15/04/2012
Le thème de la Gadra dans la peinture marocaine
Majorelle La Guedra pastel
Sektou, la plus belle des voix !
Nul ne peut égaler son jeu de harpe
C’est sa belle voix qui ouvre les veillées musicales du désert
C’est à la digne héritière du grand Saddoun Wal N’dartou
Que je dédie mes poèmes !
Jacques Majorelle La guedra Huile sur toile
Le modèle des cantatrices du Sahara reste incontestablement la célèbre Sektou qu’évoque le poète. C’est au 18ème siècle que Saddûm Wall N’dartou allia la forme poétique de la qasida à un nouveau style musical divisé en deux voies, l’une blanche et l’autre noire :Le premier style musical est de caractère arabe, et le second est inspiré de la musique des noirs. La cantatrice accomplie se reconnaît à la parfaite homogénéité qui existe entre sa technique vocale et instrumentale. Non seulement sa harpe parle clairement, mais aussi elle imite parfaitement la harpe avec sa voix. Au Sahara, la harpe dénommée « Ardine » est du domaine féminin, et le luth dénommé « Tidinite »est du domaine des hommes.
Jean-Gaston Mantel La danseuse de Guedra Pigment et encre noire sur peau 75 x 60 cm 1978
O belle fille, remets – moi ma tunique bleue
Car moi aussi je vais me rendre à la grande fête de walata !
La fête autour de la grosse timbale est l’occasion de réjouissances et de danses, de R’guiss. Pour les femmes cette danse met particulièrement en valeur la gestuelle de la main et les envolées de la chevelure. Elle est généralement précédée par un rituel de henné et de tresse de chevelure en vue du r’guiss, la danse des bouts du corps, des doigts et des tresses : on prend particulièrement soins de la chevelure de la future mariée qu’on tresse à la manière africaine. Seuls peuvent prendre part à la danse les vierges, les jeunes veuves et les divorcées. Jamais une femme mariée. C’est une magnifique occasion pour les jeunes gens de choisir leur fiancée. C’est aussi l’occasion pour les hommes de parader devant les femmes et de montrer leurs talents de chanteurs et de poètes :
MANTEL Jean Gaston, 1914-1995 (France) Title : Les quatre saisons Huile sur toile 1972
Désert, comme tu es vaste !
Et comme pénible la traversée de tes immenses espaces.
Désert traversé par un jeune chamelier monté sur un méhari
Qui a vaincu la famine et la soif.
Quelle peine se donne ce jeune chamelier
Pour se rapprocher de celle qui m’a percé de ses cils
Elle a une chevelure abondante qui retombe sur sa poitrine
Avec des tresses comme des épis et des mèches qui s’éparpillent
MANTEL Jean Gaston, 1914-1995 (France) Title : danseuse de la guedra, 1963 Huile sur toile
Une chevelure tombant sur un sein qu’on devine sous une robe échancrée
Un désert où manque la fille de ma génération
Un désert aux immensités sans fin qui nous sépare
Des demeures de celle au double bracelet
Sa taille est celle d’un palmier femelle aux longues palmes retombantes
Nourri dans un terrain plat et bien travaillé
Où coule l’eau qui n’est pas gêné par le sable.
Un désert traversé seulement par un jeune homme
Qui se dit prêt à tout affronter pour rejoindre celle à la robe écarlate.
Le collier au cou comme un vaisseau dont on déploie les voiles
Sa monture va courir vers celle qui a les doigts teints de henné.
Un désert où nulle part aucun son ne se fait entendre
Aucune voix ne vient d’aucune dune
C’est cette étendue vide qui me sépare de ma bien aimée
Pour traverser ce désert, il faut un jeune homme
Monté sur un méhari bien dressé
Et l’étape est si longue qu’il doit la commencer la nuit.
Cette monture est un étalon dont la généalogie est connue pour dix générations
Et sa mère est une chamelle d’une race aussi noble
Que celle du père d’entre les plus belles chamelles
Ce méhari a été élevé dans une plaine
Où l’herbe a poussé dés les premières pluies
C’est un chameau qui allait paître parmi les gazelles
Ces maîtres l’ont amené à l’apogée de la canicule
Il court avec ardeur attiré par une flamme qui le brûle
Comme elle a brûlé son maître.
Son maître et lui ont partagé le même secret
Mon Dieu ! Raccourci la distance qui me sépare de l’ami !
Si tu avais la chance, la confiance et l’audace
Tu te jetterais dans les profondeurs de la mer !
Les deux toiles précèdantes sur la danse de guedra sont de Jean Gaston MANTEL et datent de 1964
Jean -François Clément qui me confie ces illustrations sur "le thème de la Gadra dans la peinture marocaine" me confie à ce propos: "Cette danse fut d'abord un strip tease (totalement étranger à la conception américaine du genre) qui est à relier à la gestion particulière très sublimée de la sexualité dans la région du Sahara occidental et qui est liée à l'importance des poésies arabes anciennes et notamment à la fascination pour les traces. Tous les tableaux présentant des poitrines dénudées ont été réalisés à partir de photos. mais l'important de cette danse comme dans le Kérala en Inde ou comme dans les danses de Bali est dans la position des doigts. C'est dans la comparaison avec ce qui se fait dans cette partie de l'Indonésie que se trouve la compréhension de cette danse."
Edouard Eddy Legrand 1892-1970,Danse de la Guedra.Huile sur toile
On raconte au Sahara l’histoire d’un vieil homme dont le goût pour la musique était resté si vif qu’il se glissait en cachette vers la tente où les jeunes gens se divertissaient avec les griots, tente où il ne pouvait apparaître publiquement en raison de son âge. Ne pouvant répondre directement aux moqueries de la jeunesse, il le fit par l’intermédiaire d’un quatrain qu’il donna à chanter aux musiciens :
Il m’a fallu aller vers la musique
Certes, ce n’est plus de mon âge
Je suis trop vieux, mais l’épée de pur acier
Le vent l’aiguise, la rajeunit
Semlali Acrylique sur Toile 135 x 100 cm 2002
Il est à remarquer que contrairement à la danse de la Guedra de l’oued Noun où la danseuse est tout le temps agenouillée balançant le buste et la chevelure, à la seguiet el hamra, les danseurs sont debout : le seul point commun entre les deux danses est la gestuelle des mains et des doigts. Cette danse dénommée r’guiss fait tellement partie de l’art de vivre saharien qu’il existe même une localité perdue dans le désert qui s’appelle tout simplement r’guiss, mot qui désigne la danse en dialecte Hassan.
La Ziza
Quand les nomades dressent leur tente et que devant celle-ci, les chameaux ruminent au repos ; on se met à traire les chamelles. Notre poète monte sur son chameau pour faire quoi ? Pour aller à la rencontre de sa bien aimée. Parce que celui qui aime chante aussi bien la beauté des chameaux que celle des femmes.Au cap Bojador où nous assistons à ces noces sahariennes, le poète Mohamed Lahbib Laâroussi, nous gratifia d’une qasida de son crû « en signe de respect pour les traditions du peuple et pour ses nobles principes ! ».Une qasida qui se rapporte à la terre, à ses noms de lieux, à ceux de ses animaux sauvages et aux gens qui l’habitent :
Oussman Gassem
Quand tes cheveux blanchissent ô vieillard,
Ne rumine pas trop, le temps qui passe !
Si les temps sont si durs pour toi cette année,
Soit patient, les difficultés finiront par se dénouer plus tard.
Sache qu’il n’y a pas de lieu que les biens aimés n’ont pas déserté
A chaque levé de campement ne reste que ruines et désolations
Les margelles du puit, crois – moi, je ne les oublierai pas
Ni les cours d’eau, ni les îlots de verdure au milieu du désert !
Mais j’ai peur de perdre à jamais la trace du bien aimé !
Celui que j’avais aperçu sortant de la tente poilue
Celui qui menait ses troupeaux d’agneaux vers les mirages
Celui qu’accompagnait la jeunesse tambour battant,
Vers la tente où se déroulaient nos fiançailles !
La ronde scandait avec harmonie des élégies au Prophète !
La ronde racontait l’errance nomade du bien aimé
Tous les fêtards s’adonnaient aux jeux préférés des nomades
Jeu d’Essig, jeu d’échec, jeu de pomme
Combats rituels visant des cibles imaginaires
Marcel BUSSON (né en 1913)
Trois danseuses de Guédra
Huile sur toile,
J.G.Mantel 1914-1995 DANSEUSES DE GUEDRA Huile sur toile 1981
MANTEL Jean Gaston, 1914-1995 (France)La Guédra gouache 1986
J.G.Mantel 1914-1995 La danse de la Guedra.Huile sur toile 1980
La danse de la gadra, est une pratique musicale et culturelle spécifique à la région de l’oued Noun. La considérer comme un simple folklore est une vision réductrice de la guedra en tant que culture. La gadra , en tant que marmite est aussi un instrument de percussion. C’est à l’origine un simple ustensile de cuisson ; il requière une double fonction lorsqu’il se métamorphose en instrument de musique. La gadra est en rapport avec le rite sacré symbolisé par le feu ; elle est liée au feu sacré en tant qu'élément fondamental de la vie célébré ici par un rite : à travers ces chanteuses qui « réchauffent » qu’on appelle hammayâtes, et ces chanteurs qu’on assimile au feu, appelé « nar ». La danse elle- même est circulaire et donc solaire.Abdelkader Mana
11:29 Écrit par elhajthami dans Arts, Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arts, musique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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