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07/12/2011

Mohamed Tabal en peintre de la vie rurale

arts

Mohamed Tabal, le peintre-jardinier

Par Abdelkader Mana

Mohamed Tabal dont les oeuvres sont exposées ce dimanche 4 décembre 2011 à Casablanca refuse de s'y rendre : en cette période de gaulage des olives il prèfère rester dans son village de Hanchane  pour s'occuper de la cueillette et de la trituration dans les antiques pressoires du pays Chiadma. En participant ainsi à la vie rurale, il en devient un observateur privillégié pour s'en inspirer et la peindre. Son atelier d'artiste se situe en effet au coeur de son village natal entouré de son jardin, de sa basse coure, de son souk et des carioles qui le sillonnent. Il y trouve surtout la paix, le silence et la lumière. Entouré de ses oeuvres en cours d'élaboration, il me montre accrochée au mur une sérigraphie délavée d'une oeuvre de Chaïbia que lui avait offert jadis un amateur d'art : "Depuis que cette artiste avait quitté son village natal au pays Doukkala pour s'établir dans la grande métropole de Casablanca, me fait-il observé, la vie s'est retirée de ses oeuvres moins colorées.." Il ne fera jamais cette erreure: il ne quittera pour rien au monde, cette vie rurale si simple et si poètique qui est maintenant la sienne : son poste télé est constament allumé sur une chaîne du Yemen qui diffuse en continu de la musique bédouine comme si rien ne se passait dans ce pays et une chaîne du Tchad où on montre surtout des pasteurs avec leurs boeufs, leurs calebasses de lait et leur danse africaine...De la sorte notre artite peut se consacrer tranquillement à son oeuvre sans être distrait par le flux continu des informations et la fureur du monde....

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Mohamed Tabal

TABAL refuse d'être cet homme unidimentionnel, cet artiste prisonnier de l'image qu'on lui accole d'être seulement le "peintre des Gnaoua": certes ces derniers l'inspirent mais ils ne sont plus sa seule source d'inspiration.Il est maintenant un peintre multidimentionnel aux références culturelles multiples : africaines, berbères, arabes puisqu'il pratique la calligraphie à sa manière et s'inspire du zajal cette poésie populaire issue de la geste hilalienne, ces arabes nomades qui envahirent le Maghreb au Xème siècle telle une nuée de sauterelles... Il n'est pas non plus un peintre unidimentionnel au niveau de la technique puisqu'il pratique la peinture sur toile de jutte, le collage sur bois, la sculpture sur différents matériaux qu'il découvre au grè de ses promenades solitaires dans la nature. Les oeuvres qu'il commence à peindre à l'aube, il les a souvent esquissé la veille juste avant de dormir, car la nuit porte conseil et à l'esquisse d'hier s'ajoute souvent ce que le subconscient avait recueilli à l'insu du rêve...

Sanctuaire

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Le zéro et l'infini de Mohamed Tabal

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De cette œuvre complexe et énigmatique qui semble grouiller de djinns avec le sanctuaire au centre, voici ce que nous en dit Tabal : « Coupole au centre : une tortue sous une forme humaine. Couleur blanche et verte. La main droite est humaine et la main gauche est une tête de bouc. Le pied droit est une tête de chien  alors que le pied gauche est humain. Au milieu un lièvre des forêts et un oiseau de l’espèce rapace.Il s’agit des oiseaux migrateurs africains. Au début ‘ai voulu appelé ce tableau le zéro et il est devenu infini. Quand on retourne le tableau, on voit des huttes africaines : c’est un tableau à quatre dimensions : on peut le lire des quatre points cardinaux. Avec les huttes, il y a les palmiers et les chameaux. Il y a aussi la chevalerie, la course des chevaux. Là, c’est une théière renversée et là c’est la calèche d’Essaouira, le fameux « koutchi » se dirigeant du côté de Jérifates(les petits rochers du bord de mer). Bab Doukkala, je l’ai peint en rouge alors que les gens sont en train de déambuler dans les rues du côté du boulevard de la « Massira »(la marche verte). Le maçon conduit sa brouette et les tentes du moussem des Regraga. Avec au premier plan la théière qui symbolise les fêtes et les réjouissances.  Ce qui reste comme espace vide dans la toile je le rempli de fleurs »

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La tisseuse qu'il vient de finir, représente sa mère qu'il a perdu il y a quelques années : "Tu te rappelle, me dit-il, le jour où tu nous a rendu visite il y a longtemps de cela, plus exactement en 1989 et où ma mère t'avait offert à ton départ une poule avec ses oeufs?C'est elle que j'ai représenté dans ce tableau où domine le mauve, symbole d'amour, une couleur que j'aime beaucoup..." Il a mis sa mère pour ainsi dire sous la protection du marabout du lieu : les oeuvres de Tabal sont aussi celle d'un conteur qui raconte une histoire.Autour du thème central, ici la tisseuse, se développent pour ainsi dire les thèmes qui ont marqués sa vie: sa visite au marabout, ses animaux domestiques. Et quand on demande à Tabal pourquoi il place toutes les scènes de la vie rurale au même niveau sans perspective, il répond : "C'est pour les rapprocher tous du regard du spectateur..."

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L'autobiographie de la tisseuse se déploie autour d'elle, mais elle est aussi incorporéé à son propre corps : sur son bras gauche on voit son mari allant au souk avec son coufin pour y faire son marché, à hauteur de sa quenouille se trouve sa vache laitière, l'âne de la maison est incorporé à son bras droit, des poissons colorés entourent sa poitrine généreuse et partout des fleurs des champs constellent la toile pour ne laisser aucun espace vide...Les notions de proportions et de perspective sont battus en brêche.

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Chaque détail est une oeuvre en soi, de sorte que chaque tableau en comporte plusieurs : le thème principal est certes"la tisseuse", mais pour relater "sa vie", il fallait peindre plusieurs scènes de sa vie quotidienne.On voit ainsi la tisseuse en train de traire sa vache laitière et juste à côté la même tisseuse en train de prendre son repas en campagnie de son mari qui vient de rentrer du souk comme on le voit en haut à gauche du tableau juste à côté du marabout : les différente scènes de la vie quotidienne que l'artiste dépeint ici et là sont interdépendantes les unes par rapport aux autres comme dans une bande déssinée qui raconte une histoire.......

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L'âne est ainsi dépeint trois fois : se reposant sur le bras de la maîtresse de maison, transportant son maître au retour du souk en passant devant le marabout, et broutant de l'herbe en haut à droite de l'oeuvre.On voit ainsi l'âne évoluer dans sa vie quotidienne d'âne parallèlement à celle de la tisseuse..

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En peintre - jardinier, il fleurit son tableau comme il fleurit son jardin.Il le traite aussi comme une tapisserie : la tisseuse en médaillon central et les scènes de la vie rural en éléments décoratifs. Les poissons et autres reptiles qui composent la poitrine de la tisseuse sont décorés par les motifs en zigzag de la tapisserie qui symbolisent l'eau dans l'imaginaire rural. Mais aucun objet n'est coloré tel qu'il existe dans la nature mais tel que l'aurait peint un enfant de l'école primaire qui imagine des oranges bleues ou des serpents verts..

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Mohamed Tabal

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La tunique rapiécée : voeux de pauvreté comme parure et comme beauté

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Ce qui est décrit est plutôt un univers mental, relevant de ce qu'on peut appeler un état modifié de conscience semblable à celui obtenu après la consommation d'adjuvants rituel ou de drogues hallucinogènes comme chez les indiens Yaki : du pachiderme surgit un corps humain et un signe de victoire...Cette prolifiration de sens, Tabal nous l'illustre magistralement avec son porteur d'eau.

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 En haut à gauche du chapeau de paille, on voit la femme berbère du porteur d'eau en train de moudre les pépites pour préparer l'huile d'argan...De l'autre côté de l'oiseau et du chapeau, on voit maintenant que la femme du porteur d'eau a réussi après trituration à produire trois littres d'huile d'argan que son mari peut vendre au souk pour compléter son maigre gain: "J'espère, me dit Tabal, que ce porteur d'eau réussira à étancher la soif d'art chez tous les visiteurs de l'exposition de Casablanca!".Alors que la femme du porteur  est occupée au moulin, ses poules picorent tout autour d'elle créant une animation qui la distrait et lui permet ainsi de voire passer le temps plus rapidement et sans trop d'ennui...

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Sur le bras droit repose l'âne qui transporte le porteur d'eau au souk : c'est l'arroseur, arrosé en quelques sortes!

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L'outre du porteur d'eau est richement décorée de vieilles pièces de monnaie, de main protectrice contre le movais oeil, de coeurs de différentes couleurs etc.Comme chez les Regraga où existe un saint patron de "la rivière verte", l'eau que verse le porteur d'eau est de couleur verte parce qu'il contient de la baraka, c'est à dire plus que sa réalité déjà connue.Il est à remarquer que là aussi la notion de "proportion" est battue en brèche puisque la tasse est plus grande que la femme du porteur d'eau avec son brasero et son pot de fleurs réunis...

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Juste en dessous de l'outre et de la besace du porteur d'eau, on voit sa femme en train de préparer le pain entourée de ses ustenciles :elle est peinte sur le pied gauche de son mari, laquelle est posée juste à côté d'un énorme poivron...

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 Au pieds du père la mère, mais depuis que celle - ci n'est plus là, elle s'est mise à squater les moindres interstices de la conscience et de l'imagination...

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Dans "le porteur d'eau" où les tonalité écarlates dominent, Tabal a choisi d'agrémenter de couelicot son tableau, en fin observateur du printemps : lorsqu'il se repose au milieu des champs il ne voit pas le champs claircemé de coquelicots d'une manière général, mais son cerveau "photographie" en quelque sorte, chaque coquelicot en particulier et en fait un motif quasi mystique de la renaissance du printemps...

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Le poème du coquelicot de Moubarak Errajiarts

Pour apaiser ses gémissements

Elle peignait la chevelure du vent

Le coquelicot n’est que brise

Si son parfum n’était si fort

L’abeille amoureuse l’aurait dédaigné

Ô mon fils, lui a-t-elle dit

Quand on a annoncé au coquelicot

Qu’on doit lui couper la tête

Le coquelicot enlaça et embrassa son propre sang

Au coquelicot les rites funéraires furent des noces

Ô mon fils lui a-t-elle dit

La mer, sa magie et sa grâce

On a cru pouvoir l’enfermer dans un cercueil

Mais sa veine déborda d’une blessure salée

Et brisa le cercueil

La mer, ne la fait pas monter par une canne

Ne la fait pas monter au bord d’un hameçon

Laisse la mer à la mer

Laisse la mer à sa guisearts

 L’abeille amoureuse

Comme les paysans au milieu desquels il vit, l'artiste associe l'abeille au nectare, aux fleurs et aux fruits de la terre : sans abeilles il n'y aura pas de fruits et sans nectare, le miel n'aura pas sa vertu curative. Pour l'artiste l'abeille est d'abord une réalité symbolique, comme métaphore de la vie et du printemps. C'est aussi une réalité coranique : il calligraphie en même temps le mot "AL-Nahla" qui la désigne dans la sourate du même nom:

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Ton Rabb a révélé aux abeilles:

« Prenez demeure dans les montagnes,

les arbres ou les ruches. »

  Elles consomment de tous les fruits

et suivent le sentier de ton Rabb, docilement.

Il sort de leur abdomen

une boisson de couleur changeante,

un remède pour les humains.

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Les autres versets de l'abeille sont également une source d'inspiration pour Tabal parce qu'ils évoquent la vie rurale:

 Il crée les ciels et la terre en vérité,

sublime au-dessus de ce qu’ils lui associent.

Il crée l’humain de sperme,

mais c’est un querelleur invétéré.

 Pour vous, il crée les troupeaux

avec, par eux, vêture, services et nourritures.

 Pour vous, que de beauté en eux,

quand ils reviennent au bercail

ou vont pâturer !

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La possession comme dissociation du multiple en l'un

  Ils transportent vos fardeaux dans les pays

que vous ne pourriez atteindre sans souffrance:

Le cheval, le mulet, l’âne

sont pour que vous les montiez ou pour la parade.

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Le papillon de Mohamed Tabal

 Il fait descendre l’eau du ciel

en boisson pour vous:

les arbres où ils pâturent croissent avec.

 Il produit pour vous les céréales,

l’olivier, le palmier, la vigne et tous les fruits.

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Il soumet pour vous la nuit et le jour,

le soleil, la lune, les étoiles soumis à son ordre.

 Il a disséminé pour vous, sur terre,

les couleurs changeantes.

Il soumet la mer,

pour que vous vous nourrissiez de chair fraîche

et que vous y trouviez les joyaux de vos parures.

Tu vois la felouque y voguer,

à la recherche de bienfaits.

 Du fruit des palmiers et des raisins

vous tirez du vin et une subsistance excellente,

C’est en cela un Signe, pour un peuple qui discerne.

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Mohamed Tabal

 Les troupeaux ont pour vous un enseignement:

nous vous abreuvons de ce qui, dans leur ventre,

entre chyle et sang, est du lait pur,

exquis pour les buveurs.

L'une des toutes dernières oeuvres de Tabal est celle consacrée au point d'eau dénommé "laghdir", au centre de la vie sociale du monde rural aussi bien chez les nomades que chez les sédentaires que ce soit en Afrique du Nord ou en Afrique noire.C'est à la fois un abreuvoire pour les animeaux et un lieu de rencontre pour les humains, y compris les rencontres amoureuses : c'est là souvent que le jeune soupirant qui vient puiser de l'eau pour son hameau, découvre pour la première fois sa future épouse en train de laver le linge sur des dalles en granite, chantonnant sous la lumière matinale,d'une voix à la fois douce et voilée , un de ces airs nostalgique du terroire: aux cliquetis de ses bracelets s'entrechoquant à chaque mouvement son coeur novice s'ouvre brusquement comme une fleur du printemps aux toutes premières confidences d'amour.Une douce musique s'élève alors comme un coup de tonnerre dans un ciel serein où voltige désormais le bonheur des jeunes tourtoureaux...

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Mohamed Tabal

Rien ne symbolise mieux cette quête d'amour que le "haddaoui", ce mendiant céleste allant avec son herrazmystique d'un parvis sacré l'autre.

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Mohamed Tabal

 Lors des fêtes patronales qu'on appelle moussem, on le voit déambuler entre les pèlerins préparant leur repas et vaquant à leurs occupations au milieu de leurs tentes et de leurs animaux. Sa quête aumônière où il reçoit ziara et offrandes en contre partie de la baraka de Sidi Haddi dont il est porteur.Elle est représenté par cette bougie allumée qui symbolise à la fois la lumière du saint et in fine "la lumière prophètique" qui irradie sur tout saint homme en terre d'Islam, mais aussi la flamme d'amour qui brule dans le coeur des hommes...

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Mohamed Tabal

La femme - théière

"Femme - aigle", "Femme-Théière", "Homme - oiseau", ces oeuvres de Tabal qui se prêtent à une double lecture prêtent aux humains les mêmes qualités que les animeaux et les choses auxquels ils sont associés : la femme appartient au mobilier de la maison au même titre que la théière, elle est associée à l'aigle qui symbolise son amant et le guerrier agile a les même qualité de force et de courage que le tigre et la même agilité à s'envoler dans les airs que l'oiseau auquel on l'associer. On retrouve cette démarche dans les arts premiers de nombreuses peuplades d'Amérique pratiquant le totemisme ou en Afrique chez celles pratiquant l'animisme.

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L’artiste ne vise pas à reprendre un seul sens, le « sens unique », il brouille les cartes pour multiplier les sens possibles. L’art est proche de ces pratiques mystiques où l’on pensait que la perfection nominale consiste à conjurer les esprits des sphères et des astres. Plus une forme est belle, plus elle a de chance de faire sortir l’artiste de son île où souffle un vent de crabes, pour le livrer à l’univers éblouissant des idées.

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 L'homme - oiseau

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A propos de "L’homme – oiseau", Tabal nous déclare : « C’est un tableau qui se lit recto – verso et qui a de ce fait un double sens.  Il s’agit du poulet , volaille domestique élevée par l’homme au même titre que les brebis, les chameaux. Les yeux de l’homme sont un oiseau et un chat. Sa tête est un poisson. En bas un cheval avec un couffin plein d’avoine. L’espace vide laissé par l’oiseau et l’homme je le rempli d’une décoration florale. Le bec de l’oiseau est un four à pain décoré d’un palmier, d’un oisillon de caprins et de brouette. C’est un tableau à deux faces : pile, c’est l’aigle, face, c’est la tortue. »

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Mohamed Tabal

Sur le visage de la mariée on voit des hommes préparant le carosse du mariage, le cavalier charmant arrivant à la fête où l'attent une fastueuse hospitalité symbolisée par la théière où même les oiseaux et les poissons sont heureux de participer au réjoissances tout en faisant de leur couleurs une magnifique parure pour la mariée...On voit en bas la maison de la future mariée avec son fiancé à son seuil : elle est surmontée de la dotte et d'une amphore symbole d'une vie conjugale à la fois féconde et prospère. Une future marié particulièrement fertile, une FUTURE fermière accomplie...La terre - mère, une Mère - nature: des volailles dans la tête, des poissons circulant dans le sang, une mémoire tatouée...Un art ihtifaliste fondé sur l'esprit de la fête...Quel est l'objet de toute quête d'amour? La fiancée de l'eau! Celle dont on promène l'effigie au milieu des champs assoifés pour faire pleuvoire le ciel desespéremment serein en y faisant advenir magiquement par des prières rogatoires des nuages gorgés d'éclaires de tonnerre et d'eau...

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Mohamed Tabal

 Totemisme

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Par Abdelkader Mana

03:23 Écrit par elhajthami dans Arts | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : arts | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Je vous vante pour votre éditorial. c'est un vrai charge d'écriture. Développez .

Écrit par : MichelB | 13/08/2014

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