18/08/2010
Potiers-poètes du Haut-Atlas
Potiers - poètes du Haut – Atlas
«C'est dans le ciel que les abeilles se frayent leur chemin ». Les poètes également.
Toi, mon cher Falk au Tibet, moi en Atlas : on ne peut pas être d’une telle précise prémonition, si le coeur n’était pas aussi pur et l’écoute si attentive, et fine. En réalité, j’ai fui Essaouira pour le Haut-Atlas, parce que j’ai compris que le deuil est impossible. Et « maman », et « maman », il me faudra tôt ou tard la refaire re-vivre par mon écriture : au moins ici au Haut-Atlas, j’ai l’impression qu’ils ne font que « m’attendre à la maison ». Et je ne peux pas encore piper mot de maman, elle qui ne semblait respirer qu’au moindre de mes mouvements. Et je n’ai pas encore pipé mot de maman depuis qu’elle n’est plus là. Car pour moi, elle est toujours là.Donc je suis parti dans le Haut-Atlas, et en parcourant la vallée de l’Ourika, j’ai brusquement fait appel au paysan des Seksawa, qui m’avait promis la main de sa fille à la nativité du Prophète. Je me suis rendu auprès de lui à Imine – Tanoute où j’ai acheté pour lui et pour sa famille un bouc de haute montagne, des légumes et des fruits à profusion, en particulier une énorme pastèque pour rafraîchir ce juillet si torride.
Et notre arrivée commençait bien : nous traversâmes une immense forêt d’oliviers qui nous fit ombre miraculeuse comme le firent des milliers d’oiseaux pour ce saint homme de Tamesloht don’t la principale vertu est de lutter contre les moineaux qui s’enivrent de raisins et de figues.
La maison est petite mais proprette. À mon âge, j’ai honte de refaire ma vie, qui plus avec une jeune fille à peine sortie de l’adolescence. Son père - qui a mon âge - m’encourage en se donnant en exemple :
- J’en suis à ma quatrième femme, me dit-il. Et puis, grâce à ce mariage, ta vie sera revigorée. Tu rajeuniras et tu seras sans âge.
Oui. Mais quand même. En fait, cette jeune « Jmiâ » - c’est son prénom, on appelle les filles nées un vendredi du nom de « Jmiaâ » (c’est-à-dire « vendredite » comme dans Robinson Crusoé) - s’est substituée à la vrai « Jmiaâ », la bergère de vingt – cinq ans qui m’avait séduite par son chant du Tichka, la montagne qui embrasse les étoiles et où s’équilibre la balance des eaux : par la grâce de ce paysan de Boulaâouane (un toponyme qui rappelle, le célèbre vin rouge.) qui veut absolument marier son adolescente à un citadin (qui semble bien repu grâce à sa ronde bedaine), une « Jmiaâ » s’est substituée à une autre. Par la grâce aussi de mon aveuglement : vouloir en découdre avec le deuil par des noces pastorales en haut du Tichka !
En ville, il est vrai, les filles sont si vulgaires : de l’argent ou rien. Et vas-y que tu promènes tes beaux sentiments ailleurs ! Et pourquoi pas en haute montagne. Mais quand même ?
Après un copieux ragoût, je me suis endormi au patio : il suffit d’ouvrir les yeux pour voir étinceler si vivement la grande et la petite ourses. C’est comme cela exactement que nous dormions chez nous à la campagne, entre mont Tama et mont Amsiten. Et comme devinant mes secrètes pensées, le père me dit :
« T’inquiète pas. Ma fille sera pour toi.
- Sans son consentement ?
- Ça va venir. Il faut juste garder le contact avec elle, en lui envoyant de temps en temps des cadeaux. Pour ce qui est de la demande officielle du mariage, elle se fera lors de la prochaine fête du Sacrifice ».
Le Ramadan, c’est pour septembre, le Sacrifice pour décembre. Il faudra attendre 2008 : pour elle, c’est encore trop tôt, pour moi cela commence déjà à faire un peu trop tard, même si je m’évertue à concurrencer les jeunes bergers par de longues promenades en haute montagne.
Mohamed Zouzaf
Au pays d’Aghbar, ce matin, plus précisément au col de Tizi-n-Test, mon ami, le jeune boucher Hassan, dit Tomatique me conseille d’oublier la jeune nubile, avec laquelle je n’ai rien en commun, pour cette Seksawiya, qui chante si bien les airs des bergères se retrouvant au sanctuaire de Lalla Aziza, sainte bergère faisant paître grassement ses troupeaux dans de noirs et lisses granits.
« Tomatique » poursuit :
- Oublie les cadeaux faits hier, limite les dégâts et reviens voir la « vendredite » de Lalla Aziza.
C’est quoi déjà hier ? Lundi 9 juillet 2007.
À cinq heures du matin, je prends la direction d’Imine – Tanout. Une fois sur place, j’hésite : trahir la parole donnée à la nubile ? Mais cela vaut le coup de voir comment cela va fonctionner, avec la bergère plus âgée qu’elle ? Voir si le courant passe mieux entre nous. Mais Jmia la Seksawia est plus inaccessible dans son haut village de Zinit, surnommé ainsi par Lalla Aziza, d’après la légende, en disant aux tribus qui se disputaient sa sépulture : « Zi’nit » (c’est-à-dire « querellez-vous » en berbère).
Un type à la Land Rover me propose de m’y amener au prix exorbitant de 250 Dhs (environ 22 euros), au lieu du prix courant de 10 dirhams, arguant que pour aller à ce prix en camionnette, il faut attendre que les montagnards aient terminé leur marché pour remonter là-haut à partir de 13 heures. Qu’à cela ne tienne : je repasse chez le même marchand de fruits et légumes, pour faire mon marché cette fois-ci pour l’autre « Jmia ».
Après avoir terminé mes courses, je me suis donc dirigé, derrière la station d’essence d’où partent normalement les camionnettes se dirigeant vers Lalla Aziza. Au kiosque, les journaux parlent d’alerte maximum contre le terrorisme. J’appréhende la manière don’t je serais reçu : normalement en pays d’Islam, un homme ne va pas comme cela à la rencontre d’une jeune femme. Mais il n’y a pas moyens de la joindre par téléphone. J’appelle mon ami le peintre souiri Zouzaf et lui demande conseil. Pour lui, il faut absolument que j’oublie la jeune Jmia, car c’est une mineure. Je lui rétorque :
« C’est une mineure, fille d’un mineur : sans jeux de mots son père est un mineur à la retraite après la fermeture des mines de charbon de Jerada, où il avait chopé la silicose, comme les autres mineurs. Mais, m’avait-il précisé, « rien de bien grave : juste 10 % de silicose à la poitrine ». Il avait reçu une indemnité de départ, mais il doit encore attendre quatre ans pour commencer à toucher sa misérable retraite. En attendant il doit vivre de ses deux parcelles : l’une à Boulaâouane en bas pays Seksawa et l’autre à Aït Haddou Youssef en haut pays Seksawa. C’est là au pied du mont Tichka qu’il compte organiser notre mariage.
Je me rends compte progressivement que nous n’avons pas la même notion de temps : alors que pour nous autres citadins — influencés par les étapes de la vie découpées en rondelles de saucissons par la psychologie moderne — nous distinguons enfance, adolescence, jeunesse et âge adulte, pour eux il n’y a que deux étapes dans la vie d’une femme : une vie de jeune fille avant le mariage, et une vie de femme après le mariage. Et ce qui compte dans cette seconde étape, c’est l’enfantement, comme me l’explique un vieux paysan du cru :
« Les enfants sont l’« attache » de la gente féminine. Ils constituent l’étai central qui soutient la tente, le pivot de l’air à battre autour duquel s’effectue le distinguo entre le bon grain et l’ivraie. ».
Mohamed Zouzaf
Vers 13 heures, le chauffeur m’explique qu’il ne peut me prendre en cabine, réservée aux femmes, par contre je peux monter en « terrasse » avec les bagages et les autres voyageurs. Je me hisse péniblement là-haut parmi les pastèques, les brebis, les pneus et les butanes à gaz, et me voilà bientôt rejoint par des paysans jeunes et vieux : on est serré, mais c’est peut-être là le seul moyen de se maintenir en équilibre, en prenant appui les uns sur les autres à chaque virage. Des travaux sont en cours pour transformer la piste en route reliant le bas au haut Seksawa. Je suis le seul à se diriger vers Lalla Aziza, les autres voyageurs vont plus loin vers le village d’Aït-Mhand, jadis souvent visité par Jacques Berque comme me l’explique un vieux compagnon de route :
« Nous avons une parcelle dite « Foum Ma » (bouche d’eau) qui est réservée à Monsieur « Birk ». C’était certes un chrétien, mais par bien des égards, il méritait le respect de tous les musulmans. Il montait chez nous pour une journée et demie à deux jours et on le recevait par de superbes Ahouach sous les noyers. Il y a un mois et demi, son fils est venu chez nous, puis il s’est dirigé vers Lalla Aziza ».
Mohamed Zouzaf
A la naissance de ses deux jumeaux, Jacques Berque avait offert une horloge murale à Lalla Aziza, qui y trône toujours scandant les heures de prières le long des saisons et des jours.Le vrai tombeau de Jacques Berque se trouve peut-être ici chez les Seksawa. En tous les cas sa mémoire y reste vivace…
À l’approche de Lalla-Aziza, de magnifiques peupliers mêlés aux lauriers-roses et aux oliviers nous font ombrage au lit de la rivière. De hautes falaises de schiste noir nous entourent. En vérité, le schiste n’est pas entièrement noir : ici et là il prend une dorure accentuée par les lumières des après-midi finissante. Pour faciliter la montée vers Lalla Aziza, tous les voyageurs descendent et continuent à pied. On me dépose ainsi que mes affaires à la place centrale du village, qui semble déserte à cette heure. Je fis signe à quelqu’un qui m’observait de loin. Je lui dis de me conduire à la maison de Jmia que j’avais filmé chantant dans mon documentaire sur Lalla Aziza en 2001 et que la chaîne marocaine 2M avait depuis lors rediffusé à plusieurs reprises.Il acquiesça aussitôt et me conduisit non loin de là à une vieille maison berbère :
- Jmiaâ ! s’écria –t-il, quelqu’un est venu pour vous !
Aussitôt la vieille porte en bois de noyers s’ouvrit, laissant entrevoir l’accueil amical et rassurant de Jmiaâ. Je ne l’imaginais pas aussi maigre, presque décharnée : on pouvait voir une trace de henné appliquée aux os de ces chevilles. Elle ne suscite pas le désir, mais une forme d’amical respect. Je ne sais pas pourquoi elle me fait plutôt penser à ma grand-mère maternelle. Une forme de spiritualité féminine, de sainteté berbère. J’avais l’impression d’être en face de Lalla Aziza en personne : on pouvait la vénérer amicalement, mais pas l’aimer charnellement.
Une fois que j’ai bien mangé, le tagine qu’elle m’a servi en un éclair — toute la famille participa au festin y compris son jeune frère qui avait été amputé du bras gauche à la suite d’une morsure de vipère dans la rivière — elle me convia à une promenade en tête-à-tête au bord de la rivière. On était accompagné de son jeune bouc blanc, qui la suit comme son ombre, en broutant de-ci de-là. J’avais l’impression qu’il lui tient lieu d’enfant, c’est pourquoi j’ai refusé qu’elle me le sacrifie comme l’avait fait Abraham pour Ismaïl sur le mont du Veau d’or.
L’endroit est d’une beauté sublime : l’eau serpente à l’ombre de verdoyants peupliers et de saules pleureurs. Bientôt, nous sommes rejoints par une dizaine de jeunes filles allant chercher le bois ou faucher de l’herbe tendre pour les lapins laissés à la maison. Et puis portées par la ferveur de leur fraîcheur printanière, elles se mirent à chanter de magnifiques refrains : à la fois très simples et très beaux ; que je n’arrive pas à traduire, du genre :
Où vas-tu, ô beau pied au henné ?
Je traverse juste la rivière pour me rendre à la chaumière du bien-aimé !
Mohamed Zouzaf
Je me suis dit : toi qui recueillais les chants des moissonneurs au pays hahî, voici des chants beaucoup plus frais et plus puissants. Mais résisteront-ils à la route qui est en train de se construire, et qui ouvrira demain ce pays fermé, à la rumeur chaotique du monde ?
Hier, samedi 21 juillet 2007, je me suis rendu au souk hebdomadaire des Mzouda, où j’ai retrouvé Omar Berghout le potier — poète berbère. Il ne m’a pas reconnu et pour cause : notre dernière entrevue remontait à 1994, lorsque j’étais venu le voir avec son père et le vieux poète Ijiwi (littéralement le vent chaud d’août qui fait qu’à la mi-journée les oliveraies bruissent des battements d’ailes de grillons invisibles). Depuis lors il a perdu et son père, lui-même potier — poète et son confrère Ijiwi. Je lui dis que j’avais écrit par la suite dans la revue « Rivages », un article intitulé « Les potiers poètes des Mzouda », et que j’y avais fait référence à ce qu’il me disait en observant des hauteurs où se situe son hameau les étendues infinies des moissons du plat pays, que le vent transformait en ondulations dorées :
« Si nous jetons tous deux notre hameçon dans cet océan, le poisson que tu pêcheras sera rouge, le mien bleu. ».
Une façon de dire, que la même réalité sera perçue différemment par nos deux cerveaux, et que ce soir si beau et si serein n’aurait pas la même répercussion sur nos âmes : une même source d’inspiration avec des échos cosmiques d’une part — un instant promis peut-être à l’éternité par la puissance qu’insuffle le verbe du potier suprême — et peut-être le silence et l’oubli de l’autre. Le silence et l’oubli de ceux à qui Dieu refuse d’adresser ses grâces. Et Berghout de me dire :
- Je me souviens d’une seule chose : lorsque vous aviez demandé à mon père s’il avait des enfants et qu’il vous a répondu : Je n’en ai qu’un seul, unique et ultime torche qui illumine ma vie, et si elle vient à s’éteindre, il n’y aurait plus que des ténèbres.
Voici un extrait de l’article, que j’écrivis au début des années 1990 dans la revue marocaine « Rivages » à l’issue de ma première visite aux potiers-poètes Mzouda :
« On est un peu surpris de découvrir des poètes de tradition orale en grand nombre dans tout le Haut-Atlas, au sud de Marrakech. D’autant que la croyance en un mythique créateur populaire anonyme et collectif est profondément enracinée. Andam Ou Adrar,c’est-à-dire le « compositeur de la montagne » est le parolier des chants accompagnant les danses collectives du Haut-Atlas et les troubadours errants de l’Anti-Atlas. Ainsi parlait Andam Ou Adrar, l’aède de la montagne, conscience vivante du monde berbère :
Ö soleil, si tu te lèves, ouvre tes rayons,
Pour que celui qui est perdu retrouve le chemin de la raison.
Immense est la forêt avec ses montagnes et ses falaises
Obscures sont les ténèbres de la nuit
Qui enserrent la demi-lune sous leurs voiles.
Que vivent les rivières !
Que poussent les plaisirs du bélier sur les collines verdissantes.
Car quand mars recouvre de sa belle parure la mort hivernale
C’est l’espoir qui renaît, ce sont les vierges qui se marient.
Assis au flanc de la montagne, le regard plongé dans la plaine, Barghout, le potier-poète Mzûdî me dit :
« On peut comparer cette plaine devant nous à l’océan. Chaque poète y pêchera selon sa chance. Il m’arrive de passer toute la journée au-dessus de cet océan sans en retirer le moindre poisson. Je suis connu comme habile pêcheur, mais parfois ma part n’est pas dans cet océan » En désignant un autre potier-poète, il poursuit :
« Celui-ci reconnaît que je suis un meilleur pêcheur, mais lorsqu’il a jeté son hameçon, il a sorti de la mer une pêche qui m’était inconnue ».
Au fond de la plaine qui s’assombrit, des hameaux s’allument ici et là, tandis qu’au firmament scintillent les étoiles. Spectacle sublime qui inspire au vieil Ijioui ces mots énigmatiques :
« Seuls les astronomes connaissent les étoiles, mais la poésie en parle à sa manière :
Celui qui a des frères, peut arroser les étoiles dans le ciel
Celui qui a des frères, peut semer le maïs parmi les étoiles.
Sur ce, le vieux poète détacha son âne de l’olivier sauvage et s’en fut par les sentiers fleuris au plus profond des montagnes. Du bord de la rivière d’Assif El Mal, on entend monter le côassement des grenouilles. Mystérieux, le potier-poète chuchote :
« La colonie d’abeilles a quitté sa ruche. Peut-être a-t-elle trouvé un verger fleuri ailleurs ? »
Ce à quoi son interlocuteur répond énigmatiquement :
« Qui peut l’attraper ? C’est dans le ciel que les abeilles se frayent leur chemin ».
Les poètes également. »
L’abeille, symbole récurent de la poésie chleuh, comme le montre ce poème intitulé «O fleur, voici l’abeille ! » :
A l’herbe des prés le henné a dit :
« A quoi bon désirer de l’eau ? »
O fleur, voici l’abeille !
« Puisque les mouflons viennent te narguer ! »
O fleur, voici l’abeille !
« Puisque les mouflons viennent te narguer ! »
O fleur, voici l’abeille !
Et le gerfaut en paix qui jouit de sa tranquilité,
O fleur, voici l’abeille !
Et ne craint de personne nulle atteint mortelle,
O fleur, voici l’abeille !
Vois, un instant suffit pour qu’il fuit à tire d’aile,
O fleur, voici l’abeille !
Et pourtant il était naguère tout à l’aise,
O fleur, voici l’abeille !
Amis, que le Seigneur n’accorde nul profit
O fleur, voici l’abeille !
A qui ne saurait faire chère lie !
O fleur, voici l’abeille !
Seuls sont inébranlables le monde et l’au-delà.
O fleur, voici l’abeille !
Combien instable est la fortune humaine !
O fleur, voici l’abeille !
C’est dans les cieux que le gerfaut déploie ses ailes.
O fleur, voici l’abeille !
Le piège pour le prendre n’est pas encore tendu !
O fleur, voici l’abeille !
A l’herbe du pré le henné a dit :
« A quoi bon désirer de l’eau ? »
O fleur, voici l’abeille !
Sans abeille pas de fleurs, sans fleurs pas de miel aux vertus curatives. Dans la poésie chleuh, il ne s’agit pas de miel, sensé contenir le remède des plantes médicinales de la haute montagne, mais plutôt de l’abeille qui soigne les blessures de l’âme comme le montre ce refrain repris d’une manière lancinante par la chorale des danseuses à chaque bout de rime scandée par le troubadour :
« L’amour est une maladie ! L’amour est une maladie ! »
Deux choses essentielles ont retenu mon attention au Haut-Atlas : l’importance de l’hydrographie et l’antique culte de « Baâl ». Pour ce qui est de l’hydrographie, elle dépend plus du mont Tichka (3 350 m) qui dispose en son sommet d’un immense plateau, fermé au pastoralisme de mars au mois à mai, un véritable jardin de fleurs sauvages, une magnifique prairie du nom d’Agdal. C’est là que réside le véritable réservoir d’eau, d’où coulent, après la fonte des neiges, la plupart des rivières : oued N’fis, Assif –el –Mal, oued Seksawa etc.
L’hydrographie est importante dans la mesure où toute la vie sociale, toutes les tribus et leurs hameaux se concentrent le long de ces rivières. Il y a d’une part le fond des vallées verdoyantes et d’autre part le côté minéral et dénudé des sommets des montagnes. Quoiqu’il constitue le sommet le plus haut du Maroc, le Toubkal semble donner lieu à moins de rivières que le Tichka parce que son sommet est conique et effilé. Il contient pourtant en son sommet (4 167 m) le lac abyssal d’Ifni (ce qui est une redondance puis qu’Ifni signifie « lac » en berbère), qui alimente tout le système d’Irrigation sous terrain du Haouz d’une part — le fameux système des Khattarat étudié par Paul Pascon — et toute la plaine du Souss d’autre part.
Quand le temps se réchauffe on peut entendre à des kilomètres à la ronde le sourd craquement des glaces comme de gigantesques pétarades. Les truites qui y vivent descendent en profondeur en hiver et remontent en surface en été. On n’a jamais pu mesurer sa profondeur — les eaux semblent combler une ancienne crevasse volcanique — et il arrive que des bergers imprudents s’y noient : leur corps remonte alors en surface comme une outre de chèvre remplie d’eau…
Pour les villageois de Tifnout qui résident au versant sud du Toubkal, le lac d’Ifni est à la fois source de vie — c’est de lui que vient l’eau qui irrigue les peupliers bruissant au vent et les immenses et ombrageux noyers — et objet de crainte : en m’y baignant moi-même j’ai rêvé la nuit qu’un monstre m’avait saisi à la cheville, m’entraînant irrésistiblement vers ces profondeurs abyssales. Heureusement que le seul incident réel fut ma chute volontaire du haut de ma jument quand celle-ci s’emballa brusquement vers le lac : j’ai préféré avoir une entorse que de suivre dans sa chute une monture si peu expérimentée.
Dans ces contrées granitiques et abruptes — la minéralité du paysage est à la fois effrayante et belle —, seuls la puissance du mulet peut faire face aux sentiers caillouteux, en guise de cailloux, il s’agit plutôt de lames de fer. Ici plus que chez nous en pays chiadmî, le nom de « montagne de fer » et « canines du monde », prend son véritable sens.
Le lac et la montagne qui l’entoure de toute part inspirent une crainte mêlée de vénération, qu’illustre chaque année ce « Touzzoumt N’Ifni », la fête saisonnière qui se déroule au bord du lac le 1er août du calendrier julien (soit le 13 août du calendrier grégorien). On y sacrifie surtout une brebis et on y scande des « dakra » - sorte de prière païenne où on dit au lac :
Vous êtes notre père ! Vous êtes notre mère !
Ayez pitié de nous, ne nous faites pas de mal !
Un lac divinité que cet Ifni ! Et on y pratique le culte du bélier — plus précisément de la brebis - une réminiscence du culte de « Baal ». Le Dieu des pasteurs et du pastoralisme, puisque le même jour, les femmes d’autres tribus se rendent au versant nord du même Toubkal pour y rendre hommage à Sidi Belkacem, sur la route de l’Oukaïmeden : à l’intérieur du sanctuaire les bergères agitent à cette occasion des outres remplies de lait pour en extraire des barattées de beurre ! Ce rite a lieu à l’évidence pour que les brebis produisent profusion lait et beurre : si cela ne relève pas de l’antique culte que rendent les pasteurs à « Baal », c’est quoi alors ?
Dans un article consacré au lac d’Ifni le géographe Jean Célérier écrit entre autres:
"Dominé et comme écrasé par la masse géante de l'Atlas qui, de trois côtés, l'enferme entre des murailles de 1500 à 1800 mètres, le site est étrange, et d'une grandeur sévère. Notre présence dans un tel lieu, le son même de la voix humaine rompant peut-être un eternel silence a quelque chose d'insolite. On pressent ici un lieu sacré, une source de légende."
C'est cette dernière phrase qui m'interesse dans un article par ailleurs fort technique sur les glaciations et les éboulis. Les légendes, j'ai pu m'en approcher l'été dernier. J'aurai tellement aimé approfondir le sujet à la prochaine saison des fêtes au Haut Atlas au mois d'août prochain Incha Allah!
Abdelkader MANA
02:57 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : haut-atlas, poèsie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le compositeur de la montagne
Le samedi 13 février 2010, en une journée pluvieuse, je suis parti à l'aube au hameau de l'heureuse vallée de Tlit d'où est originaire ma mère, née Zahra Yahya. Mon intention était de photographier les amandiers en fleurs, mais le sol était jancher de pétales: ce matin - là, la pluie a fait perdre aux amandiers beaucoup de leur couronnes florales. A notre hameau d'enfance, il n'y a plus mes oncles maternels, et lalla notre maraine à tous a disparue à son tour, il y a une année, une eternité déjà. Alors j'ai quitté aussitôt notre hameau, après avoir photographier l'immense olivier sous lequel se reposait mon père, pour me rendre au mont Amsiten de notre enfance où j'ai pris ces photos sous la lumière et la pluie.Maintenant que ceux que nous aimons ont disparus, qu'est ce qui nous retient encore à ce beau pays où les amandiers perdent déjà leurs fleurs sous la pluie? Mon corps est mouillé mais mes yeux sont déséchées d'avoir perdu tous ceux que nous avons aimé. Maintenant qu'ils sont tous partis, qu'est ce qui nous retient encore à ce beau pays où les amandiers commencent déjà à perdre leurs pétales mauves et blanches sous la pluie?
« Le poète et la hotte sont semblables,
peronne n’en veut s’il n’y a pas de pluie
et donc de récolte. » Andam Ou Adrar
Ce jour -là j'ai parcouru les sentiers rocailleux et lumineux du mont Amsiten
Ma mère était arrivée à Essaouira à l'âge de cinq ans, vers 1933, c'est-à-dire en pleine période du Dahir Berbère décret par lequel le Protectorat visait à promouvoir deux juridictions parallèles, le droit coutumier berbère d'un côté, et le chraâ , ou juridiction musulmane de l'autre. Ce qui unifia par réaction le nationalisme marocain naissant : dans toutes les mosquées du pays, on répéta le Latif (prière dite quand la communauté musulmane est gravement mise en danger) : « Seigneur, aie pitié de nous, en ne nous séparant pas de nos frères berbères ! »
Le voilà lebeau poulain, Awa
Il est blanc, il est comme la lune, Awa
Il a sa selle et sa lanière,Awa
Mon regard est ravi par sa crinière, Awa
Le coup de foudre s’est emparé de moi, Awa
Si seulement je pouvais l’avoir, awa
Je le couvrirai de beaux bijoux, Awa
A l’aube, quand il sort, Awa
La brise le frappe et l’univers l’enchante, Awa
Celui qui l’aperçoit il faut qu’il pleure Awa
(« Awa », veut dire « ô toi » en berbère)
Pour l'avoir eu sous les yeux depuis toujours; je connais cet arganier et je crois bien qu'il me connait: c'est mon arganier fétiche
Le pays hahî comprend en de nombreux endroits des arganiers sacrés gigantesques parce qu’ils ont toujours été épargnés par les coupes successives, ainsi que des tas de pierres sacrées dénommés Karkour. Cela pouvait être le lieu où un saint ou une sainte telle Lalla Aziza s’est arrêté au cours de son errance légendaire
Lors de mon pèlerinage au Musée de Boujamaâ Lakhdar – placé sous le signe du faucon de Mogador – je me suis mis à l’ombre d’un immense arganier au feuillage luisant, et aux ramifications complexes. La veuve du « magicien de la terre » vint m’y rejoindre pour me raconter que les femmes du pays hahî se rendent en cortège chantant à cet arganier sacré, portant sur la tête des paniers remplis de coquillages, de semoule et de beurre. Une offrande dédiée à l’autel du dieu de la végétation pour qu’il éloigne des champs les nuées de moineaux dévastant les moissons.
De son vivant, ma mère se rendait en pèlerinage soit à Sidi – Yahya, sur la route d’Agadir, soit à Sidi Brahim Ou Aïssa[1], le saint qui mit fin, selon la légende, à la sucrerie saâdienne : il fit s’enrouler une vipère autour du cou du fils du sultan, et ne consentit à l’en délivrer, qu’une fois obtenu le départ de la soldatesque royale du bord de l’oued Ksob, où ils avaient décimé, sur ordre du sultan doré toutes les ruches, pour que les abeilles n’empêchent plus la trituration du sucre de canne. C’est de là que vient le nom de l’oued Ksob (la rivière de canne). La culture de cette canne fut extrêmement florissante, notamment au bord de l’oued des Seksawa (Chichaoua en arabe), et de l’oued Sous, jusqu’à la mort de Moulay Ahmed El Mansour, le 25 août 1603. Les guerres civiles qui éclatèrent, entre ses fils, pour sa succession, ruinèrent les plantations.
[1] Le 14 mars 2009 je me suis rendu avec mon frère majid à sidi Brahim ou Aïssa : il s’agit d’un sanctuaire sans coupole qui contient en fait deux tombeaux : celui de Brahim et celui de Aïssa. L’un démesuremment grand et l’autre de taille moyenne. Il est entouré d’un muret à l’ombre d’ un olivier sauvage. Tout autour un cimetière probablement d’esclaves qui travaillaient dans la sucrerie saâdienne. Le site est situé sur une hauteur qui surplombe l’oued ksob au bord duquel était plantée la canne à sucre. Sur les lieux nous avons rencontré un noire qui fait partie de la zaouia de sidi Brahim Ou Aïssa située en contre bas. Il nous a raconté qu’il y a trente ans de cela, tous les Ganga du sud marocain, se retrouvaient là après les moissons pour une fête annuelle. Non loin de là on remarque un curieux arganier à parasol qui évoque la forme d’un accacia : son tronc est cloué au pilori par des centaines de clous, ce qui est certainement une tradition africaine. C’est un arganier sacré dédié à Lalla Mimouna, auquelle les Ganga sacrifient un bouc noir lors de leur fête estivale. La vallée est maintenant constellée de résidences secondaires appartenant à des européens et le sanctuaire est de moins en moins visité par les locaux : les ganga n’y organisent plus leur maârouf comme jadis. Comme les Gnaoua bilaliens s’était greffés sur Moulay Abdellah Ben Hsein de Tamesloht où ils organisent une fête annuelle durant les sept jours du mouloud, les Ganga de lalla Mimouna organisaient leur fête saisonnière autour du sanctuaire de Sidi Brahim Ou Aïssa.
Les hameaux semblent déserts à première vue à cause de la chaleur accablante. En réalité à cause de l’exode rural massif : après leur mariage, tous les garçons de Fatima sont partis travailler à Agadir . Avec leurs enfants, ils font déjà de ma cousine, une grand-mère ! Et brusquement j’ai eu l’impression de ne plus être le jeune homme que je crois ; puisque ma cousine qui a mon âge est déjà grand-mère ! La fraction de tribu Tlit, ne se reproduit plus, ma prémonition d’il y a vingt ans lorsque j’écrivais un mémoire de sociologie rurale intitulé « la fraction de tribu Tlit est-elle une communauté en dissolution ? » - s’est enfin réalisée.La maison de mon oncle maternel, est actuellement vide et pour cause : tout le monde est parti vivre à Casablanca : dans les bidonvilles d’où sont issus les jeunes camicases du 16 mai 2003.
Les déracinés qui s’exilent dans les périphéries de la métropole sont maintenant Livrés à eux-mêmes, sans les solidarités de jadis et sans les repères de leur tribu d’origine. « Les cadres sociaux de la mémoire » (Halbwachs) sont déboussolés par l’anomie. Déréglée par la misère du monde, l’horloge cosmique, ne scande plus la saison des fêtes. Les nouveaux déracinés ne vivent plus dans ce cadre enchanteur où, lors d’un mariage Haha, je relevais jadis cet échange entre deux lignages :
Le lignage qui reçoit la fille chante :
Nous prenons le chemin qui nous mène
A la maison de nos hôtes
Comme la vie sera facile
Si les gens sont généreux !
Ô gens de bien, accordez-nous votre fille
Car nos petits enfants sont restés seuls
Et nous avons encore un long chemin à refaire.
Et toi, tailleur, confectionne l’habit de la mariée
Et que Dieu lui accorde une vie heureuse !
Le lignage qui offre la fille répond :
C’est notre colombe sauvage que nous vous offrons
Et c’est pour qu’elle soit libre que nous ouvrons les portes
Mais que la mort et le châtiment lui soient épargnés !
La tige du blé, les oiseaux et l’hyène sont souvent utilisés comme métaphore poétiques dans les chants des moissonneurs :
Le jour de la moisson, la tige était sans graine
Et la jeune fille sans hymen
Les oiseaux n’ont laissé que la paille
Et au grand jour la jeune fille était proie de le hyène.
J’ai voulu maintenant rendre visite à Fatima, la fille de mon oncle maternel qui a un peu près mon âge. Mais je me suis perdu en suivant le sentier qui mène à son hameau à la lisière du mont Amsiten. Pas âme qui vive pour m’aider à trouver mon chemin, et sous une chaleur accablante, je n’ose me mettre à l’ombre des arganiers de peur d’être victime de la morsure d’une vipère : comme au pays Seksawa, là aussi les médecins ont été obligés d’amputer un jeune homme de tout son bras, pour sauver le reste du corps, suite à une morsure d’une vipère qui s’est introduite de nuit dans l’amphore où l’on met le sel.
La belle bergère que j’ai connue est maintenant une femme ridée par le travail pénible en haute montagne, et son mari est complètement desséché à force d’aller chercher au mont Amsiten les ruches sauvages qui se cachent au creux des troncs de thuya et d’arganier. À la maison ils n’ont plus qu’une jeune fille de quinze ans. Je dis à Fatima que j’aurai aimé me marier avec une paysanne à condition qu’elle ait au moins la trentaine. Elle me répond qu’ici, les filles se marient très jeunes entre dix-sept et vingt ans : à trente ans elles ont déjà épuisé leur charme à force de labeur et d’enfantement.
Maintenant à Casablanca, nous avons déménagé, moi, ma sœur et ma fille, dans un nouvel appartement, et j'ai dû me rendre tout à l'heure dans l'ancien pour récupérer tous mes documents : une fois dedans, je n'ai pu m'empêcher de sangloter comme un enfant : mon père et ma mère que je n'ose visiter au cimetière de Casablanca parce que j'aurai aimé qu'ils soient enterrés sous l'olivier sauvage de Lalla Toufella Hsein, la sainte de la vallée heureuse de Tlit au pays hahî, entre le mont Amsiten et le mont Tama, où j'ai passé toutes les vacances de mon enfance et mon adolescence, au hameau de Tassila, aujourd'hui tombé en ruine et où ma grand-mère maternelle nous offrait le Balghou , à base de blé tendre, d'huile d'argan et de lait de chèvre... semblent toujours présents dans ce lieu. Le musulman, me dit-on, ne choisit pas sa terre d'élection : il doit être enterré là où la mort l'a surpris. Car la terre entière est temple de Dieu.
Ma mère était née en 1928, en pleine période de famine, et aurait quitté son pays natal au pays hahî à l'âge de cinq ans pour se rendre en compagnie de sa mère à Essaouira, en 1933. Sa grand-mère, originaire de la tribu des Semlala dans le Sous, était elle-même venue au pays hahî, lors d'une précédente famine qui avait frappé le Maroc à la fin du XIXe siècle. Dans un rapport rédigé à l'été 1878, le consul des Etats-Unis à Tanger Felix Mathews, decrit de manière saisissante cette famine survenue en 1877 après trois années de mauvaises récoltes :
« Des centaines de femmes, d'enfants et d'hommes affamés se deversent à Mogador et à Safi. Bon nombre de campagnards meurent en chemin. Des squelettes vivants, des formes émaciées apparaissent dans les rues. La famine et la maladie, déjà terribles chez les pauvres, s'étendent. Avec l'automne et l'hiver, la detresse des gens va encore empirer.Le gouvernement ne fait absolument rien pour eux...alors que les silots regorgent de céréales. Les juifs sont un peu soulagés par leurs coreligionnaires. »
Il est vraiment paradoxal de voir ce pays agricole à la merci de la disette par suite de la moindre sécheresse, souffrir de la faim devant une mer qui compte parmi les plus riches de l'Atlantique...
C'est Lalla, l'aînée des filles de Yahya qui partit la première avec sa mère rejoindre, au début de la famine de 1926, son oncle maternel qui était policier à Essaouira au début du Protectorat français sur le Maroc. Affaiblies par la famine, elles ont effectué le trajet en vingt-quatre heures plus exactement de deux heures du matin, pour éviter l'insolation et la soif, à vingt-trois heures, au lieu d'une demi-journée en temps normal. Pour avancer, Lalla s'accrochait à la queue de l'âne qui transportait sa grand-mère, se nourrissant en cours de route, des racines d'une plante grasse dénommée Guernina , et croisant de nombreuses caravanes, transportant vers Essaouira du charbon de bois d'arganier, cette coupe est l'une des causes de la diminution de cette espèce d'arbre unique au monde , des amendes et de la gomme de sardanaque.
C'étaient les dernières caravanes qui reliaient Mogador à son arrière-pays et à Tombouctou, avant qu'Agadir au Sud et Casablanca au Nord ne supplantent la ville des Gnaoua en tant que principal port du Maroc. Avec la découverte de la machine à vapeur, l'Europe était désormais directement reliée par voix maritime au Sahara et à la boucle du Niger sans avoir à passer par l'ancien « port de Tombouctou », qu'était Mogador.
En cours de route, la jeune fille et sa grand-mère, croisaient aussi, mais plus rarement les « boutefeux » (ces autocars qui fonctionnaient au charbon, et qui transportaient les voyageurs sur leur toit). Une fois la ville en vue, elle devait leur paraître « comme un panier d'œufs au bord d'un lac bleu » comme disait la chanson berbère :
Veux-tu bien que nous ajustions
Son axe au moulin,
Pour moudre en commun
Ton grain et le mien ?
Veux-tu bien qu'en un seul troupeau
Nous mêlions nos ouailles aux tiennes ?
Mais gardes-toi bien
D'y mettre un chacal !
Comment donc, de la plaine,
Surgirait Mogador,
Comment pourrait-on
Haïr qui l'on aime ?
Notre grand-mère Tahemoute, décédée à Essaouira l'été de 1978, était restée très attachée à Sidi Hmad Ou Moussa, le saint patron des acrobates et des troubadours chleuhs, près duquel elle se rendait annuellement en pèlerinage après la rentrée des moissons. L'un des derniers moments les plus poignants que j'ai vécu auprès d'elle, concerne le décès de son frère Hmad : un homme paisible à l'imposante barbe blanche, qui vivait dans l'un des hameaux surplombant l'heureuse vallée de Tlit, depuis les escarpements rocailleux du mont Tama. Il n'avait pas d'enfants et vivait avec ceux de son frère Lahcen : une famille profondément religieuse, également issue de la tribu des Semlala, aux environs de la Maison d'Illigh dans le Sous.
Il avait les jambes enflées, au point d'avoir des difficultés à se mouvoir et était venu avec grand-mère, pour se soigner à Essaouira . À l'hôpital, on fit comprendre à grand-mère que la médecine ne pouvait plus rien pour son frère. On décida alors de le ramener chez lui au pays hahî. On se réveilla aux premières lueurs de l'aube. Mon père fit venir un taxi collectif, juste à côté de chez nous, à l'artère principale des khoddara, les marchands des fruits et légumes, d'où sort le lancinant grésillement des grillons, à cette heure matinale. Les grillons nous ont toujours accompagnés dans nos voyages de l'aube, et nous retrouvons leur grésillement dans les arganiers au plus fort de la canicule.
Nous épaulâmes mon père et moi « Khali Hmad » (qui est en réalité l'oncle maternel de ma mère), et l'accompagnâmes à petits pas jusqu'au taxi où il s'engouffra auprès de sa sœur sur la banquette arrière. Je pris place auprès du chauffeur, et nous partîmes. À peine le taxi avait-il quitté la médina, au moment de s'approvisionner en carburant à la sortie de la ville, que grand-mère éplorée se met à m'adresser de grands signes désespérés : en me retournant, je voyais Khali Hmad, déversant sur ses genoux un long filet de sang qui lui coulait de la bouche. Le brave homme que j'ai tant aimé et respecté était en train de rendre son dernier soupir sur les genoux de sa sœur au sortir de l'aube et de la ville ! Affolé, le chauffeur, voulait rebrousser chemin. Mais Je lui ai intimé l'ordre de continuer vers notre destinée, car c'est là où il était né qu'il devait reposer pour toujours. Il nous dit d'abord que la loi lui interdisait de transporter les morts, mais ayant pitié de moi et de ma grand-mère, il consentit finalement à nous conduire à notre vallée, où khali Hmad fut finalement inhumé parmi les siens, entre le mont Tama et le mont Amsiten, là où les constellations semblent si proches, qu'on peut adresser ses prières, sans intercesseurs, au Seigneur des Mondes.
Alors que sous un ciel gris, les paysans enterraient khali Hmad au milieu des broussailles, de l'heureuse vallée qui l'avait vu naître, j'adressais des suppliques au mont Tama où les amandiers en fleurs ont l'air d'être couverts de flacons de neige. Mes larmes sont d'autant plus amères, qu'il me faisait penser par sa longue barbe blanche à la mort de Léon Tolstoï dans une simple gare. J'étais alors profondément bouleversé par la lecture de La sonate à Kreutzer relatant, le destin tragique de l'homme, face à la vieillesse et sa profonde solitude face à la mort. Pour moi, le vieux paysan ayant rendu l'âme dans les bras de sa sœur mystique, personnifiait le brave moujik d'Isnaïa - Poliana. Alors que les paysans retrouvaient leurs charrues, je continuais à adresser mes suppliques aux montagnes sacrées, en me disant, non pas qu'est-ce que la mort ? Mais pourquoi cette mort en particulier, me faisait tellement penser à celle de l'auteur de Résurrection ?
Après la mort de ma mère, je me suis rendu en pèlerinage à Sidi Brahim Ou Aïssa, pour apaiser mon deuil. À peine ai-je franchi le seuil de son sanctuaire, où je fus reçu par une descendante des anciens esclaves de la sucrerie saâdienne, que je fus brusquement plongé dans l’univers de ma petite enfance : je me voyais ici même jouant en petite culotte avec l’agneau destiné au sacrifice, et j’entendis ma mère disant à la tenancière des lieux, qu’il fallait me flageller aux gerbes de genet, pour me communiquer leur énergie vitale, et surtout pour me délivrer de la jaâra, cette manie de bagarreur communiquée par les esprits malfaisants, et qui me poussait à fuir l’école coranique, pour aller écouter mon conteur préféré, entre les deux vieux cimetières de Bab – Marrakech. En un éclair, le saint protecteur m’a rendu ma mère du temps de sa jeunesse, du temps où elle pouvait voir le monde de ses propres yeux : comme si Sidi Brahim Ou Aïssa, lui avait brusquement restitué l’énergie vitale et la lumière des yeux qu’elle avait perdus à la fin de sa vie. J’ai cru même l’entendre dire, avec la voix qu’elle avait, il y a quarante ans : « Il faut communiquer à mon fils, les énergies bénéfiques des genets fleuris ! ».
Chez les Regraga aussi, j'avais rencontré sur la plage sauvage de Bhay - Bah, la légende selon laquelle, après avoir ordonné de faire descendre la table servie, Jésus aurait ordonné aux aveugles de voir à nouveau, et aux paralytiques de marcher à nouveau. J'ai alors pleuré face au ciel au sein de ce sanctuaire, parce que brusquement j'avais la certitude que ma mère pouvait à nouveau voir et se mouvoir par elle-même !
Vestiges du Maroc préislamique, beaucoup de saints sont dénommés soit Aïssa (Jésus) – comme Sidi Brahim Ou Aïssa (Abraham et Jésus) de l’oued Ksob vénéré par ma mère – soit Yahya (saint jean- Baptiste), probablement en souvenir du passé chrétien du Maroc : la tribu des Haha dont est issue ma mère s’appelle justement Ida Ou Isarne , c’est-à-dire, les descendants des Nazaréens, c’est-à-dire les adeptes des apôtres de Jésus, exactement comme leurs voisins du Nord de l’oued Ksob, la tribu berbère des Regraga qui crurent d’abord au Paraclet qui leur annonça au bord de la saline de Zima l’avènement du sceau des Prophètes : Mohammed.;
À propos de ces prosélytes Regraga, hommes de Dieu, faiseurs de pluie Jacques Berque note : « Dans le Sud marocain, les Regraga font « la soudure », si j’ose dire, entre deux cycles prophétiques : celui de Jésus et celui de Mahomet. Disciples du premier, Hawâriyyûn, ils sont comme les baptistes du second, qu’ils annoncent, et qu’ils vont trouver dés le début de sa mission. Leur personnalité oscille entre une qualification confrérique et une qualification ethnique. »
.
Depuis les basses terrasses on jetait alors des poignées d’amandes et de friandises sur la promise. Portée derrière un parent, sur un mulet, « empaquetée », tel un pain de sucre, dans un haïk blans, le front ceint de basilic, elle quittait définitivement le hameau où elle était née pour celui de son épous.. Les larmes de la séparation, se mêlaient toujours à la joie de la fête, le deuil d’une mort symbolique était toujours suivi de re-naissance.
Malgré ses rides et sa peau tannée par le soleil et les travaux des champs, Fatima garde encore des traces de son charme d’antan. De cet hiver déjà si lointain où j’étais allé la chercher avec mon frère au mont Amsiten où elle gardait son troupeau, lorsque brusquement une pluie diluvienne nous surprit. Son père qui coupait le bois de l’autre côté de la montagne nous cria de rentrer immédiatement dans la vallée. C’était le temps où elle m’apprenait le nom que donnaient les bergers aux plantes sauvages de la montagne : Amzough n’tili(oreille de brebi), ou encore oudi ouchen(beurre ronce du loup). Le temps où le bruit courait encore à propos d’égorgement de brebis égarées par les loups.
Nous arrivâmes trempés jusqu’à l’os au hameau des Broud (les rafraîchis) à la sortie de la forêt où nous fûmes accueillis au coin du feu par Lalla Baytoucha qui me rappelait, par son nom comme par son allure, la vieille ogresse des contes de mon enfance. Quand on caressait les boucs, leur colonne vertébrale se pliait tellement ils étaient transis de froids.Beaucoup plus tard, mon frère m’apprendra qu’en ce lointain jour d’hiver, où le soir est vite tombé, avec le crépitement des flammes, l’odeur du troupeau et de la terre, une poésie à jamais perdue, il avait surpris Lalla Baytoucha faisant une drôle de prière païenne : faute de connaître les sourates du Coran, elle adressait bruyamment ses prières aux arbres et aux pierres !
Assis sur la margelle d’une citerne, un gamin refuse de laisser les gens y puiser. C’est le signe que cette région a été l’une des plus éprouvées par la sécheresse. « Cette année la moisson est mauvaise ! », s’écrie un fellah. En effet, la moisson s’annoce maigre et des hameaux délaissés tombent en ruine : leurs occupants ont fui vers les villes. Qui peut témoigner de la souffrance des fellah durant les dernières années de sécheresse ? Bien sûr, il y a les statestiques, mais aucun témoignage vivant sur ce qu’ils ont enduré dans le silence et la solitude
l'heureuse valée de Tlit vue d'en haut du mont Amsiten
Nous laissâmes donc à Amsitten, notre oncle maternel Mohammad. C'est là qu'il mourra d'ailleurs des années plus tard, plus exactement en 1984 : il était monté chercher son taureau noir on laissait s'engraisser ses bovins en haute montagne dans la solitude complète avant de monter les ramener vers la vallée. Mohammad a probablement voulu forcer le taureau à suivre un raccourci en le frappant au flanc. Le taureau qui refusa, se retourna alors contre mon oncle et se mit à lui enfoncer la poitrine par ses puissantes cornes. Lorsqu'à la tombée de la nuit les paysans inquiets montèrent avec leurs lampes chercher mon oncle, c'est le taureau lui-même qui les avertit par ses beuglements du lieu du drame : il était resté à côté de son maître et victime. On a dû porter le corps de mon oncle dans un burnous : il expira en arrivant à l'hôpital d'Essaouira. Il fut enterré sous les mimosas à l'entrée de la ville, sans que je sache à ce jour où se trouve sa tombe : les humains ont moins d'égard pour les dépouilles des morts que les taureaux noirs. Mon oncle maternel est mort au moment où j'avais pris mon bâton de pèlerin pour suivre pour la première fois, les Regraga dans leurs pérégrinations, en mars 1984. Grand-mère disait que le cours de la vie débouche aussi sûrement sur l'au-delà, que le fleuve se jette dans la mer.
Abdelkader MANA
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L'auteur à la veille de son équipée solitaire au mont Amsiten (février 2010)
02:52 Écrit par elhajthami dans le pays Haha, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : haut-atlas, poèsie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Chants de trouveurs
Chants de trouveur chleuh
Poésie traduite du berbère par Abdelkader Mana assisté de Raja Mohamed
CHANT PREMIER
Eloge à mon Rebab du Raïs Aïsar
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
Le banjo et le luth t’ont privé de ton sel
Ta déchéance retombe finalement sur moi
A force de t’accompagner aux fêtes champêtres:
Je n’ai pu être parmi les miens ne serais-ce qu’une semaine
Seigneur ! Sauvez la langue tachelhit de son état déplorable !
Où sont passés ceux avec qui, j’ai la parole en partage ?
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
Puit de Roman Lazarev
Je suis le parieur qui ne perd jamais
Si le sommeil vient à nous manquer
On peut toujours récupérer
Et si je meurs, c’est cette parole que je vous lègue
Je la transcris dans les livres
S’il y a quelqu’un pour la lire
S’il n’existe pas aujourd’hui
Il existera demain
Celui qui la lira priera pour ma miséricorde
Il saura alors quels effrois m'ont fait périr
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
Seigneur ! Venez au secours de ma pauvre pirogue
Car nous ne saurons nager,
Au milieu de la houle qui s’avance à vive allure
Et des eaux agitées
Si nos mains et nos pieds en viennent à geler
De quel secours pouvons-nous, nous prévaloir,
Avant que les poissons ne nous dévorent?
Dieu seul voit clairement en ces profondeurs insondables
Mon Dieu venez donc au secours de cet orphelin
Car la mère qui prodiguait consolations n’est plus
C’est désormais à toi seul qu’il s’en remet.
Je te dépose ô Ribab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
Je ne les emporterai pas dans ma tombe
Les livres et les érudits nous disent :
Quand le chant n’a plus de sel
Nul chemin ne mène aux biens d’autrui
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
C’est de ce passé où nous avions la parole en partage
Que je te parle
Du temps ou haine et jalousie
N’avez pas encore lieu d’être
Quant au jour d’aujourd’hui
Le monde n’est plus que louvoiement et turpitude
Personne n’aime plus personne
Celui qui a une voiture en veut deux
Et celui qui n’a rien est laissé à sa propre misère
Comment pourrait-il avoir femme et enfant
Celui qui ne possède qu’un pauvre pécule ?
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
La vie chère s'est métamorphosée en faucille qui fauche
N’ayant ni de quoi vendre ni de quoi acheter
Le jour du souk il tremble et se lamente
Mohammad réclame, Kaltoum aussi
Lui veut une djellaba, elle une toge de laine
Pauvre Mohamed qui ne fait que pleurer !
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
Mais voici donc une réjouissante trouvaille
A toutes les portes nous avons frappé
Au point d’en être lassés
En vain avons – nous labouré la terre
Le démunis finira toujours par périr de son indigeance
Or par les temps troublés qui court
Plus nombreux sont les démunis
Plus lourds les quintaux de dette qu'ils portent sur leurs frêles épaules
Plus chère est la vie .
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
Tout le monde se presse au milieu des chemins,
Mais l’au-delà n’est guère lointain
La foule accourt, qui sur un cheval porté par le vent
Comment le pauvre trottinant peut - il l'atteindre?
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
J’implore le bon Dieu, seul digne de mes suppliques
Celui qui endure sans gémir mérite nos égards
Celui qui dans l' adversité est encore en mesure de marcher et de parler
Mérite notre considération
Le bon Dieu m' a ravit mon père et ma mère
Moi, il n’y a qu’une souffrance qui me fasse pleurer
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
Voilà un tas de gens qui se liguent tous contre moi à mon insu
A chaque fois que je croise l’un d’entre eux, il me dit :
« Frère ! Vends ta parcelle de terre ; elle ne sert plus à rien ! »
C’est qu’ils ne veulent plus que je sois propriétaire de ma propre terre !
Que je la laboure pour vivre et pour y élever mes enfants!
Ce n’est pas prendre soins de moi qui les pousse à agir ainsi :
La jalousie est leur vrai mobile !
L’un d’entre eux ne cesse de répéter à son fils :
« C'est cette parcelle qui te convient : occupes- toi s'en !
Entoures-là d’enclos d’épines avant que d’autres ne s’en emparent !»
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
Toutefois, je vais ajouter un mot :
Louange à Dieu seul qui nous a donné tous ces biens
Que peuvent contre nous ceux qui ne nous aiment pas ?
Quand le bon Dieu vous élève, personne ne peut vous rabaisser !
Et quand le bon Dieu vous rabaisse, personne ne peut vous élever !
Que l’orgueil vous quitte
Car celui qui est orgueilleux, rien ne peut éviter sa perte;
Ni tour fortifiée, ni tout l’argent du monde .
L’être ne peut être châtié que par Dieu ; ses semblables ne peuvent rien contre lui.
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
CHANT DEUXIEME
Ohoy ! Ohoy ! du Raïs Aïsar
El Atrach
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
Ohoy ! Ohoy !C'est de moi-même que je vous parle
Ohoy ! Ohoy !Ô Vous qui comprenez !
Ohoy ! Ohoy !Pourquoi jeter les mots blessants qui nous séparent ?
Ohoy ! Ohoy !Je ne t'ai pas pourtant dédaigné ni dit de s'éloigner
Ohoy ! Ohoy !Ne t'avais - je pas plutôt invité mille fois à revenir ?
Ohoy ! Ohoy !Mais à chaque fois ta réponse fut :
Ohoy ! Ohoy !« Je me sens oppressée, tu ne me reverra plus jamais ! »
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
El Atrach
Ohoy ! Ohoy !De ne pouvoir se passer de toi, mon cœur se brise
Ohoy ! Ohoy !C'est jusqu'à l'aube que je pleure
Ohoy ! Ohoy !Ne sachant plus où s'en aller
Ohoy ! Ohoy !Au point d'en perdre raison
Ohoy ! Ohoy !Demandant à quiconque je rencontre
Ohoy ! Ohoy !S'il ne t'avais pas vu par hasard ?
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
Ohoy ! Ohoy !Celui pour qui je pleure
Ohoy ! Ohoy !Est la cause de mes malheurs
Ohoy ! Ohoy !C'est jusqu'à l'aube que je pleure
Ohoy ! Ohoy !Ta séparation désolante
Ohoy ! Ohoy !Je ne t'ai pourtant jamais trahi
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
Ohoy ! Ohoy !Que celui pour qui l'amour n'est pas trahison
Ohoy ! Ohoy !En soit possédé, décharné, désossé !
Ohoy ! Ohoy !Si vous saviez avec quelle patience
Ohoy ! Ohoy !J'ai supporté tout ce qui m'arrive !
Ohoy ! Ohoy !Quand je m'endorme Satan me dit :
Ohoy ! Ohoy !« Regarde, elle est là ta bien aimée ! »
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
Ohoy ! Ohoy !Je quittais mon gîte nu de toute couverture
Ohoy ! Ohoy !Et je m'en allais errant aux lieux inhabités
Ohoy ! Ohoy !Au point d'en perdre la boussole
Ohoy ! Ohoy !Demandant à quiconque que je rencontrais
Ohoy ! Ohoy !S'il n'aurait pas vu mon bien aimé
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
Satan d'Ali Maïmoune
Ohoy ! Ohoy !Pourquoi souhaiter ma souffrance ?
Ohoy ! Ohoy !Pourquoi souhaiter notre séparation ?
Ohoy ! Ohoy !Ce que j'ai ouïe dire en ces temps - ci !
Ohoy ! Ohoy !Ce que j'ai vu de mes propres yeux en ces temps - ci !
Ohoy ! Ohoy !Mais que faire de l'amour, s'il n'est qu'humiliation ?
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
Les larmes de Tabal
Ohoy ! Ohoy !S'il a fallu que tu m'abandonne
Ohoy ! Ohoy !J'errerai toujours sur tes traces
Ohoy ! Ohoy !Si tu es prête à me croire
Ohoy ! Ohoy !Je te prêterais serment par Allah
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
Couleurs négro-berbères de Tabal
Ohoy ! Ohoy !Je me consume de ton amour
Ohoy ! Ohoy !Comme si je me suis jeté au brasier
Ohoy ! Ohoy !Je m'effiloche de ton absence
Ohoy ! Ohoy !Je me noie dans tes larmes jusqu'à l'aube
Ohoy ! Ohoy !Pourrais-tu enfin me dire ce qui m'arrive ?
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
Ohoy ! Ohoy !C'est en toi que j'ai labouré mes suppliques
Ohoy ! Ohoy !Sans jamais en récolter le fruit d'amour
Ohoy ! Ohoy !Dis-moi donc au nom de Dieu
Ohoy ! Ohoy !Si jamais je te suis indigne
Ohoy ! Ohoy !Pour qu'enfin je disparaîsse!
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
02:49 Écrit par elhajthami dans le pays Haha, Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poèsie, haut-atlas | | del.icio.us | | Digg | Facebook