05/02/2012
Soirée de Samaâ
Musique et extase
Reportage photographique d'Abdelkader Mana
Hier soir, le vendredi 12 mars 2010, Essaouira a connu une mémorable soirée de musique et d'extase (pour parodier un célèbre ouvrage de Jhon During), à Dar Souiri, aniumée par les Haddarates d'Essaouira, et les chanteurs du Samaâ de la zaouia des Darkaoua. Le public était composé essentiellement de femmes, qui ne sratent pas l'occasion d'assister aux soirées musicales organisées ces derniers temps par Latifa Boumazzourh(présidente des Haddarates d'Essaouira, un groupe qui monte au niveau local et qui se fait déjà connaître au niveau international, en France et bientôt en Italie) et Monsieur Marina un grand connaisseur du samaâ (oratorio) qui a déjà fait ces preuves dans ce domaine au niveau national. Nous avons assisté à la soirée d'hier et profiter de l'occasion pour prendre quelques images pour marquer cet évènement.
12:52 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique, photographie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
La route des mérinides
La route des Mérinides
C'est , par le Sud du couloir de Taza, que passait jadis « la route des mérinides » : la fameuse « Triq Sultan » qui unissait Fès au Maroc Oriental via Sefrou, Rchida et Debdou. Les transhumants Bni Waraïn et Houwara Oulad Rahou sont arrivés au couloir de Taza dans le sillage des Mérinides depuis Figuig où ils nomadisaient jadis
Au déclin des Almohades, leurs successeurs mérinides occupent Taza dés 1216, considérée alors comme « la clé et le verrou du Gharb », souligne l'auteur du Bayân : « Une fois installé à Taza, Abû Yahya, prince mérinide, fit battre les tambours et hisser les bannières. De toutes part, les chefs de tribus accompagnés de délégations vinrent lui présenter leur hommage. Car il avait auparavant occupé le rang d'émir au sein des tribus Banû Marîn, mais sans tambours ni étendards ».Vers 1227, les mérinides étaient devenus les maîtres incontestés de « toutes les tribus et campagnes situées entre le Moulouya et le Bou Regreg ». Cette époque est restée liée à des souvenirs de magnificence et presque de légende. On connaît le vieux dicton : « Après les Banû Marîn et les Baû Wattas, il ne reste personne ! ».
Roman Lazarev
Ibn Khaldoun nous dit qu'à leur avènement, les mérinides ont détruit l'une des principales ressources de la région ; l'oléiculture. Dans cette région, les premières plantations d'olivier remontent aux Almohades, comme le souligne Ibn Ghâzi, au début du 15ème siècle :« Dans les bonnes années, écrivait - il, et avant que les Banû Marîn eussent commencer à ruiner le Maghreb extrême, lors de l'affaiblissement de l'autorité Almohade, la récolte des olives au Ribât de Taza, se vendait environ 25 000 dinars ».
Bataille de Roman Lazarev
C'est non loin de cette vieille citadelle de Rchida qu' Abd el Haq,le premier souverain mérinide, alors âgé de 73 ans, trouva la mort avec son fils, Abû Al Âlaa Idris, lors de la bataille contre les arabes Ryah, chargés par les Almohades de surveiller le couloir de Taza. Sid Yaâgoub, le saint patron de Rchida, serait selon une légende dorée, un Idrisside qui priait dans les grottes de la Gada de Debdou, qui domine en falaise, la plaine de Tafrata. Moulay Ali Chérif le fondateur de la dynastie Alaouite est également passé par là. On dit même qu'à l'aube du 20ème siècle, le Rogui Bouhmara est arrivé un jour avec sa harka dans la plaine de Tafrata et aurait pris aux gens leur bétail. C'est là aussi qu'en 1914 les premiers bataillons français en provenance d'Algérie avaient établi leur avant poste ; le camp de Mahiridja.
« Depuis la nuit des temps , le pastoralisme est le trait distinctif des Hawwâra Oulad Rahou et de leurs ancêtres, nous explique Abdellah Bachiri. L'hiver, ils transhument dans la plaine de Tafrata et en période estivale , aux plateau de la Dahra, aux pacages steppiques de la Fhama, Et quand à nouveau l'herbe repousse drue, ils reviennent à la plaine de Tafrata. » Ce n'est que quand le pâturage fait défaut aux Hawwâra , qu'ils vont transhumer sur ces hauts plateaux de la Gada de Debdou. La tonte d'ovins a lieu chez eux vers la fin du printemps et au solstice d'été. On prépare alors le pain du berger dénommé « Magloub », nom qu'on donne par extension à cette berceuse qui accompagne la tonte d'ovins :
Ô berger ! Ramène la brebis à l'allure de gazelle !
La brebis au museau roux et au beau présageCelui à qui, elle manque, meurt de faim
Et passe une nuit blanche à réfléchir !
Située entre Figuig et la vallée de la Moulouya, la vieille citadelle de Rchida surplombe la plaine de Tafrata, là même où nomadisaient au 12ème siècle, les mérinides(Banû - Marine en arabe), ces Berbères Zénètes venus de l'Est. Dans sa généalogie des Mérinides« peuple qui gouverna le Maghreb et l'Espagne »[1] Ibn Khaldoun écrivait :« Les Banû - Marine, peuple dont la généalogie se rattache à celle des Zenata avaient leurs lieux de parcours dans la région qui s'étend depuis Figuig à Sijilmassa et, de là, au Moulouya...Les Banû-Marine parcouraient en nomades le désert qui sépare Figuig du Moulouya. Lors de l'établissement de l'empire Almohade, et même auparavant, ils avaient l'habitude de monter dans le Tell afin de visiter les localités qui s'étendent depuis Guercif jusqu'à Outat. Ces voyages leur permirent de faire connaissance avec les débris de l'ancienne race zénatienne qui habitait la région du Moulouya et de se lier d'amitié avec les Miknassa des montagnes de Taza et les Béni Waraïn tribu Maghraouienne qui occupait les bourgades d'Outat, dans le haut Moulouya. Tous les ans, pendant les printemps et l'été, ils parcouraient ces contrées ; ensuite ils descendaient dans leur quartier d'hiver, emportant avec eux une provision de grains pour la subsistance de leur famille. »
C'est au cours de ce tournage que nous avons visité Rchida, vieille citadelle qui surplombant la plaine de Tafrata au sud du couloir de Taza . Sa vieille mosquée remonte à Al Rachid, l'un des souverains mérinides : d'où ce toponyme de « Rchida », par référence au fondateur mérinide de la citadelle.
Rchida
Rchida est l'un de ces jalons qui reliaient à chacun des horizons, ce qui fut jadis « la route des mérinides ». D'après le Mûsnad d'Ibn Marzouq,Abû Al Hassan, le Sultan mérinide qui régna de1331 à 1351, et qui construisit la belle médersa de Taza, « créa un nombre d'enceintes et de Vigies tel, que si l'on allume un feu au sommet de l'une d'elles, le signal est répété sur toutes, dans une seule nuit, sur une distance que les caravanes mettent deux mois à parcourir de la ville de Safi au pays d'Alger... »L'imam de la grande mosquée de la Zaouia de Rchida, nous disait que c'est là qu'étudiaient les quarante tolba de tous les horizons ; ils y affluaient de partout : des Branès, de Guercif, de Melloulou :«les chorfa , ajoutait -il, veillaient à leur nourriture, et leurs oraisons portaient jusqu'au fond de la valée. Cette vieille mosquée fut édifiée du temps des mérinides. EIle fut restaurée par Sidi Ahmed Ben El Mamoune du temps du Sultan Hassan 1er qui y effectua la prière du vendredi en compagnie des chorfa.»
L'homme vit soit au sommet des montagnes pour la transhumance d'été, soit le long des berges des rivières pour les labours et la transhumance d'hiver. De ce fait il possède deux logis : une bergerie de montagne et une bâtisse le long de la rivière.
La seule ouvertures de cette cuvette de Berkine est ce sentier filant vers cet, « Abrid Romane », qui ajoute peut - être quelque intérêt nouveau, à la question toujours controversée de l'itinéraire suivi par Suetonius Paulinus dans son aventureuse expédition à travers le Moyen Atlas. Au fond de la cuvette, l'ancien volcan éteint « l'Ich- N'Aït -Aziz ». La largeur de son cône atteint près d'un kilomètre. Ses cendres éruptives couvrent toute une partie de la cuvette de Berkine. Les Berbères appellent cet ancien volcan du nom « d'Afoud » qui signifie ici, « celui qui est dépourvu de genou ». Un autre volcan existe au fossé oriental de Bou - Iblâne : « Ich-N'Aït Abdellah », du nom de la tribu qui s'est établie, là où il avait fait irruption, il y a de cela des millénaires. Jbel Bou Nacer avec ses plaques de neige quasi persistantes, ne procure que l'illusion d'un imposant château d'eau : la pente trop brutale de ses versants ne permet pas l'accumulation de trop grandes réserves. L'eau est néanmoins assez abondante pour suffire aux besoins d'une population, peu nombreuses et clairsemée.« Dans ces parages, nous dit Aziz Bennaçerles chorfa de Sidi Belqacem sont connus depuis toujours pour leur pouvoir et leur bienfait. Leur baraka est grande : elle rayonne de jour comme de nuit. Leur réputation est ancienne, et quiconque se rend chez eux est assuré du gîte et du couvert. Là bas, il y a une grande baraka. Le pays parait parcimonieux, pourtant il est en mesure de nourrir mille et une bouche grâce à la baraka. » La cuvette de Berkine constitue l'assise territoriale des Bni H'sen, fraction des Bni Jellidassen, littéralement "les fils du Roi", la principale tribu de la confédération Bni Waraïn au sud du couloir de Taza. Ils se distinguent par l'habillement de cérémonie en fine laine des moutons de la transhumance en hauts alpages
BERKINE
Une crête lumineuse, voici reluire au loin Berkine, comme une pincée de sel sur la montagne ! Elle surplombe cette vaste cuvette du Moyen Atlas Oriental. Des lignes de montagnes plus basses compartimentent la cuvette, y rendant la circulation mal aisée. La roideur des pentes, en favorisant un ruissellement intense, s'oppose à la fixation du moindre humus, comme on le remarque bien à l'absence de manteau végétal, dans ce paysage tourmenté aux allures lunaires.
Le poste militaire Français établi à BerkinePour venir à bout de la résistance des Bni Jellidassen, les Français décident d'occuper Berkine, où ils établiront leur caserne en 1926. Mais Si Mohand, le chef de la zaouïa de Sidi Belqacem, leur farouche adversaire, aboutit avec les Marmoucha à la formation d'une Harka de 800 fusils sur l'oued Zobzit. Dans cet étroit compartiment de la « tache de Taza », il était l'âme obstinée de la résistance à la pénétration coloniale.
Sur le chemin qui remonte de la plaine de Tafrata vers Berkine, nous rencontrons les gens du douar Bni h’ssan, connus pour leur tenue traditionnelle, leurs chansonniers, leurs hautboistes et leurs musiciens. Dans la commune de Berkine, ces Bni H’ssan, font partie de la fraction Ahl R’baâ, des Bni Jellidassen, la plus importante tribu de la confédération des Bni Waraïn,
La mosquée de BerkineLeur agriculture paraît maigre mais elle contient de la baraka. Elle leur permet l’autosubsistance. Ils ont un bel élevage, et même si la forêt est insuffisante, elle a un rôle important à jouer. Ce sont les Bni H’ssan qui animent le marché aux grains de Berkine. Ils animaient depuis toujours et en tous lieux, festivités, fêtes de mariages et autres cérémonies. Ce douar des Bni H’ssan, fait partie de la fraction Ahl R’baâ, de la commune de Berkine. Ils font partie de la tribu Bni Jellidassen, la plus imprtante de la confédération Bni Waraïn
Nous avons remonté l'oued Aït Bou Aziz en contrebas de Berkine et de Bou-Iblân, d'Est en Ouest jusqu'à la Zaouia de Sidi Belqacem qui a joué un rôle important de fédérateur des transhumants Marmoucha et Bni Waraïn dans la lutte contre la pénétration coloniale.
Le thalweg limoneux des oueds est souligné par un étroit ruban végétal où se retrouvent le jujubier buissonnant ou même arborescent, associé à des pieds d'alfa, des bouquets d'armoise blanche et quelques massifs de lauriers rose.
Les premières neiges tombent sur les montagnes, le pigeon annonciateur de l'hiver est de retour, le moment est venu de songer aux travaux agricoles, de rechercher son associé et de transporter le fumier sur les terres. Ils redonnent vertu à la semence en y incorporant les cendres de l'Achoura, ou en y jetant les grains de la première ou de la dernière gerbe de la récolte précédente. Ces grains passent pour être imprégnés de la baraka et incarnent les forces vives de la végétation.C'est à ce moment précis, en automne de l'année 2006, que nous avons entrepris un des tournages de la série « la musique dans la vie » : c'était dans la « tache de Taza », sur « la route des mérinides » à un moment où les fellahs fumaient la terre. C'est un dimanche, premier jour de la semaine, où les Berbères choisissent pour tracerleur premier sillon.
Bien que fixé au 17 octobre de l'année julienne, les labours d'automne ne peuvent être pratiquement entrepris qu'aussitôt après la chute des premières averses. Mais la saison des pluies commence parfois si tard que le fellah doit reporter l'inauguration de ses travaux à une date beaucoup plus reculée, en fin décembre, parfois même au commencement de janvier.
Une des caractéristiques des Bni Waraïn est d'avoir une maison, un terrain de culture et de parcours, en plaine et en montagne. Les zones d'habitat privilégiées sont les vallées des oueds où sont cantonnées la plupart des sources dont chacune est un centre permanent de chritallisation humaine.
De sol cultivable la nature est extrêmement avare ; il faut arrêter la fuite des terres arables entraînée par le ruissellement en élevant des murettes en galets. On obtient ainsi ces terrasses de forme géométriques, en damiers irréguliers dont chacune est la propriété précieuse d'un chef de foyer.
Ainsi, une fois les labours et les semailles effectués en montagne au début de l'automne, on descend procéder aux labours de plaine en décembre et janvier.
On séjourne en Taïzîrt sous la tente, jusqu'en mai, époque de la moisson précoce(Bekri), puis celle-ci achevée, on reprend le chemin de la montagne, où une seconde moisson, plus tardive(Mazozi), attend d'être coupée à son tour.
Tout le long des cours d'eau, nombreux sont les moulins à eau : on en dénombre quelques 83, rien qu'à Berkine. Le grain est versé dans une trémie, sorte d'auge carrée en palmier nain,large par le haut, étroit par le bas, et maintenu au plafond par des cordes.
Au dessus de la trémie est fixé un conduit en bois « lqandîl », par lequel le grain se déverse dans l'oeillard « Tît » d'où il descent pour être broyé par les deux meules.
L'usage est de laisser quelques grains dans l'œil du moulin : ce « souper du moulin » est considéré comme étant chargé de baraka.
L'eau amenée par un conduit tombe d'une hauteur de deux mètres sur une roue de 40 centimètres. L'appareil est mobile sur un arbre.
En ce début de la transhumance d'hiver,chacun apporte son grain à moudre en prévision des grands déplacements. Le meunier prélève un dixième sur chaque mouture.
A l'époque où les troupes françaises font leur première apparition au Maroc Oriental, l'autorité est détenue chez les Aït Jellidassen, par la famille des chorfa Aït Sidi Belqacem. C'est dans cette Zaouïa, que les gens de tribus se rassemblèrent d'abord pour faire face à la pénétration française. Mais mitraillés par l'aviation et bombardés par les canons, ils finissent par se dissocier.
Aisi s'ouvre « le pays rond , des Aït Jellidassen, où suivant, la parole même de Si Mohand Belqacem ; ne devait de son vivant réussir à pénétrer le guerrier français .. .
En nous accueillant en haut de la colline où se trouve le sanctuaire, sur la rive droite de la rivière, le moqadem Abdellah Ben Ahmed, nous explique en ces termes en quoi consiste la gestion de la zaouïa de Sidi Belqacem Azeroual :
« À tour de rôle, la clé de la zaouia est confiée à un moqadam durant cinq, six , voir dix ans. Grâce aux offrandes qu'il reçoit, il nourrit les étudiants en théologie venus de tous les horizons, ainsi que les pèlerins de passage. De la mi août à la mi septembre, quatre fêtes patronales ont lieu à Sidi Belqacem : le moussem des Bni Aziz, celui des Bni Bou N'çor, celui de Sidi Belqacem, et enfin celui des Bni Mansour. Ce sont les quatre principaux moussem. Les pèlerins viennent de toutes les fractions : d'Immouzzar des Marmoucha, d'Ahermoummou,de Tahla, des Maghraoua. Ils viennent aussi de la région de Taza, d'Oujda et de Taourirt : le moqadam les reçoit les nourrit gracieusement."
A l'issue de cet entretien, les membres présents de la zaouia déclamèrent solennellement d'une voix grave, sereine et paisible, la sourate de la lumière :« Dieu est la lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un verre pareil à un astre étincelant qui s'allume grâce à un arbre béni : un olivier qui n'est ni de l'Orient ni de l'Occident et dont l'huile brillerait sans qu'un feu la touche, ou peu s'en faut.Lumière sur lumière. Dieu dirige vers la lumière qui il veut. Il propose aux hommes des paraboles. Dieu connaît parfaitement toute chose. »
Le thème de la lumière est une des constantes de l'enseignement soufi, comme du Coran. C'est elle qui pénètre dans les cœurs qui s'ouvrent à Dieu. Elle se présente chaque fois comme une force spirituelle, un appel à la vie intérieur.
Abdelkader Mana
[1] Ibn Khaldoun :« histoire des Berbères », tome quatrième, p.25 et suivantes.
06:28 Écrit par elhajthami dans Histoire, Le couloir de Taza | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : le couloir de taza | | del.icio.us | | Digg | Facebook