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27/01/2012

Achoura, l'eternel retour

achoura, musique

Photographies Nour- Eddine Tilsaghani

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Photographies Nour- Eddine Tilsaghani

Enseignant à l'Ecole supérieure des Art Visuels de Marrakech. Réalisateur indépendant pour la chaîne internationale LUXE.TV.

Nour- Eddine Tilsaghani a été distingué par de nombreux prix :

Nov.2006    Compétition officielle au Festival de Carthage - Tunisie Fev. 2004       1er  prix au Concours National d’Art Photographique Fev. 2003 3ème  prix au Concours National d’Art Photographique
Mars 2000   1er prix du 7ème festival international d’art vidéo de Casablanca
Juin 1999    1er prix du 9éme Salon National d’art photographique à Marrakech
Mars 1999  1er prix du festival international d’art vidéo de Casablanca Oct 1998    Prix du jury du meilleur vidéaste marocain à l’événement « ABSOLUTment Artiste » Casablanca Mars 1998    1er prix festival international d’art vidéo de Casablanca Mai 1997    prix d’encouragement au 8éme Salon National d’art photographique à  Meknès Mars 1996    Mention spéciale au festival international d’art vidéo de Casablanca

Nour- Eddine Tilsaghani Photographe, Chef opérateur, Monteur, Réalisateur, Formateur 31/01/72 39, Derb Tizougarine Bab Doukkala 40000 Marrakech Tél.:     212 661 21 73 40     E.mail :  ntilsaghani@gmail.com www.tilsaghani.com

02:01 Écrit par elhajthami dans Achoura, Musique, Reportage photographique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : achoura, musique, photographie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Feux de joie à Marrakech

Feux de joie à Marrakech

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      La notion d’art est intimement liée à la notion de rythme. Dés qu’apparaît le rythme, l’art apparaît. Socialement et individuellement, l’homme est un animal rythmique. A la veuille du premier moharram, jour de l’an musulman, annoncé par la nouvelle lune, le rythme de la dakka envahit les rues de la ville. C’est le rythme à l’état pur. Au dixième jour de ce mois sacré, on chante le aït. Dans le carnaval de achoura, il y a enchevêtrement de pratiques sacrées et profanes. Un marché spécial, dit « souk achour » est institué à Jamaâ Lafna. On vend dans ce marché des produits bien spéciaux et qui tirent une grande partie de leur vertu, du jour où l’on en fait l’acquisition.

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      Le rituel de achoura dure toute la nuit et vise à exorciser le chaos naturel et humain qui menace l’ordre de la cité. La cérémonie prend un caractère particulièrement organisé dans les anciennes villes du sud à forte populations berbère : Tiznit, Taoudant, Marrakech, Essaouira. Il semblerait que la séquence de la dakka soit originaire de la ville berbère de Taroudant.

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     Il existe un certain nombre de pratiques très généralement suivies le jour de achoura. C’est par exemple l’usage très répondu de se mettre le khôl ou de se teindre les mains au henné ce jour là. On croit que celui qui se purifie ce jour là  par le khôl ou le henné est purifié pour toute l’année. Les femmes s’ornent les mains de jolies arabesques floraux au henné. Les Qashasha, marchands de fruits secs et les âchouriyâtes, qui vendent les tambourins ont planté leurs tentes. Les goual ou goubbahi, sont en poterie nue tandis que les taârija sont ornées de dessins aux couleurs vives, phosphorescentes et très chatoyantes sous la lumière. Le goual est l’unique instrument dont l’usage soit permis pendant achoura. Ce jour- là on se rassasie à la queue de mouton de l’aïd elkébir, diyala, avec le couscous aux sept légumes où domine le fève. On prétend que celui qui ne se rassasie pas ce jour là, serait obligé dans l’autre monde de manger les pavés de l’enfer pour remplir son estomac.

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    Après le repas du jour de l’an, les femmes et les enfants allument des feux de joie dans chaque quartier. Les femmes stériles qui désirent un enfant ou celles qui espèrent marier leur fille effectuent des rondes autour du feu et sautent par-dessus les flammes par trois fois en chantant avec les enfants. Le brasier symbolise le bûcher dans lequel les païens avaient jeté le Prophète Abraham : obéissant à l’ordre divin, les flammes se refroidirent. Pour Emile Laoust, les Berbères marocains ont conservé l’antique usage d’allumer des feux de joie analogues aux feux dits de la Saint Jean, que les paysans de France et ceux d’Europe allument encore au solstice d’été.

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      Au cœur  grouillant de la médina,  El Herraz, marchand de tambourins de son état nous rappelle cette vieille chanson pour qui achoura est un mois de folie où même le juge frappe son tambourin : « Quand la fête de achoura approche, on va chez les potiers pour leurs faire commande de tambourins. Nous achetons par la suite les peaux de boucs, puis nous les laissons se décomposer car la qualité du son dépend du degré de décomposition de la peau. Le meilleur son est émis par la peau décomposée de timakhine. Quand il s’agit de tambourins pour femmes et enfants, peu importe la peau, mais pour le tambourin de la dakka ; on choisi le flanc de l’animal, là où la peau est à la fois souple et solide. Il y avait des gens qui gardaient leur taârija, pendant vingt ans. Après s’en être servi pour achoura, ils la remettaient sous leur djellaba et la rangeaient chez eux jusqu’à l’année d’après. Et ce jusqu’à épuisement de la peau et ils en commandent une autre. Tu voyais tel notable dans la rue et tu te disais qu’il ne participait pas à la dakka, pourtant la nuit venue, il arrivait avec sa taârija sous la djellaba et c’est là qu’il se dévoile enfin. »

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      En nous recevant en 2001, à Dar Bellarj, la maison où on soignait les la maison où on soignait les cigognes cigognes, l’architecte Suisse, Susanna Bederman Alioth [i] nous déclarait:

« J’avais une première idée pour un engagement à Marrakech, parce que Marrakech, c’est spécial, ça ne s’explique pas . Pour moi, il n’est pas question de Fès, de Safi ou tout autres lieux. C’’était Marrakech. C’est un ami, Abdellatif qui m’a montré pour la première fois cette maison de « Dar Bellarj ». Elle était en très mauvais état. Ayant l’avantage ou la chance d’être architecte, j’ai vu qu’elle n’était pas dans un état désespéré. La première chose à laquelle j’avais pensé en rentrant dans cette maison, c’est qu’elle m’a semblé comme si elle était faite pour la culture. Le réez  – de – chaussé peut accueillir les manifestations culturelles et en même temps, sur la terrasse on pouvait nous installer un petit appartement qui est largement suffisant pour nous. Et donc réez – de – chaussé, cave pour le public. Nous avons fait des expositions à thèmes telles que « senteurs et couleurs », « architecture de terre » à l’exemple de Tamnouga, ksar dans la vallée du Draâ, maintenant « la caravane civique » et l’Achoura qui est devenue la fête de Dar Bellarj. Pour cela je dois remercier mon équipe qui était à l’initiative de cette fête de achoura. Ils l’ont organisé l’année dernière sans que je sois là et c’était un grand succès.. Et c’est à travers cela que vous avez pris contact avec nous. On s’est dit : on va la refaire en plus élargie et voilà ce qui s’est passé hier soir : c’était la fête de l’achoura de 2001. »

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Pour ce documentaire on est allé à la rencontre du cœur éternel et palpitant de Marrakech à commencer  par Si Rahal, le vieux trompettiste, de son état, tenancier d’un four public traditionnel juste derrière la place de Jamaâ Lafna, qui nous entretint des origines même du carnaval de achoura :

« A l’aïd el kébir on faisait herma, on le couvrait de peaux de moutons du sacrifice et on lui confectionnait un masque de poiles avec cornes. C’est ainsi qu’on accompagnait herma. »

Il y a en quelques sorte, deux fêtes dans ce qui est décrit comme une seule et unique fête : la fête de l’aïd el kébir au quelle succède la mascarade de achoura. Le sacrifice sanglant inaugure un cycle rituel auquel mettent fin, quelques trente jours plus tard, les cérémonies de achoura. Herma, l’homme aux peaux est le point commun entre ces deux. Mais s’il a subsisté dans le haut Atlas, ce personnage carnavalesque a disparu de Marrakech comme nous le relate Abderrazaq l’héritier du fameux Baba le maître incontesté de la Dakka de Marrakech qui dispose, non loin de Jamaâ Lafna d’une boutique où les percussionnistes de la dakka se retrouvent quotidiennement à même la natte :

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« L’origine de la dakka est de Taroudant, explique-t-il. De là , elle est arrivée à Marrakech. C’est au quartier des ksours qu’on a joué la dakka pour la première fois. De là, elle s’est diffusée aux sept quartiers qui représentent les sept étendards de Marrakech. : Zaouia, Lmouqaf, Ben  Saleh, Riad Laârouss, Derb Dabachi, la Kasbah et Bab Doukkala. Soit sept quartiers. Le rituel de la dakka se déroule en trois phases : le pur rythme de la dakka, la compétition chantée dite le aït (ou l’appel), et enfin afouss (qui signifie «main » en berbère), et qui est l’accélérant final qui comporte une tonalité gnaoui en raison de la forte prégance des crotales. On y assiste au milieu du Gor (orchestre) à un échange entre le joueur de la tara (tambourin à sonnailles) et le qraqchi (le joueur de crotales). Après quoi on joue à qui fera culbuter l’autre : lamchaïcha. Il y a aussi herma, l’homme aux peaux chamaillé par les enfants. Il déambule dans le labyrinthe de la médina suivi des enfants répétant cette comptine :

Tiktika ô fils de hammou

Le chauve aux fesses dénudées

As - tu un morceau de foie à m’offrir ?

J’en ai déjà goûté une pesée et bien davantage

Ainsi d’ailleurs que du poulet d’Ethiopie

Et du melon bien mûri..

Cette dimension carnavalesque a disparu ainsi d’ailleurs que la compétition chantée entre les différents quartiers qui se déroulait à Jama Lafna. Il est d’ailleurs significatif que le rituel de la dakka n’a pu être ressuscité et organisé en 2001 que dans le cadre de Dar Bellarj…

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Nous avons retrouvé là cet entrelacement des formes musicales déjà observé à Essaouira : le groupe du aït de Marrakech comme celui du Rzoun d’Essaouira, appartient par ailleurs aux confréries religieuses, aux animateurs des processions de mariage et aux orchestres de la ala  andalouse et du malhûn. C'est-à-dire au modèle musical médini (M.M.M). Voici d’ailleurs ce que nous disait à ce propos maâlem Ismaïl Askro de Taroudant :

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« A Taroudant, le aït prélude par la prière sur l’élu de Dieu et sur nos saints:

Ghazouani, je viens en pèlerinage vers toi, ô porteur de la hache !

Frappez vos tambourins lentement, la nuit est encore longue..

Dés la phase préliminaire de la dakka, on fait appel au cheikh du malhûn pour qu’il joue de la grihâ.:

A Baba cheikh wanta banya garrah liya…

O Baba Cheikh, avec foi, chante pour moi

On fait appel aux chantres du malhûn parce que le aït est intimement lié au malhûn. Le joueur de crotales doit être gmaoui. »

 

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C’est le cas de maâlem Ahmed Dah Dah, un gnaoui habitué que nous avons connu à Essaouira au début des années  1980 où il était souvent invité au moussem des Hamadcha et que nous avons retrouvé lors du tournage de « feux de joie à Marrakech » et qui nous déclarait :

« Ceci est un hal. La dakka de Marrakech concerne tous les artisans, qu’ils soient menuisiers, forgerons ou autre. C’est le cachet de la ville. Le patrimoine de notre cité que nous commémorons chaque année. Tous les quartiers y participent. On y vient même des autres villes. Vous avez au milieu les joueurs de la tara et des crotales et tout autour sont assis les percussionnistes de la taârija . On invoque les sept saints de la ville ainsi que nos amis. A chaque crépuscule, mes amis m’entourent et on continue ainsi jusqu’à la fin du aït. »

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Pour le gnaoui Mustapha lagssis membre de la troupe de la dakka de Marrakech :

« A chaque ville correspond un chant particulier : Taroudant a son aït et Marrakech a le sien. Au début on chante :

Nous commençons par t’invoquer ô miséricordieux !

Prélude connu. Puis on chante :

Prière sur toi, le Prophète Mohammed, messager de Dieu !

Et on continue par :

Sous l’aile protectrice du Seigneur, le soleil s’est éclipsé le soir.

Et on conclu par l’invocation du patron des saints Sidi sliman El Jazouli, l’auteur de Dalil el Khayrat.

Pour ce qui est de la percussion, chaque ville a son propre rythme. A Marrakech, on rythme 3/1, donc, ça fait 4. C’est sur cette quatrième note que nous construisons le jeu. Et on continue ainsi jusqu’à « Eh !Wa ! », « Eh ! Wa ! ».

L’équilibre du jeu est obtenu grâce à l’intervention du crotaliste et du tambourinaire qui synchronisent les deux moitiés du chœur jusqu’à l’accélérando final d’affous. »

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Ainsi à la phase agitée de la Dakka succède la phase paisible du aït, à la dialectique de la violence où prédominent les célibataires, succède la sagesse des vieux. La Dakka se déroule en position debout et sans parole ; le aït se déroule en position assise, et le rythme lent et faible des tambourins n’est plus qu’un simple support au chant .La compétition chantée était encore vivace entre les quartiers de la ville

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Le chœur est réparti en deux : la partie orientale (la natte) et la partie occidentale (la couverture). Le haut et le bas reproduisent ici symboliquement le ciel qui recouvre la terre, soit le plan humain et le plan extrahumain. À tour de rôle les deux parties du chœur chantent la mélopée, tandis qu’ils font résonner lentement leurs tambourins. La phase musicale chantée par une partie hésite en son milieu en une longue modulation vocale au terme de laquelle elle est « saisie » par l’autre partie qui enchaîne. Cette modulation hésitante entre la natte et le linceul, la terre et le ciel, symbolise d’une façon tangible la transition marquée par cette nuit de l’Achoura entre le cycle écoulé et celui qui s’ouvre.

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 Le lendemain de la nuit chaude de achoura, au levé du soleil, on s’asperge d’eau de zem - zem et on se dirige vers les vieux cimetières de la ville pour les asperger à grande eau. Dans les cimetières, avec baba achour, on enterre pour ainsi dire l’année écoulée. On couvre les tombes d’eau de rose et de basilic sauvage (rihan). Un marchand qui vend cette plante du paradis aux abords du cimetière nous dit :

 

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« Hier, a eu lieu la nuit de la Dakka. Tout le monde y participe avec joie jusqu’à l’aube. Les gens se rendent au cimetière pour visiter les morts. Ils trouvent les figues sèches, le basilic sauvage, les palmes de palmiers, l’eau de rose, les poteries qu’ils mettent sur les tombes et les jouets qu’ils achètent pour leurs enfants. Après avoir visiter leurs morts, ils rentrent tout contents chez eux. »

 

 

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Fête où les vivants se réconcilient avec leurs morts, achoura présente un mélange de deuil et de joie. On commémore tant de choses à cette occasion, en particulier la mort de Hussein à Karbala. Il s’agit aussi d’enterrer symboliquement l’année qui s’achève pour accueillir celle qui commence.

La fête de l’achoura est suivie par un pique-nique rituel nous explique Mohamed Laâchir, tanneur de Marrakech :

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« Si par exemple, aujourd’hui, on a le Gor de la dakka, le lendemain on procède à une tournée aumônière à travers la ville, pour recueillir la zakat auprès des personnages aisés. Avec cet argent, on achète un vau et on pique – nique dans les vergers. Ceux de la dakka participent bien sûre , mais le tout venant peut boire et manger. Ainsi chaque quatier de Marrakech organise sa propre Nzaha.Je vous ai raconté celle organisée par les tanneurs »

On n’appelle pas par hasard Marrakech « Bahja » (la joyeuse) : chaque fête religieuse y est suivie d’un pique – nique rituel où Nzaha mot qui connote la renaissance de la nature et de la cité. Abdelkader Mana

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logo.jpg[i] Architecte Suisse, Susanna Bederman Alioth est tombée amoureuse de Marrakech et y a fondé « Dar Bellarj » dans un véritable esprit de mécénat culturel visant l’épanouissement de ce qu’elle appelait « les arts vivants » du Maroc. C’est dans ce Riad où on soignait les cigognes qu’elle a restauré en tant qu’architecte, qu’elle nous avait accueilli chaleureusement pour le tournage de l’achoura 2001. Entre temps, toujours  à Marrakech, elle avait fondé une école dévolue aux métiers du cinéma et de l’audiovisuelle, avant de disparaître brusquement en 2007. Dans « feux de joie à Marrakech », documentaire que nous avons tourné pour l’essentiel à Dar Bellarj, elle paraissait heureuse, rayonnante et exprimais tout l’espoir et l’amour qui sous-tendaient sa démarche pour Marrakech et sa culture

00:35 Écrit par elhajthami dans Arts, Musique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique, achoura | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Le Rzoun de âchoura

 musique

Personnages du carnaval de l'achoura à Mogador au début du xx ème siècle

Personnages du carnaval de l’achoura à Mogador au début du xx ème siècle Pour Marcel Mauss, la notion d’art est intimement liée à celle du rythme :« Dès qu’apparaît le rythme, l’art apparaît.
Socialement et individuellement, l’homme est un animal rythmique ». À la veille du 1er Moharram, jour de l’an musulman - annoncé par la nouvelle lune - le rythme de la Dakka envahit les rues de la ville. C’est le rythme à l’état pur. Au dixième jour de ce mois sacré, on chante le rzoun.
Dans le carnaval de l’achoura, il y a enchevêtrement de pratiques sacrées et profanes.

musique

 En hommage à mon père et à la poétesse Aîcha Amara ...Il en est des êtres dont la mémoire reste attachée à un lieu, la poétesse Aïcha Amara qui vient de nous quitter, ce mardi 25 mai 2010, est restée, malgré son exile Casablanca, très attachée à Essaouira sa ville natale. Chaque fois que je lui rendais visite ainsi qu’à son mari Si Tayeb Amara à l’urbanité exquise, elle ne m’entretenait que d’Essaouira auxquelle elle a consacré un très beau recueil de poésie, sous le signe d’Aylal, illustré par les peintres de la ville. Le dernier projet qui lui tenait à coeur était de faire revivre le Rzoun de l’Achoura, le vieux chant de la ville. C’est pourquoi nous lui dédions aujourd’hui ce Rzoun, notre repère mémorial commun...Qu’elle repose en paix, notre poétesse bien aimée...

musique

 Hier, le mercredi 26 mai 2010, l’artiste Hamza Fakir m’a invité à déjeuner dans son atelier pour discuter de ses toutes dernières oeuvres qui portent sur l’arganier, symbole d’enracinement local. Nous avons évoqué tout les deux l’intérêt que porte Aïcha Amara à son art, à son style et à sa peinture: nous ne savions pas encore qu’elle n’était plus de ce monde! Hier Aïcha est morte, aujourd’hui, nous recevons sa terrible nouvelle...Le vieux chant du Rzoun évoquait ainsi la mémoire de son homonyme «Aïcha Bali» :
Trônant sur son fauteuil
Agitant l’éventail : Aïcha Bali.
Parée de bijoux, diadème magique
Sur le front : Aïcha Bali.
Aïcha, Aïcha, soit heureuse
Nous sommes partis.
La belle a dit :
Compagnon, je t’en prie,
Que me veulent ceux qui m’interpellent ?
Il n’y a rien à dire,
Il est temps que je m’en aille...

musique

Orchestre de Malhun au marché aux grains avec khalili au micro 1983

Que disait le chant oublié de la ville ? Il parlait d’amour et de mort. Je revois encore les Hamadcha restituant pour une dernière fois ce chant. C’était en 1983 : mon père eut une occlusion qui faillit l’emporter, et à laquelle il a survécu vingt ans parce qu’il avait une constitution physique solide.
Son corps était sculpté par le bois qu’il n’avait pas cesséde travailler sa vie durant. Il se souleva péniblement pour écouter à la fenêtre la rumeur du Rzoun qui montait de la ville. Les mille voix des Hamadcha scandant le chant de son enfance retrouvée. Ce soir-là, les Hamadcha étaient beaux
comme dans un rêve, tristes comme dans un linceul..la séquence de la Dakka, le clan Ouest de la ville,celui des Béni Antar se retrouvait à la porte de la mer (BabLabhar), alors que leurs adversaires du clan Est des Chebanatese retrouvaient au seuil de Bab Marrakech.La première porte était dite hantée par Aïcha Qandicha,(la démente de la mer).La seconde porte se situait entre les deux vieux cimetières de Bab Marrakech (rasés au court des années quatre-vingt). Le tapage nocturne des uns vise à exorciser les génies, et celui des autres à réveiller les morts.Après le repas du jour de l’an, les femmes et les enfants allument des bûchers dans chaque quartier. Les femmes stériles qui ésirent un enfant ou celles qui espèrent marier leur fille, effectuent des rondes autour des feux de joie et sautent au-dessus des flammes par trois fois en chantant avec les enfants. Le brasier symbolise le bûcher dans lequel les païens avaient jeté le prophète Abraham : obéissant à l’ordre divin, les flammes se refroidirent. Le rituel de l’Achoura dure toute la nuit et vise à exorciser le chaos naturel ou humain qui menace l’ordre de la cité. La cérémonie prend un caractère particulièrement organisé dans les anciennes villes du Sud à forte population berbère.La Dakka est en effet une phase chaude qui se déroulait du crépuscule jusqu’à minuit. Autorités et notables participaient également au rituel : le carnaval abolit les barrières sociales le temps d’une nuit.

C’est l’Achoura mois des folies,
Même le juge frappe son tambourin !
C’est une fête de libération et de transgression des interdits. Pour les femmes, c’est l’opposé de la fête du Mouloud qui célèbre la naissance du prophète et avec lui la canonisation des tabous :
C’est l’Achoura, nous sommes libres, ô madame !
C’est au Mouloud que les hommes commandent, ô madame !
Le Rzoun que chantent les sages est une théâtralisation de conflits réels qui opposaient les deux clans de la ville : ce chant inachevé et improvisé est une production collective. Chacun y va de son couplet afin de contribuer par sa verve à l’affaiblissement du clan adverse. La force d’évocation vient des milles voix, de cette répétition sur plusieurs registres mélodiques, tantôt tristes, tantôt nostalgiques, traduisant une cassure quelque part. Le choeur est réparti en deux : la partie orientale (la natte) et la partie occidentale (la couverture). Le haut et le bas reproduisent ici symboliquement le ciel qui recouvre la terre, soit le plan humain et le plan extrahumain. À tour de rôle les deux parties du choeur chantent la mélopée, tandis qu’ils font résonner lentement leurs tambourins. La phase musicale chantée par une partie hésite en son milieu en une longue modulation vocale au terme de laquelle elle est « saisie » par l’autre partie qui enchaîne. Cette modulation hésitante entre la natte et le linceul, la terre et le ciel, symbolise d’une façon tangible la transition marquée par cette nuit de l’Achoura entre le cycle écoulé et celui qui s’ouvre. Ainsi à la phase agitée de la Dakka succède la phase paisible du Rzoun, à la dialectique de la violence où prédominent les célibataires, succède la sagesse des vieux. La Dakka se déroule en position debout et sans parole ; le Rzoun se déroule en position assise, et le rythme lent et faible des tambourins n’est plus qu’un simple support au chant .La compétition chantée était encore vivace entre les clans de la ville.
LE RZOUN
Essaouira la belle n’a pas de pareille
Jusqu’au Yémen
Ses hauts remparts sont bénis
Par la protection des saints
Par Sidi Mogdoul qui a une citerne
Devant sa coupole
Permettez-moi donc d’avouer
Les soucis qui m’oppressent
Et si je meurs que personne ne me pleure
C’est pour toi mon bel amour
Que j’en appelle à la muse
Sois donc sans réserve
Et sers-nous les coupes de cristal.
Sois donc sans réserve
Et sers-nous la fine fleur à fumer.
Trônant sur son fauteuil
Agitant l’éventail : Aïcha Bali.
Parée de bijoux, diadème magique
Sur le front : Aïcha Bali.
Aïcha, Aïcha, soit heureuse
Nous sommes partis.
La belle a dit :
Compagnon, je t’en prie,
Que me veulent ceux qui m’interpellent ?
Il n’y a rien à dire,
Il est temps que je m’en aille.
Vaillant compagnon, frappe ton bendir
La nuit est encore longue.
Vois donc les Béni Antar qui s’essoufflent
Avant même que ne vienne l’aube.
Mais quel est votre chef, ô Chebanate ? !
Ossman à la tête bossue et à la bedaine
Serrée d’une cordelette ?
Et qui est votre chef, ô Béni Antar ? !
Ali Warsas traînant son chien
Éternellement sur son âne ?
Qu’est-il donc arrivé aux Béni Antar ?
La mer les a emportés, que Dieu nous en préserve.
Vaillant compagnon frappe ton bendir
Et porte les amendes sur les barcasses
Les voiliers attendent au large.
Comment se fait-il que le gerch d’argent
Devienne le dirham de papier ?
Voilà l’origine du profit et du vol
Commerçant spéculateur,
Artisan grâce à sa bourse mais sans métier,
Et théologien dont la principale devise
Est de dire : donne !
Lune ronde toute grande, faites la ronde
Moi, je ne veux pas du vieillard
Mais c’est la volonté de Dieu
À Derb Laâlouj, j’ai vu des yeux d’un tel noir
Si tu savais ô mon frère, combien ils m’ont ravi !
Ô toi qui s’en vas pour Adour,
Emporte avec toi le Nouar !
Je ne veux pas me marier
Mon compagnon m’offre
La coiffe rouge de Marrakech
Comme tu es belle !
Le beau garçon aux yeux brillants
Qui valse dans la salle
C’est le fils d’Alhyane
Il porte un poignard
Ô madame, au cordon de soie…
Vaillant compagnon, frappe ton bendir
Vois donc venir l’aube
Que le maladroit qui ne sait point parler
Ne vienne pas en notre compagnie.
Quant à nous, nous ne bougerons pas d’ici
Nous resterons assis calmement
Ahna gaâdine asidi ba’Rzounou.

Le rituel s’achève en rixes entre adversaires. C’est le taâlak : ils se lancent les tambourins d’argiles et les tisons de feu. Ghorba le vieux cordonnier y avait perdu un oeil. On compte souvent des blessés, mais les blessures reçues en cette circonstance possèdent une baraka. Le chant de
l’Achoura célèbre à Essaouira la naissance de la cité. Il reproduit au niveau symbolique et poétique les conflits originaux et toujours latents de la ville. Juste à côté de la porte de la marine, il y avait une grue aujourd’hui disparue. C’est du haut de cette grue qu’Ali Warsas serait tombé en se brisant irrémédiablement une jambe. Depuis lors, il ne se déplaça plus que sur son âne au point de devenir l’objet d’un fameux couplet du Rzoun le chant disparu de la ville. Le clan des Chebanate, le quartier Est de la ville chantait :
Qui est votre chef ô les Béni- Antar ?
Ali Warsas, toujours sur son âne suivi de son chien !
Ce à quoi le clan Ouest des Béni- Antar répond :
Et qui est votre chef, ô les Chebanate ?
Osman à la tête bossue,
Et qui avait en guise de ceinture, une cordelette ?!
Ali Warsas qui avait émigré en Angleterre, en était revenu marié avec une Anglaise. À sa mort cette dernière l’avait enterré au cimetière chrétien de Bab Doukkala. Si bien qu’il est le seul musulman enterré parmi les chrétiens ! À l’époque, l’Eglise anglicane était très active à Essaouira, au point que les juifs de la ville avaient organisé une manifestation au quartier des forgerons — manifestation
immortalisée par une vieille photo en noir et blanc — pour exiger le départ du chef de l’Eglise anglicane accusé de vouloir convertir les juifs au protestantisme. L’aïeul Ahmed, qui avait disparu au large, était menuisier de son état : il se chargeait de confectionner l’arche de Noé du carnaval de
la fête abrahamique d’Achoura. L’orchestre était dirigé par le vieil herboriste Iskijji, qui me disait que c’est notre aïeul Ahmed qui confectionnait jadis l’arche de Noé du carnaval d’Achoura. En ces temps lointains, Iskijji allait distribuer leur pitance aux prisonniers de la kasbah, la cité originelle qui
était entièrement entourée de remparts et où résidaient les consuls, les amines de la douane et l’administration royal. Mon père me racontait comment avec la complicité d’un caïd de la région, l’un de ces prisonniers put s’évader à la faveur de la nuit, en sautant sur le dos d’un coursier qui
l’attendait en bas des remparts. Sur les décombres d’Essaouira que nous évoquons est en train de naître une ville flambant neuve, faite de kit surf, d’hôtels pour jet-set, de festivals parachutés clés en main par des boîtes de communication et de marketing, lieux de rendez-vous politico-mondains, de villas hors de prix en bordure d’un immense terrain de golf, autour des ruines du palais ensablé du sultan.
musique

Comédien et chanteur, Khalili représente à lui seul toute la culture de la médina

      Etre médini c’est connaître de l’intérieur et pratiquer la culture traditionnelle de la médina. Le groupe qui chante le rzoun pratique aussi bien la musique sacrée des confréries que la musique profane tel que la ala andalouse ou le malhûn. Les genres musicaux ne sont pas juxtaposés, ils s’interpénètrent à la manière des fils d’une tapisserie. C’est pourquoi l’idée d’entrelacement que suggère l’image de la trame permet de décrire plus dynamiquement l’interpénétration des cultures dans la ville. Au niveau des pratiques musicales nous sommes en présence d’une trame : les roupes de musique populaire sont capables de reproduire des genres musicaux très divers. La musique d’Essaouira, par exemple,apparaît comme une musique décentrée dont les centres se trouvent ailleurs. C’est la musique d’une culture « Carrefour» et non d’une culture patrimoine. On ne peut pas saisir cette culture inachevée de la ville par des méthodes qui supposent l’existence d’un corpus stabilisé. Soit l’exemple du seul corpus apparemment stable fixé et endogène : le chant de l’Achoura, on a d’abord l’impression que c’est le poème endogène de la ville, mais on découvre ensuite que le modèle poétique et mélodique du rzoun a la même matrice que celui de Marrakech et de Taroudant. Il semble être le résultat d’un phénomène de diffusion culturelle à partir de ces deux villes plus anciennes. On constate aussi que les Brioula (couplets du rzoun) ne sont pas toujours de la même époque. Bref, ce chant de l’Achoura qui semble le plus proche de la définition traditionnelle du patrimoine achevé et endogène est en réalité un poème inachevé, ouvert, en perpétuelle évolution et pour une part, venu d’ailleurs. Voilà un exemple de culture carrefour que nous avons particulièrement étudié, parce qu’il est exemplaire,ce fait n’est pas seulement un caractère de la musique mais aussi des produits artisanaux dont l’esthétique provient en partie d’ailleurs.La culture d’Essaouira, pour le Rzoun de l’Achoura comme pour le malhûn, doit beaucoup à la ville de Marrakech. Le modèle souiri de l’Achoura est proche de l’ Aït de Marrakech quoiqu’il existe des nuances entre l’ Aït et le Rzoun d’Essaouira. Il semblerait que la séquence de la Dakka - un véritable tapage nocturne qui relève à la fois du charivari et des mascarades carnavalesques - soit originaire de la ville berbère de Taroudant, d’où elle s’est diffusée avec le commerce transsaharien vers Marrakech puis Essaouira.
Abdelkader MANA

musiqueAutoportrait du temps qui passe...
Le 18 décembre 2009, soit le 1er Mouharram 1431, commence le nouvel an musulman. A Essaouira rien ne l’annonce si non le tappage des tambourins par les enfants de notre quartier et le soir venu j’ai croisé à derb Laâlouj des enfants qui sautent par dessus un feu de joie. Hier, le 26 décembre, partout je croise des groupe de dakka, adolescents et enfants parcourant la ville avec leurs tambourins. En me rendant à la zaouia des Hamadcha j’y découvre Dabachi en train de diriger une séance de Rzoun de âchoura où figure entre autre le tambourinaire Larabi des Halmadcha et maâlam Hayat des gnaoua. La partie était très belle et bien maîtrisée. Ils ont chanté en ma présence le couplet sur Alhyan qui valse dans la salle, celui sur le pèlerinage et celui sur la brassée de kif et la coupe de cristal. Après le chant tout le monde s’est levé pour jouer le pur rythme de la dakka. En les observant, je me suis rendu compte qu’il ne s’agit pas de technique, mais d’un don inné que relève de la fougue et du tempérament de la personne: on a ou on a n’a pas le rythme dans le sang, dans les tripes. C’est pourquoi on a chanté aussi le couplet: «Mais que vient faire parmi nous le maladroit qui ne sait point rythmer la mesure?».

00:20 Écrit par elhajthami dans Achoura, Musique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : achoura, musique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook