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27/01/2012

Feux de joie à Marrakech

Feux de joie à Marrakech

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      La notion d’art est intimement liée à la notion de rythme. Dés qu’apparaît le rythme, l’art apparaît. Socialement et individuellement, l’homme est un animal rythmique. A la veuille du premier moharram, jour de l’an musulman, annoncé par la nouvelle lune, le rythme de la dakka envahit les rues de la ville. C’est le rythme à l’état pur. Au dixième jour de ce mois sacré, on chante le aït. Dans le carnaval de achoura, il y a enchevêtrement de pratiques sacrées et profanes. Un marché spécial, dit « souk achour » est institué à Jamaâ Lafna. On vend dans ce marché des produits bien spéciaux et qui tirent une grande partie de leur vertu, du jour où l’on en fait l’acquisition.

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      Le rituel de achoura dure toute la nuit et vise à exorciser le chaos naturel et humain qui menace l’ordre de la cité. La cérémonie prend un caractère particulièrement organisé dans les anciennes villes du sud à forte populations berbère : Tiznit, Taoudant, Marrakech, Essaouira. Il semblerait que la séquence de la dakka soit originaire de la ville berbère de Taroudant.

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     Il existe un certain nombre de pratiques très généralement suivies le jour de achoura. C’est par exemple l’usage très répondu de se mettre le khôl ou de se teindre les mains au henné ce jour là. On croit que celui qui se purifie ce jour là  par le khôl ou le henné est purifié pour toute l’année. Les femmes s’ornent les mains de jolies arabesques floraux au henné. Les Qashasha, marchands de fruits secs et les âchouriyâtes, qui vendent les tambourins ont planté leurs tentes. Les goual ou goubbahi, sont en poterie nue tandis que les taârija sont ornées de dessins aux couleurs vives, phosphorescentes et très chatoyantes sous la lumière. Le goual est l’unique instrument dont l’usage soit permis pendant achoura. Ce jour- là on se rassasie à la queue de mouton de l’aïd elkébir, diyala, avec le couscous aux sept légumes où domine le fève. On prétend que celui qui ne se rassasie pas ce jour là, serait obligé dans l’autre monde de manger les pavés de l’enfer pour remplir son estomac.

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    Après le repas du jour de l’an, les femmes et les enfants allument des feux de joie dans chaque quartier. Les femmes stériles qui désirent un enfant ou celles qui espèrent marier leur fille effectuent des rondes autour du feu et sautent par-dessus les flammes par trois fois en chantant avec les enfants. Le brasier symbolise le bûcher dans lequel les païens avaient jeté le Prophète Abraham : obéissant à l’ordre divin, les flammes se refroidirent. Pour Emile Laoust, les Berbères marocains ont conservé l’antique usage d’allumer des feux de joie analogues aux feux dits de la Saint Jean, que les paysans de France et ceux d’Europe allument encore au solstice d’été.

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      Au cœur  grouillant de la médina,  El Herraz, marchand de tambourins de son état nous rappelle cette vieille chanson pour qui achoura est un mois de folie où même le juge frappe son tambourin : « Quand la fête de achoura approche, on va chez les potiers pour leurs faire commande de tambourins. Nous achetons par la suite les peaux de boucs, puis nous les laissons se décomposer car la qualité du son dépend du degré de décomposition de la peau. Le meilleur son est émis par la peau décomposée de timakhine. Quand il s’agit de tambourins pour femmes et enfants, peu importe la peau, mais pour le tambourin de la dakka ; on choisi le flanc de l’animal, là où la peau est à la fois souple et solide. Il y avait des gens qui gardaient leur taârija, pendant vingt ans. Après s’en être servi pour achoura, ils la remettaient sous leur djellaba et la rangeaient chez eux jusqu’à l’année d’après. Et ce jusqu’à épuisement de la peau et ils en commandent une autre. Tu voyais tel notable dans la rue et tu te disais qu’il ne participait pas à la dakka, pourtant la nuit venue, il arrivait avec sa taârija sous la djellaba et c’est là qu’il se dévoile enfin. »

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      En nous recevant en 2001, à Dar Bellarj, la maison où on soignait les la maison où on soignait les cigognes cigognes, l’architecte Suisse, Susanna Bederman Alioth [i] nous déclarait:

« J’avais une première idée pour un engagement à Marrakech, parce que Marrakech, c’est spécial, ça ne s’explique pas . Pour moi, il n’est pas question de Fès, de Safi ou tout autres lieux. C’’était Marrakech. C’est un ami, Abdellatif qui m’a montré pour la première fois cette maison de « Dar Bellarj ». Elle était en très mauvais état. Ayant l’avantage ou la chance d’être architecte, j’ai vu qu’elle n’était pas dans un état désespéré. La première chose à laquelle j’avais pensé en rentrant dans cette maison, c’est qu’elle m’a semblé comme si elle était faite pour la culture. Le réez  – de – chaussé peut accueillir les manifestations culturelles et en même temps, sur la terrasse on pouvait nous installer un petit appartement qui est largement suffisant pour nous. Et donc réez – de – chaussé, cave pour le public. Nous avons fait des expositions à thèmes telles que « senteurs et couleurs », « architecture de terre » à l’exemple de Tamnouga, ksar dans la vallée du Draâ, maintenant « la caravane civique » et l’Achoura qui est devenue la fête de Dar Bellarj. Pour cela je dois remercier mon équipe qui était à l’initiative de cette fête de achoura. Ils l’ont organisé l’année dernière sans que je sois là et c’était un grand succès.. Et c’est à travers cela que vous avez pris contact avec nous. On s’est dit : on va la refaire en plus élargie et voilà ce qui s’est passé hier soir : c’était la fête de l’achoura de 2001. »

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Pour ce documentaire on est allé à la rencontre du cœur éternel et palpitant de Marrakech à commencer  par Si Rahal, le vieux trompettiste, de son état, tenancier d’un four public traditionnel juste derrière la place de Jamaâ Lafna, qui nous entretint des origines même du carnaval de achoura :

« A l’aïd el kébir on faisait herma, on le couvrait de peaux de moutons du sacrifice et on lui confectionnait un masque de poiles avec cornes. C’est ainsi qu’on accompagnait herma. »

Il y a en quelques sorte, deux fêtes dans ce qui est décrit comme une seule et unique fête : la fête de l’aïd el kébir au quelle succède la mascarade de achoura. Le sacrifice sanglant inaugure un cycle rituel auquel mettent fin, quelques trente jours plus tard, les cérémonies de achoura. Herma, l’homme aux peaux est le point commun entre ces deux. Mais s’il a subsisté dans le haut Atlas, ce personnage carnavalesque a disparu de Marrakech comme nous le relate Abderrazaq l’héritier du fameux Baba le maître incontesté de la Dakka de Marrakech qui dispose, non loin de Jamaâ Lafna d’une boutique où les percussionnistes de la dakka se retrouvent quotidiennement à même la natte :

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« L’origine de la dakka est de Taroudant, explique-t-il. De là , elle est arrivée à Marrakech. C’est au quartier des ksours qu’on a joué la dakka pour la première fois. De là, elle s’est diffusée aux sept quartiers qui représentent les sept étendards de Marrakech. : Zaouia, Lmouqaf, Ben  Saleh, Riad Laârouss, Derb Dabachi, la Kasbah et Bab Doukkala. Soit sept quartiers. Le rituel de la dakka se déroule en trois phases : le pur rythme de la dakka, la compétition chantée dite le aït (ou l’appel), et enfin afouss (qui signifie «main » en berbère), et qui est l’accélérant final qui comporte une tonalité gnaoui en raison de la forte prégance des crotales. On y assiste au milieu du Gor (orchestre) à un échange entre le joueur de la tara (tambourin à sonnailles) et le qraqchi (le joueur de crotales). Après quoi on joue à qui fera culbuter l’autre : lamchaïcha. Il y a aussi herma, l’homme aux peaux chamaillé par les enfants. Il déambule dans le labyrinthe de la médina suivi des enfants répétant cette comptine :

Tiktika ô fils de hammou

Le chauve aux fesses dénudées

As - tu un morceau de foie à m’offrir ?

J’en ai déjà goûté une pesée et bien davantage

Ainsi d’ailleurs que du poulet d’Ethiopie

Et du melon bien mûri..

Cette dimension carnavalesque a disparu ainsi d’ailleurs que la compétition chantée entre les différents quartiers qui se déroulait à Jama Lafna. Il est d’ailleurs significatif que le rituel de la dakka n’a pu être ressuscité et organisé en 2001 que dans le cadre de Dar Bellarj…

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Nous avons retrouvé là cet entrelacement des formes musicales déjà observé à Essaouira : le groupe du aït de Marrakech comme celui du Rzoun d’Essaouira, appartient par ailleurs aux confréries religieuses, aux animateurs des processions de mariage et aux orchestres de la ala  andalouse et du malhûn. C'est-à-dire au modèle musical médini (M.M.M). Voici d’ailleurs ce que nous disait à ce propos maâlem Ismaïl Askro de Taroudant :

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« A Taroudant, le aït prélude par la prière sur l’élu de Dieu et sur nos saints:

Ghazouani, je viens en pèlerinage vers toi, ô porteur de la hache !

Frappez vos tambourins lentement, la nuit est encore longue..

Dés la phase préliminaire de la dakka, on fait appel au cheikh du malhûn pour qu’il joue de la grihâ.:

A Baba cheikh wanta banya garrah liya…

O Baba Cheikh, avec foi, chante pour moi

On fait appel aux chantres du malhûn parce que le aït est intimement lié au malhûn. Le joueur de crotales doit être gmaoui. »

 

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C’est le cas de maâlem Ahmed Dah Dah, un gnaoui habitué que nous avons connu à Essaouira au début des années  1980 où il était souvent invité au moussem des Hamadcha et que nous avons retrouvé lors du tournage de « feux de joie à Marrakech » et qui nous déclarait :

« Ceci est un hal. La dakka de Marrakech concerne tous les artisans, qu’ils soient menuisiers, forgerons ou autre. C’est le cachet de la ville. Le patrimoine de notre cité que nous commémorons chaque année. Tous les quartiers y participent. On y vient même des autres villes. Vous avez au milieu les joueurs de la tara et des crotales et tout autour sont assis les percussionnistes de la taârija . On invoque les sept saints de la ville ainsi que nos amis. A chaque crépuscule, mes amis m’entourent et on continue ainsi jusqu’à la fin du aït. »

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Pour le gnaoui Mustapha lagssis membre de la troupe de la dakka de Marrakech :

« A chaque ville correspond un chant particulier : Taroudant a son aït et Marrakech a le sien. Au début on chante :

Nous commençons par t’invoquer ô miséricordieux !

Prélude connu. Puis on chante :

Prière sur toi, le Prophète Mohammed, messager de Dieu !

Et on continue par :

Sous l’aile protectrice du Seigneur, le soleil s’est éclipsé le soir.

Et on conclu par l’invocation du patron des saints Sidi sliman El Jazouli, l’auteur de Dalil el Khayrat.

Pour ce qui est de la percussion, chaque ville a son propre rythme. A Marrakech, on rythme 3/1, donc, ça fait 4. C’est sur cette quatrième note que nous construisons le jeu. Et on continue ainsi jusqu’à « Eh !Wa ! », « Eh ! Wa ! ».

L’équilibre du jeu est obtenu grâce à l’intervention du crotaliste et du tambourinaire qui synchronisent les deux moitiés du chœur jusqu’à l’accélérando final d’affous. »

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Ainsi à la phase agitée de la Dakka succède la phase paisible du aït, à la dialectique de la violence où prédominent les célibataires, succède la sagesse des vieux. La Dakka se déroule en position debout et sans parole ; le aït se déroule en position assise, et le rythme lent et faible des tambourins n’est plus qu’un simple support au chant .La compétition chantée était encore vivace entre les quartiers de la ville

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Le chœur est réparti en deux : la partie orientale (la natte) et la partie occidentale (la couverture). Le haut et le bas reproduisent ici symboliquement le ciel qui recouvre la terre, soit le plan humain et le plan extrahumain. À tour de rôle les deux parties du chœur chantent la mélopée, tandis qu’ils font résonner lentement leurs tambourins. La phase musicale chantée par une partie hésite en son milieu en une longue modulation vocale au terme de laquelle elle est « saisie » par l’autre partie qui enchaîne. Cette modulation hésitante entre la natte et le linceul, la terre et le ciel, symbolise d’une façon tangible la transition marquée par cette nuit de l’Achoura entre le cycle écoulé et celui qui s’ouvre.

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 Le lendemain de la nuit chaude de achoura, au levé du soleil, on s’asperge d’eau de zem - zem et on se dirige vers les vieux cimetières de la ville pour les asperger à grande eau. Dans les cimetières, avec baba achour, on enterre pour ainsi dire l’année écoulée. On couvre les tombes d’eau de rose et de basilic sauvage (rihan). Un marchand qui vend cette plante du paradis aux abords du cimetière nous dit :

 

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« Hier, a eu lieu la nuit de la Dakka. Tout le monde y participe avec joie jusqu’à l’aube. Les gens se rendent au cimetière pour visiter les morts. Ils trouvent les figues sèches, le basilic sauvage, les palmes de palmiers, l’eau de rose, les poteries qu’ils mettent sur les tombes et les jouets qu’ils achètent pour leurs enfants. Après avoir visiter leurs morts, ils rentrent tout contents chez eux. »

 

 

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Fête où les vivants se réconcilient avec leurs morts, achoura présente un mélange de deuil et de joie. On commémore tant de choses à cette occasion, en particulier la mort de Hussein à Karbala. Il s’agit aussi d’enterrer symboliquement l’année qui s’achève pour accueillir celle qui commence.

La fête de l’achoura est suivie par un pique-nique rituel nous explique Mohamed Laâchir, tanneur de Marrakech :

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« Si par exemple, aujourd’hui, on a le Gor de la dakka, le lendemain on procède à une tournée aumônière à travers la ville, pour recueillir la zakat auprès des personnages aisés. Avec cet argent, on achète un vau et on pique – nique dans les vergers. Ceux de la dakka participent bien sûre , mais le tout venant peut boire et manger. Ainsi chaque quatier de Marrakech organise sa propre Nzaha.Je vous ai raconté celle organisée par les tanneurs »

On n’appelle pas par hasard Marrakech « Bahja » (la joyeuse) : chaque fête religieuse y est suivie d’un pique – nique rituel où Nzaha mot qui connote la renaissance de la nature et de la cité. Abdelkader Mana

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logo.jpg[i] Architecte Suisse, Susanna Bederman Alioth est tombée amoureuse de Marrakech et y a fondé « Dar Bellarj » dans un véritable esprit de mécénat culturel visant l’épanouissement de ce qu’elle appelait « les arts vivants » du Maroc. C’est dans ce Riad où on soignait les cigognes qu’elle a restauré en tant qu’architecte, qu’elle nous avait accueilli chaleureusement pour le tournage de l’achoura 2001. Entre temps, toujours  à Marrakech, elle avait fondé une école dévolue aux métiers du cinéma et de l’audiovisuelle, avant de disparaître brusquement en 2007. Dans « feux de joie à Marrakech », documentaire que nous avons tourné pour l’essentiel à Dar Bellarj, elle paraissait heureuse, rayonnante et exprimais tout l’espoir et l’amour qui sous-tendaient sa démarche pour Marrakech et sa culture

00:35 Écrit par elhajthami dans Arts, Musique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique, achoura | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Le Rzoun de âchoura

 musique

Personnages du carnaval de l'achoura à Mogador au début du xx ème siècle

Personnages du carnaval de l’achoura à Mogador au début du xx ème siècle Pour Marcel Mauss, la notion d’art est intimement liée à celle du rythme :« Dès qu’apparaît le rythme, l’art apparaît.
Socialement et individuellement, l’homme est un animal rythmique ». À la veille du 1er Moharram, jour de l’an musulman - annoncé par la nouvelle lune - le rythme de la Dakka envahit les rues de la ville. C’est le rythme à l’état pur. Au dixième jour de ce mois sacré, on chante le rzoun.
Dans le carnaval de l’achoura, il y a enchevêtrement de pratiques sacrées et profanes.

musique

 En hommage à mon père et à la poétesse Aîcha Amara ...Il en est des êtres dont la mémoire reste attachée à un lieu, la poétesse Aïcha Amara qui vient de nous quitter, ce mardi 25 mai 2010, est restée, malgré son exile Casablanca, très attachée à Essaouira sa ville natale. Chaque fois que je lui rendais visite ainsi qu’à son mari Si Tayeb Amara à l’urbanité exquise, elle ne m’entretenait que d’Essaouira auxquelle elle a consacré un très beau recueil de poésie, sous le signe d’Aylal, illustré par les peintres de la ville. Le dernier projet qui lui tenait à coeur était de faire revivre le Rzoun de l’Achoura, le vieux chant de la ville. C’est pourquoi nous lui dédions aujourd’hui ce Rzoun, notre repère mémorial commun...Qu’elle repose en paix, notre poétesse bien aimée...

musique

 Hier, le mercredi 26 mai 2010, l’artiste Hamza Fakir m’a invité à déjeuner dans son atelier pour discuter de ses toutes dernières oeuvres qui portent sur l’arganier, symbole d’enracinement local. Nous avons évoqué tout les deux l’intérêt que porte Aïcha Amara à son art, à son style et à sa peinture: nous ne savions pas encore qu’elle n’était plus de ce monde! Hier Aïcha est morte, aujourd’hui, nous recevons sa terrible nouvelle...Le vieux chant du Rzoun évoquait ainsi la mémoire de son homonyme «Aïcha Bali» :
Trônant sur son fauteuil
Agitant l’éventail : Aïcha Bali.
Parée de bijoux, diadème magique
Sur le front : Aïcha Bali.
Aïcha, Aïcha, soit heureuse
Nous sommes partis.
La belle a dit :
Compagnon, je t’en prie,
Que me veulent ceux qui m’interpellent ?
Il n’y a rien à dire,
Il est temps que je m’en aille...

musique

Orchestre de Malhun au marché aux grains avec khalili au micro 1983

Que disait le chant oublié de la ville ? Il parlait d’amour et de mort. Je revois encore les Hamadcha restituant pour une dernière fois ce chant. C’était en 1983 : mon père eut une occlusion qui faillit l’emporter, et à laquelle il a survécu vingt ans parce qu’il avait une constitution physique solide.
Son corps était sculpté par le bois qu’il n’avait pas cesséde travailler sa vie durant. Il se souleva péniblement pour écouter à la fenêtre la rumeur du Rzoun qui montait de la ville. Les mille voix des Hamadcha scandant le chant de son enfance retrouvée. Ce soir-là, les Hamadcha étaient beaux
comme dans un rêve, tristes comme dans un linceul..la séquence de la Dakka, le clan Ouest de la ville,celui des Béni Antar se retrouvait à la porte de la mer (BabLabhar), alors que leurs adversaires du clan Est des Chebanatese retrouvaient au seuil de Bab Marrakech.La première porte était dite hantée par Aïcha Qandicha,(la démente de la mer).La seconde porte se situait entre les deux vieux cimetières de Bab Marrakech (rasés au court des années quatre-vingt). Le tapage nocturne des uns vise à exorciser les génies, et celui des autres à réveiller les morts.Après le repas du jour de l’an, les femmes et les enfants allument des bûchers dans chaque quartier. Les femmes stériles qui ésirent un enfant ou celles qui espèrent marier leur fille, effectuent des rondes autour des feux de joie et sautent au-dessus des flammes par trois fois en chantant avec les enfants. Le brasier symbolise le bûcher dans lequel les païens avaient jeté le prophète Abraham : obéissant à l’ordre divin, les flammes se refroidirent. Le rituel de l’Achoura dure toute la nuit et vise à exorciser le chaos naturel ou humain qui menace l’ordre de la cité. La cérémonie prend un caractère particulièrement organisé dans les anciennes villes du Sud à forte population berbère.La Dakka est en effet une phase chaude qui se déroulait du crépuscule jusqu’à minuit. Autorités et notables participaient également au rituel : le carnaval abolit les barrières sociales le temps d’une nuit.

C’est l’Achoura mois des folies,
Même le juge frappe son tambourin !
C’est une fête de libération et de transgression des interdits. Pour les femmes, c’est l’opposé de la fête du Mouloud qui célèbre la naissance du prophète et avec lui la canonisation des tabous :
C’est l’Achoura, nous sommes libres, ô madame !
C’est au Mouloud que les hommes commandent, ô madame !
Le Rzoun que chantent les sages est une théâtralisation de conflits réels qui opposaient les deux clans de la ville : ce chant inachevé et improvisé est une production collective. Chacun y va de son couplet afin de contribuer par sa verve à l’affaiblissement du clan adverse. La force d’évocation vient des milles voix, de cette répétition sur plusieurs registres mélodiques, tantôt tristes, tantôt nostalgiques, traduisant une cassure quelque part. Le choeur est réparti en deux : la partie orientale (la natte) et la partie occidentale (la couverture). Le haut et le bas reproduisent ici symboliquement le ciel qui recouvre la terre, soit le plan humain et le plan extrahumain. À tour de rôle les deux parties du choeur chantent la mélopée, tandis qu’ils font résonner lentement leurs tambourins. La phase musicale chantée par une partie hésite en son milieu en une longue modulation vocale au terme de laquelle elle est « saisie » par l’autre partie qui enchaîne. Cette modulation hésitante entre la natte et le linceul, la terre et le ciel, symbolise d’une façon tangible la transition marquée par cette nuit de l’Achoura entre le cycle écoulé et celui qui s’ouvre. Ainsi à la phase agitée de la Dakka succède la phase paisible du Rzoun, à la dialectique de la violence où prédominent les célibataires, succède la sagesse des vieux. La Dakka se déroule en position debout et sans parole ; le Rzoun se déroule en position assise, et le rythme lent et faible des tambourins n’est plus qu’un simple support au chant .La compétition chantée était encore vivace entre les clans de la ville.
LE RZOUN
Essaouira la belle n’a pas de pareille
Jusqu’au Yémen
Ses hauts remparts sont bénis
Par la protection des saints
Par Sidi Mogdoul qui a une citerne
Devant sa coupole
Permettez-moi donc d’avouer
Les soucis qui m’oppressent
Et si je meurs que personne ne me pleure
C’est pour toi mon bel amour
Que j’en appelle à la muse
Sois donc sans réserve
Et sers-nous les coupes de cristal.
Sois donc sans réserve
Et sers-nous la fine fleur à fumer.
Trônant sur son fauteuil
Agitant l’éventail : Aïcha Bali.
Parée de bijoux, diadème magique
Sur le front : Aïcha Bali.
Aïcha, Aïcha, soit heureuse
Nous sommes partis.
La belle a dit :
Compagnon, je t’en prie,
Que me veulent ceux qui m’interpellent ?
Il n’y a rien à dire,
Il est temps que je m’en aille.
Vaillant compagnon, frappe ton bendir
La nuit est encore longue.
Vois donc les Béni Antar qui s’essoufflent
Avant même que ne vienne l’aube.
Mais quel est votre chef, ô Chebanate ? !
Ossman à la tête bossue et à la bedaine
Serrée d’une cordelette ?
Et qui est votre chef, ô Béni Antar ? !
Ali Warsas traînant son chien
Éternellement sur son âne ?
Qu’est-il donc arrivé aux Béni Antar ?
La mer les a emportés, que Dieu nous en préserve.
Vaillant compagnon frappe ton bendir
Et porte les amendes sur les barcasses
Les voiliers attendent au large.
Comment se fait-il que le gerch d’argent
Devienne le dirham de papier ?
Voilà l’origine du profit et du vol
Commerçant spéculateur,
Artisan grâce à sa bourse mais sans métier,
Et théologien dont la principale devise
Est de dire : donne !
Lune ronde toute grande, faites la ronde
Moi, je ne veux pas du vieillard
Mais c’est la volonté de Dieu
À Derb Laâlouj, j’ai vu des yeux d’un tel noir
Si tu savais ô mon frère, combien ils m’ont ravi !
Ô toi qui s’en vas pour Adour,
Emporte avec toi le Nouar !
Je ne veux pas me marier
Mon compagnon m’offre
La coiffe rouge de Marrakech
Comme tu es belle !
Le beau garçon aux yeux brillants
Qui valse dans la salle
C’est le fils d’Alhyane
Il porte un poignard
Ô madame, au cordon de soie…
Vaillant compagnon, frappe ton bendir
Vois donc venir l’aube
Que le maladroit qui ne sait point parler
Ne vienne pas en notre compagnie.
Quant à nous, nous ne bougerons pas d’ici
Nous resterons assis calmement
Ahna gaâdine asidi ba’Rzounou.

Le rituel s’achève en rixes entre adversaires. C’est le taâlak : ils se lancent les tambourins d’argiles et les tisons de feu. Ghorba le vieux cordonnier y avait perdu un oeil. On compte souvent des blessés, mais les blessures reçues en cette circonstance possèdent une baraka. Le chant de
l’Achoura célèbre à Essaouira la naissance de la cité. Il reproduit au niveau symbolique et poétique les conflits originaux et toujours latents de la ville. Juste à côté de la porte de la marine, il y avait une grue aujourd’hui disparue. C’est du haut de cette grue qu’Ali Warsas serait tombé en se brisant irrémédiablement une jambe. Depuis lors, il ne se déplaça plus que sur son âne au point de devenir l’objet d’un fameux couplet du Rzoun le chant disparu de la ville. Le clan des Chebanate, le quartier Est de la ville chantait :
Qui est votre chef ô les Béni- Antar ?
Ali Warsas, toujours sur son âne suivi de son chien !
Ce à quoi le clan Ouest des Béni- Antar répond :
Et qui est votre chef, ô les Chebanate ?
Osman à la tête bossue,
Et qui avait en guise de ceinture, une cordelette ?!
Ali Warsas qui avait émigré en Angleterre, en était revenu marié avec une Anglaise. À sa mort cette dernière l’avait enterré au cimetière chrétien de Bab Doukkala. Si bien qu’il est le seul musulman enterré parmi les chrétiens ! À l’époque, l’Eglise anglicane était très active à Essaouira, au point que les juifs de la ville avaient organisé une manifestation au quartier des forgerons — manifestation
immortalisée par une vieille photo en noir et blanc — pour exiger le départ du chef de l’Eglise anglicane accusé de vouloir convertir les juifs au protestantisme. L’aïeul Ahmed, qui avait disparu au large, était menuisier de son état : il se chargeait de confectionner l’arche de Noé du carnaval de
la fête abrahamique d’Achoura. L’orchestre était dirigé par le vieil herboriste Iskijji, qui me disait que c’est notre aïeul Ahmed qui confectionnait jadis l’arche de Noé du carnaval d’Achoura. En ces temps lointains, Iskijji allait distribuer leur pitance aux prisonniers de la kasbah, la cité originelle qui
était entièrement entourée de remparts et où résidaient les consuls, les amines de la douane et l’administration royal. Mon père me racontait comment avec la complicité d’un caïd de la région, l’un de ces prisonniers put s’évader à la faveur de la nuit, en sautant sur le dos d’un coursier qui
l’attendait en bas des remparts. Sur les décombres d’Essaouira que nous évoquons est en train de naître une ville flambant neuve, faite de kit surf, d’hôtels pour jet-set, de festivals parachutés clés en main par des boîtes de communication et de marketing, lieux de rendez-vous politico-mondains, de villas hors de prix en bordure d’un immense terrain de golf, autour des ruines du palais ensablé du sultan.
musique

Comédien et chanteur, Khalili représente à lui seul toute la culture de la médina

      Etre médini c’est connaître de l’intérieur et pratiquer la culture traditionnelle de la médina. Le groupe qui chante le rzoun pratique aussi bien la musique sacrée des confréries que la musique profane tel que la ala andalouse ou le malhûn. Les genres musicaux ne sont pas juxtaposés, ils s’interpénètrent à la manière des fils d’une tapisserie. C’est pourquoi l’idée d’entrelacement que suggère l’image de la trame permet de décrire plus dynamiquement l’interpénétration des cultures dans la ville. Au niveau des pratiques musicales nous sommes en présence d’une trame : les roupes de musique populaire sont capables de reproduire des genres musicaux très divers. La musique d’Essaouira, par exemple,apparaît comme une musique décentrée dont les centres se trouvent ailleurs. C’est la musique d’une culture « Carrefour» et non d’une culture patrimoine. On ne peut pas saisir cette culture inachevée de la ville par des méthodes qui supposent l’existence d’un corpus stabilisé. Soit l’exemple du seul corpus apparemment stable fixé et endogène : le chant de l’Achoura, on a d’abord l’impression que c’est le poème endogène de la ville, mais on découvre ensuite que le modèle poétique et mélodique du rzoun a la même matrice que celui de Marrakech et de Taroudant. Il semble être le résultat d’un phénomène de diffusion culturelle à partir de ces deux villes plus anciennes. On constate aussi que les Brioula (couplets du rzoun) ne sont pas toujours de la même époque. Bref, ce chant de l’Achoura qui semble le plus proche de la définition traditionnelle du patrimoine achevé et endogène est en réalité un poème inachevé, ouvert, en perpétuelle évolution et pour une part, venu d’ailleurs. Voilà un exemple de culture carrefour que nous avons particulièrement étudié, parce qu’il est exemplaire,ce fait n’est pas seulement un caractère de la musique mais aussi des produits artisanaux dont l’esthétique provient en partie d’ailleurs.La culture d’Essaouira, pour le Rzoun de l’Achoura comme pour le malhûn, doit beaucoup à la ville de Marrakech. Le modèle souiri de l’Achoura est proche de l’ Aït de Marrakech quoiqu’il existe des nuances entre l’ Aït et le Rzoun d’Essaouira. Il semblerait que la séquence de la Dakka - un véritable tapage nocturne qui relève à la fois du charivari et des mascarades carnavalesques - soit originaire de la ville berbère de Taroudant, d’où elle s’est diffusée avec le commerce transsaharien vers Marrakech puis Essaouira.
Abdelkader MANA

musiqueAutoportrait du temps qui passe...
Le 18 décembre 2009, soit le 1er Mouharram 1431, commence le nouvel an musulman. A Essaouira rien ne l’annonce si non le tappage des tambourins par les enfants de notre quartier et le soir venu j’ai croisé à derb Laâlouj des enfants qui sautent par dessus un feu de joie. Hier, le 26 décembre, partout je croise des groupe de dakka, adolescents et enfants parcourant la ville avec leurs tambourins. En me rendant à la zaouia des Hamadcha j’y découvre Dabachi en train de diriger une séance de Rzoun de âchoura où figure entre autre le tambourinaire Larabi des Halmadcha et maâlam Hayat des gnaoua. La partie était très belle et bien maîtrisée. Ils ont chanté en ma présence le couplet sur Alhyan qui valse dans la salle, celui sur le pèlerinage et celui sur la brassée de kif et la coupe de cristal. Après le chant tout le monde s’est levé pour jouer le pur rythme de la dakka. En les observant, je me suis rendu compte qu’il ne s’agit pas de technique, mais d’un don inné que relève de la fougue et du tempérament de la personne: on a ou on a n’a pas le rythme dans le sang, dans les tripes. C’est pourquoi on a chanté aussi le couplet: «Mais que vient faire parmi nous le maladroit qui ne sait point rythmer la mesure?».

00:20 Écrit par elhajthami dans Achoura, Musique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : achoura, musique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

24/01/2012

L'hinterland d'Essaouira

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Texte Abdelkader Mana, photographies Abdelmajid Mana

Le poète et la hotte sont semblables,

personne n’en veut s’il n’y a pas de pluie et donc de récolte. »

Andam Ou Adrar, le compositeur de la montagne

Mon frère Majid qui continue à effectuer des rondonnées au pays Haha vient de m'apprendre qu'on a trouvé hier, lundi 23 mars 2012, un joueur de Rebab pendu à un arganier du mont Tama (c'est la première fois que j'entends parler de suicide dans la valée de Tlit, jadis si heureuse) et il y a quinze jours, la Tihrikit de notre enfance s'est éteinte à son tour: la pluie se fait attendre , les paysans se sentent abondonnés et s'en vont ainsi dans le silence et surtout dans l'indifférence...

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A Zahra Yahya, notre màre bien aimée et inoubliable

 Ah le festin de figues de barbarie au crépuscule et à l'ombre de cactuces gorgées d'eau et de leurs grosses épines!....Cela nous suffisait largement pour accueillir la voie lactée aux vallons parfumés de l'heureuse vallée de Tlit!En compagnie des ami de tiqlit(lézard en berbère) ce garnement si maigrichon que son surnom lui convenait comme une bague de fiançailles! Les pierres avaient une odeur et les jeunes filles aux joues cramoisies aussi! A chaque vacances les bergers de la vallée étaient heureux de nous accueillir nous autres enfants gâtés de la ville: ils s'empressaient de nous gaver de festins de figues au coeur onctueux et tendre et au parfum ennivrant. Notre imaginaire enfantin s'enflamait a voire les paysans courbés sous leurs hottes chargées de  pailles qu'ils transportaient des lumineux air à battre aux sombres silots ! Et cette odeur d'huile d'argan mêlée à la bouse de vaches, de chiendent et d'herbes sauvages ! Tout nous conviait au voyage imginaire et au rêveries au bord du feu où l'on cuissait du si bon pain de seigle et de blé tende fraichement fauché par les moissonneurs.....

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 Qu’elle soit la bienvenue

Celle qui apporte le bien à nos maisons

Celle dont les épousailles sont célébrées

Par la danse de toute une montagne !

 Chant nuptial du pays Haha

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J'ai retrouvé il y a un an de cela un autre souvenir d'enfance complètement oublié : J'ai rencontré Fatima que j'ai connue dans mon enfance. Elle est maintenant une femme précocement vieillie s'adonnant assidûment à la prière...Elle me rappella un souvenir oublié en rapport avec sa mère que nous appelions affectueusement « Mouizigha»  et qui n'est plus de ce monde probablement depuis fort longtemps. C'était une voisine et une amie à ma mère chez qui enfant je me réfugiais à chaque fois que je commettais une farce. Pour éviter d'être puni, je passais sous la chaleur de son toit hospitalier et affectueux, les sombres nuits d'hiver.

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 Elle m'amenait souvent à son bled dénommé Ifran et situé à l'emplacement actuel de l'aéroport de Mogador. Fatima me dit maintenant : « Les voisines à qui nous faisions visiter notre Ifran n'en revenaient pas une fois sur place : « Nous croyons que nous allons visiter un Ifran de verdure, mais nous n'avons trouvé qu'un ifran de pierrailles ! » En effet, en berbère le terme ifran signifie l'oasis de rosiers et de lentisques qui se développe à l'ombre d'un vieux caroubier au voisinage d'un puits ou d'une source avec des laveuses de linges sur dalles de pierres lisses chantonant de beaux refrains au cliquetis de leurs bracelets mêlé au coassement des crapauds et des grenouilles. Une espèce de paradis d'ombre et de lumière qui surgit de l'inconscient comme des souvenirs estompés à multiple interprétations.Pour moi, l'ifran de  pierrailles était plutôt un petit coin du paradis de mon enfance, oublié certes, mais où germe cette flamme poétique qui continue notre vie durant à nous insuffler cette ardeur intérieur, cette méditation des profondeurs,cet indicible qui nous habite : c'est à travers cet inconnu rêvé que nous tentons de retrouver le temps perdu de notre enfance à travers les couleurs chaudes, transparentes à la légèreté éthérée du souvenir..histoire,photographie« Une fois me raconte Fatima, Mouizigha avait acheté au souk des Ida Ou Gord, un petit âne au pris de 1200 réaux (60 DHS actuels), juste pour te permettre de gambader entre les enclos d'épines de nos champs...Tu passais ainsi la journée avec ton petit âne au point d'en attraper une terrible fièvre et de nous faire peur en nous disant au fond de ta sieur et de ton délire : je vais mourir, je vais mourir... » Vision cramoisie, enfiévrée du monde...

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Dés qu’il voit les fleurs mûres de leur fruit

Il va chez le moissonneur et lui fait des avances

Mais au jour de la moisson, la tige était sans graine :

Les oiseaux l’ayant dévoré ne laissant que la paille.

Aux filles de notre époque, n’exigeons pas trop de pureté.

Que Dieu te vient en aide, toi qui veux les emporter !

Au grand jour, elles seront la proie de l’hyène

Si leur mariage était forcé…

Chant de moissonneurs recueilli par l'auteur au début des années 1980 au pays Haha

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Au pays Haha rien ne vaut un bon tagine de courge et de viande de bouc à l'huile d'argan : à condition de le consommer sur place, car l'incomparable saveur tient surtout à la qualité de l'air et de l'eau...

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Ma mère était arrivée à Essaouira à l’âge de cinq ans, vers 1933, c’est-à-dire en pleine période du Dahir Berbère  décret par lequel le Protectorat visait à promouvoir deux juridictions parallèles, le droit coutumier berbère d’un côté, et le  chraâ , ou juridiction musulmane de l’autre. Ce  qui unifia par réaction le nationalisme marocain naissant : dans toutes les mosquées du pays, on répéta le  Latif (prière dite quand la communauté musulmane est gravement mise en danger) : « Seigneur, aie pitié de nous, en ne nous séparant pas de nos frères berbères ! »

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Mon frère Majid vient de recueillir, auprès de notre tante maternelle – que nous appelons affectueusement  Lalla – le récit de son arrivée ainsi que de celle de ma mère Zahra Yahya à Essaouira, au cours de la grande famine, dite de l’année hégirienne de 1344, correspondant à l’année 1926, qui vit la fin de la guerre du Rif, et la reddition d’Abd el Krim face à l’offensive franco-espagnole. La-dite famine avait duré sept ans, soit de 1926 à 1933.Ma mère était née en 1928, en pleine période de famine, et aurait quitté son pays natal à l’âge de cinq ans pour se rendre en compagnie de sa mère à Essaouira, en 1933. Sa grand-mère, originaire de la tribu des Semlala dans le Sous, était elle-même venue au pays hahî, lors d’une précédente famine qui avait frappé le Maroc à la fin du XIXe siècle.

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Dans un rapport rédigé à l’été 1878, le consul des Etats-Unis à Tanger  Felix Mathews, decrit de manière saisissante cette famine survenue en 1877 après trois années de mauvaises récoltes : « Des centaines de femmes, d’enfants et d’hommes affamés se deversent à Mogador et à Safi. Bon nombre de campagnards meurent en chemin. Des squelettes vivants, des formes émaciées apparaissent dans les rues. La famine et la maladie, déjà terribles chez les pauvres, s’étendent. Avec l’automne et l’hiver, la detresse des gens va encore empirer.Le gouvernement ne fait absolument rien pour eux...alors que les silots regorgent de céréales.Les juifs sont un peu soulagés par leurs coreligionnaires. »histoire,photographie

Il est vraiment paradoxal de voir ce pays agricole à la merci de la disette par suite de la moindre sécheresse, souffrir de la faim devant une mer qui compte parmi les plus riches de l’Atlantique...C’est  Lalla, l’aînée des filles de Yahya qui partit la première avec sa mère rejoindre, au début de la famine de 1926, son oncle maternel qui était policier à Essaouira au début du Protectorat français sur le Maroc. Affaiblies par la famine, elles ont effectué le trajet en vingt-quatre heures  plus exactement de deux heures du matin, pour éviter l’insolation et la soif, à vingt-trois heures,  au lieu d’une demi-journée en temps normal. Pour avancer,  Lalla s’accrochait à la queue de l’âne qui transportait sa grand-mère, se nourrissant en cours de route, des racines d’une plante grasse dénommée  Guernina , et croisant de nombreuses caravanes, transportant vers Essaouira du charbon de bois d’arganier, cette coupe est l’une des causes de la diminution de cette espèce d’arbre unique au monde , des amendes et de la gomme de sardanaque.

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Ici les caravanes de Tombouctou prolangeaient les caravelles de la lointaine Europe.

La frontière nord de l'oum rbia était franchie par des caravanes chargées de marchandises à destination d'Essaouira. A son rôle maritime important, s'ajoutait son rôle de relais du Soudan. Le littoral que longaient les caravanes se prolongeait jusqu'à la porte de la marine et les navires restaient au large.Essaouira avait un rôle de transit entre l'Afrique et l'Europe, c'est pour cela qu'on l'a surnommait "le port de Tombouctou". Ici, les caravanes de Tombouctout prolongeaient les caravelles de la lointaine Europe, ici le vent alizé enflait de son souffle puissant les voiles des navires marchands et des bateaux corsaires.

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    Le négoce fournissait au Makhzen des ressources notables, et les puissance européennes appréciaient le Maroc non seulement pour ses richesses propres, mais encore sous le rapport du transit.

LE "QUARTIER DU ROY"

  Une ville née de la volanté du Prince

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       La ville n'a pas émergé lentement des méandres du Moyen Âge: elle est née de la volanté du prince.On appelait alors Marrakech "Maroc" , et Essaouira devait être son avant port sur l'océan.Dans un article désormais fameux sur la vie urbaine dans le Maghreb précolonial Stambouli et Zghal, développent l’idée, que par ses principaux traits urbains Mogador s’apparente au mode de production asiatique, où, la ville apparaît comme la projection dans l’espace d’un projet royal. Elle est construite selon un plan tracé au cordeau et prévoyant un ensemble de quartiers nettement délimités. La ville Chinoise – du moins jusqu’à la dynastie des Song (12ème siècle) où le modèle est encore parfait – apparaît davantage comme un centre de transactions commerciales contrôlées par le prince et à son bénéfice, plutôt qu’un foyer de création de richesses et un centre de mise en valeur de la région. Or constatent nos deux auteurs «  tous ces traits qui définissent la ville asiatique se retrouent d’une manière quasi parfaite dans une seule ville maghrébine précoloniale : Mogador ». Pour étayer leur thèse  les deux auteurs évoquant les quatre traits distinctifs suivants : 

 histoire,photographie 1. Mogador est la concrétisation d’un projet royal, une ville créée de toute pièce selon un plan géométrique en damier et à quartiers bien délimités.

 2. Le  Sultan par l’intermédiaire de sa bureaucratie contrôle la totalité des activités urbaines.

 3. Le commerce qui constitue l’activité principale de Mogador, est monopolisé par le Sultan qui importe des populations, dont les étrangers (juifs et chrétiens) pour assurer le succès de cette activité. Tous les locaux sont la propriété du Sultan, qui les loue à son tour aux commerçants.

 4. Enfin Mogador apparaît comme un centre de transactions par excellence et non comme un foyer de création de richesses économiques.

 Et nos deux auteurs de conclure :

 « Mogador apparaît comme un type urbain exceptionnel, non représentatif de la société urbaine maghrébine. D’ailleurs l’echec rapide de cette expérience souligne bien les limites d’un tel type ».

 De port international autrefois, aujourd’hui Essaouira n’est plus qu’un petit port de pêche où les marins cousent des filets aux multiples couleurs, tandis que  les goélands tissent le ciel avec la mer.

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        Sidi Mohamed Ben Abdellah (1757-1790) commença par bâtir un mur sur les rochers au bord de l’eau. Il fit inscrire la bénédiction du Prophète en lettres coufiques sur la pierre de taille arrachée aux flancs de cette île qui n’est rattachée au continent que par une lagune.

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     Le Sultan pensait ainsi disposer d’un port bien défendu mais accessible toute l’année à ses navires, alors que les ports du nord étaient pratiquement inabordables en dehors de la saison des pluies à cause de leur ensablement. Dans une dépêche datée du 26 octobre 1766, Louis Chénier notait :

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  « Les deux frégates du Roi du Maroc, Monseigneur, qui conduisirent en août dernier la prise hollandaise à Mogador, y sont encore. Elles sont observées par une frégate des Etats généraux, qui croisent à hauteur de ce port, et l’on suppose que ces deux frégates prendront le parti de désarmer et d’hiverner dans cette place. Mais cela me paraît hasardeux , attendu que le port de Mogador, formé par une île qui est à petite distance de la terre et à l’Ouest , n’est pas sûre en hiver, quand le vent règne dans la partie Sud et Sud-Ouest, et les navires un peu gros y sont en risque."

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       La plage de Mogador, le 27 mai 1914

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Les navires danois, anglais, espagnols, hollandais arrivaient avec des chargements de bois et les agrès nécessaires pour construire et armer les galiotes. Ainsi, en 1766 arriva, selon Höst, un vaisseau suédois avec soixante mille piastres, cinq cent tonneaux de poudre, quinze canons, soixante-cinq mâts, une grande quantité de rames, perches etc.

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 Le Sultan fonda un chantier naval en même temps que le port, et en 1768, sa flotte était composée de douze bateaux de tailles différentes, armés de deux cent quarante et un canons.

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  Le 15 décembre 1769, Louis Chénier, consul de France, souligne : « L’Empereur est arrivé à Mogador au commencement du mois passé. Il a vu avec toute la tendresse d’un auteur la ville dont il a posé lui-même les fondements. Il a fait établir une batterie respectable à l’entrée du port, et fait réparer tant bien que mal quelques fortifications, que le temps avait déjà dégradées. Sa Majesté doit partir à la fin de ce mois pour retourner à Maroc. » En  cette même année 1769, il eut la chance de récupérer Mazagan que les portugais évacuèrent.

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Vue de la ville d'après Heine(1809) avec les pavillons des consulats

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Mogador - Vue des consulats - Clichet Garaud

Un document co-signé par l'Autriche,l'Espagne,la France,l'Angleterre,le Danemark,l'Italie,la Hollande et les Etats-Unis, atteste d'une réunion des consuls de toutes ces Puissances en vue de l'assainissement du port, où étaient établies la plupart des maisons de commerce européennes, comme l'écrit Louis Chenier en 1777 : " Mogador, qui n'est habitée que depuis environ dix ans, a été fondée par l'Empereur régnant qui a engagé les négociants européens, les maures et les juifs, à y établir des maisons avec l'assurance d'en être dédommagés par quelques grâces.C'est de toutes les places de la côte, celle qui est bâtie avec le plus de régularité, dont on a tiré quelques avantages, et elle contient plus de négociants que les autres places ensemble.".En 1787, le corps de commerce étranger à Essaouira prévoit l'organisation d'une sorte de cervice postal : le courrier du commerce

Dans la kasbah vivaient les consuls, non seulement ceux de toutes les nations européennes , mais également celui des Etats Unis.Le sultan avait ordonné à tous, sans exception, de passer à Essaouira et d'y bâtir une maison, comme le souligne Höst dans son journal de 1765 : " Après que Sidi Mohamed Ben Abdellah se fut rendu lui-même à Souira et eût distribué les terrains à bâtir , il ordonna à tous les consuls  d'aller là-bas eux aussi et d'y faire construire à leur compte, une maison importante et convenable; tous les ambassadeurs devaient arriver là, tous les pirates devaient amener leurs prises dans la même Souira et un chantier naval devait y être fondé."

La position géographique de Mogador faisait d’elle un lieu envié au carrefour des routes marchandes, terrestres et maritimes. Dés sa fondation, elle fut menacée par l’Espagne comme le rapporte Höst : « En 1765, après que le Sultan qui s’est rendu lui-même à Essaouira, eut distribué aux consuls les terrains à bâtir, un bateau espagnol se profila à l’horizon. Un navir de guerre espagnol armé de soixante-dix canons s’approcha, et comme Mohamed crut que les Espagnols avaient l’intention de déranger ses constructions, il expulsa le consul hollandais Demetri, l’accusant de connivance avec l’Espagne, en ajoutant qu’à l’avenir il ne voulait pas de Grec comme consul de Hollande, mais d’un Hollandais. Ensuite, il envoya au roi d’Espagne un cadeau composé de lions, tigres, chevaux, accompagné de trente esclaves espagnols, afin de lui mettre d’aimables pensées en tête, et lui laisser entendre que ce geste était un pas vers la paix. La suite montra d’ailleurs que ces agissements pleins de sagesse ne demeurèrent pas sans résultat. »

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Au fond, la maison du Danemark, l'une des plus ancienne de la kasbah

Le 23 mai 1765, le consul danois Barisien écrit à Höst qui se trouvait à Marrakech : "A cet endroit il n'y a que des pierres, du sable et du vent".Dés son avènement , Sidi Mohamed Ben Abdellah a compris que le développement du commerce pouvait devenir la source d'un revenu important et régulier, alors que les produits de la course ne pouvaient être qu'aléatoires tout en exigeant de continuelles dépenses. Il décida donc de faire d'Essaouira l'avant-port de sa capitale Marrakech. Ce serait un noeud privillégié des grandes voies maritimes , au débouché des grandes plaines céréalières , sur la route des caravanes et du grand commerce international. Essaouira n'a pas émergée lentement au cours des siècles comme les villes du Moyen Âge : c'est la volanté du prince de créer un lieu marchand qui créa les marchands.

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Le plan établi par Cornut en 1767 avec le port et l'ancienne kasbah

Théodor Cornut, l’architecte français que Sidi Mohamed Ben Abdellah chargea d'établir  le plan de l’actuelle Mogador, décrit le château sous les lettres :
« O Porte d’entrée.
« P Cour,
« Ancien château construit par les Portugais, qui est très peu de chose et qu’ils ont abondonné depuis 400 ans. L’épaisseur de ses murs n’ont que six pans dans ses quatre faces. Les Mores y ont fait depuis cinq ans un parrapet sur la platte forme, dont la bâtisse tombe d’elle-même et sur la face du côté ouest-nord, il a quatre pièces de canon de 12.
« Q Magasins très faibles, mauvaises voûtes, mauvais murs de 2 pieds d’épaisseur, où il y a dix mille barrils de poudre anglaise qu’ils ne sont point en sûreté. »

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  Plan de Mogador déssiné par Théodor Cornut en date du 25 octobre 1767

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L'ancienne kasbah, seule partie de la ville construite par Cornut 

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Plan de la ville d'Essaouira d'après Höst 1765

En 1767 rapporte Höst, arrivait à Marrakech un ingénieur français d’Avignon nommé Nicolas Théodore Cornut, ancien déssinateur des places fortes du Roussillon, passé à la solde des Anglais, que le sultan recruta à Gibraltar. C’est lui qui dressa le plan de la ville forte. De là ces fortifications à la Vauban, style XVIIIè siècle, qui furent armées avec des canons achetés en 1780 à la fonderie espagnole de Barcelone ou provenant de prises de mer.Les îles permettaient d’installer des batteries de canons à feux croisés : le « bation de surveillance » (borj el âssa), sur l’île faisait face au « bastion de la poudre » (borj el baroud) à l’embouchure de l’oued Ksob et protégeait ainsi l’entrée sud de la baie. De même le « bastion de Moulay Bennacer », toujours sur l’île, faisait face au « bastion circulaire » (borj el barmil) dans le port, défendant l’accès nord de la baie.De là aussi, ces rues droites et rectilignes qui ont, selon l’architecte Alain Courapied, une fonction militaire : « Deux axes traversent la ville et permettent ainsi de déplacer rapidement des forces militaires, ce qui est fort peu possible dans les tissus épais des villes marocaines telles que Marrakech ou Fès. »

 

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Vue d'ensemble d'Essaouira avant les développements urbains de l'indépendance

  On le voit clairement; la ville était construite sur une île qui s'est vue reliée il y a quelques siècles au littoral par les alluvionnements de l'oued ksob. Cornut établit le plan en 1769 en suivant les contours de l'îlot rocheux, sur lequel la ville est construite et dont elle conserve la forme. On le voit ici clairement : l'artère principale sépare la ville en deux moitiés. Elle avait une fonction rituelle de séparation entre les deux clans: à l'ouest le clan des Béni Antar qui étaient des corsaires avant la fondation de la ville et qui sont une tribu originaire du nord de Fès (d'où la ruelle des Jbala où je suis né). Ce clan comprend le quartier des Alouj où résident les convertis à l'Islam ayant participé à la construction de la ville et à la défense de ses fortifications. Il comprend également les tanneurs, les barcassiers et les marquéteurs. A l'Est de cette artère principale, le clan des Chébanates qui étaient une tribu Makhzen ayant contribué à pacifier le bled Siba à l'avènement de Sidi Mohamed Ben Abdellah. Il comprend; les Boukhara (garnison abid de Moulay Ismaïl ), les Ahl Agadir(Berbères en provenance de Sous qui constitue l'ethnie la plus dynamique sur le plan commercial). Le quartier des Rahala était habité par les nomades. Ce clan comprend également les travailleurs manuels, ainsi que les marchands de produits agricoles en provenance des tribus environnantes

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Au large, une autre île ferme la baie . La houle l'a sectionné en deux, isolant l'îlot de "firaoun"(Pharaon), qu'on appelle probablement ainsi à cause de sa résistence aux coups de bélier séculaire de l'océan: par une brèche béante, les vagues , déferlant du large, y pénètrent avec rage. Autour de l'île,les eaux sont si poissonneuses qu'on y pêche avec les algues, par nuit sombre comme au claire de lune.De tout temps, les navigateurs venaient chercher ici cette eau douce et précieuse de l'oued ksob, comme en témoigne le pilote portugais Pacheco Pereira, dans son Esmeraldo de situ orbi : "Entre la rière de Aloso - de l'oued ksob- et l'île de Mogador, la distance par mer est de sept lieues, ...De cette île à la terre ferme , il y aura la distance à laquelle une grande arbalète peut lancer une flèche en terre ferme.Il y a beaucoup d'eau douce tout près de la mer, dans laquelle cette eau douce vient se jeter. La meilleur entrée du mouillage et du port de cette île est celle qui se trouve du côté Nord-Ouest...Par cette bonne entrée peuvent pénétré des navires de cent tonneaux ; il faut s'amarrer avec une ancre et un câble, ledit câble étant attaché à l'île même et l'on sera par six ou sept brasses, fond net, bon et sûr."
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La kasbah - ce "quartier du Roy", comme l'appelait Cornut - est le plus vieux quartier de la  ville.C'était le lieu où résidait "le Makhzen" (l'administration royale), les vices consuls des pays européens et les "Toujar Sultan "(les négociants du roi). Comme partout ailleurs au Maroc, on a d'abord commencé par loger le Makhzen , les consuls et les négociants dans un quartier fortifié appelé "kasbah". Ce n'est qu'ensuite que la médina fut construite. Alors que dans les autres médinas, les gens s’établissent d’abord, puis les habitations sont entourées de remparts, à Essaouira, c’est le processus inverse qui s’est produit. On a commencé par la géométrie, et la démographie a dû se couler dans l’espace inscrit par un plan directeur. C’est la Kasbah qui avait induit la médina :les consuls, les négociants et l’administration avaient besoin d’artisans pour bâtir, de paysans pour les nourrir et de soldats pour les protéger. Au XVIII ème siècle, en dehors de la Kasbah, les gens habitaient sous des tentes et dans les casemates qui donnaient à Essaouira un visage militaire, à côté du quartier administratif.

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Mogador - Porte de la Marine - Cliché Garaud

Les douanes étaient perçues par les oumana nommés par le makhzen, qui résidait dans la kasbah. C’est la Kasbah qui contrôlait le port. C’est ce que symbolise la porte de la marine : le port est un passage entre la terre et la mer. Cette porte qui a l’air d’un décor avait une efficacité symbolique, parcequ’elle représente le pouvoir s’interposant entre la terre et la mer, prélevant des droits de passage en ce lieu de transit.

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 On remarque trois croissants sur la clé de voute de la porte de la marine pour signifier qu'elle a été achevé le jour de la troisième fête du calendrier lunaire.Sur les clés des portes individuelles d’Essaouira on voit les mêmes signes et symboles qui se trouvaient déjà sur les portes monumentales de la ville, particulièrement la porte de la marine avec ses coquilles Saint-Jacques et ses croissants :un croissant symbolise la première fête du calendrier lunaire ; deux croissants la deuxième fête du calendrier lunaire. Trois croissants : la troisième fête du calendrier lunaire. Une manière de signaler que l’édification de la maison a coïncidé avec un mois ou une fête sacrée.Ce fut, semble –t-il, un renégat anglais, désigné dans les chroniques de l’époque sous le nom de Ahmed al-inglisi, qui continua l’œuvre de Cornut.

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 1184 hégire (1770 J.C.)

Par la grâce de Dieu, cette porte du port a été édifiée par la gloire des Rois, Sidi Mohamed par son serviteur Ahmed El Eulj

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  Sur la porte de la marine est inscrit en effet le nom d’Ahmed al-Eulj. Il semble qu’on puisse lui attribuer toutes les fortifications du port et la scala qui ne figurent pas sur le plan de 1767. Mais ce plan montre assez clairement que Cornut avait déjà fixé le périmètre et les dispositions générales du quartier sud.

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Sea Gate, Mogador

 Dans le temps,  à un moment où il n’y avait pas d’hôtels pour héberger les étrangers, chaque chef de foyer disposait de deux maisons mitoyennes : l’une pour la famille et l’autre, la douiria(maisonet), pour les  célibataires, et les hôtes d’Allah de passage dans la ville. La Douiria,jouxtait la maison familiale proprement dite. Il existe encore de nombreuses maisons témoins de cette époque : généralement l’entrée de la Douiria  et celle de la maison familiale ont une décoration en pierre de taille si semblables qu’elles donnent l’impression d’être des portes jumelles. Dans la vieille médina existait aussi (derb laâzara), le quartier réservé uniquement aux célibataires...

  histoire,photographie"Dar el Makhzen"(aux tuiles vertes) était située dans l'actuelle place My Hassan isolée de la kasbah et du port par des trançons de rempart qu'on a démoli au tout début du protectorat(1912-1913)

Comme dans les capitales impériales, le gouvernement ne se mêlait pas à la population : il vivait à part dans un "Dar el Makhzen", qui forme le centre de la kasbah. Cet espace jadis clos - une porte donnait sur la kasbah et une autre s'ouvrait sur le port - comprenait "Dar Laâchar"(à l'emplacement actuel du café du même nom), où étaient stockées les prèlèvements qu'effectuait le makhzen sur  les marchandises qui transitaient par le port et qui s'élèvaient au 1/10ème (le "âchar" d'où le nom de "Dar Laâchar" que portait le magasin du Makhzen).

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After Prayer

Le pouvoir se manifestait avec force,lors de la prière du vendredi...

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Les "Toujar sultan" au seuil de "Dar el Mkhzen"

Lorsque je m'attelais à la rédaction du "Temps d'une ville", Haïm Zafrani m'écrit à la fin des années 1980 : "Essaouira a participé en dépit de sa récente histoire au grand destin du judaïsme marocain, et de l'Empire chérifien, par le rôle qu'elle a joué dans l'ouverture du pays tout entier au monde extérieur, américain et européen, atlantique et méditerranéen, par ses "toujar-as-sultan" les négociants du Roi qui n'étaient pas que des marchands exportateurs et importateurs de denrées, des produits de la terre et de l'artisanat, car ils appartenaient à ce système d'homme sage, le lettré-homme d'affaire(le lettré-artisan aussi fait partie de cette catégorie), qui poursuit la double quête de la science et de la fortune."

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Même rentrée de Dar Makhzen, démolie au début du Protectorat

A droite les trois arcades de l'ancien tribunal de la kasbah

Dans sa description du Makhzen Eugène Aubin écrivait depuis Fès en 1902:"L'idée d'héridité est au fond de toute l'administration Makhzen. Si les caïds des tribus ne sont pas héreditaires , ils sont cependant choisis, en règle générale , parmi les membres des deux ou trois familles les mieux placées dans la région. Dans l'armée, les gradés sont le plus souvent fils de gradés d'un rang égal; pour les services financiers, les fils d'oumana succèdent naturellement à leurs pères, et, comme secrétaire au Makhzen, on choisi de préference les fils d'anciens secrétaires, en négligeant, un peu la production annuelle des medersa..." Recensez les ministres et les hauts dignitaires marocains qui ont pour père et arrière grand père des ministres, et  des hauts dirigeants du Makhzen et vous saisirez à quel point l'observation  d'Aubin est juste même de nos jours....

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Le vieux Makhzen du Maroc prè-colonial.

Il m'a fallu plusieurs jours d'observations répétées pour faire le rapprochement entre les trois photos précédantes : on remarque que la parade quitte la même porte disparue de "Dar  el Makhzen" en défilant devant les mêmes trois arcades du tribunal pour se rendre à la mosquée de la kasbah où se déroulaient les prières officielles des jours de fêtes du calendrier lunaire ainsi que la prière et  le prêche du vendredi: les directives gouvernementales étaient adressé à la population du haut de la chaire du serement du vendredi .J 'ai finalement associé cette troisième photo aux deux précédantes parce qu'il s'agit du même contexte urbain, politique et religieux...

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Les troupes du nouveau sultan Moulay Hafid se préparent à marcher sur CasablancaLes troupes du nouveau sultan Moulay Hafid se préparent à marcher sur Casablancales 

Chez Haha, la nouvelle de la mort de Hassan 1er en 1894, plongea à nouveau le pays dans le désordre et la siba d’après la relation du manuscrit de Timsouriîne : « La confiance entre gouvernants et gouvernés en fut profondément ébranlée. Les Neknafa se divisèrent sur le postulant au pouvoir.Chaque fraction choisit son propre chef et veut étendre sa domination sur les autres. Il s’en suivit désordre et siba. Les Neknafa s’opposèrent aux Mtougga, aux Chiadma et aux Ida Guilloul. Le caïd des Mtougga tua d’une balle d’argent le caïd M’barek Anflous qui avait pourtant la réputation d’être immunisé contre l’impact des balles. Lui succède alors  Ahmed Anflous qui doit faire face au caïd Abdel-Malek des Mtougga au nord, au caïd Khobbane à l’Est, et au caïd Guellouli au sud. 

«  Aidés du caïd Guellouli, les Mtougga s’attaquèrent aux Neknafa, au lieu dit tamjjout Chez les Aït Zelten. Parmi les victimes de cette embuscade, Si Mohamed M’barek Anflous qui succomba à ses blessures. Les hommes sont venus de toutes part à Timsouriîne pour présenter leurs condoléances au caïd Ahmed Anflous pour la mort de son frère.  

« A la mort de Hassan 1er, son ministre, le célèbre Ba Hmad avait envoyé Mohamed Anflous comme représentant du Makhzen à Melilla. Puis à la demande des siens, Moulay Abdel Aziz le nomma par Dahir comme caïd sur quatre tribus Haha : Neknafa, Ida Ou Gord, Ida Ou Bouzia, et Aït Aïssi. Ceci  est arrivé en l’an 1318 de l’hégire. Il se rendit chez les Neknafa accompagné d’un détachement armé que lui avait accordé  le jeune sultan. En 1904, il reçut à Timsouriîne le cheikh Ma’el-Aynine et l’accompagna dans ses expéditions guerrière dans le Sous..»  

      El Hiba et son père le Cheikh Ma el-Aïnine fréquentaient Essaouira au tout début du 20èmesiècle et formaient avec le caïd Anflous, le parti de l’indépendance  face àla France. Mon père me disait que la maison à la tourelle conique qui surplombe les remparts du côté de la mer et qu’on remarque nettement depuis le port, appartenait à El Hiba et à son père le Cheikh Ma el-Aïnine . Et je viens de découvrir, grâce au sculpteur Alam que les Ma el-Aïnine disposaient également d’un très beau Riad au quartier des Bouakher. Chaque année, au mois d’août, leurs descendants y séjournent encore aujourd’hui, lors du moussem de Tidrarine qui à lieu à Tafetacht à soixante dix kilomètres d’Essaouira sur la route de Marrakech. 

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   C’est du port de Mogador que Ma el-Aynine s’est embarqué, le 17 novembre 1906 pour Cap Juby, avec une partie de sa suite, un chargement de madriers de thuya destiné à la toiture de sa mosquée de Smara, ainsi que ses bagages entiers, ses meilleurs mulets, chevaux, chameaux etc. Une véritable arch de Noé ! Un paquebot espagnol  a amené les hommes bleus, au Cap Juby, où il les a débarqué. Ils ont regagné par mer Terfaya, puis delà à dos de chameau, la ville de Smara.  

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« Le fils de Ma el-Aynine est resté à Mogador avec 50 hommes, soulignent les renseignements coloniaux de 1906. Il attend le complément d’une somme de 85 000 francs que son père devait recevoir à Marrakech. On assure que le sorcier-marabout veut construire un fort à Smara pour se protéger contre une incursion possible des troupes sahariennes françaises... »

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         En 1906, les renseignements coloniaux rapportent  que « les nègres de la suite de Ma el-Aïnin, ont molesté un certain nombre de boutiquiers marocains avant de quitter Mogador. Le passage du grand marabout saharien a ruiné Mogador, qui s’était astreinte, suivant les instructions formelles du sultan, à dépenser chaque jour 1500 pesetas pour subvenir à l’entretien des « hommes bleus ». Il est de plus en plus admis que les voyages annuels de Ma-el-Aïnine aux provinces du Nord ont un caractère purement commercial, auquel les tendances religieuses ne s’adjoignent que comme accessoire. Le vrai motif de ces déplacements réside dans un rôle de pourvoyeur de negresses à la cour du sultan et chez les grands du Makhzen. En fait Ma el-Aïnine remonte toutes les maisons des gros notables marocains, sans oublier la maison de Moulay Abd el-Aziz. »  

. Les troubles qu’avait connus la région commencèrent en 1904. Le caïd el-Guellouli et Abdelmalek el – Mtougui, s’allièrent contre Ahmed Anflous, mais ils furent battus ; le premier fut obligé de demander la paix pour sauver une centaine de cavaliers de sa tribu cernés dans la maison d’Azaghar, ancienne demeurre du caïd Hadj Abdellah Ou Bihi à Aït Zelten. Le second fut presque bloqué chez lui et les Haha ayant refusé d’assiéger la maison d’un caïd du Sultan de crainte de représailles, la paix fut conclue, paix qui confirmait à Ahmed Anflous la possession des Ida Ou Isarne et des Ida Ou Gord et par conséquent enclavait Mogador dans son territoire

. Mogador à l'aurée du XXème siècle

Le 31 mars 1891 , L Hugonnet, consul de France à Essaouira, écrit à son ministre un long discours sur l’organisation du travail à Essaouira, où il inclut le passage suivant à propos des oumana du port : « Les oumana , administrateurs de la douane, sont au nombre de 2ou 3 , dans chaque port.Nommés pour deux ans, il payent leur place fort cher.Il est vrai qu’on leur alloue un traitement de 450 francs par mois, mais il est loin de leur suffire.Il s’agit pour eux, de gagner, en deux ans, plusieurs centaines de milliers francs et ils s’approprient les deux tiers des produits des douanes, afin de tromper le sultan, ils lui envoient des manifestes ne mentionnant pas le poids exacte des marchandises et que les agents de compagnies de navigation sont obligés de leur fournir en blanc, sans quoi ils risqueraient de  ne pouvoir faire aucune opération : les oumana remplissent eux-mêmes la colonne restée vide sur ces manifestes et ils gagnent ainsi environ 500.000 en deux ans , après quoi, ils se retirent des affaires. »

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  Les Amines du port, Roman Lazarev

Ces faits se passaient en 1906. Le caïd Mohamed Anflous des Neknafa et protégé de Menebhi fut désigner pour remplacer dans le commandement du Sous, le caïd Guellouli tombé en disgrâce, mais il ne jouit pas longtemps de cette faveur, surpris par une mort subite. Son frère Ahmed Anflous et caïd des Neknafa fut chargé de recueillir sa fortune pour la verser, selon la coutume, au trésor chérifien : mais loin d’exécuter ces ordres, il trouva qu’elle serait aussi bien entre ses mains, commença à fortifier sa maison de Timsouriine et fit l’acquisition de quantité de fusils Gras, qui lui furent fournis, dit-on, par un Européen de Mogador et qui le rendaient terrible pour ses voisins.

 Quelques temps après, le caïd Ahmed Anflous, ayant su que les oumanas de Mogador avaient à livrer, par ordre chérifien, au caïd Abdel Malek el-Mtougui des armes et des munitions, vint à Mogador même, en pleine douane et força les oumana à lui remettre lesdits armes et cartouches. Deux mois après, les oumanas reçurent l’ordre de faire une nouvelle livraison à Abdel Malek ; ils devaient cette fois, opérer aussi secrètement que possible. Cette recommandation n’était pas inutile, car Anflous, en ayant eu vent, fit attaquer le convoi aux portes – même de la ville et l’enleva. Ce convoi était de 16 chameaux chargés de cartouches. 

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Fantassins à Bab Doukkala,Roman Lazarev

Pour affirmer sa domination sur les Ida Ou Gord et les Ida Ou Isarn, Ahmed Anflous multiplie lesnzala et fit payer des droits exorbitants : 5 pesetas par chameau de passage. Il en établi une aux portes même de la ville, sur la route de Safi, malgré les protestations du caïd de Mogador, comme le soulignaient les renseignements coloniaux de 1906 :

 « Mogador est complètement dégarnie des ses troupes. Un des deux tabors a été embarqué pour Casablanca, à la suite de troubles fomentés, par un chérif qui cherche à jouer le rôle d’un nouveau prétendant. L’autre Tabor a été renvoyé à Tanger. Dés maintenant, les conséquences de ces différents départs se font sentir. Les nzala  d’Anflous paralysent tout commerce en exigeant des caravanes une série de contributions arbitraires. L’insécurité des routes recommence de plus belle, et on ne peut même pas circuler aux environs de la ville, à ses risques et périls, sans avoir obtenu l’assentiment des gens du caïd. »

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   Ces faits ayant provoqué des plaintes de la part des oumanas, du caïd de Mogador et du caïd el-Guellouli, le Makhzen, sous la pression du caïd Abde el-Malek el-Mtougui, ordonna à tous les caïds de la région : Haha, Mtougga, Chiadma, Oulad Be-Sbaâ, Hmar, de marcher contre AhmedAnflous. Après un premier combat où fut tué son frère, le caïd Ahmed Anflous se retira dans la partie montagneuse de son territoire et là, il fut cerné.

La veille du protectorat

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On peut lire sur ce cliché: "Fête du Mouloud, le caïd en 1912 à Mogador 

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      A la veille du protectorat, Ahmed Anflous aurait en effet investi la ville en exigeant manu militari à ce que tous les juifs réintègrent le Mellah. Ces exactions  n’étaient pas étrangères au soulagement de la communauté juive de Mogador, lors de la prise de la ville par l’armée française.IL faut dire qu’Ahmed Anflous en voulait aux négociants juifs de la ville, don’t les entrepôts regorgeaient de marchandises, quand la compagne environnante souffrait de famine et de spéculations usuraires. 

 Mon père me disait que les juifs du Maroc n’ont jamais accepté au fond leur statut de minorité dominée politiquement par la majorité musulmane : cela explique pourquoi en 1912, lorsque les Français ont débarqué à Essaouira avec le navire Du Chayla, et que les soldats se sont rendu au nord de la ville, où ils ont fermé le fuseau à Bab – Doukkala, l’un des juifs qui sortaient du mellah pour observer la prise de la ville demanda surpris à un congénère : 

- Que se passe-t-il ? 

Et l’autre de lui répondre : 

-  Ce que le bon Dieu fasse durer pour nous ! 

Il émettait ainsi le vœu que la domination française se perpétue au Maroc. D’ailleurs, bien avant l’arrivée des Français, de pauvres juifs du mellah étaient  protégés français tandis que de riches négociants dela Kasbahétaient  protégés anglais. Ils jouaient de leur statut d’intermédiaires entre le Makhzen et les puissances étrangères.

A la fin de l’année 1912, une petite colonne française, sous les ordres du commandant Massoutier, avait été assaillie, à une journée de marche de Mogador, par les contingents du caïd  Anflous, l’obligeant à s’enfermer dans le Dar el Cadi en attendant l’arrivée d’un secours. Quelques jours plus tard le général Brulard, vint délivrer les assiégés. L’évènement avait fait grand bruit dans toute la région.Voici la version qu’en donne le manuscrit de Timsouriine : 

« C’est le caïd Mohamed Anflous qui fut le premier à attiser les hostilités contre le colonialisme, en s’attaquant à une colonne française l’obligeant à se réfugier à la maison d’El Haj Ali El Qadi qui se trouve dans la tribu des Ida ou Isarn. Anflous et ses hommes encerclèrent les militaires français durant quarante jours les obligeant à se désaltérer aux urines de leurs propres chevaux.Les français ont voulu négocier mais Anflous refusa. Il demanda à sa tribu de choisir entre la paix ou la guerre. Celle-ci opta pour la guerre. Après mûre réflexion Anflous s’est dit : 

- Si je choisi la paix avec les colonisateurs, j’aurai trahi mon pays. 

Et il finit lui aussi par choisir la guerre. Face au colonialisme et pour l’indépendance du pays Anflous avait pris tous les risques pour lui-même, sa famille et ses biens. 

La terre brûlée 

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 Il y eut un premier accrochage avec le général Brulard qui venait d’Essaouira, au lieudit Boutazartdans la tribu des Ida Ou Gord. C’est là que le caid Anflous et ses hommes ouvrirent le feu. La violence de la confrontation obligea le général français à ordonner le repli momentané sur Essaouira, en attendant l’assaut final. 

     Pour diviser le clan Anflous, le général français décide de recourir à la corruption en distribuant abondamment d’argent aux différentes fractions. Ainsi nombreuses furent les fractions Neknafa qui choisirent la désertion et l’argent à la confrontation et au sacrifice. De sorte, qu’avant même que ne commence la guerre, le caïd Mohamed Anflous s’est trouvé complètement isolé avec son dernier carré d’irréductibles, quelques fidèles et proches de sa propre famille et amis. » 

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- Seulement 150 à 200 cavaliers étaient restés fidèles à Anflous, les autres ont été conrompu par M’barek N’Id Addi et ont déserté avant même que n’éclate la bataille en 1912. Raconte le dernier des Anflous qui vit toujours à Timsouriîne. 

Le général Brulard quitte Mogador avec une colonne de 5000 hommes et prend pour objectif la destruction de la kasbah d’Anflous, nid d’aigle qui était le centre de la résistance et que les habitants considéraient comme imprenable. IL s’agissait de prendre à rebours les farouches Neknafa à partir du territoire limitrophe  des Meskala qui étaient alors sous domination du caïd Khobbane, un  adversaire d’Anflous. Les troupes françaises, me racontait mon père, étaient guidées par le future caïd M’barek, un cousin d’Anflous, qui s’était réfugié quelques années auparavant chez les Mtougga..Les canons étaient péniblement traînés dans un terrain chaotique viaBouriki jusqu’au sommet de la  colline où se trouve zaouite Ou Hassan qui fait face à la citadelle du caïd rebelle, et d’où on pouvait facilement la viser : « Une fois l’argent distribué, le général français s’avança avec ses troupes vers Neknafa au lieu dit Zaouite Ou Hassan. De là ils commencèrent à bombarder Dar Anflous, durant 36 heures d’affilée : commencés le jeudi les bombardements n’ont pris fin que le samedi. » précise le manuscrit .

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 Arrivée des cerceuils de l'armée coloniale à Mogador

L’armée française a dû traverser le défilée montagneux de Taqandout où elle était prise sous les feux nourris et croisés des guerriers d’Anflous : 

- La situation était si périlleuse, me racontait mon père, qu’une fois parvenu la haut, la main que tendait le général français pour descendre de son cheval, tremblotait de peur.

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         Dépouilles de soldats français arrivant à Mogador sur dos de chameau

La kasbah fut enlevée le 23 janvier 1913. Mohamed Anflous s’enfuit précipitamment pour aller se réfugier chez les Aït Aïssi, lassant à l’ennemi de gros approvisionnements en vivres, en armes, en munitions Mauser et Martini. Un vieillard  qui avait participé au baroud d’honneur d’Anflous raconte : 

- Le samedi, dernier jour de la bataille, j’avais encore 12 000 balles stockées au fond de la grotte d’Imin Taqandout. Je m’en suis servi moi et les derniers soldats d’Anflous, de sorte qu’en arrivant à Tagoulla Ou Argan, je n’avais plus une seule balle... 

     Et voici maintenant l’épilogue de la bataille selon le manuscrit de Timsouriîne : 

« Voyant que la situation empirait, que ses troupes diminuaient, le caïd Anflous qui avait obstrué le défilé de Taqandout, ordonna le repli sur les hauteurs de Timsouriîne où se trouve sa maison.Il s’enfuit alors vers la tribu des Aït Aïssi avec sa famille et ses derniers fidèles. Les français avec les traîtres à la nation qui les accompagnaient remontèrent vers la maison d’Anflous et la transformèrent en champ de ruines où on n’entend plus que le sinistre ululement   des hiboux et des corbeaux. Ils rasèrent les oliviers, brûlèrent les magasins, et portèrent même atteinte au maqâm de Sidi Mohamed Ben Sliman El Jazouli.Ceci était arrivé en l’an 1330 de l’hégire correspondant à l’année 1913. » 

  Le bien nommé général brulard pratiqua alors la terre brûlée ; rasant et brûlant, des centaines d’oliviers qui entouraient la demeure caïdale.Depuis lors la résidence de ce dernier n’est plus habitée  que par les pigeons, les chouettes et les chacals, attestant que le temps du caïdalisme appartenait désormais aux oubliettes de l’histoire.Cependant qu’au sud de Mogador, le caïd el Haj Lahcen, successeur de Guellouli avait levé une Harka et s’était dirigé sur Agadir. IL s’empare d’une partie de la ville et, devant un retour offensif des gens d’El Hiba, doit se replier à 12 kilomètresau Nord, sur la côte. Mais le croiseur français Du Chayla, envoyé de Mogador, vient le ravitailler en cartouches et accompagne sa marche le long de la côte : le 31 mai 1913 el Hadj Lahcen enlevait la citadelle d’Agadir. Ben Dahan, pacha de Tiznit, et Haïda Ou Mouiz, pacha de Taroudant, continuaient à mener contre les derniers dissidents d’El Hiba. Les différentes factions se neutralisant, les français se contentaient d’aider les uns contre les autres.La soumission du caïdAnflous, dés le début de l’année1913, a porté un rude coup à ce qu’El Hiba pouvait conserver de prestige et de force. A  Essaouira, on confisqua les belles demeures d’ Anflous : l’actuelle « Dar Souiri », transformée en « Cercle » (administration des affaires indigènes), et leur belle demeure de derb Ahl Agadir donnant sur les jardins de l’hôtel des îles,  transformée en résidence du contrôleur civil du protectorat. 

        Les caïds de la région avaient tous une maison à Essaouira : celles du caïd M’barek, du caïd Khoubban et du Caïd Tigzirine, se trouvaient au clan Est des Chébanates, du côté de la terre. Alors que les seigneurs de guerre et du désert, avaient leurs demeures et leurs entrepôts commerciaux au clan Ouest des Béni Antar, du côté de la mer.Expression d’une société segmentaire, cette opposition entre clan Est des Chebanates et clan Ouest des Béni Antar, se manifestait symboliquement chaque année lors du rituel de l’Achoura par une compétition chantée entre les deux clans de la ville.  

      Maintenant les oliveraies rasées par les français ont repoussé de plus belle  autour des ruine de Timsouriîne comme l’avait prédit en son temps Tabagfat, la poétesse des Ait M’hand lors d’une compétition chantée qui l’opposa à Aïcha Ali, la poétesse des Ida Ou Khalf:  toutes deux appartenaient à deux fractions rivales  Neknafa. Leur compétition chantée eut lieu au moussem de Sidi Boulanouar (littéralement le marabout des lumières). 

Tabagfat a dit :

Les feux attisés par Anflous enflammèrent la paille

 Brûlant les grenouilles au milieu des broussailles

Mais il n’a  pu éteindre l’incendie qui consuma les siens 

Aïcha Ali lui  répondit : 

Ô gens de bien, reprenez  vos biens !

Et vous, gens du âar, reprenez votre âar !

Anflous et Id Addi sont issus du même citronnier

Du  même bigaradier et des mêmes racines

C’est sur leurs citadelles ruinées et leur sang versé qu’il faut pleurer

Non sur les oliviers brûlés, quis resurgiront  aussitôt après l’ondée ! 

      Elle fait allusion au caïd  M’barek Id Addi, le cousin du caïd Anflous qui s’était réfugié chez les Mtouga avant de revenir dans le sillage de l’armée française comme nouveau caïd des Neknafa. La colonisation les a irrémédiablement séparée : Mohamed Anflous représentait le parti de l’indépendance qui s’opposa farouchement aux français, tandis que M’barek Id Addi était du côté français. Leur rivalité explique à elle seule tout le processus de colonisation du Maroc : fractionnement à l’infini d’une société segmentaire où les lefs opposés s’annulent mutuellement jusqu’au niveau du lignage. Les militaires français parlaient de la conquête du Maroc comme d’une grenade qu’il s’agissait de consommer  graine après l’autre. Aujourd’hui, le château de l’un et de l’autre est une ruine dans les montagnes Haha.

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 Moulay Hafid signant le traité du protectorat à Fès en 1912, en présence de Lyautey, d'après Roman Lazarev

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Colonne de Duchayla : Entrée des troupes Françaises à Mogador

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Démolition de la porte de "Dar el Makhzen" à l'avènement du Protectorat

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Infirmerie - Ambulance et Place Duchayla - 1913

L'emplacement de Dar el Makhzen(l'Administration Royale) après sa démolition à l'avènement du Protectorat :comme si le nouveau pouvoir dégageait l'ancien, spatialement et symboliquement . C'est au coeur de cette ancienne kasbah  que les français installèrent leur caserne en lui donnant le nom du navire de guerre ,"Duchayla" ,qui bombarda Casablanca en 1907 avant d'occuper Essaouira en 1913

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La même place Duchayla vue dans le sens inverse: on venait à peine d'y planter les nymphéa, ces "caouatchou" au tronc en patte d'éléphant qui donnent leur charme aux places de café de France et de "Place de l'horloge"...Places aux déambulations Méditerranéennes..

 

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Mogador-Caserne du Chayla

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Le rempart qui reliait la kasbah à la porte de la marine

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Campement derrière le même rempart reliant la kasbah au port:,au fond la porte de "dar Makhzen"

 En 1844, Mogador avait une populaton de 14000 âmes. Elle était complètement entourée d’un mur d’enceinte haut de dix mètres et courroné de crénneaux dans toute sa longueur. Le système de fortfcatons dressés devant le quarter de la Marne comprenat un rempart en lignes brisées, qui se reliait à la kasbah et était flanqué, au N-O et au S-E, de tours et de batteries casematées.

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L'emplacement du rempart qui reliait la kasbah à la porte de la Marine

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Ce qui reste du rempart qui s'élevait à dix mètres de haut en 1844

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. On y ressent une forte influence de Vauban dans la façon de protéger la ville des assauts de la mer. Murs maçonnés sans enduit. Le chemin de ronde est large. Porte à fronton et à colonne cannelée. Tour de guet (échauguette) à angle proéminent. Créneaux biseautés. Ces fortifications n’ont pas pu résister au bombardement de 1844, qui força les citadins à déserter la ville. 

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  On voit bien que cette ancien rempart reliait la kasbah à la porte de la marine

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L'ancien rempart est souvent débordé par les vagues le jour de tempête

 

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Juste au dessus de ce muret qui isole le bassin où une grue mettait à l'eau les barcasses dans ce qu'on appelait "Al-Masa-Sghira"(le petit port),la lucarne que nous appelions "Taqwira", était munie d'un tremplin du haut duquel les plus sportifs mais aussi les plus hasardeux effectuaient des sauts périlleux au risque de se heurter au fond rocheux pas si profond qu'il  n'y parait...

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Les plongées s'effectuaient au petit bassin à barcasses à une hauteur où nous avions dans ces folles années 1950-1960 ,une vue imprenable sur la ville avec ses habitations éclaboussées de lumières, comme une trainée de poudre de sel immaculé, entre l'ocre des remparts et le bleu limpide des cieux...Au début du XIXè siècle , tout le monde vivait du commerce directement ou indirectement, comme le soulignait Jackson : " Rien ne peut pousser ici en quantité suffisante pour satisfaire les habitants.Toutes sortes de fruits et légumes sont donc apportés d'un jardin d'une distance de 92 milles.Les volailles sont aussi apportés de l'autre côté des dunes de sable où la campagne est cappable de produire tout ce qui est nécessaire pour la ville. La situation insulaire de Mogador et le manque d'eau fraîche qui est apporté d'une rivière d'une distance d'un mille et demi prive les habitants de toute ressource, sauf celle du commerce dont dépend tout le monde, directement ou indirectement."

La Peste

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Les caravanes passaient à côté de l'aqueduc(séguia) qui alimentait en eau les jardins potagers qui entouraient Mogador: on les appelait "Bin Laârassi"(d'entre les jardins).Je me souviens qu'enfant je m'y suis rendu avec la bande de notre quartier pour chasser "Mouqnin", oiseau des champs aux plumages tachetées  jaune,rouge, maron et noire.Mon père me disait que lorsqu’on a voulu creuser  des aqueducs pour acheminer l’eau de l’oued ksob du niveau du village de Diabet pour irriguer les jardins potagers qui entouraaient la ville, on avait découvert des fosses communes où étaient enterrées collectivement les dépouilles mortelles qui remontent à l'épidémie de peste de1799.

Avec le début du XIXème siècle, les négociants juifs prennent une place prépondérante à cause de la peste comme le relate David Corcos : « l’épidémie de peste de 1799 qui fit tant de ravages au Maroc, frappa durement Mogador, où, d’après Jacksen, 4500 personnes moururent. Par la force des choses, les chrétiens partaient. Le commerce passa alors entre les mains des « Toujar Sultan »...Les juifs jouissaient d’une liberté exceptionnelle pour l’époque et dans le pays. »

Le 29 juin 1799, Broussonet, premier vice-consul français à Mogador, annonce que la peste a fait son apparition à Safi où, le premier jour, on a compté vingt huit décès. Il faut attendre, écrit-il, à ce qu’elle apparaisse incessamment à Mogador. Dans ces conditions, il avise le ministre des Relations extérieures qu’il se propose de quitter le Maroc, où d’ailleurs sa présence n’a plus de raison d’être car les relations commerciales avec l’Europe ont pratiquement cessé. Un petit navire des îles Canaries vient précisemment de mouiller dans le port ; il va en profiter et partir avec sa femme et sa fille, en même temps que le consul d’Espagne, dés que le Sultan lui en aura donné l’autorisation. En conséquence, il charge le marchand La Barraque, que ces affaires commerciales retiennent à Mogador, de tenir le rôle de vice-consulat et lui recommande surtout, si des bâtiments français se présentent en rade, de veiller à ce que personne ne descende à terre. Quelques jours plus tard, le 8 juillet 1799, Broussart s’embarque avec sa famille. Il avait raison de fuir Mogador ; en effet, la peste s’y manifesta dans le courant du mois et fit près de 5000 victimes avant la fin de l’année.  Médecin – Major, le Dr. Renaud écrit au sujet de cette épidémie :  « A Mogador, où s’étaient réfugiées des familles musulmanes errantes fuyant l’épédémie, la peste a fait 5000 victimes. Des familles juives à qui l’entrée fut interdite, moururent de misère dans les sables. Jackson rapporte les ravages du fléau dans le petit village de Diabet, voisin de Mogador qui, pendant plus d’un mois, alors que l’épédémie faisait rage en ville resta indemne, puis perdit dans la durée du mois suivant 100 habitants sur les 133 qu’il contenait, après quoi la maladie continua mais personne ne mourut « ceux qui furent infectés se rétablirent, quelques uns perdant l’usage d’un membre ou d’un œil. ».De nombreux cas semblables furent observés dans les villages dispersés dans toute l’étendue de la province de Haha. Certains qui comptaient 500 habitants n’en n’avaient plus que 7 ou 8. Un cas singulier de reviviscence de l’épedimie est celui d’un corps de troupe qui, au moment où à Mogador la mortalité était tombée à rien, arriva de Taroudant où la peste avait sévi puis diminuée. Au bout de trois jours de séjour à Mogador, ces troupes furent atteintes de la peste, qui, en un mois, en empota les 2/3, c’est à dre 100 hommes, alors que les citadins demeuraient indemnes, et bien que ces troupes n’eussent pas été confinées dans un quartier spécial mais logés pour la plupart chez l’habitant. On remarqua d’ailleurs que lorsque les familles s’étaient retirées à la campagne pour éviter l’infection, et une fois celle-ci terminée, selon toute apparence étaient retournés à la ville, elles furent généralement atteintes par le fléau et moururent. ».En 1799, le vice-consul de France, à Essaouira, Auguste Broussonet était en poste aussi comme médecin.Le docteur Thévenin est arrivé à Mogador en 1862 à l’époque où plusieurs épidémies sévissaient au Maroc : l’épidémie de la peste qui exista surtout à la fin du XVIIIsiècle, l’épidémie de choléra en 1868, l’épidémie de typhus et de variole en 1878 et 1879. Il s’était  investi totalement dans la lutte contre le choléra. Il créa un centre d’isolement, le « lazaret » sur l’île d’Essaouira pour la mise en quarantaine des malades contagieux.

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Le lazaret de la petite île

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Le lazaret de la grande île

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                                      Les contours de l'ancienne kasbah

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 Le minzah, d'où l'on assistait aux fêtes et cérémonies qui avaient lieu au méchouar - ce qu'une ancienne gravure indique comme étant " l'alcôve du café de l'Empereur"Les trois porte de ce  monument appelé "le minzeh"donnent axcès à l'axe principal qui traverse de part en part la ville : à l'ouest de cet axe l'ancien kasbah, à l'est la nouvelle kasbah.Cet artère axiale sépare la médina en deux clans: à l'ouest le clan des Béni Antar, à l'Est celui des Chébanate.

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On le voit clairement sur le plan établi par Cornut en 1767: à la fondation de la ville il n'y avait que l'ébauche du port(les deux tours du port avec au milieu la port de la marine et au bout borj el Barmil à l'emplacement du Castello Real) et l'ancienne kasbah entourée de remparts.En dehors de l'ancienne kasbah on voit les contours de ce qui deviendra la médina mais à l'intérieur de cet espace, il n'y avait aucune construction. Nous allons suivre dans les images qui suivent les contours de cette ancienne kasbah.

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Les remparts extérieurs de l'ancienne kasbah du temps des caravanes

histoire,photographieLa porte de l'ancienne kasbah d'où partaient les voyageurs et au dessus de laquelle se trouve la transcription relative à la fondation d'Essaouira : "Grâce à Dieu commence la fondation de cette ville paisible, ordonnée par notre seigneur l'imam Mohamed Ben Abdellah 1765"...

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 La transcription de fondation gravée sur la porte de la kasbah

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Détail de la transcription gravée au dessus de la porte de la kasbah

Le mercredi 1er janvier 2003, je note : tout à l’heure j’irai chercher à Souk Akka — l’une des principales artères de la ville — « Iqad Sarira fi Tarikh Saouira » (lumières sur l’histoire d’Essaouira), pour y décrypter la calligraphie de la porte de l’horloge : mon père me disait se souvenir, qu’en 1930, l’auteur de cet ouvrage l’historiographe « fqih Marrakchi », le père du dramaturge Tayeb Saddiki  montait sur une échelle pour déchiffrer la transcription relattive à la fondation de la ville, aujourd’hui illisible, parce que trop abîmée par les embruns…

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En haut de la porte Est de l’ancienne Kasbah — connue du nom de son portier Mohamed Ben Massaoud, devenue depuis les années 1920 « porte de l’horloge » — la transcription de la fondation de la ville.Selon cette transcription gravée dans la pierre de taille sur ladite porte , le fondateur « a ordonné l’édification de ce havre de paix, en l’an 1178 de l’hégire », ce qui correspond à l’année 1760.

  La transcription  s’étale sur six lignes qui s’énoncent ainsi :

 « À Dieu, je confie mon destin, à lui je m’attache puisque je n’ai que son aile protectrice et rassurante. Si les yeux de la miséricorde t’ont élu : dors tranquille, aucun danger ne peut t’atteindre. Tu peux alors mettre le Simorgh dans tes filets, et viser les gémeaux qui sont les yeux même du bonheur ».

Ces gémeaux — comme Romus et Romulus qui ont veillé à la naissance de Rome — sont sensés apaiser l’esprit des morts, assurer le renouveau des vivants, et veiller sur les échanges humains qui se déroulent toujours sous le signe permanent de la gémelle parité terrestre et céleste.

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La porte de l'ancienne kasbah, sans horloge donnait sur le méchouar que traversaient les transporteurs de marchandises en provenance du port : l'un de ses transporteurs qui se dirigeait avec son âne vers l'un des entrepots a été surpris un jour par un négociant juif en train de dérober un sac de jutte plein d'amandes dans une ruelle adjacente : "Demandes - le moi, lui dit-il, plutôt que de subtiliser à mon insu une marchandise qui ne t'appartient pas.! Sauvegardes ta face devant Dieu avant celle des hommes !"

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         On peut lire aussi à la troisième ligne :

     « Le victorieux par la grâce de l’envoyé de Dieu, même les lions se soumettent à sa volonté, dussent-ils le rencontrer dans leur tanière. Tu ne verras point de saint vaincu, ni d’ennemi qui ne soit défait. »

        Il s’agit d’un couplet de la célèbre « Bourda »(élégie en hommage au Prophète) de l’Imam Al Bouceiri – poète mystique né en Bosnie en 1211 et mort au Caire en 1296, qui vivait de l’écriture d’epitaphes sur pierres tombales, de louanges et de sarcasmes – qu’on chante au Maroc, lors de rites de passage, sur le mode andalou dit « Al Istihlala » (mélodie d’ouverture), en particulier à la fête de la nativité du Prophète. On raconte que l’Imam Al Bouceiri, était malade lors de la composition de cette élégie de plusieurs centaines de vers, et qu’il a été guéri à la fin de la rédaction de la « Bourda »  qui signifie littéralement « tenture du Prophète ».

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La légende du lion auquelle se réfère le couplet est probablement à l’origine du nom de l’une des principale porte de la ville ; « La porte du lion ».  

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Initialement il y avait d'abord l'ancienne kasbah dont on voit les remparts extérieurs à gauche de cette image(cette image est antérieure à l'horloge élevée au début des années 1920).

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Le rempart extérieur de l'ancienne kasbah avec horloge et emme en haïk

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Le même rempart avec taxis à l'entrée de l'ancienne kasbah

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Au sud du Méchouar, il faut tourner à gauche des trois portes, rue des "attara"(marchands d'épices) pour suivre les remparts de l'ancvienne kasbah : en 1767, le plan de Cornut ne comprenait que le port et cette ancienne kasbah et à l'emplacement actuel de derb laâlouj il n'y avait que des huttes et des casemate. Ce n'est que plus tard que le reste de la médina a été construit.

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En tournant à droite de ces trois porte on abouti à "Attarine" ci dessous avenc l'enceinte primitive de l'ancienne kasbah.

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 Mogador-Bab el Attara au fond n'existe plus, photo mars 1933histoire,photographie

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Souk el Attara - axe opposé à la grande mosquée

La ville était très cloisonée: au fond la porte de l'allée des marchands d'épice qui a disparue et qui donnait à gauche sur l'ancienne porte de l'ancienne kasbah qui a disparu également

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"Attara"(allée des marchands d'épices) dans le sens de la mosquée Ben Youssef

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Le même axe d'Attara, l'allée des marchands d'épices dans le sens de la mosquée

La Kasbah – ce « quartier du Roy » commel’appelait Cornut – est le plus vieux secteur de la ville. C’était le lieu où résidait « le Makhzen » (l’administration royale), les vice-consuls des pays européens, et les « Toujar Sultan » (les négociants du Roi). Le Sultan avait ordonné à tous les consuls de passer à Essaouira et d’y bâtir une maison. Comme le souligne le Danois Géorges  Höst dans son journal de 1765 : Après que Mohamed se fût rendu lui – même à Souira et eût distribué les terrains à bâtir, il ordonna à tous les consuls d’aller là bas eux aussi et d’y faire construire à leur compte, chacun une maison importante et convenable ; tous les ambassadeurs devaient arriver là, tous les pirates devaient amener leurs prises dans la même Souira, et un chantier naval devait y être fondé.

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 En date du 21 déc.1912, la photo de la porte, que les français ont démoli et  qui isolait l'ancienne kasbah de la médina : elle est surmontée du pavillon du consulat d'Angleterre.

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 C’est ce qu'on voyait en franchissant l'ancienne porte de la Kasbah: une population juive très visible par son vestimentaire et des âniers transportant des marchandises en provenance du port.L'ancienne kasbah était habitée essentiellement par les dignitaires du Makhzen et les consuls européens. Mais peu à peu les négociants juifs achetèrent aux musulmans les maisons où ils établirent leur commerce. Selon Jean Louis Miège :« C’est avec les capitaux du sultan que trafiquaient Aflao et Corcos. Jusqu’en 1840, seuls les noms des censeaux juifs apparaissent dans les actes commerciaux. Ils jouent également le rôle d’interprètes pour les consulats européens. Nous touchons ici, aux premières origines du capitalisme juif au Maroc. »

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L'ancienne porte de la kasbah était percée dans les remparts des "attara"(marchands d'épices) que voici qui se prolangeaient au milieu de l'actuel derb laâlouj en passant devant le Musée pour rejoindre la batterie de la Scala de la mer.

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L'emplacement de l'ancienne porte de la kasbah où une partie des remparts a été démolie: au premier plan l'ancien consulat d'Angleterre surmonté de son porte pavillon et au fond à gauche le minaret de la kasbah.

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Une mouette sur le pavillon de l'ancien consulat de Sa Majesté la Reine d'Angleterre. A l'entré nord de la kasbah,à l'ongle de derb laâlouj, se trouvait la maison d'Angleterre qui fut transférée de Tétouan à Essaouira en 1769.

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Le rempart qui ceinturait l'ancienne kasbah se prolongeait au milieu de cette allée de "Derb Laâlouj" jusqu'à la Scala.

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Les Noirs employés à la construction de la ville habitaient sous des huttes et des casemates en dehors du rempart de la vieille kasbah qui traversait jadis cette artère de derb laâlouj.En 1764 Georges Höst  écrit à ce propos:« Après avoir été tranquilisé des troubles intérieurs, Sidi Mohamed Ben Abdellah s’employa à améliorer l’état général du pays, à construire une nouvelle ville à Souira ou Mogador, et envoya cent fois cent livres de fer et quelques centaines de nègres, ce qui marqua le début de cet endroit curieux. »

   Ce quartier était dit des  Alouj, ces chrétiens convertis à l’islam lors de prises de mer par les corsaires. Le vieux chant de la ville évoque ainsi le quartier des Alouj :

 À Derb Laâlouj, j’ai vu des yeux d’un tel noir

Si tu savais, ô mon frère, combien ils m’ont ravi ! 

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Au fond la Scala où aboutissait l'ancien rempart en passant devant le Musée actuel: au 18 ème siècle en dehors des rempart il n'y avait que des huttes et des casemates qui donnaient à Essaouira des aires militaires.

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Vue des Consulat - Cliché Garaud

Tous les consulats se trouvaient dans l'enceinte de l'ancienne kasbah, noyau primitif de la ville.Le 20 juillet 1765, Barisien le Danois est reçu par l'Empereur qui lui dit: "Maintenant consul, tes affaires sont conclues, j'ai demandé à Moulay Idriss, de t'aider demain, afin que tu puisse partir après - demain.La construction à Souira doit continuer et Höst, qui habite là, doit y rester comme vice consul."La maison du Danemark se trouve actuellement au fond de la rue Hoummane el Fatouaki.Dans la même rue se trouvait la maison de Hollande construite en 1766,d'après Höst : "Mohamed envoya le consul hollandais,Rossignol, de toute urgence,afin qu'il y établit une belle demeure."Sur un plan espanol daté de 1900, on identifie la maison d'Espagne à l'actuelle "Dar Mussica"(conservatoire de musique).En remontant derb laâlouj, dans l'actuelle rue Ibn Toummert, se trouvait la résidence de l'envoyé de Gênes.

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Face à l'atelier de mon père dans l'allée des marqueteurs, dans l'actuel cinéma Scala, se trouvait la maison d'Allemagne.Le consul y organisait des "Avaries", ventes aux enchères des marchandises avariées.

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L'atelier de mon père en face du cinéma Scala

Hier, j’étais à la municipalité pour y rencontrer Hallab, le chef du groupe folk local. Il m’a dicté une qasida de Souhoum où l’on parle du Barzakh, cette station céleste des âmes mortes

 

La kasbah vue par Roman Lazarev

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Prisonniers Berbères amenés à la prison sur l'ordre d'Abdel Aziz

On reconnait l'entrée de la mosquée de la kasbah et de sa médersa: juste à côté se trouvait la prison de la kasbah, dans l'actuelle salle de baschet-ball, que les français avaient transormé en caserne lui donnant le nom de "Du Chayla" le navire de guerre qui a conquis la ville en 1913. En ces temps lointains, Iskijji le vieil herboriste allait distribuer leur pitance aux prisonniers de la kasbah, la cité interdite qui était entièrement entourée de remparts et où résidaient les consuls, les amines de la douane et l’administration royal. Mon père me racontait comment  grâce à la complicité d’un caïd de la région, l’un de ces prisonniers put s’évader à la faveur de la nuit, en traversant cette vieille porte grâce à la complicité de ses gardiens puis en sautant sur un coursier qui l’attendait en bas des remparts.

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 La prison à ciel ouvert qui existait sur l'île à la fin du 19è siècle et qui servait initialement de caserne auxx canoniers avant le bombardement de Mogador en 1844 par l'escadre de Joinville.

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Au large une autre prison à ciel ouvert existaient sur l'île, on la surnommait "la prison des Rehamna", parce que les dignitaires de cette tribu insoumise du "bled siba" dans le Haouz y ont été jetés à la fin du XIX ème siècle par le Makhzen :

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Au large de la rade de Mogador, l'entrée  de la casene de l'île où bivouaquaient à ciel ouvert les soldats de moulay Abd er-Rahmane sous la direction de Larbi Torrès, avant le bombardement de 1844. Elle sera transformée ultérieurement en prison où seront jetés par le Makhzen les rebelles Rehamna et où séjourna un certain temps le célèbre Raïssouni des Jbala.Il réussi à s'en évadé et à rejoindre  le port mais fut vite repris à la sombre impasse de derb Adouar, du fait qu’il ne connaissait pas vraiment la ville où on l'avait exilé loin de son Jbala natal.où il menait son monde au doigt et à l'oeil : ici personne ne connaissait le chef redoutable qu'il était.....

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Au large île de Mogador et vue du port et de la médina en 1917

Ce qui reste de l’île, c’est d’abord cette prison à ciel ouvert, recouverte de toiles d’araignée, telle une tombe de silence avec son tapis d’algues vertes et ses vestiges de murex ayant échappé aux filets des anciens pêcheurs…Il m’importe de beaucoup le devenir de cette île. De savoir comment elle s’est envolée pierre par pierre. Au point qu’il n’en reste plus que cette prison, prisonnière de sa propre histoire. On y aurait découvert des squelettes enchaînés. Pourquoi ces chaînes pèsent – elles encore sur ces squelettes ? Ont –elles peur que leurs fantômes soient des revenants parmi les hommes ?On l’appelait « prison des Rehamna," parce que c’est là qu'on avait parqué cette tribu rebelle et où eut lieu une évasion  spectaculaire digne du fameux film de « Papillon » : pour échapper à leur triste sort, les prisonniers avait gonflé, telle des chambre à aire, des outres de chèvres et se sont jetés à la mer pour rejoindre la terre ferme. Malheureusement la plupart des évadés ont péri au beau milieu de la rade : les outres se dégonflaient brusquement au milieux des flots et les pauvres prisonniers ne sachant nager, rejoignaient les fonds marins, en coulant comme des pierres !

 

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  Visitant Mogador à l’aube du 20èmesiècle, Eugène Aubin écrit le 2 novembre 1902 : « A l’heure actuelle la place de Mogador n’exporte plus que les peaux de chèvres venues de Marrakech et du Sous, les amandes du Sous et de Haha, les huiles et la cire, enfin la gomme du Sous(gomme arabique et sandaraque, utilisée en Europe dans les industries chimiques et pharmaceutiques ; gomme ammoniaque, expédiée en Egypte, Algérie, Tunisie, et employée pour l’épilage, selon les usages musulmans) ; les caravanes du Sous et de Marrakech aboutissent journellement au port…De puissantes maisons juives sont établies à Mogador. Comme elles importent surtout des bougies, des cotonnades et du thé, elles font la plupart de leurs affaires avec l’Angleterre, et quelques unes possèdent même des comptoirs à Manchester. » .

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 Il était une fois Mogador... "Were Manschester cotton is sold, Mogador"

Quand le cotton de Manshester était vendu à Mogador

C'est curieux que les tissus soient vendus à souk jdid jusqu'à nos jours! On y vendait non seulement les tissus de Manschester mais ceux aussi de Gêne et de Lyon comme le soulignait en 1867, Auguste Beaumier consul de France à Mogador dans un rapport sur les importations du Maroc : "les tissus de soie qui entrent dans le Maroc sont le satin, le velours, le Damas, les brocarts, les mousselines dorées, fil et galons d'or. Les velours à trois poils de Gênes sont les plus recherchés, et de la meilleurs vente et les couleurs préférés sont la couleur cramoisie de violette, vert bleu, bleu éclatant. Les mousselines dorées blanches et colorées proviennent des fabriques Lyonnaises."(in le Maroc du Bulletin de la Société de Géographie de Paris de 1867). Le temps est passé et de port international par où transitaient les caravanes de Tombouctou et les caravelles de la lointaine Europe, Essaouira n'est plus qu'un petit port de pêche où les goélands tissent le ciel avec la mer. Comme disait mon père: "Essaouira est une veuve déchue qui se souvient de sa gloire". 

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 Principale artère du Mellah d'Essaouira

 En 1807, Moulay Slimane envoya une lettre ordonnant la création d'un Mellah (quartier juif) . Car la kasbah ne pouvait plus contenir les courtiers (bassaria) , les bijoutiers, les selliers, et autres colporteurs qui sillonaient la région et qui étaient venus des Mellahs pré-sahariens dans le sillage des négociants de leur religion.La ville abritait autant de juifs que de musulmans comme l’atteste le recencement de 1921 : sur une population de 20.309 qui habitaient alors Mogador, 10.080 étaient musulmans et 9.487 israelites. Le reste, soit 1440, étaient européens. Les juifs étaient minoritaires dans le pays, mais pas à Mogador. Et puis un jour ils sont tous partis. 

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Prière pour la pluie en une année de sécheresse comme le Maroc en connait depuis toujours d'une manière cyclique.Cette photo date de 1922 : les juifs étaient encore nombreux à Mogador.Mais voilà qu'en peu de temps, les vississitudes de l'histoire les ont arraché pour toujours à ce pays qu'ils aimèrent et où ils vécurent depuis deux mille ans: es-ce qu'on s'arrache de sa terre natale, même pour la terre promise, sans blessure de l'âme et sans nostalgie?

Le témoignage de maâlem Mtirek,ami de mon père que j'ai rencontré presque centenaire en 2010, et dont la mémoire reste étonament vigoureuse : "Les juifs avaient leur propre orchestre de musique andalouse: Chez eux un dénommé Solika faisait office de joueur de trier, il y avait aussi un rabbin qui jouait de la kamanja  et un autre du luth.  On allait aussi écouter les mawal chez la communauté israélite de la ville. Une fois alors que j'étais au mellah, au vestibule d'une maison juive où se déroulait un mariage, je me suis mis à déclamer un mawal à haute vois - j'avais alors une voix très forte qui porte au loin - et tout le monde s'est mis à courir dans tous les sens en disant : « Venez écouter cette belle voix d'un musulman ! ». A l'époque il y avait un tailleur parmi les musulmans dont j'ai oublié le nom, qui avait une voix tellement attendrissante, qu'elle paralysait quiconque venait à l'entendre. ».

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  Orchestre de musiciens juifs de Mogador

Au beau milieu de derb laâlouj, le siège du consulat de France, ongle rue Mohamed Diouri, est toujours marqué par une plaque commémorative rappelant que l'explorateur Charles de Foucault s'y est arrêté le 28 juillet 1884; là il fut convié à un dîner par un négociant juif : Soirée musicale animée par un orchestre mixte juif et musulman. Toutes les maisons juives de la kasbah disposaient d'un piano importé de Londres.Les consuls étaient souvent invités à des soirées, animées tantôt par les juifs, tantôt par les musulmans.Dans toutes les médinas, par opposition à la campagne on trouve un modèle musical médiniste (MMM) qui se pose en s’opposant à la campagne. Aujourd’hui, la médina, investie par la modernité et marginalisée par sa périphérie, perd à la fois son caractère communautaire et sa culture traditionnelle. Les nouveaux apports de population avec de jeunes fonctionnaires et des ruraux, ignorent la culture médiniste et ne peuvent la reproduire.

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Arrivée d'une caravane à souk haddada - Cliché Garaud :

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Vue prise de la plage,au fond Essaouira 

On imagine à peine maintenant les grandes distances que ces hommes pouvaient parcourir

 

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 Mogador - Sous la porte de la Marine

Dans les vieilles photos en noir et blanc, on voit le déchargement des paquebots au large par les barcasses. Jusqu’à la fin des années 1960 par beau temps chacune pouvait faire de 4 à 5 voyages, avec un rendement journalier, de 300 à 350 tonnes. Depuis les fenêtres grandes ouvertes de nos classes de l’alliance israilite, on pouvait entendre les sirènes de ces paquebots, comme autant d’appels nostalgiques, nous convions à l’évasion et à l’aventure. Le dernier des courtiers juifs de Mogador, fut le Sieur Hatouile, décédé vers 1989 : il était représentant de la compagnie Paquet et avait le monopole sur le savon de Marseille.

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Mogador-Avenue du Chayla - Cliché Garaud
Mise à l'eau des barcasses dans le petit bassin à l'entrée du port: la grue a été démentelée en 1980 ..Aucune barcasse n'a été sauvegarder pour témoigner qu'Essaouira était un port marchand avant d'être port de pêche, aucun aqueduc qui alimentait les jardins depuis l'oued ksob, aucun jardin potager n'a été sauvegarder pour la mémoire et pour l'histoire alors que la ville a maintenant vocation de tourisme culturel c'est à dire fondé sur la mémoire de la ville....
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Mogador - Le port

 " Quand la forte houle venait à les surprendre, me dit ma mère, les barcassiers se réfugiaient en haute mer. Loin des récifs côtiers où se fracassent les vagues. Ils restaient là, le temps que la tempête s’apaise. En attendant, la ville retenait son souffle."

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 Embarquement de marchandises: en arrière plan, "Borj el Barmil", l'ancien emplacement du Castello Real",avant la construction de la jetée du port au début des années 1920

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Une vue du port dans les années 1920

  Les barcasses employées à Mogador, étaient propriété du Makhzen. D’un type long et étroit, n’offrant pas beaucoup de résistance au vent, leur stabilité transversale, probablement assez faible, suffisait parcequ’elles n’avaient à circuler qu’en rade, assez abritées en somme. Ce petit type, qui portait de 8 à 10 tonnes, était plus facilement maniable dans les rochers qui fermaient l’entrée du port. Elles étaient limitées à 8, dont deux étaient toujours en réserve à terre, prêtes à fonctionner en cas de besoin. Voici les marchandises que transportaient ces barcasses en 1906 :

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Du bord à quais : balles de cotonnades, sacs de sucre, barils de sucre, thé, café, riz, semoule, épices, bougie, fer, peaux du buffles, acier, fer-blanc, bière, confiserie, madriers, balles de papier, faïence. Et du quai à bord : amandes, gommes, huiles, laine, cuirs de bœufs, graines en sacs, peaux de chèvres et de moutons.
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"Landing Place,Mogador"lit-on en bas de ce cliché, puis en haut à la main: "Salutations cordiales.Sandillon".Il s'agit de la signature du fameux minotier français établi à Mogador au tout début du 20 ème siècle....Ce nom de famille était devenu un toponyme puisqu'on appelait  "océan Sandillon"la mer jouxtant sa minoterie: un lieu de mémoire, tout un symbole....
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Mogador(Maroc)-Le Port
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Vue de la Douane
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La ville fut grandement favorisée par la fermeture du port d'Agadir, qui se trouvait dans un état de perpétuelle insécurité , et par le traité de 1767 entre Louis xv et le sultan Mohamed III, au terme duquel les marchandises à l'entrée ne devaient payer que 8% de leur valeur, tarif bien moins élevé qu'ailleurs. Ces mesures eurent pour conséquence d'accroître sérieusement l'"interland" du port et de lui amener le trafic des marchandises chères du Sud
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Les navires qui fréquentaient Essaouira étaient de grands bâtiments relativement àl'époque : 125 tonneaux, soit le double de ceux qui fréquentaient Tanger.50% du tonnage et près de 60% du commerce maritime du Maroc transitait par Essaouira.
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Pendant un siècle, de 1765 à 1865? sur les 29000 navires ayant accosté sur les côtes marocaines, 12000 concernaient Essaouira. L'originalité de ce port résidait dans l'ampleur de l'aire maritime desservie : 24 ports étrangers étaient en rapport régulier avec Essaouira, alors que les autres ports marocains étaient limités à une dizaine seulement. La politique de Sidi Mohamed Ben Abdellah a fait que les autres ports ont été mis en sommeil. Essaouira était le Casablanca de l'époque.
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La rade d'Essaouira

 Les caravanes en provenance de Tombouctou et qui longeaient la côte pour rejoindre Agadir puis Essaouira passaient soit par Guelmim à l’oued Noun, fief de la famille Bayrouk, soit par la Maison d’Illigh à Tazerwalt, fief des descendants de Sidi Ahmad Ou Moussa. D’ailleurs à la fin du XIXe siècle, Huçein Ou Hachemi de la Maison d’Illigh, comme le Cheïkh Bayrouk, disposaient d’une maison commerciale à la nouvelle kasbah d’Essaouira. C’était le négociant juif Afriat qui s’occupait des intérêts des Bayrouk au port de Mogador. Le cheykh Bayrouk de Goulimine disposait en effet d’un entrepôt où il déposait les marchandises en provenance de Tombouctou, et c’était le négociant Afriat, lui-même originaire de Goulimine qui s’occupait de ses affaires à Essaouira. Ces juifs de Goulimine avaient fini par aboutir dans cette ville saharienne, après leur expulsion d’Espagne, comme le prouvent les motifs des bijoux qu’ils produisaient et qui étaient à bien des égards similaires à ceux des orfèvres d’Andalousie. On se souvient encore aujourd’hui de la famille  Bayrouk qui habitait au début du siècle au quartier des gens d’Agadir (quartier d’Essaouira qui porte ce nom parce que ses premiers habitants étaient originaires d’Agadir) : les hommes travaillaient au port, tandis que leur marraine, une mulâtresse, était célèbre voyante médiumnique (talaâ) qui officiait lors des nuits rituelles des Gnaoua.

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Sur sa route vers Mogador Léopold Panet, le premier explorateur du Sahara, rencontre le cheïkh Bayrouk pendant son séjour à Noun, et assiste à une fête d’accueil d’une caravane en provenance de Tombouctou :

  « Pendant mon séjour à Noun, j’y fut témoins d’une fête magnifique. C’était le 12 mai ; la veille, on savait qu’une grande caravane revenant de Tombouctou devait arriver le lendemain, parce qu’elle avait envoyé faire louer des tam-tams pour fêter sa rentrée. Dés sept heure du matin, les femmes des marchands arabes, qui composaient cette caravane, étaient parées de tout ce qu’elles avaient de beau en habis et en bijoux, et le tam-tam, dont le bruit assourdissant se répétait au loin, avait attiré autour d’elles une foule des deux sexes...Ceux au-devant de qui elles allaient, paraissaient à l’autre extrêmité de la plaine, laissant derrière eux leurs chameaux chargés et deux cent esclaves appartenant aux deux sexes. Le tam-tam résonna avec fracas, les drapeaux voltigèrent en l’air, les chevaux se cabrèrent de part et d’autre...La troupe forme deux haies qui reçoivent entre elles les chameaux chargés et les esclaves déguenillés, souvent nus. Les hommes continuent leur évolution guerrière avec le même enthousiasme, mais il y a moins de charme, moins de mélodie dans les chants naguère si harmonieux des femmes : elles ont tourné leur attention vers les esclaves et déjà chacune d’elles y a fait son choix. »

  Les maîtres de ces lieux de rassemblement de convois caravaniers, disposaient dans leurs citadelles de nombreux esclaves issus du commerce transsaharien. Les Noirs qui vivent aujourd’hui autour de ces vestiges du passé y célèbrent encore leur fête annuelle.S’ils vénèrent tous  Lalla Mimouna, et sont issus de la même origine l’ancien Soudan, le pays des Noirs des géographes arabes, qui correspond à la boucle du Niger , il n’en demeure pas moins que sur le plan culturel, chaque communauté  ganga s’est adaptée à sa manière au contexte, dans lequel, elle fut intégrée.

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  Le souvenir de la traite des esclaves reste vivace chez leurs descendants marocains. Voici le témoignage d’un maréchal-ferrant noir, également grand connaisseur de l’amerg, chant poétique berbère :  " Les esclaves provenaient de la tribu Sharg du Sahara. Des marchands les amenaient de là-bas pour les vendre dans le Sous. Par la suite, leurs enfants étaient expédiés dans le pays Haha. On leur mettait la corde au cou pour les conduire sur la place où on les vendait comme des bêtes, en examinant leur denture pour distinguer le jeune du vieux. C’est ainsi que mon père fut offert au caïd des Ida ou Guilloul. En revanche chez les Neknafa, les esclaves noirs appartenaient à Israren, un caravanier qui échangeait les céréales de la région contre le thé, le sucre, et les esclaves de Sous. C’était le trabando (la contrebande). Cette traite des esclaves a cessé quand il a plu à Dieu de venir en aide aux Noirs. Une fois affranchis, comme ils ne possédaient pas de terres, ils ont dû devenir métayers pour subsister. Un jour, j’ai décidé de troquer le tambour contre le ribab et j’ai fait le tour des villages pour animer les fêtes de mariage. J’ai chanté l’amerg en tant que maître du ribaba pendant quatorze ans, mais quand mon père est mort, j’ai pris sa relève à la forge. »

Voici maintenant le récit d'un caravanier de Mogador : Voyage dans le voyage, itinéraire de l’imagination dans le sillage des caravanes, telle en est l’histoire mythique que raconte ce vieux chamelier sur le commerce transsaharien entre Tombouctou et Essaouira au XIXème siècle :histoire,photographie

 Caravanier dans les dunes et sur la plage

« On ramenait du Sahara l’ambre des baleines, du bois de santal, des boules d’or, des œufs de mhar ; parfois on ramenait, semblables à des perles, des œufs de lbia, des porcs-épics. On ramenait des autruches qu’on montait comme des chevaux de fantasia ; tu voyais certains mettre la selle sur le dos de l’autruche et la chevaucher ! (éclat de rire). Il y avait tout dans le Sahara ! Wahli ! (Ô les miens !) ce qu’on ramenait de là-bas ! Il y avait le lion, il y avait le tigre, il y avait l’hyène. On n’appelait pas le dromadaire méhari, on l’appelait « hab-rih » (souffle le vent). Pour parvenir à l’oued Draâ, les caravanes mettaient cinq jours pour les mulets, six jours pour les chameaux. On partait d’Essaouira et on passait la première nuit à Ida Guilloul, la deuxième nzala (étape de caravane) était à Tamraght, de-là à Houara et Taroudant enfin à Goulimine. Un jour qu’on allait dans le Souss, on rencontra une vipère au milieu du chemin : elle soufflait la mort sur quiconque voulait passer. Vingt cinq fantassins déchargèrent leurs fusils sur elle. Elle se souleva jusqu’au ciel et tomba devant la porte du lion. En vérité, chez les Houara, dans le Souss, « l’année du rat » (l’année de la peste) tout était couvert de rats ; l’année de la sécheresse et de la famine faisait penser à l’histoire de Joseph, lorsque le Pharaon rêva que sept vaches maigres dévoraient sept vaches grasses et que sept épis grêles engloutissaient sept beaux épis. »

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Arrivée des caravanes par Bab Marrakech

C’étaient les dernières caravanes qui reliaient Mogador à son arrière-pays et à Tombouctou, avant qu’Agadir au Sud et Casablanca au Nord ne supplantent la ville des Gnaoua en tant que principal port du Maroc. Avec la découverte de la machine à vapeur, l’Europe était désormais directement reliée par voix maritime au Sahara et à la boucle du Niger sans avoir à passer par l’ancien « port de Tombouctou », qu’était Mogador.

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En cours de route, la jeune fille et sa grand-mère, croisaient aussi, mais plus rarement les « boutefeux » (ces autocars qui fonctionnaient au charbon, et qui transportaient les voyageurs sur leur toit). Une fois la ville en vue, elle devait leur paraître « comme un panier d’œufs au bord d’un lac bleu » comme disait la chanson berbère :

Veux-tu bien que nous ajustions

Son axe au moulin,

Pour moudre en commun

Ton grain et le mien ?

Veux-tu bien qu’en un seul troupeau

Nous mêlions nos ouailles aux tiennes ?

Mais gardes-toi bien

D’y mettre un chacal !

Comment donc, de la plaine,

Surgirait Mogador,

Comment pourrait-on

Haïr qui l’on aime ?

À Essaouira, elles sont accueillies par l’oncle maternel de  Lalla, qui résidait au cœur de la médina, à l’ancien mellah, dont l’artère principale grouillait, le samedi soir, de juifs grignotant des amuse-gueules, en se rendant au cinéma Scala – consulat d’Allemagne jusqu’à la fin du XIXe siècle – tenu par le Sieur Kakon, où ils assistaient en première, aux films muets de Charlie Chaplin. Les négociants juifs tenaient encore les entrepôts de l’ancienne Kasbah (fondée en 1764) et de la nouvelle Kasbah (fondée en 1876, la première n’étant plus suffisante). On appelait ces entrepôts lahraya diyal lagracha : les entrepôts de la gomme de sardanaque (gomme prélevée sur le thuya de l’arrière-pays, mais aussi sur l’acacia du Sahara, et sur les autres essences forestières de l’Afrique subsaharienne). C’est là que  Lalla accompagnait notre grand-mère et lui servait d’interprète avec le négociant Boudad, l’un des propriétaires de ces entrepôts où les femmes traitaient la gomme en séparant le grain d’avec l’ivraie.

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 Le thuya de l'arrière pays

Le voile blanc dénommé haïk était alors l’emblème vestimentaire des femmes de la ville, mais aussi des hommes. Le haïk que portaient ces derniers était muni d’un turban, comme l’atteste cette vieille comptine, que chantaient les jeunes filles et qui fait également allusion au commerce transsaharien, d’où venaient l’or et les pierres précieuses :

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 Haïki, n’a pas de turban

Haïki, est allé au Soudan

Haïki en a rapporté des pierres précieuses

Haïki, je lui en ai demandé une

Haïki, me l’a offerte.

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Le voile blanc dénommé haïk était alors l’emblème vestimentaire des femmes de la ville, mais aussi des hommes. Le haïk que portaient ces derniers était  muni d’un turban, comme l’atteste cette vieille comptine, que chantaient les jeunes filles et qui fait également allusion au commerce transsaharien, d’où venaient l’or et les pierres précieuses 

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Le vendredi était consacré à la visite des saints. Le mercredi, il fallait s’abstenir de laver son linge de crainte de s’attirer le mauvais sort. Le mercredi nous dit Laoust « chez les Ida Ou Gnidif et autres berbères du sud, on procède à des rites de purification, afin de chasser les mauvais esprits qui s’attaquent aux homes et au bétail ». Dés son enfance la jeune fille est éduquée au port du voile. Une vieille comptine fait allusion au haïk munit d’un turban que portaient les hommes au XIXè siècle :

Haïki

Haïki n’a pas de turban

Haïki est allé au Soudan

Il en a rapporté des pierres précieuses

Haïki, je lui en ai demandé une

Haïki me l’a offerte.

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Pour sortir de chez elles, les femmes devaient s’envelopper d’un haïk (voile couvrant tout le corps). Il en existait deux sortes : celui d’été à la blancheur éclatante et à la légèreté ondoyante au moindre souffle du vent, et celui d’hiver dont la chaleur lainière protège des rigueurs du froid. Le corps mauvais, le corps qui fait honte, doit être dérobé à la vue pour des raisons religieuses, comme le souligne Georges Bataille : « C’est la sensibilité religieuse qui lie toujours étroitement le désir et l’effroi, le plaisir et l’angoisse ». A part le hammam, cette femme traditionnelle ne devait sortir que le vendredi après midi ou pour visiter les sanctuaires de Sidi Mogdoul et de dar dmana(maison des gages) :

Mon haïk, je l’ai lavé

Au fond du coffre, je l’ai gardé

Jusqu’au vendredi où je l’ai déployé

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Le chant des femmes comme épanchement  des blessures de l’âme. Une hadhara que j’ai consulté au début des années 1980,  m’a fait écouter une vieille cassette qu’elle cachait dans un coffre, où on distingue nettement, à travers les rythmes des chanteuses et les pleures des danseuses en transe, des propos tels « donnez lui une serviette ». Malgré que la bande soit usée, j’ai pu déchiffrer le chant suivant :

Pourquoi je suis partie et pourquoi je revienne

Aux pays étrangers chacun me blesse

De mon exile combien je t’invoque, ô Sidi Mogdoul

Toi mon médecin, guérit moi de mes blessures

Prend soin de ta protégée, ô patron de notre ville !

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Femmes en haïk à souk laghzel, Roman Lazarev

De vie d’homme, on n’avait jamais assisté à une hadhra des femmes.  Cependant les hommes âgés de plus de 65 ans se souviennent que la hadhra était monnaie courante au temps de leurs mères.Dans l’un des chants funèbres des Hadharates d’Essaouira , il est remarquable de constater l’identification des chanteuses avec le mort :

Le caveau est froid, froid, très froid

La mort ô les miens, la mort,

C’est elle qui nous emportera

La mort me saisit aux pieds et monte à la poitrine

Me voilà entre ses mains dans un état lamentable

Me voilà entre ses griffes tronc d’arbre desséché

Me voilà sans racines, tronc d’arbre étendu.

Dans ce chant funèbre, comme dans un  dhikr des Ghazaoua , le mort décrit son propre état, depuis son lavement et embaumement  jusqu’à ce qu’à sa mise à terre.. C’est que la mort n’inspire pas véritablement de l’horreur : elle est plutôt  perçue comme simple transition vers l’au-delà. Des femmes rapportent avec beaucoup d’admiration et comme preuve de foi, les propos  de ce vieillard agonisant  qui disait à la foule des voisins qui l’entouraient   :« Eloignez-vous croyants, laissez un passage pour l’âme qui me quitte ».

La hadhra était le seul espace-refuge, pour des hommes et des femmes impuissants à sauver les leurs. Mon père m’expliquait qu’aux  années des épidémies de choléra, de peste  et de sécheresse où la sauterelle faisait des ravages ; « la mort nous était familière. Elle fauchait par dizaines quotidiennement au point qu’on ensevelissait les gens dans des fosses communes ».


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Femmes voilées au marché,Roman Lazarev

La femme était véritablement proscrite au harem comme l’atteste ce dicton local : « la femme ne sortait que deux fois dans sa vie : une première fois pour rejoindre la demeure de son mari et une deuxième fois pour aller à sa dernière demeure ». Le mariage est donc l’un des rites de passage capitaux dans la vie d’une femme, puisqu’il lui permettait de franchir ce seuil habité par les djinns.

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Djinn à la porte d'entrée de Boujamaâ Lakhdar

Au moment de franchir le seuil de la maison paternelle, les femmes entonnent ce chant de noce dénommé le DRAZE :

Nous sommes dans une nuit lunaire

C’est la nuit du bien aimé

Le henné tombe dans le lait

Nous sommes dans la nuit du parcours

C’est la nuit du bien aimé

Le henné tombe dans la cour

Le henné rose est pour la belle

Couverte des cinq tresses de sa chevelure

Le henné aux couleurs de prune

Pour la peau, couleur de lune

Elle a mis son haïk et part pour le grand voyage

La mariée nous manque déjà

La fille du prophète est mariée

Au bonheur des anges

La prairie verdoyante est ourlée de fleurs

Et les yeux de la mariée scintillent de pleurs

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Femmes voilées au marché, Roman Lazarev

La femme était exclue du monde organisé des hommes : en dehors de la maison, elle n’avait, ni rôle économique, ni rôle politique.La femme était littéralement « emmurée », puis que les maisons musulmanes – contrairement à celles des juifs et des chrétiens – étaient sans fenêtres donnant sur l’extérieur, à part une petite jalousie. L’architecture des maisons antérieures à la deuxième guerre mondiale était organisée autour d’une cour intérieure et la lumière venait d’en haut. Les femmes ne pouvaient se contacter librement entre elles que sur les terrasses qui étaient sans enclaves : on peut communiquer sans difficulté d’une terrasse à l’autre.

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Femmes voilées au marché de la laine, Roman Lazarev

Il existait dans la ville des chanteuses de malhûn, mais qui ne se mêlaient pas aux hommes et celui qui les accompagnait au luth devait être nécessairement aveugle. Toutes les chanteuses de ce type sont mortes depuis belle lurette et n’ont eu aucune relève. Cette affirmation que nous écrivions en 1983 a besoin d’être nuancée aujourd’hui pour ce qui est du reste du Maroc : au printemps 2009, Mustapha khalili a pu organisé à Essaouira un festival du malhûn avec  d’excellentes chanteuses venues principalement de Meknès, Fès et Salé.

Les nourritureshistoire,photographie

Marchand de sel à Mogador : pas de plat sans sel à moins qu'il ne soit destiné aux djinns!

Au pied du mont Amsiten, les salines d’Azla et d’Ida Ou Azza ont toujours alimenté en sel gemme  d’immenses contrées jusqu’aux profondeurs de l’Atlas à l’Est et au Sahara à l’extrême Sud. Transporté jadis à dos de chameaux, l’exploitation du sel connaît maintenant un embryon de mécanisation. Les paysans complètent ainsi leurs maigres ressources en extrayant le minerai de sel gemme ou en jetant leurs filets aux criques désertes et sauvages qu’on appelle afettas (port en berbère) : celle de taguenza, au sud de cap Sim, de tafelney et imsouwan plus au sud. Une pêche artisanale et aléatoire où au sortir de l’aube à marée basse, le paysan - pêcheur découvre parfois dans ses filets de frétillantes crevettes grises si ce n’est de grosses pièces de loups, mêlées aux dorades et aux  turbots ! 

 

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  Une pesée de sel saharien valait deux pesées de céréales.

 Le sel chasse les mauvais esprits des champs. Les Regraga crurent d’abord au Paraclet qui leur annonça au bord de la saline de Zima l’avènement du sceau des Prophètes : Mohammed. Et leur sultan Sidi ouasmine leur ordonna de se diriger vers Zima la sainte (saline située au pied de la montagne de fer où eut lieu chaque année le sacrifice des trois taureaux pour inaugurer le périple du printemps).Et au sud d'Essaouira, la saline d'Ida Ou Azza, alimente en sel le haut Atlas et même le Sahara.Les tribus nomades au sud de l'oued Noun troquaient le sel de leurs salines en contrepartie des céréales des tribus sédentaires situées plus au nord. Au marché de Tiznit ou  à celui de Tlat Lakhssas, dans le Sous extrême, une pesée de sel saharien valait deux pesées de céréales. Outre les salines côtières, il y a les Sabkha de l'intérieur telles celles de Teghazza et de Taoudenni dont le contrôle fut l'une des causes de la célèbre expédition saâdienne d'Ahmed El Mansour Dahbi vers l'Afrique. De là ce sel est transporté à Tombouctou. Ce troc de l'or contre du sel est à l'origine même du commerce transsaharien.

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Marchand d'orge à Mogador

Du fait que mon père a des racines en pays chiadma arabophones au nord d'Essaouira et que ma mère est originaire du pays haha berbèrophone au sud de la ville, nous recevions souvent la visite de cette parentèle rurale surtout en période des moissons et au temps des raisins et des figues comme me le raconta un jour Mohamed, un neuveu de mon père:

- Du temps de Mohamed V, fin des années cinquante, début des années soixante  ton frère aîné Abdelhamid avait à peine quatorze ans- je suis arrivé dans votre ancienne maison, avec un sac de blé, et votre oncle berbère Mohammad est arrivé en même temps, avec sa grosse moustache et son gros turban, avec un autre sac de blé. Une fois les deux sacs de blé à la terrasse, votre mère consulta leur contenu. Le blé ramené par l’oncle berbère était net et propre, par contre le blé que j’ai ramené était mélangé avec de la paille et de la poussière de l’aire à battre. Votre mère me dit alors :

Où devons-nous vanner ce blé ? À la lisière de la forêt ou au bord de la mer ? Ici, en ville, on ne peut le vanner à la maison sans que la poussière parvienne chez les voisins.

Le lendemain de notre arrivée, un aigle est tombé dans le patio de votre maison. Ton cousin Ahmed l’a capturé en jetant une couverture sur lui"

.Le rapace était vraiment impressionnant et tous les enfants du quartier allaient lui chercher de la viande, pour le nourrir.Quelques jours plus tard, mon père avait remis l’aigle à Moulay Kébir, chasseur à ses heures et antiquaire distingué originaire de Fès

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 Marchand de sauterelles à Mogador

Ce simple mot, « Jrada » (sauterelle en arabe), produit en moi, comme « une déflagration du souvenir » . Il me rappelle étrangement cette vieille comptine dont jadis nos grands – mères berçaient en nous l’enfant qui rêve :

« Â Jrada Maalha !

Fiin kounti saarha ? »

O sauterelle bien salée !

Vers quelle prairie tu t’en es allée ?

   C’était au temps des disettes et des vaches maigres, où des nuées de sauterelles décimaient les champs, et où il ne restait aux hommes affamés qu’à se gaver de grillades de sauterelles salées!histoire,photographie

Poteries à souk Laghzel

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A souk Laghzel, on vendait aussi le bois pour cuisiner et pour se chauffer l'hiver

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 Arrivée d'une caravane à Souk Jdid, le 23 déc.1912histoire,photographie

 Seven Arch, Mogador, Septembre 1912


 « Allons voir la mer

Restons face aux vagues

Jusqu’au vertige ».Aïta des plaines côtières

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Adolescent j'avais la révélation de la pleine lune sur tes ressacs maritimes qui dilataient mes narines à chaque fois que mes pieds écrasaient tes focus d'algues..Et tes poussières de coquillages et de cosmos étoilé au creux des vagues et de nos amours virginales.Eblouissant rêve ; frémissement de l'âme au plus profond de l'être. En ces mystérieux rivages de pourpre aux exalésants d'algues et de ploncton effervescent ; offrandes d'algues, de crustacés lunaires;de dorades, de loups de mer frétillants,de  murex,  et d'ivresse bacchanale!.Nous dormions les yeux grands ouverts sous ta nuit étoilée et  ton claire de lune;là-même où l'océan vient mourir dans un ultime soupire de ressac...Là même où les sirènes de mer venaient nous chuchoter leurs billets doux  au creux des vagues et aux orifices des coquilles entrouvertes , là même où nous ressentions au plus profond de l'être, l'éclosion de nos premières émois aux fraîcheurs juvénils...Je viendrais vers vous Tafelney, royaume disparu de notre jeunesse . Même en oiseau de mer à l'aile brisée par les vagues du temps qui passe je viendrais vers vous Tafelney, .Oui, je viendrais même à l'insu du souvenir et par de-là l'exile et l'oubli...La mer n’est point nommée mais sa fraîcheur est présente : azur ! Terre blanche éclaboussée de soleil ! Œil- poisson pour conjurer le mauvais sort ! Cris blanc et gris des goélands, par delà l’autre rive et l’autre vent ! Coquillage pourpre et sang sacrificiel à la foi ! La fraîcheur du ciel et de la mer. L’aube à la fois étrange et belle lorsque les brouillards de la nuit font danser la lumière du jour. C’est le monde qui renaît au bout du rêve. Le ciel de la fertilité quand le jour enfante la nuit ...

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 Azourf

(Ploncton en Berbère)

Ces arrivages de haute mer aux odeurs d'algues et au scintillement du ploncton sous le claire de lune! Le ploncton se dit Azourf en berbère, ce qui ajoutait une sonorité musicale et magique à son effervescance nocturne!.Et de ce ploncton Moubarak Erraji nous dit:

Issu de l'âme

d'un marin mort de noyade

Le ploncton nourrit la flamme éclairante

De la chandelle de mer

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 Les anciens pêcheurs se souviennent encore des chants qu’ils clamaient lors de la pêche à la pirogue berbère du nom d’agherrabou . Le mot était connu sous cette forme de Cap Juby à Safi. Le mot a pu être rapporté au grec et au latin carabus . Les saints enterrés en bord de mer ont leur part de capture des agherrabou.L’un des îlots qui entourent la grande île de Mogador porte le nom de  Taffa Ou Gharrabou  (l’abri de la pirogue en berbère).L’embarcation berbère  Agherrabou, se prêtait remarquablement à l’accostage des plages parmi les rouleaux. L’avant de la pirogue se termine par une longue pointe effilée (toukcht) qui donne aux formes de l’avant beaucoup d’élégance. Appuyé sur cette pointe et penché en avant, le pilote cherche à découvrir le frétillement des bandes de tasargal (sorte de bonite) qu’on encercle sur les plages avec les filets.L’Agherrabo est le véritable bateau de pêche chleuh.

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  Autour de l’île, les eaux sont si poissonneuses qu’on y pêche avec les algues, par nuit sombre, comme au clair de lune.

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      Sans cesse un vent impitoyable balaie tout sur son passage. Quand souffle le vent du nord, il faut pêcher sur l’îlot de « firaoune », mais quand souffle le vent du Sud, il faut aller jusqu’à la grande île. Les goélands y forment une véritable voie lactée aux milliers d’ailes qui vibrent avec douceur, comme des prières bercées par les vagues. Le faucon Eléonore niche ici du mois d’avril au mois d’octobre, loin des bruits et des fauves, au sommet des montagnes...L’hiver, les étourneaux , ces oiseaux solaires qu’on appelle zerzour, forment un immense « boa volant », qui orne le ciel et se confond avec lui. Calligraphie céleste, noria tournoyante au crépuscule. Ces oiseaux sont les gardiens de l’île, ou peut être la réincarnation des âmes qui la hantent encore.

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 Aylala

Aylala, la mouette féconde

Après cent et une caresse du vent

Après cent et un battement du coeur

Elle pondra au dessus de cette hutte, Un foeutus pour les vagues qui bruissent au loin

Moubarak Erraji

Se rendre au sanctuaire de Sidi Mogdoul, en quête de protection surnaturelle, avant de quitter la ville, était une pratique courante à tous ceux, voyageurs et marins, qui affrontaient les risques de noyade en haute mer, ou le voyageur, celui des coupeurs de route, qui infestaient les sillages des caravanes au pays de la Siba – par opposition au pays sous contrôle du Makhzen. Et jusqu’à une époque récente, avec procession, étendards et taureau noir en tête, les marins se rendaient à Sidi Mogdoul pour qu’il facilite leur entreprise, comme en témoigne cette vieille légende berbères :

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Sidi Mogdoul, le saint patron de la ville

« Sidi Mogdoul fixe les limites de l’océan et en chasse les chrétiens. Il secourt quiconque l’invoque. Fût-il dans une chambre de fer aux fermetures d’acier, le saint peut le délivrer. Il délivre le prisonnier entre les mains des chrétiens et le pêcheur qui l’appelle au milieu des flots ; il secourt le voilier si on l’invoque, ô saint va au secours de celui qui t’appelle (fût-il) chrétien ou musulman. Sidi Mogdoul se tient debout près de celui qui l’appelle. Il chevauche un cheval blanc et voile son visage de rouge. Il secourt l’ami dans le danger, le prend et, sur son cheval, traverse les océans jusqu’à l’île. »

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 Le phare de Sidi Mogdoul 

 Et sur ces mêmes rivages, au Sud de cap Sim, les pêcheurs se rendaient en pèlerinage à Sidi Kawki où les berbères Haha procèdent à la première coupe de cheveux de leurs enfants : « s’ils sont surpris par la tempête, ou si le vent se lève alors qu’ils sont en mer, les marins se recommandent à lui. Avant de s’embarquer pour la pêche, ils fixent la part de Sidi Kawki, dont les vertus sont très renommées. On raconte qu’un individu y avait volé la nuit une bête de somme et bien qu’il eut marché tout le temps, quand le matin se leva, il se retrouva là où il l’avait prise. » 

 Ces seigneurs du port, ces saints protecteurs des rivages et des marins dont les coupoles, telle des vigies de mer, jalonnent les rivages, les marins leur rendent hommage à l’ouverture de chaque saison de pêche.histoire,photographie

 Le pont et le village de Diabet

 Et jusqu’à une époque récente, avec procession, étendards et taureau noir en tête, les marins se rendaient à Sidi Mogdoul pour qu’il facilite leur entreprise, comme en témoigne cette vieille légende berbères :« Sidi Mogdoul fixe les limites de l’océan et en chasse les chrétiens. Il secourt quiconque l’invoque. Fût-il dans une chambre de fer aux fermetures d’acier, le saint peut le délivrer. Il délivre le prisonnier entre les mains des chrétiens et le pêcheur qui l’appelle au milieu des flots ; il secourt le voilier si on l’invoque, ô saint va au secours de celui qui t’appelle (fût-il) chrétien ou musulman. SidiMogdoul se tient debout près de celui qui l’appelle. Il chevauche un cheval blanc et voile son visage de rouge. Il secourt l’ami dans le danger, le prend et, sur son cheval, traverse les océans jusqu’à l’île. » 

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   Marée basse exceptionnelle

Et sur ces mêmes rivages, au Sud de cap Sim, les pêcheurs se rendaient en pèlerinage à SidiKawki où les berbères Haha procèdent à la première coupe de cheveux de leurs enfants : « s’ils sont surpris par la tempête, ou si le vent se lève alors qu’ils sont en mer, les marins se recommandent à lui. Avant de s’embarquer pour la pêche, ils fixent la part de Sidi Kawki, dont les vertus sont très renommées. On raconte qu’un individu y avait volé la nuit une bête de somme et bien qu’il eut marché tout le temps, quand le matin se leva, il se retrouva là où il l’avait prise. »histoire,photographie

  Ces seigneurs des ports, ces saints protecteurs des rivages et des marins dont les coupoles, telle des vigies de mer, jalonnent les rivages, les marins leur rendent hommage à l’ouverture de chaque saison de pêche

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Une fois par an, la marée est tellement basse que les chalutiers attendent la motée des eaux à l'entrée du port

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A G H B A L O U

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Revoilà l'océan

Après les marais houleuses

Tel un bébé fermant les yeux

Dans un berceau bleu. Moubarak Erraji

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L'offrande de poésie de Moubarak Erraji.

La mer

Je ne l’ai pas trouvée là où elle posait ses mains

Où est partie la mer ce matin ?

Était-ce un poète qui serait passé par là ?

La mouette

Il n’a pas trouvé sur quoi écrire son désarroi

Était-ce un poète qui serait passé par là ?

De deux coquillages,

Une pierre de sagesse me parvient

En se roulant vers moi

Était-ce un poète qui serait passé par là ?

Il se demandait le long du fleuve :

Était-ce

Un poète

Qui serait

Passé

Par

?

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Manuscrit d'une vague

Entre une vague et une autre, point de ligne abstraite: Juste des écumes enportées par le vent avec des bulles d'où se jette le regard de créatures que j'ai vu dans un rêve à venir Moubarak Erraji

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 Filet de pêche

Malgré ses innombrables yeux

Le filet n’a aucune chance

La mer, il lui suffit l’œil du poète et de la lune

Eux seuls sont issus de cette flamme

Venue d’une galaxie lointaine 

Rien ne me sépare de la mer

Des poissons des vagues à mon âme

Et de mon âme à leurs vagues

Ceci  est ma schizophrénie bleue

En dehors des cahiers de la psychologie

Comme l’atteste la blessure qui écume

Entre marais haute et marais basse.Moubarak Erraji

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  Racines mises à nue par la violence du vent

A Mogador, le vent et la mer

Sont nés au même moment

Dans un cocon de sable

Depuis que la pluie a dévoilé

Les signes et les symboles des nuages

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A Mogador, le vent et la mer

Sont nés au même moment

Secrètement, ils ont brisé les œufs

Sur les toitures des maisons et des phares

Secrètement, ils ont remis leurs ailes aux mouettes

En leur plantant dans les hauteurs des plumages virvoltants

Sperme bleu d’une généalogie marine issue du vent

Secrètement ils nous ont fait sangloter

D’isolement lointains

Aux ongles des questionnements et des poèmes.

Moubarak Erraji

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 Ardeurs, ardence, ardentes amours.Flamboiement de lumière!

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 La terre ferme entière, je la présume en ton poids d’éther

En tes doigts à la beauté éternelle trempés dans l’océan. Moubarak Erraji

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 Au fond d'un coquillage

Le grand océan

a passé la nuit entière

à l'écoute des voix - visionnaires

d'un rêve qui nage

Moubarak Erraji

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 Marin 

Voyez ce marin jeter la lumière de son âme

Appât enflammé au bout de l’hameçon

Pêchant le reflet de la lune dans l’eau

Transperçant d’une aiguille de lumière

Son capuchon de paille

Le marin n’a pas emporté de provisions avec lui

A part une croûte tachetée de sang

Une besace pleine de vent

Et un rêve au bord des sourcils de l’univers

Qu’il a vu demain…Moubarak Erraji

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Depuis la haute antiquité les marins berbères pratiquent la pêche traditionnelle dans de petits ports côtiers dénommés "afettas" en berbère: on peut cité celui de Taguenza entre cap Sim et Sidi Kawki, celui de Sidi Ahmed Sayeh, ceux de Tafelney, d'Imswan, de Taghazout ou encore celui du légendaire Massa plus au sud.On y accorde leurs part de pêcherie aux saints patrons de Massa. Les pêcheurs ne peuvent ni vendre, ni partager les poissons, sans accorder leur part de poissons aux saints. Ils disent : « Voici le poisson de Sidi wassay! » En le rejetant au loin sur le sable. « Cet autre poisson est pour lalla RahmaYoussef ! » pour qu’elle les aide face aux tempêtes maritimes. Ce n’est que par la suite que les pêcheurs peuvent vendre leurs captures.

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Le sanctuaire de Sidi Wassay est situé sur la rive sud de l’oued Massa : de son vrai nom Abderrahman Rondi par référence à la ville Andalouse de Ronda . Il aurait vécu au 13ème siècle. Il avait quitté l’Andalousie pour Fès et de là à la tribu berbère d’Issafen N’Aït Haroun. Il y laissa un enfant et vint s’établir à Massa où il fut enterré au bord de la mer pour que sa baraka produise des pêches miraculeuses et protège les rivages  des ennemis qui viennent de la mer. Le surnom de Wassay signifie d’ailleurs en berbère « celui qui protège des dangers de la mer ».

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Abdelhadi, le parolier du groupe folk berbère des Izenzaren qui vient souvent en marin chercher l’inspiration à Sidi wassay chante :

Me voici mettant ma pirogue face aux vagues

L’écume des vagues couvre ma pirogue

On ne sait ce qu’on va trouver

Derrière les vagues et derrière les îles

Le rouget, c’est en haute mer qu’on le capture

Au bout d’un filet qui vibre comme un rebab

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Sidi Ahmed Sayeh

 

De son vivant, ma mère se rendait en pèlerinage soit à Sidi Ahmed Sayeh, sur la route d’Agadir, soit à Sidi Brahim Ou Aïssa, le saint qui mit fin, selon la légende, à la sucrerie saâdienne : il fit s’enrouler une vipère autour du cou du fils du sultan, et ne consentit à l’en délivrer, qu’une fois obtenu le départ de la soldatesque royale du bord de l’oued Ksob, où ils avaient décimé, sur ordre du sultan doré toutes les ruches, pour que les abeilles n’empêchent plus la trituration du sucre de canne. C’est de là que vient le nom de  l’oued Ksob (la rivière de canne). La culture de cette canne fut extrêmement florissante, notamment au bord de l’oued des Seksawa (Chichaoua en arabe), et de l’oued Sous, jusqu’à la mort de Moulay Ahmed El Mansour, le 25 août 1603. Les guerres civiles qui éclatèrent, entre ses fils, pour sa succession, ruinèrent les plantations.

 

 Le 14 mars 2009 je me suis rendu avec mon frère majid à sidi Brahim ou Aïssa : il s’agit d’un sanctuaire sans coupole qui contient en fait deux tombeaux : celui de Brahim et celui de Aïssa. L’un démesuremment grand et l’autre de taille moyenne. Il est entouré d’un muret à l’ombre d’ un olivier sauvage. Tout autour un cimetière probablement d’esclaves qui travaillaient dans la sucrerie saâdienne. Le site est situé sur une hauteur qui surplombe l’oued ksob au bord duquel était plantée la canne à sucre. Sur les lieux nous avons rencontré un noire qui fait partie de la zaouia de sidi Brahim Ou Aïssa située en contre bas. Il nous a raconté qu’il y a trente ans de cela, tous les Ganga du sud marocain, se retrouvaient là après les moissons pour une fête annuelle. Non loin de là on remarque un curieux arganier à parasol qui évoque la forme d’un accacia : son tronc est cloué au pilori par des centaines de clous, ce qui est certainement une tradition africaine. C’est un arganier sacré dédié à Lalla Mimouna, auquelle les Ganga sacrifient un bouc noir lors de leur fête estivale. La vallée est maintenant constellée de résidences secondaires appartenant à des européens et le sanctuaire est de moins en moins visité par les locaux : les ganga n’y organisent plus leur maârouf comme jadis. Comme les Gnaoua bilaliens s’était greffés sur Moulay Abdellah Ben Hsein de Tamesloht où ils organisent une fête annuelle durant les sept jours du mouloud, les Ganga de lalla Mimouna organisaient leur fête saisonnière autour du sanctuaire de Sidi Brahim Ou Aïssa.

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Le petit port d'Iftan dont le saint patron est Sidi Ahmed Sayeh    

Vestiges du Maroc préislamique, beaucoup de saints sont dénommés soit Aïssa (Jésus) – comme Sidi Brahim Ou Aïssa (Abraham et Jésus) de l’oued Ksob vénéré par ma mère – soit Yahya (saint jean- Baptiste), probablement en souvenir du passé chrétien du Maroc : la tribu des Haha dont est issue ma mère s’appelle justement  Ida Ou Isarne , c’est-à-dire, les  descendants des Nazaréens, c’est-à-dire les adeptes des apôtres de Jésus, exactement comme leurs voisins du Nord de l’oued Ksob, la tribu berbère des Regraga qui crurent d’abord au Paraclet qui leur annonça au bord de la saline de Zimal’avènement du sceau des Prophètes : Mohammed.

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 Fou de Bassan  juvénile 

Photographié ce mois de septembre 2011 sur la plage d'Iftan au sud d'Essaouira, ce jeune Fou de Bassan se nourrit de poissons tels que le maquereau, le hareng ou le calmar comme le cormoran, mais son mode de pêche est différent: il vole d'une manière stationnaire trés haut dans le ciel avant de fondre sur sa proie comme une flèche en plongeant droit au fond de la mer. Comme la plupart des oiseaux migrateurs de ces rivages, il vient de très loin plus précisemment d'Europe du Nord...Sa dénomination latine, dont dérive son nom français, signifie "fou de Bass", île située à proximité des côtes orientales de l'Écosse, qui en abrite une colonie particulièrement abondante. Cet excellent plongeur qui se nourrit de petits poissons et céphalopodes ;vit principalement dans l'Atlantique Nord en plus de la Bretagne et le Canada. C'est le plus gros des oiseaux de mer d'Europe.

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photographieLes pêcheurs berbères de ces rivages invoquaient Sidi Ishaq, perché sur une falaise rocheuse abrupte qui surplombe une plage déserte où les reqqas échangeaient jadis le courrier d’Essaouira d’avec celui de Safi : « Lorsque les pêcheurs passent à travers les vagues, il leur arrive de l’appeler à leur secours, ils lui promettent d’immoler une victime et de visiter son sanctuaire. Sidi Ishâq avait un cheval blanc que son frère Sidi Bouzerktoun lui avait donné. Lorsque les Regraga se réunissent, ils vont à cheval visiter ce saint ; les marabouts – hommes et femmes assemblés – prient Dieu de délivrer le monde de ses maux. Lorsque les pêcheurs vont vers Sidi Ishâq, ils entrent dans son sanctuaire et après avoir fait leurs dévotions, il te prenne, ô huile de la lampe, et te la verse au milieu des flots pour les calmer. »

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 Tafelney : La baie des agriculteurs - pêcheurs du pays Haha

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 Tafelney, la baie encaissée comme une citerne(d'où son nom de "Tafedna" toponyme qui signifie "citerne" en berbère) est le haut lieu de rencontre des oiseaux migrateurs au mois de septembre Les marins - pêcheurs de Tafelney sont aussi des paysans sédentaires...

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 Avec un peu de "gachti", 

Un peu de provision,

Le marin a quitté l'épouse endormie

Pour réveiller l'âme de la mer. Moubarak Erraji

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 Dans les années vingt, toutes les embarcations berbères de la région, entre Sidi Ifni et l’oued Tensift, étaient construites par un unique charpentier, le maâlam Ahmed ou Bihi El Aferni, dont le père était lui-même un charpentier réputé, il habitait chez les Aït Ameur, à vingt kilomètres au nord du cap Guir. Il se rendait dans les différents centres de pêche et construit en un mois son embarcation pour la somme de mille francs. Mais si la commande vient de très loin, de Sidi Ifni par exemple, et l’embarcation terminée, l’équipage, venu à pied en suivant la côte, l’emmène par mer.

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 De Mogador est parti un curieux mouvement de colonisation berbère vers le nord. Le reis Mohamed Estemo, venu d’Agadir à Mogador, organisa progressivement la pêche berbère à Moulay Bouzerktoun, Sidi Abdellah El Battach, et Souira Qdima.

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 Chez ces paysans-marins, les animeaux de trait servent aussi bien à séparer le bon grain de l'ivraie sur une aire à battre , que pour tirer la vieille pirogue chargée de poissons hors de l'eau...

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 Dans les douars côtiers, c’est la pêche qui prime sur l’agriculture. La plupart des marins cultivent la terre pendant la mauvaise saison. C’est surtout la crainte de la houle qui paralyse la pêche pendant l’hiver.

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 En langeant la côte au sud d'Essaouira on découvre des oiseaux marins et des oiseaux migrateurs parfois très rares et qui viennent de très loin Toutes sortes d'oiseaux migrateurs viennent se nourrir de petits poissons et de molusques à la lisière du sable et de l'eau

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 Petite marais

De mon corps - marin, mes lèvres s'offrent aux mouettes

Un mot bleu pour la coquille de l'âme

Un mot doré pour le soleil

Blanc pour le sable

Mais pas un mot

Au crabe 

à l'intérieur

de son couillage

Moubarak Erraji

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 A Tafelney mouettes et goélands semblent plus fins que ceux d'Essaouira qui jouent un rôle d'éboueurs du port et de la ville...

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 Laissant derrière moi

Mon mirage offrir une poignée de sable

A la terre ferme

Une poussière de mes ancêtres

Cette lignée carbonisée

Sur laquelle les semelles impriment leurs chiffres

Et le vent ses pas invisibles

Avant que l’océan ne les mêle à son sable

D’écume pour l’éternité.Moubarak Erraji

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 Elle se tient dans toute sa splendeur sur son rocher marin

où j'ai vu le vent admirer la toile

qu'il avait peinte

il y a mille ans 

  Moubarak Erraji

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 Qui prétend que j’avais pleuré par ici ?

Qui détermine le sel de mes yeux dans la mer ?

Mon corps est  une eau qui file entre les mailles du filet

Et non entre les salines et les épices à cuire

Le croissant de lune est ma raison amoureuse

Il est le poème qui attire la mer

La transformant en marée montante

Plus maigre et plus petit qu’une aile de poisson

La mer est un doux volcan

D’une pureté profonde

Que les lampes nocturnes

Des étrangers qui partagent ses vagues

Chandelles pour cette nuit.Moubarak Erraji

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 Bécasseau à échasse qui préfère chasser dans les rochers marins

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 Une aigrette neigeuse?

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   Héron cendré et aigrette neigeuse se nourrissant de petits poissons et d'insectes aquatiques

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  Cette aigrette neigeuse se nourrit des bancs de petits poissons au grè des vaguelettes

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 Héron cendré: Exactement comme les egrettes il se nourit des marais salants poissonant..

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 Héron cendré sur fond d' échopes des pêcheurs de Tafelney

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 Eloge à mon Rebab du Raïs Aïsar

(chant de trouveur chleuh de ces parages)

Seigneur ! Venez au secours de ma pauvre pirogue

Car nous ne saurons nager,

Au milieu de la houle qui s’avance  à vive allure

Et des eaux agitées

Si nos mains et nos pieds en viennent à geler

De quel secours pouvons-nous, nous prévaloir,

Avant que les poissons ne nous dévorent?

Dieu seul voit clairement en ces profondeurs insondables

Mon Dieu venez donc au secours de cet orphelin

Car la mère qui prodiguait consolations n’est plus

C’est désormais à toi seul qu’il s’en remet.

Je te dépose ô Ribab puisque personne ne veut plus de toi

Et si tu es fatigué,  moi aussi je n’en peux mais

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 Ce matin l’océan est un amoureux

Au bord des larmes

Prêt à donner son âme

Pour une corde brisée

D’un violoniste fou

Qui monte les voiles d’un bateau égaré

 Le corps nu sous le vent et sous la pluie.Moubarak Erraji

 

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 Les paysans-marins de ces rivages travaillent encore avec l'antique araire sur des parcelle agricoles de plus en plus minuscule à cause de leur morcellement par l'héritage d'une génération l'autre : les jeunes sont ainsi acculé à l'exode rural vers Agadir, Dakhla, Casablanca, voir à l'émigration parfois clandestine vers l'Europe occidental avec de périlleuses traversées de Gibraltar à la clé...

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 Les habitants de ces rivages vivent d'une économie mixte, où la pêche traditionnelle vient en complément à leurs activiés agricoles.Ainsi que du pastoralisme dans les forêts de l'arganir : malheureusement , ces derniers temps des barbelets ceinturent désormais des milliers d'héctares du côté d'Aït Daoud, interdisant aux habitants les pastoralisme dans ces arganeraies destinées désormais à l'industrie cosmétique internationale qui convoite l'huile d'argan pour ses vertus revitalisante pour l'épiderme...Depuis que l'industrie cosmétique internationale s'est interessée à l'huile d'argan les tribus commencent à perdre leur droit de joissance collective sur cet arbre et le prix du litre d'huile d'argan est devenu hors de portée pour les populations locales...

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 Ces agriculteurs-pêcheurs habitent parfois dans des hameaux inaccessibles

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 Le voilà lebeau poulain, Awa

Il est blanc, il est comme la lune, Awa

Il a sa selle et sa lanière,Awa

Mon regard est ravi par sa crinière, Awa

Le coup de foudre s’est emparé de moi, Awa

Si seulement je pouvais l’avoir, awa

Je le couvrirai de beaux bijoux, Awa

A l’aube, quand il sort, Awa

La brise le frappe et l’univers l’enchante, Awa

Celui qui l’aperçoit il faut qu’il pleure Awa

(« Awa », veut dire « ô toi » en berbère)

Chant de trouveur chleuh recueilli par l'auteur au pays Haha début 1980

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 Ânes et mulets restent les principaux moyens de locomotion dans un pays escarpé où les sentiers lumineux et les chemins de traverses l'emportent largement sur les routes carossables...

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« Le coqueliquot » qui scella mon amitié au jeune poète Moubarak Erraji:

 Pour apaiser ses gémissements

Elle peignait la chevelure du vent

Le coquelicot n’est que brise

Si son parfum n’était si fort

L’abeille amoureuse l’aurait dédaigné

Ô mon fils, lui a-t-elle dit

Quand on a annoncé au coquelicot

Qu’on doit lui couper la tête

Le coquelicot enlaça et embrassa son propre sang

Au coquelicot les rites funéraires furent des noces

Ô mon fils lui a-t-elle dit

La mer, sa magie et sa grâce

On a cru pouvoir l’enfermer dans un cercueil

Mais sa veine déborda d’une blessure salée

Et brisa le cercueil

La mer, ne la fait pas monter par une canne

Ne la fait pas monter au bout d’un hameçon

Laisse la mer à la mer

Laisse la mer à sa guise

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Une agriculture d'autosubsistance qui n'emploit ni angrés,ni produits chimiques - d'où ces champs constellés de coquelicots - avec un sol arable peu profond et souvent empiérré : d'où de faibles rendements et une vie frugale où la galette de seigle trompée dans de l'huile d'argan et accompagnée de thé à la menthe fort sucré constitue l'essentiel du régime alimentaire(il faut attendre le jour du souk hebdomadaire pour pouvoire déguster un bon tagine de légumes richement garni de viande)...

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 Ces sédentaires berbères du pays Haha, ne sont pas de simples céréaliers comme c'est souvent le cas chez les tribus arabophones des plaines côtières : ils sont aussi d'excellents arboriculteures, plantant là où c'est possible, figuier, amandier, olivier..L'arganier est le seul arbre qui pousse tout seul sur les terres collectives et dont le fruit est réparti équitablement au prorata des ayant droit dans chaque fraction de tribu...

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 Nombreux sont les enfants qui s'addonnent dés leur jeune âge à la corvée d'eau, au pastoralisme et autres travaux agricoles et qui ne peuvent fréquenter l'école parce que le hameau où ils habitent n'est pas desservi par la route, ni par l'eau, ni par l'électricité pour leur permettre l'éclairage pour les révisions le soir.Or sans électrification rurale, il n'y a pas de connection à internet non plus.Ces jeunes ne sont pas outimllés pour participer à la modernité et sont condamnés à vivre au temps de Homère et de l'Odyssée comme leur père et leur grand père...Ils sont acculés à la reproduction du système traditionnel tribal.Le pouvoir politique n'est jamais issu comme jadis de la Jmaâ, ces quarante personnes qui représentaient l'antique tribu berbère : depuis l'établissement du système administratif jacobin par Lyautey l'administration royale du makhzen désigne ses agents d'autorité depuis Rabat la capital du royaume. Et comme on vient de le voir avec les dernières élections les élus viennent aussi d'ailleurs : le fils du milliardaire Miloud Chaâbi qui a mis les pieds pour la première fois dans la région et qui s'exprime, dit-t-on, uniquement en Anglais et en dialect égyptien a été élu palementaire, parceque la dite région est considérée comme le fief de son père...On vit encore ici du temps des dotations de fiefs féodaux : dans beaucoup de régions pauvres du royaumes la plupart des partis politiques préfèrent encore s'appuyer sur les notables pour gagner des siàges au parlement, comme c'est le cas du parti de l'Istiqlal avec la famille Qayouh qui domine la région agrumifère des Houara au bord de l'Oued Sous, sans discontinuité depuis la mort d'Adolf Hitler dans son bunker jusqu'à nos jour.Aux derniàres nouvelles le père Ali Qayouh propose son fils Abdessamad Qayouh pour le poste de ministre de l'artisanat dans le prochain gouvernement PJD : une proposition somme toute logique faite à ABBAS EL FASSI, sécrètaire général de l'Istiqlal qui a accordé, en tant que premier ministre la moitié du gouvernement sortant à sa famille.C'est que l'idée de reproducion par héritage familiale est au fondement même du système politique marocain : on conçoit mal d'accorder le ministère des transports, la Royal Air Maroc, l' Office National d'Electricité ou le perchoire du parlement à quelqu'un qui soit uniquement compétent.La compétence est insufisante pour occuper ces postes. Il faut être bien né ou au moins être un protégé du makhzen comme c'est le cas pour le poste de directeur de la télévision ou de festival de musique par exemple....Au Royaume du Maroc la reproduction du système par héritage est connsidéré comme une donnée fondamentale, voire naturelle, d'où l'importance des arbres généalogiques depuis les Idrissides et la fondation d'une commanderie des croyants: on se méfie de la démocratie à l'occidentale et de la pensée des lumières parcece qu'on les soupçonne de vouloire remettre en cause une légitimité fondée sur l'héritage et non sur la compétence.Au Maroc à tous les niveaux de la structure sociale, le pouvoir s'hérite génétiquement et le système éducatif est fait d'une telle sorte pour reproduire et réconforter ce système des trois ordres ou des trois castes : école coranique, école public, mission française, grandes écoles françaises et Américaine: les fils de notables issus de ces grandes écoles sont nommés aux postes clés du Royaume bien avant l'obtention de leurs diplomes :"Terminez vites vos foutus études; papa qui est lui même ministre et dirigeant de tel perti politique,  vient d'apprendre en haut lieux que le poste du prochain ministre du tourisme vous sera destiné..." Bref, comme au temps de la kahéna, de saint Augustin et d'Ibn khaldoune, ici on tire son autorité du Nasab, sa généalogie, son héritage. C'est sur cette base que le pouvoir discute actuellement avec "ses islamistes"du PJDque dirige un enfant aux racines de Fès, la cité qui a toujours fourni les banquiers et les ministres de Sa Majesté. L'absence de ce Nasab en Algérie a fait que les militaires ont fait barrage au FIS en s'accrochant à mort au pouvoir....D'où tout l'intérêt de l'expérience tunisienne pour nous autres maghrébins acculés à vivre dans la marginalité et le silence en attendant que les lumière de Kant et de Voltaire se lèvent enfin sur ce Maghreb des temps obscures.

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 Comme dans les temps anciens les jeunes rureaux du pays Haha fréquentent surtout les écoles coraniques

 Le soleil se lève aussi sur le pays Haha

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 Un pays où l'on respecte les arbres au point d'en faire des arbres sacrés, des arbres de vie: il exte des arganiers auquels on ne touche jamais jusqu'à leur mort naturelle qui survient au bout de plusieurs siècles parcequ'on les considère justement comme des arbres sacrés : la dégradation de la forêt et du couvert végétal ne vient jamais des habitants des lieux...

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 Lalla âbouch : arganier sacré sur la route des Neknafa

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  Lors de mon pèlerinage au Musée de Boujamaâ Lakhdar – placé sous le signe du faucon de Mogador – je me suis mis à l’ombre d’un immense arganier au feuillage luisant, et aux ramifications complexes. La veuve du « magicien de la terre » vint m’y rejoindre pour me raconter que les femmes du pays hahî se rendent en cortège chantant à cet arganier sacré, portant sur la tête des paniers remplis de coquillages, de semoule et de beurre. Une offrande dédiée à l’autel du dieu de la végétation pour qu’il éloigne des champs les nuées de moineaux dévastant les moissons.

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 Comme du temps d'Homère, on voue encore un culte à la Tère - Mère sous la forme d'une grotte sacrée dénommée Lalla Taqandout....

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 Le piton rocheux de Tazroute (« rocher » en berbère) au sommet duquel scintille la blanche coupole d’El Jazouli.  

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 Tout un village est édifié là haut autour du maqâm que prolonge une medersa qui prodigue un enseignement religieux semblable à celui de la medersa çaffârîn (relieurs) de Fès, où l’Imam avait fait ses études au temps des mérinides et qui sera plus tard le prototype de toutes les medersa du Maroc.

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 Le maqam de Sidi Sliman El Jazouli, recèle l'une des vieilles medersa du pays Haha

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  Du fin fond du Rif, au fin fond du pays Haha et de Sous, les enfants dont la langue maternelle est le Berbère, apprennent par coeur dans la langue du Coran, le plus souvent sans comprendre le sens des mots : plus ceux - ci leur sont hermétiques et mystérieux plus leur connotation sacrée s'en trouve renforcée (les volantés du seigneur sont impénétrables...). On peut s'interroger sur les troubles du langage que cela génère chez l'enfant d'apprendre une langue sans la comprendre.Il est d'ailleurs significatif qu'il existe peu d'auteurs berbères à produire des livres en arabe. Le traumatisme linguistique est tel que la plupart des "lettré" berbères n'arrive même pas à écrire une simple lettre de leur propre cru sans avoir à reproduire des formules magiques stéréotypées et toutes faites....

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 Où le "par coeur", l'emporte sur la compréhension des mots et des choses

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 Venant de tous les horizons, les étudiants de la medersa Jazouli sont logés,nourris sur place

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 Le maqam(mansion) de Sidi Sliman Jazouli, sur son piton rocheux de tazrout en pays Neknafa est le lieu d'une vieille medersa où les jeunes ayant terminé l'apprentissage par coeur du Coran dans l'école coranique de leur tribu d'origine, viennent compléter leur savoir théologique avant d'aller plus loin dans leur cursus dans les vieilles universités d'études religieuses telle la medersa Ben Youssef de Marrakech voir la vieille Université Qaraouiyne de Fès où avait effectué ses études du temps de la dynastie Mérinide, Sidi Sliman El Jazouli lui - même...

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 Attenante à la coupole de Jazouli, une salle de prière aux couleurs berbères

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 Selon Ibn Âskar, « à la mort du cheikh, le cercueil fut déposé au milieu d’une raoudha (un cimetière) dans un endroit appelé ribât ; il ne fut pas mis en terre. Le caïd, par crainte d’un enlèvement le faisait garder : chaque nuit le caïd faisait brûler un moudd d’huile et la lumière, en atteignant au loin, éclairait les chemins et les voyageurs qui les suivaient. Le corps du cheikh reposa dans ce pays jusqu’au jour où il fut emporté à Marrakech. Lors du transfert du corps d’Al-Jazouli à Marrakech, soixante dix sept ans après sa mort, on constata que rien n’était changé en lui. Les Saâdiens montèrent sur le trône en l’an 930(J.C. 1523-1524). C’est Al Aâraj, le premier de cette dynastie ; qui ordonna le transfert à Marrakech de l’imam Al-Jazouli pour qu’il soit enterré à Riyâdh – Al- Ârous, à l’intérieur de la ville. Sur sa tombe on éleva un monument splendide et grandiose. »

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 Souvent enclos du champs, le figue de barbarie est ce qui vous accueille que ce soit au seuil d'un hameau ou au parvis sacré d'un sanctuaire ou d'un cimetière.

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Tazrout , le gigantesque  rocher qui se dresse au ciel et que surplombe le sanctuaire, est probablement un ancien bétyle. Il est entouré de deux autres  rochers effilés qui se dressent à des hauteurs vertigineuses, qui donnent vaguement l’impression des formes anthropomorphiques (figures de singes et de lions sculptées dans le rocher), et dont la base est transformée en habitat troglodyte, sont  probablement d’anciens bétyles également. Le maqâm d’El Jazouli couronne pour ainsi dire un ancien lieu de culte mégalithique berbère. Une sorte d’islamisation du paganisme. Sous le marabout,la mégalithe : c’est cela l’islam berbère,ou la berbérisation de l’islam si l’on préfère.

 

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L'artiste Mustapha Belkouch en ce haut lieu de la sacralité berbère

 

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 La grotte d'Imin Taqandout, où les pèlerins se rendent bien avant l'Islam et encore de nos jour pour une nuit d'incubation où les génies des lieux s'adressent aux possédés à travers un rêve devinatoire: on y vient de loin sur âne et mulet pour sacrifier un bouc et faire bambance en famille durant trois jours à la clôture des moissons et à l'ouverture des labours...

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 L'arganier qui donne une huile parfumée qui porte son nom est l'arbre fétiche de la région par excellence : il est parfois considéré comme "l'esprit de la végétation", "l'arbre sacré" au pied duquel on découvre souvent des tas de pierre sacrées dénommés "karkour"...

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 L'élevage de caprin est intimement lié à l'arganier dont il escalade facilement les branches noueuses "en peau de serpent", pour se nourrire de ses feuilles subpersistantes malgrés les épines, ainsi d'ailleurs que de l'écorce du fruit d'argan une fois mûr...

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 R A C I N E S

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 Arganier sacré de Sidi Slimane El Jazouli

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 Même à travers la roche les racines de l'arganier vont chercher de l'eau en profondeur

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 Nos gîtes de campagne,

Sont dressés là - même où sont nos racines

Sur cette étendue désertique  frappée d'éclaires.

Doux rêve d'hiver, sous  la fine pluie et sous la tente

Parfum d'herbes sèches, s'évaporant du milieu des oueds.

Lointaines rumeur des bêtes sauvages.

Cérémonial de thé, entre complices de l'aube.

Crépitement de flammes consumant des brindilles desséchées

Et avec le jour d'hiver qui point

Chaque amant rejoint la tente des siens.

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 Il était une fois le mont Amsiten photographie

 La belle bergère que j’ai connue est maintenant une femme ridée par le travail pénible en haute montagne, et son mari est complètement desséché à force d’aller chercher au mont Amsiten les ruches sauvages qui se cachent au creux des troncs de thuya et d’arganier. À la maison ils n’ont plus qu’une jeune fille de quinze ans. Je dis à Fatima que j’aurai aimé me marier avec une paysanne à condition qu’elle ait au moins la trentaine. Elle me répond qu’ici, les filles se marient très jeunes entre dix-sept et vingt ans : à trente ans elles ont déjà épuisé leur charme à force de labeur et d’enfantement.

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 Malgré ses rides et sa peau tannée par le soleil et les travaux des champs,  Fatima garde encore des traces de son charme d’antan. De cet hiver déjà si lointain où j’étais allé la chercher avec mon frère au mont Amsiten où elle gardait son troupeau, lorsque brusquement une pluie diluvienne nous surprit. Son père qui coupait le bois de l’autre côté de la montagne nous cria de rentrer immédiatement dans la vallée. C’était le temps où elle m’apprenait le nom que donnaient les bergers aux plantes sauvages de la montagne : Amzough n’tili(oreille de brebi), ou encore oudi ouchen(beurre ronce du loup). Le temps où le bruit courait encore à propos d’égorgement de brebis égarées par les loups.

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   Nous arrivâmes trempés jusqu’à l’os au hameau des Broud (les rafraîchis) à la sortie de la forêt où nous fûmes accueillis au coin du feu par Lalla Baytouchaqui me rappelait, par son nom comme par son allure, la vieille ogresse des contes de mon enfance. Quand on caressait les boucs, leur colonne vertébrale se pliait tellement ils étaient transis de froids.

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   Beaucoup plus tard, mon frère m’apprendra qu’en ce lointain jour d’hiver, où le soir est vite tombé, avec le crépitement des flammes, l’odeur du troupeau et de la terre, une poésie à jamais perdue, il avait surpris Lalla Baytouchafaisant une drôle de prière païenne : faute de connaître les sourates du Coran, elle adressait bruyamment ses prières aux arbres et aux pierres !

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  Le pays hahî comprend en de nombreux endroits des arganiers sacrés gigantesques parce qu’ils ont toujours été épargnés par les coupes successives, ainsi que des tas de pierres sacrées dénommés  Karkour. Cela pouvait être le lieu où un saint ou une sainte  telle Lalla Aziza  s’est arrêté  au cours de son errance légendaire.

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 Nous laissâmes donc à Amsitten, notre oncle maternel Mohammad. C’est là qu’il mourra d’ailleurs des années plus tard, plus exactement en 1984 : il était monté chercher son taureau noir  on laissait s’engraisser ses bovins en haute montagne dans la solitude complète avant de monter les ramener vers la vallée. Mohammad a probablement voulu forcer le taureau à suivre un raccourci en le frappant au flanc. Le taureau qui refusa, se retourna alors contre mon oncle et se mit à lui enfoncer la poitrine par ses puissantes cornes. Lorsqu’à la tombée de la nuit les paysans inquiets montèrent avec leurs lampes chercher mon oncle, c’est le taureau lui-même qui les avertit par ses beuglements du lieu du drame : il était resté à côté de son maître et  victime. On a dû porter le corps de mon oncle dans un burnous : il expira en arrivant à l’hôpital d’Essaouira. Il fut enterré sous les mimosas à l’entrée de la ville, sans que je sache à ce jour où se trouve sa tombe : les humains ont moins d’égard pour les dépouilles des morts que les taureaux noirs. Mon oncle maternel est mort au moment où j’avais pris mon bâton de pèlerin pour suivre pour la première fois, les Regraga dans leurs pérégrinations, en mars 1984. Grand-mère disait que le cours de la vie débouche aussi sûrement sur l’au-delà, que le fleuve se jette dans la mer.

 Le mont Amsiten : une forêt dénudée par la coupe au charbon

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 Fours à charbon au mont Amsiten

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 Montagne dénudée par la coupe où en réalité il n'y a plus qu'une infime partie du bois qui est destiné au charbon, surtout depuis que la butan à gaz plus propre et moins couteuse a remplacé le charbon chez la ménagère : l'essentiel des tronc d'arbre est destiné aux Riad qui ont connu une véritable explosion à Marrakech, Essaouira, mais aussi dans leur arrière pays : la rénovation de ces Riad recourt abondament au troncs d'arbres précieux tel, l'arganier ou le thuya, pour leur toiture; ces précieuses poutres qu'on appelle "Tassiout" en berbère...

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 La biodiversité menacée par les fréquentes coupe de forêt

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 Les fours où brûlent des milliers d'essences forestières dont la regénérescence nécessite plusieurs décenies : alors que les agents forestiers infligent de lourdes amandes aux paysans qui procèdent à des coupes pour répondre à leurs besoins privé, telles les poutres pour toitures de maisons, cette même administration des Eaux et Forêt autorise des coupes qui déciment des milliers d'hectares de forêt déséquilibrant ainsi l'éco système pour des décenies...

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 Le point d'eau : "Tifart" "en berbère, "Laghdir"en arabe

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 L'eucaliptus  cohabite avec le thuya et l'olivier sauvage ("Azemmour" en berbère, "Zebbouj" en arabe) à l'ombre desquels vivent de nombreuses espèces végétales et animals

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 Cette forêt immense n’est point anonyme pour le berger qui en connait tous les recoins à qui il donne des noms. Pour compléter son repas frugal, il connait toutes les plantes comestibles et les nomme de métaphores à la frontière de l’animisme et de la poésie : amzough n’tili(oreilles de brebis), irgal(cils des yeux), ibawn n’taghzount (fèves d’ogresse), oudi imksawn (beurre des bergers), etc.

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 L'écureille rafole du pépin d'argan auquel il parvient en perçant son dur noyau grâce à ses grosses dents aiguisées comme un sabre de samourail...

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 On découvre des salamandres et des lézards(tiqlit en berbère) de toutes les couleurs surtout en période de canicule et de forte chaleur. Ainsi que des insectes inconnus tel cet espèce de scarabé

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 O fleur, voici l’abeille !

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 A l’herbe des prés le henné a dit :

« A quoi bon désirer de l’eau ? »

O fleur, voici l’abeille !

« Puisque les mouflons viennent te narguer ! »

O fleur, voici l’abeille !

« Puisque les mouflons viennent te narguer ! »

O fleur, voici l’abeille !

Et le gerfaut en paix qui jouit de sa tranquilité,

O fleur, voici l’abeille !

Et ne craint de personne nulle atteint mortelle,

O fleur, voici l’abeille !

Vois, un instant suffit pour qu’il fuit à tire d’aile,

O fleur, voici l’abeille !

Et pourtant il était naguère tout à l’aise,

O fleur, voici l’abeille !

Amis, que le Seigneur n’accorde nul profit

O fleur, voici l’abeille !

A qui ne saurait faire chère lie !

O fleur, voici l’abeille !

Seuls sont inébranlables le monde et l’au-delà.

O fleur, voici l’abeille !

Combien instable est la fortune humaine !

O fleur, voici l’abeille !

C’est dans les cieux que le gerfaut déploie ses ailes.

O fleur, voici l’abeille !

Le piège pour le prendre n’est pas encore tendu !

O fleur, voici l’abeille !

A l’herbe du pré le henné a dit :

« A quoi bon désirer de l’eau ? »

O fleur, voici l’abeille !

Chant de trouveur chleuh

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 Le thuya à l'ombre duquel vivaient de nombreuses espèces aujourd'hui disparus: porc-épic,chacal, hyène etc. Les fréquentes coupes ne permettent pas à l'arbre de développer un tronc et des racines suffisament grands pour être utilisé par les marqueteurs d'Essaouira : ceux-ci sont obligés de s'approvisionner en bois et en racine de thuya beaucoup plus loin au sud, aux environs de Taroudant.

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 Sur la crête du mont Amsiten, l'ancienne "route du sel", reliant la saline d'Ida Ou Azza du pied mont à Imin Tlit aux premiers contrefort de l'Atlas Occidental où s'échangeaient le sel gemme et les céales du plat pays avec le miel, les amandes et la noix de haute montagne.

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Coupe feu

 

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 De la crête du mont Amsiten, on peut voir au loin les sommets enneigés du Haut Atlas au sud de Marrakech...

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Tasila, la colline des désolations

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« C’est la terre que je chanterai, mère Universelle aux solides assises, aïeule vénérable qui nourrit sur son sol tout ce qui existe » Hymne Homérique

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Dans notre enfance, on passait souvent les vacances d’été, dans la colline de Tassila en pays hahî où résidait grand-mère. La maison appartenait au mari de sa sœur  morte sans avoir laissé d’enfants. Après chaque trituration d’huile d’argan, dont les odeurs m’enivraient, grand – mère nous servait un peu de  lafsis : un mélange d’huile d’argan et de farine de blé tendre, qui devient  belghou, une fois mélangé avec du lait caillé. On l’accompagnait souvent à ses corvées d’eau à la citerne de Boujmada alimentée par les sources souterraines du mont Amsiten. On y rencontrait les jeunes filles aux caftans bariolés et aux bracelets d’argent, et cela suscitait en nous une tendresse indéfinissable qu’on ne savait pas encore appeler du nom d’amour. 

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Grand-mère chargeait sur son maigre dos voûté, l’outre de chèvre remplie de l’eau glaciale et fraîche de Boujmada, et remontait péniblement la haute colline vers le hameau de Tassila. Pour souffler un peu, elle s’arrêtait à mi-chemin à l’ombre d’un vieux caroubier. Il me plaisait de frotter les feuilles d’une espèce de lentisques au fruit couleur de coccinelle, dont l’odeur représente encore aujourd’hui pour moi le paradis perdu de mon enfance.

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En arrivant là-haut à Tassila, nous trouvâmes sa sœur Zahra pétrifiée de peur sur son lit de bois (tissi en berbère). Elle nous expliqua qu’elle venait d’échapper à une mort certaine : au fond de la pièce où elle était en prière se dressa brusquement face à elle, un cobra royal, et la fixa droit dans les yeux. Elle lui dit alors : « Paix sur toi et sur moi, passe ton chemin et laisse-moi continuer le mien ». On dirait que le cobra royal a pleinement compris le message qu’elle lui adressa, puisqu’il se remit à rompre et au lieu de se diriger vers sa victime, se contenta de glisser dehors dans la lumière éblouissante du jour. 

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Timazguida Tanout avec au fond le mont Tama, images d'Abdelmajid Mana

Le hameau où l’on passait les vacances entre mont Tama et mont Amsiten, est maintenant électrifié : on y reçoit même les chaînes satellitaires... Mais il n’a plus le charme d’antan, quand mon père s’installait à l’ombre d’un gigantesque olivier et quand, non loin des moissonneurs, j’étais profondément bouleversé par la lecture d’Enfance et adolescence de Tolstoï ou  De grandes espérances de Dickens. Les villageois nous invitaient à tour de rôle, à commencer par le vieux Bazguerra qu’on surnommait alors « lhomme qui voulait être roi », en raison de sa barbiche blanche, sa bouche édentée et ses drôles de grivoiseries qui provoquaient notre fou rire par leur naïveté. La tige du blé, les oiseaux et l’hyène sont souvent utilisés comme métaphore poétiques dans les chants des moissonneurs : 

Le jour de la moisson, la tige était sans graine 

Et la jeune fille sans hymen 

Les oiseaux n’ont laissé que la paille 

Et au grand jour la jeune fille était proie de le hyène.  

Un bradiî (bâtier) juif, nous rendait alors visite sur son petit âne,et mon oncle l’installait sur unehssira (natte de jonc), à l’ombre de notre figuier préféré, lui offrait du thé et il se mettait à rafistoler les bâts éventrés d’où sortaient les touffes de pailles dorées.La récolte de l’arganier se faisait alors au prorata des ayants droit avec sacrifice de bouc et festin. Et le soir on assistait à de magnifiques fêtes de mariage avec chants de femmes aux caftans bariolés et fantasia : 

 Le voilà lebeau poulain, Awa  

Il est blanc, il est comme la lune, Awa 

Il a sa selle et sa lanière,Awa   

Mon regard est ravi par sa crinière, Awa 

Le coup de foudre s’est emparé de moi, Awa 

Si seulement je pouvais l’avoir, awa 

Je le couvrirai de beaux bijoux, Awa 

A l’aube, quand il sort, Awa 

La brise le frappe et l’univers l’enchante, Awa 

Celui qui l’aperçoit il faut qu’il pleure Awa 

(« Awa », veut dire « ô toi » en berbère)

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Le mont Amsiten lieu de notre enfance

Malgré ses rides et sa peau tannée par le soleil et les travaux des champs,  Fatima garde encore des traces de son charme d’antan. De cet hiver déjà si lointain où j’étais allé la chercher avec mon frère au mont Amsiten où elle gardait son troupeau, lorsque brusquement une pluie diluvienne nous surprit. Son père qui coupait le bois de l’autre côté de la montagne nous cria de rentrer immédiatement dans la vallée. C’était le temps où elle m’apprenait le nom que donnaient les bergers aux plantes sauvages de la montagne : Amzough n’tili(oreille de brebi), ou encore oudi ouchen(beurre ronce du loup). Le temps où le bruit courait encore à propos d’égorgement de brebis égarées par les loups.Nous arrivâmes trempés jusqu’à l’os au hameau des Broud (les rafraîchis) à la sortie de la forêt où nous fûmes accueillis au coin du feu par Lalla Baytouchaqui me rappelait, par son nom comme par son allure, la vieille ogresse des contes de mon enfance. Quand on caressait les boucs, leur colonne vertébrale se pliait tellement ils étaient transis de froids.

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 Beaucoup plus tard, mon frère m’apprendra qu’en ce lointain jour d’hiver, où le soir est vite tombé, avec le crépitement des flammes, l’odeur du troupeau et de la terre, une poésie à jamais perdue, il avait surpris Lalla Baytoucha faisant une drôle de prière païenne : faute de connaître les sourates du Coran, elle adressait bruyamment ses prières aux arbres et aux pierres !

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 Le pays hahî comprend en de nombreux endroits des arganiers sacrés gigantesques parce qu’ils ont toujours été épargnés par les coupes successives, ainsi que des tas de pierres sacrées dénommés  Karkour. Cela pouvait être le lieu où un saint ou une sainte  telle Lalla Aziza  s’est arrêté  au cours de son errance légendaire. 

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 Le chemin est long qui mène à la grande tente du fiancé

O taslit, que Dieu fasse ton destin pareil à la prairie

Où abondent avec les fleurs les brebis et les bœufs

Soit pour ton mari une campagne douce

Comme le mélange du sucre et de thé dans le verre de cristal

Ton matin, qu’il soit bon ô reine !

Toi pareille au palmier qui surplombe la source

O dame, tu es l’étendard doré dont l’eau est acheminée par des séguia

Jusqu’aux parcelles clairsemées le long des flancs de montagnes

O dame ! Tu es l’étendard doré

Que le cavalier porte sur son cheval blanc…(Chant nuptial berbère)

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L’un des plus beaux cadeaux que j’avais fait à grand-mère Tahemout et à tante Zahra, ce fut le jour du souk de samedi de Smimou du temps où ce souk était entièrement en pisé, il n’y avait pas encore cette mode uniformisante d’arcades et de tuiles vertes qui gomme toute spécificité architecturale locale. Je leur avais acheté un miroir, un peigne, du henné et du souak : « Mais c’est un cadeau pour jeune mariée ! » s’ésclafa grand-mère. Et elles se mirent toutes les deux à rire aux larmes, de ma naïveté. À tante Zahra, cela lui rappela un vieux chant de noces berbères : 

Tafoukt irdi Tougguit maradim imoun ?

Al Hanna Dazenbouâ Karadim imoun!

Quand tu paraîtras soleil, qui va t’accompagner ?

C’est le henné et le bigaradier qui vont t’accompagner !

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Les hameaux semblent déserts à première vue à cause de l’exode rural massif : après leur mariage, tous les garçons de Fatima sont partis travailler à Agadir . Avec leurs enfants, ils font déjà de ma cousine, une grand-mère ! Et brusquement j’ai eu l’impression de ne plus être le jeune homme que je crois ; puisque ma cousine qui a mon âge est déjà grand-mère ! La fraction de tribu Tlit, ne se reproduit plus, ma prémonition d’il y a vingt ans lorsque j’écrivais un mémoire de sociologie rurale intitulé « la fraction de tribu Tlit est-elle une communauté en dissolution ? » - s’est enfin réalisée.La maison de mon oncle maternel,  est actuellement vide et pour cause : tout le monde est parti vivre à Casablanca : dans les bidonvilles d’où sont issus les jeunes camicases du 16 mai 2003. 

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Les déracinés qui s’exilent dans les périphéries de la métropole sont maintenant Livrés à eux-mêmes, sans les solidarités de jadis et sans les repères de leur tribu d’origine. « Les cadres sociaux de la mémoire » (Halbwachs) sont déboussolés par l’anomie. Déréglée par la misère du monde, l’horloge cosmique, ne scande plus la saison des fêtes.  Les nouveaux déracinés ne vivent plus dans ce cadre enchanteur où, lors d’un mariage Haha, je relevais jadis cet échange entre deux lignages : histoire,photographie

Le lignage qui reçoit la fille chante : 

Nous prenons le chemin qui nous mène

A la maison de nos hôtes

Comme la vie sera facile

Si les gens sont généreux !

Ô gens de bien, accordez-nous votre fille

Car nos petits enfants sont restés seuls

Et nous avons encore un long chemin à refaire.

Et toi, tailleur, confectionne l’habit de la mariée

Et que Dieu lui accorde une vie heureuse ! 

       Le lignage qui offre la fille répond : 

C’est notre colombe sauvage que nous vous offrons

Et c’est pour qu’elle soit libre que nous ouvrons les portes

Mais que la mort et le châtiment lui soient épargnés ! 

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          Depuis les basses terrasses on jetait alors des poignées d’amandes et de friandises sur la promise. Portée derrière un parent, sur un mulet, « empaquetée », tel un pain de sucre, dans unhaïk blans, le front ceint de basilic, elle quittait définitivement le hameau où elle était  née pour celui de son épous.. Les larmes de la séparation, se mêlaient toujours à la joie de la fête, le deuil  d’une mort symbolique était toujours suivi de re-naissance.

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Nous laissâmes à Amsitten, notre oncle maternel Mohammad. C’est là qu’il mourra d’ailleurs des années plus tard, plus exactement en 1984 : il était monté chercher son taureau noir  on laissait s’engraisser ses bovins en haute montagne dans la solitude complète avant de monter les ramener vers la vallée. Mohammad a probablement voulu forcer le taureau à suivre un raccourci en le frappant au flanc. Le taureau qui refusa, se retourna alors contre mon oncle et se mit à lui enfoncer la poitrine par ses puissantes cornes. Lorsqu’à la tombée de la nuit les paysans inquiets montèrent avec leurs lampes chercher mon oncle, c’est le taureau lui-même qui les avertit par ses beuglements du lieu du drame : il était resté à côté de son maître et  victime. On a dû porter le corps de mon oncle dans un burnous : il expira en arrivant à l’hôpital d’Essaouira. Il fut enterré sous les mimosas à l’entrée de la ville, sans que je sache à ce jour où se trouve sa tombe : les humains ont moins d’égard pour les dépouilles des morts que les taureaux noirs. Mon oncle maternel est mort au moment où j’avais pris mon bâton de pèlerin pour suivre pour la première fois, les Regraga dans leurs pérégrinations, en mars 1984. Grand-mère disait que le cours de la vie débouche aussi sûrement sur l’au-delà, que le fleuve se jette dans la mer.

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Deux ans auparavant, vers 1982, je suis parti en autocar avec Georges Lapassade jusqu’à la vallée heureuse de Tlit, entre le mont Tama et le mont Amsiten, en pays Haha, pour enquêter sur le chant des moissonneurs. Mon oncle maternel nous reçu alors avec le cérémoniel du thé, avec des amandes, et des galettes de seigle, à tremper dans l’huile d’argan et le miel de thym . Mon oncle maternel disait alors à ce Béarnais que je croyais parisien et qui a toujours gardé une âme paysanne lui venant de son enfance passée dans ces « Pyrénées-Atlantiques », comme on les appelle si joliment en France. Mon oncle donc disait à Georges   :

  « Le poète et la hotte sont semblables, personne n’en veut s’il n’y a pas de pluie et donc de récolte. ».

     Et Georges qui avait aidé jadis son père à la scierie dans la forêt béarnaise comprenait parfaitement ce langage et en avait même la nostalgie. 

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Notre grand-mère Tahemoute, décédée à Essaouira l’été de 1978, était restée très attachée à Sidi Hmad Ou Moussa, le saint patron des acrobates et des troubadours chleuhs, près duquel elle se rendait annuellement en pèlerinage après la rentrée des moissons. L’un des derniers moments les plus poignants que j’ai vécu auprès d’elle, concerne le décès de son frère Hmad : un homme paisible à l’imposante barbe blanche, qui vivait dans l’un des hameaux surplombant l’heureuse vallée de Tlit, depuis les escarpements rocailleux du mont Tama. Il n’avait pas d’enfants et vivait avec ceux de son frère Lahcen : une famille profondément religieuse, également issue de la tribu des Semlala, aux environs de la Maison d’Illigh dans le Sous. 

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Il avait les jambes enflées, au point d’avoir des difficultés à se mouvoir et était venu avec grand-mère, pour se soigner à Essaouira . À l’hôpital, on fit comprendre à grand-mère que la médecine ne pouvait plus rien pour son frère. On décida alors de le ramener chez lui au pays hahî. On se réveilla aux premières lueurs de l’aube. Mon père fit venir un taxi collectif, juste à côté de chez nous, à l’artère principale des  khoddara, les marchands des fruits et légumes, d’où sort le lancinant grésillement des grillons, à cette heure matinale. Les grillons nous ont toujours accompagnés dans nos voyages de l’aube, et nous retrouvons leur grésillement dans les arganiers au plus fort de la canicule.

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Nous épaulâmes mon père et moi « Khali Hmad » (qui est en réalité l’oncle maternel de ma mère), et l’accompagnâmes à petits pas jusqu’au taxi où il s’engouffra auprès de sa sœur sur la banquette arrière. Je pris place auprès du chauffeur, et nous partîmes. À peine le taxi avait-il quitté la médina, au moment de s’approvisionner en carburant à la sortie de la ville, que  grand-mère éplorée se met à m’adresser de grands signes désespérés : en me retournant, je voyais  Khali Hmad, déversant sur ses genoux un long filet de sang qui lui coulait de la bouche. Le brave homme que j’ai tant aimé et respecté était en train de rendre son dernier soupir sur les genoux de sa sœur au sortir de l’aube et de la ville ! Affolé, le chauffeur, voulait rebrousser chemin. Mais Je lui ai intimé l’ordre de continuer vers notre destinée, car c’est là où il était né qu’il devait reposer pour toujours. Il nous dit d’abord que la loi lui interdisait de transporter les morts, mais ayant pitié de moi et de ma grand-mère, il consentit finalement à nous conduire à notre vallée, où khali Hmad fut finalement inhumé parmi les siens, entre le mont Tama et le mont Amsiten, là où les constellations semblent si proches, qu’on peut adresser ses prières, sans intercesseurs, au Seigneur des Mondes.

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 Alors que sous un ciel gris, les paysans enterraient khali Hmad au milieu des broussailles, de l’heureuse vallée qui l’avait vu naître, j’adressais des suppliques au mont Tama où les amandiers en fleurs ont l’air d’être couverts de flacons de neige. Mes larmes sont d’autant plus amères, qu’il me faisait penser par sa longue barbe blanche à la mort de Léon Tolstoï dans une simple gare. J’étais alors profondément bouleversé par la lecture de  La sonate à Kreutzer  relatant, le destin tragique de l’homme, face à la vieillesse et sa profonde solitude face à la mort. Pour moi, le vieux paysan ayant rendu l’âme dans les bras de sa sœur mystique, personnifiait le brave  moujik d’Isnaïa – Poliana. Alors que les paysans retrouvaient leurs charrues, je continuais à adresser mes suppliques aux montagnes sacrées, en me disant, non pas qu’est-ce que la mort ? Mais pourquoi cette mort en particulier, me faisait tellement penser à celle de l’auteur de  Résurrection ? 

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Une fois, j’avais pris une fièvre terrible à Tassila, mais au soir tout le monde est sorti pour voir la Chevrolet qui vient de s’arrêter en bas de la colline, du côté de la citerne de Boujmada. C’était la luxueuse voiture d’Ahmed, le chauffeur qui promenait les touristes de marque à travers le pays. Il est le fils du policier qui accueillit à Essaouira ma mère et sa sœur, lorsque celles-ci fuyaient les famines des années 1920. J’ai eu à le rencontrer une autre fois à Agadir au début des années 1970 : avec un ami d’adolescence, féru du chanteur égyptien Abdelhalim Hafez, j’avais entrepris un voyage entre Essaouira et Agadir, à bicyclette. Au niveau de la descente de toboggan, j’avais évité à temps un poids lourd qui remontait dans le sens inverse : la descente était trop abrupte et j’ai failli perdre le contrôle de mon vélo, si l’agilité et le réflexe de la jeunesse ne m’étaient venus en secours pour éviter de justesse une collusion qui aurait mis fin à mon existence à l’âge de dix-sept ans !

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Nous arrivâmes à Agadir au milieu de la nuit, et le lendemain une énorme Chevrolet s’arrêta à notre hauteur : c’était Ahmed, le chauffeur des vieux touristes fortunés ! Il nous donna de quoi revenir chez nous, en autobus. Il me dépanna à Agadir, dans les années soixante-dix, comme son père avait dépanné ma mère dans les années trente. Depui qu’il avait quitté Essaouira, « l’année du boun » et des pénuries de la deuxième guerre, il habitait au quartier des foires de Casablanca, où il était marié avec une juive marocaine. Tant que ma mère était en vie, on leur rendait souvent visite. Avec sa mort et celle de ma mère, les rapports déjà distendus avec ses enfants, se sont rompus.

Je croyais que toute sa famille a émigré en Espagne et aux Etats –Unis et voilà que pour les besoins de ce livre, on me conduit aujourd’hui vers l’une de ces filles qui habite toujours à la même maison du côté de la foire de Casablanca, où résidaient ses parents depuis l’indépendance du Maroc, voir même avant. Elle m’apprend que sa mère Mina est décédé en 1989 et son père en 1996, après deux mois d’une opération de la prostate. Ce n’est qu’en s’approchant de leur maison que j’ai entraperçu dans un café populaire un client dans le profil me rappela étrangement le sien.

Maintenant sa fille me montre ses photos et tout me revient. Il racontait à ses enfants comment au début des années 1930 il accompagnait à l’aube, son père dans les souks de la région d’Essaouira, où il menait des chameaux chargés de marchandises.L’oncle maternel de ma mère était donc caravanier avant d’être policier du temps du protectorat, où il aurait était aussi cuisinier de Lyautey à Rabat à en croire lalla. Du temps où il vivait à Essaouira, sa maison servait également de gîte d’étape où il recevait gracieusement les hôtes d’Allah de passage dans la ville.

Dans le temps, à un moment où il n’y avait pas d’hôtels pour héberger les étrangers, chaque chef de foyer disposait de deux maisons mitoyennes : l’une pour la famille et l’autre, la douiria (maisonet), pour les célibataires, et les hôtes d’Allah de passage dans la ville. La Douiria,jouxtait la maison familiale proprement dite. Il existe encore de nombreuses maisons témoins de cette époque : généralement l’entrée de la Douiria et celle de la maison familiale ont une décoration en pierre de taille si semblables qu’elles donnent l’impression d’être des portes jumelles. Dans la vieille médina existait aussi (derb laâzara), le quartier réservé uniquement aux célibataires...

Sur les clés des portes individuelles d’Essaouira on voit les mêmes signes et symboles qui se trouvaient déjà sur les portes monumentales de la ville, particulièrement la porte de la marine avec ses coquilles Saint-Jacques et ses croissants : un croissant symbolise la première fête du calendrier lunaire ; deux croissants la deuxième fête du calendrier lunaire. Trois croissants : la troisième fête du calendrier lunaire. Une manière de signaler que l’édification de la maison a coïncidé avec un mois ou une fête sacrée.

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À Tassila, tante Zahra, n’avait que les murs, puisque du temps d’Oubella, son mari défunt, les terrains agricoles et les arbres avaient été vendus au prix d’un pain de sucre à un usurier, l’année du  boun : on appelle ainsi, la période de la deuxième guerre mondiale, où les denrées alimentaires de première nécessité étaient rationnées. C’est la dernière des périodes de disette, où les usuriers ont pu acquérir de vastes domaines fonciers au prix d’une « bouchée de pain ». Bien après la mort de notre grand-mère Tahamout et de sa sœur tante Zahra, nous eûmes, moi-même, mon frère Majidet notre cousin Ghani, le courage de remonter vers Tassila : mais le champ de ruine qui nous y accueillit, nous emplit de désolation, avec une secrète satisfaction : personne après elles n’a jamais plus habité ces lieux, où leur souvenir persiste, comme si elles venaient d’en déguerpir après un récent tremblement de terre. Tout est en place, sauf que les blessures sont béantes. C’est le seul moment où la présence des défuntes était tellement évidente qu’on s’est mis tous les trois à pleurer à chaudes larmes : on avait dans ces ruines des sépultures pour des êtres sans sépultures. 

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C’est lorsque ma mère atteint l’âge de cinq ans, que sa propre mère l’avait amené en ville à pied avec son frère.Leur mère était d’un grand courage et d’une grande endurance : on raconte que non seulement elle alimentait les maçons en eau, mais qu’elle participait également à leurs travaux. Au cours de ces corvées d’eau qu’elle effectuait de nuit, elle était souvent pistée, par des hyènes, sans pour autant qu’elle soit décontenancée le moins du monde. En cours de route vers Essaouira avec ses deux enfants ; elle transportait ma mère une centaine de mètres,la déposait à l’ombre d’un arganier, puis revenait sur ses pas pour faire de même pour son jeune frère. Leur oncle maternel venait alors de déménager au fond d’une ruelle parallèle, au cœur de la médina, là où habitaient jadis les Manga, une famille mulâtresse connue par sa voyance médiumnique chez les Gnaoua, ces adeptes de rites orgiaques et de mystère.

 Texte Abdelkader Mana, images Abdelmajid Manaphotographie

 

 

 

 

 

 

13:15 Écrit par elhajthami | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : photographie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook