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16/10/2011

Fête du mouloud à Lalla aziza

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Le sanctuaire de lalla Aziza est gardé de toutes parts par la sombre terre des Seksawa. Le ciel à qui lève la tête , n’apparaît que circonscrit par les cimes. Le reflet noir des schistes, l’éclairage venu d’en haut, tempèrent la scène d’une grisaille vibrante. Nous sommes ici en plein centre des Seksawa, à un foyer de rayonnement et d’attraction. Chaque fête du mouloud vient sceller la connivence du groupe et des puissances invisibles. Solidarité collective, rite saisonnier , recourt  à l’au – delà se nouent sous le signe d’une héroïne d’historicité précise.

Sacrifice à lalla Aziza 

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Les Imtdan, fraction Seksawa, se composant de cinq douars, sont les desservants officiels de Lalla Aziza. Ce sont eux qui sont toujours chargé d’acheter le sacrifice de Lalla Aziza. Au Mouloud ils sacrifient une vache et au printemps une cote part d’ovins et de caprins. En effet, au premier jeudi du mois de mars du calendrier julien, ils se rendent en pèlerinage avec leurs enfants à Lalla Aziza. Là aussi, les cinq douars Imtdan font la fête. Selon les années, ils viennent avec trente cinq à cinquante têtes d’ovins et de caprins. Ils les sacrifient et font bombance pendant trois jours sur place. Une fête en partage entre les Imtdan et les habitants de Zinit. La viande est partagée en deux : on consomme une moitié sur place et on ramène l’autre moitié à la maison.On ramène par ailleurs en offrande à lalla Aziza, une cote part de toute la production agricole : maïs, amendes, noix, laine, abricot et figues sèches. 

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La vache nous l’offrons au Mouloud. C’est moi-même qui l’achète de mes propres deniers. Ce n’est qu’au matin du Mouloud qu’on me rembourse.On amène la vache sur l’ère à battre où les villageois sont bénis. C’est là qu’on se retrouve pour la quête aumônière. Chaque douar donne la somme d’argent qui lui revient. Le surplus par rapport au prix d’achat, je le garde par devers moi, pendant un an jusqu’à cette période. Avec cet argent, j’achète deux nouveaux sacrifices : l’un pour la fête patronale d’Ammern et l’autre pour la fête saisonnière qui ce célèbre avec l’équinoxe d’été.

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Quand il n’y a pas d’eau, les Oulad Bou Sbaâ, apportent le sacrifice. C’est en ce lieu qu’ils sacrifient – une affaire de bonne foi –  c’est alors que la miséricorde divine descend du ciel, c’est alors que la rivière se remet à couler...

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 Deux grands sacrifices se célèbrent à Lalla Aziza. L’un s’insère dans un calendrier naturiste déjà ouvert par toutes les perceptions de prémices, et dont il est en quelque sorte l’acte culminant. On l’appelle généralement tigharsiwin, « les immolations », et il a lieu le 15 de yulyuz, le juillet du calendrier julien. L’autre coïncide avec la nativité du Prophète, ce Mouloud dont l’institution au Maroc , et la généralisation systématique par les Mérinides vers le 15ème siècle, envahit peu à peu toute l’Afrique du Nord, et devint le support orthodoxe d’une foule de rites orgiaques.Au Mouloud, la victime est une vache, offerte par les Imt’ddan. Le victimaire est fournit traditionnellement par la famille des aït Baqqa de Tagounit(Imt’ddan). Suit l’interview du victimaire chargé d’acheter la vache.C’est aussi cette taqbilt qui fournit les flagellants.

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La procession part d’aval, sous la mosquée, en entonnant une litanie prophétique : « en ton honneur, Moh’ammed ! C’est le Prophète que nous mettons à nôtre tête ! »

La victime est menée, le sacrifiant la tenant par la corne gauche, un poignard nu dans la droite, jusqu’à une aire sous « la maison de Lalla Aziza ». La maison a une cour interne, et une chambre haute ouverte en loggia. Les femmes sont assemblées sur les terrasses avoisinantes. Le tout infiniment bariolé.Des gens armés de triques précèdent de peu la vache. Ils lui font face, hurlant et brandissant bâtons nus ou rameaux d’olivier.

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La victime est menée, le sacrifiant la tenant par la corne gauche, un poignard nu dans la droite, jusqu’à une aire sous « la maison de Lalla Aziza »

A l’arrivée de la vache une vieille l’a baisée entre les deux cornes. Dés que le sang jaillit, c’est la ruée : l’un en remplit une bouteille, l’autre s’en barbouille la figure, beaucoup les yeux. Simultanément sont égorgés deux moutons, l’un offert par Asettif, l’autre par Wanchkrir. Le degré de l’émotion, sensible dés le début, devient alors extrême. L’excitation parvient à son comble.

 Le victimaire égorge la bête. Si celle- ci se lève dans un sursaut, bon présage. Cris, youyou et confusion parmi laquelle un marabout d’Asttif dit la fath’a , tandis que la victime est écorchée. Elle disparaît sous une grappe hurlante de fidèles qui se précipitent sous les coups pour arracher,à la main ou au couteau, du poile, de la viande.

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 Le paroxysme effectif résulte évidemment de la violence avec laquelle les fidèles déchiquètent et s’entr’arrachent la victime sous les coups. 

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      La première interprétation, celle du cru, est naturellement rationaliste et pudique : les gens expieraient leurs pêchés par la mortification des coups de bâtons. Mais il est plus exact de mettre ce rite en rapport avec tant d’autres rites agraires comportant luttes ou violence. La flagellation est souvent liée à la notion de bouc émissaire, à rapprocher de cette description de rite égyptien antique :

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 haut-atlas,musique « À la nuit, des milliers de personnes, armés de bâtons, veillent autour du temple ; les uns veulent empêcher qu’on réintègre dans son naos une statue de dieu...les autres veulent au contraire, faciliter l’entrée du dieu. Les acteurs qui sont sous le portique, refusent l’accès du temple ; la foule accourant au secours du dieu ; les frappe ; ils se défendent ; un violent combat à coups de bâtons s’ensuit, et maintes têtes est fracassée. »

La flagellation est liée aux notions de bouc émissaire et de purification.

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 Non loin, dans l’Atlas, à Moulay Brahim près d’Asni, une chamelle est pareillement égorgée et dépecée par les fidèles qui s’ent’arrachent sa chaire sous les coups. La tête de l’animal est ravie et disputée à la course par deux partis rivaux.

L’animal, enfin dépecé, est mis à cuire dans les grosses marmites qu’abrite la maison de Lalla Aziza. Dans une pièce attendent, luttées au dessus d’un four sommaire, quatre grosses marmites. C’est là que cuiront les morceaux de la victime.haut-atlas,musique

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« La maison de Lalla Aziza ». a une cour interne, et une chambre haute ouverte en loggia

 Répartis en fragments, il sera emporté de tout côtés par les assistants.  Un seul morceau suffisant pour conférer l’effluve bénéfique à tout le plat.L’aspect communiel que suggère la répartition de viande, éclate ici dans toute sa chaleur. Les Imt’ddan sont les desservants par excellence de lalla Aziza. Chaque foyer lui doit la première panerée de produits agricoles, à l’enlèvement de l’air(céréales) ou du tas(fruit). Ces offrandes prémicielles sont portés en pompe à Z’init’ le premier jeudi de mars ; c’est ce qu’on appelle une çadaqa, mais elle donne aussi lieu, avec les gens de Z’init’, à une tinubga. Les relations entre ces deux groupes sont en effet complexes : relations de coopération religieuses réglés jusque dans le détail. Si les Imt’ddan fournissent la viande pour le banquet, les gens de Z’init’ fournissent le pain. Le fait a même donné lieu à une légende étiologique : 

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Chacun apporte une barattée de beurre . le pain au blé tendre et à base d’orge est déposé au magasin de la maison de lalla Aziza où a lieu la cuisson de la viande dans des marmittes en terre cuite : la viande est mélangée au barattées de beurre lors de la cuisson. Le gras est recherché pour faire face au frimas de la haute montagne mais sans risque pour la santé pour des gens habituer à tout brûler en escaladant quotidiennement des pentes abruptes....

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  Au cours d’une expédition en haut Guedmiwa, les Seksawa se trouvèrent un jour en péril. Encerclés par l’adversaire, ils ne pouvaient plus espérer de secours. L’un d’eux eut l’idée de vouer à Lalla Aziza, pou le cas où il réchapperait, une rente de deux pains au jour du sacrifice. Aussitôt une nuée profonde, accompagnée d’averses et de tonnerre, se jeta entre les combattants, et abrita la fuite des Seksawa. C’est la raison pour laquelle les gens de Z’init’, le jour du sacrifice, donnent désormais 24 pains chacun, au lieu de 22 comme devant. Rythme et phases du sacré : ces renouements périodiques marqués par bombances, pompes, et sacrifices.

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Ce nom de Z’init’ est curieux. On l’explique localement par un impératif, « se quereller, se disputer ». Il y a deux querelles dans la liturgie de la sainte : une querelle légendaire autour de son corps, selon un thème hagiologique courant ; et les coups prodigués au sacrifice du Mouloud. 

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 Symbole d'abondante et de prospèrité pastorale,du beurre et de la viande à profusion 

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A "la maison de Lalla Aziza" ce sont les hommes qui s'occupent de la cuisson et de la répartition 

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Malgré l’atmosphère de transe, un schème cultuel se laisse, on l’a vu, reconnaître. Il appartient à une famille des Imt’ddan, si proche de la sainte, à qui ils attribuent, entre autres miracles la répartition des sources entre leurs villages.En somme le Mouloud de Z’init’ ressortit, avec une netteté et une richesse exceptionnelle à ces rites par lesquels les sociétés rurales opèrent une série ininterrompue de concentrations et de diffusions du sacré, dans le but d’assurer la continuation de la vie des choses, et de serrer les rapports de cette vie avec celle du groupe. Le patronage du Prophète justifiant , dans une intense débauche extatique, un vieux rite à la fois agraire, expiatoire et communiel.

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L’animal, enfin dépecé, est mis à cuire dans les grosses marmites qu’abrite la maison de Lalla Aziza. Dans une pièce attendent, luttées au dessus d’un four sommaire, quatre grosses marmites. C’est là que cuiront les morceaux de la victime.

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Répartis en fragments, il sera emporté de tout côtés par les assistants.  Un seul morceau suffisant pour conférer l’effluve bénéfique à tout le plat.

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L’aspect communiel que suggère la répartition de viande, éclate ici dans toute sa chaleur.

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 La dispute du Mouloud est mise en rapport, avec le nom même du lieu : Z’init’ qui veut dire « querellez vous ». Le rite lui-même n’est qu’un commentaire liturgique du nom. Si l’on met en relation un trait légendaire, celui de la rivalité pour le corps de la sainte, avec un trait rituel, la dispute pour le corps dela victime, une possibilité d’assimilation, toute classique, entre l’un est l’autre corps, vient à l’esprit. Cela entraînerait l’explication dans une atmosphère très antique. Elle aura le mérite d’achever de déployer les virtualités du rite, et son ample résonance religieuse, d’une richesse inusité au Maghreb.                                       

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     Visitant les Seksawa au premier quart du 16ème siècle Léon l’Africain écrit :

« Secsiya est une montagne fort sauvage, haute et revêtue de grands boys, là où sourdent plusieurs fontaines, et pleins de neiges, au moyen de quoy la froidure n’y fault jamais : et ont coutume les habitants d’icelle de porter en la teste certaines perruques blanches. Là prend son origine la fleuve Assifilmal où se trouvent plusieurs cavernes larges et profondes où ils ont coutume de tenir leur bétail trois mois de l’années, qui sont novembre, décembre et janvier, avec du foin, quelques feuilles et ramées de grands arbres. S’ils veulent avoir des vivres, il faut qu’ils en pourchassent aux autres prochaines montagnes, pour ce que cette ci ne produit aucune chose. En la saison de primevère , ils ont du lait et beurre et fromage, et sont gens qui vivent longuement, parvenant jusqu’à l’âge de quatre – vingt et cent ans, avec une vieillesse robuste et totalement délivrée des mille et mille incommodités qui accompagnent les anciens, et jusqu’à tant que la mort les vienne surprendre, ils ne cessent de suivre les troupeaux des bêtes sans jamais voir passer, ni avoir la connaissance de personne que ce soit. Ils ne portent jamais de souliers, mais seulement quelque chose sous le pied qui les garde de l’âpreté et rudesse des pierres et graviers, avec certaines pièces entortillées autour de la jambe et gros bourres qui défendent de la neige. » 

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 La première mention des Seksawa remonte à l’époque Almohade(12ème siècle), qui est la grande expansion mystique et guerrière des berbères du Haut Atlas. Il s’agit d’un haut lieu des Masmoda qui s’étend au pied du mont Tichka. Le nom du plateau de Tichka se ramène, comme le pense E. Laoust, au sens de « haut pâturage de montagne, alpage » . Le Tichka se compose d’une série de plateaux, de plans étagés et échelonnés : le N’fis, l’Assif el Mal, le Seksawa, naissent de ces paliers. Au dessus du dernier village Seksawa, Targa Ufella(la rigole suprême), les ravins charrient d’énormes blocs d’un classique granite, dit de « pierre du Tichka »(azrû-n’Tichka), et que l’on emploi à la fabrication des meules. L’éboulis se reconnaît jusqu’au bas du village d’Alus

De ces hauts pâquis, la propriété éminente a été reconnue aux Seksawa. Ce sont eux qui ouvrent la campagne  de pacage. Ce haut lieu géographique et pastoral est aussi un haut lieu de l’histoire berbère, à mettre en rapport avec les fastes Almohades. Pour Robert Montagne « le cœur dela Berbérie,  ne bât donc pas à Tinmel. C’est au Tichka, dans la sainte vallée de lalla Aziza, ou encore dans les hauts villages perdus des Ida Ou Msatog, que des hommes courageux, aidés par le génie de l’adrar n’deren, ont veillé, jusqu’à ces dernières années, à sauvegarder le patrimoine berbère. »haut-atlas,musique

Les gens de Zinit ont plusieurs types d’Ahouach. Car on y vient aussi bien des tribus qui rythment leur Ahouach à la main que des tribus qui rythment le leur au tambour.Nous avons l’Ahouach d’Assif ou Gadir. Nous avons l’Ahouach d’Aghbar. Et nous avons notre propre Ahouach de Lalla Aziza. En plus, nous avons Hammouda des Oulad Bou Sbaâ. C’est que nous recevons des variétés d’Ahouach à Lalla Aziza. Nous leur empreintons des séquences que nous exécutons par la suite.  

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C’est vers 1125, qu’Ibn Toumert s’installe à Tinmel, à une journée de marche au Nord – Est de Tichka. L’hégémonie des Almohades ne s’est guère soutenue qu’un demi siècle(1163-1213). Pendant un autre demi siècle, les mérinides leur disputent le Maroc, et finissent par leur arracher Marrakech(1269).

Près de cent ans après, vers le milieu du XIVème siècle, un homme de lettre hispano - musulman, vizir déchu, visite l’Atlas. C’est l’illustre « voix de la religion », lisân ad-Dîn Ibn Al Khatîb. Il va chez un émir des Hintata. Voici le témoignage du voyageur sur la montagne, au lendemain de l’épopée Almohade : 

« Ces montagnes aux fiers cimes, qui ne cèdent qu’à la majesté de Dieu, et qui furent le siège de la doctrine unitaire... « Je ne crois pas » s’écrie – t – il , « que les fleurs de l’esprit pussent ainsi jaillir des roches ». Mais la montagne « est vaincue sans blessure : elle a accepté les ravages du feu,mais non la honte... »

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 Ces vers, ces émotions vous reportent sept siècles en arrière. Et ces lointaines impressions rejoignent celles qu’inspirent encore le haut atlas : majesté du cadre, nostalgie d’un grand passé, regret sur le gaspillage insensé que fit l’histoire des hommes au « visage de lion », devenu « cette armée nombreuse à l’abandon », dont les plus valeureux sont condamnés à l’inaction et à la défaite. »

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L’impression d’Ibn Al Khatib servira de préambule à l’histoire de ce que l’on peut appeler, le grand siècle des Seksawa.On pense à l’opposition plaine/montagne. Siksawa/Chichaoua, toujours est-il que l’appartenance berbère initiale des Chichaoua est hors de doute, et que selon les historiens musulmans, il s’agit d’une ville masmodienne au même titre qu’Aghmat.Par un hasard pour nous providentiel, les Seksawa ont trouvé leur grand historien, en Ibn Khaldoune :

     « De tous les peuples Kanfîsa, le plus grand des groupements masmodiens, les Seksawa sont les plus amples. Les autres s’étaient épuisés pour le régime, à soutenir sa cause et à nouer son allégeance. Ils y avaient gaspiller les hommes, tout comme avait fait pour le leur les nations passées. Cependant les Seksawa se faisaient une place et grandissaient en nombre et ascendant parmi les Almohades. Mais de génie bédouin, ils ne leur empruntèrent pas leur luxe, non plus qu’ils ne contractèrent leurs facilités.

      Le massif qu’ils habitent fait partie du Deran . C’en est le dôme et le faîte. Il leur offre le refuge d’un château, sans pareil, hauteur aérienne, cime vertigineuse. Il touche de la main les planètes, ordonne les constellations sur son axe, reçoit dans ses pans, le choc des nuées, donne asile en ses airs à la furie des vents, à vue de ses crêtes surla Verte– Mer, recueille de son ouïe les propos du ciel, refoule de son dos le désert, hors du Sous, berce en son sein le reste de la chaîne.

    Quant à la chute des Almohades, les Mérinides eurent réduit les Masmoda, ils leur infligèrent un système d’avanie telle que de leur imposer taille et tributs. Mais tan disque les autres s’humiliaient devant la puissance, voir lui prêter la main de la soumission, nos Seksawa se retranchèrent dans leur nid d’aigle inexpugnable, qui leur permet de narguer les vainqueurs. Ils ne se commirent pas à leur service, et ne répondirent ordinairement à leurs prétentions que par révoltes et dédain. Si une troupe leur venait sus, et commença à les presser, ils s’en débarrassent par une soumission protocolaire et des cadeaux de bon vouloir.

Aït H’ adduyws : des « fils de Roi »

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     Leur chef, au plus loin que l’on puisse remonter, fut à la chute des mérinides, Haddo Ben Yousef, mémorable par l’absolutisme et le mordant. Il mourut en 1282 sous le règne de Yaqûb Ben Abd-el Haq(1269-1286). Son fils Amir – le santon actuel- marcha sur ses traces. On l’appelait Aguellid, c'est-à-dire Sultan en leur langue. Il lutta contre les rois mérinides, bien au large de son hallier et du haut de son nid d’aigle, se tint en rébellion. Des soldats de Youssef Ben Yaâkoub(1286-1307) et de son frère Abou Saïd((1310-1321), l’investirent sans venir à bout de lui.haut-atlas,musique

      Féru de science, sa mémoire entassait livres et recueils. Il pouvait réciter des chapitres entiers de droit et savait par cœur, dit-on,la Mudawana, entre autre. Amateur de philosophie, il en lisait des traités et en poursuivait les applications, en Alchimie, magie littérale ou opératoire. Curieux de législations antiques et de livres révélés, y comprisla Bible, il tenait séances avec des docteurs juifs au point de faire douter de sa confession, et d’être taxé du désir d’abjurer.

      Le Sultan Abû Al Hassan(1331 – 1351), une fois libéré de ses ennuis  avec son frère Omar, quand se furent calmer la crise du Maghreb et le désordre des provinces, lui lança une armée sur son refuge, tandis qu’il occupait militairement sa plaine et le coupait sur ses arrières des arabes du Sous, vaincus, soumis et dissociés à l’aide de gouverneurs et de postes, Abdellah dut alors recourir à une soumission protocolaire, et donner son fils en otage. Il souscrivit au don d’hommage et à un échange de présents. Cela lui fut accordé, avec, par surcroît, le visage de la faveur. »

 

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C’est « au bout du monde » qu’on se sent lorsqu’on est parvenu au dernier palier de la dernière impasse, au flanc même du Tichka. C’est le pays de « la séguia suprême », dont l’escarpement , entaillé dans le granit du vieux massif, vous mène en plein ciel, au pâquis silencieux du Tichka. Six mois de l’année, de novembre à mars, la neige le recouvre. Pendant les longs mois de l’hiver, les troupeaux du haut Seksawa transhument en plaine chez les arabes Ud Bessebâ. Outre le mouton, la richesse de ces vallées est le noyer, dont les feillages odorants, à partir de mai, font de chaque ravine un couloir de verte pénombre, en contraste violent avec les reliefs alentour, dévorés de soleil ou de frimat. 

De ce belvédère le panorama est immense : Taroudant d’un côté, la plaine de Chichaoua de l’autre, la vallée se referme sur mur : le rebord du Tichka. La branche principale de la vallée descend vers le Seksawwa. Ses flancs sont parsemés de peuplement d’ « opuntia » Aknari, toujours ici associé à d’anciens habitats humains. La vallée s’ouvre en creux de plus en plus large sur un « entre-deux-torrents », là commence le pays de Aït H’adduyws. Le moindre des sommets qui l’enserrent, dépassent les 3000 mètres. Au pied du voyageur, le village d’Iguersafen « entre deux rivières » forme comme le centre d’un croissant fertile. La vallée s’épanouit en esplanades plus amples qu’on en rencontrera dans tout les reste du pays Seksawa. Le cirque est vaste. L’habitat monte jusqu’à 1950 m. d’altitude, la plus haute agglomération des Seksawa. Les cultures s’échelonnent de part et d’autre d’une rue de noyers. Au centre une coupole, celle d’un saint éponyme, ce Haddou Ou Youssef dont descendrait la taqbilt. Youssef serait le propre fils d’Ibn Tachfine l’almoravie. Belle invraisemblance qui camoufle l’histoire Almohade de cette partie de la montagne. 

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 A propos de la poésie chorale comme document, Jacques Berque écrit : 

Peut-être qu’à tout prendre, telles images, tels chants descendent plus profond qu’une étude bien déduite dans l’intimité des êtres et des choses. Toute cette réalité de l’atlas nous arrive en effet précédée, et peut-être soutenu de chants. D’où l’intérêt de rétablir le fond sonore si puissant de cette vie. Certes, chez les Seksawa, nous sommes dans le domaine chleuh, et la langue, la facture comme l’inspiration répètent ce qu’à travers Justinard nous entrevoyons de ce lyrisme à la fois étroit et délivré. Un souffle anthologique et familier y règne, exhalant un mince cri de cigale. Mais parfois quelque chose de plus fort y passe : l’accent d’une vieille culture communautaire, lente à mourir.haut-atlas,musique

Ici , c’est plutôt l’âcreté et la ruse qui s’expriment et une conscience qui ne cille jamais, malicieuse ou virulente dans l’épigramme, équivoque dans l’éloge, toujours en éveil. Le chœur est le journaliste de cette société. Mais comment arrive-t-il qu’une matière aussi sèche se transforme en soudaine alchimie de fraîcheur ? Ce peuple compliqué et charmant rejette toute irresponsabilité,, fût-elle celle de l’aède, et maintient à la réalité amère une fidélité maligne dont le miracle est qu’elle sache devenir chant.

haut-atlas,musique Cette poésie a ses inspirés, qui combinent la transe lyrique avec la précision du publiciste. Elle est, selon une expression familière, « la science des tripes »,’Ilm l-krucha. Une hiérarchie règne entre les poètes, les Ined’d’amen, selon leur plus ou moins de bonheur à improviser des sentences et équilibrer des rythmes. Certains privilégiés ont du vates l’aptitude mystérieuse à sentir les choses cachées, prévoir l’avenir. A un degré inférieur, le simple choryphée, rraïs, maître de la danse, animateur du jeu, l’inventeur de phrases dont quelques – unes deviendront célèbres. Plus bas encore, l’improvisateur de circonstance dont la voix propose au chœur un thème que tout l’ensemble reprendra. C’est là le genre dit de l’amarg . Une grande place dans cette poésie est occupée par l’actualité, sous forme de satire ou de panégyrique, tazzrart, plur. Tizrarin. Une affabulation peut intervenir, et c’est alors la légende romancée, ou le conte, lqiççt. 

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     Dans ce dernier cas, on est arrivé à la récitation, ou plutôt à la psalmodie individuelle. Mais la plupart du temps, la figure et l’organe de cette poésie restent collectifs. C’est l’ah’wch, qui est avant tout une danse communale. Intensifier la vie du groupe, l’associer par le rythme à quelque circonstance importante, frairie, alliance, mariage etc., tel est son but, son occasion. Ce caractère social, laïc et courtois, , l’oppose par exemple aux danses extatiques de certaines confréries. Mais les gestes y sont les mêmes, et aussi l’exaltation qu’ils provoquent. Malgré un point de départ différent, une certaine compénétration de ces deux ordres de manifestations s’entrevoit.  

Essentiellement l’ah’wach, consiste en un mouvement d’ensemble des hommes en ligne, accompagnés de dandinement rythmé d’avant en arrière, de pas simples et de battement de paumes. Un récitatif alterne avec le bruit incroyablement sec et nerveux de ces mains et de ces pieds. 

Dans une forme plus riche, l’assga, il y a échange de dicts et de répons entre deux demi – chœurs d’hommes et de femmes. Car évidemment les femmes sont de la fête. Elles ne sont jamais absente de quoi que ce soit de cette vie municipale. Le blanc des jupes, le rouge des foulards et des ceintures, les frontons des pièces d’argent cliquetantes sur visages et poitrines animent la pénombre verte de l’asaïs, sous les gigantesques noyers. 

Enfin dans plusieurs cantons d’un quadrilatère très défini : a.Châib  et a.Bkhey, en Damsira, a.H’adduyws en Seksawa, gens de l’aghbar en haut Gedmiwa, la danse par excellence prend une forme particulière. C’est une pyrrhique, dite des tiskiwin, c'est-à-dire, si l’on veut, « des cornes à poudre », ou, plus subtilement, comme le veulent quelques uns, une danse du bélier, à souvenir rituel.Abdelkader Mana

17:05 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : haut-atlas, musique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

12/10/2011

L’être et le néant

En hommage à Mustapha Salamat qui vient de nous quitter

poèsie

Au milieu Mustapha Salamat décédé ce lundi 3 octobre 2011

L’amour qui est un beau prétexte pour venir au monde 

ne le serait-il pas pour le quitter ?

Poème de Moubarek Erraji, 

Et brusquement, j’interpelle mon corps, (mon moi)…

Pouvons - nous oublier notre petite expérience d'ici-bas ?

J’ai maintes fois retourné la question,

Des amertumes, des futilités et de l’absurdité de la vie

De ses rêves, de ses femmes et de ses blessures d’amour

J’ai maintes fois parcouru les continents

Semelles ensanglantées, l’azure me filant d’entre les doigts

 

Et brusquement, j’interpelle mon corps, (mon moi)…

Pouvons - nous oublier notre petite expérience d'ici-bas ?

Allons-nous ajouter à la poussière une autre triste poignée de sable ?

Que feront de nous les massons ?

Ecouterons - nous siffler le sinistre hululement au dessus de nos crânes ?

Le vent nous dispersera avant même notre métamorphose et notre disparition 

 

Allons –nous demander au vent de nous déposer là

Pour que nous puissions à nouveau marcher

Boire notre dernière tasse de café

Caresser la chevelure d'une femme qui passait par là

S’enivrer de ses idées sur l’amour, voir par la lucarne de ses rêves

La tête enveloppé de la nuit et du vent

Comment pouvons-nous lui chuchoter la langue des langues

Lui insufler notre alliage enflammé ?...

 Allons-nous ajouter à la terre, une autre triste poignée de sable 

D’où surgirait cet arbre où ne s’arrêterait aucun oiseau migrateur

Dans sa folle course à travers les continents?

Un arbre juste né pour les flammes…

poèsie

Abdellah Oulamine  

Comment ô mon corps as-tu poussé ton premier cri de vie  

Après l’improbable fécondation spermatozoïdale  

Alors que mon père était dans les nus 

Et que ma mère emportait les tempêtes d’une main à l’autre ? 

D’une flèche d’amour la vie a surgi 

D’une cellule l’autre,d’un fourmillement de nerfs, l’autre 

Tandis que mon père et  ma mère ont fermé leurs yeux 

J’ai ouvert les miens au fond des entrailles

poèsie

  Abdellah Oulamine 

Comment, ô mon corps nous sommes parvenus 

A toucher leur rêve fuyant comme la nuit touche aux étoiles ? 

Nous étions incapable d’expliquer tout cela à notre merveilleuse mère 

Même s’il nous arrivait de sonner le glas de l’univers 

A l’intérieur même de ses entrailles 

Et il arrivait que notre mère attribue toute cette agitation 

Aux rêves vibrants, aux signes obscures 

Annonciateurs de notre désir de naître prématurément 

Pour jouer aux bulles de savons 

En papotant de joie dans un bain de mousse 

Comment avec le cri primordial 

Nous sommes parvenus à jeter nos souvenirs en dehors de son utérus ? 

Nous nous souvenons de rien.

poèsie

Abdellah Oulamine 

Y -  aurait- il en l’air un principe d’oubli ou une goutte d’eau issue du fleuve de Platon ? 

Y – aurait – il face à chaque syllabe que nous apprenons, une autre qui n’aurait pas lieu d’être ? 

Es – ce le premier exile de l’être ? 

Es – ce en naissant, nous mourrons en même temps ?  

En cette nuit mon père était nuageux 

Tandis que ma mère transportait les tempêtes d’une main à l’autre 

D’un fourmillement de nerfs à l’autre 

De l’arc d’un œil amoureux, ils ont décoché la première flèche de vie 

L’amour qui est un beau prétexte pour venir ne le serait-il pas pour partir ?  

Parmi toutes ces improbables fécondations spermatozoïdales

Comment ô mon corps as-tu pu surgir à la vie?  

poèsieLe sperme infécond nous demande :  

- Vos pas étaient – ils prêts pour l’éclair ? Nous sommes revenus au néant parce que nous avons compris l’inutilité de la compétition.  

- Sperme, première gouttelette du genre humain, es – ce que le désespoir ne vous a pas encore saisi ?  

- Parfois le désespoir nous atteint quand le cri de vie se métamorphose en cri des morts. Il arrive que le cheikh Al Maârra Al Naâman , se transforme en minaret d’ascèse. Quand les autres, sur cette terre, ne veulent pas comprendre que l’amour qui est une raison suffisante pour venir pourquoi ne le serait-il pas pour partir ?  

Il n’est pas aisé ô mon corps, que le soleil à travers son signe lumineux dise à l’univers :  

-  Vous êtes plus beaux que les anges parce qu'ils n’ont pas expérimenté la douleur. Vos pas sont plus beaux que mes rayons .Alors que vous êtes tous jeunes,vos questions,  m’incitent à vous attirer vers moi, s’il n’y avait toutes ces éternelles chaînes d’or qui me retiennent là haut, s’il n’y avait cet empressement de la nuit à succéder à mes jours.L’amour est une raison merveilleuse pour venir et pourquoi ne le serait-il pas pour partir ?  Là où la délectation de l’inconnu ne reconnaît qu’elle-même et ne s’avoue que pour les questionnements brûlants et éternels

Traduit de l’arabe par Abdelkader Mana

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Florilège

Florilège poétique de Moubarak Erraji

poèsie

L'apocalypse d'après Roman Lazarev  

L’épître des anges

Dans son épître des anges, al-maârri, fait s’asseoir la mort au cercle de ses disciples et l’interroge ainsi au sujet de la langue :

- Connais-tu , l’étymologie de ton propre nom ô ange de la mort ?

-  Non.

- Prends alors une plume de tes ailes et écris.. 

Or combien est difficile de s’envoler vers les cîmes quand vient à manquer à nos ailes, ne serais-ce qu’une plume. Et combien est difficile d’atteindre les sommets éthérés où réside l’âme d’al-maârri quand vient à manquer à nos ailes ne serait-ce qu’une plume ! Ange de la mort ! Quel moment solennel que celui que tu vis maintenant en présence d’al-maârri ! N’alourdis pas de chaînes ses frêles épaules, si ton désir est de l’accompagner aux stratosphères où ses yeux d’aveugle se sont accoutumés aux lumières éclatantess.

 

L’ancre trempée au frisson de la mort

poèsie

 Ciel étrange de Roman Lazaev

Est – ce un linceul noir que cette page qui m’attire vers des abysses insondables ?

Vers des berceaux indécis et sans fond ?

Est-ce le balbutiement d’un nouveau-né conçu par de multiples utérus ?

Est-ce le déferlement de mots en chute libre au milieu de la nuit étoilée ?

Que dirons – nous à chaque vertige à l’ancre trempée au frisson de la mort ?

Attendrons-nous l’expiration des saisons des deuils

et des baisés fatals des araignées amoureuses

ou la brûlure sadique du soleil des profondeurs ?

 

Montes et joue là-haut ; là où toutes les directions ne mènent nulle part

Rejoins l’espace d’amour où se déploie la lettre « Alif »

Montes et joue là-haut ; là où toutes les directions ne mènent nulle part

Ne reviens qu’une fois tes pieds calleux soient trempées aux pierres et dans la boue

Je te veux ardent faisant pleuvoir de tes propres mains la nuit étoilée

 

Montes et joue là-haut ; là où toutes les directions ne mènent nulle part

Rejoins l’espace d’amour où se déploie la lettre « Alif »

Là où se déploie le questionnement d’une bande d’enfants

Ivres d’amphores de vin des tempêtes,

là où le vent rejettera ta lassitude au milieu de la nuit

Tu mourras le jour où tu n’imagineras plus

Tu t’effriteras et tu te décomposera le jour où tu auras trahi le poème

Tu ne feras plus partie des éléments ardents et de leur flamme

La caresse de la mort profonde te privera à jamais de l’érotisation vitale

Et à l’émerveillement succédera le ronronnement des répétitions routinières 

 

La non – dualité

poèsie

Ouverture des cieux la nuit du destin, Roman Lazarev 

De l’erreur et de la certitude,

Que fera l’enfant ?

Le vent répond avec éclat :

Un serf volant.

 

Bouquet

poèsie

J’ai vu la vie dans tes yeux cueillir la mort

Avec l’élégance d’un ciseau de jardinier

Qui vivait auparavant aux jardins de l’Eden et de la géhenne   

J’ai vu la vie dans tes yeux cueillir la mort

En dixième fleur du bouquet que tu porte

J’ai écouté ton corps gémir de beauté

Sur un lit en air

 

Une femme

poèsie

Peinture Roman Lazarev

La terre ferme entière, je la présume en ton poids d’éther

En tes doigts à la beauté éternelle trempés dans l’océan

 Traduit de l’arabe par Abdelkader Mana

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Rachid est parti et nous a laissé les pleurs!

Ce matin le jeune Rachid est parti et nous a laissé les pleurs!

Cher Rachid,

 Ne voyant pas le bout du tunnel, tu as pris ton dernier café en disant : Aujourd'hui sera mon dernier jour ! Tu es monté au ciel à la fleur de l'âge! Tu t'es dit : "Si votre Maroc peut s'offrir le TGV, en m'interdisant le droit de travailler et de vivre, alors  je vous laisse votre Maroc!Ce Maroc où les enfants de familles démunies comme la mienne, n'ont pas leur place!" La mort te semblait plus salutaire qu'une entrée dans la vie différée indéfiniment, plus supportable que l'humiliation d'être considéré moins que rien.La mort plutôt qu'une vie indigne.Il y a longtemps déjà qu'on avait prédit que les enfants né comme toi dans les années 1980 auront du mal à trouver un emploi, une place digne d'un être humain vivant en société...Ta disparition noircit le présent et insulte l'avenir.

Que signifie pour nous tous la disparition brutale d'un jeune comme toi, si non qu'ici, la vie ne vaut plus la peine d'être vécue. Qu'un jeune s'immole au feu en Tunisie ou se mette une corde au cou à Casablanca, voilà l'intolérable scandale. Un retantissant échec des modèles clientélistes de développement d'après les indépendances maghrébines, une retentissante protestation contre l'indifférence, la mort lente? L'echec flagrant de ceux des classes dirigeantes qui n'ont de compte à rendre à aucun électorat et qui ne concoctent l'avenir que pour leur propre progéniture en oubliant tous les autres..Leurs enfants à eux sont promis ministre et directeurs de ceci et de cela alors qu'ils ont à peine le bac en poche et les notre doivent végéter dans les marges de l'exclusion leur vie durant. Et nous devons faire semblant de ne rien voir , de ne rien comprendre, "pratiquer l'oeil de Mika"(de plastique) comme dit le peuple.

A qui appartient le Maroc? Certainement pas à nos enfants qui se font tuer ainsi. Mais certainement aux leurs qui sont nommés ministre de génération en  génération depuis plusieurs siècles déjà, certaines familles dominent le pays sans discontinuer depuis l'expulsion des morisques et la fondation de Fès...L'absence flagrante de l'esprit civic et de l'intérêt général: les dotations de fiefs féodales qu'on est en train de partager en catimini entre la nomenclatura du makhzen en invitant le peuple à la dernière minute de la sanctionner par un amen des béni oui-oui pour que les mêmes privillèges perdurent pour la même classe des privillègiés et les mêmes familles...Le drame qui se joue tout autour indiffère à ceux qui roulent sur de l'or...

Rachid, j’ai appris ce matin que tu t’es donné la mort sans prévenir personne parce que tu as fini par comprendre que dans notre pays les jeux sont pipés, faussés d'avance.Que les institutions sont faites d'une telle manière qu'un fils de berbère comme toi n'y a pas sa place. Le match est vendu comme on dit: l'affaire et cuite et recuite, c'est entendu...Le butin est déjà partagé entre corsaires de haut  vol.C'est entendu.On ne nous laisse qu'un choix: se taire ou applaudir.Mais après ta mort "jamais plus!" comme dirait le poète.

Levez vous, aveugle!Levez vous paralytiques! S'était écrié Jésus au milieu de la plage déserte de Bhay Bah. Atendrez vous qu'on vous tue ainsi de mort lente les uns après les autres?.Ton drame n'est ni isolé, ni d'ordre purement privé : c'est le drame de toute une génération de tout un pays qui vit dans le mensonge et la complicité du silence depuis des lustres.C'est le mépris de la nomenclatura dominante pour le bon sens et l'intelligence de ce peuple - qui s'abstient à 80% et dont on confisque à chaque fois la volanté en proclamant qu'il approuve à 100%. Une classe dominante héritière du protectorat qui considère les marocains comme un peuple de moutons écervelé qui ne mérite ni égard pour sa dignité ni respect pour  ses droits et ses aspirations, un peuple incapable d'apporter la moindre contradiction à ses seigneurs...et dont l'opinion compte pour du beurre.Se taire maintenant serait te trahir mon cher Rachid.Ce serait mentir à ce beau pays que nous aimons tellement moi et toi mon cher Rachid.Ta mort est en fait la vérité profonde de notre pays, c'est pourquoi il convient de la proclamer face au monde comme ultime libération de la parole contenu jusqu'ici dans le mensonge et le silence.Le silence des morts vivants."Jamais plus!" comme dirait le poète.

Ta mère, ton père t’ont laissé seul à Casablanca et sont parti à Agadir sans toi. Ils sont en train de remonter vers Casablanca mais quand ils seront à la maison, ils la trouveront sans toi : ce matin la police a constaté ton décès par pondaison et les pompiers ont évacué ton jeune corps sans vie vers la morgue. Cela fait longtemps que la société te rejette mais cette fois ci c’en était  trop : tu n’a pu supporter le dédain d'amour.. Très tôt, tu as quitté l’école et vainement tu as cherché du travail. Le seul travail que tu as pu trouvé est celui de chauffeur d’autobus comme ton père. Mais guère pour longtemps. Ta propre famille a fini par te rejeter pare qu’elle pressentait que tu sera un chômeur à charge pour la vie.Et tu réclamait ta part d'amour en vain.Et tu réclamait ta part de dignité humaine dans un monde cruel qui n'a d'égard que pour le succès et l'argent.Or tu as fini par symboliser l'échec ce qui a d'abord conduit à ta mort social avant d'aboutir à la mort tout court.Devrais-je me taire après celà? Jamais plus! comme dirait le poète.

Au début du Ramadan tu m’a abordé pou me dire qu’on t’a abondonné tout seul et sans moyens de subsistance  pour partir sans toi à Agadir. Je n’avais pas mesuré l’étendu du drame humain qui se jouait - là : je n’avais pas compris ta détresse, ton appel au secours parce que j’avais la tête ailleurs.  Et maintenant tu nous quitte à la fleur de l’âge sans préavis…La corde au cou, tu nous laisse un corps sans vie qu’on amène anonymement à une morgue de la grande métropole : tu pars sans adieu, sans tendresse, sans être compris et accompagné dans la mort comme dans la vie . Mais qu’est ce que nous sommes en train de faire de notre jeunesse. ? Jamais plus je ne t'oublierais Rachid comme dirait le poète.

Personne ne s’est jamais occupé de toi Rachid : rejeté par tout le monde tu a fini par te donner la mort. Nous sommes tous responsable de ta mort  Rachid. Une société où n’existe plus les solidarités d'antan et où les laissés pour compte – chômeurs, vieillards, malades – ne trouvent aucune structure d’accueil et surtout d’écoute . La détresse des démunis finit malheureusement par la mort comme le jeune Rachid ce matin. Et j’entends l’appel à la prière et je sanglote de chagrin et de remord  : qu’est ce que j’aurai pu faire pour toi Rachidla ? Ton départ nous accuse tous : c'est une terrible protestation contre l’indifférence d’un pays qui n’offre aucun avenir à sa jeunesse.Peut-on se taire après celà? Jamais plus! comme dirait le poète.

Ton dernier mot Rachid avant de commettre l'irreparable : " Dites à maman de me pardonner infiniment..." Un mère éplorée, meurtrie, impuissante.Après t'avoir ensevelli au glaçant cimetière de la miséricorde, là -même où reposent pour l'eternité mon père et ma mère, on a accompli le cérémoniel du deuil,on a offert le repas du pardon, on a  prié pour apaiser l'âme des vivants et des morts.Te voir partir ainsi si prématurément avant même d'avoir accompli le moindre de tes rêves juvénils et écouter les vivants attribuer ta mort brutale à la seule fatalité plutôt qu'à un système social profondément injuste et inégalitaire, me meurtri, me désole .Après la nouvelle foudroyante, cruelle et injuste de ta mort, "Jamais plus" notre pays ne sera le même comme  dirait le poète..Abdelkader Mana

12:42 Écrit par elhajthami | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook