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15/02/2012

D'or et de sang

poèsie

Moubarak Erraji et Abdelkader Mana, Essaouira, le mardi 14 février 2012

Chaînes (salasil)

Quelle expédition sanglante

A traversé la chaînette d’or,

Pour parvenir jusqu’à ton cou, ô ma belle ? !

Ce collier d’or a pour ombre

Des squelettes enchaînés quelque part

 

poèsie

Ton cou est une feuille épanouie du livre de la nature

Ton cou est plus précieux pour être un simple accoudoir

Pour les accessoires de la mort

Dans un cimetière inconnu

poèsie

Débarrasses-toi  de cette fourrure d’ours également

Ne vois-tu pas son sang dégouliner sur tes chaussures ?

Quelle faute a commit ce pauvre écureuil

Pour devenir une simple écharpe sur tes épaules ?

Imagines-le en ce moment-même

Faisant sa cour à sa bien aimée

Au sommet des montagnes ?poèsie

 

Ton manteau de cuire, ton sac , tes chaussures,tes gans

Combien j’appréhende de te dénuder complètement

Même si cela est une exigence esthétique de la beauté,

D’une peinture, d’une sculpture, d’un poème.

Du frémissement d’une vie libre

 

O ma belle, je ne veux pas du sang laissé par tes pas

Mais seulement de celui qui émane d’un cœur amoureux

Epris de toi jusqu’aux limites de la folie….

 Poème de Moubarak Erraji, traduit de l'arabe par Abdelkader Manapoèsie

14:06 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poèsie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Le peintre et le poète

arts,poèsie

Peintures de Hamza Fakir et poème de Moubarak Erraji

Plus qu’un pinceau (aktar min fourchât)

Premier pinceau

Il tombe de la main de l’artiste

Et refuse la théorie classique de l’art

arts,poèsie

Deuxième pinceau

Brûle son blaireau, aime la couleur du feu

Et n’obéit à son artiste, que lorsqu’il s’assoit au cratère du volcan

Dont l’imaginaire, tel un panache, s’élève très haut

Et qui n’allume sa pipe qu’aux allumettes

Prises aux étagères du soleil…

arts,poèsie

Troisième pinceau

Douteux, il ne cesse d’évoquer

Les dix preuves de celui qui doute de tout

Il est à la recherche du magma primordial

Et non de son simple reflet

arts,poèsie

Quatrième pinceau

Aime peindre les femmes nues

Et se fond dans la toile

Comme la brûlure d’amour dans le corps

arts,poèsie

 Cinquième pinceau

C’est celui déposé au fond d’un verre d’eau

Se lavant des futures peintures

Qui ne sont pas encore posé sur la toile

arts,poèsie

Sixième pinceau

C’est la main de l’artiste sans pinceau

arts,poèsie

 

Septième pinceau

C’est l’âme de l’artiste sans pinceau

arts,poèsie

 Alors que l’artiste s’endort,

Le pinceau recueille ses rêves  

Sur le point de tomber sur une rose

Du haut de sa fenêtre

Il recueille ses rêves

Qui virevoltent dans l’atmosphère de sa chambre

Pour les raconter le lendemain

Aux frissons de sa main…

Moubarak Errajiarts,poèsie

13:34 Écrit par elhajthami dans Arts, Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : arts, poèsie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

12/02/2012

J’ai choisi l’errance

poèsie, haha,haut-atlas

Raja Mohamed aux premiers escarpements du Haut - Atlas Occidental

Comme on disait jadis « Pline l’ancien », elle s’appelle Tihihite taqdimt(l’ancienne) . Elle réside en ce haut lieu du pays Haha qu’est Aït Daoud. Raja Mohamed, en parfait berbérophone  m’a aidé à traduire son poème sur l’errance où elle répond à l’injonction de ce clerc qui lui interdit la musique et le chant, comme au temps des Almohades ! Elle  y exprime sa révolte contre des traditions pesantes qui acculent la femme rurale aux travaux  pénibles des champs et à la seule fonction de reproduction. Elle s’insurge contre l’asservissement dépourvu de tendresse et surtout contre l’humiliation faite à la femme de vivre sous le même toit que les autres  co-épouse d’un mari polygame:

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 J’implore les miens de ne pas trop m’en vouloir

Les affres d’amour ont brisé mes os

J’implore l’indulgence des miens

Pour qu’ils ne pensent pas à mal ce que j’ai à vous dire..

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  Il y a maintenant des fous de Dieu qui vous disent :

« Il ne t’est pas permis de diffuser tes chants parmi les hommes ! »

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 J’ai choisi l’errance et la liberté

Puisque je n’ai pas trouvé le mari

Qui me couvrirait du voile de sa tendresse et de son foyer

Pour y trouver enfin repos et réconfort

Peu m’importe si je serai amener à y moudre les enclos d’épines !

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 Quand je m’endors, mon cœur s’embrase

Et quand je me réveille, je deviens folle

J’allume alors la lampe à l’huile

Et je me remets à pleurer en me disant :

« Il ne te convient pas de pleurer,

Mais si tu restes là où tu es, tu en deviendrais malade ! »

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Dieu m’est témoins, que mes intentions sont pures en revenant au pays !

Je laboure, je moissonne, je colmate les brèches sur les terrasses

Je participe au ramassage du bois, au rinçage du linge au bord de l’oued

Je sue de tous mes pores, sans jamais me plaindre de mes peines.

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 Si un jour je me marie pour devenir une mère porteuse

Je serais incapable de supporter les contrariétés des co-épouses

Il m’est préférable d’errer avec joie, sur cette terre

 Loin des soucis qui oppressent...

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 J’ai maintenant autre chose à faire

Rien ne peut plus me retenir :

Ni temps, ni argent, ni maison, ni terre

J’ai choisi l'errance et la liberté, puisque tôt ou tard la terre finira par nous avaler

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Sur la route d'Aït Daoud, le célèbre souk du miel de thym et de romarin

Raja a proposé de me conduire tôt ce vendredi 10 février 2012 au souk hebdomadaire d’Aït Daoud, pour tenter de rencontrer quelqu'un qui puisse nous introduire auprès de  Tihihite taqdimt. Mais une fois sur place on nous a appris qu’elle vit actuellement à Aït Melloul dans la banlieue d’Agadir : comme la plupart des chansonniers du pays Haha elle est ainsi attiré par Agadir qui constitue depuis de nombreuses années déjà, le cerveau musical du pays berbère..

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Aux abords d'Aït Daoud des barbelés interdisent désormais le pacage dans l'arganeraie destinée à l'industrie cosmétique en lien avec l'huile d'argan commercialisée ces dernières années à l'international...

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De nombreuses vallées demeurent inaccessibles : pour se rendre au souk, les habitants laissent leurs bêtes de somme au bord de la route  la plus proche pour prendre ensuite le taxi à l'aller comme au retour: Raja me fait remarquer qu'on aurait pu accorder la priorité à ces routes rurales qui désenclavent le pays profond, au lieu d'investir des sommes colossales pour le future TGV. Il y a  en effet, des endroits au Maroc où les gens continuent de vivre encore dans   "les cent ans de solitude" de.Garcia Marquez ...Et on ne doit la survie des ânes et autres mulets de ces parages qu'à ce retard dans le programme des routes qui devaient normalement désenclaver ce monde rural, même si le peu de routes qui existent déjà demeurent désertent et on y circule encore quasiment tout seul comme ce fut le cas en Angleterre du temps de Dickens à la fin du XIXème siècle....

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Dans cette économie montagnarde, peu monaitarisée et qui confine au troc, tout doit être soigneusement pesé: la moindre marchandise a ici une valeur d'usage et donc une valeur d'échange...

 

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Pour faire leur marché ces montagnards viennent vendre leurs poulets de ferme et leurs oeufs beldi à un dirham trente la pièce...

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Comme la plupart des montagnards nous avons acheté deux paires d'oeufs que nous avons fait faire frire à l'huile d'argane chez le cafetier rustique du coin: rien de tel pour réchauffer le corps en ces temps de frimas qu'une bonne et chaude galette de seigle trompée dans cette omelette accompagnée d'un bon thé à l'absinthe (chiba)...

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Que vend-on encore pour faire son marché? Des pépins d'argan, des amandes récoltées l'été dernier, des olives...

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Pour acquérir de la monnaie nécessaire à tout échange, le paysan vient vendre au marchand de menues quantités d'olives, de menues quantités d'amandes, de menues quantités de pépins d'argane...

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 Dans cette économie parcimonieuse d'autosubsistance montagnarde, il existe pourtant quelques "grossistes" qui se distinguent par leurs entrepots de marchandises...

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Ici s'échangent le sel et les céréales de la plaine d'avec les dattes du désert et les noix de la haute montagne..

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Les montagnards viennent surtout ici pour s'approvisionner en fruits et légumes

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Le navet est particulièrement prisé en cette période de grand froid du fait qu'il a la réputation d'être "un aliment chaud" dans toute la montagne berbère...

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Les fruits et légumes viennent tout particulièrement de la plaine de Sous et des Houara

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Les légumes de Sous

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Les agrumes des Houara

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Artisanat rural, bric à brac et pacotille

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De quoi se compose le panier du ménager rural? Car il n'y a pas de ménagère à vrai dire: la femme vient rarement faire le marché à ce souk des hommes.Il existe pourtant un souk des femmes dans le Sous.Mais dans les deux cas la mixité est bannie dans ces sociétés berbères puritaines et conservatrices...

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Dans cette société pré-capitaliste où les structures tribales restent prégnantes: on prend le temps de vivre, de discuter de tout et de rien, car le temps n'est pas encore cette denrée rare, cet l'étalon à travers lequel on évalue toute marchandise...

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Le temps de flâner sans raison apparente...

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  Le temps de peser le pour et le contre avant d'effectuer le moindre achat...

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Le temps d'acheter de l'encens pour apaiser les esprits qui hantent les seuils et les foyers.

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Ustenciles pour puiser de l'eau, rincer le linge..

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Ferronnerie et poterie

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Tagines et braseros

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Clés, haches et soufflets

 

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Charges d'âne ou chouari, tressé en palmes de palmiers-nain ou en plastique

 

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Le palmier nain(doum) pousse avec abondance sur ces montagnes et favorise ainsi la vannerie

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Recyclage de fourre tout à vendre...

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Rien ne se perd: on réutilise les boutons d'un costume détruit, les braguettes d'un pantalon déchiré, et on se sert des vieux pneux pour confectionner des sandales(boumentel) capable de résister aux pentes les plus abruptes et aux terrains les plus accidentés...

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Gros plan sur Boumentel , les sandalles les plus prisées par les montagnards...

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Marchand de portables périmés

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L'âne, l'inséparable campagnon..

Reportage photographique d'Abdelkader Mana

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11:58 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poèsie, haha, haut-atlas | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

09/02/2012

Nabili dont j'ai perdu les traces n'est plus!

arts

Le destin a voulu  que Mohamed Nabili tel les sept crucifiés de l'espoir effectue en cette fête de la nativité du Prophète sa secrète hégire vers Dieu...Qu'il repose en paix...L'artiste que j'ai connu étudiant à Aix en Provence à la fin des années 1970, et que j'avais croisé à nouveau à Mohammadia après son retour au Maroc au début des années 1990, s'est éteind hier pour être  inhumé par la communauté des artistes marocains, ce lundi 6 février 2012 à Benslimane où il s'était retiré pour travailler et où il était né orphelin le 4 août 1952.Discret et taciturne, je le croisais souvent en descendant du cinquième étage de l'Université d'Aix - Marseille I où j'étudiais l'éthnologie, alors qu'il étudiais le cinéma et la littérature au premier étage.Mais c'est à l'école des Arts et Métiers d'Aix en Provence que je l'ai connu en tant qu'artiste : il travaillait déjà sur les signe tifinagh gravés sur le sable avec les couleurs indigo et ocre du désert....Comme la plupart des étudiants marocains expatriés en France, nous avions en commun cette quête insatiable de notre terre et de notre soleil d'origine : je poursuivais les traces de nos caravanes aux archives d'Outre Mer et au Centre de Recherche et d'Etudes des Sociétés Méditérranéennes (CRESM), tandis que Nabili poursuivait cette même quête des origines, cette même nostalgie sur les traces de sable ..Pour l'orphelin - né qu'il était, cette quête devait revêtir une aquité existentielle autrement plus douleureuse puisqu'il ne lui restait de la figure maternelle et chaleureuse perdue que la langue Berbère dont les signes et les symboles sont disséminés sur les gravures rupestre de l'Atlas saharien où servant de marquage au fer ardent sur le pelage des chameaux pour en distinguer l' origine......

arts

 Le Tifinagh en pillier de la tente des transhumants Berbères : l'univers circulaire du calendrier Amazigh

arts

Les notions de "seuil" et de "porte de l'année" chez les Berbères

arts

Certaines oeuvres de Mohamed Nabili rappel étrangement le regard neuf et plein de tendresse que jette l'enfance sur notre monde troublé par la fureur et la folie des hommes...Au début des années 1990, je vivais avec ma femme et mon enfant à Mohammadia et je faisais la navette soit vers Rabat où je rejoignais l'équipe de la revue "Rivages", soit vers Casablanca où je faisais des reportages pour "Télé Plus". Et je me rendais souvent pour mes poses café à "Miramar", où en 1986, j'avais interviewé les historiens Jean Louis Miège,Germain Ayach, Haïm Zafrani et Michel Jobert dont j'ai appris la mort lui-aussi à Meknès au sortir d'une fête du Mouloud comme celle-ci, en 2002..En me rendant donc comme d'habitude à Miramar ,en 1994, un hiver comme celui-ci, une 4X4 bleu marine s'arrêta à ma hauteur et son conducteur m'invita à monter à bord.Je n'en croyais pas mes yeux: "Mais c'est Nabili!", m'écriais-je stupefié de voir un ancien étudiant comme moi exhibé ainsi un tel signe distinctif de richesse: Je me suis dit: "Décidemment, il vaut mieux sous HassanII être un artiste peintre qu'un simple littérateur: la peinture avec le cinéma, est l'un des rares domaines culturels ou l'artiste peut vivre avec aisance de son art, surtout quand celui-ci est bien coté sur le marché de l'art: être écrivain ne rapporte effectivement absolument rien dans un pays où les droits d'auteur n'existent pas...Un jour l'écrivain arabophone Driss Khouri m'a appris que la seule fois où il avait obtenu des droits d'auteur pour son livre "Ville de poussière et de sable", les dits droits ne lui avaient même pas permis de faire le plein d'essence pour sa déglinguée  mobilette...

arts

Mohamed Nabili en chantre de l'Amazighité

La timidité naturelle de Mohamed Nabili, cache au fond un écorché vif, constamment en marche vers les autres...Il a dédié son atelier à l'enfance orpheline et malheureuse comme celle qu'il a connu lui-même, pour que plus jamais, la misère et la rue n'empêche d'éclore le génie d'un possible Rimbaud; d'un possible Van Gogh ou d'un possible Mozart....Une fois à ses cotés Nabili me raconta alors qu'il avait beaucoup voyagé après son séjour d'études d' Aix  en Provence et qu'il revenait des Amériques où il a étudié entre autre ,l'art des tribus amérindiennes ainsi que les signes et les symboles des civilisations disparues des Maya, des Inca.et des Astèques..D'emblée cette ouverture sur les arts Amérindiens et Européens, avec Miro en particulier, en faisait un artiste averti qui n'avait pour ainsi dire rien à voir avec les artistes autodidactes au fondement de l'art naïf au Maroc...Pour être reconnu de ses paires, Nabili disposait d'une solide culture académique: certes il explorait sa propre enfance pour se ressourcer aux rêves qui l'habitaient, mais sa technique n'a que l'apparence de la naïveté , puisqu'elle a pour substratum une solide formation aux arts plastiques grâce à ses longs séjours d'études en France, mais aussi aux Amériques et aux pays scandinaves où il avait pérégriné avant son retour  aux bércailles où il vient de s'éteindre.

arts

La peinture de Mohamed Nabili s'apparentait à l'écriture musical et s'accomodait parfaitement avec la "mise en quarantaine" volantaire qu'il s'est assigné au milieu des chênes liège et de l'air vivifiant de Bensliman : un isolement qui sied à tout véritable créateur a la recherche de soi dans un ressourcement en ses propres profondeurs, pour mieux être à l'écoute des subtiles notes de lumière émises par les sept couleurs de l'arc en ciel....Quand j'ai appris ce matin la brusque et brutale disparition de Nabili, je ne puis cacher ma profonde émotion, de perdre ainsi un ami à la fois lointain et proche, que je n'ai pu approcher qu'au cours de brèves rencontres et à chaque fois à  intervalles espacés dans le temps.Mais à chaque rencontre il faisait montre d'une franche et heureuse sympathie comme si ma figure lui rappelait les temps des amours perdus de notre jeunesse à Aix en Provence...Mais comme il l'avait écrit lui-même quelque part, la vie, la mort demeurrent un mystère inexpliqué et inexpliquable, comme l'art qu'il nous a légué: des traces dont on n'explique pas toujours le sens, ni l'origine mais qui nous parlent de nos propre rêves enfantins, de nos propres racines et des archétypes de nos propres ancêtres.Nous devons, nous qui lui survivons en témoigner devant les hommes et devant Dieu.Qu'il repose en paix en cette fêtes de la nativité du Prophète où le destin a voulu  qu'il effectue sa secrète hégire vers Dieu...Abdelkader Manaarts




15:32 Écrit par elhajthami dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arts | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

08/02/2012

Les couleurs du Maroc

L’ŒIL ET LA MAIN

arts

  Fatna Gbouri: La femme tatouée,1987

   C’est au Maroc profond des plaines atlantique que Fatna Gbouri qui vient de s'éteindre à Safi, a vu le jour en 1924. Plus précisément dans la localité de Tnin el Gharbia  aux frontières des Abda et des  Doukkala. Paysanne elle  y a longtemps moissonné pour subvenir aux besoins de sa progéniture  avant d’aller travailler comme tisseuse à khouribga puis à Safi où elle allait côtoyer quotidiennement la colline des potiers mais aussi la place des conteurs à Sidi Boudhab, le marabout de l’or.

arts

Fatna Gbouri: Femme et tapis, 1986

      Aujourd’hui elle reconnaît trois sources d’inspiration à son travail ; le tissage, le tatouage et le dessin au henné :« Pour travailler le tapis, j’achetais les couleurs naturelles au colporteur : le jaune, le vert, le rouge, le bleu. Le médaillon central je le tissais en blanc. Dans mes tapis je reproduisais aussi des images familières : la théière, la bouilloire, le brasero ainsi  que des fleurs. Le dessin au henné, je le reproduis sur des peaux de mouton. Je m’inspire aussi des tatouages de Zayan, car nous avons vécu là-bas un certain temps lorsque j’étais toute petite. Mon père, tailleur de son état que j’étais à confectionner les caftons,  était quelque peu nomade, de sorte que nous avons vécu successivement chez les Doukkala, les Zayan, à  khouribga et enfin à Safi.»

     Une errance qui lui a permis de beaucoup apprendre sur les expressions visuelles traditionnelles de ces différentes régions. N’ayant plus la force de travailler au tissage, elle s’est mise à peindre des poteries qu’elle va vendre «  aux marchands de tableaux » comme elle dit si joliment, pour signifier que ces marchands n’étaient pas des connaisseurs et qu’ils dévalorisaient ses ouvres en la destinant aux simples touristes de passage à Safi.

Mais cette expression des signes et des symboles associés à des images anthropomorphiques et floraux,  fortement codifiée par des traditions millénaires, ne lui permet pas de se démarquer encore de la masse des tisseuses et des potières traditionnelles, en tant qu’artiste. Il a fallu attendre l’âge de soixante ans, pour qu’en 1984 son talent soit enfin révélé et reconnu en tant que tel. Une rencontre fut déterminante :« Cette année là, j’ai peins une tisseuse en train de carder la laine sur un plat de plâtre. Dés le premier coup d’oeil Boujamaoui reconnu immédiatement ce travail comme  étant une œuvre d’art à part entière et le présenta en tant que telle à une exposition collective organisée alors par une association culturelle de Safi. » 

arts

   Fatna Gbouri : Les deux moissonneuses, 1990

Dés lors, la paysanne anonyme de jadis sort de l’ombre et porte un nom célébré dans les expositions et les galeries. Une artiste est née. Dés lors, ce que le tissage traditionnel inhiba en elle , explosa dans un foisonnement d’images et de couleurs éclatantes, libérant son énergie créatrice. Dés lors, la peinture a « dénoué » en quelque sorte, sa créativité entravée jusque là par le tissage. Elle passa ainsi de l’artisanat à l’art. Et ce passage fut ressenti par elle comme une libération d’énergies contenues jusque là :« J’ai ressenti comme un soulagement, et une grande satisfaction à chaque fois que je termine un tableau. Je me suis mise à peindre de mémoire ce que j’ai vécu par le passé : une chikhate en train de chanter, le moussem de Moulay Abdellah Amghar d’El Jadida que j’avais visité il y a fort longtemps avec ses escouades de cavaliers, celui des Aïssaoua, ainsi que la femme de Sidi Rahal, que j’avais vu boire de l’eau bouillante en état de transe. »

 

arts

Fatna Gbouri: Dresseur de singes 1986

   Et ce sont toujours ses souvenirs d’enfance qui lui reviennent chaque fois qu’elle se met à peindre. Elle peint ainsi Taghounja, cette déesse de la pluie, qu’on habillait jadis comme une poupée, et qu’on promenait à travers champs, en période de sécheresse pour  implorer la pluie :

 Taghounja, Taghounja comme l’espérance !

Ô mon Dieu donne nous de la pluie !

L’épi est altérée, donnez lui à boire ô maître !

Les récoltes sont altérées, arrosez, ô vous qui les avez créées !

 Elle se souvient encore de ce qu’on chantait dans son lointain village de Tnine el Gharbia en période de sécheresse :

Ô mère de l’espérance !

Demande à ton maître de nous accorder de la pluie !

   C’est en souvenir de ces antiques rites rogatoires qu’elle a peint Taghounja, cette grande cuiller en bois de noyer qui sert à puiser de l’eau et qu’on habillait en poupée, avec « la vache noire », qu’on promenait également pour implorer la pluie, en chantant :

 La vache a demandé la pluie

Demande à ton maître de nous accorder la pluie

Ô vache ! Pisse ! Pisse !

Accorde nous des épis....

arts

Fatna Gbouri: L'âne,1987

   De tout ce monde disparu, Gbouri se souvient et le reproduit de mémoire dans un plan unique sans considération pour les lois de la perspective en profondeur. Exactement comme elle faisait jadis avec la tapisserie.  Tout ce qu’elle peint relève de la mémoire visuelle, et n’est nullement en rupture avec ce qu’elle avait appris tout le long de sa vie. Un  parcours initiatique  qui l’a prédisposé à la peinture. En effet, dans les arts populaires, seuls les tissages et les  poteries, de villages ruraux comme celui dont elle est issue, reproduisent des représentations figuratives où s’opère une véritable transfiguration de la nature.    

arts

Fatna Gbouri: Deux paysans 1986   

    Le passage du tissage à la peinture libère ses énergies créatrices. Pour elle,, les couleurs sont un jeu au même titre que le tissage, la broderie ou le tatouage. Elle  aime les couleurs gaies qui apaisent : le mauve d’amour, le bleu de la mer, le vert du printemps et de la forêt si proche, qui est un poumon pour la ville au même titre que l’océan, le jaune solaire, le rose nuptial. Par contre, elle utilise rarement le noir. Le noir, c’est l’ombre, et l’ombre, c’est l’âme même projetée en dehors du corps. C’est la puissance ténébreuse des choses.

    Gbouri fut initiée à tout un ensemble de techniques du corps qui l’on prédisposée à la peinture : à la fois nakkacha, enluminant de henné les mains et les pieds, « tatoueuse », maquillant les visages, et enfin aidant son père à confectionner de beaux caftans bariolés, pour parer les mariées de leurs plus beaux atours, pour la cérémonie nuptiale de loghrama où elles sont couvertes de cadeaux de noce par les invités.

arts

Fatna Gbouri: La mariée, 1987

     La maîtrise de la teinture au henné, des formes symboliques du tatouage et l’art de parure des neggafa, ont inspiré ses premières peintures en particulier le goût des couleurs éclatantes des jours de fête. Toute sa démarche artistique est une transposition de ces techniques séculaires du corps, dans le domaine de la peinture. En troquant la seringue pour le pinceau, elle passe du tatouage des corps à celui des paysages, d’une technique du corps à une fête des couleurs. Une profusion de couleurs et de formes se générant les unes les autres, comme dans un jeu d’enfants sans perspective, mais avec beaucoup d’harmonie dans l’ensemble et une grande vitalité poétique intérieure. La surface de la toile lui impose une autre démarche. Au lieu d’embellir le vivant, elle réanime l’inerte : elle s’amuse avec les choses de l’imagination en peignant  tout ce qui me passe par la tête. Au début, elle  dessine une chose, mais aboutis à une autre. En particulier  l’œil qui est le sens le plus important de l’homme, et la main qui protège du mauvais œil :     «   L’œil est précieux, nous dit Fatna Gbouri : l’œil chasse le mauvais œil. La main aussi chasse le mauvais œil. A l’occasion de la fête de l’aïd el kébir, on trompait nos mains dans un bol de henné et on les appliquait au dessus de la porte d’entrée, de manière à éloigner le mauvais sort. L’œil et la main on les reproduisait aussi dans le tapis traditionnel. Lors de cette grande fête, juste avant le sacrifice on faisait ingurgiter au bélier un mélange de henné et de blé en lui disant :Nous t’engraissons dans ce bas – monde / Pour que tu nous engraisse dans l’autre  »

arts

Fatna Gbouri: L'oeil et la main 1987

      La main dont nous parle Gbouri est déjà représentée dans les peintures rupestres d’Afrique du Nord. Comme la main punique, la hamsa est bénéfique, presque sacrée : associée au chiffre cinq, elle en acquiert les vertus Une femme s’exclamant devant la beauté d’une mariée peinte par Gbouri  ne dira pas qu’ « elle est belle  » ! Mais « khamsa ou khmis » (cinq et jeudi sur elle !) ; jeudi étant le cinquième jour de la semaine. La hamsa protège de l’œil. Et la main protège contre l’œil, la langue et le destin.

     Dans les derniers tableaux de Gbouri l’œil et omniprésent mais aussi la main : cette khamsaqui entraine dans les profondeurs du symbolisme de la fécondité, formulée d’une manière très variée suivant les civilisations. Ce thème apparaît dés les premières manifestations figuratives de la préhistoire, comme en témoignent les empreintes de mains sur les parois des grottes préhistoriques. Dans quelle mesure les symboles peuvent – ils traverser les millénaires en filiation continue ? On possède dans l’ancien monde de très nombreux témoignages qui joignent de siècle en siècle les confins de l’âge de bronze au monde actuel.

arts

Fatna Gbouri: Sans titre 1987

     Les signes et les symboles qui sont profondément ancrés dans l’imaginaire collectif, remontent spontanément à la surface de l’acte créateur, parce qu’ils constituent une composante essentielle de l’identité culturelle de l’artiste. Il s’inspire du stock de la mémoire visuelle des tapis et des bijoux berbères, mais aussi de la coutume qui consiste à se teindre les pieds au henné, en certaines occasions rituelles. Cette coutume remonte loin dans l’histoire : le nom par lequel les Egyptiens désignent les occidentaux qui les attaquaient souvent du 3ème millénaire au 15ème siècle, était Tahénnouqu’Ossendowsky traduit par « ceux du henné ». Les artistes s’inspirent aussi du tatouage qui était à l’origine une amulette permanente sur la peau. Ce qui prouve que le tatouage avait une signification magique de protection contre le mauvais œil.

arts

Fatna Gbouri: Bleu d'absinthe, 1987

     « Jaune » ou « bariolée » la mariée est omniprésent chez l’artiste, avec sa cérémonie du henné, entourée de fleurs, symboles d’amour et de renouveau, comme on le constate dans ce chant nuptial des plaines atlantique d’où est originaire notre artiste :

          Nous sommes dans une nuit lunaire

          C’est la nuit du bien aimé

          Le henné tombe dans le lait

          Nous sommes dans la nuit du parcours

          Le henné tombe dans la cour...   

Chante une chikhate.  Un cavalier des Abda se lève alors et lui passe un collier de billets de banque au milieu des applaudissements puis se tournant vers ses compagnons, il entonne :

        Ô gens des Abda aujourd’hui c’est la fantasia

        Cette vie s’en va, c’est vers la mort qu’elle s’en va.

        Jouissons doc du toast qui fait rougir les joues,

        Jouissons donc du toast qui fait briller les yeux !

La chikhate lui réplique :

       Ô mon cher, ne me ferme pas la porte de ton jardin,

        Puisque c’est pour toi que mon cœur brûle de chagrin !

arts

Fatna Gbouri: DANSE DU THE 1987

 L’aïta (l’appel) est un genre musical, spécifique aux plaines atlantiques arabophones, céréalières et pastorales. Remontant à l’implantation des Béni Hilal et des Béni Maâquil, elle porte la marque des chevaliers errants tout autant que d’une sensualité ritualisée. Il faut avoir une oreille d’initié pour distinguer ces différents genres. On y accorde la plus haute importance à la parole proférée lentement, couplet par couplet, en imitant gestuellement, corporellement, le flux et le reflux des marées :

« Allons voir la mer

Restons face aux vagues jusqu’au vertige ».

L’aïta, c’est l’appel. S’agissait-il, dans quelques antiques origines, d’un appel aux divinités de la nature ?  On retrouve dans les œuvres de l’artiste populaire Gbouri les mêmes saveurs qu’on découvre dans les chants des plaines côtières :

En éperonnant le fauve (al Bargui),

Elle m’a piqué au cœur.

Combien de porteurs d’étendards

Ont accompagné les chevaliers errants ?

C’est surtout lors des moussems-fêtes foraines à la fois commerciales et religieuses, réunissant plusieurs tribus autour d’un sanctuaire, généralement après la période des moissons - qu’ont lieu les manifestations collectives les plus éclatantes :

arts

Fatna Gbouri: Au foyer,1986

Moi aussi, El Hâjj Bouchaïb

J’irai au moussem le cœur en fête

D’une tente immense, je planterai les piquets

Et de tapis multicolores, je couvrirai l’intérieur.

L’Oum Rbia, « la mère du printemps », s’il n’étanche pas la soif de la terre - il passe par la Chaouia sans l’arroser - n’en menace pas moins les hommes de son inondation :

Oued ! Oued ! Ô Oued

J’ai peur de tes inondations !

Zine, Zine, Ya ma !

J’ai peur de tes foudres !

arts

Fatna Gbouri: Jeux de bergers, 1986

Il existe une aïta dédiée à  Rabbouha, qui fut emportée par l’Oum Rbia. Sa sœur qui était une chikha  s’est mise à se lamenter, en promettant ses charmes à celui qui la sauverait :

Et la chevelure de Rabbouha

Ondulant au milieu de l’inondation

Chaque tresse couvrant une vague.

Et les vaches de Rabbouha

Errant dans les territoires de l’État,

Que celui qui les reconnaîtra

Les emmène à l’abreuvoir !

On retrouve chez Gbouri des filles au bord de la fontaine pratiquant la corvée de l’eau, on voit des femmes-serpents dans un entrelacs inextricable – des croyances accordent au serpent des vertus de protection et des attributs sacrés – et surtout l’œil omniprésent répété à l’infini comme une prière tendant à remplir le ciel de la cosmogonie. Gbouri semble chanter avec cette chihate des plaines côtières :

Ton œil, mon œil

Enlace-la pour qu’elle t’enlace

L’aurore me fait signe

Le bien-aimé craint la séparation.

arts

Fatna Gbouri: Thé, 1991 

    Les toiles de Gbouri sont aussi à leur manière un hymne à la beauté de ces plaines côtières si lumineuses dont elle est issue. Le tout baignant dans une profusion de couleurs à la fois chaude et éclatante. Abdelkader MANA

14:21 Écrit par elhajthami dans Aïta | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : arts | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

05/02/2012

Les fêtes du Mouloud

La religion des femmes

 

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Sidi Abderrahmane sur la corniche de Casablanca

 

Veille du Mouloud, une rumeur persistante circule au pays, à Casablanca, dans les trains et à Meknès même : cette année la procession des cierges de Salé n’aura pas lieu. Le deuil suspend la fête de la nativité à Salé, comme si la procession avait été frappée, en ce bord de l’Atlantique par l’onde de choc de la lointaine Palestine. Les morts de Naplouse, ceux de Jenine et les bannis de l’église de la Nativité – dont les images passent en boucle sur les ondes d’Al Jazira suspendent la fête de la Nativité du Prophète à Salé.

Chez les Trobriandais du Pacifique occidental aussi, nous dit Branislow Malinowski, la circulation des objets et des hommes, ne s’arrête qu’à l’occasion de la disparition d’un grand personnage. Les morts suspendent, le temps du deuil, les fêtes des vivants.

 

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Procession des cierges de Salé

Peu importe que la procession des cierges ait eu lieu ou pas : la rumeur est significative en elle-même, puisqu’elle est née de l’air du temps. Elle concerne l’interruption cette année d’une procession qui ouvre au Maroc les fêtes du Mouloud, qui aurait été instituée par le Sultan saâdien «  victorieux et doré », au terme d’un voyage en Orient où il aurait assisté à Istamboul à un carnaval de poupées colorées ornées aux fleurs de cire. Par sa naissance comme par ses multiples injonctions au « temps suspendant son vol », qui ont ponctué son histoire  tel l’exil de Mohamed V à Madagascar  la procession salétine vibre au rythme du monde. On dirait, aujourd’hui, qu’elle est suspendue au soupir de la mondialisation.

 

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Les ruines du palais El Badii dont la construction fut ordonnée par Ahmed El Mansour Dahbi (le victorieux et le doré)à la suite de la victoire de Oued El Makhazine

L’histoire confirme la tradition. En effet, al-Ifrâni, consacre à la préparation de la nativité du Prophète sous le règne d’Ahmed El Mansour Dahbi, une description assez détaillée et assez précise pour qu’on puisse l’identifier sans le moindre doute avec celle de Salé : il s’agit incontestablement des mêmes cierges, dont l’aspect évoquait déjà l’image de rayons de cire. Voici ce qu’en dit El Ifrâni :

« dés qu’on apercevait les premiers rayons de la lune de Rebia I, le souverain adressait des invitations à ceux des faqirs de l’ordre des soufis qui exerçaient les fonctions de muezzins et se dévouaient à faire les appels à la prière pendant les heures de la nuit. Il en venaient de toutes les villes importantes du Maroc..Ordre était ensuite donné aux marchands de cire de préparer un certain nombre de cierges et de mettre tous leurs soins à cette fabrication. Aussitôt ces habiles artisans se mettaient à l’œuvre et rivalisaient de zèle comme font les abeilles lorsqu’elles construisent les gracieux enchevêtrements de leurs alvéoles. Ces cierges avaient une grande variété de formes ; ils étaient si élégants qu’ils émerveillaient les regards et leurs couleurs étaient si vives que leur éclat ne palissait pas devant celui des plus belles fleurs. La veille de la Nativité, les gens dont le métier consiste à porter les litières des fiancées lorsqu’on les conduit à leurs maris se mettaient en devoir de transporter en grande pompe ces magnifiques cierges. Ce cortège était si brillamment ordonnancé et présentait un si beau coup d’œil que les habitants de la ville accouraient de tous côtés pour les contempler. Aussitôt que la chaleur du jour commençait à se calmer, les porteurs se mettent en marche, tenant sur leur tête ces cierges qui semblaient être alors de jeunes vierges traînant les pans de splendides tuniques ; leur nombre était tel qu’on croyait voir une forêt de palmiers. Le cou tendu, hommes et femmes se bousculaient pour admirer ces porteurs de cierges que suivaient d’habiles musiciens jouant du tambour et de la trompette. Dés que l’aurore aparaissait, le sultan sortait du palais, faisait la prière avec la foule du peuple, puis, vêtu d’une tunique blanche emblême de la royauté, il allait prendre place sur le trône devant lequel on avait déposé tous les cierges aux couleurs variées, les uns blans comme des statutes, d’autres rouges, tous garnis d’étoffes de soie pourpre et vertes, à côté étaient rangés des flambeaux et des cassolettes d’un si beau travail qu’ils causaient l’admiration des spectateurs et émerveillaient les assistants. Cela fait, la foule était admise à pénétrer ; chacun se plaçait selon son rang, et quand tout le monde avait pris place, un prédicateur s’avançait et faisait une longue énumération des vertus du Prophète et de ses miracles. La conférence terminée, tous les assistants accomplissent  les cérémonies de l’office de la Nativité, puis on voyait alors s’avancer les membres des confréries murmurant les paroles d’ach-chuchtûrî (célèbre soufi andalou ayant vécu au Maroc et mort en 896) et celles d’autres soufis, tandisqu’une troupe de coryphées déclamait des vers en l’honneur des deux familles (celle du Prophète et celle d’Al Mansour). » (d’après « Nozhat El Hâdî » d’Al Ifrânî).

 


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Meknès, le samedi 25 mai 2002, premier jour du Mouloud. De partout d’immenses foules dévotes et bariolées convergent vers le sanctuaire du fondateur de la confrérie des Aïssaoua. Au début du XVe siècle, en pleine effervescence mystique maghrébine  de lutte contre la pénétration portugaise, El Hadi Ben Aïssa aurait, dit-on, quitté son hameau des Mokhtar dans le Gharb pour aller parfaire son savoir théologique à Fès avant de venir s’établir finalement à Meknès dans une « khaloua » : paradoxe de l’ermite, le solitaire deviendra populaire. Pour stimuler la foi religieuse autour de lui, il allait, racontait-on, jusqu’à rémunérer ceux qui acceptent de délaisser les gains d’ici-bas pour les promesses de l’au-delà.

Sous un soleil matinal, les taïfas du Gharb, étendards en tête, se succèdent les unes aux autres. À l’approche du sanctuaire, comme happé par les énergies spirituelles du seuil sacré  le  horm hommes et femmes accourent pieds nus, chevelures au vent, souffle haletant, regard hagard. Humanité pathétique qui semble avoir laissé derrière elle, charrue et travaux des champs pour venir ici à la rencontre du divin. Pathétiques et néanmoins beaux, par leur quête du céleste et du sacré, sont ces paysannes disgracieuses et ces vieillards édentés aux pieds calleux, retrouvant en ce temps du pèlerinage, jouvence et nouvelles énergies. Au terme d’une course éperdue, ils s’accrochent au catafalque du saint pour y trouver réconfort et purification. Au cours de cette course effrénée, ils doivent enjamber le corps de pèlerins à plat ventre au seuil du mausolée, comme pour leur transmettre l’énergie bénéfique dont ils sont sensés être porteurs en ce moment de grâce. La croyance veut que par ce geste, ils contribuent à dénouer les entraves visibles et invisibles dont on cherche délivrance, auprès d’Aïssa le guérisseur des aveugles et des paralytiques.

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Parmi les taïfa rurales du Gharb, c’est celle d’El Mokhtar dont est issu le cheykh el Kamel  Hadi Ben Aïssa serait né vers 1450  qui ouvre en ce premier jour du Mouloud, la marche des processions. Cette taïfa aurait le pouvoir de remettre debout les paralytiques en piétinant leurs corps. Chez les pèlerins, sous un soleil matinal éclatant, la tunique blanche, symbole de pureté prédomine. Car, malheur à qui est vêtu de noir, il risque à tout moment de s’attirer les foudres des « lions » et des « lionnes », possédés par l’irrésistible esprit de la « frissa », de la consommation rituelle de la chair crue d’une victime expiatoire au pelage noir, bouc ou taureau. En souvenir de ce rite aïssaoua, aujourd’hui aboli, les possédés du lion symbole solaire, se ruent sur tout porteur de vêtement ou d’objet de couleur noire.

Sur la place sacrée où auront lieu les sacrifices au troisième jour du Mouloud, au cœur même du mausolée, de nombreuses pèlerines viennent passer une nuit d’incubation, dans le secret espoir d’entrevoir en un rêve divinatoire, le cheikh el Kamel en personne, ordonner leur délivrance des souillures et des nœuds qui entravent le cours de leur vie ici-bas.

 

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Comme à l’accoutumée, sous le vieux mûrier, au rythme du tambour et d’un air lancinant de flûtes traversières, les « charbonniers » de Meliana, venus d’Algérie, exposent leurs corps au bûcher sans être pour autant sensibles aux flammes. Attire particulièrement l’attention un vieux danseur au torse nu noirci par ses deux tisons enflammés, qui évoque curieusement à la fois, le Bossu de Notre – Dame de Paris et le gardien de la Géhenne de Dante. Juste, en face, une troupe  Haïyata jouant le répertoire haletant dit du « hiit », spécifique à la région du Gharb  entonne des chants qui sont autant de vœux pour la régénération de l’année à venir :

 

« Ô jeunesse, ne t’en fais pas trop, pour ton mariage.

La plus belle des filles sera bientôt pour toi ! »

 

L’un des signes d’élection spirituelle est le port de la « gouttaya », touffe de cheveux qu’on laisse pousser à la partie postérieure du crâne entièrement rasé. Je demande à l’un de ces personnages étrange :

- Pourquoi portez-vous cette touffe ?

- Parce que Sidi Mohamed Ben Aïssa attachait sa « gouttaya » à un arbre pour prier de jour comme de nuit, sans être vaincu par le sommeil ; celui qui n’est pas capable de porter la gouttaya ne doit pas la laisser pousser.

Venir à ce moussem pour ce personnage énigmatique du Gharb est une obligation :

- Si je ne viens pas au Mouloud, je tombe malade. Des fois, j’arrive au seuil de la mort. Mais quand ils m’emmènent au cheikh, je me rétablis aussitôt.

 

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Toujours plus bas, en s’éloignant du sanctuaire, dans un espace périurbain, mi-rural, mi-citadin, s’étend, l’immense souk du barouk, avec ses tentes, ses bouchers et autres marchands de fruits secs, ses immenses roues et autres jeux forains, ses musiciens ambulants et autres dresseurs de singes. Ce sont mille clameurs qui s’entremêlent tandis qu’au loin retentissent les détonations des fantassins et de la fantasia : au Maroc le baroud ouvre généralement un nouveau cycle. Ces réjouissances hippiques sont parfois ponctuées d’incidents : sous nos yeux, un homme traversant le champ de course, fut violemment heurté et piétiné par la charge des étalons. Mort ou vif. Une fois l’homme évacué, la fête continue comme si de rien n’était.

 

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Au crépuscule une ultime taïfa se présente au seuil du mausolée. C’est dans la nuit brune, au minaret jauni, la lune, comme un point sur un « i ». La pleine lune préside à l’ouverture du Mouloud, portant au paroxysme, toutes les énergies cosmiques : comme les marées montantes, les transes se voient décuplées. Les ruelles de la vieille médina s’animent de tambours et de hautbois pour des veillées domiciliaires aïssaoua, qui dureront jusqu’à l’aube.

Au deuxième jour du Mouloud, on est surpris de constater vers la mi-journée que déjà le souk du barouk et la fantasia ont plié bagages. Les ruraux ayant décampé de la zone périurbaine les citadins entrent en scène : à l’apaisement des ardeurs solaires, à partir de la monumentale Bab-el-Mansour, le cortège de la taïfa de Fès s’ébranle vers le mausolée du cheikh el Kamel. La famille Battahi de Fès y envoie en offrande deux beaux lustres que des adolescents portent au-devant du cortège. Viennent ensuite les danseurs aïssaoua scandant « Allah Hay ! » (Dieu est vivant). Fermant la marche, cinq hautboïstes sur leurs vieux mulets. Arrivée à hauteur du mausolée, la musique de procession cesse pour faire place à la hadhra proprement dite : danse extatique des citadins qui s’oppose, à bien des égards, à la possession rituelle par les « lions » et les « lionnes », à laquelle nous avons assisté la veille avec le défilé des taïfa rurales.

Les offrandes comportent outre les lustres de la taïfa de Fès, les tapis de celle de Casablanca, et même la couverture du catafalque. Chaque année ces accessoires du mausolée sont renouvelés en guise de régénération et de renaissance.

Au sortir de ce pèlerinage, nous apprenons par une dépêche que l’ancien ministre gauliste et islamophile Michel Jobert est mort le dimanche 26 mai à 0 h 30 à la suite d’un malaise, c’est-à-dire à l’aube du Mouloud. En effet Michel Jobert était né à Meknès le 11 septembre 1921. En tant que journaliste, j’ai eu à interroger à deux reprises l’auteur du  Maghreb à l’ombre de ses mains : il tenait à chaque fois à revoir avec minutie la copie, à la virgule près, avant de l’envoyer au journal. Mais il le faisait avec beaucoup de tact et une infinie gentillesse. C’est en guise d’hommage que cet article est dédié à la mémoire du célèbre enfant de Meknès qui vient de nous quitter à l’âge de 80 ans.

 

Troisième jour du Mouloud, mont Zerhoun.

Les tentes des pèlerins venus pour le grand moussem annuel sont déjà plantées. Je découvre un monde insolite, avec ses voyantes installées sous de petites guérites de toiles, ses troupeaux de boucs noirs parqués, en attendant d’être achetés et sacrifiés, ainsi que des poules noires enfermées dans de grandes volières.

J’entends le rythme sourd des grands tambours, les Herz des Hamadcha. J’y vais, et j’arrive à la grotte d’Aïcha. C’est un immense figuier aux feuillages compacts qui forme la grotte. Sur l’autel brûlent d’innombrables bougies. Juste à côté, au milieu d’une aire délimitée par des haies de branchages, se tient sa prêtresse. Plus loin, au fond, l’espace des sacrifices.

Trois femmes dansent au rythme des Herraz. Aïcha les possède et les entraîne dans un ballet échevelé. Puis je me rends au sanctuaire de Sidi Ali Ben Hamdouch. Là, le sol est jonché de nombreux pèlerins, surtout de femmes endormies ou en état de crise. J’ai l’impression de débarquer dans une véritable cour des miracles peuplée de possédés.

La nuit tombe. Maintenant du haut de cette montagne, on peut voir au loin dans la plaine, scintiller les lumières de Meknès. C’est le moment de la hadhra. Partout, sous les tentes, les Hamadcha venus du Gharb animent les veillées spirituelles, avec leurs hautbois et leurs tambours. C’est une musique saccadée et rapide, alors que celle des villes est lente et balancée. Les danseurs en transe, sautillent sur place interminablement. C’est la version rurale du rituel des Hamadcha. Ceux des villes arriveront demain.

Je rencontre une troupe des Jilala. Ils exécutent sur leurs grandes flûtes de nomades les airs mélancoliques du désert. Ils sont d’abord passés au Moussem des Aïssaoua de Meknès avant de venir ici. Ils y resteront jusqu’à la clôture.

Vers minuit, sous la pleine lune, un groupe de femmes avance en file indienne par les sentiers au flanc de la montagne. Elles portent leurs offrandes à Aïcha, dans son sanctuaire. L’une d’elles me dit qu’Aïcha aime qu’on lui offre de l’encens, des chèvres et des poules noires, du lait, du henné, et des tissus de soie colorés :

103Aujourd’hui, me dit-elle, on célèbre les fiançailles d’Aïcha. Dimanche prochain, septième jour du Mouloud, elle épousera Sidi Ali Ben Hamdouch.

Le cortège des femmes pénètre maintenant dans la grotte avec ses offrandes qui sont déposées sur l’autel. Elles y allument de nouveaux cierges. Elles apportent la chèvre à sacrifier et la poule noire à la prêtresse qui les bénit en parlant de « nœuds à dénouer » et de « portes à ouvrir ». Aïcha a fait des nœuds et a fermé des portes dans le destin des gens qui l’ont offensée et qu’elle a frappés. Raison pour laquelle ils viennent lui offrir des sacrifices de réconciliation.

Arrive le sacrificateur. Tout d’abord, devant l’autel d’Aïcha, il procède aux ablutions de la chèvre et de la poule noire, qu’il fait tournoyer par trois fois sur la tête et autour des épaules d’une femme accroupie. Puis il tranche la tête de la poule et la jette au loin. Enfin il égorge la chèvre noire qui se lève ensanglantée et se dirige vers les lumières de l’autel où elle va s’effondrer. Un peu plus tard, une famille aisée de Rabat, accompagnée d’une troupe de Gnaoua, apporte ses offrandes. Cette fois, on va immoler sept chèvres et douze poules. Les ruines de Volubilis ne sont pas loin d’ici. Peut-être gardent-elles le souvenir des sacrifices qu’on offrait jadis en ces lieux à la déesse Kadoucha ?

Marrakech, quatrième jour du Mouloud. En quittant le Zerhoun, j’ai laissé là-bas à leur moussem les Hamadcha du Nord. Je viens ici, à Marrakech, à la rencontre de ceux du Sud. Leur moussem commence aujourd’hui et se terminera dimanche.

À 18 heures, le cortège des Hamadcha marche avec le veau du sacrifice en direction de Riad Laârouss où se trouve leur zaouïa. Le sacrifice aura lieu demain à dix heures. J’apprends que les Hamadcha d’El Jadida, qui ont célébré leur moussem au premier jour du Mouloud seront présents ainsi que ceux de Damnate, Safi, Taroudant et d’Essaouira. Marrakech est la ville des innombrables zaouïas cachées et disséminées dans les ruelles de la médina. À Riad Laârouss, la zaouïa des Hamadcha illuminée de projecteurs et couverte d’étendards se prépare à recevoir les taïfa du sud.

 

 

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Marrakech, cinquième jour du Mouloud.

Ce matin, comme prévu, je retourne à Riad Laârouss où je rencontre les Hamadcha de Safi à l’heure du petit-déjeuner. Les vieux adeptes échangent des couplets de melhûn autour d’un verre de thé. On attend les autres taïfa qui vont arriver dans la journée. Après le sacrifice d’ouverture, elles animeront à tour de rôle des séances de Dhikr et de Hadra. J’ai décidé de les quitter pour suivre le pèlerinage d’une prêtresse des Gnaoua, une talaâ, à Moulay Brahim au sommet de la montagne. Je me rends donc à Bab Rab, la porte du Seigneur, d’où vont partir pour Moulay Brahim les chamelles apportées par les différentes taïfa du Maroc. Elles seront conduites là-haut en cortège au rythme des Aïssaoua.

 

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Moulay Brahim est situé sur le plateau de kik au sud de Marrakech

Moulay Brahim. À midi, j’arrive au pied de la montagne. Il y a là quelques pèlerins prenant un bain rituel près du moulin à eau, ainsi que quelques chamelles. Une femme qui est déjà venue ici l’an dernier n’est pas étonnée de voir si peu de gens cette année :

- L’année dernière, dit-elle, beaucoup de gens ont péri dans la grosse crue de l’oued qui a fait de nombreuses victimes. Alors que les autres années on avait beaucoup de mal à se loger, cette année, les courtiers vous courent après pour vous offrir les logements vides.

J’arrive à Moulay Brahim à une heure de l’après-midi. Des musiciens tournent autour du sanctuaire avec une jeune chamelle blanche couverte d’un tissu vert. Ce groupe vient des environs de Casablanca. Plus loin, voici une autre procession accompagnant elle aussi une chamelle : c’est la taïfa de Tarraste, en provenance du Sous. Et voici un troisième cortège avec sa chamelle en provenance des environs de Taroudant. Les cours intérieures des maisons qui font hôtellerie pour l’occasion sont animées par les Oulad Sidi Rahal avec leurs bouilloires et leurs serpents ; une autre troupe des Oulad Sidi Rahal, ceux de Bouya Omar, est venue pour animer demain des séances de Hadra. Un groupe de l’Ahouach des Houara ainsi qu’une troupe de Gnaoua d’Agadir proposent leur spectacle d’un patio à l’autre.

Sixième jour du Mouloud. Je pars à la recherche de talaât. Elles se trouvent, me dit-on, dans la maison attenante à la zaouïa. Il y a là, dans la cour intérieure, la grande chamelle qui sera sacrifiée. Elle a été amenée ici par Lalla Bacha une talaâ venue de Kénitra accompagnée de sa troupe de Gnaoua. Dans une petite pièce adjacente, les Gnaoua se reposent. Leur maître de cérémonie raconte :

- La chamelle a été achetée à Settat et on l’a amenée à Kénitra où la talaâ a organisé une lila le jour du Mouloud. De là, on a transporté cette chamelle à Marrakech par camion. On l’a conduite en procession depuis Bab Rab jusqu’ici, en passant par Tamesloht où notre talaâ a organisé une autre lila avec sacrifice d’un bélier. Nous resterons ici jusqu’au sacrifice de la chamelle.

Un peu plus loin, je rencontre une autre talaâ avec sa troupe de Gnaoua de Marrakech. Elle est originaire du Sahara et vit en ce moment en Belgique avec son mari, ancien travailleur immigré. C’est une grande et belle femme, imposante et couverte de bijoux :

- J’ai hérité mon activité de talaâ de mes ancêtres, dit-elle.

Puis son mari enchaîne :

- Elle vit avec moi depuis 32 ans, à Bruxelles. Elle y fat son métier de voyante par téléphone et sur rendez-vous pour les immigrés de là-bas et parfois aussi pour des clients européens.

La talaâ reprend la parole pour me raconter comment elle a découvert la vocation de médium :

- Je suis tombée en transe sans m’y attendre, et au cours de ma transe, j’ai commencé à « parler ». Je n’en étais pas consciente, ce sont les gens qui me l’ont dit à mon réveil.

Le parler en transe  N’tiq est la caractéristique fondamentale de la talaâ. C’est son esprit allié, son melk, qui parle par sa bouche, et qui fait la divination. Elle dit :

- J’ai chez moi deux autels, l’un me vient de Moulay Brahim, l’autre de Sidi Ali, pour son rapport avec Aïcha Qandicha, la Gnaouia. Je tombe malade chaque année au mois de Chaâbane. Je dois alors organiser une lila. L’année dernière, c’était à Essaouira. Je suis arrivée au Maroc cinq jours avant le Mouloud, et ici le jour du Mouloud pour y passer toute la semaine. J’ai acheté la chamelle pour Moulay Brahim au souk de Had Draâ. Après le moussem, je monterai à Sidi Chamharouch, le maître de la divination, puis je me rendrai à Bouya Omar, et j’irai enfin au Zerhoune chez Aïcha Qandicha. Je dois faire chaque année ce grand tour qui dure deux mois avant de revenir en Belgique. Sans quoi je ne pourrais pas travailler.

J’entends soudain un cri étrange qui tient à la fois du jappement d’un chiot et du hurlement d’un chacal :

- Regarde derrière toi ! Ordonne la talaâ de Bruxelles.

C’est un homme accroupi tenant sa tête entre ses mains et qui aboie. Brusquement, il se lève et commence à aller et venir, se rapprochant, puis s’éloignant de moi. Je ne suis pas rassuré. Il crie qu’il est Aïcha Qandicha :

- Je suis la reine des vallées et des fleuves ! Des forêts et des déserts ! J’attaque celui qui m’agresse !

Il parle avec un accent féminin. Et soudain, j’entends tout près de moi une autre voix, cette fois-ci masculine. C’est la talaâ en transe qui s’adresse à moi en criant :

- Ferme ton bloc-notes et va-t-en d’ici !

Alors qu’ils continuent leurs imprécations à mon encontre, je quitte les lieux en courant. Un peu plus tard, le Gnaoui de l’autre talaâ me dit que c’était une comédie pour essayer de m’extorquer de l’argent. Et beaucoup plus tard, quand je rencontre à nouveau la talaâ de Belgique alors qu’elle a retrouvé, me semble-t-il, son état normal, elle me dit :

- Aïcha a estimé que l’entretien était allée trop loin. Je ne devais pas vous livrer notre secret. C’est elle qui s’est adressée à vous par ma bouche pour vous demander de partir.

Midi, il fait très chaud, et je me promène à travers le village. Le Gnaoui de Marrakech vient à ma rencontre. Je l’invite à partager un tagine. Au cours du repas, il me dit combien le progrès de la modernisation au Maroc fait reculer les croyances traditionnelles :

- Dans les années soixante-dix, on apportait au moins dix-huit chamelles chaque année à Moulay Brahim, dont quatre de Marrakech. Maintenant, seuls les tanneurs de la ville rouge apportent la leur à l’oiseau des cimes. Même chose pour Casablanca d’où arrivaient cinq camelins pour un seul aujourd’hui.

Il est environ dix-huit heures lorsque les tanneurs de Marrakech, qui étaient déjà dans la zaouïa, en sortent avec leur chamelle, la seule qui sera sacrifiée. C’est une sorte de mise en scène, où tout se passe comme s’ils arrivaient sur les lieux. Leur procession fait le tour du marabout.

Moulay Brahim, septième jour du Mouloud. Ce matin, ce sont les Aïssaoua qui animent la place du sacrifice. À 9 h 30, on accompagne la chamelle hors de l’enceinte, du côté de l’entrée nord de la zaouïa, au milieu d’une foule bariolée, ensoleillée et joyeuse. La chamelle porte sur sa bosse une écharpe blanche où il est écrit : « Mohamed Messager d’Allah ». Étendards, tambours, crotales, la chamelle bouge. On l’oriente vers l’Orient. Une femme commente :

- Quand on veut la sacrifier, on lui fait manger du henné et on lui fait faire le tour du marabout. Certains s’abreuvent de son sang et il y a beaucoup de bagarres.

On lui enlève l’écharpe, mais elle se relève. Alors qu’elle est encore debout, beuglant de plus belle, on lui tranche le cou à la racine. Elle perd des flots de sang, on ouvre la porte nord, on la traîne à l’aide de cordes sur une pente glissante et à l’aide d’une hachette, on achève de lui trancher le cou. De vigoureux jeunes gens emportent la tête à toute allure, dévalant la montagne en direction de l’oued. La tête semble continuer à beugler toujours, quoique de manière aphone. Elle doit pousser son dernier soupir au moulin à eau si on veut que l’année qui vient s’annonce fertile.

Le corps gisant sans la tête tremble toujours. Une femme s’évanouit. On commence le dépeçage par le haut. On empêche les gens de prendre des photos. On enlève la bosse, considérée comme une ressource thérapeutique pour l’asthme. À l’aide de la hachette, on sectionne les pattes antérieures, puis les postérieures. On ouvre par le dos la carcasse agenouillée : tout est énorme en une chamelle ; ses poumons, son foie, son cœur, ses entrailles. Chaque organe pèse plusieurs livres. Le tout sera partagé entre les cinq cents Chérifs descendants du saint. Les pèlerins réclament un peu de barouk. Le soupir de la chamelle serait un puissant remède contre les maladies des voies respiratoires. Selon le moqadem de Moulay Brahim, c’est parce qu’on avait étouffé la tête de la chamelle dans un sac de jute l’année dernière que, deux jours après le moussem, l’oued a tout emporté. Je quitte les lieux en direction de Tamesloht, alors que sur les aires à battre les paysans procèdent déjà à la séparation du grain d’avec la paille.

 

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Enduire le corps au henné est l'un des principaux rites des fêtes du mouloud

Tamesloht, septième jour du Mouloud. À mon arrivée à Tamesloht, ce matin, je rencontre un Gnaoui qui joue du guembri. Je lui demande aussitôt si je peux trouver ici une talaâ. Celle qui fait « monter les mlouk ». Il me désigne ses doigts qui pincent les cordes pour me signifier que c’est sur sa sollicitation que les mlouk « montent » (tlaâ). Je rencontre celui qui l’a initié, maître Razouq de Safi, que je connais depuis déjà longtemps. Il me dit qu’il est venu ici en « touriste » bien qu’il soit là avec sa troupe et tous les instruments. En effet, aucune voyante n’a loué ses services. À Moulay Brahim, comme à Tamesloht, ce sont les prêtresses qui conduisent les rituels et les pèlerinages ; les musiciens gnaoua comme les griots d’Afrique sont leurs assistants.

Puis je me rends à la maison des hôtes des Chérifs descendants de Moulay Abdellah Ben Hsein, il y a là un aveugle assis sur une natte. Il m’accueille chaleureusement, comme s’il me connaissait depuis toujours :

 

- Mets-toi à l’aise, me dit-il, voici du thé, des galettes d’orge et de l’huile d’olive.

Pour l’aveugle l’important en ce jour du Mouloud, c’est le moussem des chérifs descendants de Moulay Abdellah Ben Hsein. Il me dit à ce propos :

- La pratique des Gnaoua qui sont ici relève du sacré impur, alors que la nôtre, à nous les chorfa, est d’essence prophétique.

 

Il me décrit la chaîne mystique de ce soufisme de Tamesloht en remontant à Chadili, via Moul Laqsour  le sixième saint de Marrakech  jusqu’à Jounaïd, le grand mystique de Baghdad. Et comme j’écoute ses discours, je ne peux plus traîner dans les ruelles de Tamesloht à la recherche des voyantes comme j’en avais l’intention. Je parvins finalement à lui fausser compagnie. Je pars à la recherche de la talaâ de Bruxelles. Mais je ne la trouve pas. D’ailleurs, toutes les talaât présentes restent enfermées dans les maisons louées aux habitants de Tamesloht, où elles organisent leur cérémonie nocturne. Je rejoins le Gnaoui de Marrakech. Il est maintenant 16 heures et le gnaoui se repose au voisinage d’un bélier et de deux jeunes boucs. Il me dit que je dois patienter jusqu’à demain si je veux vraiment assister au pèlerinage des talaât dans les sanctuaires et refuse de me présenter sa femme, elle aussi talaâ, qu’il accompagne ici.

Quand tombe la nuit, je finis par retrouver la talaâ de Bruxelles. Sa cérémonie nocturne vient de commencer. Les musiciens de l’orchestre dansent au rythme des Oulad Bambara. L’un d’eux figure l’ancêtre esclave, dont les pieds sont entravés, et saute dans un effort pour se libérer. Puis on brûle le bejoin pour sacraliser l’espace où vont se tenir les danses de possession. Et voici, Bouderbala, le mendiant céleste avec sa tunique rapiécée, sa canne et sa besace. Puis on évoque Sidi Mimoun le potier, et le défilé de sa cohorte donne lieu à la danse des bougies qu’exécute une vieille femme noire. Pour évoquer et représenter Baba Moussa le marin, un Gnaoui danse avec un bol d’eau sur la tête. Il est suivi du possédé de Pacha Hammou, qui danse avec des poignards. Après une pause, on célèbre les saints chorfa, en particulier Moulay Brahim et Moulay Abdellah Ben Hsein. C’est la revanche des Gnaoua : ils ont fait entrer dans leur système de la possession les saints d’ici, dont les descendants les tiennent un peu en marge.

 

Puis les Gnaoua fidèles à leur propre passé africain, invoquent « les gens de la forêt sauvage », dont on dit que seuls les jeddaba aguerris sont capables de les incarner. Et l’on finit à l’aube par les esprits féminins aux couleurs bariolées. La dernière invoquée, c’est Aïcha Qandicha. La voyante de Bruxelles, qui a organisé cette soirée, l’incarne et prophétise en état de transe. La cérémonie prend fin avec cette invocation d’Aïcha. Je l’avais laissé à Zerhoun et Moulay- Brahim, je la retrouve ici parce qu’elle est présente partout au Maroc et même au-delà de nos frontières.

Huitième et dernier jour des célébrations du Mouloud. Il fait très chaud et les voyantes, épuisées par la nuit cérémonielle, dorment dans leurs maisons. Elles en sortent vers seize heures. Chaque voyante apporte son bouc pour Sidi El Hâjj Bou Brahim et son bélier pour Moulay Abdellah Ben Hsein. Certaines d’entre elles vont même jusqu’à un veau ou une vachette. L’importance des offrandes exhibées témoigne de leur prospérité, de leur réussite, et rehausse leur prestige. Hier, elles ont déposé au sanctuaire leurs étendards et leurs autels. Sans ce dépôt d’une nuit, le voyage serait inutile. Il faut que ce qui fonde la pratique de ces talaât vienne ici se recharger de la baraka du saint. Les « filles des Gnaoua » accompagnent, pieds nus, leur talaât, entièrement voilée – comme si elle se dirigeait vers une soirée de noce, en tant que « fiancée » du maître des esprits. Elles sont leurs auxiliaires et constituent autour de chacune une sorte de petite confrérie féminine.

Le monde des Gnaoua  avec leur rite de possession et leur initiation adorciste  est avant tout une religion de femmes dont Aïcha est la figure centrale. Une sorte de religion  alternative dans une société où seuls les hommes ont vraiment accès aux lieux consacrés de la religion établie. Le moussem de Tamesloht donne à voir cette dualité, avec d’un côté les chérifs célébrant au grand jour leur religion d’hommes, et d’un autre les rites nocturnes et privés animés par les prêtresses d’Aïcha.


Abdelkader MANA

 

12:54 Écrit par elhajthami dans Psychothérapie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : psychothérapie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Soirée de Samaâ

Musique et extase

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Première chorale mixte de samaâ à Essaouira

Reportage photographique d'Abdelkader Mana

Hier soir, le vendredi 12 mars 2010, Essaouira a connu une mémorable soirée de musique et d'extase (pour parodier un célèbre ouvrage de Jhon During), à Dar Souiri, aniumée par les Haddarates d'Essaouira, et les chanteurs du Samaâ de la zaouia des Darkaoua. Le public était composé essentiellement de femmes, qui ne sratent pas l'occasion d'assister aux soirées musicales organisées ces derniers temps par Latifa Boumazzourh(présidente des Haddarates d'Essaouira, un groupe qui monte au niveau local et qui se fait déjà connaître au niveau international, en France et bientôt en Italie) et Monsieur Marina un grand connaisseur du samaâ (oratorio) qui a déjà fait ces preuves dans ce domaine au niveau national. Nous avons assisté à la soirée d'hier et profiter de l'occasion pour prendre quelques images pour marquer cet évènement.

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Reportage photographique d'Abdelkader MANA, du vendredi 12 mars 2010

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La route des mérinides

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La route des Mérinides

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C'est , par le Sud du couloir de Taza, que passait jadis « la route des mérinides » : la fameuse « Triq Sultan » qui unissait Fès au Maroc Oriental via Sefrou, Rchida et Debdou.  Les transhumants Bni Waraïn et Houwara Oulad Rahou sont arrivés au couloir de Taza dans le sillage des Mérinides depuis Figuig où ils nomadisaient jadis

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Au déclin des Almohades, leurs successeurs mérinides occupent Taza dés 1216, considérée alors comme « la clé et le verrou du Gharb », souligne l'auteur du Bayân : « Une fois installé à Taza, Abû Yahya, prince mérinide, fit battre les tambours et hisser les bannières. De toutes part, les chefs de tribus accompagnés de délégations vinrent lui présenter leur hommage. Car il avait auparavant occupé le rang d'émir au sein des tribus Banû Marîn, mais sans tambours ni étendards ».Vers 1227, les mérinides étaient devenus les maîtres incontestés de « toutes les tribus et campagnes situées entre le Moulouya et le Bou Regreg ». Cette époque est restée liée à des souvenirs de magnificence et presque de légende. On connaît le vieux dicton : « Après les Banû Marîn et les Baû Wattas, il ne reste personne ! ».

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Roman Lazarev

Ibn Khaldoun nous dit qu'à leur avènement, les mérinides ont détruit l'une des principales ressources de la région ; l'oléiculture. Dans cette région, les premières plantations d'olivier remontent aux Almohades, comme le souligne Ibn Ghâzi, au début du 15ème siècle :« Dans les bonnes années, écrivait - il, et avant que les Banû Marîn eussent commencer à ruiner le Maghreb extrême, lors de l'affaiblissement de l'autorité Almohade, la récolte des olives au Ribât de Taza, se vendait environ 25 000 dinars ».

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Bataille de Roman Lazarev

C'est non loin de cette vieille citadelle de Rchida qu' Abd el Haq,le  premier souverain mérinide, alors âgé de 73 ans, trouva la mort avec son fils, Abû Al Âlaa Idris, lors de la bataille contre les arabes Ryah, chargés par les Almohades de surveiller le couloir de Taza.  Sid Yaâgoub, le saint patron de Rchida, serait selon une légende dorée, un Idrisside qui priait dans les grottes de la Gada de Debdou, qui domine en falaise, la plaine de Tafrata. Moulay Ali Chérif le fondateur de la dynastie Alaouite est également passé par là. On dit même qu'à l'aube du 20ème siècle, le Rogui Bouhmara est arrivé un jour avec sa harka dans la plaine de Tafrata et aurait pris aux gens leur bétail. C'est là aussi qu'en 1914 les premiers bataillons français en provenance d'Algérie avaient établi leur avant poste ; le camp de Mahiridja.

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« Depuis la nuit des temps , le pastoralisme est le trait distinctif des Hawwâra Oulad Rahou et de leurs ancêtres, nous explique Abdellah  Bachiri. L'hiver, ils transhument dans la plaine de Tafrata et en période estivale , aux plateau de la Dahra, aux pacages steppiques de la Fhama, Et quand à nouveau l'herbe repousse drue, ils reviennent à la plaine de Tafrata. » Ce n'est que quand le pâturage fait défaut aux Hawwâra , qu'ils vont transhumer sur ces hauts plateaux de la Gada de Debdou. La tonte d'ovins a lieu chez eux vers la fin du printemps et au solstice d'été.  On prépare alors le pain du berger dénommé « Magloub », nom qu'on donne par extension à cette berceuse qui accompagne la tonte d'ovins :    

Ô berger ! Ramène la brebis à l'allure de gazelle !

La brebis au museau roux et au beau présage

Celui à qui, elle manque, meurt de faim

Et passe une nuit blanche à réfléchir !

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 « La tonte des moutons a lieu au printemps, nous dit le pasteur Nabil Khachani. Après s'être bien engraissés les béliers portent une laine abondante qui les étouffe en période estivale. On les allège alors de cette laine : c'est la période où nous séparons l'agneau de sa mère. Le matin de tonte, on prépare le pain du berger, ainsi que les laitages. C'est le petit déjeuner de ceux qui procèdent à la tonte des moutons. Après quoi on sacrifie un bélier châtré pour offrir à la communauté pastorale le couscous aux sept légumes avec de la viande bien rôtie. ».

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Située entre Figuig et la vallée de la Moulouya, la vieille citadelle de Rchida surplombe la plaine de Tafrata, là même où nomadisaient au 12ème siècle, les mérinides(Banû - Marine en arabe), ces Berbères Zénètes venus de l'Est. Dans sa généalogie des Mérinides« peuple qui gouverna le Maghreb et l'Espagne »[1] Ibn Khaldoun écrivait :« Les Banû - Marine, peuple dont la généalogie se rattache à celle des Zenata avaient leurs lieux de parcours dans la région qui s'étend depuis Figuig à Sijilmassa et, de là, au Moulouya...Les Banû-Marine parcouraient en nomades le désert qui sépare Figuig du Moulouya. Lors de l'établissement de l'empire Almohade, et même auparavant, ils avaient l'habitude de monter dans le Tell afin de visiter les localités qui s'étendent depuis Guercif jusqu'à Outat. Ces voyages leur permirent de faire connaissance avec les débris de l'ancienne race zénatienne qui habitait la région du Moulouya et de se lier d'amitié avec les Miknassa des montagnes de Taza et les Béni Waraïn tribu Maghraouienne qui occupait les bourgades d'Outat, dans le haut Moulouya. Tous les ans, pendant les printemps et l'été, ils parcouraient ces contrées ; ensuite ils descendaient dans leur quartier d'hiver, emportant avec eux une provision de grains pour la subsistance de leur famille. » 

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C'est au cours de ce tournage que nous avons visité Rchida, vieille citadelle qui surplombant la plaine de Tafrata au sud du couloir de Taza . Sa vieille mosquée remonte à Al Rachid, l'un des souverains mérinides : d'où ce toponyme de « Rchida », par référence au fondateur mérinide de la citadelle.

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Rchida

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Rchida est l'un de ces jalons qui reliaient à chacun des horizons, ce qui fut jadis « la route des mérinides ». D'après le Mûsnad d'Ibn Marzouq,Abû Al Hassan, le Sultan mérinide qui régna de1331 à 1351, et qui construisit la belle médersa de Taza, « créa un nombre d'enceintes et de Vigies tel, que si l'on allume un feu au sommet de l'une d'elles, le signal est répété sur toutes, dans une seule nuit, sur une distance que les caravanes mettent deux mois à parcourir de la ville de Safi au pays d'Alger... » CIMG1086.JPG

L'imam de la grande mosquée de la Zaouia de Rchida, nous disait que c'est là qu'étudiaient les quarante tolba de tous les horizons ; ils y affluaient de partout : des Branès, de Guercif, de Melloulou  :«les chorfa , ajoutait -il, veillaient à leur nourriture, et leurs oraisons portaient jusqu'au fond de la valée. Cette vieille mosquée fut édifiée du temps des mérinides. EIle fut restaurée par Sidi Ahmed Ben El Mamoune du temps du Sultan Hassan 1er qui y effectua la prière du vendredi en compagnie des chorfa.»

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Ils n'auraient fondé ce douar d'Admer qu'après l'avènement du saint patron de Rchida et son établissement dans ces hauts plateaux de la Gada de Debdou. Ce sont les descendants de ce saint et ses arrières petits fils qui habitent ce pays depuis des années et des siècles. les ADMER, les BNI KHLAFTEN, et RCHIDA sont les premiers habitants de ces montagnes et de ces terres .  Les anciens Berbères autochtones restaient cantonnés au flancs des montagne, tandis que la plaine de Tafrata était devenue le domaine où transhumaient les mérinides, ces Berbères Zénètes venus de l'Est, et dont faisaient partie les actuels Hawwâra. Quant aux arabes, de ces parages, ils étaient justes des pasteurs nomades se déplaçant avec leurs tentes.
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Nous avons retrouvé ici le même troglodytisme qu'à Taza, en particulier au village d'Admer, où les villageois habitaient eux aussi dans ces grottes dénommées « Kifan ». Situé au pied d'une falaise où sont creusées de nombreuses grottes, où étaient gardés à l'abri des maraudeurs, les richesses dont disposait la tribu, le douar Admer porte le même nom que la montagne sur laquelle il est adossé : Jbel Admer. Ce village troglodyte est situé non loin de Rchida ; la vielle citadelle mérinide qui domine en falaise la plaine de Tafrata .  terre qui a vu le passage de beaucoup de monde, nous dient les villageois d'Admer : les Banû Marîn, et les Banû  Wattass, du temps de leurs anciennes gloires. Dans ces temps révolus, qui avaient connu les anciennes batailles  mérinides et Wattassides, les gens  de ces parages n'habitaient que dans des grottes et sous des tentes. 

                                  Les différents étages écologiques de BERKINE

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L'homme vit soit au sommet des montagnes pour la transhumance d'été, soit le long des berges des rivières pour les labours et la transhumance d'hiver. De ce fait il possède deux logis : une bergerie de montagne et une bâtisse le long de la rivière.

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   La seule  ouvertures de cette cuvette de Berkine est ce sentier filant vers cet, « Abrid Romane », qui ajoute peut - être quelque intérêt nouveau, à la question toujours controversée de l'itinéraire suivi par Suetonius Paulinus dans son aventureuse expédition à travers le Moyen Atlas. Au fond de la cuvette, l'ancien volcan éteint « l'Ich- N'Aït -Aziz ». La largeur de son cône atteint près d'un kilomètre. Ses cendres éruptives couvrent toute une partie de la cuvette de Berkine. Les Berbères appellent cet ancien volcan du nom « d'Afoud » qui signifie ici, « celui qui est dépourvu de genou ». Un autre volcan existe au fossé oriental de Bou - Iblâne : « Ich-N'Aït Abdellah », du nom de la tribu qui s'est établie, là où il avait fait irruption, il y a de cela des millénaires. Jbel Bou Nacer avec ses plaques de neige quasi persistantes, ne procure que l'illusion d'un imposant château d'eau : la pente trop brutale de ses versants ne permet pas l'accumulation de trop grandes réserves. L'eau est néanmoins assez abondante pour suffire aux besoins d'une population, peu nombreuses et clairsemée.
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  En arrivant chez les Bni Hassan au printemps 1923, en un point d'appui qui débouche sur Berkine, les Français apprennent que la puissante confédération Marmoucha  viendra prêter son appui à Si Mohand Belgacem, qui a décidé de se retirer dans la montagne la plus inaccessible pour ne pas se soumettre aux colonisateurs. Pour ces derniers « il fallait en finir avec les Bni Jellidacène et pour cela atteindre dans son autorité l'agitateur Sidi Belqacem Azeroual en occupant Berkine, confluent des oueds Bni Mansor et Bni Bou N'çor qui commande l'accès à la zaouia du chérif et aux passages qui permettent aux Jouyouch  Bni Jellidacène de se répondre dans la zone de Bou Rached, la vallée du Melellou et de la Moulouya.
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« Dans ces parages, nous dit Aziz Bennaçerles chorfa de Sidi Belqacem sont connus depuis toujours pour leur pouvoir et leur bienfait. Leur baraka est grande : elle rayonne de jour comme de nuit. Leur réputation est ancienne, et quiconque se  rend chez eux est assuré du gîte et du couvert. Là bas, il y a une grande baraka. Le pays parait parcimonieux, pourtant il est en mesure de nourrir mille et une bouche grâce à la baraka. » La cuvette de Berkine constitue l'assise territoriale des Bni H'sen, fraction des Bni Jellidassen, littéralement "les fils du Roi", la principale tribu de la confédération Bni Waraïn au sud du couloir de Taza. Ils se distinguent par l'habillement de cérémonie en fine laine des moutons de la transhumance en hauts alpages

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 BERKINE

Une crête lumineuse, voici reluire au loin Berkine, comme une pincée de sel sur la montagne ! Elle surplombe cette vaste cuvette du Moyen Atlas Oriental. Des lignes de montagnes plus basses compartimentent la cuvette, y rendant la circulation mal aisée. La roideur des pentes, en favorisant un ruissellement intense, s'oppose à la fixation du moindre humus, comme on le remarque bien à l'absence de manteau végétal, dans ce paysage tourmenté aux allures lunaires.

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Le poste militaire Français établi à Berkine

Pour venir à bout de la résistance des Bni Jellidassen, les Français décident d'occuper Berkine, où ils établiront leur caserne en 1926. Mais Si Mohand, le chef de la zaouïa de Sidi Belqacem, leur farouche adversaire, aboutit avec les Marmoucha à la formation d'une Harka de 800 fusils sur l'oued Zobzit. Dans cet étroit compartiment de la « tache de Taza », il était l'âme obstinée de la résistance à la pénétration coloniale.

CIMG1173.JPG   Sur le chemin qui remonte de la plaine de Tafrata vers Berkine, nous rencontrons les gens du douar Bni h’ssan, connus pour leur tenue traditionnelle, leurs chansonniers, leurs hautboistes et leurs musiciens. Dans la commune de Berkine, ces Bni H’ssan, font partie de la fraction Ahl R’baâ,  des Bni Jellidassen, la plus importante tribu de la confédération des Bni Waraïn,

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La mosquée de Berkine

Leur agriculture paraît maigre mais elle contient de la baraka. Elle leur permet l’autosubsistance. Ils ont un bel élevage, et même si la forêt est insuffisante, elle a un rôle important à jouer. Ce sont les Bni H’ssan qui animent le marché aux grains de Berkine. Ils animaient depuis toujours et en tous lieux, festivités, fêtes de mariages et autres cérémonies.  Ce douar des Bni H’ssan, fait partie de la fraction Ahl R’baâ, de la commune de Berkine. Ils font partie de la tribu Bni Jellidassen, la plus imprtante de la confédération  Bni Waraïn

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Nous avons remonté l'oued Aït Bou Aziz en contrebas de Berkine et de Bou-Iblân, d'Est en Ouest jusqu'à la Zaouia de Sidi Belqacem qui a joué un rôle important de fédérateur des transhumants Marmoucha et Bni Waraïn dans la lutte contre la pénétration coloniale.

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Le thalweg  limoneux des oueds est souligné par un étroit ruban végétal où se retrouvent le jujubier buissonnant ou même arborescent, associé à des pieds d'alfa, des bouquets d'armoise blanche et quelques massifs de lauriers rose. CIMG1282.JPG

En ce haut pays, les eaux pluviales sont drainés par un collecteur unique, le Zobzit, sous affluent de la Moulouya, qui prend naissance à Berkine. A son amont deux cours d'eau qui suivent chacun une vallée parallèle au Bou - Iblâne. Ils portent chacun le nom de la tribu qui vit sur ses berges : Assif -n'Aït - Bou N'çor et Assif-n'Aït Mansour. Leur cours supérieur porte le nom d'Assif Ouloud(la rivière du limon). Les vallées des oueds Aït Bou N'çor et Aït Mansour s'ornementent de beaux rideaux presque ininterrompus de peupliers et de saules au troncs desquels la vigne enroule de loin en loin ses capricieuses torsades. Des essences plus modestes croissent dans leur voisinage : le câprier, le tamarin, le micocoulier (Taghzaz), dont on taille des planchettes - écritoires pour écoliers.

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" Vois la montagne ! Vois le pigeon ! Vois l'associé ! Vois le fumier ! »

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Les premières neiges tombent sur les montagnes, le pigeon annonciateur de l'hiver est de retour, le moment est venu de songer aux travaux agricoles, de rechercher son associé et de transporter le fumier sur les terres. Ils redonnent vertu à la semence en y incorporant les cendres de l'Achoura, ou en y jetant les grains de la première ou de la dernière gerbe de la récolte précédente. Ces grains passent pour être imprégnés de la baraka et incarnent les forces vives de la végétation.C'est à ce moment précis, en automne de l'année 2006, que nous avons entrepris un des tournages de la série « la musique dans la vie » : c'était dans la « tache de Taza », sur « la route des mérinides » à un moment où les fellahs fumaient la terre. C'est un dimanche, premier jour de la semaine, où les Berbères choisissent pour tracerleur premier sillon.

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Bien que fixé au 17 octobre de l'année julienne, les labours d'automne ne peuvent être pratiquement entrepris qu'aussitôt après la chute des premières averses. Mais la saison des pluies commence parfois si tard que le fellah doit reporter l'inauguration de ses travaux à une date beaucoup plus reculée, en fin décembre, parfois même au commencement de janvier.

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Une des caractéristiques des Bni Waraïn est d'avoir une maison, un terrain de culture et de parcours, en plaine et en montagne. Les zones d'habitat privilégiées sont les vallées des oueds où sont cantonnées la plupart des sources dont chacune est un centre permanent de chritallisation humaine.

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De sol cultivable la nature est extrêmement avare ; il faut arrêter la fuite des terres arables entraînée par le ruissellement en élevant des murettes en galets. On obtient ainsi ces terrasses de forme géométriques, en damiers irréguliers dont chacune est la propriété précieuse d'un chef de foyer.

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Pressoir d'huile d'olive

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Au bord de l'oued Aït Mansour , le laboureur Mohamed Mala, laisse tomber pour un instant  attelage et  charrue pour  venire nous entretenir sous un vieux eucalyptus:

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«On appelle ses rivages, le « verger d'Iswal ». Ils sont cultivés aussi bien par les descendants de Sidi Belqacem que par ceux des Bni Aziz. Mais rares sont ceux parmi les descendant de sidi Belqacem qui habitent au bord de l'oued à part le douar que vous voyez là - bas.  La plupart des gens possèdent des terrains de culture au bord de l'oued, mais leur maison se trouve là-haut dans la montagne : pour venir travailler ici, ils descendent de la montagne. Moi-même j'ai une propriété ici, au pays des Bni Aziz alors que ma maison se trouve là haut au Jbal Bni Bou N'çor, où  nous avons un peu de culture et un peu d'élevage. Des terres irriguées mais aussi  bour. En période estivale, nous semons le maïs, mais en cette période automnale nous semons plutôt le blé tendre et les fèves. Ce ne sont que de petites parcelles où nous cultivons aussi un peu de légumineuses pour nos foyers. On n'en met pas trop puisque nous n'avons que de petits lopins de terre. Et quand l'oued est en crûe, il emporte toutes nos cultures sur son passage.. » Tous les étages écologiques sont mis à contribution, aussi bien pour l'élevage que pour l'agriculture : des sommets enneigés aux vallées verdoyantes.

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Ainsi, une fois les labours et les semailles effectués en montagne au début de l'automne, on descend procéder aux labours de plaine en décembre et janvier.

On séjourne en Taïzîrt sous la tente, jusqu'en mai, époque de la moisson précoce(Bekri), puis celle-ci achevée, on reprend le chemin de la montagne, où une seconde moisson, plus tardive(Mazozi), attend d'être coupée à son tour.

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Tout le long des cours d'eau, nombreux sont les moulins à eau : on en dénombre quelques 83, rien qu'à Berkine. Le grain est versé dans une trémie, sorte d'auge carrée en palmier nain,large par le haut, étroit par le bas, et maintenu au plafond par des cordes.CIMG1330.JPG

Au dessus de la trémie est fixé un conduit en bois « lqandîl », par lequel le grain se déverse dans l'oeillard « Tît » d'où il descent pour être broyé par les deux meules.

L'usage est de laisser quelques grains dans l'œil du moulin : ce « souper du moulin » est considéré comme étant chargé de baraka.

L'eau amenée par un conduit tombe d'une hauteur de deux mètres sur une roue de 40 centimètres. L'appareil est mobile sur un arbre.

En ce début de la transhumance d'hiver,chacun apporte son grain à moudre en prévision des grands déplacements. Le meunier prélève un dixième sur chaque mouture.

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Automne précocement doré: par trop de lumière et de soleil...

A l'époque où les troupes françaises font leur première apparition au Maroc Oriental, l'autorité est détenue chez les Aït Jellidassen, par la famille des chorfa Aït Sidi Belqacem. C'est dans cette Zaouïa, que les gens de  tribus se rassemblèrent d'abord pour faire face à la pénétration française. Mais mitraillés par l'aviation et bombardés par les canons, ils finissent par se dissocier.

Aisi s'ouvre « le pays rond , des Aït Jellidassen, où suivant, la parole même de Si Mohand  Belqacem ; ne devait de son vivant réussir à pénétrer le guerrier français .. .

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En nous accueillant en haut de la colline où se trouve le sanctuaire, sur la rive droite de la rivière, le moqadem Abdellah Ben Ahmed, nous explique en ces termes en quoi consiste la gestion de la zaouïa de Sidi Belqacem Azeroual :

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«  À tour de rôle, la clé de la zaouia  est confiée à un moqadam durant cinq, six , voir dix ans. Grâce aux offrandes qu'il reçoit, il nourrit les étudiants en théologie venus de tous les horizons, ainsi que les pèlerins de passage. De la mi août à la mi septembre, quatre fêtes patronales ont lieu à Sidi Belqacem : le moussem des Bni Aziz, celui des Bni Bou N'çor, celui de Sidi Belqacem, et enfin celui des Bni Mansour. Ce sont les quatre principaux moussem. Les pèlerins viennent de toutes les fractions : d'Immouzzar des Marmoucha, d'Ahermoummou,de Tahla, des Maghraoua. Ils viennent aussi de la région de Taza, d'Oujda et de Taourirt : le moqadam les reçoit les nourrit gracieusement."

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A l'issue de cet entretien, les membres présents de la zaouia déclamèrent solennellement d'une voix grave, sereine et paisible, la sourate de la lumière :« Dieu est la lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un verre pareil à un astre étincelant qui s'allume grâce à un arbre béni : un olivier qui n'est ni de l'Orient ni de l'Occident et dont l'huile brillerait sans qu'un feu la touche, ou peu s'en faut.Lumière sur lumière. Dieu dirige vers la lumière qui il veut. Il propose aux hommes des paraboles. Dieu connaît parfaitement toute chose. »

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Le thème de la lumière est une des constantes de l'enseignement soufi, comme du Coran. C'est elle qui pénètre dans les cœurs qui s'ouvrent à Dieu. Elle se présente chaque fois comme une force spirituelle, un appel à la vie intérieur.

Abdelkader Mana

[1] Ibn Khaldoun :« histoire des Berbères », tome quatrième, p.25 et suivantes.

 

06:28 Écrit par elhajthami dans Histoire, Le couloir de Taza | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : le couloir de taza | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook