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08/04/2012

Castello Real

castello réal bon.jpg

Le Castello Real d'après le plan levé du capitaine Lambrecht

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Castello Real d'après le peintre Hollandais Adrien Matham(1641)

        Tout près de la mer, le pilote portugais Duarté Pacheco Pereira signale en 1506, sur la terre ferme « la ville de Mogador ». De tout temps, les navigateurs venaient chercher ici cette eau douce et précieuse de l’oued Ksob, comme en témoigne Pacheco Pereira dans son Esmeraldo de situ orbi : «  Entre la rivière des Aloso – de l’oued Ksob – et l’île de Mogador, la distance par mer est de sept lieues, ...de cette île à la terre ferme, il y aura la distance à laquelle une grande arbalète peut lancer une flèche en terre ferme. Il y a beaucoup d’eau douce tout près de la mer, dans laquelle cette eau douce vient se jeter. La meilleurs entrée du mouillage et du port de cette île, est celle qui se trouve du côté Nord-Est...Par cette bonne entrée peuvent pénétrer des navires de cent tonneaux ; ils s’amarrent avec une ancre et un câble, ledit câble étant attaché à l’île même, et l’on sera par six ou sept brasses, fond net, bon et sûr. »

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 Plan du mouillage de l'ile de Mogador 1736

   Ce texte daté de 1506, prouve qu’à cette époque, des navires de cent tonneaux fréquentaient le port et l’île de Mogador. Bien plus, lorsque Emmanuel 1er  avait donné l’ordre en août 1506, d’y construire  un « Castello Réal »(château royal), il y avait déjà une ville du nom de Mogador qui existait dans la baie , comme nous le signale Pachéco :

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A l'emplacement du Castello Real(1506) s'élève depuis 1767, ce bastion de la Scala du port

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La ville a été batie sur un ilot rocheux entouré de dunes

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Le mouillage d'Amgdoul a toujours été l'aboutissement des caravanes subsahariennes longeant les rivages de l'Atlantique

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Mogador - Passage des dunes

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« L’année de Notre Seigneur Jésus – Christ 1506, Votre Altesse fit élever dans la terre ferme de cette ville de Mogador, tout près de la mer, un château qui s’appelle Castello Real, et que sur votre ordre construisit et commanda Diego d’Azambuja , gentilhomme de Votre maison et commandeur de l’ordre de saint Benoît de la commanderie d’Alter Pedreso, lequel fut combattu et persécuté, autant que leur puissance le leur permettait, par la mutitude de Berbères et d’Arabes qui se réunirent pour attaquer ceux qui s’en vinrent construire cet édifice ; enfin ce château se construisit malgré eux et la gloire de la victoire resta entre les mains de Votre Majesté sacrée...Entre le Castello Réal et l’île de Mogador d’une part et le cap Sim d’autre part, la côte court suivant la direction nord-sud, avec un quart nord-est et un quart sud-ouest et la distance par mer est de cinq lieues »

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Le mouillage de Mogador levé le 21 avril 1736 par le capitaine Martin Lambrecht

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Au port Barj el Barmil à l'emplacement du Castello Real

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L’influence portugaise se heurta, devant Mogador, à une résistance dont l’âme fut l’organisation maraboutique des Regraga. Les affrontements entre Portugais et Berbères Haha devaient se poursuivre au  delà de 1506.L’âme de la résistance locale à l’influence portugaise fut regraga, sous la direction du mouvement jazoulite dont le fondateur, l’imam Al Jazouli, s’établit au lieu dit Afoughal, près de Had – Draa, où il prêcha la guerre sainte contre les chrétiens, avec une telle foi qu’il eut bientôt réuni plus de douze mille disciples de toutes les tribus du Maroc.

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un banc de sable faisait obstacle aux courants marins, en reliant l’île principale à l’embouchure de l’oued Ksob. Il est indiqué sur une ancienne carte que ce banc de sable « se couvrait et se recouvrait », ce qui laisse supposer qu’on pouvait rejoindre l’île à marée basse. Une tradition orale rapporte que les troupeaux de « Diabet » (le village des loups) allaient y paître au milieu d’une nuée de pique-bœufs. Les marins y sacrifiaient taureaux noirs et coqs bleus à leur saint patron  Sidi Mogdoul.

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Plan de mouillage de l’île de Mogador - entre 1650 et 1700.

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 Le Mouillage d'Amgdoul

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Le sanctuaire de Sidi Mogdoul

     Devant l’hostilité des tribus, le Castello Real, n’avait pu être bâti que de vive force. Il dut rester assiégé un certain temps et la situation de ses défenseurs fut un moment assez critique pour que Simâo Gonçalves de Camara, troisième gouverneur de Funchal, leur envoyât à ses frais, de l’île de Madère, un secours de 350 hommes. Le plus ancien document relatif au Castello Real date du 5 septembre 1506 : c’est un alvara du roi ordonnant aux almoxarifesde Madère d’exécuter tout ce dont Diego d’Azambuja les requerra pour la construction de la forteresse de Mogador.On doit signaler aussi une quittance du 7 octobre 1507 qui indique « le biscuit, la viande, le bois, la chaux, la brique et les autres choses qu’on a achetées pour la construction du Castello Real que Diego d’Azambuja a fait par notre ordre à Mogador qui est au pays de Barbarie. »

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       Une quittance datée de Santarem, 24 octobre 1507, concerne les achats de blé faits en 1506, sur l’ordre du roi, au Castello Réal en Barbarie, par Pero da Costa, capitaine du navire  Sâo – Symâo . Ces achats furent faits avant la fondation du château. Le 3 septembre 1507, Diego de Azambuja écrit de Safi à l’Almoxarife de Madère, pour le prier de remettre à Joâo de Rego, porteur de sa lettre, un certain nombre de choses pour le ravitaillement du Castello Réal, en particulier de l’orge pour les chevaux qui sont dans le château. La fourniture doit être prévue pour « vingt chevaux pendant huit mois ».

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 Plan de la isla y puerto de Mogador situada en la costa occid(ent)al de africa a 8 grad(o)s de long.d y 31, y 35 min.s de latit.d en frente de la isla de Madera – 1795-1796.

         Le 14 octobre 1507, Joâo de Rego donne décharge de tout ce qu’il a reçu, à savoir :

Onze pipes de vin, deux de vinaigre, une d’huile, 15 muids de blé au lieu de l’avoine demandée pour les chevaux, qu’on n’a pas pu trouver, 20 autres muids au lieu de biscuits qu’on n’a pas eu le temps de faire, plus un bateau neuf à quatre rames et 3000 reis en argent pour les soldes de la garnison.

     Nous pouvons encore citer deux documents où allusion est faite à Mogador : mention de 716 varas de toile de Brabant envoyées, en 1506, de Flandre au Castello Real en Barbarie ; et quittance du 3 janvier 1518 en faveur de Joâo Lopez de Mequa, qui fut feitor (facteur) du Castello Real pendant les quatre premiers mois de 1507 et devint plu tard, feitord’Azemmour, puis de Safi.

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Ysla Mogador situada en la lat 31° 42° y en la long.d 6°50’ segun el reconocimiento hecho de ord.n del rey – 1695-1696.

      Diego de Azambuja était à Abrantès le 27 juin 1507, et y reçut en don, d’Emmanuel 1er , le gouvernement du Catello Real de Mogador, en récompense de la peine que lui avait coûtée la construction de la forteresse « avec risque de sa personne et grande dépense de son argent ». Renvoyé par le roi à Safi, où il débarqua le 6 ou le 7 août 1507, Azambuja paraît y avoir ensuite résidé contamment jusque vers le milieu de l’année 1509. Son gendre, Francisco de Miranda, exerça par intérim, pendant ce temps, les fonctions de gouverneur du Castello Real.

       Pendant les premiers mois de 1510, le gouvernement du Castello Real reste uni à celui de Safi, entre les mains de D. Pedro de Azevedo. Puis Emmanuel 1er, par lettre du 1er  mai 1510, nomme Nicolau de Sousa capitaine et gouverneur du Castello Real, sa vie durant. Il est spécifié qu’au cas où le nouveau gouverneur obtiendrait la soumission de tribus dans un rayon de trois lieues autour de la forteresse, il percevrait à son profit les deux tiers des contributions versées par elles, un tiers étant retenu par le roi. D’ailleurs bien loin de soumettre les tribus des environs, Nicolau de Sousa, ne réussit même pa à conserver la forteresse.Il semble que la place ait été évacuée le 4 décembre 1510, d’après une lettre de Nuno Gato Cantador écrite de Safi, le seul texte qu’on ait à ce sujet.

 

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1700 : En plus du Castello Real on reconnait l'église portugaise ainsi que l'ancienne kasbah des corsaires. On voit aussi que Borj el Baroud existait à l'embouchure de l'oued ksob existait bien avant la fondation de la ville actuelle en 1760

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Eglise portugaise au noyau primitif de la ville

      Du 8 au 23 janvier 1641, le peintre hollandais Adrien Matham, séjourna en rade de Mogador et dessina un croquis de la côte et du château. Il faisait état de l’existence d’une Kasbah, abritée derrière les rochers où vivaient les corsaires  Béni – Antar :

« Le 8 janvier, au matin, nous nous sommes trouvés en vue de l’île de Mogador, et nous avons mis notre cheloupe à la mer pour voir si la rade était bonne pour nous. Nous y avons trouvé quatre toises d’eau, entre l’île aux pigeons et l’île de Mogador. Dans l’après midi, nous avons jeté l’ancre et tiré une salve de trois coups de canon, auxquels les gens de la kasbah ont répondu par un coup.

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Avant l'édification des quais en 1920, la porte de la marine donnait directement sur la mer

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Porte de l'ancienne kasbah, dite "porte Moulay Massaoud" du nom de son ancien portier, sur laquelle est inscrite la fondation de la ville en 1764 et sur laquelle s'élève l'horloge à partir des années 1920

 Le 9 au matin, notre cheloupe est allée à terre, par un vent nord-est, pour voir s’il y avait moyen de se procurer de l’eau fraîche, et aussi si nous pouvions trafiquer avec les Maures de la Kasbah. Ceux-ci ont accueilli amicalement nos gens et ils nous ont envoyé à bord leur interprète, un juif, en échange duquel, suivant leur coutume, un des nôtres devait rester à terre, comme otage, tant que durerait, des deux côtés, les visites de leurs gens à bord et des nôtres à terre.

La kasbah est munie de onze ou douze canons en fer, et, vue d’une certaine distance, elle a l’apparence d’un four à chaud hollandais ; mais l’île aux pigeons est inhabitée, sauf qu’on y trouve d’innombrables pigeons sauvages qui se nichent par milliers dans les rochers et qui sont si familiers qu’ils se laissent prendre avec la main. Il y avait dans un petit bosquet, à terre, un faucon qu’un de nos gens aurait pu prendre, s’il l’avait vu, car il faillit mettre le pied dessus, et c’est alors seulement que le faucon prit son vol. Pour parcourir cette île aux pigeons dans sa longueur, il faut une bonne demi-heure de marche environ : sa largeur ne dépasse pas dix fois la longueur de notre vaisseau ; mais elle est très élevée et sans eau fraîche. On trouve seulement entre les rochers de l’eau de pluie en très petite quantité.histoire,mogador

Rue du Mellah

Pour en revenir à l’île de Mogador, toujours est-il que nous avons pu y faire de l’eau. Le juif susdit nous fournit aussi du pain frais, des amandes, des raisins et des gâteaux d’olives qui avaient un goût excellent. Le costume des habitants est singulier : ils portent habituellement un long vêtement blanc – le haïk– qu’ils enroulent de diverses manières autour du corps. Le juif susdit nous a donné des renseignements sur leur mariage, etc.

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        Le 12 janvier 1641, c’était pour les Maures leur fête de Pâques – l’aïd es-seghir qui marque la cessation du jeûne du Ramadan- qu’ils célèbrent avec une grande dévotion. Dans l’île on trouve une espèce rare de grands oies. Nous en avons acheté à la kasbah de fort belles et fort grasses, à deux stuivers pièce. Quant à l’approvisionnement d’eau, il comporte ici de grands dangers, à cause des brisants, au point que notre petite chaloupe et les gens qui la montaient pour apporter de l’eau à bord ont chaviré deux fois, le 15 et le 16 de ce mois. Nos gens se sont sauvés à grand’peine, non sans courir de grands périls. Pour chaque tonneau d’eau on devait payer au caïd de la kasbah la valeur environ d’un écu de Hollande.

       Il est aussi  à remarquer que nous avons ici trois dimanches à célébrer chaque semaine, à savoir, celui des Maures : le vendredi, celui des juifs : le samedi, et le nôtre : le dimanche.

       Le 23, nous avons fait tous nos préparatifs pour faire voile, avec l’aide de Dieu, vers Ste Croix, si le vent nous est favorable. Nous sommes sortis heureusement du port de Mogador par un vent est-nord-est et nous avons gagné la haute mer. »

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Les ruines du château portugais de Mogador ne disparurent qu’aprè 1765, lors des travaux de construction du port. Les pierres du Castello Real servirent par la suite à la construction de la scala du port. A son emplacement s’élève maintenant la tour, ou bastion circulaire qui se trouve près du chantier naval et qu’on appelle  Borj el Bermil (la tour du toneau) Le Castello Réal, s’élevait au bord de la passe nord, sur la pointe rocheuse qui supporte le môle ouest du port actuel. Il figure à cette place, sur un plan levé, en octobre 1629, sur l’ordre du commandeur de Razilly et sur un autre plan daté du 25 octobre 1767, dû à Théodore Cornut.

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Au port la tour en forme de tonneau(borj el barmil)a été édifié en 1764, sur les ruines du Castello Real qui date de 1506

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      Mon père disait qu’au XVIIIe siècle, Essaouira était une place militaire nécessaire, parce qu’une trop grande superficie demeurait sans surveillance. Sur la côte atlantique, la distance entre Safi et Agadir était trop grande. Ce long littoral n’était pas suffisamment protégé contre les puissances étrangères, qui pouvaient s’y installer à tout moment , comme l’avait déjà montré l’occupation portugaise avec la construction du Castello Real en 1506.

     La position géographique de Mogador faisait d’elle un lieu envié au carrefour des routes marchandes, terrestres et maritimes. Dés sa fondation, elle fut menacée par l’Espagne comme le rapporte Höst :

« En 1765, après que le Sultan qui s’est rendu lui-même à Essaouira, eut distribué aux consuls les terrains à bâtir, un bateau espagnol se profila à l’horizon. Un navir de guerre espagnol armé de soixante-dix canons s’approcha, et comme Mohamed crut que les Espagnols avaient l’intention de déranger ses constructions, il expulsa le consul hollandais Demetri, l’accusant de connivance avec l’Espagne, en ajoutant qu’à l’avenir il ne voulait pas de Grec comme consul de Hollande, mais d’un Hollandais. Ensuite, il envoya au roi d’Espagne un cadeau composé de lions, tigres, chevaux, accompagné de trente esclaves espagnols, afin de lui mettre d’aimables pensées en tête, et lui laisser entendre que ce geste était un pas vers la paix. La suite montra d’ailleurs que ces agissements pleins de sagesse ne demeurèrent pas sans résultat. »

       En 1767 rapporte Höst, arrivait à Marrakech un ingénieur français d’Avignon nommé Nicolas Théodore Cornut, ancien déssinateur des places fortes du Roussillon, passé à la solde des Anglais, que le sultan recruta à Gibraltar. C’est lui qui dressa le plan de la ville forte. De là ces fortifications à la Vauban, style XVIIIè siècle, qui furent armées avec des canons achetés en 1780 à la fonderie espagnole de Barcelone ou provenant de prises de mer.

               Les îles permettaient d’installer des batteries de canons à feux croisés : le « bation de surveillance » (borj el âssa), sur l’île faisait face au « bastion de la poudre » (borj el baroud) à l’embouchure de l’oued Ksob et protégeait ainsi l’entrée sud de la baie. De même le « bastion de Moulay Bennacer », toujours sur l’île, faisait face au « bastion circulaire » (borj el barmil) dans le port, défendant l’accès nord de la baie.  histoire,mogador     L’architecte français que Sidi Mohamed Ben Abdellah chargea de construire l’actuelle Mogador, donne des renseignements encore plus précis. Le château y est décrit sous les lettres :

« O Porte d’entrée.

« P Cour,

« Ancien château construit par les Portugais, qui est très peu de chose et qu’ils ont abondonné depuis 400 ans. L’épaisseur de ses murs n’ont que six pans dans ses quatre faces. Les Mores y ont fait depuis cinq ans un parrapet sur la platte forme, dont la bâtisse tombe d’elle-même et sur la face du côté ouest-nord, il a quatre pièces de canon de 12.

« Q Magasins très faibles, mauvaises voûtes, mauvais murs de 2 pieds d’épaisseur, où il y a dix mille barrils de poudre anglaise qu’ils ne sont point en sûreté. »

Cornut établit le plan en 1769 en suivant les contours de l’îlot rocheux sur lequel la ville est construite et dont elle conserve la forme, mais il fut bientôt congédié et les fortifications de la scala de la mer furent confiées à un Gênois, selon Jacksen : « La longue batterie qui se trouve le long du côté Ouest de la ville fut construite par un Génois. Elle est peut-être plus remarquable par sa beauté que par sa force, et mieux calculée pour les opérations offensives que pour la défense. »

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Plan de la grande isle de Mogodor et ses environs de la rade du château et de la nouvelle ville de suera en Barbarie – après 1767(on voit clairement dans ce plan établi par Théodor Cornut, qu'il ne concerne que l'ancienne kasbah).

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De style Vauban, la Scala de la mer apparait clairement dans le plan Cornut de 1767, comme dispositif défensif de l'ancienne kasbah histoire,mogador

Mogador - Les canons de la batterie de la Scala

Le 15 décembre 1769, Louis Chénier, consul de France, souligne :

 « L’Empereur est arrivé à Mogador au commencement du mois passé. Il a vu avec toute la tendresse d’un auteur la ville dont il a posé lui-même les fondements. Il a fait établir une batterie respectable à l’entrée du port, et fait réparer tant bien que mal quelques fortifications, que le temps avait déjà dégradées. Sa Majesté doit partir à la fin de ce mois pour retourner à Maroc. »

 En  cette même année 1769, il eut la chance de récupérer Mazagan que les portugais évacuèrent.

        La ville n’a pas émergé lentement des méandres du Moyen Âge ; elle est née de la volonté du prince. En effet, pour marquer son désir de faire d’Essaouira le principal port sur l’océan, Sidi Mohamed Ben Abdellah (1757-1790) commença par bâtir un mur sur les rochers au bord de l’eau. Il fit inscrire la bénédiction du Prophète en lettres coufiques sur la pierre de taille arrachée aux flancs de cette île qui n’est rattachée au continent que par une lagune. .

La Kasbah – ce « quartier du Roy » comme l’appelait Cornut – est le plus vieux secteur de la ville. C’était le lieu où résidait « le Makhzen » (l’administration royale), les vice-consuls des pays européens, et les « Toujar Sultan » (les négociants du Roi). Le Sultan avait ordonné à tous les consuls de passer à Essaouira et d’y bâtir une maison. Comme le souligne le Danois Géorges  Höst dans son journal de 1765 : Après que Mohamed se fût rendu lui – même à Souira et eût distribué les terrains à bâtir, il ordonna à tous les consuls d’aller là bas eux aussi et d’y faire construire à leur compte, chacun une maison importante et convenable ; tous les ambassadeurs devaient arriver là, tous les pirates devaient amener leurs prises dans la même Souira, et un chantier naval devait y être fondé.

Les douanes étaient perçues par les oumananommés par le makhzen, qui résidait dans la kasbah. C’est la Kasbah qui contrôlait le port. C’est ce que symbolise la porte de la marine : le port est un passage entre la terre et la mer. Cette porte qui a l’air d’un décor avait une efficacité symbolique, parcequ’elle représente le pouvoir s’interposant entre la terre et la mer, prélevant des droits de passage en ce lieu de transit.

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 Plan de la baye et de la ville de Mogadore en 1786(on y voit clairement la médina se structurant autour de ses principaux axes sous forme de croix).

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Where Manchester cotton is sold- Mogador

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Mogador - souk aux grains

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Centrl Bazar Mogador

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     Mon père me disait que les arcades de Souk Jdid ont été édifiée en deux étapes comme en témoignent les gravures en pierre de taille : la partie Ouest d’abord, édifiée en 1858 a servi de modèle pour les arcades de la façade Est, édifiées en 1945 par Abdellah Ben Tahar, alias « Jmal » (le chameau). Soit à 87 ans d’intervalle. Ce qui veut dire qu’une fois le cadre général mis en place, à savoir les quatre portes et les remparts qui structurent l’ensemble autour d’un axe sous forme de croix, l’espace a été progressivement occupé par les nouveaux arrivants : arrivée des « Ahl Agadir », en 1773, construction de la nouvelle Kasbah en 1876, mise en place de Souk Jdid en 1858, etc

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Une ville multi-éthniques et multi-religieuses

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Essaouira comme "Carrefour culturel"

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Khoddara: rue du marché

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Souk Djdid

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     Bouchers cacher

Alors que dans les autres médinas, les gens s’établissent d’abord, puis les habitations sont entourées de remparts, à Essaouira, c’est le processus inverse qui s’est produit. On a commencé par la géométrie, et la démographie a dû se couler dans l’espace inscrit par un plan directeur. C’est la Kasbah qui avait induit la médina :les consuls, les négociants et l’administration avaient besoin d’artisans pour bâtir, de paysans pour les nourrir et de soldats pour les protéger. Au XVIII èmesiècle, en dehors de la Kasbah, les gens habitaient sous des tentes et dans les casemates qui donnaient à Essaouira un visage militaire, à côté du quartier administratif.

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   Le sultan pensait ainsi disposer d’un port bien défendu mais accessible toute l’année à ses navires, alors que les ports du Nord étaient pratiquement inabordables en dehors de la saison des pluies à cause de leur ensablement, comme le relate Ahmed Ennaçiri Esslâouî dans son Kitab Al-Istiqçâ :

« Après avoir terminé la célébration des noces de ses enfants, le sultan Sidi Mohamed ben Abdellah (Dieu lui fasse miséricorde !) se mit en route pour le pays où se trouve Essaouira, afin de construire cette ville et de la peupler. Il s’occupa de la tracer et de faire creuser les fondations, et laissa au travail les maçons et les divers artisans. Il donna l’ordre à ses gouverneurs et à ses caïds d’y construire leurs maisons. Il retourna ensuite à Marrakech. Dans sa Rihla, le sécrétaire Aboûl’abbâs Ahmed ben Elmahdi Elghazzâl dit, en résumé, que le motif de la fondation d’Essaouira fut le suivant : Le sultan Sidi mohamed ben Abdellah était passionné pour la guerre sainte. Dans cette pensée, il avait fait construire des corsaires de guerre qui, le plus souvent, étaient ancrés dans le port des Deux – Rives et dans celui d’El’arêïch. Pendant deux mois de l’année, au moment de la saison des pluies, ces navires ne pouvaient pas prendre la mer, parce que ces ports ne faisaient qu’un avec les rivières. Dans les autres saisons, il y avait trop peu d’eau et le sable obstruait l’embouchure des rivières, de telle sorte que les bateaux ne pouvaient les franchir.Le sultan ‘Dieu lui fasse miséricorde !), après avoir réfléchi aux moyens susceptibles d’assurer le voyage de ses corsaires à n’importe quel moment de l’année, s’appliqua à construire Essaouira, dont le port ne présentait pas de pareils inconvénients.

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Les douanes étaient perçues par les oumana nommés par le makhzen, qui résidait dans la kasbah. C’est la Kasbah qui contrôlait le port. C’est ce que symbolise la porte de la marine : le port est un passage entre la terre et la mer. Cette porte qui a l’air d’un décor avait une efficacité symbolique, parcequ’elle représente le pouvoir s’interposant entre la terre et la mer, prélevant des droits de passage en ce lieu de transit.

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Mogador - Le commandant indigène du port (les Amines)

  Un autre qu’Elghazzâl prétend que le Sultan décida la fondation d’Essaouira pour une autre raison. La place d’Agadir était le refuge de révoltés du Sous, comme tâleb Sâlah, entre autre, qui laissaient faire par là une exportation clandestine des marchandises et conservaient pour eux les bénéfices réalisés. Le Sultan pensa qu’il ne pouvait y avoir d’autres moyens de mettre fin à cette situation que de créer un autre port, également rapproché de cette région et du centre de l’Empire, afin de diminuer petit à petit les gains qu’Agadir procurait à ces rebelles, car personne n’avait plus intérêt à s’y rendre. Il fonda donc Essaouira, la construisit solidement et s’appliqua à en faire une ville bien bâtie. Il arma de canons les deux îles, la grande et la petite, qui forment comme l’enceinte du port, et fit élever un fort bien armé sur le rocher qui avance dans la mer, de telle sorte qu’on ne peut entrer dans le port sans être à porter des canons à la fois de l’île et du fort.

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   Quand la ville fut terminée, le Sultan y fait venir des négociants chrétiens pour faire du commerce et, pour les attirer, les dispensa de toute taxe douanière. Les commerçants affluèrent bientôt de tout côté et vinrent s’établir dans ce port, qui fut peuplé en peu de temps.

Abdelkader Mana

16:19 Écrit par elhajthami dans Histoire, Mogador | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : histoire, mogador | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Souvenirs de Mogador

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Mon père, maalem Tahar Mana, jaugeant un madrier de bois de thuya(gayza) à la coopérative des marqueteurs d'Essaouira(les années 1950)

Au tout début des années 1980, mon père avait accordé à la radio une interview où il relatait l'histoire de la marqueterie à Essaouira. Son ami maitre Abdessadek qui a conservé l'enregistrement audio m'en avait remi copie lors d'un repas communiel commémorant le quarantième jour de son décès le 13 décembre 2002.Aujourd'hui en recherchant un document qui atteste de la présence des Al Mohad au pays Haha, je suis tombé sur la transcription des propos de mon père, que je pubie ici parce qu'ils me semblent les plus appropriés pour "légender" les vieilles photos en noir et blanc du Mogador du début de ce XXème siècle où il était né vers 1912;;;

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L'atelier de mon père était jadis l'un des entrepots des canoniers(tabjia) de la Scala

Dans son entretien radiophonique mon père racontait comment des éléments d'architecture de la ville l'avait influencé lui-meme ainsi qu'un de ses prédécessaurs:

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"La porte de dar laachar(là où on entreposait le 1/10ème des marchandises qui transitaient par le port) a été imitée par maalam Omar El Eulj que Dieu ait son ame: il avait confectionné une table dont les pieds imitaient parfaitement cette porte monumentale avec toute sa décoration.Comme il s'agissait d'une table hexagonale, il fallait reproduire six fois la meme façade.On appela alors cette table "Du Chayla": le nom de la frégatte qui avait effectué la prise d'Essaouira par les Français en 1913 La table dite "du Chayla" de maitre Omar remonte à 1932 : on l'avait retrouvé brisée et jetée négligemment au parc municipal de la ville.Elle comportait une transcription calligraphié au feu, semblable à l'ancre de chine, mais cette brulure, cette épreuve du feu avait la particularité d'etre inscrite pour l'eternité.A l'époque on lustrait les objet avec l'huile de noix : aucun specimen n'a été malheureusement conservé, de sorte que lorsqu'on avait ouvert le Musée en 1980, l'artiste et conservateur Boujamaa Lakhdar avait trouvé la plus grande difficulté  à réunir des modèles représentatifs de l'artisanat local(bijoux, tapis, marqueterie etc.). La ville a connu pourtant de grands artistes-artisans, dont il ne reste que peu de traces pour témoigner de leurs oeuvres ...

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Mogador- Caserne du Chayla

L'ancien magasin du Makhzen, qui fut une prison à la veille du protectorat et qui a été transformé en caserne par les français qui le surnommèrent "Du Chayla", du nom de la frégatte qui avait opérer la prise de la ville en 1913.

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"Les français ont donné le nom de "du Chayla" à toute cette place "

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Mogador-Prisonniers berbères amenés à la prison sur ordre de Moulay Abdelaziz

A la veille du Protectorat, le dar laachar, était devenue une prison où on enfermait les rebelles du bled siba.Et juste à coté, il y avait l'ancienne medersa qui dépendait de la mosquée de la kasbah.

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Les troupes du nouveau sultan Moulay Hafid se préparent à marcher sur Casablanca

La marqueterie s'est développée pour répondre aux commandes des premiers habitants de l'ancienne kasbah qu'étaient le Makhzen, les négociants juifs et les consuls raconte mon père: "Maâlem Omar fabriquait de petites boites décorées de nacre ainsi que des crosse de fusils pour la fantasia à partir du bois de noyer.Dans les années 1930, le pacha Ben maalem m'avait donné à imiter un boitier à sucre en bois de noyer en me disant qu'il faisait partie du mobilier de Moulay Abdelaziz.C'était une technique souirie ancienne: de petits objets simples quant à leur décoration.Vivaient alors à Essaouira, les Amines du port, les consuls des nations européennes et les représentants du Makhzen.Ils ont commencé à faire des commandes aux artisans comme ça sera le cas avec les touristes européens par la suite: c'est la commande qui a permi à la marqueterie de se développer peu à peu.."

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Défilé du "Makhzen" sur la place de la grande mosquée à la veille du Protectorat

Le maitre artisan de Omar el Eulj qui s'était inspiré de la fameuse porte de l'ancienne kasbah pour fabriquer sa table dite la "Mida du Chayla", avait pour maitre el haj Jilali el Eulj: ces Alouj dont l'un des quartiers de la ville porte le nom, sont d'anciens chrétiens issus de prises de mer au temps de la course: ainsi la porte de la Marine, on la doit à Ahmed EL EULJ, dit également Ahmed el Inglisi(l'ANGLAIS), et lors du bombardement de la ville par l'escadre de Joinville, les canoniers de la Scala de la mer était dirigés par Omar el Eulj, à la meme époque ceux de la grande ile étaient dirigé par Torrès le renégat d'origine andalouse.Et on doit la finition des travaux de la Scala de la mer à un Génois: la ville revetait donc un caractère international dés sa fondation du fait de son ouverture sur les lointaine rivages de la Méditérranée et sur les lointains confins du désert...

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Le temps des caravanes dans les dunes de Mogador

"Le bois de thuya,poursuit mon père, on l'amenait qu'on travaillait d'abord au tour, pour les estrades et les balcons des maisons en construction, était amené à dos de chameaux des hrarta, au sud d'Essaouira.Auparavant on utilisait d'autre bois: le palais ensablée à l'embouchure de l'oued ksob, qui servait de résidence à Mohamed Ben Abderrahmane au milieu du XIXème siècle ou la mosquée de la kasbah, leur boiserie n'était pas en thuya..."

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La boiserie de dar sultan ensablée, n'était pas en thuya

"Le Sultan avait chargé Concler ,le consul des Pays Bas, de lui construire une maison  à deux étages sur le plan de celle d’Amsterdam, mais avec un patio ; il avait indiqué le nombre de pièces, leurs dimensions,etc.., le toit devait être en plomb, les cheminées en marbre, les vitres en cristal, et non en verre ordinaire.Il était bien entendu que les bois et les fers ouvrés devaient venir des Pays-Bas.Le consul se rembourserait avec des franchises de sortie sur les blés."  Lettre de Sumbel à Concler , 28 août 1767.(Rijksarchief, Stat.-Gen., 7.121 ;Llias Barbarije, 1767-1770)

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A Mogador, les caravanes de Tombouctou relayaient les caravelles de la lointaine Europe

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L'un des grands fondateurs de la marqueterie locale, fut le cheikh Brik; un noire qui exécutait les commandes de "dar Makhzen"(la Maison Royale).Une fois, alors qu'il était encore jeune, Haj Mad(le maitre artisan de mon père) a aperçu le cheikh Brik en train d'administrer une fessée à l'un de ses apprentis sur un madrier.De sorte que lorsque son propre père l'a amené pour apprendre le métier à son tour, il s'en est souvenu et a tout fait pour éviter toute punission.D'ailleurs le maitre ne l'a jamais puni parce qu'il l'aidait à déchiffrer les messives qu'il recevait de dar Makhzen.

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El haj Mad était étudiant dans une école coranique: une fois de retour d'une partie de chasse avec un copain, en passant l'allée des forgerons(haddada), accompagnés de sloughi et portant une tenue de chasse, son père Belaid el kouchnane s'adressa en ces terme à l'un de ses amis:

- Le voilà devenu voyou, et moi qui voulait faire de mon fils un étudiant en religion?!

Et c'est ainsi qu'il avait décidé de le faire sortir de l'école coranique pour le confier à son maitre - artisan en marqueterie.

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Haddada l'allée des forgerons en 1912, où aboutissaient les caravanes

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C'est dans cette artère de haddada que se trouvait l'atelier de l'un des premiers marqueteurs d'Essaouira, ainsi que la zaouia d'où partait en procession "la chamelle de Moulay Brahim" à chaque fete du Mouloud vers son sanctuaire dans l'Atlas au Sud de Marrakech: laquelle chamelle était conduite par notre voisin le boiteux Moulay Omar. Le local de cette zaouia existe encore à Haddada mais il semble fermé pour toujours...La chamelle était offerte àMoulay Brahim le saint qui favorise l'amour et qui fonctionne comme une agence matrimoniale auquelle s'adressent surtout les jeunes filles en mal de mariage...

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La parade du vendredi: un moment fort où le makhzen impose son pouvoir symbolique

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Le pouvoir tire sa légitimité de sa descendance du Prophète : en pays musulman une partie de la population écrase l'autre au nom de la religion...

 

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Place Laachour avant la démolition de la cloison qui l'isolait de Dar Makhzen: sur les deux images précédantes on reconnait les trois portes de l'ancien tribunal qui existe toujours

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L'entrée de Dar Makhzen que le Protectorat a démolithistoire,mogador

La meme entrée de Dar Makhzen où sont réunis les négociants juifs

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L'ancienne "Dar Makhzen" avant sa démolition à l'avènement du Protectorat

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L'emplacement de "Dar Makhen" était aussi un lieu de campement

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Sur le front de mer, un grand rempart reliait l'ancienne kasbah au port

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Campement au pied du Mechouar comme centre politique

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Le Mechouar est au coeur des transaction économiques et politiques

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Face au pouvoir central qui avait son siège dans la ville, il y avait le caidalisme qui dominait dans la campagne.

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Le protectorat a joué les "caids soumis" du bled makhzen contre les "caids rebels" du bled siba.

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Le caid Tigzirine des Ida Ou Tanane était l'allié du Protectorat contrairement au caid Anflous des Neknafa

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La parade du caid et sa suite en ville

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Le défilé des soldats français de la frégate du Chayla sur la place qui allait porter le nom de "Place de Chayla" et qui s'appelait jadis "Place de la grande mosquée" ou "Place Laachar".

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Mogador - Place Laachour

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La désormais "Place du café de France" apès le décloisonnement de l'ancienne "Place laachour"

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Place du Chayla où on venait de planter les caouatchou du genre numphéa

 

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Mogador, avenue "du Chayla" avec "café de france"...

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Et l'hotel "Roussillon"...

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Place de "Café de France"

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Le syndicat d'initiative rasée dans les années 1980 ainsi que les cabines de la plage

Jusqu'aux années 1970, était exposé à la vitrine du syndicat d'initiative une miniature de la Scala de la mer en bois de thuya fabriquée par mon père dans les années trente.On la retrouvé plus tard au parc municipale brisée et désarticulée en plusieurs morceaux.Mon père racontait en ces termes cette création de sa jeunesse dont il était fier: "La marqueterie avait connu une réelle expansion dans les années trente du fait qu'il fallait répondre aux nombreuses commandes de la communauté française de la ville.La plupart des marqueteurs travaillaient alors pour le compte du bazariste Bungal.Un jour celui - ci est venu me voire pour me commander d'exécuter une miniature en bois de thuya de la Scala de la mer me disant:

- Prends une équerre et une planche et trace un arc.

Une fois que je l'ai exécuté, il me demande:

- Qu'est ce que c'est?

C'est ainsi que j'ai commencé à exécuter la miniature de la Scala sans échelles. De ce fait le premier essai n'était pas concluant.

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C'était le temps du Protectorat français sur le Maroc:les agens du controleurs civil étaient venus voir la mignature de la Scala accompagnés du minotier Sandillon.Celui-ci dit à Bungal:

-Vous ne réussirez à reproduire la Scala qu'en travaillant à l'echelle.histoire,mogador

Bungal me rejoint avec un rouleau de ficelle et me dit:

-Allons-y!

On s'est rendu à la Scala tôt le matin et nous avons commencer à prendre les mesures en faisant correspondre à chaque metre de la Scala réelle à deux centimère pour sa miniature.Pour ne pas etre l'objet de risée des gens, j'ai commencé à venir à la Scala dés la prière de l'aube, bien avant le levé du soleil pour mesurer les dimensions de la place forte dont j'avais établi le plan.La transformation du metre en centimètre a pris plusueurs jours avant que je ne commence à voir un peu de lueur.Je me rapelle que c'était en 1935, lorsque j'avais commencer à prendre les mesures de la tour ronde de "Borj el Barmil"...

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 Le décor de la Scala joue un rôle essentiel dans la mise en scène de la tragédie d'Othello. Ceux de Mogador  avec sa forteresse dans les brumes avec une telle découpe sur le ciel qu'elle convient le mieux au complot Shakespearien de Lago. Au début des années cinquante, le souvenir était encore vivace du tournage d’Othello par Orson Welles à Mogador. Le soir on le voyait souvent méditer sur la grande place du syndicat d’initiative.histoire,photographie Dans le film, on reconnaît surtout « Tik-Tik » avec son luth au pied des remparts de la Scala de la mer. « Tik-Tik » est mort récemment en ivrogne à la vieille impasse d’Adouar qu’évoque en ces termes le rzoun, vieux chant de la ville : 

Ô toi qui sen vas vers Adouar 

Emporte avec toi le Nouar  

La rime est un jeu de mot entre « Adouar » (le nom de la sombre impasse supposée cacher les belles filles de la ville) et le « Nouar » (le bouquet de géranium et de basilic). 

Mon père me racontait qu’un jour Orson Welles se présenta à son atelier alors qu’il était en train de terminer une magnifique table en bois d’arar, décoré de dessins géométriques complexes et de rinceaux d’inspiration andalouse. Quand mon père dit à Orson Welles le prix de la table en question, le cinéaste américain en fut offusqué :  

À ce prix-là, lui dit-il, je briserais  cette table sur ma tête plutôt que de la vendre !

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La meme allée des forgerons où on avait planté des arbres sous le protectorat(1912-1956)histoire,mogador

Maalem Tahar Mana(1912-2002)

16:18 Écrit par elhajthami dans Histoire, Mogador | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, mogador | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Le crépuscule de Mogador

histoire

Le juif de Mogador, peint en 1958 par Boujamaâ Lakhdar(1941-1989),

Collection maître ABDESLAM Raïs.

Le crépuscule de Mogador …

Par Abdelkader Mana

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Femmes en haïk à Sdi Mogdoul, vénéré aussi bien par les musulmans que par les juifs d'Essaouira

« Essaouira périra par le déluge

Un vendredi ou un jour de fête,

Marrakech est un tagine brûlant,

Fès, une coupe transparente.... »

Quatrain du Mejdoub

En réaction à mon article sur "le temps des caïds", je viens de recevoir cette réaction interessante de Mr David Bensoussan concernant le caïd Oubihi des Haha :"J'ai trouvé l'info sur Bihi fort intéressante.Dans mon ouvrage "Il était une fois le Maroc", je le mentionne dans le contexte suivant:En 1844, deux tribus vinrent piller le Mellah dans l'intention de profiter du désordre général qui suivit les bombardements français. Ces deux tribus s'entre-tuèrent pour se réserver la part du lion du pillage. Celui-ci atteignit la partie Est et non juive de la ville et l'on rapporte que les dommages dus au pillage de la ville furent supérieurs à ceux causés par les bombardements des Français. L’on dénombra plus de 200 morts. Un grand nombre de juives furent enlevées et la famine régna un certain temps. Le Cheikh Abdallah Bihi de la tribu des Hahas prit l’initiative d’aller chercher des Juifs de Mogador et de les disperser dans les villages alentour, leur offrant ainsi protection jusqu’à ce que les troubles cessent."C'est troublant ce que vous me rapportez là, lui répondis-je : d'habitude, on ne rapporte que les exactions contre les juifs comme celui où on aurait obligé l'ancêtre des Afriat et ses compagnons dans le Sous à la conversion forcée à l'Islam...Alors que là, vous nous rapportez un fait à l'honneur du grand caid Oubihi des Haha,  qui aurait été le protecteur des juifs lors du pillage de la ville après le bombardement de 1844.Moi-même, je me souviens comment mes oncles maternels du pays Haha recevaient le bâtier et autres colporteurs juifs avec le rite d'hospitalité de la société berbère qui dénote d'une cohabitation millénaire sans le moindre indice d'une quelconque intolérance religieuse : Un bradiî (bâtier) juif, nous rendait alors visite sur son petit âne,et mon oncle l’installait sur une hssira (natte de jonc), à l’ombre de notre figuier préféré, lui offrait du thé et il se mettait à rafistoler les bâts éventrés d’où sortaient les touffes de pailles dorées.La récolte de l’arganier se faisait alors au prorata des ayants droit avec sacrifice de bouc et festin. Et le soir on assistait à de magnifiques fêtes de mariage avec chants de femmes aux caftans bariolés et fantasia

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La mort du Sultan Sidi Mohamed Ben Abdellah (1790) ouvre une période d'anarchie .Un prétendant vint du Sud , un sorcier qui s'appelait Bou Hallas "l'homme au bat".A la tête des gens du Sud, et principalement les Ait Ba A'mran, il monta vers le Nord.A Ifran , il fit massacrer tous les juifs.Les juifs d'Ifran conservent le souvenir de ce massacre qui eut lieu en 1790."Bou Hallas" disent-ils, brûla nos frère sur un bûcher dont ils apportèrent eux - mêmes le bois et sur lequel ils montèrent , sur l'ordre de leur chef , Naftali Afriat.Ces Ifrati seraient des descendants de ceux qui ne livrèrent pas leurs bijoux pour façonner le vaux d'or.Ils portaient en souvenir de ce fait un anneau d'or à l'oreille.Lors du massacre, Naftali arracha le sien et le donna en échange d'un peu d'eau pour faire ses ablutions.".Un marabout de Massa , Sidi Mohamed Ou Tsakat, se mit à la tète d'une armée qui s'opposa au prétendant.La rencontre eut lieu à El Aouina , Bou Hallas périt dans la bataille, en 1208(1793).mogador,nostalgie poésie

Lorsque transitaient par le port d'Essaouira, les caravanes de Tombouctou et les caravelles de la lointaine Europe....

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L'entrée du Mellah disparu de Mogador

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Que des ruraux, que des ruraux, du côté Nord de la ville : où sont passés les visages connus ? Que des ruraux, que des ruraux déambulant au milieu de la pacotille ! Tel est le nouveau destin de la ville ; d’un côté, la clientèle touristique de la baie, et de l’autre ce peuple anonyme déambulant dans la ville. Des hordes hilaliennes perdues. Des citadins, mon père disait : ils ont vendu les clés de la ville. En ce moment à Essaouira, c’est le temps de la foule des vacanciers : autant dire le vide. Rien à lire non plus dans les journaux, y compris dans la presse française. Il est loin le temps où les intellectuels français se manifestaient dans la presse, on dirait qu’ils ont choisi de se taire. Au Maroc, les intellectuels des années 1970, sont maintenant devenus ministres des finances et de l’enseignement, et à l’université, les islamistes ont pris la place des marxistes. Et en lieu et place des revues de réflexion s’est substituée la culture du papier glacé. Autant raconter l’histoire ancienne : lutter contre le silence et l’oubli.

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 Maâlem Tahar Mana, jaugeant une "gayza", madrier de thuya à la coopérative des marqueteurs d'Essaouira(début des années 1950)

mogador,nostalgie poésieMaître Abdellah Abibou, chantre du malhûn et faiseur de poème et de pain de la ville.Grand connaisseur et commentateur du malhûn, maître Abibou venait souvent à l'atelier de mon père pour y échanger auteur de cette poésié andalou-bédouine tellement appréciée par les artisans des vieilles médina maghrébine. Il lui citait souvent ce passage controversé quant au mot de la fin que certains interprètent comme étant "les retardataires"(ma talla) et d'autres comme étant "les amateurs"(ma tabla) du fait de l'ambivalence de la langue arabe:   Zman jaïer

Oulbdan diîfa

Oulakhlayeq ma taâdar

Man talla...

Tumultueux sont les temps

Maîgres sont les corps

Les caravaniers n'attendent pas

Les retardataires....

A ceux qui optent pour "amateurs" comme étant le mot de la fin, maître Abibou rétorquait : "Amateurs" de quoi? Du vin ou du kif? Non, il faut entendre "retardataires" par rapport à l'avancée de la caravane..."

Ce matin je rencontre un banquier, ex-footballeur d’Essaouira installé à Agadir au début des années soixante-dix (période charnière dans l’histoire de la ville : en 1967, les derniers juifs d’Essaouira quittent la ville à la suite de la guerre israélo-arabe, 1968 : arrivée massive des hippies qui s’installent au village de Diabet ; 1970 : départ massif des Souiris vers Casablanca, Marrakech et Agadir). Les « Souiris» d’Agadir sont restés les plus nostalgiques de la belle époque de Mogador du fait qu’Agadir les a moins dispersés qu’une ville comme Casablanca. Ce matin, donc, l’ex-footballeur, né en 1948, me parle de ses souvenirs d’enfance, c’est-à-dire d’Essaouira des années cinquante et soixante :

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A Gauche les remparts , à droite le muret qui entourait les jardins potagers

des jardins potagers qui entouraient la ville — en dehors des remparts il n’y avait que des cimetières et des  potagers — , des pêches fabuleuses des sardines et de thon ; de « lOcéan Sandillon » avec son rocher aux pigeons et son rocher aux plumes (Sidi Bou Richa) où les femmes venaient sacrifier aux génies de l’océan ; poules et coq aux sept couleurs des esprits : les Gnaoua leur recommandaient de se nourrir de la chair non salée de la volaille pour apaiser les entités surnaturelles qui les possèdaient.

- Les « possédées » venaient déposer là en offrande poules et coq pour Sidi Bou Richa  raconte l’ex-footballeur ; et nous profitions de l’occasion pour détourner les offrandes à notre profit en préparant de succulents tagines.

Il me raconte par la suite comment à ce même endroit réputé hanté par Aïcha Qandicha (Kadoucha, la déesse de la mer ?), la mer en se retirant laissait derrière elle, dans les interstices des rochers, de petits poissons couleur d’algues dénommés « boris » probablement par la population d’origine africaine de la ville parce qu’il existe effectivement une divinité africaine du nom de « Bori » et parce qu’au cours du rituel de la Lila, il existe un esprit possesseur (melk) où le possédé danse avec un bol d’eau de mer contenant ce petit poisson des rochers .

- Enfant, poursuit notre ami, après les avoir capturés, on les vendait au juif dénommé Ishoâ. J’avais décidé un jour de l’épier pour voir ce qu’il pouvait bien faire avec de si petits poissons de roches. Je l’ai suivi jusqu’au Mellah où il tenait une boutique en face du dépôt de vin, où on fabriquait, à base des raisins charnus du pays chiadma — dénommés « tétons de jument » (bazzoult al âouda) — un vin rouge qui était célèbre pour son nom d’« arche de Noé».

 Cette même arche de Noé avec laquelle la ville accueillait le nouvel an musulman, car le subconscient du port a toujours été hanté par la crainte du déluge. Sidi Abderrahman El Majdoub ( mort en 1569) ne prédisait-il pas dans ses quatrains qu’« Essaouira verra ses richesses venir de pays lointains et qu’elle périra sous le déluge, un vendredi ou un jour de fête »? À force de boire de cette arche de Noé, pour faire face au froid glacial du Gulf stream et des vents alizés, les marins étaient toujours ivres en montant à bord :

- En épiant le soir cet Ishouâ, je me suis rendu compte qu’il vendait les boris en petits morceaux aux juifs qui en nourrissaient leurs chats.

C’est pour cette raison que les chats et les mouettes disputaient aux humains depuis lors, les terrasses et les ruelles de la ville !

 

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Mellah de Mogador


Les juifs travaillaient à mille et un métiers : ils étaient celliers et colporteurs sillonnant les campagnes environnantes sur leurs ânes ; ils étaient tailleurs et orfèvres, cordonniers et frappeurs de monnaies. Il y en avait même parmi les marqueteurs me disait mon père : il fabriquait pour les mariées juives un secrétaire en mohagné (lacajou) dénommé « skitiriou ». Pour survivre, les juifs faméliques du Mellah acceptaient n’importe quelle rétribution :

- Je me souviens de deux aveugles qui acceptaient de nous vendre du poivron vinaigré contre de la fausse monnaie ! Et l’on pouvait se faire coiffer à deux sous chez Afriat !

 

rue du mellah de mogador.jpg
Mellah de Mogador

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Qu’on ne s’étonne pas qu’une telle communauté ait pu donner naissance à un Abraham Serfaty ; le chef du marxisme marocain, qui a payé son engagement politique par la paralysie de ses deux jambes sous la torture ; et don’t Yveline la sœur a payé de sa vie le fait d’avoir refusé, au début des années soixante-dix, d’indiquer aux policiers qui la torturaient où se trouvait caché son frère ? Ca y est, j’ai retrouvé le nom de l’unique marqueteur juif d’Essaouira selon mon père : il s’appelait David El Qayèm (son nom de famille signifie en arabe le « redressé »). Et aujourd’hui même j’ai rencontré à Imine – Tanoute, un paysan berbère du haut Seksawa qui se dénomme « Afriat », je lui demande :

- Pardon, comment se fait-il que vous portez ce nom d’Afriat, célèbre à Essaouira comme étant le nom d’un luthiste juif, amateur de Malhûn, originaire de Goulimine ?

Mon interlocuteur d’Imine –Tanoute, m’explique que le nom d’Afriat n’a rien à voir avec la langue hébraïque ; c’est en fait un mot berbère qui désigne la personne dont les gencives sont disjointes. Nous avons une autre famille d’Essaouira qui porte un nom ayant la même signification en arabe : El Form (le « disjoint »). Donc ce n’est pas le berbère qui porte un nom hébreu, mais c’est le juif qui portait un nom berbère ! « Afriat » est un mot berbère et non pas hébraïque.J’ai retrouvé au Haut-Atlas, en remontant vers le mont Toubkal, un hameau à la lisière de Tifnoute qui était anciennement habité par des judéo-berbères. Tifnout désigne ces montagnes dénudées qui entourent le lac d’Ifni : Tifnout en tant que haut lieu inhabité s’oppose comme le vide au plein, aux zones de moindre altitude où l’habitant vit à l’ombre de gigantesques noyers. Le hameau dont il s’agit est le dernier lieu habité, après quoi on pénètre dans le vide sans vie des montagnes rocheuses de Tifnout, l’équivalent du « Khla », en arabe ; c’est à dire lieu sans habitation, sans végétation et sans vie.

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Le pêcheur juif de Mogador

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Chaque année les juifs s’y rendent en pèlerinage, comme ils le font au hameau d’Aït Bayoud de la tribu Meskala dans la région d’Essaouira. Et comme ils le font à « Moulay Ighi » dans la fraction de Tisakht-Ighi, des Glawa –Nord. Ces observations que nous avons fait nous-mêmes lors de dérives au Haut-Atlas, sont confirmés par les témoignages rapportés par Haïm Zafrani :

« Nous avons recueilli auprès d’un vieux rabbin, divers renseignements sur les communautés judéo – berbères de  Beni-Sbih, dont notre informateur est originaire, celle de Ktama, de Glawa, de Tifnut et de Tamgrut. »

Deux mille ans de vie commune sur la terre marocaine ont laissé des traces. Mais ce qui est étrange, c’est comment toute cette communauté s’est évaporé d’un seul coup après la naissance d’Israël ?

15 janvier 2003 : Hier, j’étais à la municipalité pour y rencontrer Hallab, le chef du groupe folk local. Il m’a dicté une qasida de Souhoum où l’on parle du Barzakh, cette station céleste des âmes mortes.Le soir Ben Miloud m’a parlé du récit que me racontait mon père sur son grand -  père l’imam de la Grande Mosquée Ben – Youssef :

« Le prêtre de l’église locale avait l’habitude de se rendre tôt à la plage de Safi, au nord d’Essaouira. Un jour il perdit un gousset plein de louis d’or, non loin de Bab Doukkala. Le grand- père de Ben Miloud, qui était imam à la Grande Mosquée, et qui avait lui aussi l’habitude de faire sa promenade matinale au bord de la mer, découvrit le gousset de louis d’or. Le jour même, il fit appel au crieur public pour annoncer au travers les artères de la ville, que « quiconque avait perdu un gousset ; doit se présenter devant l’imam de la Grande Mosquée pour donner son signalement et son contenu, afin qu’elle lui soit restituée. Le prêtre se présenta devant l’imam et retrouva effectivement son gousset  de Louis d’or intact ».Cette anecdote sur la cohabitation des religions me rappelle un souvenir d’enfance : au cours d’un été, alors que j’étais encore en culottes courtes, le bruit courut que « Jmia » s’était noyée, que son corps avait été recueilli sur les rivages de Sidi Mogdoul et que les pompiers l’avaient déposé à la morgue de la ville. Je ne me souviens plus comment je m’étais retrouvé en train de regarder par la serrure de la morgue : c’était la première fois de ma vie que je voyais le corps nu d’une jeune femme morte. Un corps doré mais inerte. « Jmia » m’aimait beaucoup, et me chantait souvent une chanson alors en vogue :

Ô flammes brûlantes qui me dévorent les entrailles

Le lendemain, j’ai eu une autre surprise : à son enterrement était présent le mari juif de notre institutrice, Mme Cohen. Que faisait donc ce juif à l’enterrement de Jmia dans un cimetière musulman ? On avait l’impression que toute l’assistance était pleine de respect et de gratitude pour ce geste du Sieur Cohen pour l’enterrement de Jmia. Il n’y avait plus ni juifs ni musulmans, quand il s’agissait d’enterrer une part de la mémoire commune de la ville.Le Sieur Cohen a émigré par la suite avec sa famille au Canada comme ce fut le cas du bijoutier Nessim Lup : dans les années soixante mon père m’avait envoyé faire une commission chez ce dernier qui habitait alors rue Théodor Cornut : sa salle à manger disposait d’un piano importé d’angleterre comme dans toutes les maisons des négoçiants juifs de la kasbah. Au milieu une immense table en acajou, où sont servis des mets variés et raffinés, où  s’entremêlent produits de la terre et ceux de la mer.

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De part et d'autre de Bab Marrakech, le cimetière disparu en 1985, par lequel nous passions pour nous rendre à l'école...

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"C'EST UNE PHOTO INHABITYUELLE DE BAB MERRAKCH. DE MON TEMPS LES ACROBATES ET LES CHARMEURS DE SERPENTS Y PULULAIENT." David Bensoussan qui a quitté Essaouira en 1965 et qui vit depuis au Canada.

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La dernière année de mon enseignement à l’école primaire de l’Alliance Israelite, nous avions comme instituteur d’Arabe, un safiot sec comme une alumette avec des dents entièrement ravagées par la carie à force de fumer du kif. C’était une véritable terreur, qui en état de manque soumettait les élèves récalcitrants à de véritables séances de tortures. Un jour le père de l’un des élèves, policier de son état, est venu se plaindre à Monsieur Moïse Ohanna, le directeur de l’Alliance Israelite, paisible et rondouilmlet homme à la calvitie prononcée et au eterrnel costume gris, féru de mandoline et qui se substituait aux maîtres en mathématiques en cas d’absentéisme. Le lendemain de son entrevue avec le parent policier, il se pointa à la première heure à notre cours d’Arabe et apostropha ainsi notre instituteur colérique :

- Mais Monsieur, nous ne sommes pas ici en commissariat de police ! Vous n’avez pas à pratiquer la torture sur mes élèves ! Suivez –moi à mon bureau…Depuis lors, nous n’avons plus jamais revu cet instituteur au grand soulagement de tous les écoliers.Et maintenant Josephe Sebag m’apprend que notre directeur d’école d’alors avait quitté Mogador à la fin des années soixantes pour finir ses jours en solitaire dans une chambre d’hotel en Espagne, où il vivait de quêtes en jouant de sa mandoline à la gare de Barcelonne ! A sa mort, au début des années 1990, le seul bien qu’on avait trouvé sur lui, était une théière de Mogador ! Elle appartenait probablerment à sa mère. Il était né d’une grande famille de négoçiants de Mogador qui trafiquaient dans le henné – d’où le nom d’Ohanna- et exportaitaient les amandes et la gomme  de sardanaque. Moïse Ohanna vivait avec deux autres frères qui ne s’étaient jamais mariés comme lui, dans une demeure de Derb Laâlouj et leur père était vendeur d’épices à Attarine.

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L'allée des araucarias avec au fond à droite l'ALLIANCE

A l’alliance israélite où j’étudiais, on m’accorda alors de beaux livres pour enfant, que je n’ai pu recevoir à l’estrade, mais que Zagouri, mon institutrice, me fit alors venir chez le pâtissier Driss, où j’ai eu droit et aux Beaux Livres et à un gâteau au chocolat ! Je lui ai menti, en lui disant que je n’ai pas pu assisté à la remise des prix parce que j’étais parti à Chichaoua ! En réalité l’appel de la plage et des vacances étaient plus forts, surtout quand les élèves se mettaient à chanter à la récréation dans la cour :
« Gai gai l’écolier, c’est demain les vacances...
 Adieu ma petite maîtresse qui m’a donné le prix
Et quand je suis en classe qui m’a fait tant pleurer !
Passons par la fenêtre cassons tous les carreaux,
Cassons la gueule du maître avec des coups de belgha (babouches)

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C.P.-2 - 61-62 : Cours Préparatoire, deuxième année de l'Alliance pour l'année 1961-1962 ( l'auteur est assi au second rang(troisième à partir de la droite). Najib Lachhab, l'actuel propriétaire du restaurant "Coquillage" tient l'ardoise entre les mains. On ne voit pas Mme Bensoussan, notre sévère maîtresse qui nous terrorisait avec son nerf de boeuf et qui à l'heure de goûter - on nous distribuait une tranche de pain, une tranche de fromage Américain et du chicolat au lait bien chaud - elle épulchait invariablement sa grosse orange au point que cela émoustillait nos narines...Son mari était marchand de vins au marché aux fleurs, là où un rabin et un imam procédaient au sacrifice des poulets de ferme selon les rites respectifs des juifs et des musulmans pour que la viande soit halal pour les uns cacher pour les autres. Après le décès de sa fille dans un accident de la circulation survenu au promontoire d'Azelf, notre maîtresse Bensoussan quitta précitamment Essaouira en 1965 et mouru peu après plus par le chagrin de quitter Mogador que par vieillesse...

Mon père disait souvent qu’en ce bas monde, il ne nous restera que ce que nous avons  mangé et bu….Et à Mogador, les juifs étaient très férus des plaisirs de table, au point que certaines variétés de poissons, comme la morue, sont appelés localement « poissons juif » (ou « Iskran » en berbère ).L’air distingué, chapeau melon gris sur tête, Nessim Loeub, m’invite au partage comuniel :

- Il faut d’abord honorer ma table, on parlera de la commission de ton père par la suite....

C’était à la veille d’une mémorable visite que feu Mohamed V devait faire à la ville : Nessim Loeub avait  confectionné à cette occasion, un magnifique sabre en filigrane d’or sur fond d’argent incrusté d’émeraudes et autres pierres précieuses où s’exprimait tout l’art des orfèvres juifs de  Mogador – le fameux « dagg souiri » - et mon père devait fabriquer le coffret en bois de thya  tapissé de velour bordeau où devait reposer le sabre royal . Traditionnellement la hadiyya de la communauté juive consistait en pièce d’orfèvrerie.. Avec leur beau sabre, et son coffret en bois de thuya, Nassim Loeub et mon père s’inscrivaient ainsi dans la vieille tradition marocaine de la hadiya.

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 Nassim Loeub, l'orfèvre d'Essaouira mogador,nostalgie poésie

Evoquant le travail des métaux précieux Haïm Zafrani, qui a enseigné longtemps à Mogador et sa région  avant de s’établir en France, écrit à sujet : « Dans la division du travail qui semble s’être instauré, de longue date, entre artisans juifs et musulmans, certains métiers sont traditionnellement reservés aux juifs particulièrement ceux où l’on manipule le plus de matière de valeur : or, argent, pierres précieuses et perles fines. »


Nessim Loeb était en réalité « Chkâ’yrî » (bailleur de fonds) en métaux précieux. Il faisait travailler les artisans bijoutiers grâce à ses capitaux. Il y en avait deux sortes : les dhaybya qui travaillaient l’or, et les syagha qui travaillaient l’argent. Même lalla, notre maraine, habile cuisinière, participait aux préparatifs. Finalement cette visite royale n’a jamais pu avoir lieu puis que feu Mohamed V fut appelé au chevet des sinistrés du tremblement de terre qui frappa Agadir à vingt trois heures 40, le 20 février 1960. En dix secondes, les trois quarts de la ville sont détruits et 10 000 à 12000 personnes perdent la vie. Le poète berbère Ibn Ighil s’est fait l’écho de ce terrible tremblemnt de terre  :

Agadir a été détruit, des milliers y sont enterrés

Quelle pitié ! Tous sont morts, aucun sauvé.

Tous ceux qui y sont des tribus totalement anéanties

Ils n’ont pas atteint leurs buts, ils n’ont rien accompli

L’Arabe comme le berbère, personne n’a été épargné

Quiconque y est entré, n’en n’est plus sorti

Les juifs sont morts ce jour-là, les chrétiens aussi

Tout comme les musulmans maudits et ceux du droit chemin

Les enfants sont morts ce jour-là, les femmes aussi

Quelques mutins, tirés des décombres, gardaient encore leurs âmes

Ils espéraient se réveiller, reprendre conscience

D’autres tirés des décombres,en direction de la mort, l’eternelle....


L’onde de choque s’est propagée jusqu’au coeur d’ Essaouira, à plus de 170 kms au nord de l’épicentre du séisme. Arraché à son profond sommeil, mon père avait cru que le vacillement de notre vieille maison était dû à la violance du vent. Ne sachant pas ce qui lui arrivait, il s’est levé ,   tatonnant dans l’obscurité,  en répétant   :

- lbard ! lberd ! lberd ! (Le vent ! Le vent ! Le vent ! ).

Pendant plusieurs nuits de suite les gens ont dormi dehors : nous passions la nuit à la belle étoile,avec nos voisins, au marché aux grains ! De surcroit le desastre est survenu le jour de l’Aïd El Kébir,si ma mémoire est bonne : c’est cela « le déluge un jour de fête » dont parlait le Mejdoub ! C’était aussi l’époque de l’exode massive de la communauté juive d’Essaouira  vers Israel . Les juifs du Mellah vendaient tout leurs biens et prenaient pour la dernière fois l’ autocar de Bab Doukkala, quittant ainsi définitivement la ville qui les a vu naître. Il y avait parmi eux Rahèel, la couturière de notre quartier, que j’ai connu toujours assise à même le sol, activant sa vieille machine à coudre « Singer », pour confectioner des habits traditionnels, qu’elle vendait ensuite à la Joutia ou aux colporteurs juifs qui sillonaient les campagnes environantes. On l’appelait khiyata d’el-melf, couturière spécialisée dans la coupe et la couture des vêtements de drap et de toile. J’ai appris beaucoup  plus tard qu’elle serait morte lors de la traversée de la Méditérranée, sans avoir jamais atteint « la terre promise »... La ville abritait autant de juifs que de musulmans comme l’atteste le recencement de 1921 : sur une population de 20.309 qui habitaient alors Mogador, 10.080 étaient musulmans et 9.487 israelites. Le reste, soit 1440, étaient européens. Les juifs étaient minoritaires dans le pays, mais pas à Mogador. Et puis un jour ils sont tous partis.

 

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 Je devais avoir huit ans et j’étais le seul de mes frères et sœur à fréquenter l’alliance israelite, où on étudiait aussi bien l’Arabe et le Français que l’hebreu. Mon voisin de banc n’était autre que Jojo Bouganim, le frère cadet de l’auteur du « récit du Mellah », où celui – ci  raconte cet émouvant départ sans retour de la communauté juive de Mogador : « Ma dernière journée à Mogador, quand le vent se mit à souffler, l’océan à déborder, les palmiers à se tordre et que, comme dans un cauchemar, les sionistes se présentèrent, la nuit tombée, pour nous embarquer. »

L’exil,  la nostalgie, le crépuscule de Mogador ...Abdelkader MANA

10:55 Écrit par elhajthami dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : mogador, nostalgie poésie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook