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12/02/2012

J’ai choisi l’errance

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Raja Mohamed aux premiers escarpements du Haut - Atlas Occidental

Comme on disait jadis « Pline l’ancien », elle s’appelle Tihihite taqdimt(l’ancienne) . Elle réside en ce haut lieu du pays Haha qu’est Aït Daoud. Raja Mohamed, en parfait berbérophone  m’a aidé à traduire son poème sur l’errance où elle répond à l’injonction de ce clerc qui lui interdit la musique et le chant, comme au temps des Almohades ! Elle  y exprime sa révolte contre des traditions pesantes qui acculent la femme rurale aux travaux  pénibles des champs et à la seule fonction de reproduction. Elle s’insurge contre l’asservissement dépourvu de tendresse et surtout contre l’humiliation faite à la femme de vivre sous le même toit que les autres  co-épouse d’un mari polygame:

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 J’implore les miens de ne pas trop m’en vouloir

Les affres d’amour ont brisé mes os

J’implore l’indulgence des miens

Pour qu’ils ne pensent pas à mal ce que j’ai à vous dire..

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  Il y a maintenant des fous de Dieu qui vous disent :

« Il ne t’est pas permis de diffuser tes chants parmi les hommes ! »

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 J’ai choisi l’errance et la liberté

Puisque je n’ai pas trouvé le mari

Qui me couvrirait du voile de sa tendresse et de son foyer

Pour y trouver enfin repos et réconfort

Peu m’importe si je serai amener à y moudre les enclos d’épines !

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 Quand je m’endors, mon cœur s’embrase

Et quand je me réveille, je deviens folle

J’allume alors la lampe à l’huile

Et je me remets à pleurer en me disant :

« Il ne te convient pas de pleurer,

Mais si tu restes là où tu es, tu en deviendrais malade ! »

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Dieu m’est témoins, que mes intentions sont pures en revenant au pays !

Je laboure, je moissonne, je colmate les brèches sur les terrasses

Je participe au ramassage du bois, au rinçage du linge au bord de l’oued

Je sue de tous mes pores, sans jamais me plaindre de mes peines.

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 Si un jour je me marie pour devenir une mère porteuse

Je serais incapable de supporter les contrariétés des co-épouses

Il m’est préférable d’errer avec joie, sur cette terre

 Loin des soucis qui oppressent...

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 J’ai maintenant autre chose à faire

Rien ne peut plus me retenir :

Ni temps, ni argent, ni maison, ni terre

J’ai choisi l'errance et la liberté, puisque tôt ou tard la terre finira par nous avaler

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Sur la route d'Aït Daoud, le célèbre souk du miel de thym et de romarin

Raja a proposé de me conduire tôt ce vendredi 10 février 2012 au souk hebdomadaire d’Aït Daoud, pour tenter de rencontrer quelqu'un qui puisse nous introduire auprès de  Tihihite taqdimt. Mais une fois sur place on nous a appris qu’elle vit actuellement à Aït Melloul dans la banlieue d’Agadir : comme la plupart des chansonniers du pays Haha elle est ainsi attiré par Agadir qui constitue depuis de nombreuses années déjà, le cerveau musical du pays berbère..

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Aux abords d'Aït Daoud des barbelés interdisent désormais le pacage dans l'arganeraie destinée à l'industrie cosmétique en lien avec l'huile d'argan commercialisée ces dernières années à l'international...

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De nombreuses vallées demeurent inaccessibles : pour se rendre au souk, les habitants laissent leurs bêtes de somme au bord de la route  la plus proche pour prendre ensuite le taxi à l'aller comme au retour: Raja me fait remarquer qu'on aurait pu accorder la priorité à ces routes rurales qui désenclavent le pays profond, au lieu d'investir des sommes colossales pour le future TGV. Il y a  en effet, des endroits au Maroc où les gens continuent de vivre encore dans   "les cent ans de solitude" de.Garcia Marquez ...Et on ne doit la survie des ânes et autres mulets de ces parages qu'à ce retard dans le programme des routes qui devaient normalement désenclaver ce monde rural, même si le peu de routes qui existent déjà demeurent désertent et on y circule encore quasiment tout seul comme ce fut le cas en Angleterre du temps de Dickens à la fin du XIXème siècle....

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Dans cette économie montagnarde, peu monaitarisée et qui confine au troc, tout doit être soigneusement pesé: la moindre marchandise a ici une valeur d'usage et donc une valeur d'échange...

 

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Pour faire leur marché ces montagnards viennent vendre leurs poulets de ferme et leurs oeufs beldi à un dirham trente la pièce...

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Comme la plupart des montagnards nous avons acheté deux paires d'oeufs que nous avons fait faire frire à l'huile d'argane chez le cafetier rustique du coin: rien de tel pour réchauffer le corps en ces temps de frimas qu'une bonne et chaude galette de seigle trompée dans cette omelette accompagnée d'un bon thé à l'absinthe (chiba)...

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Que vend-on encore pour faire son marché? Des pépins d'argan, des amandes récoltées l'été dernier, des olives...

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Pour acquérir de la monnaie nécessaire à tout échange, le paysan vient vendre au marchand de menues quantités d'olives, de menues quantités d'amandes, de menues quantités de pépins d'argane...

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 Dans cette économie parcimonieuse d'autosubsistance montagnarde, il existe pourtant quelques "grossistes" qui se distinguent par leurs entrepots de marchandises...

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Ici s'échangent le sel et les céréales de la plaine d'avec les dattes du désert et les noix de la haute montagne..

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Les montagnards viennent surtout ici pour s'approvisionner en fruits et légumes

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Le navet est particulièrement prisé en cette période de grand froid du fait qu'il a la réputation d'être "un aliment chaud" dans toute la montagne berbère...

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Les fruits et légumes viennent tout particulièrement de la plaine de Sous et des Houara

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Les légumes de Sous

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Les agrumes des Houara

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Artisanat rural, bric à brac et pacotille

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De quoi se compose le panier du ménager rural? Car il n'y a pas de ménagère à vrai dire: la femme vient rarement faire le marché à ce souk des hommes.Il existe pourtant un souk des femmes dans le Sous.Mais dans les deux cas la mixité est bannie dans ces sociétés berbères puritaines et conservatrices...

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Dans cette société pré-capitaliste où les structures tribales restent prégnantes: on prend le temps de vivre, de discuter de tout et de rien, car le temps n'est pas encore cette denrée rare, cet l'étalon à travers lequel on évalue toute marchandise...

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Le temps de flâner sans raison apparente...

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  Le temps de peser le pour et le contre avant d'effectuer le moindre achat...

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Le temps d'acheter de l'encens pour apaiser les esprits qui hantent les seuils et les foyers.

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Ustenciles pour puiser de l'eau, rincer le linge..

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Ferronnerie et poterie

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Tagines et braseros

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Clés, haches et soufflets

 

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Charges d'âne ou chouari, tressé en palmes de palmiers-nain ou en plastique

 

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Le palmier nain(doum) pousse avec abondance sur ces montagnes et favorise ainsi la vannerie

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Recyclage de fourre tout à vendre...

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Rien ne se perd: on réutilise les boutons d'un costume détruit, les braguettes d'un pantalon déchiré, et on se sert des vieux pneux pour confectionner des sandales(boumentel) capable de résister aux pentes les plus abruptes et aux terrains les plus accidentés...

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Gros plan sur Boumentel , les sandalles les plus prisées par les montagnards...

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Marchand de portables périmés

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L'âne, l'inséparable campagnon..

Reportage photographique d'Abdelkader Mana

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11:58 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poèsie, haha, haut-atlas | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

16/10/2011

Fête du mouloud à Lalla aziza

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Le sanctuaire de lalla Aziza est gardé de toutes parts par la sombre terre des Seksawa. Le ciel à qui lève la tête , n’apparaît que circonscrit par les cimes. Le reflet noir des schistes, l’éclairage venu d’en haut, tempèrent la scène d’une grisaille vibrante. Nous sommes ici en plein centre des Seksawa, à un foyer de rayonnement et d’attraction. Chaque fête du mouloud vient sceller la connivence du groupe et des puissances invisibles. Solidarité collective, rite saisonnier , recourt  à l’au – delà se nouent sous le signe d’une héroïne d’historicité précise.

Sacrifice à lalla Aziza 

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Les Imtdan, fraction Seksawa, se composant de cinq douars, sont les desservants officiels de Lalla Aziza. Ce sont eux qui sont toujours chargé d’acheter le sacrifice de Lalla Aziza. Au Mouloud ils sacrifient une vache et au printemps une cote part d’ovins et de caprins. En effet, au premier jeudi du mois de mars du calendrier julien, ils se rendent en pèlerinage avec leurs enfants à Lalla Aziza. Là aussi, les cinq douars Imtdan font la fête. Selon les années, ils viennent avec trente cinq à cinquante têtes d’ovins et de caprins. Ils les sacrifient et font bombance pendant trois jours sur place. Une fête en partage entre les Imtdan et les habitants de Zinit. La viande est partagée en deux : on consomme une moitié sur place et on ramène l’autre moitié à la maison.On ramène par ailleurs en offrande à lalla Aziza, une cote part de toute la production agricole : maïs, amendes, noix, laine, abricot et figues sèches. 

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La vache nous l’offrons au Mouloud. C’est moi-même qui l’achète de mes propres deniers. Ce n’est qu’au matin du Mouloud qu’on me rembourse.On amène la vache sur l’ère à battre où les villageois sont bénis. C’est là qu’on se retrouve pour la quête aumônière. Chaque douar donne la somme d’argent qui lui revient. Le surplus par rapport au prix d’achat, je le garde par devers moi, pendant un an jusqu’à cette période. Avec cet argent, j’achète deux nouveaux sacrifices : l’un pour la fête patronale d’Ammern et l’autre pour la fête saisonnière qui ce célèbre avec l’équinoxe d’été.

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Quand il n’y a pas d’eau, les Oulad Bou Sbaâ, apportent le sacrifice. C’est en ce lieu qu’ils sacrifient – une affaire de bonne foi –  c’est alors que la miséricorde divine descend du ciel, c’est alors que la rivière se remet à couler...

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 Deux grands sacrifices se célèbrent à Lalla Aziza. L’un s’insère dans un calendrier naturiste déjà ouvert par toutes les perceptions de prémices, et dont il est en quelque sorte l’acte culminant. On l’appelle généralement tigharsiwin, « les immolations », et il a lieu le 15 de yulyuz, le juillet du calendrier julien. L’autre coïncide avec la nativité du Prophète, ce Mouloud dont l’institution au Maroc , et la généralisation systématique par les Mérinides vers le 15ème siècle, envahit peu à peu toute l’Afrique du Nord, et devint le support orthodoxe d’une foule de rites orgiaques.Au Mouloud, la victime est une vache, offerte par les Imt’ddan. Le victimaire est fournit traditionnellement par la famille des aït Baqqa de Tagounit(Imt’ddan). Suit l’interview du victimaire chargé d’acheter la vache.C’est aussi cette taqbilt qui fournit les flagellants.

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La procession part d’aval, sous la mosquée, en entonnant une litanie prophétique : « en ton honneur, Moh’ammed ! C’est le Prophète que nous mettons à nôtre tête ! »

La victime est menée, le sacrifiant la tenant par la corne gauche, un poignard nu dans la droite, jusqu’à une aire sous « la maison de Lalla Aziza ». La maison a une cour interne, et une chambre haute ouverte en loggia. Les femmes sont assemblées sur les terrasses avoisinantes. Le tout infiniment bariolé.Des gens armés de triques précèdent de peu la vache. Ils lui font face, hurlant et brandissant bâtons nus ou rameaux d’olivier.

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La victime est menée, le sacrifiant la tenant par la corne gauche, un poignard nu dans la droite, jusqu’à une aire sous « la maison de Lalla Aziza »

A l’arrivée de la vache une vieille l’a baisée entre les deux cornes. Dés que le sang jaillit, c’est la ruée : l’un en remplit une bouteille, l’autre s’en barbouille la figure, beaucoup les yeux. Simultanément sont égorgés deux moutons, l’un offert par Asettif, l’autre par Wanchkrir. Le degré de l’émotion, sensible dés le début, devient alors extrême. L’excitation parvient à son comble.

 Le victimaire égorge la bête. Si celle- ci se lève dans un sursaut, bon présage. Cris, youyou et confusion parmi laquelle un marabout d’Asttif dit la fath’a , tandis que la victime est écorchée. Elle disparaît sous une grappe hurlante de fidèles qui se précipitent sous les coups pour arracher,à la main ou au couteau, du poile, de la viande.

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 Le paroxysme effectif résulte évidemment de la violence avec laquelle les fidèles déchiquètent et s’entr’arrachent la victime sous les coups. 

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      La première interprétation, celle du cru, est naturellement rationaliste et pudique : les gens expieraient leurs pêchés par la mortification des coups de bâtons. Mais il est plus exact de mettre ce rite en rapport avec tant d’autres rites agraires comportant luttes ou violence. La flagellation est souvent liée à la notion de bouc émissaire, à rapprocher de cette description de rite égyptien antique :

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 haut-atlas,musique « À la nuit, des milliers de personnes, armés de bâtons, veillent autour du temple ; les uns veulent empêcher qu’on réintègre dans son naos une statue de dieu...les autres veulent au contraire, faciliter l’entrée du dieu. Les acteurs qui sont sous le portique, refusent l’accès du temple ; la foule accourant au secours du dieu ; les frappe ; ils se défendent ; un violent combat à coups de bâtons s’ensuit, et maintes têtes est fracassée. »

La flagellation est liée aux notions de bouc émissaire et de purification.

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 Non loin, dans l’Atlas, à Moulay Brahim près d’Asni, une chamelle est pareillement égorgée et dépecée par les fidèles qui s’ent’arrachent sa chaire sous les coups. La tête de l’animal est ravie et disputée à la course par deux partis rivaux.

L’animal, enfin dépecé, est mis à cuire dans les grosses marmites qu’abrite la maison de Lalla Aziza. Dans une pièce attendent, luttées au dessus d’un four sommaire, quatre grosses marmites. C’est là que cuiront les morceaux de la victime.haut-atlas,musique

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« La maison de Lalla Aziza ». a une cour interne, et une chambre haute ouverte en loggia

 Répartis en fragments, il sera emporté de tout côtés par les assistants.  Un seul morceau suffisant pour conférer l’effluve bénéfique à tout le plat.L’aspect communiel que suggère la répartition de viande, éclate ici dans toute sa chaleur. Les Imt’ddan sont les desservants par excellence de lalla Aziza. Chaque foyer lui doit la première panerée de produits agricoles, à l’enlèvement de l’air(céréales) ou du tas(fruit). Ces offrandes prémicielles sont portés en pompe à Z’init’ le premier jeudi de mars ; c’est ce qu’on appelle une çadaqa, mais elle donne aussi lieu, avec les gens de Z’init’, à une tinubga. Les relations entre ces deux groupes sont en effet complexes : relations de coopération religieuses réglés jusque dans le détail. Si les Imt’ddan fournissent la viande pour le banquet, les gens de Z’init’ fournissent le pain. Le fait a même donné lieu à une légende étiologique : 

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Chacun apporte une barattée de beurre . le pain au blé tendre et à base d’orge est déposé au magasin de la maison de lalla Aziza où a lieu la cuisson de la viande dans des marmittes en terre cuite : la viande est mélangée au barattées de beurre lors de la cuisson. Le gras est recherché pour faire face au frimas de la haute montagne mais sans risque pour la santé pour des gens habituer à tout brûler en escaladant quotidiennement des pentes abruptes....

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  Au cours d’une expédition en haut Guedmiwa, les Seksawa se trouvèrent un jour en péril. Encerclés par l’adversaire, ils ne pouvaient plus espérer de secours. L’un d’eux eut l’idée de vouer à Lalla Aziza, pou le cas où il réchapperait, une rente de deux pains au jour du sacrifice. Aussitôt une nuée profonde, accompagnée d’averses et de tonnerre, se jeta entre les combattants, et abrita la fuite des Seksawa. C’est la raison pour laquelle les gens de Z’init’, le jour du sacrifice, donnent désormais 24 pains chacun, au lieu de 22 comme devant. Rythme et phases du sacré : ces renouements périodiques marqués par bombances, pompes, et sacrifices.

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Ce nom de Z’init’ est curieux. On l’explique localement par un impératif, « se quereller, se disputer ». Il y a deux querelles dans la liturgie de la sainte : une querelle légendaire autour de son corps, selon un thème hagiologique courant ; et les coups prodigués au sacrifice du Mouloud. 

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 Symbole d'abondante et de prospèrité pastorale,du beurre et de la viande à profusion 

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A "la maison de Lalla Aziza" ce sont les hommes qui s'occupent de la cuisson et de la répartition 

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Malgré l’atmosphère de transe, un schème cultuel se laisse, on l’a vu, reconnaître. Il appartient à une famille des Imt’ddan, si proche de la sainte, à qui ils attribuent, entre autres miracles la répartition des sources entre leurs villages.En somme le Mouloud de Z’init’ ressortit, avec une netteté et une richesse exceptionnelle à ces rites par lesquels les sociétés rurales opèrent une série ininterrompue de concentrations et de diffusions du sacré, dans le but d’assurer la continuation de la vie des choses, et de serrer les rapports de cette vie avec celle du groupe. Le patronage du Prophète justifiant , dans une intense débauche extatique, un vieux rite à la fois agraire, expiatoire et communiel.

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L’animal, enfin dépecé, est mis à cuire dans les grosses marmites qu’abrite la maison de Lalla Aziza. Dans une pièce attendent, luttées au dessus d’un four sommaire, quatre grosses marmites. C’est là que cuiront les morceaux de la victime.

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Répartis en fragments, il sera emporté de tout côtés par les assistants.  Un seul morceau suffisant pour conférer l’effluve bénéfique à tout le plat.

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L’aspect communiel que suggère la répartition de viande, éclate ici dans toute sa chaleur.

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 La dispute du Mouloud est mise en rapport, avec le nom même du lieu : Z’init’ qui veut dire « querellez vous ». Le rite lui-même n’est qu’un commentaire liturgique du nom. Si l’on met en relation un trait légendaire, celui de la rivalité pour le corps de la sainte, avec un trait rituel, la dispute pour le corps dela victime, une possibilité d’assimilation, toute classique, entre l’un est l’autre corps, vient à l’esprit. Cela entraînerait l’explication dans une atmosphère très antique. Elle aura le mérite d’achever de déployer les virtualités du rite, et son ample résonance religieuse, d’une richesse inusité au Maghreb.                                       

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     Visitant les Seksawa au premier quart du 16ème siècle Léon l’Africain écrit :

« Secsiya est une montagne fort sauvage, haute et revêtue de grands boys, là où sourdent plusieurs fontaines, et pleins de neiges, au moyen de quoy la froidure n’y fault jamais : et ont coutume les habitants d’icelle de porter en la teste certaines perruques blanches. Là prend son origine la fleuve Assifilmal où se trouvent plusieurs cavernes larges et profondes où ils ont coutume de tenir leur bétail trois mois de l’années, qui sont novembre, décembre et janvier, avec du foin, quelques feuilles et ramées de grands arbres. S’ils veulent avoir des vivres, il faut qu’ils en pourchassent aux autres prochaines montagnes, pour ce que cette ci ne produit aucune chose. En la saison de primevère , ils ont du lait et beurre et fromage, et sont gens qui vivent longuement, parvenant jusqu’à l’âge de quatre – vingt et cent ans, avec une vieillesse robuste et totalement délivrée des mille et mille incommodités qui accompagnent les anciens, et jusqu’à tant que la mort les vienne surprendre, ils ne cessent de suivre les troupeaux des bêtes sans jamais voir passer, ni avoir la connaissance de personne que ce soit. Ils ne portent jamais de souliers, mais seulement quelque chose sous le pied qui les garde de l’âpreté et rudesse des pierres et graviers, avec certaines pièces entortillées autour de la jambe et gros bourres qui défendent de la neige. » 

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 La première mention des Seksawa remonte à l’époque Almohade(12ème siècle), qui est la grande expansion mystique et guerrière des berbères du Haut Atlas. Il s’agit d’un haut lieu des Masmoda qui s’étend au pied du mont Tichka. Le nom du plateau de Tichka se ramène, comme le pense E. Laoust, au sens de « haut pâturage de montagne, alpage » . Le Tichka se compose d’une série de plateaux, de plans étagés et échelonnés : le N’fis, l’Assif el Mal, le Seksawa, naissent de ces paliers. Au dessus du dernier village Seksawa, Targa Ufella(la rigole suprême), les ravins charrient d’énormes blocs d’un classique granite, dit de « pierre du Tichka »(azrû-n’Tichka), et que l’on emploi à la fabrication des meules. L’éboulis se reconnaît jusqu’au bas du village d’Alus

De ces hauts pâquis, la propriété éminente a été reconnue aux Seksawa. Ce sont eux qui ouvrent la campagne  de pacage. Ce haut lieu géographique et pastoral est aussi un haut lieu de l’histoire berbère, à mettre en rapport avec les fastes Almohades. Pour Robert Montagne « le cœur dela Berbérie,  ne bât donc pas à Tinmel. C’est au Tichka, dans la sainte vallée de lalla Aziza, ou encore dans les hauts villages perdus des Ida Ou Msatog, que des hommes courageux, aidés par le génie de l’adrar n’deren, ont veillé, jusqu’à ces dernières années, à sauvegarder le patrimoine berbère. »haut-atlas,musique

Les gens de Zinit ont plusieurs types d’Ahouach. Car on y vient aussi bien des tribus qui rythment leur Ahouach à la main que des tribus qui rythment le leur au tambour.Nous avons l’Ahouach d’Assif ou Gadir. Nous avons l’Ahouach d’Aghbar. Et nous avons notre propre Ahouach de Lalla Aziza. En plus, nous avons Hammouda des Oulad Bou Sbaâ. C’est que nous recevons des variétés d’Ahouach à Lalla Aziza. Nous leur empreintons des séquences que nous exécutons par la suite.  

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C’est vers 1125, qu’Ibn Toumert s’installe à Tinmel, à une journée de marche au Nord – Est de Tichka. L’hégémonie des Almohades ne s’est guère soutenue qu’un demi siècle(1163-1213). Pendant un autre demi siècle, les mérinides leur disputent le Maroc, et finissent par leur arracher Marrakech(1269).

Près de cent ans après, vers le milieu du XIVème siècle, un homme de lettre hispano - musulman, vizir déchu, visite l’Atlas. C’est l’illustre « voix de la religion », lisân ad-Dîn Ibn Al Khatîb. Il va chez un émir des Hintata. Voici le témoignage du voyageur sur la montagne, au lendemain de l’épopée Almohade : 

« Ces montagnes aux fiers cimes, qui ne cèdent qu’à la majesté de Dieu, et qui furent le siège de la doctrine unitaire... « Je ne crois pas » s’écrie – t – il , « que les fleurs de l’esprit pussent ainsi jaillir des roches ». Mais la montagne « est vaincue sans blessure : elle a accepté les ravages du feu,mais non la honte... »

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 Ces vers, ces émotions vous reportent sept siècles en arrière. Et ces lointaines impressions rejoignent celles qu’inspirent encore le haut atlas : majesté du cadre, nostalgie d’un grand passé, regret sur le gaspillage insensé que fit l’histoire des hommes au « visage de lion », devenu « cette armée nombreuse à l’abandon », dont les plus valeureux sont condamnés à l’inaction et à la défaite. »

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L’impression d’Ibn Al Khatib servira de préambule à l’histoire de ce que l’on peut appeler, le grand siècle des Seksawa.On pense à l’opposition plaine/montagne. Siksawa/Chichaoua, toujours est-il que l’appartenance berbère initiale des Chichaoua est hors de doute, et que selon les historiens musulmans, il s’agit d’une ville masmodienne au même titre qu’Aghmat.Par un hasard pour nous providentiel, les Seksawa ont trouvé leur grand historien, en Ibn Khaldoune :

     « De tous les peuples Kanfîsa, le plus grand des groupements masmodiens, les Seksawa sont les plus amples. Les autres s’étaient épuisés pour le régime, à soutenir sa cause et à nouer son allégeance. Ils y avaient gaspiller les hommes, tout comme avait fait pour le leur les nations passées. Cependant les Seksawa se faisaient une place et grandissaient en nombre et ascendant parmi les Almohades. Mais de génie bédouin, ils ne leur empruntèrent pas leur luxe, non plus qu’ils ne contractèrent leurs facilités.

      Le massif qu’ils habitent fait partie du Deran . C’en est le dôme et le faîte. Il leur offre le refuge d’un château, sans pareil, hauteur aérienne, cime vertigineuse. Il touche de la main les planètes, ordonne les constellations sur son axe, reçoit dans ses pans, le choc des nuées, donne asile en ses airs à la furie des vents, à vue de ses crêtes surla Verte– Mer, recueille de son ouïe les propos du ciel, refoule de son dos le désert, hors du Sous, berce en son sein le reste de la chaîne.

    Quant à la chute des Almohades, les Mérinides eurent réduit les Masmoda, ils leur infligèrent un système d’avanie telle que de leur imposer taille et tributs. Mais tan disque les autres s’humiliaient devant la puissance, voir lui prêter la main de la soumission, nos Seksawa se retranchèrent dans leur nid d’aigle inexpugnable, qui leur permet de narguer les vainqueurs. Ils ne se commirent pas à leur service, et ne répondirent ordinairement à leurs prétentions que par révoltes et dédain. Si une troupe leur venait sus, et commença à les presser, ils s’en débarrassent par une soumission protocolaire et des cadeaux de bon vouloir.

Aït H’ adduyws : des « fils de Roi »

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     Leur chef, au plus loin que l’on puisse remonter, fut à la chute des mérinides, Haddo Ben Yousef, mémorable par l’absolutisme et le mordant. Il mourut en 1282 sous le règne de Yaqûb Ben Abd-el Haq(1269-1286). Son fils Amir – le santon actuel- marcha sur ses traces. On l’appelait Aguellid, c'est-à-dire Sultan en leur langue. Il lutta contre les rois mérinides, bien au large de son hallier et du haut de son nid d’aigle, se tint en rébellion. Des soldats de Youssef Ben Yaâkoub(1286-1307) et de son frère Abou Saïd((1310-1321), l’investirent sans venir à bout de lui.haut-atlas,musique

      Féru de science, sa mémoire entassait livres et recueils. Il pouvait réciter des chapitres entiers de droit et savait par cœur, dit-on,la Mudawana, entre autre. Amateur de philosophie, il en lisait des traités et en poursuivait les applications, en Alchimie, magie littérale ou opératoire. Curieux de législations antiques et de livres révélés, y comprisla Bible, il tenait séances avec des docteurs juifs au point de faire douter de sa confession, et d’être taxé du désir d’abjurer.

      Le Sultan Abû Al Hassan(1331 – 1351), une fois libéré de ses ennuis  avec son frère Omar, quand se furent calmer la crise du Maghreb et le désordre des provinces, lui lança une armée sur son refuge, tandis qu’il occupait militairement sa plaine et le coupait sur ses arrières des arabes du Sous, vaincus, soumis et dissociés à l’aide de gouverneurs et de postes, Abdellah dut alors recourir à une soumission protocolaire, et donner son fils en otage. Il souscrivit au don d’hommage et à un échange de présents. Cela lui fut accordé, avec, par surcroît, le visage de la faveur. »

 

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C’est « au bout du monde » qu’on se sent lorsqu’on est parvenu au dernier palier de la dernière impasse, au flanc même du Tichka. C’est le pays de « la séguia suprême », dont l’escarpement , entaillé dans le granit du vieux massif, vous mène en plein ciel, au pâquis silencieux du Tichka. Six mois de l’année, de novembre à mars, la neige le recouvre. Pendant les longs mois de l’hiver, les troupeaux du haut Seksawa transhument en plaine chez les arabes Ud Bessebâ. Outre le mouton, la richesse de ces vallées est le noyer, dont les feillages odorants, à partir de mai, font de chaque ravine un couloir de verte pénombre, en contraste violent avec les reliefs alentour, dévorés de soleil ou de frimat. 

De ce belvédère le panorama est immense : Taroudant d’un côté, la plaine de Chichaoua de l’autre, la vallée se referme sur mur : le rebord du Tichka. La branche principale de la vallée descend vers le Seksawwa. Ses flancs sont parsemés de peuplement d’ « opuntia » Aknari, toujours ici associé à d’anciens habitats humains. La vallée s’ouvre en creux de plus en plus large sur un « entre-deux-torrents », là commence le pays de Aït H’adduyws. Le moindre des sommets qui l’enserrent, dépassent les 3000 mètres. Au pied du voyageur, le village d’Iguersafen « entre deux rivières » forme comme le centre d’un croissant fertile. La vallée s’épanouit en esplanades plus amples qu’on en rencontrera dans tout les reste du pays Seksawa. Le cirque est vaste. L’habitat monte jusqu’à 1950 m. d’altitude, la plus haute agglomération des Seksawa. Les cultures s’échelonnent de part et d’autre d’une rue de noyers. Au centre une coupole, celle d’un saint éponyme, ce Haddou Ou Youssef dont descendrait la taqbilt. Youssef serait le propre fils d’Ibn Tachfine l’almoravie. Belle invraisemblance qui camoufle l’histoire Almohade de cette partie de la montagne. 

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 A propos de la poésie chorale comme document, Jacques Berque écrit : 

Peut-être qu’à tout prendre, telles images, tels chants descendent plus profond qu’une étude bien déduite dans l’intimité des êtres et des choses. Toute cette réalité de l’atlas nous arrive en effet précédée, et peut-être soutenu de chants. D’où l’intérêt de rétablir le fond sonore si puissant de cette vie. Certes, chez les Seksawa, nous sommes dans le domaine chleuh, et la langue, la facture comme l’inspiration répètent ce qu’à travers Justinard nous entrevoyons de ce lyrisme à la fois étroit et délivré. Un souffle anthologique et familier y règne, exhalant un mince cri de cigale. Mais parfois quelque chose de plus fort y passe : l’accent d’une vieille culture communautaire, lente à mourir.haut-atlas,musique

Ici , c’est plutôt l’âcreté et la ruse qui s’expriment et une conscience qui ne cille jamais, malicieuse ou virulente dans l’épigramme, équivoque dans l’éloge, toujours en éveil. Le chœur est le journaliste de cette société. Mais comment arrive-t-il qu’une matière aussi sèche se transforme en soudaine alchimie de fraîcheur ? Ce peuple compliqué et charmant rejette toute irresponsabilité,, fût-elle celle de l’aède, et maintient à la réalité amère une fidélité maligne dont le miracle est qu’elle sache devenir chant.

haut-atlas,musique Cette poésie a ses inspirés, qui combinent la transe lyrique avec la précision du publiciste. Elle est, selon une expression familière, « la science des tripes »,’Ilm l-krucha. Une hiérarchie règne entre les poètes, les Ined’d’amen, selon leur plus ou moins de bonheur à improviser des sentences et équilibrer des rythmes. Certains privilégiés ont du vates l’aptitude mystérieuse à sentir les choses cachées, prévoir l’avenir. A un degré inférieur, le simple choryphée, rraïs, maître de la danse, animateur du jeu, l’inventeur de phrases dont quelques – unes deviendront célèbres. Plus bas encore, l’improvisateur de circonstance dont la voix propose au chœur un thème que tout l’ensemble reprendra. C’est là le genre dit de l’amarg . Une grande place dans cette poésie est occupée par l’actualité, sous forme de satire ou de panégyrique, tazzrart, plur. Tizrarin. Une affabulation peut intervenir, et c’est alors la légende romancée, ou le conte, lqiççt. 

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     Dans ce dernier cas, on est arrivé à la récitation, ou plutôt à la psalmodie individuelle. Mais la plupart du temps, la figure et l’organe de cette poésie restent collectifs. C’est l’ah’wch, qui est avant tout une danse communale. Intensifier la vie du groupe, l’associer par le rythme à quelque circonstance importante, frairie, alliance, mariage etc., tel est son but, son occasion. Ce caractère social, laïc et courtois, , l’oppose par exemple aux danses extatiques de certaines confréries. Mais les gestes y sont les mêmes, et aussi l’exaltation qu’ils provoquent. Malgré un point de départ différent, une certaine compénétration de ces deux ordres de manifestations s’entrevoit.  

Essentiellement l’ah’wach, consiste en un mouvement d’ensemble des hommes en ligne, accompagnés de dandinement rythmé d’avant en arrière, de pas simples et de battement de paumes. Un récitatif alterne avec le bruit incroyablement sec et nerveux de ces mains et de ces pieds. 

Dans une forme plus riche, l’assga, il y a échange de dicts et de répons entre deux demi – chœurs d’hommes et de femmes. Car évidemment les femmes sont de la fête. Elles ne sont jamais absente de quoi que ce soit de cette vie municipale. Le blanc des jupes, le rouge des foulards et des ceintures, les frontons des pièces d’argent cliquetantes sur visages et poitrines animent la pénombre verte de l’asaïs, sous les gigantesques noyers. 

Enfin dans plusieurs cantons d’un quadrilatère très défini : a.Châib  et a.Bkhey, en Damsira, a.H’adduyws en Seksawa, gens de l’aghbar en haut Gedmiwa, la danse par excellence prend une forme particulière. C’est une pyrrhique, dite des tiskiwin, c'est-à-dire, si l’on veut, « des cornes à poudre », ou, plus subtilement, comme le veulent quelques uns, une danse du bélier, à souvenir rituel.Abdelkader Mana

17:05 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : haut-atlas, musique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

09/09/2010

Noces Berbères

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Noces Berbères au Haut Atlas

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Par Abdelkader Mana               

  En 1998, j’ai entrepris de consacrer un documentaire au mariage chez les Ghojdama, sur recommandation de l’anthropologue Ali Amahan qui leur  avait consacré une thèse et dont il est lui-même  originaire. Je l’avais connu dix ans plus tôt à « Signes du Présent » la revue que dirigeait Abdelkébir khatibi. Ce dernier me déclarait alors que notre mémoire est une richesse et que nous devons la prendre en charge, notamment par des recherches de terrain sur la vie musicale des plaines, des côtes et des montagnes de notre pays. Piste de recherche qui  mène à ce Maroc profond et méconnue dont je n’arrive plus à me départir.   

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    Comme il arrive souvent, le planning de la télévision coïncide rarement avec le calendrier des fêtes saisonnières. Les festivités villageoises  furent reportées  à plusieurs reprises. Les habitants d’Agni devaient descendre de leur nid d’aigle jusqu’au au souk hebdomadaire de Damnate pour s’enquérir auprès d’un épicier disposant du téléphone fixe, de l’arrivée de la télévision ! On imagine l’impatience des mariés à chaque report et la mobilisation – démobilisation des tribus …Mais en ce lieu si isolé depuis toujours à qui « cent ans de solitude » sied comme un gan, l’attente valait la chandelle : la télévision allait rompre l’isolement et accroître, en quelque sorte,le prestige du mariage et celui de la tribu qui l’organise…

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Le tournage n’a pu finalement avoir lieu qu’au bout de plusieurs semaines. La fête de mariage qui devait avoir lieu vers la fin des moissons n’a pu finalement se tenir qu’au début de l’automne, puisque la première scène que nous avons filmée, une fois sur place, fut celle du laboureur ! Le temps des labours, des semailles et la récolte des olives. Les paysans du haut Atlas disent : 

Vois la montagne ! Vois le pigeon !

Vois l’associé ! Vois le fumier ! 

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Car le pigeon annonciateur de l’hiver est de retour. C’est le moment de songer aux travaux agricoles, de rechercher son associé et de transporter le fumier sur les terres.  Ici plus qu’ailleurs, la solidarité humaine est essentielle à la survie aussi bien pour les individus que pour les groupes. C’est grâce à cette solidarité communautaire dans le maniement de la pelle et de la pioche que la piste est aujourd’hui carrossable et que l’organisation des mariages est possible. 

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 L’immense forêt est entrecoupée ici et là de minuscules vallées habitées. Pour relier Agni à Damnate, à environ trente cinq kilomètres de là, le mulet reste le principal moyen de locomotion. Par ce moyen, la distance est parcourue en deux jours : on passant la nuit à mi – chemin en pleine forêt. Difficile est la piste muletière qui mène à Agni, le hameau du bout du monde,, même pour un véhicule tout terrain. C’est dire combien cette montagne est enclavée.

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Dans cette montagne où la voie lactée paraît si proche, l’homme est à la fois mystique et austère. L’endurance et la frugalité sont une seconde nature. Pour mieux s’adapter à une nature qui semble l’écraser, l’homme prie pour que le ciel soit plus clément. En attendant, la vallée est irriguée non  par l’oued Tassaout qui serpente trop bas et dont on n’a pas les moyens de pomper l’eau vers le haut, mais par l’eau des sources qu’on achemine par séguia jusqu’aux parcelles clairsemées le long des flancs de montagnes.

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     Quand l’année est bonne, on peut se permettre de donne le surplus aux nécessiteux et aux démunis. Mais quand elle est mauvaise, on compenser le manque à gagner par des achats au marché de Demnate, voir en cherchant  ailleurs les moyens de la survie comme c’est le cas d’el Haj thami , originaire de la tribu voisine des Aït M’gun que j’ai retrouvé plus tard en plein centre de Casablanca en tant que gardien de parking automobiles ! 

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L’érosion des sols est ainsi freinée par cette pratique des cultures en terrasses qu’on appelle ici les taghanim. Il s’agit en fait d’une agriculture autosuffisante, mi-bour, mi –irriguée, fortement soumise aux aléas climatique

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   Bien au-delà des individus et des deux lignages concernés, le mariage symbolise l’alliances entre deux tribus : celle des Fatouaka d’où est issue la fiancée, et celle des Ghojdama pou le fiancé. En fait, on a célébré deux mariages : celui du fils d’Abboubi notre hôte avec sa cousine du côté paternel. Un mariage endogame puisque  l’isli et la tislit sont tous deux d’Agni. Le second mariage est exogame : le fils du frère d’Abboubi notre hôte, se marie avec sa cousine du côté maternel qui vient de la tribu voisine des Fatouaka. C’est ce dernier mariage qui va être mis en avant pour sa portée symbolique parce qu’il renforce les alliances et les échanges matrimoniaux qui se perpétuent d’une génération à l’autre entre Ghojdama et Fatouaka.

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Sur les toitures des maisons, on remarque ici et là, des paraboles juste au dessus de la tazribt, l’enclos qui sert d’étable aux bovins, ovins et surtout caprins.. La région enclavée par son difficile relief s’ouvre maintenant sur le monde par satellites. En raison de l’exiguïté de l’espace disponible, les maisons se développent aussi bien en hauteur qu’en sous sol !

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    Après notre accord en haut Ghojdama pour le tournage du documentaire sur la fête de mariage d’Agni , Fatih Miloud est allé chez les voisins Fatouaka leur demander la main d’une fiancée pour son fils:  « Nous avons rejoint à dos de mulets les Fetouaka, avec en guise de cadeaux un bélier châtré et des pains de sucre. Une fois obtenu l’accord sur le mariage et sur le jour de la fête, nous reprîmes le chemin du retour»

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Fathi Miloud

    C’est le père qui prend la décision de marier son fils sans que ce dernier en ait manifesté le désir. Quand de son côté Monsieur Abboubi a su que la télévision allait venir, il est monté lui aussi sur son mulet chargé d’un sac de blé et d’un mouton,pour aller demander la main de leur fille aux parents de la jeune future. Dans ces conditions la demande ne peut être refusée. Là aussi les parents tiennent peu compte de l’avis de leur fille. Avant d’être une histoire d’amour entre deux individus, le mariage est d’abord un pacte communautaire, une alliance entre deux lignages, deux douars, deux tribus. L’individu s’efface devant le groupe d’appartenance y compris dans le domaine politique : souvent au Maroc, toute la tribu vote pour le parti politique choisi par son chef et si ce dernier change de couleur politique ; sa clientèle fait de même…L’individu reste à naître.

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Abboubi

Dés lors au village les préparatifs allèrent bon train et les invitations  lancées bien au – delà de la vallée d’en face. Les femmes se mirent alors  à tisser les tapis qui devraient servir de dote pour la mariée mais aussi pour accueillir somptueusement les invité sous l’immense tente caïdale plantée au beau milieu du village.

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     Une semaine avant le départ pour sa nouvelle demeure, la fiancée se teint chaque jour au henné, assistée par des jeunes filles choisies parmi ses amies et qui se teignent en même temps qu’elle :  

C’est du bon henné qu’a pilé Mimoune

Que ceux qui se marient se teignent le corps

O sœur du fiancé, apporte le mortier et le pilon

L’ardeur du soleil me consume

Deux roseaux s’entrelacent

Ce sont les rigoles qui jettent les racines

C’est le long de la rivière qu’il vient la nuit en rougissant

Ne crains – tu pas que la fiancée ne te frappe de ses bracelets ?

Roseau ! Qui t’a fait ces blessures ?

Ce sont les rigoles qui font naître les racines.

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La tislit est dans une chambre entourée d’ami et de femmes qui procèdent à sa toilette. Elles la vêtent d’une mansouria , une sorte de chemise, d’une farajia, et d’un haïk très fin et la parent de ses bijoux. Une femme experte dans le maquillage lui allonge les sourcils avec un fard de couleur noire, lui met du khôl aux yeux et du rouge sur les joues, lui avive les lèvres et lui accuse l’éclat de ses dents avec le taswik, l’écorce de noix. On la part d’un diadème fait de piécettes d’argent.

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Même pour l’ultime exposition de la mariée sur la place d’assaïs, ici l’ahouach n’est jamais mixte. C’est par devers elles que les femmes chantent en rythmant des mains : 

 

Que Dieu vaille que toujours tu sois belle

Comme la source qui fait croître l’herbe autour d’elle

Comme un tapis doux où chaque nuit repose l’époux

Belle comme la lune dans un ciel étoilé

Les tresses de ta chevelure reflètent tes baisés de lumière

Tes dents ont la blancheur des pierres au fond des torrents

Qui contemplera tes yeux, si ce n’est le promis ?

Qu’il te soit fidèle et t’aime jusqu’à la mort

Que Dieu le préserve de la misère et du chagrin

Qu’il lui donne des fils braves et beaux

Et le comble de ses bienfaits 

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Ils ont quitté Agni à dos de mulets pour  aller chercher  tislit. Chez les Fatouaka . Les femmes s’empressent autour d’elle, la couvrent d’un burnous dont elle rabat le capuchon sur ses yeux. Elles lui donnent une grenade. Elle pleure. C’est le moment de se séparer des siens. Sa mère la console : 

Sèche tes larmes ma fille

C’est à la maison de ton mari qu’on t’emmène

 On porte la fiancée sur une jument derrière un garçon d’honneur et les voici en route vers la maison du future. C’est l’oncle maternel de la fiancée qui conduit la procession accompagné des gens de sa famille. Tout le long du trajet qui dure une heure, ils n’ont cessé de chanter pour réconforter la fiancée qui quitte définitivement la maison paternelle pour celle de son mari. Les filles qui l’accompagnent chantent des vœux pour son bonheur : 

Le chemin est long qui mène à la grande tente du fiancé

O taslit, que Dieu fasse ton destin pareil à la prairie

Où abondent avec les fleurs les brebis et les bœufs

Soit pour ton mari une campagne douce

Comme le mélange du sucre et de thé dans le verre de cristal

Ton matin, qu’il soit bon ô reine !

Toi pareille au palmier qui surplombe la source

O dame, tu es l’étendard doré dont l’eau est acheminée par des séguia

Jusqu’aux parcelles clairsemées le long des flancs de montagnes

O dame ! Tu es l’étendard doré

Que le cavalier porte sur son cheval blanc… 

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A Agni, la procession est accueillie par la détonation  du baroud, qui ouvre au Maroc toute réjouissance importante. Elle marque ici cette frontière invisible entre le passé et le future en même temps qu’une reconnaissance sociale du couple qui vient de naître. Une femme de la famille du fiancé tire la jument par la bride. Ce dernier qui vit reclus depuis sept jours et qui n’a ^pas le droit de rencontrer les gens doit entendre tous ces clameurs et ces chants : 

Accourez ô gens de notre village !

Nous déposons la princesse !

Apportez l’agneau marqué de blanc et de noir

Nous déposons la princesse

Vas doucement ô pied, ne soulève point de poussières ! 

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Les processions  féminines se dirigent vers le sous - sol de la maison du futur. C’est dans cette ruche où s’engouffrent toutes femmes qu’est accueillie la fiancée à son arrivée sur dos de mulet. Ce rite de passage par excellence est souligné ici par le franchissement du seuil de la nouvelle demeure. Le franchissement de cette porte souligne d’une manière tangible le passage de la vie de célibat à la nouvelle vie conjugale. Cette séparation avec la vie familiale passée pour l’agrégation dans un nouveau groupe social est rendue tangible ici sur le plan sonore par la détonation du baroud.De partout, les femmes affluent en procession, à des kilomètres à la ronde. De tous les lignages, de tous les douars, de toutes les fractions : caftans bariolés, couffins d’osier sur la tête, elles portent à la mariée, en guise d’offrandes, pains de seigle, pains de sucre, huile d’olive qui vient à peine de sortir du pressoir. Toute la tribu participe ainsi aux dépenses nuptiales et somptuaires. Les gens d’Agni bien sûr mais aussi les fractions Aït R’baâAït H’ssen, Aït H’kim ainsi que les douars Ghighan, Amchgat, ImouggarTaourirt, Assaka et  Tarrast. Sans oublier, bien sûre, la belle famille venue des FatouakaTandis que les  femmes s’engouffrent au sous sol, les hommes sont accueillis juste au dessus, sous la tente caïdale plantée au beau milieu d’Agni. On sert aux  invités, du  harr – barr, une bouillie d’orge arrosée de miel et de beurre ronce. Pour préparer cette bouillie ; on mouille des grains d’orge, puis on la décortique au pilon. Après les avoir sécher au soleil, vanner et nettoyer on les fait cuire à l’eau. Puis on les sert avec du beurre, de l’huile et du miel. C’est une bouillie épaisse qui se mange avec les doigts. Elle se prépare en hiver, au moment du grand froid. A une personne qui se porte bien, on dit généralement :  

-         J’imagine que tu ne te nourris que de herr – berr ! 

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Mais c’est la viande qui prend une part prépondérante des repas. Le couscous est préparé par les femmes et les tagines par les hommes du village. Pour accueillir tout ce beau monde, on a sacrifié une vache, une vachette, sept béliers, quarante poulets en plus de trente kilos de viande achetée au souk hebdomadaire de Demnate.  Toutes ces dépenses ont été compensées par les dons de la tribu qui a offert des agneaux, une dizaine en tout, de sorte qu’ils ont  largement compensé les sept béliers sacrifiés par les organisateurs du mariage. On est ici dans une économie du don. Mais ce don, n’est jamais gratuit puisqu’il est compensé plus tard par un contre don : lorsque l’une des familles donatrices organisera à son tour son mariage, tout le monde participera au festin mais aussi aux dépenses. Il y a à la fois circulation des femmes et circulation des dons. 

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    La place centrale où se déroule l’ahouach, qu’on appelle assaïs, est investie chaque fois qu’un évènement concerne toute la communauté villageoise comme c’est le cas avec cette fête de mariage..   En début de soirée on chauffe les tambourins aux feux de joie : un énorme bûcher fait de troncs d’arbres. La danse peut alors commencer  sur  la grande place d’assaïs. Le bendir  chleuh n’est pas très grand : un cercle de bois percé d’un trou pour passer le pouce de la main gauche et une peau tendue aux sonorités vibrantes. Ici, la musique ne vient pas d’ailleurs. Elle est le produit du village. On pratique la danse collective de l’ahouach, partout semblable à elle – même qui varie pourtant d’une tribu à l’autre voir d’une vallée à l’autre à l’intérieur d’une même tribu. 

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     La soirée des hommes commence d’abord par ahrach, rythme à l’état pur. On accorde les instruments de sorte que les percussionnistes qui produisent de fausses notes se retirent des rangs. L’ improvisation d’ ahrach  consiste en une synchronisation la plus parfaite possible entre les nombreux percussionnistes en éliminant chemin faisant ceux d’entre eux qui cassent le rythme, D’ailleurs le terme  d’ahrach dérive du mot iharch  qui  signifie en parler tachelhit « le maladroit ». Par conséquent cette phase préliminaire vise autant la synchronisation du jeu collectif que l’élimination des mauvais joueurs... 

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  Les joueurs de tambourins scandent le jeu. Le tambourin bat le rythme chleuh habituel : 2/4, mais il y a aussi des partitions plus complexes de 2/8 et de 6/8. Il se trouve dans l’assistance un homme connu pour sa belle voix. C’est un excellent chanteur qui entame un distique, isli reprit en chœur par l’assistance.Il dit : 

 

Cavaliers ! Rangez – vous !

Je vais vous dire le chant aux stances

Se déroulant comme le ronron du moulin !

Figuier qui domine sur les rochers

Mon ami est en ton ombre

Dites nous ô père, ô mère

Où étiez vous pour veiller sur les invités ?

J’ai gravi la montagne et d’en haut

J’ai contemplé cette réunion 

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     Dans cette nuit magique et colorée, l’arrivée des hommes à la place d’assaïs est scandée par ce qu’on appelle ici, lamsaq, c'est-à-dire le chant à l’unisson. Un soliste chante un seul vers que le chœur reprend : les hommes placent leur voix dans un registre grave. Vient ensuite, azegz, le fait de frapper les tambourins en baissant leur face vers le bas. 

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N’dam , c’est cette compétition poétique improvisée à tour de rôle entre les deux moitiés de l’orchestre. Tour à tour les poètes des villages et des villages invités prennent la parole. Ils donnent des informations sur le monde et amènent les gens à se remettre en question. C’est par ces ahouach que se terminent ces noces berbères en haut atlas, sous le double signe de la poésie et du rythme à l’état pur. L’ahouach des hommes dure jusqu’à l’aube. Il faut être patient, tant cette musique nécessite tout ce temps pour aboutir enfin à des moment de bonheur et d’harmonie musicale. On ne cessera toute la nuit de rechercher cette harmonie perdue comme une nostalgie musicale. Parfois on y parvient d’autres fois on déplore quelques fausses notes. 

Taslit, tu étais belle comme la lune dans un ciel étoilé

Les tresses de ta chevelure reflètent tes baisés de lumière

Tes dents ont la blancheur des pierres au fond des torrents

Qui contemplera tes grands yeux, si ce n’est le premier amour ?

Qu’il te soit fidèle et t’aime jusqu’à la moert

Que Dieu le préserve de la misère et des chagrins

Qu’il lui donne des fils braves et beaux et le comble de ses bienfaits. 

On persiste ainsi, sous la voie lactée, à interpeller la voûte céleste jusqu’à ce qu’ahouach qui n’est jamais écris d’avance devient enfin lui-même. C'est-à-dire, pure enthousiasme. Jusqu’à ce que le jour se lève enfin sur la vallée heureuse d’Agni.Abdelkader Mana

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11:48 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : musique, haut-atlas | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook