père que Dieu ait son âme, me voyant ainsi  me fit cette prière :

- Ô mon Dieu ! Accordez – lui son gagne pain de la musique ! Ainsi d’ailleurs qu'à sa descendance !

C’est pour cette raison que nous sommes tous des musiciens dans ce village ! Cette prière avait décidé de notre sort. »

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De quoi est fait le tambour à cadre et à peau unique qu’on appelle tara en arabe, iqarqab à assif el Mal et partout ailleurs en Atlas, allûn ou taguenza ? Il est confectionné par un maâlem , un artisan spécialisé à Sidi Bou Othmane. Il fait sécher le bois au soleil puis l’arrondi à un moule qu’on appelle tamrrayt. Il le perse ensuite d’un trou et le recouvre d’une membrane faite de boyaux de bouc. Une fois déseché, il obtient ainsi la tonalité suraiguë recherchée. L’autre instrument de musique indispensable est la flûte appelée aouada. Pour émettre des sons aiguë, elle est confectionnée dans un roseau femelle Car le roseau est mâle et femelle. La flûte oblique dont il s’agit est percée de sept trous. Son accord ressemble à celui du rebab. Elle donne un air qu’on appelle « âsra Gnaouia » : c’est la gamme pentatonique.

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Les femmes autant que les hommes savent improviser les refrains au milieu de l’ahouch : au fur et à mesure que le rythme chauffe, que la compétition s’active ; leur créativité poétique s’aiguise. Et si le troubadour de Sous emprunte les sentiers solitaires et tracés d’avance ; l’improvisation poétique des danses montagnardes explore dans toutes les directions, des territoires inconnus. Au milieu de l’ahouach, la parole poétique fuse de partout, fruit imprévu de l’improvisation, de la compétition et du dialogue. Comme la rivière d’assif el Mal , elle est tantôt desséchée , tantôt en crue, mais toujours le produit de sources à la fois multiples et disparates. On reconnaît le refrain du terroir à son style comme l’apiculteur reconnaît à son parfum à quelle fleur de mars les abeilles avaient butiné leur miel. Le n’dam, poésie, n’est pas limité à assif el Mal et aux Mzoda, mais se trouve disséminé à travers toutes les montagnes du Haut – Atlas. Il y a même certaines poétesses virtuoses chez les Glaoua. Quand l’ ahouach est là, le n’dam, n’est pas loin. Abdelkader Mana

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21:34 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique, haut-atlas | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

26/08/2010

Le joueur de clarinette ...

B O U G H A N I M[i]

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Le bouffon du Haut – Atlas Central

 

« J'ai toujours été un homme roseau. Frêle et délicat. Solidement enraciné dans mon terreau et résistant aux vents. Tous les vents. Philosophiques, religieux, poétiques. Je ne ploie pas, je plie. Puis je me redresse, comme le dit un midrash. »Bouganim Ami

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Aux premières approches du printemps, lorsque la température se fait plus douce, que les cols de l’Atlas sont débarrassés de leur neige et que les troupeaux bien nourris donnent un lait abandon ; des troupes ambulantes de poètes berbères descendent des montagnes vers la plaine. La troupe se compose d’un Boughanim, ou l’homme à la flûte , le joueur de clarinette, le musicien, le bouffon, le baladin qui représente dans la troupe l’élément comique et de deux imdyazen , poètes ambulants sachant se servir habilement du tambourin à peau unique. Le répertoire des aèdes imadyazen est intimement lié par son contenu à la vie agricole et pastorale. Voici donc nos aèdes près à partir : ils se renseignent sur l’état des cols, sur les chutes de neige dans le grand et le moyen Atlas, sur le retour des transhumants en montagne. Si les nouvelles sont bonnes , ils se mettent en route. Ce sont finalement les poètes – musiciens, avec leurs déambulations voyageuses qui unifient culturellement les tribus Berbères. Car souvent, l’itinéraire de leurs tournées transcende l’univers linguistique local.
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Boughanim , homme au roseau joue d’une clarinette double en roseau ; aghanim, qu’il utilise pour la danse mais aussi comme instrument d’appel. En se rendant sur la place du village , il signale sa présence ainsi que celle de ses compagnons aux gens du village et les invite à se rassembler . Les imdyazen qui l’accompagnent sont à la fois poètes et musiciens. Ils sont itinérants au sens stricte du mot. A l’approche d’un douar, ils se préparent ; ils se costument. Ces voyageurs se transforment alors en comédiens.

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Aouryl désignant la double flûte de roseau:

-  Ceci est aghanim.

Désignant la flûte ordinaire :

- Cette autre flûte est dénommée tagmoud, en berbère.

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Enfin se désignant lui-même il ajoute :

- Je suis bou-ghanim, celui qui joue d’aghanim en conduisant son troupeau en haut de la montagne.. Mon père jouait de la grande et de la petite flûte pour conduire le troupeau mais aussi aux fêtes de mariage. Une tradition transmise de génération en génération. Tadla et Azilal sont connues par aghanim, tout particulièrement les Aït Bouguemmez. L’été, nous allons d’un douar à l’autre : après les Aït Bouguemmez,on entame les Aït Abbas puis Aït Bouilli, waouizeght, zaouit cheikh. Les gens s’attroupent autour de nous. Boughanim est le symbole de nos fêtes. Nous avons une maison en plaine et une autre au mont Azurki. L’hiver on habite la plaine et l’été notre gîte de montagne.

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Les Berbères de l’Atlas central sont essentiellement des pasteurs. Mais ils possèdent aussi des terres de culture bour et irriguées où sont fixés leurs villages ou leurs tighremt. Partout où il neige , la vie devient impossible en hiver. Les montagnards descendent alors dans la zone plus basse de l’azaghar. La plaine. i2.JPG

Voici nos deux imdyazen au souk hebdomadaire du vendredi des Aït Bouguemmez. Ils utilisent deux langues : au souk , la langue d’usage, c’est le tachelhit de Sous. Aux fêtes , c’est plutôt  le tamazight qui constitue la langue de culture, comme nous l’explique l’imdyaz des Aït Abbas:

« Notre parler relève à la fois du tamazight de zayan et du tachelhit de Sous.Car nous vivons dans une région charnière située entre les Zayan et le Sous. Au souk nous parlons le tachelhit de Sous et aux fêtes nous adoptons le tamazight Zayan. »

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Les deux principales danses de l’Atlas sont l’ahidus et l’ahouach. A l’Est et au Nord de l’Atlas, c’est le pays de l’ahidus. A l’Ouest et au Sud, c’est le pays de l’ahouach. Ahouach et ahidus ne sont que deux des nombreuses formes musicales connues par les Berbères de la montagne. Ahidus et ahouach ont en commun d’être une musique de village chantée par des chœurs accompagnée par une batterie de tambours sur cadre et de claquement de mains. C’est sans doute sur le plan mélodique que se différencie plus nettement l’ahidus de l’ahouach : les mélodies de l’ahouach sont très généralement pentatoniques , celle de l’ahidus sont fréquemment composées de petits intervalles s’inscrivant dans un ambitus plutôt étroit .Ouissaâdan, chef de troupe Ahidus : « l’aire d’ahidus s’étend d’Azilal à khénifra en passant par les Aït Bouzid et les Aït Chokhman. C’est le même ahidus que celui des Aït Atta . De Damnate et au-delà en direction du sud, c’est le domaine de l’ahouach dans le Sous. C’est un rythme à part par rapport à celui d’Azilal de ce côté – ci. »

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C’est en tamazight que nos  imdyazen composent leurs poèmes :

« Mon père et mon oncle étaient des anchad (chansonniers) . C’est aux fêtes de mariage que j’ai commencé moi-même à composer. C’est de cette manière que j’ai appris à composer mes poèmes. On y évoque les évènements de ce monde. Des légendes. Celle d’Adam, des Prophètes Joseph et Job ainsi que l’histoire de cet apprenti de l’école coranique. On évoque le passé proche et lointain. »

Parmi les légendes religieuses introduites par les demi lettrés, figurent en effet l’histoire d’Adam et  celle de Job dont il circule des récits poétiques dans tous l’Atlas. Ces récits sont véhiculés à la fois par les trouvères chleuhs et les imdyazen amazighs. Il s’agit de sorte de chansons – récits , cantilènes , qui appartiennent au genre poème d’édification traditionnelles, des hadiths dont la matière est tirée des livres sacrés ou des commentaires pieux. Le drame raconte l’histoire d’Adam et d’Eve jusqu’à leur expulsion du paradis et leur chute. Le diable tenta Adam en lui disant :

-  Adam ! T’indiquerais- je l’arbre de l’éternité et un Royaume impérissable ?!

Tous deux, Adam et Eve en mangèrent. Adam désobéit ainsi à son Seigneur et s’égara . Cet égarement atteindra finalement la descendance d’Adam composée des trois religions monothéistes qui, depuis lors, n’ont pas cessé de faire la guerre au lieu de faire la paix. Depuis cette chute originelle l’homme n’a pas cessé de vivre la nostalgie des origines : celle du paradis perdu.

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Chaque année, ils empruntent un itinéraire traditionnel qui leur fait visiter les principales tribus de la montagne : les  hauts alpages d’Azurki où se retrouvent les transhumants  Aït Abdellah , Aït Abbas et  Aït Bouguemmez que nous avons visité mais aussi les Aït Bouilli . Souvent ces groupes portent le nom de leur propre montagne : le Ghat couvert de neige est le mont des Aït Bouilli. L’autre mont enneigé est celui des Aït Bouguemmez et plus loin encore celui des Aït M’gun. C’est parmi ces cimes enneigées que se trouve la zaouia d’Ahançal, sanctuaire du haut Atlas Central par excellence.

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Ighrem, la construction la plus emblématique du haut Atlas Central est destinée à servir à la fois d’abris aux habitants et de grenier fortifié pour les grains et les provisions. Car les transhumants n’emportent dans leur déplacement hivernal que la plus faible partie de leur récolte. Telle est la raison de ces innombrables ighrem que les tribus du Haut Atlas central ont défendu avec opiniâtreté à chaque avance des Français. En Haut Atlas central , ighrem désigne une enceinte carrée , bastionnée, aux ongles des tours basses enserrant une grande tour. Nous avons visité l’ ighrem du douar Bernat qui  appartient au caïd  Mah de la tribu Aït M’hamed . Lorsque la troupe est arrivée au pied d’ighrem , boughanim, s’est mis à vanter les qualités et la générosité du maître des lieux,  le caïd Mah . Et le barde d’ajouter celui de la théière :

Nous sommes arrivés chez le guerrier

Qui a fait son devoir le jour du combat

Comme le jour où les trouvères lui demandent l’hospitalité

Hommage à celui qui nous offre le thé !

Le premier verre écarte les soucis

Et le monde m’apparu autrement.

C’est la théière que je chante

Les verres de cristal, beaux comme un groupe de jeunes

D’où nous viens-tu, ce thé inconnu des cultivateurs ?

Mes avis,il vient du Gharb où le chrétien a fait son apparition.

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Lahcen Aouryl,le boughanim des Aït Bouguemmez nous raconte :

« Cette qasida parle d’un brave homme qui était notre caïd nous autres les Aït Bouguemmez et les Aït M’hamed. C’est lui qui a dit aux colonisateurs :

Il nous faut notre indépendance !Nous avons notre Roi et ceci est notre peuple. Vous êtes arrivés la veste sur les épaules, vous partirez la veste sur les épaules ! Vous n’avez rien apporter, vous n’emporterez rien ! »

Il est rare qu’un berbère renvoie les imdyazen sans rien. A le faire, il risquerait de se voir bafouer dans leurs champs. On en a vu promener par les marchés, une tortue au bout d’un bâton en criant à la foule amusée :

« Voici le beau mouton qu’un tel le généreux a égorgé à notre honneur. »

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Chaque groupe domestique est à la fois cultivateur  et pasteur. Activité agricole et activité pastorale ne sont pas seulement complémentaires : elles sont indissociables. La pratique de l’agriculture est intensive et s’effectue sur des terres privées, tandis que l’élevage des ovins et des caprins est extensif et se pratique sur les parcours collectifs.
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Transhumant du Haut Atlas central :

« Nous autres amazigh, au temps des labours on donne du fourrage à nos troupeaux et au mois de mars , on les emmène paître en montagne. Que ce soit nous les Aït M’hamed ou les Aït Bouguemmez, les gens du Sahara (les Aït Atta), de Warzazate, de Tinghir ; on se retrouve tous aux alpages d’Azurki. Certains plantent des tentes en toile, d’autres en palmier – nain ou vivent sous les huttes de branchage. On reste en haute montagne du mois de mai au mois d’août puis on retourne en plaine avec la saison des pluies. Ceux qui sont très loin de chez eux reviennent en camions, les autres à pied. On commence alors à engraisser le troupeau dans les écuries. »

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Transhumant des environs de kasba Tadla :

« Au mois d’octobre on vient du haut- Atlas pour transhumer ici. On y garde notre troupeau en pâturage pendant tout le printemps et au mois de juin on revient à la maison de haute montagne pour y pratiquer la veine pâture après la moisson. Car, en cette période, le manque d’eau commence à nous poser problème ici. C’est en cela que consiste notre vie ; l’élevage principalement et un peu d’agriculture. Les Berbères pratiquent aussi la transhumance : ils montent en montagne avec leur troupeau aux mois de décembre – janvier et y restent jusqu’aux mois d’août – septembre. Après quoi ils reviennent à leur azib (alpage). Le temps devient alors plus sec et l’herbage se fait plus rare dans les montagnes et les vallées en raison de la neige. ». Après la période des moissons, les troupeaux quittent leurs hauts alpages pour revenir vers la veine pâture de la plaine.

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La stratégie militaire de la colonisation Française consistait à bloquer ce va et vient circulaire entre la montagne et la plaine en empêchant les pasteurs – nomades de descendre en hiver des zones d’alpage vers l’azaghar. Tandis que l’armée Française occupait l’azaghar, les pasteurs – nomades se réfugiaient avec leur troupeau  dans le Haut Atlas. Les moutons moururent par centaine durant le rigoureux hiver 1922 – 1923. Des poèmes d’imdyazen livrent ainsi un aperçu fascinant de ces tribus de haute montagne qui ne seront entamés par l’avance Française que 30 ans plus tard :

S’il ne sait mettre baïonnettes au canon

Affectons-le donc à la garde des moutons

Le Haut – Atlas central, la partie de la montagne de la région d’Azilal , se situe à cheval sur le moyen et haut Atlas. La plus haute altitude est de 4071 m. Le contacte heurté de la plaine et de la montagne constitue ce qu’on appelle le dir ou piedmont. Si les colons ont pu conquérir la plaine de Tadla et y implanter de somptueuses fermes, ce ne fut pas le cas de la montagne où vivent des montagnards passionnément attachés à leur indépendance et à leur terre. Il a fallu aux Français vingt ans d’opérations militaires pour assurer la pacification de l’Atlas Central.

 

Abdelkader MANA

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[i] Boughanim signifie joueur de clarinette double en roseau. ...

23:50 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : musique, haut-atlas | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

20/08/2010

Haut - Atlas

G l a o u a, le pays montagneux

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Tisseuses d’Iswal, scène homérique du Maroc éternel !

Frère, suit ton chemin

Il finira bien par te mener quelque part

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Tel est le refrain que répètent des musiciens ambulants à travers les allées et les étales de had zerkten, le principal souk hebdomadaire vers lequel convergent chaque dimanche toutes les tribus montagnardes environnantes qui font aussi leur marché à telwet qui est le véritable cœur du pays Glaoua. Ces musiciens ambulants s’inspirent dans leurs chants des dires d’Andam ou Adrar, le compositeur mythique des montagnes du Haut – Atlas. Ici, on croit que les arts musicaux  et poétiques sont un don qu’on reçoit après une nuit d’incubation à l’enceinte sacrée de certains saints. C’est le cas du vieux troubadour d’ Iswal qui nous fit don de ce poème :

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On festoie à la citadelle

Une fête que personne ne pourra oublier

Soit heureux ô pied qui avance pour danser la mesure

Soit heureuse ô main qui se saisit du tambourin

Azaghar est illuminé de toutes les lumières

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Ces montagnes sont pour nous la paix

Ces montagnes sont pour nous l’eau

On y trouve les troupeaux de gazelles

On y trouve l’olivier, l’amandier,

On y trouve les moulins à eau

On t’y trouve toi aussi ô rivière !

On y trouve les hommes hospitaliers et les ahwach prestigieux

C’est à la fois le sel des jours, des hommes et des choses.

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Avant que le chant ne s’épanouisse pleinement lors des fêtes annuelles, c’est en vaquant aux travaux des champs et de la vie quotidienne ; tisser, moudre, puiser l’eau ou ramasser le bois de chauffage que dès leur jeune âge, les jeunes filles apprennent le chant des femmes, leurs aînées et initiatrices. Autrefois c’est l’époque du tissage  que peu de femmes pratiquent encore de nos jours : vêtements et couvertures devaient être terminés avant le grand froid. Tisseuses d’Iswal, scène homérique du Maroc éternel !

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Tambour de feu, tambour d’Afrique en pays berbère…

Contrairement à l’ahouach des autres tribus masmoda , celui du pays Glaoua ne se limite pas au tambour sur cadre qu’on appelle taguenza ou allûn , mais y associe également le tambour haoussa à deux peaux, qu’on appelle ici comme à l’oued Noun au Sahara , « Ganga », probablement introduit au pays Glaoua par les esclaves noirs des grands caïds. Le métissage biologique et culturel explique pourquoi l’ahouach des Glaoua est l’un des plus complexes et des plus beaux au Haut – Atlas. Celui d’Iswal diffère grandement de celui de Tisakh Ighi, même si les deux fractions appartiennent à la même tribu Glaoua. Mais au – delà des différences locales inéluctables par où se manifeste le particularisme tribal, c’est ce caractère en quelque sorte sacré qui confère à cette danse berbère son unité foncière :  La même ronde circulaire ou allongée , serrés épaule contre épaule, le même balancement , le même geste menu et précis , réglé selon un rythme à la fois souple et rigoureux, la même mélopée suraiguë, la même batterie savante et impérieuse. Les préliminaires commencent lentement avec les percussions taguenza. Ce tambour sur cadre reste l’instrument principal ; celui sur lequel on exerce sa virtuosité. L’instrument de la fête par excellence. Les mots berbères les plus communément employés dans toute la montagne pour le désigner ce  sont allûn ou taguenza.

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Cette montagne si lourde et somptueuse est dépourvue de forêts ; son austérité et sa nudité lui confère pourtant une grandeur sauvage. Les chleuhs l’appellent « adrar n’deren » (la montagne des montagnes). Ce massif est attirant par sa beauté rude. Ici, la montagne est si haute qu’elle touche les nuages venues de l’océan si proche et qu’elle est couverte de neige une partie de l’année. Montagne aride, montagne humide, montagne froide. Les douars d’ Iswal s’y cramponnent pourtant, profitant du peu de terre arables qui reste au fond des vallées profondes et au bord des cours d’eau. Iswal est une  fraction qui se compose de neuf douars. Mais seuls trois d’entre eux ont participé à la fête saisonnière à laquelle nous avons assisté : celui de titoula, où a eu lieu le tournage,  celui d’anamer et celui de taâyat. On s’est dirigé ensuite vers la fraction de tisakht Ighi qui se caractérise par la présence d’un saint judéo - berbère, Moulay Ighi, dont le sanctuaire fait l’objet chaque année d’une hiloula , pèlerinage auquel participe la diaspora juive d’origine berbère.

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En automne, après les fêtes familiales tels les mariages, les femmes vont chercher du bois qu’elles entreposent pour l’hiver. Elles doivent prévoir et accumuler des réserves comme témoigne dans un arabe approximatif cet habitant de haute montagne : « Quand il ne reste plus que dix jours à l’automne pour finir, en prévision de la période du grand froid de l’hiver, les femmes  stockent de l’herbe sèche pour les bêtes et récolent le navet qui une fois séché sur les terrasses et réduit en poudre servira de condiment pour le couscous. Il tombe ici jusqu’à deux mètres de neige. C’est la période où les villages sont entièrement isolés par la neige. Les femmes montent sur les terrassent et balaient la neige pour que l’eau ne s’infiltre pas à l’intérieur des maisons. »

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Contraste brutal entre des sommets et des crêtes à l’imposante majesté et des vallées étroites et profondes. Les montagnes sont tantôt dénudées et austères tantôts recouverts de pins d’Alep associé au chêne vert au thuya et au genévrier rouge. Un pays difficile d’accès où les pistes muletières l’emportent largement sur les pistes carrossables qui sont une réalité récente due largement au système d’entraide collective connu sous le nom de tuiza .  Le peu de terres arables qui reste en flanc de montagne et au bord des cours d’eau est cultivé en terrasse. Au bord de l’oued Ghdat, on sème l’ail,l’ognon, le navet en plus des céréales. Le moindre espace est exploité y compris parmi les galets de la rivière, lorsque celle-ci est desséchée. Le douar tighwine où a lieu la fête saisonnière, organisée pour le tournage de « la musique dans la vie », se situe sur la rive gauche de l’oued Ghdat, un alluvion de l’oued Tensift, alimenté par de nombreux cours d’eau qui descendent principalement d’ adrar n’gourent (la grande montagne) qui culmine à plus de 3000 m. d’altitude.

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Chez les Glaoua , le col de Tizi n’Telouet est le passage obligé au Haut – Atlas pour les caravaniers et les marchands. C’est en prélevant une dîme de passage sur les marchandises que le caïdalisme s’est développé chez les Glaoua.  Leur puissance prenait sa source d’abord du contrôle des échanges marchands qui transitaient par les cols . La fameuse route de l’or et du sel qui reliait par delà le Haut – Atlas, le Sahara au sud aux rivages de la Méditerranée au nord.

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Au XIXème siècle  habituellement le caïd du Makhzen était choisi chez les tribus zamran ou  sraghna. Chaque année ce chef de tribu guich rassemblait ses contingents et dépassait par Telouet, où le père de Sidi Madani Glaoui, n’était alors qu’un petit cheikh de montagne semblable aux autres, puis il descendait vers le Warzazate, Taznakht et le zegmouzen en suivant ces vallées, chez les petits amghars dont les maisons jalonnaient cette « voie Makhzen ». En 1914, les Français s’appuient sur le Glaoui  ainsi que les autres seigneurs de l’Atlas – les caïds Mtouggi et Goundafi – pour soumettre les tribus du Sud. A son avènement Thami el Glaoui garde sous son autorité quelques tribus du Sud, mais surtout, sur le versant nord, les Zamran et les Mesfiwa où il s’implante solidement en prenant les meilleurs terres dont il expulse les habitants. Lors du séquestre de 1958, ses propriétés rurales immatriculées dans le seul Haouz, couvraient une superficie totale de 11.400 hectares irrigués. Sa famille possédait plus de 16000 hectares et le clan 25000 hectares. Ne sont pas compris ici ; les terres non titrées, les oliviers (660 000 pieds), ni les propriétés dans les autres provinces (oued Dra et Dadès notamment). Il s’agit là de la plus grande concentration foncière connue au Maroc. La Vigie du mercredi 26 octobre 1955 titrait ainsi : « Coup de théâtre à Rabat hier après midi : Le ralliement du Glaoui au sultan ben Youssef a fait sensation. » Il a été couramment admis qu’avec lui prenait fin le régime féodal marocain. Thami el-Glaoui, est resté Pacha de Marrakech sans discontinuer de 1918 à sa mort le 12 janvier 1956, où il fut inhumé au splendide mausolée de Sidi Sliman El Jazouli, l’un des sept saints de Marrakech. Il y disposait d’ailleurs d’un palais, de style andalous – mauresque,  surnommé stiniya (littéralement la soixantaine), en raison de l’une de ses salles, dont la coupole était décorée d’un dessin géométrique comportant « soixante rayons ».

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Chez les Glaoua, l’ahouach est essentiellement mixte :la présence des femmes dans les fêtes est sans conteste primordiale, ne serait – ce que pour assurer la réussite de la danse . Dans la danse comme dans le chant les femmes occupent une place prépondérante. Elles composent un chœur complémentaire à celui des hommes et ont tout au moins sur le plan vocal, puisqu’elles ne touchent jamais au tambour ; un rôle à tenir.

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On prélude par le rythme à l’état pur : percussion de plusieurs taguenza à la fois. Puis on entame arasal :. jeu de tambour accompagnant le chant des hommes à l’unisson. On enchaîne ensuite par une ornementation dénommée tazrart : élévation des voix qui accompagnent les percussion comme des échos de bergers au fond de   la montagne, cris de joie qui vise à susciter l’enthousiasme qu’on appelle ici tahyar. Ce qui prouve s’il en est besoin que l’ahouach est une danse jubilatoire qui vise à produire l’enthousiasme et la joie et non la transe même s’il est fondé sur le même principe d’accélérando .Survient enfin le chant des femmes à l’unisson qu’on appelle tihwachine.

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Dans la poésie chantée qu’on appelle N’dam, les hommes ont un rôle prépondérant. Ce sont eux qui assurent l’improvisation poétique , devant les villageois rassemblés sur la place publique. On chante le N’dam en couvrant la bouche de son tambourin comme pour se protéger des puissances surnaturelles autant que pour mieux moduler sa voix. Un refrain montagnard, jeu de tambour, tambour de fêtes saisonnières. Voilà ce qui frappe le plus du point de vue musical au pays Glaoua que nous avons traversé à mi – chemin entre Marrakech et Warzazate ,à l’aube de cette nouvelle année agricole de 1998.

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Un pays montagneux où chaque vallée possède sa propre troupe d’ ahouach et où pourtant aucune musique d’une vallée ne ressemble à une autre.

Abdelkader Mana

21:09 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, haut-atlas | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook