18/08/2010
Chants de trouveurs
Chants de trouveur chleuh
Poésie traduite du berbère par Abdelkader Mana assisté de Raja Mohamed
CHANT PREMIER
Eloge à mon Rebab du Raïs Aïsar
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
Le banjo et le luth t’ont privé de ton sel
Ta déchéance retombe finalement sur moi
A force de t’accompagner aux fêtes champêtres:
Je n’ai pu être parmi les miens ne serais-ce qu’une semaine
Seigneur ! Sauvez la langue tachelhit de son état déplorable !
Où sont passés ceux avec qui, j’ai la parole en partage ?
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
Puit de Roman Lazarev
Je suis le parieur qui ne perd jamais
Si le sommeil vient à nous manquer
On peut toujours récupérer
Et si je meurs, c’est cette parole que je vous lègue
Je la transcris dans les livres
S’il y a quelqu’un pour la lire
S’il n’existe pas aujourd’hui
Il existera demain
Celui qui la lira priera pour ma miséricorde
Il saura alors quels effrois m'ont fait périr
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
Seigneur ! Venez au secours de ma pauvre pirogue
Car nous ne saurons nager,
Au milieu de la houle qui s’avance à vive allure
Et des eaux agitées
Si nos mains et nos pieds en viennent à geler
De quel secours pouvons-nous, nous prévaloir,
Avant que les poissons ne nous dévorent?
Dieu seul voit clairement en ces profondeurs insondables
Mon Dieu venez donc au secours de cet orphelin
Car la mère qui prodiguait consolations n’est plus
C’est désormais à toi seul qu’il s’en remet.
Je te dépose ô Ribab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
Je ne les emporterai pas dans ma tombe
Les livres et les érudits nous disent :
Quand le chant n’a plus de sel
Nul chemin ne mène aux biens d’autrui
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
C’est de ce passé où nous avions la parole en partage
Que je te parle
Du temps ou haine et jalousie
N’avez pas encore lieu d’être
Quant au jour d’aujourd’hui
Le monde n’est plus que louvoiement et turpitude
Personne n’aime plus personne
Celui qui a une voiture en veut deux
Et celui qui n’a rien est laissé à sa propre misère
Comment pourrait-il avoir femme et enfant
Celui qui ne possède qu’un pauvre pécule ?
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
La vie chère s'est métamorphosée en faucille qui fauche
N’ayant ni de quoi vendre ni de quoi acheter
Le jour du souk il tremble et se lamente
Mohammad réclame, Kaltoum aussi
Lui veut une djellaba, elle une toge de laine
Pauvre Mohamed qui ne fait que pleurer !
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
Mais voici donc une réjouissante trouvaille
A toutes les portes nous avons frappé
Au point d’en être lassés
En vain avons – nous labouré la terre
Le démunis finira toujours par périr de son indigeance
Or par les temps troublés qui court
Plus nombreux sont les démunis
Plus lourds les quintaux de dette qu'ils portent sur leurs frêles épaules
Plus chère est la vie .
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
Tout le monde se presse au milieu des chemins,
Mais l’au-delà n’est guère lointain
La foule accourt, qui sur un cheval porté par le vent
Comment le pauvre trottinant peut - il l'atteindre?
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
J’implore le bon Dieu, seul digne de mes suppliques
Celui qui endure sans gémir mérite nos égards
Celui qui dans l' adversité est encore en mesure de marcher et de parler
Mérite notre considération
Le bon Dieu m' a ravit mon père et ma mère
Moi, il n’y a qu’une souffrance qui me fasse pleurer
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
Voilà un tas de gens qui se liguent tous contre moi à mon insu
A chaque fois que je croise l’un d’entre eux, il me dit :
« Frère ! Vends ta parcelle de terre ; elle ne sert plus à rien ! »
C’est qu’ils ne veulent plus que je sois propriétaire de ma propre terre !
Que je la laboure pour vivre et pour y élever mes enfants!
Ce n’est pas prendre soins de moi qui les pousse à agir ainsi :
La jalousie est leur vrai mobile !
L’un d’entre eux ne cesse de répéter à son fils :
« C'est cette parcelle qui te convient : occupes- toi s'en !
Entoures-là d’enclos d’épines avant que d’autres ne s’en emparent !»
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
Toutefois, je vais ajouter un mot :
Louange à Dieu seul qui nous a donné tous ces biens
Que peuvent contre nous ceux qui ne nous aiment pas ?
Quand le bon Dieu vous élève, personne ne peut vous rabaisser !
Et quand le bon Dieu vous rabaisse, personne ne peut vous élever !
Que l’orgueil vous quitte
Car celui qui est orgueilleux, rien ne peut éviter sa perte;
Ni tour fortifiée, ni tout l’argent du monde .
L’être ne peut être châtié que par Dieu ; ses semblables ne peuvent rien contre lui.
Je te dépose ô Rebab puisque personne ne veut plus de toi
Et si tu es fatigué, moi aussi je n’en peux mais
CHANT DEUXIEME
Ohoy ! Ohoy ! du Raïs Aïsar
El Atrach
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
Ohoy ! Ohoy !C'est de moi-même que je vous parle
Ohoy ! Ohoy !Ô Vous qui comprenez !
Ohoy ! Ohoy !Pourquoi jeter les mots blessants qui nous séparent ?
Ohoy ! Ohoy !Je ne t'ai pas pourtant dédaigné ni dit de s'éloigner
Ohoy ! Ohoy !Ne t'avais - je pas plutôt invité mille fois à revenir ?
Ohoy ! Ohoy !Mais à chaque fois ta réponse fut :
Ohoy ! Ohoy !« Je me sens oppressée, tu ne me reverra plus jamais ! »
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
El Atrach
Ohoy ! Ohoy !De ne pouvoir se passer de toi, mon cœur se brise
Ohoy ! Ohoy !C'est jusqu'à l'aube que je pleure
Ohoy ! Ohoy !Ne sachant plus où s'en aller
Ohoy ! Ohoy !Au point d'en perdre raison
Ohoy ! Ohoy !Demandant à quiconque je rencontre
Ohoy ! Ohoy !S'il ne t'avais pas vu par hasard ?
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
Ohoy ! Ohoy !Celui pour qui je pleure
Ohoy ! Ohoy !Est la cause de mes malheurs
Ohoy ! Ohoy !C'est jusqu'à l'aube que je pleure
Ohoy ! Ohoy !Ta séparation désolante
Ohoy ! Ohoy !Je ne t'ai pourtant jamais trahi
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
Ohoy ! Ohoy !Que celui pour qui l'amour n'est pas trahison
Ohoy ! Ohoy !En soit possédé, décharné, désossé !
Ohoy ! Ohoy !Si vous saviez avec quelle patience
Ohoy ! Ohoy !J'ai supporté tout ce qui m'arrive !
Ohoy ! Ohoy !Quand je m'endorme Satan me dit :
Ohoy ! Ohoy !« Regarde, elle est là ta bien aimée ! »
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
Ohoy ! Ohoy !Je quittais mon gîte nu de toute couverture
Ohoy ! Ohoy !Et je m'en allais errant aux lieux inhabités
Ohoy ! Ohoy !Au point d'en perdre la boussole
Ohoy ! Ohoy !Demandant à quiconque que je rencontrais
Ohoy ! Ohoy !S'il n'aurait pas vu mon bien aimé
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
Satan d'Ali Maïmoune
Ohoy ! Ohoy !Pourquoi souhaiter ma souffrance ?
Ohoy ! Ohoy !Pourquoi souhaiter notre séparation ?
Ohoy ! Ohoy !Ce que j'ai ouïe dire en ces temps - ci !
Ohoy ! Ohoy !Ce que j'ai vu de mes propres yeux en ces temps - ci !
Ohoy ! Ohoy !Mais que faire de l'amour, s'il n'est qu'humiliation ?
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
Les larmes de Tabal
Ohoy ! Ohoy !S'il a fallu que tu m'abandonne
Ohoy ! Ohoy !J'errerai toujours sur tes traces
Ohoy ! Ohoy !Si tu es prête à me croire
Ohoy ! Ohoy !Je te prêterais serment par Allah
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
Couleurs négro-berbères de Tabal
Ohoy ! Ohoy !Je me consume de ton amour
Ohoy ! Ohoy !Comme si je me suis jeté au brasier
Ohoy ! Ohoy !Je m'effiloche de ton absence
Ohoy ! Ohoy !Je me noie dans tes larmes jusqu'à l'aube
Ohoy ! Ohoy !Pourrais-tu enfin me dire ce qui m'arrive ?
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
Ohoy ! Ohoy !C'est en toi que j'ai labouré mes suppliques
Ohoy ! Ohoy !Sans jamais en récolter le fruit d'amour
Ohoy ! Ohoy !Dis-moi donc au nom de Dieu
Ohoy ! Ohoy !Si jamais je te suis indigne
Ohoy ! Ohoy !Pour qu'enfin je disparaîsse!
Ohoy ! Ohoy !Les gens disent que la branche que tu méprise
Ohoy ! Ohoy !Est celle-là même qui te crèvera les yeux !
02:49 Écrit par elhajthami dans le pays Haha, Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poèsie, haut-atlas | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Je vous complimente pour votre paragraphe. c'est un vrai état d'écriture. Continuez .
Écrit par : MichelB | 13/08/2014
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