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07/12/2011

Mohamed Tabal en peintre de la vie rurale

arts

Mohamed Tabal, le peintre-jardinier

Par Abdelkader Mana

Mohamed Tabal dont les oeuvres sont exposées ce dimanche 4 décembre 2011 à Casablanca refuse de s'y rendre : en cette période de gaulage des olives il prèfère rester dans son village de Hanchane  pour s'occuper de la cueillette et de la trituration dans les antiques pressoires du pays Chiadma. En participant ainsi à la vie rurale, il en devient un observateur privillégié pour s'en inspirer et la peindre. Son atelier d'artiste se situe en effet au coeur de son village natal entouré de son jardin, de sa basse coure, de son souk et des carioles qui le sillonnent. Il y trouve surtout la paix, le silence et la lumière. Entouré de ses oeuvres en cours d'élaboration, il me montre accrochée au mur une sérigraphie délavée d'une oeuvre de Chaïbia que lui avait offert jadis un amateur d'art : "Depuis que cette artiste avait quitté son village natal au pays Doukkala pour s'établir dans la grande métropole de Casablanca, me fait-il observé, la vie s'est retirée de ses oeuvres moins colorées.." Il ne fera jamais cette erreure: il ne quittera pour rien au monde, cette vie rurale si simple et si poètique qui est maintenant la sienne : son poste télé est constament allumé sur une chaîne du Yemen qui diffuse en continu de la musique bédouine comme si rien ne se passait dans ce pays et une chaîne du Tchad où on montre surtout des pasteurs avec leurs boeufs, leurs calebasses de lait et leur danse africaine...De la sorte notre artite peut se consacrer tranquillement à son oeuvre sans être distrait par le flux continu des informations et la fureur du monde....

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Mohamed Tabal

TABAL refuse d'être cet homme unidimentionnel, cet artiste prisonnier de l'image qu'on lui accole d'être seulement le "peintre des Gnaoua": certes ces derniers l'inspirent mais ils ne sont plus sa seule source d'inspiration.Il est maintenant un peintre multidimentionnel aux références culturelles multiples : africaines, berbères, arabes puisqu'il pratique la calligraphie à sa manière et s'inspire du zajal cette poésie populaire issue de la geste hilalienne, ces arabes nomades qui envahirent le Maghreb au Xème siècle telle une nuée de sauterelles... Il n'est pas non plus un peintre unidimentionnel au niveau de la technique puisqu'il pratique la peinture sur toile de jutte, le collage sur bois, la sculpture sur différents matériaux qu'il découvre au grè de ses promenades solitaires dans la nature. Les oeuvres qu'il commence à peindre à l'aube, il les a souvent esquissé la veille juste avant de dormir, car la nuit porte conseil et à l'esquisse d'hier s'ajoute souvent ce que le subconscient avait recueilli à l'insu du rêve...

Sanctuaire

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Le zéro et l'infini de Mohamed Tabal

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De cette œuvre complexe et énigmatique qui semble grouiller de djinns avec le sanctuaire au centre, voici ce que nous en dit Tabal : « Coupole au centre : une tortue sous une forme humaine. Couleur blanche et verte. La main droite est humaine et la main gauche est une tête de bouc. Le pied droit est une tête de chien  alors que le pied gauche est humain. Au milieu un lièvre des forêts et un oiseau de l’espèce rapace.Il s’agit des oiseaux migrateurs africains. Au début ‘ai voulu appelé ce tableau le zéro et il est devenu infini. Quand on retourne le tableau, on voit des huttes africaines : c’est un tableau à quatre dimensions : on peut le lire des quatre points cardinaux. Avec les huttes, il y a les palmiers et les chameaux. Il y a aussi la chevalerie, la course des chevaux. Là, c’est une théière renversée et là c’est la calèche d’Essaouira, le fameux « koutchi » se dirigeant du côté de Jérifates(les petits rochers du bord de mer). Bab Doukkala, je l’ai peint en rouge alors que les gens sont en train de déambuler dans les rues du côté du boulevard de la « Massira »(la marche verte). Le maçon conduit sa brouette et les tentes du moussem des Regraga. Avec au premier plan la théière qui symbolise les fêtes et les réjouissances.  Ce qui reste comme espace vide dans la toile je le rempli de fleurs »

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La tisseuse qu'il vient de finir, représente sa mère qu'il a perdu il y a quelques années : "Tu te rappelle, me dit-il, le jour où tu nous a rendu visite il y a longtemps de cela, plus exactement en 1989 et où ma mère t'avait offert à ton départ une poule avec ses oeufs?C'est elle que j'ai représenté dans ce tableau où domine le mauve, symbole d'amour, une couleur que j'aime beaucoup..." Il a mis sa mère pour ainsi dire sous la protection du marabout du lieu : les oeuvres de Tabal sont aussi celle d'un conteur qui raconte une histoire.Autour du thème central, ici la tisseuse, se développent pour ainsi dire les thèmes qui ont marqués sa vie: sa visite au marabout, ses animaux domestiques. Et quand on demande à Tabal pourquoi il place toutes les scènes de la vie rurale au même niveau sans perspective, il répond : "C'est pour les rapprocher tous du regard du spectateur..."

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L'autobiographie de la tisseuse se déploie autour d'elle, mais elle est aussi incorporéé à son propre corps : sur son bras gauche on voit son mari allant au souk avec son coufin pour y faire son marché, à hauteur de sa quenouille se trouve sa vache laitière, l'âne de la maison est incorporé à son bras droit, des poissons colorés entourent sa poitrine généreuse et partout des fleurs des champs constellent la toile pour ne laisser aucun espace vide...Les notions de proportions et de perspective sont battus en brêche.

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Chaque détail est une oeuvre en soi, de sorte que chaque tableau en comporte plusieurs : le thème principal est certes"la tisseuse", mais pour relater "sa vie", il fallait peindre plusieurs scènes de sa vie quotidienne.On voit ainsi la tisseuse en train de traire sa vache laitière et juste à côté la même tisseuse en train de prendre son repas en campagnie de son mari qui vient de rentrer du souk comme on le voit en haut à gauche du tableau juste à côté du marabout : les différente scènes de la vie quotidienne que l'artiste dépeint ici et là sont interdépendantes les unes par rapport aux autres comme dans une bande déssinée qui raconte une histoire.......

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L'âne est ainsi dépeint trois fois : se reposant sur le bras de la maîtresse de maison, transportant son maître au retour du souk en passant devant le marabout, et broutant de l'herbe en haut à droite de l'oeuvre.On voit ainsi l'âne évoluer dans sa vie quotidienne d'âne parallèlement à celle de la tisseuse..

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En peintre - jardinier, il fleurit son tableau comme il fleurit son jardin.Il le traite aussi comme une tapisserie : la tisseuse en médaillon central et les scènes de la vie rural en éléments décoratifs. Les poissons et autres reptiles qui composent la poitrine de la tisseuse sont décorés par les motifs en zigzag de la tapisserie qui symbolisent l'eau dans l'imaginaire rural. Mais aucun objet n'est coloré tel qu'il existe dans la nature mais tel que l'aurait peint un enfant de l'école primaire qui imagine des oranges bleues ou des serpents verts..

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Mohamed Tabal

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La tunique rapiécée : voeux de pauvreté comme parure et comme beauté

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Ce qui est décrit est plutôt un univers mental, relevant de ce qu'on peut appeler un état modifié de conscience semblable à celui obtenu après la consommation d'adjuvants rituel ou de drogues hallucinogènes comme chez les indiens Yaki : du pachiderme surgit un corps humain et un signe de victoire...Cette prolifiration de sens, Tabal nous l'illustre magistralement avec son porteur d'eau.

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 En haut à gauche du chapeau de paille, on voit la femme berbère du porteur d'eau en train de moudre les pépites pour préparer l'huile d'argan...De l'autre côté de l'oiseau et du chapeau, on voit maintenant que la femme du porteur d'eau a réussi après trituration à produire trois littres d'huile d'argan que son mari peut vendre au souk pour compléter son maigre gain: "J'espère, me dit Tabal, que ce porteur d'eau réussira à étancher la soif d'art chez tous les visiteurs de l'exposition de Casablanca!".Alors que la femme du porteur  est occupée au moulin, ses poules picorent tout autour d'elle créant une animation qui la distrait et lui permet ainsi de voire passer le temps plus rapidement et sans trop d'ennui...

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Sur le bras droit repose l'âne qui transporte le porteur d'eau au souk : c'est l'arroseur, arrosé en quelques sortes!

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L'outre du porteur d'eau est richement décorée de vieilles pièces de monnaie, de main protectrice contre le movais oeil, de coeurs de différentes couleurs etc.Comme chez les Regraga où existe un saint patron de "la rivière verte", l'eau que verse le porteur d'eau est de couleur verte parce qu'il contient de la baraka, c'est à dire plus que sa réalité déjà connue.Il est à remarquer que là aussi la notion de "proportion" est battue en brèche puisque la tasse est plus grande que la femme du porteur d'eau avec son brasero et son pot de fleurs réunis...

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Juste en dessous de l'outre et de la besace du porteur d'eau, on voit sa femme en train de préparer le pain entourée de ses ustenciles :elle est peinte sur le pied gauche de son mari, laquelle est posée juste à côté d'un énorme poivron...

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 Au pieds du père la mère, mais depuis que celle - ci n'est plus là, elle s'est mise à squater les moindres interstices de la conscience et de l'imagination...

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Dans "le porteur d'eau" où les tonalité écarlates dominent, Tabal a choisi d'agrémenter de couelicot son tableau, en fin observateur du printemps : lorsqu'il se repose au milieu des champs il ne voit pas le champs claircemé de coquelicots d'une manière général, mais son cerveau "photographie" en quelque sorte, chaque coquelicot en particulier et en fait un motif quasi mystique de la renaissance du printemps...

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Le poème du coquelicot de Moubarak Errajiarts

Pour apaiser ses gémissements

Elle peignait la chevelure du vent

Le coquelicot n’est que brise

Si son parfum n’était si fort

L’abeille amoureuse l’aurait dédaigné

Ô mon fils, lui a-t-elle dit

Quand on a annoncé au coquelicot

Qu’on doit lui couper la tête

Le coquelicot enlaça et embrassa son propre sang

Au coquelicot les rites funéraires furent des noces

Ô mon fils lui a-t-elle dit

La mer, sa magie et sa grâce

On a cru pouvoir l’enfermer dans un cercueil

Mais sa veine déborda d’une blessure salée

Et brisa le cercueil

La mer, ne la fait pas monter par une canne

Ne la fait pas monter au bord d’un hameçon

Laisse la mer à la mer

Laisse la mer à sa guisearts

 L’abeille amoureuse

Comme les paysans au milieu desquels il vit, l'artiste associe l'abeille au nectare, aux fleurs et aux fruits de la terre : sans abeilles il n'y aura pas de fruits et sans nectare, le miel n'aura pas sa vertu curative. Pour l'artiste l'abeille est d'abord une réalité symbolique, comme métaphore de la vie et du printemps. C'est aussi une réalité coranique : il calligraphie en même temps le mot "AL-Nahla" qui la désigne dans la sourate du même nom:

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Ton Rabb a révélé aux abeilles:

« Prenez demeure dans les montagnes,

les arbres ou les ruches. »

  Elles consomment de tous les fruits

et suivent le sentier de ton Rabb, docilement.

Il sort de leur abdomen

une boisson de couleur changeante,

un remède pour les humains.

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Les autres versets de l'abeille sont également une source d'inspiration pour Tabal parce qu'ils évoquent la vie rurale:

 Il crée les ciels et la terre en vérité,

sublime au-dessus de ce qu’ils lui associent.

Il crée l’humain de sperme,

mais c’est un querelleur invétéré.

 Pour vous, il crée les troupeaux

avec, par eux, vêture, services et nourritures.

 Pour vous, que de beauté en eux,

quand ils reviennent au bercail

ou vont pâturer !

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La possession comme dissociation du multiple en l'un

  Ils transportent vos fardeaux dans les pays

que vous ne pourriez atteindre sans souffrance:

Le cheval, le mulet, l’âne

sont pour que vous les montiez ou pour la parade.

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Le papillon de Mohamed Tabal

 Il fait descendre l’eau du ciel

en boisson pour vous:

les arbres où ils pâturent croissent avec.

 Il produit pour vous les céréales,

l’olivier, le palmier, la vigne et tous les fruits.

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Il soumet pour vous la nuit et le jour,

le soleil, la lune, les étoiles soumis à son ordre.

 Il a disséminé pour vous, sur terre,

les couleurs changeantes.

Il soumet la mer,

pour que vous vous nourrissiez de chair fraîche

et que vous y trouviez les joyaux de vos parures.

Tu vois la felouque y voguer,

à la recherche de bienfaits.

 Du fruit des palmiers et des raisins

vous tirez du vin et une subsistance excellente,

C’est en cela un Signe, pour un peuple qui discerne.

arts

Mohamed Tabal

 Les troupeaux ont pour vous un enseignement:

nous vous abreuvons de ce qui, dans leur ventre,

entre chyle et sang, est du lait pur,

exquis pour les buveurs.

L'une des toutes dernières oeuvres de Tabal est celle consacrée au point d'eau dénommé "laghdir", au centre de la vie sociale du monde rural aussi bien chez les nomades que chez les sédentaires que ce soit en Afrique du Nord ou en Afrique noire.C'est à la fois un abreuvoire pour les animeaux et un lieu de rencontre pour les humains, y compris les rencontres amoureuses : c'est là souvent que le jeune soupirant qui vient puiser de l'eau pour son hameau, découvre pour la première fois sa future épouse en train de laver le linge sur des dalles en granite, chantonnant sous la lumière matinale,d'une voix à la fois douce et voilée , un de ces airs nostalgique du terroire: aux cliquetis de ses bracelets s'entrechoquant à chaque mouvement son coeur novice s'ouvre brusquement comme une fleur du printemps aux toutes premières confidences d'amour.Une douce musique s'élève alors comme un coup de tonnerre dans un ciel serein où voltige désormais le bonheur des jeunes tourtoureaux...

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Mohamed Tabal

Rien ne symbolise mieux cette quête d'amour que le "haddaoui", ce mendiant céleste allant avec son herrazmystique d'un parvis sacré l'autre.

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Mohamed Tabal

 Lors des fêtes patronales qu'on appelle moussem, on le voit déambuler entre les pèlerins préparant leur repas et vaquant à leurs occupations au milieu de leurs tentes et de leurs animaux. Sa quête aumônière où il reçoit ziara et offrandes en contre partie de la baraka de Sidi Haddi dont il est porteur.Elle est représenté par cette bougie allumée qui symbolise à la fois la lumière du saint et in fine "la lumière prophètique" qui irradie sur tout saint homme en terre d'Islam, mais aussi la flamme d'amour qui brule dans le coeur des hommes...

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Mohamed Tabal

La femme - théière

"Femme - aigle", "Femme-Théière", "Homme - oiseau", ces oeuvres de Tabal qui se prêtent à une double lecture prêtent aux humains les mêmes qualités que les animeaux et les choses auxquels ils sont associés : la femme appartient au mobilier de la maison au même titre que la théière, elle est associée à l'aigle qui symbolise son amant et le guerrier agile a les même qualité de force et de courage que le tigre et la même agilité à s'envoler dans les airs que l'oiseau auquel on l'associer. On retrouve cette démarche dans les arts premiers de nombreuses peuplades d'Amérique pratiquant le totemisme ou en Afrique chez celles pratiquant l'animisme.

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L’artiste ne vise pas à reprendre un seul sens, le « sens unique », il brouille les cartes pour multiplier les sens possibles. L’art est proche de ces pratiques mystiques où l’on pensait que la perfection nominale consiste à conjurer les esprits des sphères et des astres. Plus une forme est belle, plus elle a de chance de faire sortir l’artiste de son île où souffle un vent de crabes, pour le livrer à l’univers éblouissant des idées.

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 L'homme - oiseau

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A propos de "L’homme – oiseau", Tabal nous déclare : « C’est un tableau qui se lit recto – verso et qui a de ce fait un double sens.  Il s’agit du poulet , volaille domestique élevée par l’homme au même titre que les brebis, les chameaux. Les yeux de l’homme sont un oiseau et un chat. Sa tête est un poisson. En bas un cheval avec un couffin plein d’avoine. L’espace vide laissé par l’oiseau et l’homme je le rempli d’une décoration florale. Le bec de l’oiseau est un four à pain décoré d’un palmier, d’un oisillon de caprins et de brouette. C’est un tableau à deux faces : pile, c’est l’aigle, face, c’est la tortue. »

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Mohamed Tabal

Sur le visage de la mariée on voit des hommes préparant le carosse du mariage, le cavalier charmant arrivant à la fête où l'attent une fastueuse hospitalité symbolisée par la théière où même les oiseaux et les poissons sont heureux de participer au réjoissances tout en faisant de leur couleurs une magnifique parure pour la mariée...On voit en bas la maison de la future mariée avec son fiancé à son seuil : elle est surmontée de la dotte et d'une amphore symbole d'une vie conjugale à la fois féconde et prospère. Une future marié particulièrement fertile, une FUTURE fermière accomplie...La terre - mère, une Mère - nature: des volailles dans la tête, des poissons circulant dans le sang, une mémoire tatouée...Un art ihtifaliste fondé sur l'esprit de la fête...Quel est l'objet de toute quête d'amour? La fiancée de l'eau! Celle dont on promène l'effigie au milieu des champs assoifés pour faire pleuvoire le ciel desespéremment serein en y faisant advenir magiquement par des prières rogatoires des nuages gorgés d'éclaires de tonnerre et d'eau...

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Mohamed Tabal

 Totemisme

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Par Abdelkader Mana

03:23 Écrit par elhajthami dans Arts | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : arts | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

02/12/2011

Le souffle du souffle

musique

Morceaux choisis en hommage à Abdeslam MICHEL RAJI

arts,corégraphie

Texte Abdelkader Mana, photos Jean François Clément

L’artiste et l’univers éblouissant des idées

L’artiste ne vise pas à reprendre un seul sens, le « sens unique », il brouille les cartes pour multiplier les sens possibles. L’art est proche de ces pratiques mystiques où l’on pensait que la perfection nominale consiste à conjurer les esprits des sphères et des astres. Plus une forme est belle, plus elle a de chance de faire sortir l’artiste de son île où souffle un vent de crabes, pour le livrer à l’univers éblouissant des idées.

      Très cher Raji

 La revue Horizons Maghrébin vient de me commander un texte sur ta chorégraphie : je pense à ta danse sur l'ahouachau quelle j’ai assisté à Tata à celle où tu t’est livré à la danse extatique des derviches tourneurs et des soufies, à Agadir et dans l’Oriental marocain lors des training de l’Unesco pour la musique et la danse auxquels nous a convié notre ami Jean François Clément, en cette année 2011.

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  J'ai besoin de m’appuyer sur ces images pour écrire sur ton art , ta chorégraphie mystique que tu appelle « chorésophie »…. Je ne peux pas écrire de texte valable uniquement de mémoire....Et voilà que tu me sort d’affaire en m’envoyant la thèse de Bruno Couderc  intitulée : « L’improvisation en danse, une présence à l’instant ».Je lis, toute affaire cessante le chapitre intitulé « dialogue avec le souffle de Michel Raji »: je vous suis infiniment reconnaissant , à toi et à Habib Samrakandi, de m’avoir inspiré ce travail gratifiant qui me tire en plus de ma torpeur, de ma stupeur estivale: tant que le corps se porte mal, l'esprit ne suis pas . Seul un corps léger permet à l'esprit de danser à sa guise.... Si je ne me trompe, je crois que chez les mystiques soufis, la danse extatique permet d'élever l’âme vers Dieu...grâce au dhikr  l'âme se libère ainsi de son écorce charnelle .... 

arts,corégraphie De l’improvisation poétique

 « L’improvisation dis-tu est une pratique qui se fait à l’instant où le danseur est dans une écoute intérieure ». Cependant l’improvisation demande un travail en amont, une préparation : se laisser transporter par cet Othello incarné, retrouver les émotion primordiales du compositeur d'il y a des lustres: une communion mi-religieuse, mi-mondaine. L'esthétique de la science des harmonies entre notes célestes et transport amoureux... Dieu seul sait que derrière cette apparente improvisation se cache des années de travail sur la voix et ses possibilités acoustiques; la voix en tant qu'instrument musical. Et puis qu'est ce que la musique et la danse si non ce mystère qui nous met au diapason des beautés célestes ? « J’ai toujours improvisé en dansant » nous dis-tu, car l’improvisation imprègne notre culture marocaine, où on ne peut écouter placidement la musique sans y participer activement : Les marocains qui ont une culture participative ne voient pas pourquoi ils resteraient assis sagement tandis que les musiciens se produisent. Pour les marocains la frontière entre musiciens et public doit être abolie. Ils ne se sentent à l'aise et en fête que lorsqu'ils participent bruyamment à la fête en applaudissant, en trépignant, en poussant des you-you et des appels au Prophète. Il s'agit pour eux d'une décharge énergitique et biologique, en un mot d'une catharsis. Or pour la musique de chambre, on exige d'eux l'écoute attentive, le silence absolu, le bien se tenir. Conséquence peu de marocains parmi le public au printemps des alizés : la sélection ne se fait pas ici par l'argent mais par l'habitus culturel. Ici comme ailleurs, le Musée du Louvre et la musique de chambre ne sont pas fréquentés par le premier venu: il faut une éducation particulière de l'ouïr et du jouir...

arts,corégraphie

  La musique dans la vie

      J’ai retrouvé partout où je suis allé filmé les musiques et les danses du Maroc, cet esprit de participation et d’improvisation . Chez les Branès  par exemple; où le chant accompagne les fêtes depuis toujours, où on appelle les déclamations « semence » ; on a un mélange improvisé de poésie et de danse. Quand le poète fait signe qu'un nouveau chant est prêt, on se tait, on s'arrête. L'improvisation poétique de Doukkali - ce Zajalpopulaire et savoureux - est une véritable chronique de la vie villageoise. La langue d'expression est l'Arabe, mais le style rappelle étrangement les déclamations poétiques des troubadours berbères du Haut Atlas. C'est que les Branès, situés aux premières marches du pré - rif , sont eux-mêmes d'anciens berbères précocement arabisés du fait de leur position à la lisière de la trouée de Taza,sur la voie des grandes migrations en provenance  de l'Orient arabe. Le poète, tel le journaliste de la tribu,  traite de toutes les préoccupations de la vie quotidienne : cherté des prix« qui brûlent au souk », pénurie d'eau, sécheresse, ou encore conflit du Moyen Orient. Ainsi, à Tafraout, dans son improvisation poétique, le poète fustige l’avarice qui fait de l’accumulation de richesse le but ultime de la vie. L’avare ne peut s’adapter à la vie sociale : Dieu lui a interdit de goûter au miel des choses. Dans une fête où l’assistance est faite principalement d’épiciers et de commerçants ayant bâti leur richesse à force d’épargne, l’évocation de l’avarice paraît un clin d’œil qui ne manque pas de sel.

arts,corégraphie

arts,corégraphie

 

 « L'aurore que j'aime se lève la nuit, resplendissante, et n'aura pas de couchant ». La « Laylat el Hajr » de Hallaj paraissant viser la nuit de l'esprit, sous d'autres symboles : l'oiseau aux ailes coupées, le papillon qui se brûle, le cœur enivré de douleur, qui reçoit.

Chorégraphie improvisée chez les troubadours de Sous

arts,corégraphie

Les troubadours de Sous, se produisent dans la plupart des moussem du sud marocain. Ils plantent généralement leur théâtre au parc forain qui constitue la partie ludique  et profane de la fête patronale. La Raïssa Amina dont le répertoire fait partie de la nouvelle chanson berbère en vogue, chante d’une voix naïve et belle les mots simples de l’amour du terroir et de ses symboles sacrés. Le raïs Amarok évoque quant à lui "l’aigle au beau plumage" :

« Ô aigle au beau plumage

Toi, l’étrange oiseau

À la lune tu porteras mon salut

Et tu lui diras : L’étoile polaire   désire te voire »

Mais par delà leur voix, les Raïssa  apportent un plus avec leurs diadèmes magiques,leurs caftans bariolés et leur chorégraphie improvisée. L’improvisation musicale constitue, en effet, avec la participation du public, un des traits majeurs de cet art populaire.

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Improvisation poétique chez les Glawa

Dans la poésie chantée qu’on appelle N’dam, les hommes ont un rôle prépondérant. Ce sont eux qui assurent l’improvisation poétique, devant les villageois rassemblés sur la place publique. On chante le N’dam en couvrant la bouche de son tambourin comme pour se protéger des puissances surnaturelles autant que pour mieux moduler sa voix. Un refrain montagnard, jeu de tambour, tambour de fêtes saisonnières. Voilà ce qui frappe le plus du point de vue musical au pays Glaoua que nous avons traversé à mi – chemin entre Marrakech et Warzazate ,à l’aube de cette nouvelle année agricole de 1998. Pour en finir avec l'improvisation dans l'ahouach, avant d'attaquer ta mystique, celle de Jean François Clément, ce fils de la miséricorde et mon regretté ami Boujamaâ Lakhdar  pour qui l’art  était un rite du silence qui anime les nuits de pleine lune. :

L’ ahouach d’assif el Mal qu’on appelle Idikel est également pratiqué par les tribus voisines de Mzoda , Aït Bou Yaâkoub et Douirane. C’est un ahouach d’un rythme différent de celui d’Imin Tanout et du pays Haha, même si ces derniers appartiennent au même ère linguistique chleuh. Ahouach Idikel se distingue surtout par la position centrale qui y occupe le chant solo, cette improvisation poétique et musicale qu’on appel arasal et qui est propre aux montagnards du Haut – Atlas.  Pour orchestrer l’ahouach Idikel on recourt à trois tambours à cadre à tonalités différentes, selon qu’il s’agit d’un coup vibrant appliqué de poing au centre de la peau ou de coups secs obtenus par le choc de la main à plat sur bord. Le premier tambour, le trime, commence par jouer un rythme appelé hamz, le deuxième qu’on appelle amtarfo , parce qu’il occupe les marges, joue une autre variation rythmique appelée asidari, et le troisième soliste recourt à une technique de jeu appelée Amdil. Chaque soliste joue un rythme différent mais il doit être impérativement complémentaire des deux autres.

Le chant des femmes Jbala

      Chez les Jbala on appelle Aâyouâ, le chant qui accompagne les travaux agricoles des femmes (moissons, gaulage des olives). On  peut traduire ce mot par l’expression « échos de montagnes » : son ambitus extrêmement aigue et allongé porte au loin la voix des femmes Jbala. Elles s’en servaient, dit-on, pour signaler d’en haut des collines, aux guérilléros d’Abd-el-krim, les déplacements des colonnes françaises. Et aux fêtes de mariage, on se servait de ces voix de soprano pour faire parvenir le message à tous les participants sans avoir à recourir au haut parleur. Le hautboïste Mr.Aziz Zouhri, dont la troupe vient d’être invitée en France, nous rapporte ce couplet, que les femmes chantaient lors des fêtes saisonnières :

 Warwar yâ limama, fal hjour dal ghoddana

La iâjbak chi zînak, hakdak kount hatta yana

 Aux branches des figuiers, recoule ô colombe !

Ne soit pas étourdi par ta beauté , moi aussi j’étais belle !

      Du point de vue mélodique, ce chant s’apparente au mode musical andalous dit « lahgaz » : de par leur position géographique sur la rive sud de la Méditerranée, les Jbala ont été influencé par la musique andalouse. Ce sont les fêtes de mariage qui ont permis à ce genre de se perpétuer, mais il est en voie de disparition : les femmes qui le pratiquent sont pour l’essentiel décédées. D’où la  nécessité de mesures conservatoires pour l’enregistrer avant qu’il ne soit trop tard. Cette nécessaire documentation concerna aussi les deux autres genres que sont le haïtet Taqtouqa Jabaliya.

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 Ce que tu dis du corps, de l’instant et de l’éternité

Ce qui reste de Shoshtari, comme des maîtres spirituels qui lui ont succéder depuis, c'est cette actualisation poignante de l'instant, où ils veulent nous faire rejoindre l'éternel. « L'instant est une coquille de nacre close ; quand les vagues l'auront jetée sur la grève de l'éternité, ses valves s'ouvriront ». Il n'en disait pas davantage pour laisser comprendre qu'alors on verra dans quelles coquilles les instants passés avec Dieu ont engendré la Perle de l'Union. Ce à quoi fait échos NIYAZI MISRI, poète mystique turc du 17ème siècle :« Après avoir voguer sur la mer de l'esprit dans la barque matérielle de mon corps, J'ai habité le palais de ce corps, qu'il soit renversé et détruit ; » OUI, l'instant est une coquille de nacre  close ; quand les vagues l'auront jeté sur la grève  de l'éternité, ses valves s'ouvriront.

Le corps photographié d’Ameziane

Le cheikh Moussa est actuellement le plus célèbre à Nador. Il est accompagné de l'Azemmar, une sorte de biniou, munit de deux cornes d'antilopes. On appelle le chant rifain «  izri « (pluriel ; « izran »). En voici un qui fut composé, en 1911, à l'occasion de la mort du Chérif Mohamed Ameziane, le chef de la résistance rifaine contre l'Espagne, au début du 20ème siècle :

Sidi Mohamed Ameziane est mort !

Nous ne pouvons honorer son tombeau

L'ennemi ayant  emporté sa dépouille

Dans les villes pour la photographier !

Par Dieu ! Ô Mouh fils de Messaoud !

Rends nous son corps afin que nous le vénérions !

Pour Abdélkébir Khatibi, l’enfant né au monde en tant que corps dansant et parlant:

«  Pour un conteur populaire lui dis-je  une fois, le jour de la résurrection même les analphabètes retrouveront la faculté d’écrire ; l’indexe sera leur plume, la bouche leur encrier et le linceul la page blanche. Comme le miracle coranique avait commencé pour le Prophète par l’impératif : « Lis ! », le miracle de la résurrection commencera pour chacun d’entre nous par l’impératif : « écris ! ». Qu’en pensez-vous ?  Ce à quoi il me répondit : « On peut interpréter de différentes manières. Je ne suivrais pas sa manière d’interpréter. Mais par exemple, symboliquement l’enfant apprend la langue, il naît au monde en tant que corps et puis il naît au langage en apprenant le premier mot, son nom propre, le nom propre de sa mère, son père, son entourage et il entre dans le langage comme naissance. Une résurrection dans ce sens là, parce qu’elle permet de rentrer dans un autre ordre du symbolique qui change les choses dans le sens où l’activité de l’écrit a sa loi propre. C’est une activité qui laisse des traces, qui durent et qui entrent dans une mémoire et dans une généalogie de textes, qui se transmet de siècles en siècle. Donc, la résurrection c’est la survie aussi de textes dans ce sens là. »

De la résurrection des corps

   La légende des sept saints Regraga s’inscrit dans une vielle tradition méditerranéenne dont la source serait celle des Sept Dormants d’Ephèse en Turquie comme le soulignait en 1957 Louis Massignon : « En Islam, il s’agit avant tout de « vivre » la sourate XVIII du Qora’n, qui lie les VII dormants à Elie (khadir), maître de la direction spirituelle - et la résurrection des corps dont ils sont les hérauts, avant coureur du Mehdi, au seuil du jugement, avec la transfiguration des âmes, dont les règles de vie érémitiques issues d’Elie sont la clé. Ce culte a donc persisté en Islam, à la fois chez les Chiites et les Sunnites mystiques. ». En Bretagne, par où les sept saints Regraga, auraient passé à leur retour de La Mecque avant d’accoster par leur nef au port d’Agoz à l’embouchure de l’oued Tensift, Massignon notait : « En Bretagne spécialement, le nombre des Sept Dormants raviva une très ancienne dévotion celtique au septénaire, seul nombre virginal dans la décade (Pythagore), chiffre archétypique du serment. On est tenté de penser que c’est une dévotion locale aux sept d’Ephèse, qui a précédé et provoqué les cultes locaux aux VII saints en Bretagne. »

Le corps broyé par les vagues

Dans la clarté du jour la procession investit la cité du son grave du tambour, du martèlement des crotales.

Dis-nous, ô arbre immobile !

Entends-tu les sons graves qui

Accompagnent le taureau vers le repos éternel ?

Son sang va jaillir comme jaillissent en  geysers de brume

Les chevaux marins de la houle violente.

Corps broyé par les vagues.

Rôde la mort, la mort sereine et brutale.

En échos à la prière cosmique du firmament,

Des ombres en oraison se répondent dans la pâle clarté du crépuscule.

L’esprit entre dans le corps

Léon l’Africain nous parle pour sa part de femmes qui « font entendre au populaire qu’elles ont grande familiarité avec les démons, et lorsqu’elles veulent deviner, se parfument avec quelques odeurs, puis (comme elles disent) l’esprit entre dans leur corps, feignant par le changement de leur voix que c’est l’esprit qui répond par leur gorge ». La fumigation de parfums, aux dires d’Ibn Khaldoun, met certains individus dans un état d’enthousiasme tel qu’ils prévoyaient l’avenir.

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 Pour B.Lakhdar l’art  était un rite du silence qui anime les nuits de pleine lune.

Quand on a assez de musique en soi pour faire danser le monde…

Un vrai musicien de Marrakech doit connaître tous les rythmes, maîtriser tous les instruments de musiques traditionnelles, et même savoir danser. C’est le sens des mots Bahja (esprit de la fête) et Hyala (esprit de la danse) : la joie qui habite le corps et l’esprit au printemps de l’âge - quand on a assez de musique en soi pour faire danser le monde.

L’épuisement du corps

Le feu du soleil nous communique son ardeur. L’espace mythique parcouru à pied et à dos-d’âne est intensément vécu, arpent par arpent, jusqu’à l’épuisement du corps. La vitesse des villes engendre le stress, le déhanchement des chameaux nomme chaque arbre et chaque pierre. Tout seul, j’aurais vite abandonné, mais entraîné par l’endurance des pèlerins - tourneurs, j’apprends dans le sillage des chameaux, ce que signifie aller au-delà des limites assignées par la vie sédentaire. La sédentarité engourdit les os et sclérose l’esprit. Je jalouse ces nomades qui ont l’âge de la vieillesse et l’agilité des chèvres. Ce n’est pas seulement le temps qui produit la vieillesse, mais aussi la vie urbaine.

arts,corégraphieLe corps et les mauvais esprits

Au milieu du cap Sim, je découvre une plante médicinale du nom vernaculaire d’ajebbardou, que deux jours auparavant, ma mère m’avait réclamée : on malaxe cette plante charnue avec de l’huile d’olive et l’on s’en enduit le corps pour se débarrasser des mauvais esprits — les esprits du vent qu’on nomme ariah ou on la met sous l’oreiller d’enfants souffrant de cauchemars. Ma mère souffrait d’hallucinations dues à une tumeur au cerveau et elle en a besoin pour cette aison. Les deux messages cosmiques signifient aussi que mes racines profondes se trouvent dans ces lumineux rivages et que, partout ailleurs, je pourrais peut-être gagner plus d’argent mais serais toujours comme une nacre hors de l’eau, une plante hors de sa terre nourricière.

Quel rapport entre tout cela et la danse fraternelle de Raji? Une complicité éternelle: Affaire à suivre...

Se réchauffer le corps et le cœur au soleil

Il y a par ici, de gigantesques caroubiers et de très beaux palmiers. J’ai l’impression de me promener dans le jardin d’Eden où coule une eau douce et bénéfique. Une balade qui pourrait bien être un remède pour les blessures de l’âme. Mon père aimait beaucoup marcher de la sorte, au printemps renaissant. Il y puisait une énergie vitale, le renouveau physique et spirituel. Se réchauffer le cœur et le corps au soleil. Partout les frais feuillages luisent sous le paisible soleil d’hiver.

Tous ceux que nous aimons

Maintenant que ceux que nous aimons ont disparus, qu'est ce qui nous retient encore à ce beau pays où les amandiers perdent déjà leurs fleurs sous la pluie? Mon corps est mouillé mais mes yeux sont desséchés d'avoir perdu tous ceux que nous avons aimés. Maintenant qu'ils sont tous partis, qu'est ce qui nous retient encore à ce beau pays où les amandiers commencent déjà à perdre leurs pétales mauves et blancs sous la pluie?

« J'écris sur ma toile, disait le peintre mystique Larbi Slith, en miniature, les mots qui ouvrent chaque sourate et qui représentent l'invisibilité et la puissance de Dieu. J'orne mes toiles d'un alphabet dansant, chantant, un alphabet qui parle, il parle d'horizons lointains, il parle de moi, embryon au milieu de la sphère tendre et chaleureuse. »

Du souffle

Vous avez raison, j'ai oublié le souffle qui joue un rôle central dans votre démarche:

Souffle ! Souffle ô Bou - Iblâne !

Rafraîchit l'air du plat pays

Car la belle n'est pas habituée à une telle chaleur !

Ô Bou - Iblâne ! N'était le froid, j'aurai planté ma tente sur ton sommet !

Le souffle d’Aïssa qui guérit les aveugles et les paralytiques…

À l’approche du sanctuaire, comme happé par les énergies spirituelles du seuil sacré ,le  horm, hommes et femmes accourent pieds nus, chevelures au vent, souffle haletant, regard hagard. Humanité pathétique qui semble avoir laissé derrière elle, charrue et travaux des champs pour venir ici à la rencontre du divin. Pathétiques et néanmoins beaux, par leur quête du céleste et du sacré, sont ces paysannes disgracieuses et ces vieillards édentés aux pieds calleux, retrouvant en ce temps du pèlerinage, jouvence et nouvelles énergies. Au terme d’une course éperdue, ils s’accrochent au catafalque du saint pour y trouver réconfort et purification. Au cours de cette course effrénée, ils doivent enjamber le corps de pèlerins à plat ventre au seuil du mausolée, comme pour leur transmettre l’énergie bénéfique dont ils sont sensés être porteurs en ce moment de grâce. La croyance veut que par ce geste, ils contribuent à dénouer les entraves visibles et invisibles dont on cherche délivrance, auprès d’Aïssa le guérisseur des aveugles et des paralytiques.

Le souffle chez les Hamadcha

Souffler dans la ghaïta, souffler en dansant.

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 Le souffle du souffle

Ton homonyme mon ami le poète Moubarak Erraji:

Depuis que l’arbre est arbre

Tous les souffles sont vibrations d’ailes sur l’arbre

Le souffle de l’âme

Le souffle du saxophone

Le souffle du souffle

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Faust et le feu sacré

   Gloire à la mer ! Gloire à ses eaux environnées de feu sacré !

   Gloire à l’onde ! Gloire à l’étrange aventure ! Le Faust de Goethe

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Poème recueilli l'hiver 2005 au Sahara:

Nos gîtes de campagne,

Sont dressés là - même où sont nos racines.

Cette étendue désertique est frappée de l’éclaire du Sud-Est.

Doux rêve d’hiver, sous les nuages, la fine pluie et sous la tente

Parfum d’herbes sèches, s’évaporant du milieu des oueds.

Lointaines rumeur des bêtes sauvages.

Cérémonial de thé, entre complices de l’aube.

Crépitement de flammes aux brindilles desséchées

Et avec le jour d’hiver qui point

Chacun des deux amants rejoint la tente des siens.

 La caprification

Un auteur n'écrit jamais à partir d'une page vide, mais à travers une accumulation et une « caprification », cet échange symbolique entre deux esprits d'où jaillit la lumière ou le rêve éveillé, c'est selon... 

Casablanca le vendredi 10 juin 2011  Abdelkader Mana

musiqueL'auteur lors de la remise des prix à l'équipe du training de l'Unesco sur la musique et la danse par le gouverneur

de Tata

musique

L'équipe des training de l'UNESCO sur la musique et la danse de gauche à droite: Jean François Clément, Belaïd Akkaf, le maire de Tata, abdelkader Mana, Michel Raji et Brahim Mezned

musique

L'équipe du training de l'Unesco sur la musique et la danse au tout nouveau théâtre de Tata: Abdelkader Mana, Jean François Clément, Belaïd Akkaf et le chorégraphe Michel Raji

11:06 Écrit par elhajthami dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arts, corégraphie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

29/11/2011

Le modèle Andalous au Maghreb

arts islamiques,musique

Texte Abdelkader Mana, reportage photographique Jean François Clément

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Les images ont été prises à Fès, capitale de l'ART ISLAMIQUE

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La musique comme fait social

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    La culture est toujours ambulante, déplacée et en mouvement : soit que sa déambulation voyageuse se fasse comme autrefois et encore aujourd’hui en carriole, soit que la circulation de la culture traditionnelle emprunte la voie des ondes et des bandes magnétiques. Au Maroc, comme partout ailleurs à travers le monde, on est rentré maintenant dans la phase Internet qui permet de voir à volanté les musiques et les danses des hameaux  les plus reculés, grâce aux vidéos amateurs postées sur Youtub.Un jeune marocain né en France, me signale ainsi la vidéo qu’il vient de poster sur Youtub : et qui porte sur la danse du baroud dans un mariage Ghiata , tribu dont il est originaire et qu’il a filmé lui-même grâce à une caméra amateur, au cours de ses vacances au Maroc.Des milliers de vidéos portant sur les musiques régionales sont ainsi postées sur Youtub. Les jeunes y expriment leurs goûts musicaux et leur attachement à leurs racines culturelles. La diffusion massive de la musique populaire via Internet est un phénomène culturel important pour la reproduction de la musique populaire locale comme pour la diffusion de la musique venue d’ailleurs. Le téléchargement de la musique sur le Web est une nouvelle phase dans le changement permanent de la culture populaire et sa déstabilisation continuelle.

      Au cours de notre enquête sur le Rai à Guercif, nous avons constaté les changements des pratiques culturelles et de la sensibilité populaire par l’effet – Internet : tous les artistes semblent impuissant face au piratage et au téléchargement de leurs albums sur le web,mais tous aspire aussi à se faire connaître grâce à cet outil même s’ils n’ont pas toujours les compétenses et la formation recquise pour se faire connaître en créant leur propre site. C’est gâce en effet, à facebook, que le groupe du samaâ de Taza a pu être invité à un pays du Golfe persique et parfois à animer des fêtes de mariage en dehors de Taza.

  • Fête de mariage et goûts musicaux

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 L’institution de mariage avec la nuit des cadeaux et deux jours plus tard, la nuit des noces, constitue une situation musicale spécifique. L’appel adressé à l’occasion des mariages à plusieurs groupes musicaux à la fois, correspond à la différence des classes d’âge, des couches sociales, des milieux urbains et rural qui s’y rencontrent : « Il en faut pour tous les goûts ; il faut des chikhates pour les uns et le Rai pour les autres. ».A Oujda et à Taza, on fait appel à divers  groupes musicaux pour animer les fêtes de mariages :

 a. Dans un mariage de familles Oujdies ou Tazies,on produit la musique Andalouse (Art noble).

b. Dans un mariage populaire on peut trouver les Cheikhs de Bab Sidi Abdelwaha qui chantent les genres « aroubi » ou une chikhate de Guercif qui chante le genre Ssaff (ahidûs arabisé) surtout si une partie des invités parents et amis viennent de la campagne. Dans ce même mariage à une autre phase de l’évènement on trouvera :

c.  Un groupe de Rai local chez les invités de la mariée.

d.  Un groupe de musiciens populaire (chaâbi) chez les invités du marié.

e.  Pour ce même mariage, pour la plupart des mariages traditionnels, le cortège à travers la ville – avec la charrette aux cadeaux – fait appel à quatre musiciens :  Deux tambourinaires et deux hautboïstes qui sont intégrés par ailleurs aux confréries religieuses locales tels les Aïssaoua de Taza.

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  L’analyse de la demande sociale permet de rendre compte du dépérissement d’un genre musical et du développement d’un autre qui lui succède sur le marché de la musique. Dans le passé les pratiques musicales étaient conviviales et la musique avait une valeur d’usage et non une valeur d’échange : c’était le cas du berger qui joue de la flûte ou du rituel de l’achoura qui était une pratique collective autogérée, auto – organisée et gratuite.Aujourd’hui, les festivals sont gérés, organisé et subventionné par les politiciens. Autrefois les musiciens bénévoles ne prétendaient pas vivre de la musique. Aujourd’hui, la nouvelle génération de musiciens se professionnalise et vend ses services musicaux, ses CD et ses clips.  Les jeunes musiciens s’efforcent de se placer sur le marché porteur du Rai. La société marocaine, rejoint ainsi cette occidentalisation de la musique comme le constatait J.Maquet  à propos de l’Afrique Noire : « La musique populaire des centres urbains, accuse une influence très forte de la musique de danse d’Amérique Latine et du Jazz ; la guitar est devenue l’instrument principal. » Cette pénétration de la musique Occidentale se fait par la diffusion des industries cultuelles et à travers Internet.

  • Le Modèle Musical Andalous

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« Notre jeunesse ne réagit plus à la musique Andalouse. Elle était pourtant la musique des châteaux du paradis perdu de Séville , de Cordoue, de l’Alhambra de Grenade et des châteaux marocains Alors que les parents apprécient cette musique, les jeunes s’en détournent. Cela est dû à l’impact de la musique orientale et occidentale à travers la radio et la télévision. » Musique de Palais mauresque de Grenade, Séville et Cordoue, née de la confrontation en Andalousie des apports oriental et occidental. Après la chute de Grenade, elle s’est répondue dans tout le Maghreb.L’autre élément de la culture médiniste est le malhûn ,poésie et musique populaire des artisans des cités Andalouses et Maghrébines. Le terme malhûn vient de la racine lahn qui désigne en arabe classique, aussi bien l’erreur de style et de grammaire que l’opération musicale qui transforme un poème en un chant. Les origines lointaines du malhûn seraient à la fois andalouse et bédouines. Dans toutes les Zaouia citadine on chante des mdah (louanges au Prophète) en forme de malhûn. Son origine bédouine est attestée par son instrument de percussion, le douf (peau de chameau couvrant un cadre en bois en forme carrée). Il émet des rythmes lents qui lui sont suggérés par la marche déhanchée des caravanes. Une autre preuve semble être le thème du « voyage » commun à la tradition poétique des nomades et des artisans. En effet, la narration d’un voyage à travers le désert où le poète s’arrête de temps en temps pour se lamenter sur des ruines (atlal) est un schéma classique de la qasida préislamique. Le même thème se retrouve chez les artisans sédentaire sous le vocable du warchan (pigeon – voyageur).Le porteur de message est prétexte à la description d’un itinéraire. Le malhûn était vivant autrefois dans les médinas de Taza et d’Oujda où il existait des chanteuses citadines qui le chantaient dont certaines étaient originaire soit de Tlemcen soit de Fès. Ce type de chikhates n’existe plus. Avec elles, c’est un pan de la culture traditionnelle médinie qui a disparu. Les quelques midinis connaisseurs du malhûn à Taza par exemple ne sont pas organisés en orchestre. Il ne reste que quelques nostalgiques de cette période, refusant la modernité et ceux qui l’adoptent. Chez les tribus d’origine de l’oriental, on pratique un malhûn bédoin, comme c’est le cas chez les Mhaya, fraction issue des Béni Hilal, établie aux environs d’Oujda. Du temps de la colonisation Française, ces mhaya  nomadisaient entre Taourirt au Maroc et Tlemcen en Algérie tout en étant ouverts sur le domaine saharien du côté de Bou ärfa et de Figuig. Ces nomades pratiquent encore, le « malhûn bédoin », qasida qui pleurent les ruines du désert à la manière des anciens d’Arabie. Du point de vue musical, ils recourt à la gasba (la grosse flûte du désert». Les cheikhs de ces tribus nomades à cheval sur le Maroc et l’Algérie, ont fortement influencé les stars du Rai moderne aussi bien par leur repertoire poétique que par leur rythme musical.

  • Le Modèle Musical Maghrébin

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    Il existe au Maghreb un modèle culturel commun aux médinas traditionnelles. S’agissant de la musique, comme d’ailleurs d’autres  formes d’art, nous savons que le modèle est venu de la civilisation Andalouse ; c’est notamment Ziriab, l’oriental installé à Cordoue qui a contribué à la fixation des règles de la nouba.  Dans toutes les médinas, par opposition à la campagne on trouve un modèle musical médiniste (MMM) qui se pose en s’opposant à la campagne. C’est le cas des deux principales médina de l’oriental marocain que Taza et Oujda, situées entre Fès et Tlemcen et ayant subi l’influence de ces deux anciennes cités maghrébine en matière de musique andalouse en particulier. Aujourd’hui, ces médinas, investies par la modernité et marginalisées par leurs périphéries, perdent à la fois de leur caractère communautaire et de leur culture traditionnelle. Les nouveaux apports de population avec de jeunes fonctionnaires et des ruraux, ignorent la culture médiniste et ne peuvent la reproduire. Cependant des associations y ont pris le relais des anciennes zawiyas et s’efforcent de faire revivre le patrimoine musical local.

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Ø      L’identité culturelle de la médina est à la fois universelle et spécifique. Il faut donc faire la part de l’universel (le Modèle Musical Maghrébin) et du singulier (Modèle Musical Local). Le modèle général du changement dans le (M.M.M) provient de la modernisation des biens culturels et de « l’industrie culturelle » (Adorno et Horkeimer).

Ø      Sur le plan spécifique (M.M.L.), on notera l’influence au niveau local d’une particularité Maghrébine ; le mouvement musical du genre Rai A partir des années 1980, le Rai un développement spectaculaire dans la région oranaise avant d’atteindre Oujda, Berkane, Guercif et les principales villes du Rif, El Huceima et Nador. C'est-à-dire un creuset de l’émigration y compris clandestine,où les jeunes du Rif et de l’oriental vont à la rencontre de la World Music, sans pour autant renoncer à leurs racine : on les voit recourir au synthétiseur et à la boite à musique tout en chantant les izri (poèmes rifains) ou en recourant aux rythmes traditionnels de la danse du baroud ou de la flûte des transhumants de l’oriental marocain.

Ø      Les midinis  disent : « On a vendu les clés de la médina ». La ville, surtout après l’indépendance, a été envahie par la campagne environnante. La musique rurale fait maintenant partie intégrante de la vie musicale dans la ville. Elle constitue la plus forte vente des cassettes chez les disquaires à Oujda. Cette musique locale s’oppose à l’influence uniformisante de la radio. Les musiques rurales sont particulièrement appréciées par les éléments de la population de transplantation récente dans la ville. La classe paysanne et la classe ouvrière ont en commun non seulement le fait de « manier directement la matière » (Halbwachs) mais aussi d’avoir les mêmes goûts musicaux.

 

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Il y avait au départ trois écoles de musique andalouse au Maghreb :

  1. La alaandalouse qui caractérise les vieilles médinas marocaines ramenée  à Fès, par les migrants andalous surtout ceux de Valence et de Séville ; s’est progressivement diffusée en direction des autres médinas marocaines (Meknès, Salé,Chefchaouen, Tétouan,Taza, Marrakech, Essaouira) etc.
  2. Le tarab ghernati ou sanaâ, s’est diffusé quant à lui de Tlemcen vers Oujda et Alger et plus tardivement vers  Rabat où l’avait introduit, Si Qaddour Benghabrite . Ce Tlemcenien d’origine, était, « naib sultani » (représentant du sultan) à Oujda. C’est ce personnage qui avait crée le cadre associatif de l’ Andaloussiya d’Oujda dont l’orchestre de tarab gharnatiallait représenter le Maroc au Congrès de la musique Arabe du Caire,en 1932. Benghabrite, qui deviendra par la suite recteur de la mosquée de Paris, n’est mort en 1954, qu’après avoir légué ce patrimoine  grenadin à Rabat, où il reste  encore vivant grâce aux familles Birou et  Tazi .

3. L’école du maâlouf, qui s’étend de Constantine dans l’Est algérien à la Libye en passant par Tunis : cette école de musique andalouse est très influencée par la musique orientale.

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A.La musique andalouse à Taza

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     Etre médini n’est pas seulement le fait d’habiter la médina au  sens de ville traditionnelle, c’est aussi une conception du monde et une position dans la culture. Etre médini, c’est connaître de l’intérieur et pratiquer la culture traditionnelle de la médina. En tant que patrimoine commun des médini, la musique des médinas est un élément fondamental du système.

   À Taza, les associations dévolues au samaâ œuvrent également pour l’épanouissement de la musique andalouse. Et cela d’autant plus que cette vieille médina maghrébine se prévaut d’une grande tradition dans ce domaine. Parmi les grands noms Tazis de la musique andalouse on peut citer entre autres, maître Haj Ahmed Labzour Tazi, mûnshid  et joueur de Rebab qualifié. Il se distingua par sa contribution à l’enregistrement de l’intégralité du répertoire de la Ala, avec le concours de l’UNESCO, et par une tentative sérieuse de transcription, souligne Ahmed Guettat dans son monumental ouvrage intitulé « empreinte du Maghreb sur la musique arabo – andalouse ». Parmi les autres grands noms figure celui de feu Abdessalam Lbrihi, ce natif de Taza qui se trouve parmi les auteurs ayant contribué au recueil du Haïk qui fut publié sous les règnes de Hassan Ieret de Moulay Abdelaziz.

C’est d’ailleurs son fils Mohamed Lbrihi qui fonda, au tout début du XXe siècle, la première association de musique andalouse qui allait contribuer, d’une manière décisive, à la préservation de ce legs andalou au Maroc. Cet originaire de Taza, comme le mentionne un dahir de Moulay Abdelaziz, était devenu chanteur de Cour (moutrib al qasr). Il est mort en 1945. Il avait formé à la alaandalouse toute une génération de musiciens de Fès, à commencer par le plus fameux d’entre eux, El Hajj Abdelkrim Raïs. Les plus grands ténors de la musique andalouse ont donc été formés par un homme originaire de Taza. L’association qu’il avait fondée est actuellement présidée par son gendre Anas El Attar.

 B.Le malhûn à Taza

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 L’un des grands noms du malhûn à Taza est le poète Mohamed Belghiti surnommé Btigua. Ce dernier animait régulièrement des soirées de ce genre poétique et musical à Fès et, dit-on, il connaissait par cœur quelque quatre cents qasidas, dont celle qui évoque la mort du Prophète ou encore « haoul lqiyama », le jour de la résurrection. Il avait composé des qasidas sur Taza dont l’une énumère les saints de la ville. C’est au cours de ces soirées qu’il organisait dans les Riad de Fès qu’il présentait ses nouvelles créations en matière de qasidas chantées du genre malhûn. Autre chantre du malhûn tazi, Belaïd Soussi, l’auteur de la qasida du ferran (le four public) et de cette chanson qui connaît encore un grand succès populaire (et que chante Mohamed El Asri) et qui a pour refrain :

Allah y l’ghadi l’Sahra jib li ghzal !

Ô toi qui s’en vas au Sahara, ramène-moi une gazelle !

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 Autre succès de cet auteur tazi « lgaâda f’jnan sbil » (villégiature au jardin de Jnan Sbil de Fès) et « Ya man bgha zine » (ô toi qui désires la beauté !). C’est encore lui qui avait composé cette chanson nationaliste à l’occasion du retour de Mohamed V de son exil de Madagascar :

Saâdi ziyant ayâmi, mahboub khatri jani !

Heureux sont mes jours, mon bien-aimé est arrivé !

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 Il avait également composé des chansons pour des vedettes de la chanson marocaine tel Fath Allah Lamghari. Taza faisait partie des vieilles cités marocaines, telles Salé, Safi et Meknès qui produisaient du malhûn. Mais elle ne dispose pas actuellement d’un orchestre de malhûn déplore M. Hamid Slimani. Pourtant les habitants de Taza restent encore attachés au malhûn. Certains musiciens font, de temps en temps,  quelques tentatives pour faire revivre ce genre poético - musical. Le malhûn est actuellement exécuté par les orchestres qui animent les fêtes de mariage, mais il n’existe pas d’orchestre spécialisé dans le malhûnproprement dit.

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 C. Taza, bastion du samaâ.

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 Au Maroc, c’est grâce au samaâ (oratorio, chant soufi) qui se pratique principalement selon les modes musicaux andalous que les zâwiyyas ont joué un rôle fondamental dans la préservation du patrimoine musical andalou. Taza est l’un des principaux centres maghrébins où s’est épanoui le modèle musical andalou (M.M.M.) : samaâ, musique andalouse et malhûn. Dans la vieille médina de Taza, le samaâ est en effet un art vivant lié à la vie quotidienne. Il est omniprésent à toutes les étapes de la vie du berceau au tombeau : on y recourt pour tous les rites de passage depuis les berceuses, les baptêmes, les circoncisions et les mariages jusqu’aux oraisons funèbres qui accompagnent le mort à sa dernière demeure. Pratiqué traditionnellement par les adeptes des confréries religieuses, le samaâ est passé récemment à Taza de la phase des zâwiyyas à celle de jeunes associations qui en font la promotion sur Internet. Le nombre de ces associations est passé de deux en 2006 à plus d’une trentaine en 2010. Ce regain d’intérêt pour le samaâserait dû à l’impact de la télévision qui a consacré à ce genre des émissions diffusées quotidiennement par la deuxième chaîne marocaine tout le long du Ramadan en 2006 :

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 « Au début des années 1990, raconte M. Hamid Slimani, notre rencontre avec le grand maître du samaâ que fut le cheikh Abdessalâm Ben Mansour fut une étape décisive pour notre professionnalisation. C’est ce qui a permis la renaissance de cet art à Taza, sa valorisation et l’intérêt que lui porte la jeunesse de la ville. Il y a eu aussi l’impact de la télévision : en valorisant le patrimoine local, celle-ci a incité les jeunes à s’intéresser au samaâ en le pratiquant. Au point que nous avons maintenant à Taza, 14 associations comprenant 35 groupes qui pratiquent le samaâ alors qu’elles n’étaient que deux à le faire en 2006 ».

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 Ces groupes sont actuellement très demandés par les familles de Taza surtout en période d’accueil des pèlerins de retour de La Mecque. Leurs prestations varient en fonction de leur professionnalisme, leur qualification et leur réputation. Le chef de file de ce genre à Taza, M. Hamid Slimani nous confie à ce propos :

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 « Le samaâ a toujours existé à Taza, mais sa pratique était traditionnelle et spontanée. Lorsque notre génération est arrivée pour prendre la relève au début des années 1990, nous avons trouvé des personnes âgées qui pratiquent ce chant sacré sans en connaître les fondements. Pour acquérir une véritable formation dans ce domaine, il nous a fallu partir ailleurs. Notre initiation eut lieu principalement auprès de la zâwiyya herraqiya (l’incandescente) qui constitue la source du samaâ au Maroc puisque c’est elle qui anime les cérémonies de la nativité du Prophète au mausolée d’Idriss II à Fès. C’est surtout au sein de sa branche de Rabat que nous avons accompli notre apprentissage avec feu Si Abdessalâm Ben Mansour, maître incontesté au Maroc dans ce domaine ».

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 Notre interlocuteur vient d’ailleurs de poster sur Facebook une vidéo consacrée à l’hommage qui fut rendu à son maître au théâtre Mohamed V juste avant sa disparition. Le musicologue et conseiller Royal, M. Abbas El Jirari, y déclare, parmi d’autres déclarations, que le défunt était la référence absolue en matière de samaâ et de musique andalouse au Maroc. Que son grand-père maternel était le cheikh de la zâwiyya herraqiya à Rabat. Qu’il avait, de ce fait, une parfaite maîtrise des « toubaâ, angham et sanaâ » (« les modes musicaux andalous, leurs mélodies et l’art de leur déclamation »).

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Qu’au cours des années 1970, il avait publié le haïk, recueil de qasida et de mouachah andalous où sont consignés, pour la première fois, certains modes musicaux andalous disparus. Et surtout qu’il avait formé de nombreux chanteurs dans ce genre en tant que fondateur d’une école du samaâqui constitue au Maroc la référence des références en la matière.

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 D.La chanson moderne à Taza

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arts islamiques,musiqueL’association marocaine des musiciens professionnels vient d’être fondée à Taza au mois d’octobre 2010. Elle se compose principalement de musiciens et d’enseignants de musique de l’Éducation nationale. C’est une association qui s’intéresse principalement à la chanson marocaine moderne, ce qui la distingue ainsi nettement de la musique patrimoniale telle que celle du samaâ ou du folklore. Elle est présidée par M. Qadaâ Lakhal, jeune professeur de musique, qui s’élève contre la retraditionalisation de la société que connote ici le renouveau du samaâ en tant que chant religieux : « Nous assistons à une nouvelle vogue de la musique religieuse qu’on appelle samaâ. Cela est dû, en partie, à la rediffusion de valeurs traditionnelles au sein de la société. Peut-être par réaction à la mondialisation ? Peut-être par réaction à la diffusion d’une culture permissive sur le web ? D’où l’intérêt d’une certaine jeunesse pour cette musique à connotations religieuses. En tant que jeunes intéressés par le domaine musical, nous voulons certes encourager la musique, mais en tant qu’art diffusant des valeurs humanistes universelles qui ne soient pas nécessairement des valeurs religieuses. En tant que jeunes, nous voulons contribuer à la diffusion de la musique marocaine, mais il est erroné de croire que nous allons accepter la musique marocaine dans son moule traditionnel qui est pauvre sur le plan musical. Les jeunes ne peuvent accepter cette musique présentée sous cet angle Par conséquent, nous prenons cette musique comme un simple moule que nous retravaillons d’une manière moderne. La musique est un puissant moyen d’intégration des jeunes permettant de les éloigner de l’extrémisme religieux aussi bien que de la délinquance et de la drogue. Les jeunes aiment bien le Rai du fait qu’il fait fusionner musique arabe et musique occidentale ».

 La musique Andalouse dans l’Oriental

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arts islamiques,musique     Oujda fut fondée en 994, par Ziri Ben Atya, chef des Maghraoua, groupe de Zénètes nomades. Investi par les khalifes Omeyyades de Cordoue du commandement du Maghreb.  Ziri Ben Atya , qui dut s’y imposer par la force, décida de s’installer au centre du pays qu’il devait administrer plutôt qu’à Fès ou à Tlemcen. Il résolut de créer une « capitale » au milieu de la plaine d’Angad, à proximité de la source de Sidi Yahya(le beau parc de Sidi Yahya qu’abritent les térébinthes séculaires ne fut qu’un cimetière) et de montagnes qui pourraient éventuellement lui servir de refuge. Mais le site d’Oujda se justifie aussi par le croisement qui s’y opère entre deux grandes voies commerciales : la voie nord-sud de la mer à Sijilmassa et est-ouest de Fès à Tlemcen. Le géographe andalou, Oubeïd el Békri écrivait vers l’an 1068 :

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 « Les voyageurs qui partent des contrées orientales (de l’Afrique) pour se rendre à Sijilmassa et aux autres localités de l’Occident, traversent la ville d’Oujda et y suivent la même route lors de leur retour. » Cette voie de passage pour le commerce était aussi le « triq sultan »( seule voie de circulation praticable entre Fès et Tlemcen) ponctuée par le Moulouya et la Kasbah des Msoun, qu’empruntaient les armées des Sultans du Maroc lorsqu’elles se portaient contre les Souverain Abdelwadides de Tlemcen. Oujda fut ruinée et relevée quatre fois au cours des guerres continuelles qui opposèrent les maîtres de Fès à ceux de Tlemcen.

 

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 Située dans la plaine d’Angad, Oujda est à 14 kms de l’Algérie et à 60 kms de la Méditerranée. la ville d’Oujda fut rasée à deux reprises sous les règnes des Mérinides Abou Youssou Yacoub(1272) et Abou El Hassan(1335). Occupée en 1907, par l’armée coloniale française, la ville vit sa population augmenter avec l’immigration d’Européens et d’Algériens lors du protectorat. Durant la guerre d’Algérie(1954 – 1962), Oujda accueillit une vague de réfugiés et servit de base arrière pour la résistance algérienne, ce qui explique l’arrivée au pouvoir à Alger du « clan d’Oujda ». C’est ce que nous explique l’anthropologue Bader el - Maqri dont la famille est arrivée à Oujda vers 1820 :

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 « Les cousins de l’émir Abdelkader se sont établis à Oujda, lieu de métissage par excellence. Le club de football local, la «  Mouloudiya d’Oujda » comprend 10% de joueurs d’origine algérienne. L’équipe du FLN où a-t-elle débuté ? A Oujda ! Toute l’élite algérienne était ici à Oujda. Il n’y avait pas de distinction entre ce qui est algérien et ce qui est marocain.. Au point que nos grands parents nous disaient qu’ils n’ont découvert que leurs voisins étaient algériens qu’après 1962, au moment où ils sont revenu en Algérie. C ‘est là qu’ils ont compris qu’ils sont d’origine algérienne ! »

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  Louis Voinot  dans « Oujda et l’Amalat », 3 tomes, 1912, écrit ainsi à propos du métissage culturel à Oujda à l’aube du 20èmesiècle :

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 « Il existe certes un petit noyau de descendants de vieilles familles Oujdis, renforcés dans les années 1830 – 1840, par l’installation de familles algériennes fuyant l’occupation française et de quelques représentants de firmes fassies venant profiter du regain des échanges liés aux fournitures à l’émir Abd el Kader. Mais ces apports sont continus et multiples. Ainsi en 1882 une effroyable disette sévit dans le Souss. Sur les conseils du Sultan, les habitants viennent s’installer dans la région d’Oujda. La population juive passe de 10% à plus de 20%. Diversité, spécificité d’une part, mixité de l’autre : arabes citadins et arabes campagnards, berbères, figuiguiens, juifs marocains et juifs français, européens aussi, moins rares qu’il n’a été dit, voir « levantins », gens à la langue dorée et à l’inspiration fertile. La cohabitation est heureuse de ces ethnies différentes, qui apparaissent vivant de façons beaucoup plus mêlées que dans les autres cités. »

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 Sous le protectorat la médina d’Oujda abritait les musulmans et les juifs marocains. La ville européenne s’était étalée au-delà des remparts, détruits durant les années trente, et remplacés par des avenues. Les deux tiers des juifs marocains vivaient dans l’ancienne médina intimement mêlés aux musulmans, partageant le même immeuble autour de la même cour. Ainsi, les juifs marocains d’Oujda n’étaient pas comme dans d’autres villes du Maroc confinés dans un Mellah entouré de remparts. Un certain nombre de juifs marocains enrichis, avaient quitté la médina pour la ville européenne. Celle-ci recevait également des familles de notables musulmans marocains et plus encore algériens. Cette réalité sociale explique largement le caractère métissé de la musique andalouse à oujda. La société de musique « Andaloussia », a été fondée en 1921 par deux fonctionnaires algériens, Si Rahal Mohamed interprète judiciaire, et Bensmaïn Mohamed, professeur au lycée. Elle a vivement intéressé S.M. Le Roi Mohamed V, lors de sa première visite officielle à Oujda.

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Le répertoire classique des  Noubât Gharnati d’Oujda a pour source Tlemcen qui recueillit dés le 13ème siècle le legs musical andalou. Cité des grands maître de la musique arabo – andalouse, dont Al Maqqari Al Tilimçâni, l’auteur de nafhattîb qui raconte le cycle des nawba Gharnati – de Grenade – où les plus grands musiciens de Cordoue se retrouvèrent, avant de refluer vers le Maghreb, à la suite de guerre de reconquêtes catholiques en Espagne. La tradition Gharnati de Tlemcen a entretenu des contacts avec les villes d’Oujda et de Tétouan au Maroc. Tlemcen a été un centre de rayonnement de la musique andalouse dans sa sphère culturelle avec à l’Ouest, le couloir de Taza et à l’Est, Bejaïa. Cette musique andalouse est appelée ala au Maroc, Gharnati à Tétouan, Oujda et Tlemcen, San’âà Alger, et Maâlouf au constantinois et à Tunis.

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 La nawba fut mise au point dès le 9ème siècle, à Cordoue, en Espagne musulmane. Vastes constructions mélodiques qui ont vaincu l’oubli et traversé le temps. C’est Ziryab qui fut à l’origine du grand monument andalou, constitué par les vingt quatre  nouba-s, un système qui se développa sous la forme d’un arbre symbolique, l’arbre des tempéraments, Shajarat al-toubou’, ou arbre des modes. A chaque heure qu’égrène le jour correspond un mode, un maqâm, c'est-à-dire un chant, une mélodie, qui exprime un état d’âme, une pensée, un sentiment. Si par exemple, le mode raml et  raml el Maya, célèbre les chatoiements du crépuscule, le maya et rasd – eddil, saluent le jour qui point. Le grand Ziryab ajoute une cinquième corde à son luth et fixe à cinq le total des mouvements essentiels de la suite musicale arabo – andalouse qu’on appelle nawba. Des vingt quatre modes que comptait l’ingénieuse et géniale classification de Ziryab et de ses disciples, quinze seulement subsistent au Maghreb. Et sur les 15, 12 seulement restent suffisamment connues pour offrir matière à la composition de nawba parfaites, c'est-à-dire de suites à peu près complètes. Vers 1800, à la demande du Sultan Sidi Mohamed Ben Abdellah, on rassembla dans le manuscrit du Hayk al Titouâni, les textes de tous les chants qui se chantent couramment sur les vingt quatre échelles modales ( toubou’) des onze nawbâtmarocaines.

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 Dans la nawba  maghrébine héritière de la nawba andalouse, la musique, le chant et la poésie sont étroitement liés. Toute tentative de faire abstraction de l’une des composantes de la nawba aboutit à une analyse erronée. On ne peut donc parler du muwashah sans le mettre en relation avec la nawbadans laquelle il est chanté, et avec le mode tba’ qui en détermine souvent le contenu thématique et la forme stylistique.

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Les pièces vocales se composent aussi de Zajal et de qasaïd-s classiques. Et il arrive souvent qu’au cours du même mouvement on chante successivement un Zajal, un mûwashah et une qasida. Le muwashahqu’on peut traduire par « la parure poétique chantée » est né dans les jardins andalous. C’est ce genre poétique typiquement andalou qui serait derrière la poésie de « l’amour courtois » qui caractérisait au Moyen Âge les troubadours de l’Europe méridionale.

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 Le tarab ghernati  entre Oujda et Tlemcen

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Au Sahara, on parle de « tarab hassani », par référence à l’empreinte profonde, que procure à l’auditoire la notion de tarab chez les anciens d’Arabie. Un art musical et plus précisément un tarab, cette émotion musicale qui aboutit à l’extase et qui caractérise entre autre, le chant andalous de Grenade : « L’art de chanter est un don de la jeunesse, et la mélodie des voix, un don de Dieu ! ». Excellente définition du tarab. Les musiciens de Grenade avaient donc pour ambition d’aboutir à cette émotion musicale qui aboutit à l’extase d’où l’appellation de leur chant de « tarab gharnati ». A Oujda, comme à Tlemcen et Alger on se réclame de ce legs grenadin.

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 En 1492, avec la chute de Grenade, le dernier des sultans nasrides , Abou Abd el Ilah(le fameux Abou Abdil des chrétiens) a débarqué du côté de Ferkhana, à une centaine de kilomètres au nord d’Oujda, du côté de Nador, avant de se diriger vers Oujda. C’est dire que les relations entre Oujda et Grenade sont anciens. Il n’est donc pas étonnant que le tarab gharnati soit un élément essentiel de l’identité culturelle d’Oujda. Les relations culturelles entre Oujda et l’Andalousie remontent plus loin encore, à la dynastie Almoravide au XIème  siècle  comme l’attestent les relations de voyage relatives aux échanges entre Oujda et Séville, Murcie, Valence et Grenade.

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Cette empreinte culturelle s’est davantage renforcée au XIV ème siècle avec l’émigration des juifs de Séville vers Debdou en 1392. Jusqu’à aujourd’hui existe à Debdou une source qui s’appelle « Aïn - Chbiliya » (la source de Séville).On ne peut pas parler du tarab gharnati d’Oujda sans évoquer le rôle de la communauté juive en particulier celui que jouèrent deux familles de Debdou : les Cohen et les Marciano, (de Murcie), en concurrence permanente y compris sur le plan artistique. C’est eux qui ont introduit certaines qasidas, celles par exemple d’Ibnou Sahl, un poète juif d’Andalousie. En Algérie, les turcs ont laissé des empreintes dans les manières de table, dans le vestimentaire et certainement aussi dans le domaine musical : « Il y a une influence certaine de la musique turc, sur le gharnati de Tlemcen qui constitue une référence pour Oujda, nous explique, le cheikh Mohamed Chaâban.Quand tu écoute la musique classique turc, tu a l’impression d’écouter le gharnati.Il y a une influence certaine de la musique turc sur le gharnati ! » 

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 Pour l’étude des modes musicaux spécifique au tarab gharnati proprement dit, il faut signaler le kounnach el haïk, de l’imam Mohamed Ben el Ghamad el Oujdi , fikih et musicologue ayant vécu au XVIIème siècle. Maître Mohamed Chaâban, qui préside aux destinées de l’Association Andalousia, fondée en 1921 nous déclare à cet égard :

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« Les juifs étaient très connus pour le tarab gharnati. Et qui avait réuni le recueil du gharnati, si ce n’est Edmond Yafil ?! Avant lui, le gharnati était dispersé : à chaque fois qu’un cheikh meurt, il emportait avec lui les nouba et les sanaâ qu’il maîtrisait. C’est Edmond Yafil qui les a recueilli auprès des cheikhs, en les publiant dans un petit recueil qui porte son nom de « Yafil ».J’en ai une copie. Après lui, les grands cheikhs d’Algérie, l’ont corrigé et augmenté en publiant des recueils plus volumineux. J’en possède trois volumes où ils ont traduit de l’hébreu beaucoup de sanaâ qu’on trouve chez Yafil. Ces recueil des 12 nouba du tarab gharnati qui prélude à chaque fois par ce qu’on appelle lamchaliya et touichiya .Cette dernière est plus longue que celle qu’on trouve dans la Ala andalouse. Et chacune des 12 noubas comprend cinq mesures ou mizân :

 

 arts islamiques,musique1.      Première sanaâ, lamsadder qui est lent

2.      Deuxième sanaâ, labtaïhi

3.      Darj

4.      N’siraf

5.      MAkhlass(pour conclure)

 

C’est en ces cinq sanaâ que se compose la nouba. On y ajoute des fois ce qu’on appelle la qadriya, qui n’existe que dans les noubas de raml el maya, lahssin, et laghrib. C’est en cela que consiste la nouba complète. Ces dernières sont au nombre de 12 :

  1. Zidân
  2. M’janba
  3. Raml
  4. Dil
  5. Rasd Dil
  6. Maya
  7. Laghrib
  8. Lahssin
  9. Rasd
  10. Raml l’maya
  11. Sika
  12. L’mazmoum

 arts islamiques,musiqueLe tarab gharnati diffère de la ala andalouse au niveau du mizân (la mesure) : la maya de la ala n’est pas la même que celle du gharnati : la maya de la ala ressemble à la sika du gharnati sur la mesure de « Mi ». ET la maya du gharnati ressemble à l’istihlal de la ala ou à son rasd dil. C’est en cela que réside la différence entre la ala andalouse et le tarab gharnati. Il y a aussi des différences au niveau de la sanaâ et du mizân : le derj de la ala n’est pas celui du gharnati et on peut dire de même pour labtaïhi. La grande école du tarab gharnati est celle de Tlemcen : son gharnati est plus complexe  avec des noubas plus longues. La première école du gharnati est celle de Tlemcen qui a fortement influencé Oujda. Jadis, on le chantait aussi à Taza.Malheureusement, le gharnati a disparu de Taza. A une certaine époque, les juifs chantaient le gharnati à Fès. Et il commence à décliner à Rabat.».

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    Il existait à Oujda un club féminin d’adeptes du tarab gharnati, où la chikha Titma de Tlemcen séjourna pendant cinq ans, entre 1920 et 1925, avant de s’en aller à Fès. Beaucoup de poètes de l’ouest algérien étaient venus à Oujda où on chantait leurs qasidas, lors des fêtes de mariage, sous le mode gharnati : Qaddour Ben Âchour Zerhouni, adepte de la zâwiyya taybiya mort en 1938 dont le recueil fut imprimé à Oujda en 1932.Autres poètes algériens ayant séjourné à Oujda : Lakhdar Ben Khallouf de Mostaganem, Ben M’sayb qui y composa « mon cœur s’est enflammé »  ou encore Mustapha Triki Zengli. Au point que dans son encyclopédie du malûn, Mohamed El Fassi nous dit que les meilleures qasidas sont celle qui ont été composées à Oujda. Il ne pouvait pas y avoir de fêtes à Oujda sans cette fusion entre le gharnati et le malhûn. Ce métissage poético – musical qu’on appelle haouzi en Algérie, mêle aussi bien les chantres du malhûn d’Algérie que ceux du Maroc :

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On chantait ainsi El Meknassiya de Sidi Qaddour El Alami, l’hôte de Dieu de Cheikh Jilali Mtired de Marrakech, Beautés de Fès, de Mohamed Ben Slimane (qu’interprète Cheikh el Hajj M’hamed el’Anka), le faucon et le corbeau d’Ahmed el-Ghrabli, Zhirou de Lili el-Abbassi et même la chandelle de Mohamed Ben Sghir d’Essaouira ! Ville-frontière, Oujda connaissait une telle effervescence poético - musicale, car en plus qu’elle se situe entre Fès et Tlemcen, elle était sur le chemin du pèlerinage saturé par la littérature de voyage : adab rahalat, aussi bien des occidentaux que des maghrébins. On peut citer Mustapha Ben Brahim, mufti de Sidi Bel Abbas, mort en 1854, qui était venu à Oujda où il a composé une longue qasida dénommée « el goumri » où il décrit en 1500 vers, sa « rihla » (récit de voyage) d’Oujda à Fès. A titre d’illustration également , on peut citer la « Qsida Ouajdiya » de Raymond Marciano qui vécut  à Oujda dans les années 1940-1950, où il évoque Bab Sidi Abdelwahab, souk laghzel, Qissariyat Ben Attar…C’est le Cheikh Saleh , né en 1911 et mort en 1973, qui était allé loin dans cette fusion entre le malhûn et le tarab gharnatidonnant naissance à ce qu’il est convenu d’appeler la « Qasida Ouajdiya », très demandé aux fêtes de mariage de l’ouest algérien : M’askar,, Oran, Saïda, 

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 Le cadre associatif du tarab gharnatià Oujda

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Actuellement, il existe 11 associations de tarab gharnati à Oujda. Fondée en 1921, l’association andaloussiya est l’association – mère d’où sont issues toutes les autres : arts islamiques,musique

  1. Association Andaloussiya
  2. Association  Ahbab Cheïkh Saleh 
  3. Association Mossoliya
  4. Association Ziryab
  5. Association Ismaïliya
  6. Association Nassim
  7. Association Nassim el Andalous
  8. Association des amateurs de tarab gharnati
  9. Association Jouq Salam
  10. Association la SICADA
  11. l’orchestre de la Wilaya d’Oujda

 

En arrivant à Oujda,le 29 mars 1907, parmi les premières choses que le Maréchal Lyautey avait entreprises , le règlement des associations qui permettait, entre autre, aux musiciens de se réunir administrativement sous un Dahir des libertés public. C’est en 1921 qu’a vu le jour à Oujda, l’association Andaloussiya, fondée par Mohamed Bensmaïn. Cet originaire de Tlemcen, décédé en 1947, exerçait à Oujda en tant qu’enseignant au lycée Omar C’est lui, le premier qui a eu l’idée de réunir les mélomanes Oujdis en association. Ce sont les membres de cette association qui ont représenté le Maroc en 1932, au Congrès de la musique Arabe au Caire, avec Mohamed Bensmaïn, Si Qaddour Benghabrite et Marzouqi qui était délégué de la douane à Oujda et qui est mort à la fin des années 1940. Et c’est encore l’association Andaloussiya qui allait représenter le Maroc à la foire coloniale de Paris en 1936, où l’orchestre du tarab gharnati comprenait 60 musiciens, dont un seul est encore vivant : Si Mohamed el Hachmi Sghir. L’association andaloussiya avait débuté un projet de musique andalouse avec nota qui est perdu malheureusement. Actuellement, c’est le professeur de tarab gharnati, Mr. Mohamed Chaâban , né à Oujda en 1948, qui préside aux destinées de cette association dont son père, le cheikh Saleh était membre fondateur comme il nous l’explique lui-même :arts islamiques,musique

 «Cheikh Saleh, mon père, était le disciple d’un très grand maître, le cheikh Larbi Ben Sari de Tlemcen, qui animait des fêtes de mariage à Oujda. Il allait jusqu’à Fès. Même mon grand père, Saïd Chaâban, jouait de la kamandja (violon) Il était né à Tunis. Au cours de la première guerre mondiale, il a traversé l’Algérie à l’âge de vingt ans et était venu s’établir à Oujda, où il a épousé une Tlemcenienne donnant naissance à mon père qui allait devenir mélomane grâce à Larbi Ben Sari. Celui-ci venait de Tlemcen pour animer des fêtes de mariage à Oujda. Il remarqua mon père en s’enquérant  de sa filiation il découvre qu’un lien de parenté les lie tous les deux. Le voyant mélomane, il lui conseilla de rejoindre l’orchestre de Bensmaïn,le fondateur d’Andaloussiya en 1921.Sachant déjà jouer d’un instrument, mon père s’initia a la sanaâ auprès de Bensmaïn, jusqu’à ce qu’il devint l’un des meilleurs de ses élèves ainsi que le cheikh Abdelkader que Dieu ait son âme. C’est mon père qui a pris par la suite la relève de Bensmaïn. Mon père était surtout connu pour sa belle voix. Le cheikh Saleh a cessé de présider l’Andaloussiya en 1969. Tous les enseignants de musique des autres associations ont été formés dans cette association – même .Malheureusement, ils ne sont pas allés jusqu’au bout de leur formation. A peine ont-ils commencé leur initiation que déjà, ils s’en vont former leur propre association ailleurs. En 1921,l’association Andaloussiya a été créée par Bensmaïn, lui succèda cheikh Abdelkader,puis le cheikh Saleh, mon père. A sa mort, lui succéda Zemmouri, que Dieu ait son âme, puis j’ai succédé à ce dernier depuis 1976 à nos jours. »

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 El Fakir Ahmed qui a adhéré à l’association Andaloussiya en 1975 a crée l’association Ziryab en 1985 avec dix autres membre tous issus de l’association – mère. Ils sont maintenant dix membres en plus des juniors. Cette association a depuis participé aux 19 éditions du festival du tarab gharnati, qu’organise annuellement à Oujda le ministère de la culture, d’abord à Saïdiya et maintenant à Oujda. Le juré du festival se composait de Mr.Ahmed Aydoun, le délégué de la culture à Meknès, El Haj Birou et Mr.Agoumi. L’association était également invitée aux soirées du Ramadan organisées à Oran et Tlemcen. En 1999, l’association a participé à la onzième édition du festival de Babel en Irak et au Temps du Maroc en France, par une tournée intitulée « chant de traverse »  où participaient également des musiciens juifs, dont la Française d’origine algérienne Françoise Atlan.

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En 2005 l’orchestre « chant de traverse » que finance Serge Berdugo, anime une soirée à Madrid et anime une soirée musicale sur la deuxième chaîne marocaine avec comme vedette feu Sami el Maghribi. L’association fut également invitée, en 2009 à Essaouira au festival des Andalousies atlantiques. L’orchestre de tarab gharnati d’Oujda a ainsi accompagné Raymonne el Bidaouiya (la Casablancaise) et Haïm Louk venus pour cette circonstance de Loos Angeles. Il faut signaler que Mr. Fakir Ahmed qui chante à merveille en arabe , chante également sans problème en hébreux. Pour sa part, l’association Moussiliya a été invitée par l’Institut du Monde Arabe au mois de janvier 2010 et ira au mois de janvier 2011 à Nancy. Ainsi donc, quand une association de tarab gharnati est invitée à l’étranger, elle ne représente pas seulement Oujda mais tout le Maroc. Elle rentre dans le cadre de ce qu’on a convenu d’appeler « la diplomatie culturelle ».

Le samaâ dans l’Oriental : la tariqa Boutchichia

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  À la frontière algéro – marocaine, où la plaine de Triffa s’étend au pied  du massif des Bni Iznassen, se situe la zaouia –mère de la tariqa Boutchichia actuellement le principal épicentre du samaâ au Maroc au vu du nombre considérable des adeptes qui  s’y adonnent.  Issu des Béni Iznassen, Sidi Mokhtar Boutchich, premier maître spirituel de la tariqa(voie soufie) vint s’y établir, à partir de 1907,   plus précisément au village de Madagh qui va devenir le fief de la Tariqa avec le Cheykh Abou Mediane,  mort à Madagh en 1955. Lui succédera alors jusqu’au début des années soixante dix, le Chaykh Sid El Abbas, le père de Sidi Hamza, le Chaykh actuel de la Tariqa.

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Cette Voie se nomme «  Qadiriya » par référence à Moulay Abdelkader Al Jilani, maître soufi qui vécu à Baghdad au 12ème siècle. A chaque fête du Mouloud, des milliers d’adeptes venus de toutes les régions du Maroc, mais aussi de Thaïlande, d’Europe, d’Amérique et d’Afrique , se retrouvent à Madagh, pour commémorer en présence  de Sidi Hamza, leur maître spirituel vivant, la naissance du Prophète. Deux nuits soufies ont lieu simultanément : d’un côté celle des femmes, de l’autre celle des hommes, en présence de leur guide spirituel. Au cours de ces nuits soufies ont lieu des séances de samaâ animées surtout par le « groupe de Casablanca ». Ces «  concert spirituel » ou « oratorio »(samâ’)  ont pour but de développer la partie « affections » de la méditation collective.Abdelkader Mana

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06:28 Écrit par elhajthami dans Arts, Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arts islamiques, musique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook