ABDELKADER MANA statistiques du blog google analytic https://www.atinternet-solutions.com.

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07/12/2015

Le Modèle Musical Maghrébin(M.M.M)

Savoir-faire et transmission dans la musique de tradition orale

musique

Constantine, du 23 au 25 novembre 2015

musique

L’auteur de ces lignes était le seul marocain à participer à la sixième éditions  du colloque « Anthropologie et musique » qui s’est tenu à Constantine – la capitale culturelle de l’Est algérien- du 23 au 25 novembre 2015.Il traite de la musique dans sa dimension maghrébine, africaine et méditerranéenne. Ces colloques se donnent pour objectif chaque année de faire un état des lieux et de répertorier les musiques, les danses traditionnelles et les instruments de musique dans une région déterminée et de débattre de solutions adéquates pour parer aux impacts de la modernité et de la mondialisation sur des répertoires fragiles car de tradition orale. Le prochain colloque aura lieu en Tunisie et les organisateurs espèrent participer à des colloques semblables au Maroc et en Mauritanie. Nous pouvons commencer ainsi la construction Maghrébine, à partir du patrimoine musical commun .Outre les musicologues et ethnomusicologues algériens, plus d’une vingtaine de nationalités du portour méditérranéen ont participé à la rencontre en plus du chercheur malien qui nous a entretenu des griots africains . Les organisateurs auraient aimé voir davantage de chercheurs marocains participer à de telles rencontre qui traitent de la transversalité du substratum culturel commun. Il était aussi question dans ce colloque de la musique populaire comme source d’inspiration pour la musique savante. On a illustré ce fait par les transcriptions effectuées à Skikda par Bela Bartok au mois de juin 1913, comme le compositeur Hongrois l’explique lui-même : « Pout ma part, j’ai collecté et utilisé comme support aussi bien la musique paysanne hongroise que celle de nos peuples voisins(les Slovaques, les Roumains). J’ai même entrepris, juste avant la guerre, un voyage en Afrique du Nord pour y collecter et étudier la musique paysanne arabe des oasis du Sahara, et je ne me suis pas soustrait à l’influence de cette musique(à laquelle on peut attribuer, par exemple, le troixième mouvement de ma suite pour piano). » . Il y a comme un jeu de muroir de part et d’autre des frontières maroco –algérienne et algéro-tunisienne pour ce qui concerne les similitudes des musiques et des danses, ayant des racines communes du temps des Almohades et d’Ibn khaldoune où ces récentes frontières n’existaient pas encore : la voie terrestre du pèlerinage à la Mecque était durant des siècles, un chemins où les Maghrébins échangeaient, poèmes, musiques, danses et légendes. le pèlerinage par voix terrestre était transversal à tout le Maghreb et emprunté par des figures culturelles et spirituelles qui constituent en quelque sorte le substratum commun à tous les peuples du Maghreb: seul un élargissement de la loupe et du point de vue est en mesure de rendre compte des réalités culturelles Maghrébine comme l'avait si magistralement démontré un Ibn khaldoune en transcendant par ses analyse  les nouvelles frontières Maghrébine- qui n'existaient pas à son époque...

musique

    Je savais intuitivement que je trouverai la moitié perdue des explications de tous nos chants,  danses et légendes de l'autre côté de la frontière! Il fallait se rendre à Constantine pour trouver l'origine égyptienne d’une légende recueillie au bord de la Moulouya chez les transhumants Houara! Et c'est également à Constantine que j'ai appris que ces même Houara que j'ai connu dans le Sous marocain et au bord de la Moulouya, existent à la frontière Algéro-tunisienne, quoique ces trois fractions aux origines communes - le delta du Nil- ne pratiquent actuellement ni la même musique, ni le même chant ni la même danse : au fur et à mesure que leurs ancêtres s'enfonçaient vers l'ouest du Maghreb ;  ils ne constituent plus que des îlots arabophones dans un océan berbère. Il a fallu également se rendre à Constantine pour trouver des similitudes entre les femmes Jbala du Maroc et celles de la Kabylie; qui utilisent les échos montagnards pour échanger leurs chants d'une colline à l'autre. Sans oublier que le rite de possession des Gnaoua d'Essaouira trouve son équivalent à Annaba et que Constantine encore une fois a ses adeptes du Cheikh el kamel de Meknès qui jouent au mode musical dit tbaâ hssin de Tunis!  Ce pressentiment que pour comprendre les musiques, les chants, les danses et les légendes du Gharb il faut abolir les frontières qui nous séparent , je l'ai senti dés 2002 en me rendent aux fêtes du Mouloud du Hadi Bena Aïssa de Meknès où j'ai rencontrés les charbonniers Miliana d’Algérie qui y dansent en transe avec des tisons de feu : ils m'avaient rappelé le Bossu de Notre-Dame autant que le portier de la géhenne de Dante. Par leur antiquité, ils attestent des relations anciennes entre Miliana et Meknès.

musique

musique

       La trouée de Taza qui relie Fès à Tlemcen, a toujours été le  lieu de circulation par où a    transité l’islamisation, l’arabisation, mais aussi musiques, danses et légendes. Les poussées humaines se sont toujours succédé comme des vagues d’Est en Ouest vers les rivages atlantiques. La région est une voie de passage obligatoire, où depuis 1914, une ligne de chemin de fer, relie Fès à Oujda. On peut voir chaque jour  serpenter dans ces étendues steppiques, ce chemin de fer qui , dans la partie orientale de son parcours est située sur l’axe de la grande voie ferrée qui traverse l’Afrique du Nord dans toute sa longueur, de l’Atlantique à Tunis.  Guercif n’est que le centre d’échange entre le Tell et les Hauts Plateaux. Son intérêt de lieu d’échange entre Maroc occidental et Maroc oriental  prendra davantage d’ampleur avec la construction Maghrébine. Aujourd’hui, on peut déjà commencer la construction  maghrébine par les échanges culturels en espérant demain, grâce à la monnaie unique maghrébine, ne plus avoir à échanger le dirham contre le dinar, lorsqu’on atterri à Alger en provenance de Casablanca. C’était déjà le rêve des Etudiants Nord Africains qui ont accédé au pouvoir à l’indépendance ; un rêve qui sera peut-être réalisé un jour par la troisième ou quatrième génération d’après les indépendances maghrébines.musique Abdelkader Mana

musique

 

08:06 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

03/08/2015

Un film sur les Gnaoua

 Triste fin de journée que ce dimanche 2 août 2015 où Essaouira et le Maroc ont perdu un immense  musicien avrc la disparition de maâlem Mahmoud Guinéa. Il nous a reçu il y a cinq ans de cela, jour pour jour, Dimanche 2 mai 2010; pour le tournage d'un film documentaire diffusé ensuite par la chaîne Franco-Allemade ARTE...
tournage.JPG

GNAWA Body and Soul

bon.JPG

Film de Frank Cassenty pour "Arté"

film.JPG
Frank Cassenti chez Mahmoud Guinéa à Essaouira, fin avril-début mai 2010
La société Oléo film s'est crée autour de Frank Cassenti, cinéasre et musicien, né à Rabat, pour produire des films dans l'enthousiasme: "Face à la morosité, explique-t-il, nous avons été sur tous les fronts pour faire partager notre désire de musique à travers un regard particulier, emprunt d'amour et de respect.Notre approche consiste à faire connaître de grands artiste dont nous voulons garder des traces." La musique Gnaoua connait aujourd'hui un grand engouement grâce au festival d'Essaouira qui leur dédié chaque année et où des stars internationales les accompagnent sous les feux des sunlights. Le projet de Frank Cassenti est tout autre; il nous invite à pénétrer dans l'intimité des musiciens Gnaoua pour nous faire partager toutes les significations de cette musique en remontant aux origines de ses descendants d'esclaves de l'Afrique subsaharienne.
jérémy.JPG
Le cameraman de l'équipe porte le beau prénom biblique de Jeremy
Le tournage  de la "lila" , nuit rituelle des Gnaoua a lieu au domicile même de maâlem Mahmoud Guinéa, ce qui est en soit exceptionnel puisque le musicien a plutôt l'habitude d'effectuer des musicothérapies domicilières dans les maisons de la clientèle qui font appel à ses services. Mais là pour le tournage de ce films qui sera diffusé par la chaîne Franco- Allemande d'Arté, il a accepté que la lila se déroule dans sa nouvelle maison extra-muros: les Guinéa habitaient jadis au coeur de la médina à Derb Laâlouj - maison transformée depuis en Riad somptueux pour accueillir les touristes fortune, ce qu'on appele communément "Maison d'hôtes" - où j'avais moi-même effectué le tournage pour mon documentaire "le port de Tombouctou" de la série "La musique dans la vie" que je supervisais pour le compte de la deuxième chaîne marocaine. J'avais alors filmé dans l'ancien maison des Guiné maâlem Boubker( le père de Mahmoud) ,aujourd'hui décédé, confectionnant lui-même un gunbri à base du tronc de figuier, l'arbre sacré dont le bois donne les meilleurs résonnances pour induire la Transe. J'avais aussi filmé une des soeurs de Mahmoud Guinéa avec son autel des Mlouk (esprits) où ces derniers l'aident dans sa voyance médiumnique: on m'apprend aujourd'hui qu'elle est décédée elle aussi , il y a trois ans de cela, après avoir été paralysée par les esprits qu'elle manipulait dans ses séances de voyance qui précèdent généralement l'organisation des nuit rituelles: c'est au cours de ces séances de voyance médiumniques que la "talaâ" (celle qui fait monter les esprits en état modifié de conscience) préscrit aux possédés qui la consultent l'organisation d'une nuit rituelle ou "lila".
 
sandy.JPG
Sandy (en bleu)est un fervent admirateur des Gnaoua et de maâlem Mahmoud en particulier.
L'équipe de tournage, trés légère comprenant Bruno Charier, ingénieur de son qu'on voit au fond, Olivia, la sympathique maisô combien efficace chargée de production, le cameraman Jeremy ( le réalisateur Frank Cassenti fait office du second cameraman). ILs sont accampagnés de Sandy, en bleu à côté de Mahmoud Guiné, un amoureux des Gnaoua auquels il se consacre entièrement désormais en tant que musicien à l'exclusion de toute autre musique. Il est dans une quête spirituelle, une initiation au monde magique des Gnaoua : ces derniers ont maintenant des adeptes en dehors de leur ère culturelle d'origine; de l'autre  côté de la méditerranée. La rive nord de Marnostrum.Double mondialisation des Gnaoua auquels on fait appel pour l'organisation des lila un pau partout à travers le monde (Malika vient d'accompagner son mari Mahmoud Guinéa au Japon) et qui ont maintenant  des adeptes tel Sandy au coeur même de la France profonde...
mouton.JPG
Toute l'équipe du tournage s'est déplacée jusqu'à un lointain village de la journée accompagnée de Malika l'épouse Mahmoud Guinéa pour acheter un bouc noir et un mouton pour le sacrifice qui doit précèder la nuit rituelle: à leur retour un policier a exigé de Frank maints documents en tant que conduicteur, celui ci lui a expliquéqu'onest une équipe de tournage chez Mahmoud Guinéa décoré par le Roi et soutenu par André Azoulay mais il n'a rien voulu entendre: Malika qui comprend les traditions locales en la matière a conseillé au réalisateur de donner un peu de "bakchich" (200 DHS) pour mettre fin à d'inutiles conciliabules pour aller de l'avant dans lke tournage de la "lila"...
mouton2.JPG
J'ai dis à Frank: "Mais la maisonet est trop exigüe pour le tournage?". "A Tamsloht me répondit-il, nous avons effectué des tournages dans un espace encore plus exigüe que celui-ci, au point que le danseur était quasiment collé au musicien. Mais le résultat est probant au niveau de l'image. Nous voulons filmer les Gnaoua dans leur espace authentique sans artifice. Là où les femmes peuvent se servir de la cuisine dont elles sont habituées pour préparer le repas communiel.On a pensé au début à un tournage dans un Riad, mais  si nous avions organisé le tournage dans un beau et immense Riad, on aurait des scènes type "Star Academy", à la fois froides et clinquantes mais qui n'auront pas cette chaleur et cette authenticiuté du domicile même de maâlem Mahmoud et sa famille...
mouton3.JPG
Pour préparer la lila, Frank et son équipe ont accompagné Malika, la femme de maâlem Mahmoud chez un herboriste, pour l'achat des différent encens: "Si vous mettez du benjoint noir à la place du blanc, vous troublerez la transe, explique Malika: les esprit protesteront en plene transe en réclamant le bon bonjoint. Le bonjoint noir c'est pour la cohorte des génies possesseurs noirs. On ne peut pas donc en les invoquant mettre du bonjoint blanc!" Dans les rushs que me montre Frank, on voit l'herboriste emettre des opinions sur la musicothérapie des Gnaoua qui dénote une réelle connaissance de leur rituel. De même parmi les jeunes spectateurs de la lila on découvre des adolescents cappable d'accompagner les chants des Oulad Bombara ou ceux de Sidi Moussa et ses esprits de la mer. A Essaouira le savoir esothérique des Gnaoua est en réalité une culture largement partagé par un public de connaisseurs au delà du cercle étroit des Gnaoua proprement dit: c'est pour cette raison qu'on peut véritablement considérer Essaouira comme la ville des Gnaoua par excellence...Brusquement une musique de transe improvisée par les fils de Malika et de Mahmoud Guiné nous parviennent de l'étage ; Frank Cassendi accourt avec sa caméra légère pour filmer la scène qui se déroule au premier étage à partir de la fenêtre de la pièce à partir du petit couloir qui mène à la cuisine...
f1.JPG
 
A l'intérieur de la pièce Malika danse en état de transe accompagnée musicalement par ses propres enfants: chez les Guinéa on vit en permanence en présence des esprits de l'Afrique et de la transe qu'ils provoque. "Nous vivons avec cette musique de la naissance à la mort , nous expliquera plus tard Malika. Chez nous le tambour et le gunbri se mettent parfois à résonner tout seuls au coeur de la nuit parce qu'ils sont en tant qu'instruments sacrés, hanté par les esprit: tu vois alors les cordes du gunbri bouger tout seuls comme s'ils étaient pincés par une main invisible, celle des esprits possesseurs.
 
t3.JPG
f.JPG
t1.JPG
Malika qui dans en état de transe est elle-même "voyante médiumnique": initialement j'ai proposé à mon ami cassenti d'intégrer la scène de la voyante médiumnique qui fait la liaision à la fois avec le pèlerinage de YTamsloht où elles vont renouveler l'autel des Mlouk et la lila où ses outillages rituels servent pour l'induction de la transe. J'avais proposé que la scène avec la voyanrte médiumnique ait lieu avec la soeur de Mahmopud Guinéa que j'ai connu il y a longtemps. Et c'est là qu'on m'appris qu'elle est morte il y a déjà trois ans de cela et que Malika qui officie également en état de transe peut très bien servir pour la scène de celle qui prédisent en état de transe, en manipulant, des térébratules faussiles, des cauries de la vallée du Nil et des coquillages de ce beau rivage..

t4.JPG
Les Gnaoua c'est d'abord une religion de femme: si les hommes sont mis en avant, en réalité ce sont les femmes qui mènent véritablement la partie en préparant le rituel par des rêves et des prédictions dévinatoire et en sanctifiant les outils rituels de la transe par des pèlerinages à Tamsloht: au cours de la lila, les femmes dela famille Guinéa ont fait appel à plusueurs reprise à Sidi Abdellah Ben Hsein de Tmsloht; au Hadi Ben Aïssa de Meknès, à la grotte de Sidi Chamharouch au Haut Atlas et à Moulay Brahim l'oiseau des cîmes sur le plateau de Kik dans le Haouz de Marrakech: tous des lieux où doit se rendre la voyante médiumnique si elle est en crise de possession et si elle veut rendre efficace ses consultations en faveur de la confrérie féminine des filles des Gnaoua qui sont attaché à sa tbiqa et à son autel des esprits possesseur. Les femmes vivent constament leur relation avec les Gnaoua dans une espèce de rêve éveillé...
cuisine.JPG
cui.JPG
Comme si de rien n'était, après son état de transe, Malika est allée à la cuisine préparer un beau tagine de poisson : une magnifique dorade aux olives, poivrons et tomates bien épicées : l'équipe de tournage et les musiciens n'auront droit à la viande tendre du bouc et de l'agneau qu'après le sacrifice...
p.JPG
Après le repas communiel l'équipe de tournage a eu la suprise de deux visiteurs de marque totalement inattendu: la viste de courtoisie de Katya et André Azoulay! Visite décontractée et en dehors de tout protocole! La famille Azoulay chez les Guinéa et leur équipe de tournage. C'est la première fois nous dira maâlem Guinéa que le conseiller royal lui fait ainsi l'honneur de franchirle seuil de sa modeste maison pour s'enquérir du bon déroulement du tournage et poser quelque questions sur les artistes internationaux qui se produisent sur scène avec Mahmoud Guinéa lors du festival des Gnaoua et musiques du monde. Je me suis permi de dire à André qu'il faut réactiver le colloque de musicologie et créer des liens plus fort avec l'Afrique noire puisqu'Essaouira était jadis le port de Tombouctou. Le conseiller royal nous a répondu que le festival comprend maintenant dix sept scènes et draine un tel monde qu'il est difficile de se consacrer sereinement à l'écoute d'un colloque de musicologie et pour ce qui est de l'Afrique subsaharienne, le festival est déjà un grand lieu de rendez vous pour les grands artistes de l'Afrique noir. Un film comme celui de Frank, avons nous avancé peut-être , avec celui de lilyane Azoulay sur le festival peut constituer l'ambryon d'une médiathèque. Un musée est prévu à Essaouira, nous répond Katya Azoulay; il sera le lieu de conservation de notre mémoire commune. Après cette visite de courtoisie, chaleureuse et humaine; le couple des Azoulay a promis de revenir ultérieurement participer à la lila des Gnaoua en tournage chez les Guinéa, si le programme fort chargé du festival de musique classique qui sedéroule en ce moment même dans la cité des alizés le leur permettra...Malika qui a dit au conseiller que son mari vient de représenter Essaouira et le Maroc au Japon semble profondemment aimue et très fiert de ces visiteurs de marque qui honorent ainsi sa modeste famille. A 22 heures le tournage de la lila peut enfin commencé avec la partie ludique et théâtrale de kouyou et des Oulad Bombara, suivie de la procession des tombours et des crotales avec les filles des gnaoua avec leurs bougie dans une ambiance magique au seil de la maison avant ne commence le sérieux de la transe avec ses cohortes de génie possessurs.
k.JPG
k1.JPG
k2.JPG
k4.JPG

k5.JPG

k7.JPG
k8.JPG
k9.JPG
Demain lundi 3 mai 2010; toute l'équipe se déplacera à Tamanar pour aller filmer les Ganga établis dans la région depuis le temps des sucreries saâdiennes. Lors de notre repérage avec Frank Cassendi et le cameraman Jeremy, nous n'avons pu contacter que l'un d'entre eux, les autres travaillaient comme moissonneurs: ce sont des métayers qui n'ont pas de possessions foncières et qui vivent en faisant des travaux agricoles pour les paysans haha en leur moissonant leur céréales comme en ce moment ou en faisant des tournées aumônières avec leurs tambours et leurs crotales à l'issue de quoi, ils organisent une fête saisonnière dénommée "maârouf" dédié à leur patronne lalla Mimouna sous un arganier sacré. Contrairement aux gnaoua bilalien de la ville ils ne recourt pas à la profusion des couleurs ni au gunbri pour induire la transe, chez la voix des dieux africains c'est le tombour dont ils porte d'ailleurs le nom: Ganga veut dire "gros tambour" en berbère.
Reportage photograpphique d'Abdelkader Mana
attitude.jpg

16:10 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

13/06/2012

Café - Théâtre Mogador

 tayeb saddiki.JPG

"Au Ramadan tous les musulmans sont jeunes".Tayeb Saddiki

L'exclusion des potentialités locales

théâtre,musique

Affiche réalisée par Hussein Miloudi

Ce vendredi 29 octobre 2010, au moment - même où se déroule à Essaouira le festival des Andalousies Atlantiques, où je ne suis convié ni moi ni Tayeb Saddiki, je me rends à Casablanca au café théâtre Mogador pour y assister à l’hommage au comédien Salamat, compagnon de route de Taîb Saddiki depuis près de quarante ans. J’y arrive en début de soirée, une demi heure à l’avance. Le jeune fils du dramaturge, me dit que son père ne tardera pas d’arriver. Tout autour des montages photos qui retracent la carrière théâtrale de l’artiste ainsi que de vieux costumes dont il s’est servi pour ses pièces successives. Comme la revue Horizon Maghrébin m’a interrogée sur le premier festival d’Essaouira « la musique d’abord », j’ai pensé interroger son instigateur au début des années 1980. Il arrive enfin , habillé d’une djellaba du vendredi, entouré d’une nuée de journalistes et d’admirateur. Je me porte au devant de lui en lui disant :

-   Je prépare un article sur toi pour Horizons Maghrébins.

-  C’est ce qu’on appelle une menace ! Twahachtak, (tu me manques). Il y a un âge où on connaît plus de morts que de vivants…

-   C’est terrible !

-   Quoi ? C’est normal. C’est la vie.

Une fois installé à table à gauche de la scène, il me demande :

-   D’où vient le mot tableau ? C’est le mari de la table !

tayeb.JPG

Je l’interroge alors sur ses souvenirs du premier festival d’Essaouira en 1980 :

- C’est à cette occasion que vous avez présenté pour la première fois iqad sarira fi tarikh saouira (lumière sur l’histoire d’Essaouira), en tant que pièce de théâtre à souk laghzel (le marché de la laine, plus précisément « le souk des quenouilles ») ?

-D’abord, il fallait faire ce festival me dit-il. Natif d’Essaouira, je me dois de rendre hommage à ma ville natale.Comme nous sommes une famille d'artistes mogadoriens : mon père a écrit sur l’histoire d’Essaouira, Azizi mon frère l’a adapté, Saddik et Maria se sont occupés des décors et des costumes. Un jour quelqu’un est venu demander à Azizi de lui traduire un texte qu’il a trouvé mauvais : « Ce texte, lui dit-il, on ne peut le traduire qu’en justice ! »

- Vous étiez né à Essaouira en 1938…

-  J’ai quitté Essaouira à l’âge de sept ans. La moitié de la population était juive. On parlait hébreux sans faire de différence avec l’arabe. J’ai eu la chance d’apprendre le Grec et le Latin. C’est pourquoi, j’en suis devenu un obsédé textuel ! Quelle est la capitale la plus virile du monde ? Dakar ! Le mot « photographie » vient de « Photo » qui signifie lumière et « graphie » , « écriture » : c’est écrire avec la lumière…

festival.JPG

-   En 1980, vous êtes donc revenu à Essaouira pour y organiser son premier festival que vous avez intitulé « La musique d’abord »…

 -   Car la vie sans musique serait d’une grande tristesse. J’ai ouvert tout le théâtre en pleine aire. La ville se prête merveilleusement à la mise en scène  théâtrale avec ses différentes places qui constituent autant d’endroits de spectacles : « La musique d’abord », le théâtre vient après même si je suis moi-même un homme de théâtre.

fadili et salamat.JPG

Les comédiens Mustafa Salamat et Aziz Fadili. La soirée rend hommage à Salamat, compagnon de route du dramaturge depuis près de quarante ans

tableau.JPG

Le tableau que Tayeb Saddiki a offert à Salamat

        Ville - spectacle , Essaouira se prête, en effet, merveilleusement  à la mise en scène avec ses différentes places  intra muros : marché au grains, marché de la laine, Joutia (place de la criée), place de l’horloge, chemin de ronde de la Scala de la mer, son immense baie dévolue à la fantasia régionale….Contrairement à une ville éclatée comme Safi où il fallait toute une logistique de transport pour les musiciens  où tout était éloigné du cœur palpitant du festival au château de Mer, à Sidi Boudhab et à la colline des potiers.

nuit bltut.JPG

Nuit bleue des Hamadcha à Souk Laghzel (festival "la musique d'Abord", 1980-1981)

théâtre,musique

Couverture réalisée par Boujamaa Lakhdar

"Aylal"(la mouette),le journal du premier festival d'essaouira "la musique d'abord", que diririgeait Georges Lapassade où étaient publiées les communications du colloque de musicomogie et où j'avais publié ma traduction du Rzoun, le vieux chant de la ville que j'avais recueilli auprès de mon père et d'Abdeljalil Qasri, qui nous pretait la machine à écrire de la chambre de commerce qu' il dirigeait alors (le président du conseil municipal de l'époque l'enverra en pèlerinage à la Mecque dont il ne reviendra jamais..).Il aurait aimé etre inhumé à la colline du bon Dieu de Sidi Mogdoul dont il me racontait la légende de sa domption du lion, laquelle légende serait à l'origine du nom de la porte de la ville dite "la porte du lion"..."La mouette" était tiré sur stencil au locaux de la division économique et social de la province d'Essaouira que dirigeait alors le caid Bassou, le commanditaire de la publication des actes du colloque de musicologie que Georges Lapassade fera paraitre plus tard en deux tomes à la revue "Transit" de Paris8: "Paroles d'Essaouira" pour le chant profane(j'avais recueilli à cette occasion, les chants des marins, les chants des moissonneurs au pays Haha et l'aita des Chiadma....).Le tome II portait sur "Le chant sacré",consacré au Dhikr des Hamadcha et des Aissaoua et au rituel des Gnaoua entre autre...C'était mon baptème du feu en tant qu'ethnomusicologue formé sur le tas à partir de ce colloque de musicologie d'Essaouira...

A Essaouira les différentes manifestations du festival étaient réunies pour ainsi dire dans un mouchoir par la structure  même de la ville : c’est au cœur de la médina que se déroulaient l’essentielle des manifestations : nuits bleues des Gnaoua à la Joutia, celles des Hamadcha , au marché aux grains, Ahouach d’Imine Tanoute et du pays Haha sur la Scala de la mer, le folklore portugais, celui de Bretagne ainsi que les derviches tourneurs de Turquie, à la place de l’horloge….C'est au cours de ce premier festival qu'eut lieu le premier colloque de musicologie que dirigeait Georges Lapassade, à l'origine de l'enquête ethnographique intitulée "Paroles d'Essaouira" et plus tard de la série documentaire "la musique dans la vie", que l'auteur de ces lignes supervisa pour le compte de la deuxième chaîne marocaine durant pratiquement onze années(de 1997 à 2008).

noir et blanc.JPG

Mais ce qui distingue incontestablement ce premiers festival, c’est la participation de tous, ce qui explique tout le mouvement culturel et artistique qu’il avait induit durant les années 1980. Les festivals qui viendront ensuite auront un caractère plus officiel et seront surtout entièrement extravertis : les boites de communications de Casablanca, de Rabat et d’ailleurs se chargeront désormais à livrer des festivals clés en main, qui se déroulent le week end. Mais une fois les lampions éteints ils ne laissent aucun effet d’entraînement culturel au niveau local. A force d’être exclus les acteurs culturels ont fini par quitter la scène locale…C'est une politique qui a fini par momifier culturellement la ville, en la maintenant dans un rôle passif de simple receptacle de spectacles...Abdelkader Mana

 

08:12 Écrit par elhajthami dans Musique, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : théâtre, musique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

30/04/2012

TROUBADOUR

ribab.JPG

Les troubadours de Sous

c.JPG

« Ô aigle au beau plumage

Toi, l’étrange oiseau

À la lune tu porteras mon salut

Et tu lui diras : L’étoile polaire   désire te voire »

Le raïs Amarok

ma.JPG

La grande caravane chargée d’ivoire, d’encens soudanais, du tabac de Takrour arrivaient au premier jeudi du mois d’août, c'est-à-dire pendant la période du moussem de Sidi Ahmad ou Moussa, le saint patron des musiciens et des acrobates. On s’y approvisionne de tout et d’abord de baraka. Protecteur des troubadours chleuhs, Sidi Ahmad ou Moussa , mort le 10 octobre 1564, c'est-à-dire il y a près de 446. De Sidi Ahmad ou Moussa, lui – même on sait peu de chose. Mais autour de son nom devenu fabuleux sont venus se greffer un certain nombre de vieilles légendes.

m.JPG

Patron de Tazerwalt, Sidi Ahmad Ou Moussa, est un des saints Berbères les plus populaires du Maroc. Plus d’une douzaine de moussem sont célébrés chaque année dans l’enceinte de son sanctuaire : celui des femmes, des anciens esclaves, des tolba et d’autres. Les musiciens viennent à ce moussem non pas pour gagner de l’argent comme ils le font ailleurs mais en tant que pèlerins en quête de la baraka du saint. Si les Rways de Sous considèrent Sidi Ahmad Ou Moussa comme leur protecteur, c’est certainement parce que l’ancêtre des trouveurs chleuhs , Sidi Hammou, est originaire de Tazerwalt, où est enterré Sidi Ahmad Ou Moussa.

ma1.JPG

Tazerwalt, est une petite cuvette aride, située à 110 kilomètres au sud d’Agadir et à 40 kilomètres à l’Est de Tiznit. Qui aurait cru, en voyant la nudité de ce paysage aujourd’hui, que ce fut là, l’un des nœuds les plus féconds de l’histoire du Sous au 17ème siècle. À partir de la Maison d’Illigh, les descendants de Sidi Ahmad Ou Moussa allaient rayonner sur le plan commercial jusqu’en Guinée vers le sud et jusqu’en Hollande vers le nord. Sidi Ahmad Ou Moussa, faisait partie de ces zaouïa sahariennes , situées au point de départ et d’arrivée des caravanes.

da.JPG

Tout ce que l’on achète au cours de ce moussem , c’est du barouk, c'est-à-dire un objet qui représente plus que sa réalité déjà connue parce qu’il incorpore l’énergie mystique de la baraka. Il y ales produits à effet magique qui ont pour but d’attiser l’affection fléchissante du bien aimé ou d’éloigner les mauvais esprits des envieux : encens, cauris,plumes d’autruches,peau de panthère, toison d’hérisson ou pelage de chacal. Ce moussem est aussi fait pour le doux commerce d’amour. La variété de dattes qui est la plus estimée en ce moussem est celle du butube suivie de celle de bouscri.

am.JPG
j.JPG
dd.JPG

Dans ces confins avec le Sahara, le Sous produit des dattes au goût succulent. A Akka et Tata, le palmier – dattier est très petit mais extrêmement productif et quoique le fruit ne soit pas un article de commerce comme à Tafilalet ; il est d’un parfum exquis et possède des qualités variées. Dattes, amandes, henné, thym, romarin, miel : les plantes médicinales qu’on vend ici et qui font que le moussem sent bon la forêt ont déjà par elles-mêmes une fonction thérapeutique dont l’efficacité se trouve démultipliée en quelque sorte par l’effet du barouk que leur incorpore le moussem. Du haut Atlas viennent des chargements d’écorces de noyers (c’est la période du gaulage), dont les femmes se servent avec le khôl et autres produits cosmétiques naturels pour se faire belles.

o.JPG

Une semaine avant le moussem, la rumeur public fit sensation en annonçant la participation du Raïs Amerrakchi :la bonne nouvelle fit le tour des tribus alentour et remonta même via le téléphone arabe jusqu’à la célèbre place de Jamaâ Lafna(la place de l’anéantissement) : une vedette de la chanson berbère moderne au moussem de Sidi Ahmad Ou Moussa ! Quelle aubaine ! Actuellement, sur le marché des disquaires, le raïs Amerrakchi connaît un franc succès parmi le public chleuh. Avec la Raïssa Tihihite , l’étoile d’origine, et le Raïs Aglaw, il fait partie de la nouvelle génération des Rways qui chantent l’amerg lajdid (la nouvelle chanson) qui, tout en se caractérisant par l’introduction d’instruments de musiques modernes,ne change pas pour autant l’identité musicale des troubadours de Sous.

f.JPG

Le ribab est l’instrument central de cette musique berbère : c’est lui qui lui permet de garder son cachet original. Le joueur du ribab prélude de deux manières : soit en montant des gammes « tlouâ » , soit en brodant la note « Do » ; « Astara ». A la fois troubadours et trouvères, les danseurs chleuhs sont aussi des chanteurs qui interprètent les œuvres des poètes de la montagne : vieilles mélopées, chansons nouvelles. Aux tremblements d’épaules correspondent les trilles du ribab. L’introduction du ribab monocorde dans l’orchestre chleuh peut passer pour un trait de génie, tant il donne à cet orchestre un timbre original, une allure pittoresque, une force expressive qu’il n’aurait pas sans cet instrument. La corde vibrante est constituée par une mèche de quarante à cinquante crins de cheval (sbib). Les sons produits constituent un curieux amalgame de notes fondamentales et d’harmoniques. Il en résulte un timbre aigre – doux qui rappelle les sons de la flûte.

v.JPG

Dans une société où la culture littéraire est d’un grand prix, où elle appartient à tous, où les poètes amateurs sont nombreux, bref, où l’on sait apprécier l’œuvre d’une belle venue ;le poète doit s’affirmer bon littérateur dés le début du poème. Le poème est un discours Awal écoulé dans une forme métrique N’dam. Une poésie où s’affirme la primauté de la musique sur les paroles, d’où le recourt au refrain lancinant pour rythmer chaque strophe. Dans tout chant, il y a un sens caché, une signification symbolique. L’intelligence du texte est aussi fonction de la culture du public comme le dit le poète chleuh : celui qui sait comprendre, comprendra !

ve.JPG

En nous accordant un entretien,à l’issue de soirée musicale à Sidi AhmadOu Moussa, le Raïs Aglaw était à peine audible : l’extinction de la voix est à la fois bénie par le saint et désirée par le chanteur, car elle symbolise la mort des vieilles cordes vocales indispensable à la renaissance d’une nouvelle voix,à la fois neuve et vigoureuse, pour le restant de l’année.

a.JPG

Les troubadours de Sous, se produisent dans la plupart des moussem du sud marocain. Ils plantent généralement leur théâtre au parc forain qui constitue la partie ludique  et profane de la fête patronale. La Raïssa Amina dont le répertoire fait partie de la nouvelle chanson berbère en vogue, chante d’une voix naïve et belle les mots simples de l’amour du terroir et de ses symboles sacrés. Mais par delà leur voix, les Raïssa  apportent un plus avec leurs diadèmes magiques,leurs caftans bariolés et leur chorégraphie improvisée. L’improvisation musicale constitue , en effet, avec la participation du public, un des traits majeurs de cet art populaire.

g.JPG

b.JPG

 

Grâce à l’effet cassette aussi bien audio que vidéo leur audience est infiniment plus grande. Cet exemple montre que la culture est toujours ambulante, déplacée et en mouvement. Soit que sa déambulation voyageuse se fasse comme autrefois en carriole, soit que la circulation de la culture traditionnelle empreinte la voie des ondes et des bandes magnétiques. En ce sens les Raïs sont les véritables unificateurs de la culture berbère.

La Maison d’Illigh

ill.JPG
ob.JPG

 

La Maison d’Illigh est un des principaux pourvoyeurs de nègres acheminés par les caravanes à travers le Sahara. Une grande moitié des valeurs apportées du Soudan le serait sous la forme d’esclaves noirs. Ces esclaves transitaient par les moussem et particulièrement celui de Sidi Ahmad Ou Moussa. Un vestige de ce rôle se perpétue en ce qu’Illigh préside encore aujourd’hui la fête des esclaves en dou lqiâda en l’honneur de Bilal affranchi par Abou Bakr.

1.JPG

Le fondateur de la Maison d’Illigh, Abou Hassoun Semlali (dit « Bou Dmiâ »), est l’un des descendants de Sidi Ahmad Ou Moussa. Il serait arrivé dans cette région en provenance du Sahara. Selon la légende, il aurait choisi de s’établir à Tazerwalt parce qu’il avait trouvé le lieu « convenable » :

«  Abou Hassoun Semlali était à la chasse quand il s’est arrêté à cet endroit. Il a chassé une gazelle et après l’avoir immolé, il a suspendu sa carcasse à un arbre jusqu’au lendemain. Sa viande n’ayant pas été affectée par la chaleur, il dit à ses compagnons :

-         Cet endroit est convenable (Iliq, en arabe)

C’est ce mot arabe d’Iliq qui signifie « convenable) qui a donné le toponyme d’Illigh. »

2.JPG

Vers 1638, Ali Bou Dmiâ , petit fils de Sidi Ahmad Ou Moussa, allait étendre le pouvoir de la Maison d’ Illigh, au port de Massa et à celui d’Agadir, en y établissant un comptoir commercial pour les échanges avec la Hollande, la France et l’Angleterre. A cela s’ajoutait son quasi monopole sur le commerce transsaharien avec la Guinée et le Soudan.

On date la venue des premiers juifs à Illigh vers 1620. L’extension du commerce nécessitait l’entremise des juifs. C’est lors de la grande épidémie de peste qu’on les a autorisé à enterrer leurs morts en arrière d’Illigh c'est-à-dire à l’Ouest de manière à ce que les musulmans d’Illigh ne fassent pas la prière tournés vers un cimetière juif. Il seraient originaires de l’Ifran de l’Anti – Atlas qui est l’un des principaux relais de l’axe atlantique transsaharien qui part de l’Oued Noun, seguiet el hamra, Oued Eddahab, traverse Waddane et Wallata pour aboutir à Tombouctou. Cette route célèbre est connue sous le nom de Tariq Lamtouna. En perdant sa fonction commerciale, de lieu de transit pour le commerce transsaharien,la Maison d’Illigh tomba en ruine.

3.JPG

Depuis la construction des remparts de Tiznit par Hassan 1er et l’affirmation d’un établissement durable du makhzen dans cette ville, bon nombre de juifs des Mellahs de Sous y transférèrent leurs familles , leurs biens et leurs boutiques. Il est naturel qu’ils recherchent un maximum de protection. Ceci est le signe d’une substitution de prestige et de pouvoir d’Illigh à Tiznit. Le 28 avril 1886, Hassan 1er écrit à Hucein Ou Hachem :

« Nous vous envoyons le porteur, notre cousin Moulay Srour, pour accomplir en notre place le pèlerinage au tombeau du Cheikh Sidi Ahmad ou Moussa et à ceux des hommes vertueux aux qualités de piété, de générosité et de bonté qui sont enterrés là. Il est accompagné d’un intendant de notre entourage chargé d’acheter les animaux et de les sacrifier à titre d’offrandes à Dieu, auprès de ces sanctuaires vers lesquels se tournent dés le matin, les espérances. »

Le moqadem de la zaouïa nous invita la veille à filmer  l’invocation de clôture sur la montagne, au quelle notre équipe s’est rendue dés le levé du jour(c’était au mois d’août 1997). Après l’invocation collective sur la montagne, tout le monde a décampé pour se rendre ailleurs, jusqu’au prochain mousem.

Abdelkader Mana

15:03 Écrit par elhajthami dans Histoire, Musique, religion | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : tiznit | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

TAFRAOUT

I D E R N A N E
voile.JPG
La fête saisonnière de l'Anti-Atlas

Au milieu des montagnes tourmentées de l’Anti – Atlas, le jour se lève sur Tafraout, toponyme qui figure parmi les plus fréquemment relevé en Berbèrie et qui signifie l’auge où les chèvres et les brebis viennent s’abreuver. Tafraout entourée d’un chapelet de villages aux maisons souvent vides mais auxquelles ses habitants d’origine restent attachés même s’ils ont réussi à faire fortune ailleurs. C’est à Tafraout que le Soussi oublie ses soucis, en retrouvant les parfums et les airs qui ont bercé jadis sa prime enfance. C’est là que chacun se réconcilie avec ses racines et son identité profonde.

A l’herbe des prés l’amandier en fleur a dit :

A quoi bon désirer l’eau ? Ô fleur voici l’abeille !

amandiers.JPG
Lorsque les amandiers en fleurs donnent aux valets de l’Anti – Atlas leur aspect presque riant et au moment où commence le gaulage des olives, la fête des idernane a lieu juste après le jour de l’an du calendrier julien : c’est ras- el- âm, le jour de l’an berbère, cette porte de l’année agricole qui correspond au 13 janvier du calendrier grégorien, qui donne le départ à ces fêtes saisonnières qui permettent aux vallées de l’Anti-Atlas de sortir progressivement de la mort hivernale à la renaissance printanière. La fête des idernane commence en tribu Ida Ou Samlal le jeudi 15 janvier ; les autres tribus la célèbrent ensuite jusqu’à la mi – mars. C’est une fête qui dure trois jours : le jeudi, le vendredi et le samedi. Que sont les idernane ? Ce sont les baignés faits de patte que l’on cuit dans le plat à pain enduit au préalable d’huile d’argan. Ce jour – là on mange aussi les moules séchées achetées sur le marché : les villageois préparent les crêpes ainsi que les moules qu’on appelle waïl en berbère, bouzroug en arabe. Ils s’invitent entre eux et le soir venu a lieu la fête dans le douar. Au sommet du djebel el Kest, qui surplombe Tafraout ainsi que la célèbre vallée d’Ammeln, au tout début du mois de janvier 2004, nous avons assisté à cette fête du calendrier berbère qui a coïncidé cette année avec la fête lunaire du sacrifice abrahamique.
azrou.JPG

La trêve des idernane

Perché au sommet du djebel el kest , la plus haute montagne de l’anti – atlas, qui culmine à 2300 m , le village de Tagdicht fait partie de la fraction des Aït Smayoun, qui surplombe la vallée où coule par intermittence l’oued Ameln au pied de la muraille semi – circulaire de l’adrar el kest : c’est par rapport à l’oued qui coule au milieu de la vallée d’Ameln que se répartissent les douars. Il y a ceux en amont de la rivière qui appartiennent  au domaine du haut, afella ou assif, et ceux  en avale de la rivière qui appartiennent au domaine du bas, agouns ou assif. Les premiers formaient le long du djebel el kest une alliance des montagnards dénommée le leff des Tahougalt qui s’opposaient aux villages de la vallée qui formaient le leff de Tagouzoult. Ces deux leff antagonistes ne connaissaient de trêves que durant les fêtes des idernane, comme nous l’explique notre hôte au village de Tagdicht :

hôte.JPG
Jalahi Abed, le patriarche de Tagdicht, notre hôte
tagdicht.JPG
Tagdicht
carte.JPG
« L’occasion des idenane, quelle en est la cause ? Les famines et les guerres ! Il y avait la famine et on guerroyait d’un village à l’autre, d’une tribu à l' autre. Les Oulémas de Sous se sont alors réunis à Igourdane et ils ont cherché à établir une trêve, pour que les gens puissent faire leur marché en paix. Ils ont donc appelé cette trêve « la trêve d’idernane » : deux représentants de chaque douar avaient signé ce pacte. De sorte que quiconque veut se rendre au douar ne puisse être muni d’armes, ne serais-ce que d’un simple couteau. Il peut ainsi se rendre au douar avec confiance. Et ils ont commencé à Igourdane. Le 8 janvier commence idernane à igourdane, suivi de Tagenza, la semaine d’après, puis  vient le tour de Tagdicht où nous sommes . Cette fête mettait ainsi fin à l’opposition entre les leff de Tahougalt et celui de Tagouzoult. Le leff de Tahougalt défendait son territoire et celui de Tagouzoult également. A partir d’Aït Smayoun à Ida Ou Samlal , c’est le leff de Tagouzoult. Et de Tazoult à Aferni , c’est le leff de Tahougalt. On fête idernane en recevant les invités avec les crêpes : les femmes arrivent le jeudi, les hommes le vendredi. Et on commence à danser l’ahouach l’après midi jusqu’à très tard le soir. »
mus.JPG
vcmieux.JPG

Lors de la fête nocturne les jeunes chanteuses ont la tête entièrement recouverte par un voile collectif qui les relie entre elles qu’on appelle chéch. Ce voile collectif semble être imposé par les vieilles zaouia et écoles coraniques de la région. Ce voile collectif imposé par les hommes limite l’expression chorégraphique des femmes. A cet égard, le Sous se répartit en deux sortes de tribus : celles dont l’ahouach (danse collective) des femmes se déroule sans voile et qui excellent dans la danse et le chant et celles qui dissimulent leurs corps sous un voile collectif de sorte qu’elles ne laissent paraître de leur beauté physique  que les mains enduites de henné et recouvertes de bijoux (les jeunes nubiles se produisent ainsi pour les beaux yeux de l' éventuel future, les femmes mariées sont de simples spectatrices).Ici, le corps des femmes est marqué d’interdits ; on nous a même empêché de filmer les spectatrices. Et comme nous avions voulu filmer les traditions culinaires de cette fête des idernane ; on nous a promis par politesse d’accéder à l’espace intérieur réservé aux femmes, mais c’était juste une promesse qui n’a pas été suivie d’effet. De manière symbolique, le seuil, al-atba , marque la limite à ne pas franchir .

Résurrection des fleurs sauvages

mieux.JPG
noir.JPG

Le poète Mohamed Kheir Eddine , né dans cette vallée d’Ameln, plus précisément au  village d’azrou ouadou (le rocher du vent) s’était élevé à son retour d’exile contre ces traditions étouffante tout en exprimant de la nostalgie pour ces musiques naïves et attendrissantes qu’il a connu dans son enfance. Une enfance où il n’avait connu de la femme que son voile noire et son fagot de fourrages sur le dos :

La femme portant la montagne sur le dos

La femme naissant du creux moite de l’omoplate

Des moutons sacrifiés sur l’ardent miroir fauve

Mère ! Issue des plantes fourragères

Je vais par ce chemin abrupt atteindre tes yeux baies

Et très haut une lune peut – être qui pose ses nasses

Avec sa langue embrassant les étoiles

Morte ?! Non. Fatiguée de l’amour acre non consommé

rocher.JPG

C’est en ces termes que dans sa « Résurrection des fleurs sauvages », que Mohamed Kheir Eddine rend hommage aux femmes de ce pays qui est le sien. Et « on arrive dans son pays, écrivait – il , plein de bruits des mégapoles, de la furie des mers et baignant dans les espaces immenses. Quel miracle ! Après les vins forts de l’errance que les brocs de petit lait saupoudrés de teins moulu. On refait connaissance avec la moindre poutre, la moindre marche. On redécouvre les pièces visitées en rêve, exiguës et ténébreuses. On est véritablement à l’écoute des musiques de l’enfance. »

ahouach.JPG

Les commerçants des villes bâtissent ici des villas en béton dont ils confient les clés à des allogènes et où ils ne viennent habiter qu’une quinzaine de jours par an, à l’occasion de mariages. Au pays reste la femme : c’est elle qui cultive la terre, c’est elle qu’on voit arracher de l’herbe en flanc de montagne. Curieuse économie à deux branches : l’agriculture et le commerce dont l’une, la complémentaire s’est développée au point de devenir la principale. Au pays d’Ameln, l’émigration a dispersé les hommes au point qu’on a du faire appel à l’ahouach des hommes de la tribu voisine d’Amanouz. Dans son improvisation poétique, le poète fustige l’avarice qui fait de l’accumulation de richesse le but ultime de la vie. L’avare ne peut s’adapter à la vie sociale : Dieu lui a interdit de goûter au miel des choses. Dans une fête où l’assistance est faite principalement d’épiciers et d commerçants ayant bâti leur richesse à force d’épargne, l’évocation de l’avarice paraît un clin d’œil qui ne manque pas de sel. Un simple recensement des invités nous convainque de leur origine social : tailleur à Tanger, buraliste à Casablanca, épicier à Rabat, restaurateur à Tafraout, propriétaire de supermarché dans la banlieue parisienne : ils sont tous revenus au pays à l’occasion de l’aïd el kébir et ont choisi de prolonger leur séjour pour participer au village, aux environs de Tafraout, à la fête saisonnière de l’Anti – Atlas. Contrairement au Haut – Atlas où nous pouvions interroger des femmes d dévoilées sur leur chant et leur danse, dans cet Anti – Atlas puritain, on a dû ruser pour filmer furtivement au loin, des femmes voilées.grenier.JPG

Dans le Sous, la femme reste la gardienne de la culture et de l’agriculture. De tout temps la femme berbère a été pourvoyeuse des significations du monde. C’est elle qui inculque aux très jeunes enfants la culture ancestrale que l’homme trop paresseux quand il n’est pas occupé dans les mines d’Europe ou les épiceries de Casablanca ne leur dispense pas. Cette culture se donnait comme un travail de patience et de méthode qui consiste à nourrir le cerveau de l’enfant de la geste symbolique tout en lui faisant connaître les beautés diverses et immédiates de la terre.

Abdelkader MANA

15:01 Écrit par elhajthami dans Documentaire, Musique, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tafraout | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Légendaire Massa

Massa Terre de Légendes

jonas.JPG
Lazarev
jonas tabal.JPG

TABAL

Le poisson ne se lave pas le visage dans la mer

La mer est son visage lavé

Depuis le blanc- sel, depuis ce bleu- éternel

Moubarak Erraji

mer.JPG

Le toponyme de Massa est déjà indiqué sur la plus ancienne carte, celle de Ptolémée. Si on admet que les Phéniciens possédèrent cinq comptoirs commerciaux sur les côtes marocaines au sud du Cap Ghir, il est probable que le port de Massa fut choisi par ces navigateurs de la première heure. Sur ces côtes marocaines, les marins berbères s’accrochent au moindre abri pour y fonder de petits ports de pêche. Massa est traversée par l’oued sur environ 150 kms. Les villages avoisinants en profitent énormément. Ils se succèdent tout le long de la rive sud-ouest et de la rive nord-ouest. Sur les bords de l’oued se pressent une quinzaine de villages construits à mi-pente sur la falaise escarpée de la rive gauche. Le jonc prolifère dans le lit même de l’oued et fournit la matière première à l’artisanat du nattage qui fait de Massa le premier fournisseur en nattes des mosquées du  Royaume. C’est une activité ancienne qui se transmet de génération en génération. L’eau qui fait vivre la plaine provient soit de l’oued lui-même, soit des puits et des sources. L’eau de l’oued est très légèrement salée. Celle des puis et des sources est douces. Les champs irrigués prennent l’aspect de véritables fourrés où les sangliers de la montagne viennent se réfugier. Les livres d’histoire signalent que Massa produisait de la canne à sucre du temps des Saadiens. Au temps des disettes les gens venaient directement à Massa en raison de l’abondance de l’eau, celle de l’oued Massa et aussi en raison de nombreuses sources.

barque.JPG

Chaque vague est un ancien pêcheur

Mort de noyade

La vague peut-elle se noyer en elle – même ?

La mer est plus langue qu’une canne de pêcheur

Ce n’est pas moi qui le dis

Ce sont les fuites d’eau au travers les mailles du filet

Moubarak Erraji

ribab.JPG

L’embouchure est très belle : la mer pénètre à des kilomètres en profondeur en amont de l’oued Massa. Il reste encore des vestiges et des traces de l’ancien port que se soit en amont ou en aval du fleuve. Les origines de ce port remontent aux Phéniciens, aux Carthaginois et aux Portugais. Il fut fréquenté jusqu’à l’époque Saâdienne et au début de la principauté de Tazerwalt. On accédait au port qu’on appelle al-Forda en arabe,par l’embouchure avant son ensablement, pour transporter soit les marchandises, soit les armes.

coupole sidi wassay.JPG

Des sacrifices sont également offerts à cet oued surtout au niveau d’Oggoug, c'est-à-dire le barrage situé au niveau d’ Agdal-Massa. Chaque année on sacrifie à cet endroit , pour obtenir la baraka de la sainte lalla Riqya ,fille d’Ahmed Sawabi. On accorde ainsi leurs part aux saints patrons de Massa. Les anciens pêcheurs se souviennent encore des chants qu’ils clamaient lors de la pêche à la pirogue berbère du nom d’agherrabou . Le mot était connu sous cette forme de Cap Juby à Safi. Le mot a pu être rapporté au grec et au latin carabus . Les saints enterrés en bord de mer ont leur part de capture des agherrabou. Les pêcheurs ne peuvent ni vendre, ni partager les poissons, sans accorder leur part de poissons aux saints. Ils disent : « Voici le poisson de Sidi wassay ! » En le rejetant au loin sur le sable. « Cet autre poisson est pour lalla RahmaYoussef ! » pour qu’elle les aide face aux tempêtes maritimes. Ce n’est que par la suite que les pêcheurs peuvent vendre leurs captures.

Abdelhadi, le parolier des Izenzaren qui vient souvent en marin chercher l’inspiration à Sidi wassay chante :

marin.JPG

Me voici mettant ma pirogue face aux vagues

L’écume des vagues couvre ma pirogue

On ne sait ce qu’on va trouver

Derrière les vagues et derrière les îles

Le rouget, c’est en haute mer qu’on le capture

Au bout d’un filet qui vibre comme un rebab

 

beau.JPG

Dans les douars côtiers, c’est la pêche qui prime sur l’agriculture. La plupart des marins cultivent la terre pendant la mauvaise saison. C’est surtout la crainte de la houle qui paralyse la pêche pendant l’hiver. La vie maritime semble s’être retirée de Massa en raison de l’ensablement. Tifnit est maintenant le port où arrivent les pirogues chargées de poissons. C’est là qu’Oqba Ibn Nafiî s’est arrêté face à la mer. Le grand conquérant arabe avait prié son Dieu en ce lieu. Les princes s’y rendaient pour renforcer leur pouvoir. Ibn Khaldoun rapporte des légendes qu’on n’a cessé de répandre depuis qui représentent cette région comme le lieu d’où viendront l’imam el Mahdi et le Doujjal (l’antéchrist) :

ahouach.JPG

« Les gens disent que le Mehdi surgira au fond de quelques lointaines provinces au bout du monde civilisé, par exemple au Zab en Ifriqiya ou dans le Sous marocain. Des gens simples vont en pèlerinage au ribât de Massa dans le Sous. Ils espèrent le rencontrer là, persuadés que c’est là qu’il va apparaître et qu’ils lui prêteront serrement d’allégeance. Au début du 13ème siècle,  et sous le règne du sultan mérinide Youssef Ibn Yaâkoub, un soufi pratiquant vint au ribât de Massa. Il prétendait être le fatimide qu’on attendait. Beaucoup de Znaga et de Gzoula de Sous le suivirent. Il était sur le point de réussir lorsque les chefs des Masmoda craignirent qu’il ne vint à menacer leur autorité. L’un d’entre eux, de la tribu des Seksawa lui dépêcha un tueur à gage et l’assassinat. Ceci fit échouer toute l’affaire. »

s.JPG

La sanctuaire de Sidi Wassay situé sur la rive sud de l’oued Massa, de son vrai nom Abderrahman Rondi par référence à la ville Andalouse de Ronda . Il aurait vécu au 13ème siècle. Il avait quitté l’Andalousie pour Fès et de là à la tribu berbère d’Issafen N’Aït Haroun. Il y laissa un enfant et vint s’établir à Massa où il fut enterré au bord de la mer pour que sa baraka produise des pêches miraculeuses et protège les rivages  des ennemis qui viennent de la mer. Le surnom de Wassay signifie d’ailleurs en berbère « celui qui protège des dangers de la mer ».

s1.JPG

Le rocher de Jonas est également l’objet d’un culte jusqu’à nos jours sur les rivages de Massa. Entre sable et eau le rocher est parfois recouvert par le flux des marées. Pour le professeur Bassir, originaire de Massa : « Ce n’est peut-être qu’une simple légende, mais il n’est guère hors de portée pour le Seigneur de faire advenir Jonas des rives orientales de la Méditerranée à ce ribât de l’Atlantique. Jonas fut avalé par une baleine pour une action blâmable envers Dieu. Et c’est sur ces rivages que la baleine l’engloutit d’une manière ou d’une autre . Un plant de courge poussa alors sur lui comme il est dit dans le Coran :

s3.JPG

« Et nous le jetâmes sur la terre, si maigre qu’il était et nous fûmes pousser sur lui un plant de courge. ». Le yaqtin , ce plant de courge qu’on appelle aussi « légume du Prophète », c'est-à-dire la plante qui a poussé au-dessus de Jonas.

tombourin.JPG

Selon Léon l’Africain, la mer rejetait ici des cétacés, en particuliers les baleines que les marocains appellent Gaga, comme le prouve leurs carcasses dont on s’est servi pour consolider les arcades et les toitures de la vieille mosquée de Massa. Il y avait un os de baleine à Sidi Wassay qui faisait l’objet de culte et auquel on se frottait pour se débarrasser de certaines maladies. La baleine que rejetait la mer , Léon l’Africain l’avait vu de ses propres yeux. Il raconte comment il a pu franchir sur dos de chameau une arcade faite d’os de baleine. Les baleines échouaient spécialement sur ces rivages, parce qu’à un ou deux kilomètres au large de Massa se trouvent des écueils acérés, à fleur d’eau : la baleine s’y blessait et finissait par échouer sur la plage.

Abdelkader MANA

14:37 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

La Rihla et le Ribab

Fadela photos 187.jpg

La Rihla et le Ribab

Par Abdelkader Mana

Dites, honnête homme
Quel sol mes pieds n’ont pas encore foulé ?
Tindouf, Tata, Tiznit, Agadir
Ou le grand marché des chevaux
Des plumes d’autruches
Et des chameaux à Goulimine ?
Raïs el-Haj Belaïd

Le voyage comme pré - texte, Hâjj Belaïd, le vieux troubadour du Souss, qui errait dans tout le Sud avec son ribab, le savait aussi indispensable pour la poésie : il est la figure emblématique de Tiznit et du Souss. Pour rencontrer son fils, qui tient chaque soir Halqa aux pieds des remparts, nous avons quitté Taroudant et ses oliveraies pour rejoindre l’autre étoile du Sud, Tiznit, cette ville à dimension humaine où tout semble avoir été dessiné en miniature par un orfèvre de fibules berbères plutôt que par un architecte

hadj_belraid2.jpg

Haj Belaid avec son Ribab

Si mes pas me mènent encor de çà de là...[i]

Si mes pas me mènent encor de çà de là...

C'en est assez !

Si mes pas me mènent encor de çà de là...

C'en est assez !

Mon cœur ne requiert plus l'errance,

Mon cœur ne requiert plus l'errance,

Allons ! Reprenons la charrue ! Au nom de Dieu !

Attelons la paire de bœufs. La terre familière

Du patrimoine, c'est elle que je cultiverai.

L'ami qui fut mon associé, peut-être

Me laissera-t-il une part de sa prospérité.

Fasse qui veut les jeux du diable,

Agissant sans tête ni cœur !

Amour, Dieu a fixé les liens par le destin.

O soleil de ma vie, ô fleur de juin,

O mon aimée, selon mon cœur et ta semblance.

Si mes pas me mènent encor de çà de là...

C'en est assez !

Mon cœur ne requiert plus l'errance,

Si mes pas me mènent encor de çà de là...

C'en est assez !

Ce poème fut composé par le raïs l'haj Belaïd, dont la renommée est grande. Originaire des Ida Ou Baâquil, tribu à l'E-S-E. de Tiznit, dans le Sous, il avait une soixantaine d'années en 1933. Sa mort semble être survenue après 1945. A son prestige de poète chleuh, maître d'un grand nombre de trouveurs qui firent leur apprentissage dans sa troupe et qui formèrent par la suite leur propre troupe, il ajoutait le prestige du lettré, qui avait étudié à la zaouïa de Sidi Ahmed Ou Moussa (grand marabout de Tazerwalt).

[i] Paulettes Galand-Pernet : Recueil de poèmes chleuhs. Chant de trouveurs Publié par le concours du CNRS aux éditions Klincksieck, Paris, 1972.

.Mokhtar_asoussi.png

Mokhtar Soussi l'auteur le plus prestigieux de Sous (1900 - 1963).Ses ouvrages disponibles uniquement en Arabe constituent une véritable mine d'informations ethnographiques sur le Sous,(Voir à la fin de cette note la présentation de sa vie et de son oeuvre)

À l’aube de l’indépendance, Mokhtar Soussi publie les quatre tomes d’À travers les Jazoula. Ce récit de voyage dans son pays natal, le Souss, s’inscrit dans la longue tradition littéraire de la Rihla, genre très prisé par les écrivains nomades arabes depuis le Voyage en Turquie d’Ibn Fadlane, en l’an 921, Ibn Joubaïr, le savant andalou (1114-1217) et surtout Ibn Battouta, type même du globe-trotter passé maître dans l’art de tenir un journal de route. Parti de Tanger un 13 juin 1325, Ibn Battouta alla jusqu’à la vallée de l’Indus et aux confins de la Russie et de la Chine.

danseuse berberes.jpg

Au cours de sa Rihla du Souss, Mokhtar Soussi consigne dans son carnet de voyage tout ce qu’il voyait :

"J’ai ouvert mes yeux sur les lieux, et mes oreilles sur ce qui se dit. J’ai décidé de visiter Tiznit, Agadir, puis Taroudant et les environs de ces trois villes du Souss."

Trois villes qu’il traversa souvent à dos de mulet, en quête d’anciens manuscrits.


hassan aglaou.jpg
Le defunt Hassan AGLAW et Raissa Kelly

À l’intérieur des remparts de Tiznit, la musique berbère scande, dans les échoppes, la vie quotidienne des cordonniers, des menuisiers, des coiffeurs, des commerçants, de tout un peuple de petites gens et de femmes voilées. Tableau insolite chez les photographes et les disquaires de la ville : l’affiche d’une jeune Française de dix-sept ans qui pose en chanteuse berbère et proclame, en prélude à l’un de ses « tubes » :
« Moi, Kelly, de père et de mère français, je suis tombée amoureuse de la chanson berbère ».

raisa%20kelly.jpg

Raissa Kelly

Au mois de mars, son passage fut une curiosité et son spectacle (elle était accompagnée du ribab du Raïs Aglaou) un franc succès. Une émigration en sens inverse, à la rencontre de l’autre rive et de l’autre vent.

raissa killy.jpg

Par un heureux hasard, le poète même de Tiznit, Ouakhzan Ben Mohamed Sahili, est venu vers nous. Au milieu des palmiers et des chants de coq, non loin de la fameuse source bleue, il nous tint tout un discours de ferveur dans la kasbah du soleil et nous traduisit séance tenante de longs poèmes sur l’émigration du Souss.
L’un des plus anciens poèmes sur l’émigration est la Qasida de Paris, composée en 1936 par Raïs Belaïd le sublime (décédé en 1945, il avait prévu dit-on le séisme d’Agadir). Parti en bateau pour la France, le Raïs fut accueilli à Paris par les Marocains de là-bas :

Certains sont partis en Tunisie,
D’autres à Saint-Étienne,
Et d’autres encore à Paris.
Celui qui émigre pour sauver les siens,
La loi religieuse ne le condamne point.

Il loue l’aide qu’ils apportent à leurs familles restées au pays et les sacrifices qu’ils consentent pour les leurs, allant même jusqu’à s’endetter :

J’ai erré dans le Souss, au pays hahî,
Et dans les hameaux les plus reculés,
Je peux en témoigner :
Même les cimetières,
Ce sont les émigrés de France,
Qui les ont aménagés.
Par leur argent,
Ils ont réparé les coupoles des marabouts.
Par leur argent,
Ils ont entretenu les mosquées.
Beaucoup d’endroits n’ont été sauvés,
Que grâce aux mandats qui viennent de Paris.

Les chants des troubadours du Souss conservent la mémoire de l’émigration. Le travailleur émigré, voyageur professionnel par excellence, est hanté par la nostalgie ; sa poésie est le cri de l’arbre sans racines. En quête de cette mémoire, nous avons suivi l’itinéraire de Mokhtar Soussi qui, jadis, sillonnait sa région natale à la recherche de vieux manuscrits. Surtout nous avons marché dans les pas du Raïs el Hâjj Belaïd, le poète sublime des vallées et des montagnes, l’Andam Adrar qui composa en 1936 l’un des plus vieux poèmes de tradition orale sur la migration vers le Nord.

Ces hommes qui partent travailler dans les mines et les usines laissent derrière eux, femmes, enfants, et tribu. C’est pourquoi le thème de la séparation revient comme une lancinante litanie chez la plupart des Raïs du Souss qui chantent l’émigration.
Dans le poème Je ne te pardonne pas Paris, feu le Raïs Mohamed Damsiri (décédé en novembre 1989) s’identifie aux femmes du Souss qui voit leur mari partir à l’étranger et compare l’avion qui l’emporte à un cercueil :

Je ne te pardonne pas, Paris
Je ne te pardonne pas, Nord
Je ne te pardonne pas, Belgique
Vous nous avez pris les nôtres.
Ô téléphone, réponds-moi !
Je n’ai pas besoin de cadeaux,
La présence du bien-aimé est plus précieuse.
Je ne te pardonne pas, avion
Semblable au cercueil,
Tu emportes sans retour.
Que Dieu bénisse les Chleuhs
Qui travaillent dans les mines et les usines.
J’implore Dieu de nous les faire revenir.
Car les blessures de la séparation,
Rendent notre langue muette.

bihti.jpg

Rais Bihti

Dans les campagnes du Souss il n’y a plus que des femmes, des vieillards et des enfants ; le Raïs Bihti, qui lui-même travaille chez Citroën (il est à trois années de retraite), vient pendant les vacances animer les soirées musicales dans le Souss. Militant du regroupement familial, il a bouleversé la communauté des immigrés, surtout à Aglou et aux environs de Tiznit, à telle enseigne que la plupart d’entre eux ont décidé d’emmener leurs épouses avec eux à l’étranger.
Il a, nous dit-on, ému jusqu’aux larmes la moitié des femmes d’Aglou, lors d’une soirée mémorable. Le Raïs Bihti les chante, les comparant métaphoriquement tantôt à une plante fragile qui réclame des soins, tantôt à la terre assoiffée ; il plaint les émigrés d’avoir failli à leur devoir conjugal :

Les biens de ce bas-monde,
M’ont perdu moi-même
Quand je joue du Ribab,
Mon esprit erre autour de la banque,
Et se demande combien d’argent, elle contient ?
Que peuvent pour nous qui partons, les poèmes ?
Nous avons laissé la terre couverte de fleurs,
Mais personne n’est resté pour les arroser.

Depuis lors, certains à Aglou ont choisi de faire venir leur famille en France, d’autres ont rejoint la leur au Maroc. En Occident « la figue de barbarie pourrit au bord des routes » chante Mohamed Damciri, pour qui l’exil est le symbole même de l’impureté :

Ô vent d’Est, ô vent d’Ouest,
Portez le salut à mes frères de l’étranger,
Ils vivent au pays perdu par les hyènes.
J’ai oublié Barbès et Pigalle.
Celui qui les visite restera impur,
Même s’il fait sa prière sur l’eau.


rais amerrakchi.jpg
Rais Amerrakchi

Dans un autre poème le Raïs Bihti évoque une voiture qui vient le chercher :

Quand le chauffeur m’a dit :
« Viens ô Raïs, ton mois de congé est terminé ».
Ma gorge s’est nouée,
C’est souvent ce qui nous arrive, ô mes chers immigrés !

Lui en parle, parce que sa poésie s’impatiente, mais les autres préfèrent s’enfermer dans le silence à force d’absence.

PICT0014.JPGNote sur Mohamed El Mokhtar Soussi

Il est né en 1900 au coeur du Sous. Plus précisement à Dougadir, village de la vallée d’Igli de l’Anti-Atlas, au sud de Tafraout. A partir de l’âge de 11 ans, iI a d’abord poursuivi ses études dans les medersas traditionnelles de Sous :

1911-1918 : Il étudie successivement dans les medersa suivantes de Sous : Illigh à Tazerwalt ; Ighchan au sud de Tafraout ; Bounaâman dans la tribu Aït Jerrar ; Tankourt, dans l’Ifran de l’Anti-Atlas .

1919 : Il rejoint l’université Ben Youssef de Marrakech.

1925 : Il rencontre le salifia Abi Chouâïb Doukkali.

1925-1928 : Etudes à l’université Karaouiyine de Fès.

1928 : Séjourne à Rabat durant un an.

1929 : Il repart vers Marrakech.

1929-1935 : Enseigne dans la zaouïa de son père à Bab Doukkala.

1937 : Enseigne à l’Université Ben Youssef de Marrakech.

1937-1945 : Assigné à résidence à Dougadir, par le Protectorat.

1946-1951 :   Enseigne à la medersa-université Ben Youssef et dans la zaouïa de son père à Bab Doukkala.

1952-1954 : Il est emprisonné dans les lointaines montagnes arides d’Aghbalou N’ kardous (province de Rachidia) en compagnie, entre autres, de Mehdi Ben Berka et de Mohamed El Fassi.

1956 : Il est nommé ministre des Affaires religieuses du Maroc indépendant.

1960-1963 : Il commence à publier ses ouvrages.

1963 : Il décède dans un accident de la circulation.

Mohamed Mokhtar Soussi nous a laissé une abondante littérature sur le Sous, qui est publiée en partie mais qui reste à l’état de manuscrits en une autre. C’est une véritable mine de connaissances ethnographiques sur le Sous , la Maison d’Illigh, les anciennes medersa et bibliothèques ainsi que leur trésor de manuscrits. Mais ses ouvrages n’ont jamais été traduits en Français. Les richissimes commerçants  de Sous sont très fiers d’El Mokhtar Soussi, mais ils sont incapables d’investir un centime dans la culture et encore moins dans la production d’ouvrages sur leur région. Parmi les ouvrages les plus connu d’El Mokhtar Sousi (ils sont disponibles uniquement en Arabe), on peut citer :

« Al maâsoul », paru en 20 tomes, entre 1960 et 1963.

« Sous Al – Âlima », publié en 1960 puis réédité.

« Min Afouah Rijal », en 10 tomes, Tétouan 1962.

Illigh qadiman wa haditan. Rabat, 1966.

Mouâtaqal Asahra. (Première partie), Rabat 1982.La deuxième partie est encore à l’état de manuscrit.

Madaris Sous Al Âtiqa, nidamouha wa Asatidatouha, Tanger, 1987.

Rijalat al îlm al ârabi fi Sous, Tanger, 1989.






14:33 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

26/04/2012

Carnaval de achoura

Le carnaval de Achoura[i]

préstigitateur.JPG

Le prestigitateur de Roman Lazareve

Par Abdelkader Mana

 

Au Maroc, le carnaval qui porte les noms du "Bsat" et de la "Fraja" est aux sources du prè-théâtre de la halka de Jamaâ el Fna et du théâtre moderne d'inspiration populaire inauguré en 1967 par "les quatrains de Sidi Abderrahmane el Majdoub", pièce de Tayeb Saddiki.

affiche_image (2).jpg
Les comédiens Khalili et Salamat
de la troupe "masrah Ennas"(théâtre des gens) de Tayeb Saddiki

Les bsat dont traite cette pièce se rapportent tous aux personnages burlesques de Jamaâ lafna  des années 1950-1960 : Baqchich, M'sayeh , mais aussi le fameux  Charkaoui (l'homme aux pigeons) et son acolyte labsir(l'aveugle)).Dans "Al Fil Wa Sarawil" ("éléphant et pantalons", par référence à la mode du pantalon "patte-éléphant"), Khalili joue le rôle de  Baqchich et Salamat celui du msayeh.Dans une des scènes on assiste à l'échange suivant:

Baqchich :

Ô M'sayeh ! le poux est originaire d'où ?

M'sayeh :

Frère baqchich,  le poux, sveltesse et délices (par ses morsures !) est originaire d'Essaouira !

DSC_0056.JPG

Driss Oumami

Aujourd'hui, 10ème jour de Moharram, on fête en famille dans tout le Maroc l'achoura. On donne l'aumône au pauvre, on met comme le Prophète  Mohammed le khol aux yeux. On fait la paix avec ses ennemis. On offre aux enfants des cadeaux. C'est un grand rite de passage. Depuis maintenant 10 jours et 10 nuits, nous avons entendu dans nos rues le grondement des goubbahi. Hier soir, veille de l'achoura, certaines de nos médina ont résonnées des chant de malhûn et des brioula de poèmes qui mettent en scène la ville. Dans certaines de nos campagnes on a promené des mannequins masqués. Mille traditions recueillies au début de ce siècle par le sociologue Edmond Doutté, célèbrent cette fête. Ed. Doutté a consacré un chapitre de l'ouvrage qu'il publie à Alger en 1908 (et qu'on a réédité récemment à Paris) sous le titre « Magie et religion dans l'Afrique du Nord », au « Carnaval de l'achoura ». Il tente d'expliquer cette fête du début de l'an musulman à la lumière de quelques livres d'ethnologie dont « le Rameau d'or » de Frazer et de monographies écrites par des fonctionnaires du temps de la colonisation. Il postule une sorte d'équivalence entre la notion maghrébine de la fraja et celle du carnaval parce que dans les rites qu'ils décrivaient il y avait des gens masqués, des scènes comiques des rues et l'idée d'iun passage des saisons.
DSC_0008.JPG
Driss Oumami

Doutté nous invite a faire avec lui le tour du Maghreb et de la Méditerranée et nous amène finalement à Karbala. C'est un beau voyage de l'imaginaire carnavalesque et tragique à la fois. Ainsi, le jour de l'achoura, on se déguise à Ouargla , les gens se répondent dans les rues les visages couverts de masques. Ce général de carnaval et ses acolytes, qui jouent les pères blancs fait penser irrésistiblement au fameux film que Rouch tourna en 1950 en Côte d'Ivoire. Avec les « Maîtres fous » dans ce film, on voit des immigrés africains jouer les rôles des autorités coloniales Anglaises : ils cassent un œuf sur leur crâne et le blanc d'œuf qui s'écoule sur leur visage évoque la perruque des soldats de la reine  etc.... Un possédé en transe mime le mouvement d'une locomotive. Tout le décor du modernisme, s'installe dans le théâtre carnavalesque de la possession.

maîtres fous bonnejpg.jpg
m-f de J.Rouch.jpg
Scènes du film "Les Maîtres fous" de Jean Rouch

Puis Doutté tente d'expliquer ces « curieuses pratiques ». Il y voit « les derniers débris » d'un meurtre rituel d'un dieu de la végétation. Il parle alors des sacrifices agraires, où l'on mettait à mort l'année écoulée pour faire place à la venue d'un « dieu végétant ». Ce rite de mort et de résurrection ; c'est le rite de passage de l'hiver au printemps. Cependant l'achoura tourne avec le calendrier lunaire musulman. Ce qui complique l'analyse : « Lorsque achoura devient une fête du calendrier lunaire, écrit Doutté, elle ne concorde plus avec les époques agricole ; elle  faisait le tour du calendrier solaire. Soit qu'elle eût jadis, réellement été une fête de renouveau, soit que son manque de consistance et son indétermination dans l'orthodoxie musulmane eussent contribué à la faire captation, des rites de l'année solaire qui ne coïncident primitivement avec elle qu'à des intervalles éloignés. Il était naturel d'ailleurs pour des populations qui s'islamisaient, de rattacher au début de l'année musulmane lunaire des cérémonies célébrées depuis un temps immémorial au début de l'année solaire ».

DSC_0019.JPG
Driss Oumami

Doutté  propose ainsi , sous le nom de Carnaval, une théorie de la fraja . Mais il y a un manque important dans le beau travail de Doutté. C'est la dakka par toutes les villes et les campagnes. A peine fait-il allusion aux taârija de Marrakech. Il manque aussi la tradition du chant rituel de l'achoura ; celui de Taroudant comme celui de Marrakech et Essaouira. La nuit de l'achoura sera ainsi le nécessaire complément au dossier ethnologique que Doutté consacre au début de ce siècle à cette fête. Voici donc, quelques extraits du travail de Doutté  sur l'achoura. Nous reviendrons demain sur la mise en scène des villes la nuit de l'achoura.

Florilège de l'achoura

bilmaune2.jpg
Boujloud
  • L'achoura à Ouargla

A Ouargla, comme dans le restant de l'Afrique du Nord, à l'occasion de la fête musulmane de l'achoura, c'est-à-dire le 10 du mois de moharram, qui est le premier mois de  l'année musulmane. Le soir venu, les habitants se répondent dans les rues, déguisés et le visage recouvert de masques. Ils imitent des types populaires, des animaux, le lion, le chameau ; on voit encore « un général à la poitrine garnie de décorations en fer blanc, aux rubans de couleurs variées, accompagné de son état - major ; il va faire sa visite à son collègue le commandant de la place : après un salut militaire réciproque, les deux officiers font mine de conférer gravement ». Un groupe d'indigènes affublés d'une immense barbe, revêtus d'une longue gandoura, coiffés d'une chéchia ou calotte rouge.

 

DSC_0022.JPG
Driss Oumami
  • Chez les Haha et les Chiadma

Dans les Haha , au Sud de Mogador, pour prendre un exemple, a lieu à l'achoura, un carnaval très analogue à ceux que nous venons de décrire : le chameau et le chamelier, le juif, le cadi, sont toujours es thèmes habituels. Mais le personnage caractéristique de la fête est un indigène revêtu d'une peau de bouc[ii], ayant souvent la tête dans une courge percée de deux trous et hérissée de piquants de porc - épic ; à son cou est un collier d'escargots ; il se promène et il danse sous les huées de la foule : on l'appelle «  herma guerga'a »,( le deuxième mot veut dire « noix sèche »), herma bou jloud, comme celui des Benis Snoûs. En même temps, on allume des feux de joie. Dans les Chiadma, au Nord  de Mogador, la fête est très semblable, mais on appelle plutôt herma du nom d'Ech Chouikh, c'est-à-dire « le petit vieux » ; de plus le carnaval a lieu tantôt à l'Aïd El Kébir, tantôt à achoura et le plus souvent aux deux à la fois.

photo-de-boujloud-d-aglou.jpg
Boujloud d'Aglou
  • La fraja

La fraja , tel est le nom que l'on donne au carnaval marocain, au moins à Fès et dans le Sud du Maroc, n'est pas la seule réjouissance qui marque la fête de l'achoura à Marrakech : il y a encore pour la plus grande joie des gamins, entre autres distractions, les noua'âr, (pluriel de na'oûra « roue hydraulique », espagnole (noria) , sont de grandes roues en bois montées sur un axe horizontal  et dont la circonférence supporte des compartiments suspendus où peuvent s'asseoir une ou plusieurs grandes personnes : o met la roue en mouvement et les amateurs s'élèvent et s'abaissent alternativement. A Safi par exemple on traîne une carriole, un cheval en bois, sur lesquels on monte pour quelques flous.

  • Au Nord du Maroc

Dans le nord du Maroc, le carnaval paraît également très répondu : nous savons qu'il existe à Tanger ; on l'a signalé à Fès, enfin il a été décrit en détail pour le Rif, pour les Djbala et pour une tribu voisine de la frontière marocaine, les Zkâra. Dans le Rif on représente le Ba Cheïkh (mot qui veut dire, un chef et en même temps vieillard) : c'est un personnage âgé, avec une citrouille sur la tête, une peau de hérisson, en guise de barbe, deux défenses de sanglier de chaque côté de la bouche etc. à côté de lui sa femme est figurée par un individu déguisé, avec des fers à cheval en guise de pendants d'oreilles, un collier d'escargots au cou, un autre indigène représente l'âne, monture de Ba Cheïkh , derrière marche le juif, sordide caricature d'un fils d'Israël.

 

DSC_0404.JPG
Driss Oumami
  • A touggourt

A Touggourt, les hommes se tracent avec du henné une ligne qui va de la naissance du nez jusqu'au cou en passant par le sommet du crâne ; ils prononcent en même temps l'invocation suivante : « S'il plaît à Dieu, l'année prochaine je ferai achoura comme cette année ». Sur la question du koh'eul, il semble qu'il y ait quelques divergences d'opinions mais l'usage spécial du  parfums. Pourtant, on croit que celui qui se purifie ce jour-là par le koh'eul ou le henné est purifié pour toute l'année ; celui qui se baigne est exempt de maladie aussi pour toute l'année ; ce jour-là, on se rassasie en une sorte de repas rituel où dominent les fèves et les légumes, car si on ne se rassasiait pas à cette occasion on ne serait pas rassasié de l'année. A Touggourt, on prétend que celui qui ne serait pas rassasié ce jour-là serait obligé, dans l'autre monde, de manger les pavés de l'enfer pour remplir son estomac.

 

DSC_0055.JPG
Driss Oumami

 

  • Au Caire

Au Caire, les femmes se réunissent dans une mosquée spéciale le jour de l'achoura, la mosquée de  Hassan et Hussein et s'y livrent à diverses pratiques condamnées par l'orthodoxie ; or nous connaissons quelques rites carnavalesques où les femmes jouent le rôle prépondérant : dans le rite susmentionné, ce sont les femmes qui expulsent la mort ; dans le mythe d'Orphée qui représente probablement un souvenir de meurtre rituel, ce sont des femmes qui mettent en pièces le héros : dans beaucoup des mystères antiques les femmes avaient des cérémonies spéciales. On avait voulu donner de ces faits une explication totémique,, fondée sur ce que dans les sociétés exogamiques primitives, les femmes étant d'une autre classe que les hommes ont un totem différent et doivent sacrifier à part. Il ne semble pas resté des traces de ce rôle des femmes dans le folklore maghrébin : nous avons du reste déjà eu l'occasion d'observer que les traces du totémisme dans l'Afrique du Nord sont extrêmement frustes.

DSC_0010.JPG
Driss Oumami
  • Visite aux tombes

A Mazouna, il est d'usage de porter à cette occasion des rameaux de myrtes sur les tombes (rayhân, usage que nous avons aussi observé à Marrakech lors du tournage de « feux de joie » pour la série  documentaire « la musique dans la vie », à la fin des années 1990). A Marrakech, à Mogador, dans le sud du Maroc, on arrose les sépultures à grand eau. A khanga Sidi Nadji, on s'aborde le jour de l'achoura en se jetant de la terre ou de l'eau sur le visage. A Marrakech et dans certaines tribus des environs on allume ce jour-là des feux de joie, analogues à ceux de la ancera . Il en est de même à Tunis : l'orthodoxie réprouve aussi cette pratique. Ces rites du feu, comme les rites de l'eau, ne paraissent pas nécessairement spéciaux à achoura, mais ce sont pour ainsi dire « accrochés » à cette fête qui semble, comme nous le disons, un centre de cristallisation. Au contraire les rites suivants se rapportent tous aux cérémonies carnavalesques.

DSC_0012.JPG
Driss Oumami
  • Soltan Tolba

Passion des Dionysos, chacun sait comment le théâtre est sorti chez nous des mystères de la Passion qui se sont peu à peu mondanisés ; or nous savons pareillement que les carnavals du Maghreb ont engendré, nous l'avons vu, une sorte de théâtre rudimentaire, qui ne se borne plus au thème primitif, mais comporte, au Maroc par exemple, des représentations burlesques très variées. De semblables petites représentations sont rares en dehors de la fête de l'achoura et de la fête que nous avons seulement mentionné, du Roi des tolba, très analogue au carnaval et vraisemblablement d'origine semblable. Même la fête de l'achoura n'a pas , chez nos indigènes produit de véritable art dramatique : c'est à peine si on signale en dialecte zénatie les dialogues récités lors de la fête de l'achoura, du Ramadan etc. , par les membres du chaïb achoura, sorte de confrérie théâtrale et satirique qui a beaucoup de ressemblance avec les frères de la Passion et les Enfants sans soucis de la littérature française à la fin du Moyen - Âge.

DSC_0021.JPG

Driss Oumami

  • Karbala

On sait qu'Ali, H'oseïn et Ha'san devinrent « le déversoir des besoins mystiques de la Perse. Chaque année les chiites Perses célèbrent la mort de H 'oseïn à Karbala par une série de cérémonies  extrêmement curieuses et que nous ne pouvons décrire en détail ici. Les fêtes durent les dix premiers jours de Moharram : des  descriptions que nous ont laissé les voyageurs, il faut retenir d'abord de nombreux rites de deuil privé et public ; puis le service funèbre qui se célèbre plusieurs fois en grande pompe, au milieu d'une désolation générale : la présence de membres des confréries religieuses qui se tailladent le crâne, se donnent des coups de poings avec un fanatisme sauvage, au cours de processions conduites par un  mollah monté sur un âne et surtout les représentations théâtrales qui ont lieu durant toute cette période et qui ont donné lieu à une littérature dramatique spéciale. Les drames ont toujours pour sujet H'oséïn à Karbala et des épisodes accessoires. Il est remarquable qu'au milieu de ces fêtes on célèbre une cérémonie nuptiale, en souvenir, dit-on, du mariage de la fille de H'océïn avec Qâcim qui, suivant la légende, se maria le jour - même où il mourut à Karbala au côté de H'oséïn, en sorte que des cérémonies de réjouissances se mêlent aux lamentations.

achoura ù karbala.jpg

Karbala

Des rites analogues ont lieu chez les chiites de l'Inde , où des rites du feu se joignent aux autres cérémonies ; les rites de l'eau ne sont pas non plus absents, tant en Perse que dans l'Inde. Enfin, il parait qu'à Karbala même, un condamné à mort, destiné à jouer le rôle de Chemr, assassin de H'oséïn, est tellement malmené par la multitude qu'il est presque toujours lynché. Il n'est pas difficile de reconnaître dans ces cérémonies non seulement les principaux traits des carnavals, mais aussi les caractères d'une véritable Passion dont Ali est le Dieu. H'oséïn est le Christ et le khalife le Judas. Il semble également évident que les téaziés  se sont développées des cérémonies religieuses et ont abouti comme en Grèce, comme chez nous, à la production d'une littérature qui se laïcisera peut-être un jour. Une étude scientifique de la fête de achoura en Perse achèverait sans doute de démontrer ce que nous avons suggérer dans tout ce chapitre, à savoir que les cérémonies célébrées à cette occasion sont les débris d'un antique meurtre rituel, à l'occasion du renouveau : que ces cérémonies ont dégénéré en carnaval dans le folklore du Maghreb comme dans celui de l'Europe, mais qu'en Perse, elles ont failli se développer en rite de rédemption comme dans le christianisme.

·Tayeb Saddiki, le Molière marocain

Le théâtre de Tayeb Saddiki concilie les formes traditionnelles et les exigeances contemporaines: il a travaillé avec Jean Vilar et est un fervent admirateur de Molière. Son théâtre s'inspire aussi bien du patrimoine marocain avec les pièces de "Sidi Abderahmane El Majdoub" et d'"El Harraz" que du patrimoine arabe avec "Maqamat Badiî Ezaman El Hamadani". Il a également écris et joué des pièces dans la langue de Molière: "Diner de gala", "Les sept grains de beauté", "Nous sommes faits pour nous entendre". Il déclarait à propos de son recueil "l'auteur parle, le metteur en scène montre": "J'ai écris ces poèmes, parce que je sais ce que signifie la solitude du comédien. Quand il joue le rôle d'un roi avec un costume fabuleux, il quitte le théâtre après la représentation et se retrouve parfois seul dans son coin n'ayant plus que ses rêves". Chez Tayeb Saddiki, il existe un point commun entre le théâtre - son domaine de prédilection, où son génie s'impose à l'échelle du monde arabo- musulman(il a connu personellement le Shah, Saddam Hussein et Yaser Arafat)- l'écriture et la calligraphie: la mise en scène de la parole. La scénographie. La place de Jamaâ Lafna, lieu privillégié de la culture populaire où Tayeb Saddiki ouvrait symboliquement le prologue de sa pièce sur "Sidi Abderrahman El Majdoub". Sa calligraphie se caractérise par le dépouillement et la pureté des formes. Les traits larges, l'envolée du coup de pinceau de Tayeb Saddiki n'appartiennent qu'aux grands maîtres, qui savent marier la force et la vigueur, à la grande souplesse et à l'extrême douceur.
rondo06l.jpg

Tayeb Saddiki, né le 17 décembre 1938 à Essaouira

Dialectique du clair et de l'obscure, du vide et du plein, où vient s'inscrire la parole du jour et le silence de la nuit. Lettres grandioses au sens énigmatique, descendant du ciel comme une manne ou une foudre, texte illisible où on déchiffre "il n'y a de vainqueur que Dieu". Ecriture fine sur un fond de rigueure géométrique, l'agencement harmonieux de la miniaturisation et de la géométrie en tant que traits fondamentaux de l'art islamique, prend ici une forme inédite, une création qui ne ressemble à nulle autre. Forme voluptueuse, parole infinie; une mémoire se substitue au néant. Théâtralité de la gestuelle, ambiguïté du signe: une alphabet arabe dansant sur une mélodie japonaise. Comme par une espèce de magnétisme invisible, les hommes qui "suivent" la parole divine, les signes aimantés par le nom d'Allah, tout se précipite vers ce foyer de lumière. Les hommes ett leur mémoire s'engouffrent dans le vide. Un vide qui n'est pas un néant, mais l'énergie d'où est né l'univers. De la parole divine est né lemonde, et après sa disparition, son "fana"; restera encore la parole de Dieu. Car elle est supérieure à la parole des hommes; c'est pourquoi elle émerge du tableau comme ces deux initiales "T.H" qui désignent le Prophète: "T.H.Nous ne t'avons pas envoyé le Coran pour te rendre malheureux". Tout commence et tout finit par Dieu; voilà le sens profond de cette calligraphie d'une exécution magistrale où Tayeb saddiki s'affirme, encore une fois, comme un pionnier au Maroc, de la réhabilitation du patrimoine ancien sous une forme nouvelle. Ces dernières années, par amour immodéré pour l'art dramatique, il s'est ingénié à construire le théâtre Mogador à Casablanca.Un théâtre privé ou plutôt "privé de moyens" comme il le dit avec humour.

Abdelkader Mana


[i] Article paru à Maroc-Soir du lundi 15 septembre 1986.

[ii] Boulebtaïn, en arabe et ilmen en berbère dont le pluriel est Bilmawn. Les deux termes signifient « homme vêtu de peaux ». Boujloud ou Bilmawn, ce sont successivement les noms des personnages masqués du carnaval de l'Achoura et de la fête du sacrifice : personnage central de la procession masquée répondant selon les lieux aux noms de Boulebtaïn, Boujloud,Herma, en ville arabophone ou encore de Bilmawn et Bou-Islikhen au Haut-Atlas berbérophone.  Ces processions et mascarades s'intercalent entre le sacrifice et le Nouvel An. Ils sont liés à la fête du sacrifice dans la campagne et à celle de l'Achoura dans les villes. Pour Emile Laoust ces mascarades masquées  constituent les débris de fêtes antiques célébrant le renouveau de la nature, capturée par le calendrier musulman :« Au Maroc, des fêtes carnavalesques d'un genre spécial s'observent partout à l'Aïd el Kébir ; le personnage essentiel s'y montre revêtu de peaux de moutons ou de chèvres. Le Berbère n'aurait - il pas établi un rapport si étroit entre le sacrifice du mouton, ordonné par l'Islam, et la procession carnavalesque d'un personnage vêtu de peaux qu'il aurait vu en ces deux rites, deux épisodes d'une même cérémonie...L'Aïd El Kébir s'est substitué, en Berbérie à une fête similaire qui existait déjà et au cours de laquelle les indigènes sacrifiaient un bélier et se revêtaient de sa dépouille. Si l'on y rappelle que le bélier fut autrefois l'objet d'un culte dont le souvenir s'est conservé tard dans le pays, on voudra peut - être voir dans les mascarades actuellement célébrées à l'Aïd El Kébir, la survivance de pratiques zoolâtriques dont l'origine se perd dans les âges obscures de la préhistoire. »

bilmawen2.jpg**

Masques et mascarades

Chez les Aït Mizan du Haut Atla, ces peaux sont plaquées à même sur le corps nu du personnage masqué. Celle qui lui couvre les bras est disposée de manière à laisser les sabots pendant au bout des mains. Sa figure noircie à la suie ou avec de la poudre disparaît sous une vieille outre à battre le beurre qui lui sert de masque. Sa tête  est agrémentée de cornes de vache ou coiffée d'une tête de mouton dont les mâchoires écartées par un bout de roseau lui font faire la plus horrible grimace. Une orange garnie d'un bouquet de plumes est souvent piquée à l'extrémité de chaque corne ; des branches de verdure lui couvrent parfois la tête ou les épaules. Enfin deux ou trois colliers, un immense chapelet aux grains fait de coquilles d'escargots, et de puissants attributs de mâle complète l'accoutrement du personnage hideux.  Chez les Jbala on parle plutôt de Ba Cheikh, un vieillard lubrique à la barbe blanche, habillé de « haillons sordides », portant « une peau de bouc en guise de bonnet » et égrenant un chapelet de coquilles d'escargots. Ses organes génitaux sont bien mis en évidence : « une lanière de peau de mouton avec sa laine et deux aubergines entre les jambes, simulant les organes de reproduction ». Telles était les observations qu'avait noté Mouliéras au début du 20ème siècle, à propos de ce qu'il appelle le carnaval djebalien. Il décrit en ces termes les scènes burlesques des masques telles qu'elles se déroulaient devant chaque maison :

« Une fois par an seulement a lieu ce carnaval. Il dure trois jours et coïncide avec la grande Fête des Sacrifices. Le premier jour, les masques se répondent dans les villages, vers midi, et ils commencent leur tournée aumônière, s'arrêtant devant chaque habitation, rééditant invariablement leurs farces après laquelle ils reçoivent ce qu'on veut bien leur donner : du pain, de la viande, des œufs, des poulets, des grains. Inutile d'ajouter que tout le village est à leur trousse, les entourant, les admirant, hurlant de bonheur quand se produit une grivoiserie plus épicée que les autres. »

13:18 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

15/04/2012

Le thème de la Gadra dans la peinture marocaine

Nouvelle image (31).jpg

Majorelle La Guedra pastel

Sektou, la plus belle des voix !

Nul ne peut égaler son  jeu de harpe

C’est sa belle  voix qui  ouvre les veillées musicales du désert

C’est à la digne héritière du  grand Saddoun Wal N’dartou

Que je dédie   mes poèmes !

arts,musique

Jacques Majorelle La guedra Huile sur toile

Le modèle des cantatrices du Sahara reste incontestablement la célèbre Sektou qu’évoque le poète. C’est au 18ème siècle que Saddûm Wall N’dartou allia la forme poétique de la qasida à un nouveau style musical divisé en deux voies, l’une blanche et l’autre noire :Le premier style musical est de caractère arabe, et le second est inspiré de la musique des noirs. La cantatrice accomplie se reconnaît à la parfaite homogénéité qui existe entre sa technique vocale et instrumentale. Non seulement sa harpe parle clairement, mais aussi elle imite parfaitement la harpe avec sa voix. Au Sahara, la harpe dénommée  « Ardine » est du domaine féminin, et le luth dénommé « Tidinite »est du domaine des hommes.

arts,musique

Jean-Gaston Mantel La danseuse de Guedra Pigment et encre noire sur peau 75 x 60 cm 1978

 O belle fille, remets – moi ma tunique bleue

Car moi aussi je vais me rendre à la grande fête de walata !

   La fête autour de la grosse timbale est l’occasion de réjouissances et de danses, de R’guiss.  Pour les femmes cette danse met particulièrement en valeur la gestuelle de la main et les envolées de la chevelure. Elle est généralement précédée par un rituel de henné et de tresse de chevelure en vue du r’guiss,  la danse des bouts du corps, des doigts et des tresses : on prend particulièrement soins de la chevelure de la future mariée qu’on tresse à la manière africaine. Seuls peuvent prendre part à la danse les vierges, les jeunes veuves et les divorcées. Jamais une femme mariée. C’est une magnifique occasion pour les jeunes gens de choisir leur fiancée. C’est aussi l’occasion pour les hommes de parader devant les femmes et de montrer leurs talents de chanteurs et de poètes :

arts,musique

MANTEL Jean Gaston, 1914-1995 (France) Title : Les quatre saisons Huile sur toile 1972

Désert, comme tu es vaste !

Et comme pénible la traversée de tes immenses espaces.

Désert traversé par un jeune chamelier monté sur un méhari

Qui a vaincu la famine et la soif.

Quelle peine se donne ce jeune chamelier

Pour se rapprocher de celle qui m’a percé de ses cils

Elle a une chevelure abondante qui retombe sur sa poitrine

Avec des tresses comme des épis et des mèches qui s’éparpillent

arts,musique

 MANTEL Jean Gaston, 1914-1995 (France) Title : danseuse de la guedra, 1963 Huile sur toile

arts,musiqueUne chevelure tombant sur un sein qu’on devine sous une robe échancrée

Un désert où manque la fille de ma génération

Un désert aux immensités sans fin qui nous sépare

Des demeures de celle au double bracelet

Sa taille est celle d’un palmier femelle aux longues palmes retombantes

Nourri dans un terrain plat et bien travaillé

Où coule l’eau qui n’est pas gêné par le sable.

Un désert traversé seulement par un jeune homme

Qui se dit prêt à tout affronter pour rejoindre celle à la robe écarlate.

Le collier au cou comme un vaisseau dont on déploie les voiles

Sa monture va courir vers celle qui a les doigts teints de henné.

Un désert où nulle part aucun son ne se fait entendre

Aucune voix ne vient d’aucune dune

C’est cette étendue vide qui me sépare de ma bien aimée

Pour traverser ce désert, il faut un jeune homme

Monté sur un méhari bien dressé

Et l’étape est si longue qu’il doit la commencer la nuit.

Cette monture est un étalon dont la généalogie est connue pour dix générations

Et sa mère est une chamelle d’une race aussi noble

Que celle du père d’entre les plus belles chamelles

Ce méhari a été élevé dans une plaine

Où l’herbe a poussé dés les premières pluies

C’est un chameau qui allait paître parmi les gazelles

Ces maîtres l’ont amené à l’apogée de la canicule

Il court avec ardeur attiré par une flamme qui le brûle

Comme elle a brûlé son maître.

Son maître et lui ont partagé le même secret

Mon Dieu ! Raccourci la distance qui me sépare de l’ami !

Si tu avais la chance, la confiance et l’audace

Tu te jetterais dans les profondeurs de la mer !

arts,musique

Les deux toiles précèdantes sur la danse de guedra sont de Jean Gaston MANTEL et datent de 1964

Jean -François Clément qui me confie ces illustrations sur "le thème de la Gadra dans la peinture marocaine" me confie à ce propos: "Cette danse fut d'abord un strip tease (totalement étranger à la conception américaine du genre) qui est à relier à la gestion particulière très sublimée de la sexualité dans la région du Sahara occidental et qui est liée à l'importance des poésies arabes anciennes et notamment à la fascination pour les traces. Tous les tableaux présentant des poitrines dénudées ont été réalisés à partir de photos. mais l'important de cette danse comme dans le Kérala en Inde ou comme dans les danses de Bali est dans la position des doigts. C'est dans la comparaison avec ce qui se fait dans cette partie de l'Indonésie que se trouve la compréhension de cette danse."

arts,musique

 Edouard Eddy Legrand 1892-1970,Danse de la Guedra.Huile sur toile

     On raconte au Sahara l’histoire d’un vieil homme dont le goût pour la musique était resté si vif qu’il se glissait en cachette vers la tente où les jeunes gens se divertissaient avec les griots, tente où il ne pouvait apparaître publiquement en raison de son âge. Ne pouvant répondre directement aux moqueries de la jeunesse, il le fit par l’intermédiaire d’un quatrain qu’il donna à chanter aux musiciens :

Il m’a fallu aller vers la musique

Certes, ce n’est plus de mon âge

Je suis trop vieux, mais l’épée de pur acier

Le vent l’aiguise, la rajeunit

arts,musique

Semlali Acrylique sur Toile 135 x 100 cm 2002

    Il est à remarquer que contrairement à la danse de la Guedra de l’oued Noun où la danseuse est tout le temps agenouillée balançant le buste et la chevelure, à la seguiet el hamra, les danseurs sont debout : le seul point commun entre les deux danses est la gestuelle des mains et des doigts. Cette danse dénommée r’guiss fait tellement partie de l’art de vivre saharien qu’il existe même une localité perdue dans le désert qui s’appelle tout simplement r’guiss, mot qui désigne la danse en dialecte Hassan.

arts,musique

La Ziza

Quand les nomades dressent leur tente et que devant celle-ci, les chameaux ruminent au repos ; on se met à traire les chamelles. Notre poète monte sur son chameau pour faire quoi ? Pour aller à la rencontre de sa bien aimée. Parce que celui qui aime chante aussi bien la beauté des chameaux que celle des femmes.Au cap Bojador où nous assistons à ces noces sahariennes, le poète Mohamed Lahbib Laâroussi, nous gratifia d’une qasida de son crû « en signe de respect pour les traditions du peuple et pour ses nobles principes ! ».Une qasida qui se rapporte à la terre, à ses noms de lieux, à ceux de ses animaux sauvages et aux gens qui l’habitent :

arts,musique

Oussman Gassem

 arts,musique Quand tes cheveux blanchissent ô vieillard,

Ne rumine pas trop, le temps qui passe !

Si les temps sont si durs pour toi cette année,

Soit patient, les difficultés finiront par se dénouer plus tard.

Sache qu’il n’y a pas de lieu que les biens aimés n’ont pas déserté

 A chaque levé de campement ne reste que ruines et désolations

Les margelles du puit, crois – moi, je ne les oublierai pas

Ni les cours d’eau, ni les îlots de verdure au milieu du désert !

Mais j’ai peur de perdre à jamais la trace du bien aimé !

Celui que j’avais aperçu sortant de la tente poilue

Celui qui menait ses troupeaux d’agneaux vers les mirages

arts,musiqueCelui qu’accompagnait la jeunesse tambour battant,

Vers la tente où se déroulaient nos fiançailles !

La ronde scandait avec harmonie des élégies au Prophète !

La ronde racontait l’errance nomade du bien aimé

Tous les fêtards s’adonnaient aux jeux préférés des nomades

Jeu d’Essig,  jeu d’échec,  jeu de pomme

Combats rituels visant des cibles imaginaires

 


 

 

Marcel BUSSON (né en 1913)

Trois danseuses de Guédra

 Huile sur toile,


arts,musique

J.G.Mantel 1914-1995 DANSEUSES DE GUEDRA Huile sur toile 1981    

arts,musique

MANTEL Jean Gaston, 1914-1995 (France)La Guédra gouache 1986

arts,musique

J.G.Mantel 1914-1995 La danse de la Guedra.Huile sur toile 1980

      La danse de la gadra, est une pratique musicale et culturelle spécifique à la région de l’oued Noun. La considérer comme un simple folklore est une vision réductrice de la guedra en tant que culture. La gadra , en tant que marmite est aussi un instrument de percussion. C’est à l’origine un simple ustensile de cuisson ; il requière une double fonction lorsqu’il se métamorphose en instrument de musique. La gadra est en rapport avec le rite sacré symbolisé par le feu ; elle est liée au feu sacré en tant qu'élément fondamental de la vie célébré ici par un rite : à travers ces chanteuses qui « réchauffent » qu’on appelle hammayâtes, et ces chanteurs qu’on assimile au feu, appelé « nar ». La danse elle- même est circulaire et donc solaire.Abdelkader Mana

11:29 Écrit par elhajthami dans Arts, Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arts, musique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

05/02/2012

Soirée de Samaâ

Musique et extase

CIMG3479.JPG
Première chorale mixte de samaâ à Essaouira

Reportage photographique d'Abdelkader Mana

Hier soir, le vendredi 12 mars 2010, Essaouira a connu une mémorable soirée de musique et d'extase (pour parodier un célèbre ouvrage de Jhon During), à Dar Souiri, aniumée par les Haddarates d'Essaouira, et les chanteurs du Samaâ de la zaouia des Darkaoua. Le public était composé essentiellement de femmes, qui ne sratent pas l'occasion d'assister aux soirées musicales organisées ces derniers temps par Latifa Boumazzourh(présidente des Haddarates d'Essaouira, un groupe qui monte au niveau local et qui se fait déjà connaître au niveau international, en France et bientôt en Italie) et Monsieur Marina un grand connaisseur du samaâ (oratorio) qui a déjà fait ces preuves dans ce domaine au niveau national. Nous avons assisté à la soirée d'hier et profiter de l'occasion pour prendre quelques images pour marquer cet évènement.

CIMG3491.JPG
 
CIMG3441.JPG
CIMG3437.JPG
CIMG3442.JPG
CIMG3444.JPG
CIMG3448.JPG
 
CIMG3457.JPG
CIMG3458.JPG
CIMG3459.JPG
CIMG3464.JPG
CIMG3466.JPG
CIMG3476.JPG
 
CIMG3483.JPG
CIMG3492.JPG
CIMG3487.JPG
CIMG3494.JPG
CIMG3500.JPG
CIMG3501.JPG
CIMG3503.JPG
CIMG3504.JPG
CIMG3513.JPG
CIMG3520.JPG
Reportage photographique d'Abdelkader MANA, du vendredi 12 mars 2010

12:52 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, photographie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook