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10/04/2010

Colloque international à Essaouira

Après avoir été reporté,

le colloque est finalement annulé

Colloque international sur les pèlerinages circulaires à Essaouira

Apprentissages informels liées aux différentes formes de mobilité..

Du  jeudi  8  au samedi 10 avril 2010, à l'occasion du passage des pèlerins-tourneurs du printemps par Essaouira, la ville abritera un colloque international sur les pèlerinages circulaires en Méditerranée et au travers le monde..

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Le tensift serpentant au pays Chiadma

Nous venons de recevoir la confirmation de la participation de l'Université Paris 8 à ce colloque par le professeur Rémi Hess, directeur du Laboratoire Expérience : " Concernant la participation de Paris 8, je voudrais vous suggérer d'associer le Laboratoire Experice de l'Université de Paris 8, dont je suis le directeur. C'est dans ce laboratoire que travaillait Georges Lapassade.Quand vous l'avez contacté directement, le Président Binczak m'avait demandé de représenter Paris 8 dans votre manifestation.De plus, notre équipe de recherche s'intéresse plus particulièrement aux apprentissages informels liées aux différentes formes de mobilité...Si vous en êtes d'accord, j'informerai le Président Binczak de cette association." Remi Hess.
On s'attend aussi au parrainage de l'UNESCO et à une exposition d'ouvrages sur les pèlerinage par la bibliothèque de la Fondation Al Saoud pour les sciences humaines au Maghreb.

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"La fiancée de l'eau et les gens de la caerne" de Hamza Fakir

Qui exposera sur le thème du pèlerinage lors du colloque

Le collectionneur Raïs vient de nous confirmer sa participation au colloque par l'exposition de tous les œuvres de Boujamaâ Lakhdar. .Une exposition qui s'inscrit tout à fait dans l'esprit du colloque qui rendra hommage à son ami Georges Lapassade.  Il est à remarquer aussi que juste avant son décès , Boujamaâ Lakhdar avait réalisé un court métrage sur le printemps des Regraga dont il me souvient une magnifique prise de vue bleuté, où on voit s'éloigner une carriole au guet de l'oued Tensift..Il avait également publié au "Message de la Nation", un article introuvable intitulé : "le printemps des Regraga"..C'était juste avant sa participation à l'exposition universelle "Les magiciens de la terre" organisée alors par le Centre Beaubourg au quelle Boujamaâ Lakhdar était le seul participant marocain juste avant sa disparition en 1989...Parmi les autres activités parallèles, il est prévu deux expositions photographique sur le thème "Le printemps des Regraga" , l'une due à Manoel Penicaud , auteur de "Dans la peau d'un autre" éd. La Renaissance, et l'autre à Frederic Damgaard, le galeriste et critique d'art, ami de la Taïfa d'Akermoud qu'il avait pris l'habitude d'accompagner pendant de nombreuses années et qu'il accueillait chaque printemps à son Riad de derb Laâlouj, à chaque passage printanier des Regraga par la ville.

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Arrivée des Regraga à Essaouira au premier jeudi du mois d'avril
La ville d’Essaouira bâtie entre l’eau et le sable en 1764 est plus récente que le village de Diabet situé au Sud, puisque vers 1630 Rasilly écrit à Richelieu pour lui signaler la baie de Mogador et lui conseiller de commercer avec les gens de Diabet. Par conséquent, Sidi Mogdoul (le Regragui)était le saint patron de Diabet avant de devenir celui d’Essaouira.

Ce pèlerinage est probablement d’origine médiévale – du début de l’islamisation ou même avant – on peut donc supposer que dans la tradition, les étapes de Moula Dourein et Diabet en constituent la forme originelle. La halte que font les Regraga à Essaouira est intéressante mais elle n’est pas enracinée dans le vieux parcours agraire du daour. D’où le caractère récréatif et récent de l’escale où l’on n’offre pas de présents contrairement à ce qui se fait à Diabet, le vieux village de Sidi Mogdoul.

Ce colloque aura lieu au début du mois d’avril 2010, au moment du passage du daour (pèlerinage circulaire) des Regraga par la ville d’Essaouira. Il sera l’occasion d’analyses comparatives entre les différents pèlerinages circulaires et/ou aux sept saints en Méditerranée et ailleurs à travers le monde. Pèlerinage aux Sept Dormants d’Ephèse, aux Sept Evêques de Bretagne, aux Sept Saints Regraga, aux Sabaâtou Rijal de Marrakech, circuit de la kula Trobriandaise étudié par Bronislaw Malinowski dans son célèbre ouvrage sur « les Argonautes du pacifique occidental ».

Problématique :

Il s’agira, selon notre ami Jean François Clément, d’en comprendre

la signification et la dimension humaine universelles,

en répondant à des interrogations comme celles-ci :

Pour quelles raisons a-t-on imaginé de créer de tels pèlerinages
plutôt que des pèlerinages à centres uniques imposant seulement un
aller et un retour, le plus souvent par le même chemin ou un chemin
parallèle comme c'est le cas pour le pèlerinage de Saint-Jacques ? Un
pèlerinage "circulaire" est, à l'inverse, celui qui cherche à relier
un grand nombre de points composant le "cercle".  S'agit-il, pour ce
qui est du pèlerin, de se sacraliser le plus possible (ou de sacraliser chacun de ces points) ? S'agit-il seulement de créer un espace social, un territoire ? De quelle nature est ce territoire par rapport à un terrain seulement profane ? S'agit-il d'intégrer des espaces sauvages ou isolés, que fréquentent préférentiellement les anachorètes,  à des espaces civilisés, voire urbanisés afin de dépasser l'opposition ‘umran badawî et ‘umran hadarî ? Quelle est la relation de ces cercles constitutifs d'organisations humaines avec les pouvoirs politiques ? Est-ce que tous les points du "cercle" de déplacement sont identiques entre eux ? Pourquoi certains points portent-ils le nom de ribât'-s (Kûz, déjà célèbre à l'époque romaine jusqu'en Égypte) et pas les autres ? Certains points reçoivent-ils plutôt des pèlerins femmes, des soufis, etc. ? Se rend-t-on à ces points en silence alors qu'on va à d'autres en chantant ? En quels points des miracles, et de quelle nature, se produisent-ils ? Le but n'est-il pas d'intégrer des saints récents (par exemple musulmans)à des lieux où la sacralité remonte à l'Antiquité (comme ribât' Sidi Châkir) et sont donc bien antérieurs à l'islam. L'unification est-elle dans ce cas unification de l'espace (face aux çanhaja-s ou aux Dukkala-s pour ce qui est des Ragraga) ou unification de temps hétérogènes comme ce que font les Regraga qui ne se déplacent pas dans l'espace comme on pourrait le croire naïvement, mais dans des temps divers de l'histoire marocaine ? Comment meurent de tels pèlerinages ? Donnent-ils seulement naissance, en disparaissant,à des zawiyya-s ?

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La légende des sept saints s’inscrit dans une vielle tradition méditerranéenne dont la source serait celle des Sept Dormants d’Ephèse en Turquie comme le soulignait en 1957 Louis Massignon :

« En Islam, il s’agit avant tout de « vivre » la sourate XVIII du Qora’n, qui lie les VII dormants à Elie (khadir), maître de la direction spirituelle - et la résurrection des corps dont ils sont les hérauts, avant coureur du Mehdi, au seuil du jugement, avec la transfiguration des âmes, dont les règles de vie érémitiques issues d’Elie sont la clé. Ce culte a donc persisté en Islam, à la fois chez les Chiites et les Sunnites mystiques. »

 

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a r g u m e n t a i re

En hébreux, un mot d’origine sémitique très ancienne, hag , signifie « faire un cercle, tourner, danser en rond ». par extension il a désigné « la fête » en référence aux trois fêtes juives : les « Semaines », les « Azymes » et les «Tentes », célébrés à Jérusalem Le terme hébreux hag peut être rapprocher de l’arabe hadj (ou hajj), dont la racine veut également dire « faire le tour », « marcher en rond ». il est utilisé par l’Islam pour signifier la démarche autour de la ka’âba, et s’applique par extension, au pèlerinage que font aujourd’hui les musulmans à la Mecque.

Dans l’antiquité romaine, le verbe peregrinare , « voyager à l’étranger » a besoin d’être compléter par l’expression ad sacra , « vers les lieux sacrés » ; pour signifier : « faire pèlerinage ». Au Moyen Âge la plupart des déplacements avaient pour but un lieu saint : peregrinus désignait le voyageur et le pèlerins, et s’appliquait dès le IX è siècle au voyageur religieux se rendant vers quelque sanctuaire. On part en pèlerinage, on effectue un trajet, on marche vers un lieu saint, on en revient ressourcé, dans la conviction que la vie entière est une marche dans un pays étranger où nous sommes entrés par la naissance et que nous quittons par la mort. Nous sommes des passagers étrangers à la terre que nous parcourons avant d’arriver au ciel, notre véritable patrie. Nous sommes pour un moment en marche vers le sanctuaire final qui nous attend après la vie. Le pèlerinage en est le ressourcement, le réconfort, , le rappel, il nous remet en route pour un temps avant la fin des temps.

En français, les mots « pèlerin » et « pèlerinage », viennent du latin peregrinus qui nous revoie soit à per-ager, c'est-à-dire « à travers champs », soit à per-eger , c'est-à-dire « qui va par mont et par vaux ». Les Romains utilisaient le terme hospes , le citoyen auquel une convention garantissait les droits d’amitié et d’hospitalité. Le mot hôte qui vient de hospitem , désigne en même temps la personne qui la reçoit. Or il n’y a pas de pèlerinage sans hospitalité.

Le pèlerinage est une démarche universelle, présente dans toutes les civilisations. L’étude comparative montre d’un siècle à l’autre, d’une aire culturelle à l’autre, sans oublier les cultes animiste et les religions agraires, que les analogies l’emportent sur les différences. Dans la geste pèlerine, les affinités de symboles et de démarches font irrésistiblement penser à celles que décrivent les récits épiques et les textes poétiques des diverses cultures du monde. Le pèlerinage fonctionne comme une manifestation matérielle d’un itinéraire spirituel. Les pèlerins entament un parcours exceptionnel, qui marque une rupture avec leur vie antérieure et l’ouverture à une nouvelle vie.

Tout circuit de pèlerinage est un phénomène social total. Nous aimerions avoir confirmation de votre éventuelle participation ainsi que l’aspect et l’aire géographique dont traitera votre communication, pour qu’on puisse établir dés maintenant le nom des intervenants, les axes et le programme du colloque.

Ce colloque rendra hommage à Georges Lapassade, auteur “d’un marabout, l’autre”,

à Abdélkébir Khatibi auteur de “Pèlerinage d’un artiste amoureux” et

à Louis Massignon auteur du pèlerinage islamo-chrétien.

Fait à Essaouira, le vendredi 4 septembre 2009

Abdelkader M A N A

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En Bretagne, Massignon notait :

« En Bretagne spécialement, le nombre des Sept Dormants raviva

une très ancienne dévotion celtique au septénaire,

seul nombre virginal dans la décade (Pythagore), chiffre archétypique du serment.

On est tenté de penser que c’est une dévotion locale aux sept d’Ephèse,

qui a précédé et provoqué les cultes locaux aux VII saints en Bretagne. »

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la procession printanière

Dans son « Mounqîd min adhalâl » Al Ghazâlî déclarait à ce propos:

« En tout temps il existe des hommes qui tendent à Dieu, et que Dieu n’en sèvrera pas le monde, car ils sont les piquets de la tente terrestre ; car c’est leur bénédiction qui attire la miséricorde divine sur les peuples de la terre. Et le Prophète l’a dit : c’est grâce à eux qu’il pleut, grâce à eux que l’on récolte, eux, les saints, dont ont été les Sept Dormants ».

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Dans la circonférence d’un cercle, le commencement et la fin se confondent.

Héraclite

On appelle daour le pèlerinage circulaire des Regraga.Le terme « Daour »

est ambivalent et à double sens:

Tantôt on l’utilise pour désigner l’ensemble du pèlerinage circulaire :

ça a la même connotation que l’expression française :

« Faire un tour »,tantôt on l’utilise pour désigner chacune des étapes à « tour de rôle ».

Le Daour, rite agraire accompli en vue d’obtenir une grande abondance de produits est aussi accompagné de vastes échanges intertribaux. La Kula qui se déroule dans le pacifique occidental est également une forme d’échange intertribal de grande envergure. Malinowski l’a étudié en particulier chez les Trobriandais. Les Regraga comme les Trobriands organisent un vaste circuit qui n’est au fond qu’un « potlatch intertribal », mi-cérémonial, mi-commercial. Ces deux institutions – le Daour et la Kula – se développent sur un fond de mythes et de rites magiques et unifient symboliquement une vaste étendue géographique.

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D’emblée on est plongé dans la symbolique mystique des nombres ; c’est un pèlerinage circulaire effectué par treize zaouia, descendants ou affiliés des sept saints qui se déroule en quarante quatre étapes et trente huit jours. Voilà donc qui nous fait penser aux sept Dormants d’Ephèse, aux treize épées d’or, aux quarante jours du déluge et aux quarante saints cachés apotropaïques qui se relaient pour supporter mystiquement le fardeau du monde.

Actuellement la mythologie recouvre l’histoire, comme le culte des saints recouvre l’Islam des premiers khalifes et de leurs émissaires, les moines – guerriers. Mais dans la mesure où les mythes sont au fondement des rites, ils sont aussi vrais parce qu’ils vivent dans la conscience des hommes et structurent leur action. « Le témoignage le plus sûr d’un discours, écrit J. Berque, c’est celui qu’il tient sur lui-même. »

 

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La khaïma – tente sacrée – est l’emblème de la partie est ; la taïfa, le groupe d’Akermoud avec son « aroussa » en est le pendant à l’ouest. La khaïma est rouge, la taïfa est blanche. Ce sont les deux symboles sacrés du périple. La jument et le chameau sont opposés dans le daour mais complémentaires dans les labours : on dit qu’ils forment le meilleurs attelage du printemps. Ils sont aussi dans leur opposition et leur complémentarité, l’attelage fantastique du daour.Laroussa arrose et la khaïma féconde. Laroussa intervient contre la sécheresse et la khaïma contre la stérilité. C’est l’opposition entre la fincée de l’eau et la grotte des sept Dormants dont le réveille féconde le printemps .

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À propos de ces prosélytes Regraga, hommes de Dieu, faiseurs de pluie

Jacques Berque note que dans le Sud marocain,

”les Regraga font « la soudure », si j’ose dire, entre deux cycles prophétiques :

celui de Jésus et celui de Mahomet. Disciples du premier, Hawâriyyûn,

ils sont comme les baptistes du second,

qu’ils annoncent, et qu’ils vont trouver dès le début de sa mission.

Leur personnalité oscille entre une qualification confrérique

et une qualification ethnique. »

11:20 Écrit par elhajthami dans Colloque | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : colloque, pèlerinages, regraga | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

27/03/2010

Printemps 2010

Le printemps des Regraga 2010

Du jeudi 18 mars au dimanche 25 avril 2010

Le pèlerinage circulaire (Daour) se déroule en 44 étapes et 39 jours

Cette année bisextille de 2010 - on dit "laâm M'kabbès" - le pèlerinage circulaire des Regraga est avancé de deux jours: le sacrifice des trois taureaux n'aura pas lieu le 21 mars , jour de l'equinox du printemps comme d'habitude, mais le vendredi 19 mars 2010. La journée d'avant, soit le jeudi 18 mars est consacrée au départ de la taïfa d'Akermoud vers la clé du daour où se déroule la journée commerçante - la "Safia"- qui prépare le daour proprement dit qui s'ouvre par le sacrifice de trois taureaux à Sidi Ali Bou Ali, au bord de la saline Zima, la mi-journée du vendredi 19 mars 2010.

Les étapes du pèlerinage circulaire jour par jour

Les étapes du Daour se déroulent successivement de la manière suivante :

1. Jeudi 18 mars 2010, départ d'Akermoud

2. Vendredi 19 mars Sidi Ali Ben Bou Ali,

3. Samedi 20 mars Sidi Allal Krati

4. Dimanche 21 mars Sidi Abdeljalil à Tlamest.

5. Lundi 22 mars Sidi Bou Brahim- Sidi Abdellah Ben Saleh

6. Mardi 23 mars S. H.B.Hmaïda - Sidi Aïssa Bou Khabiya

7. Mercredi 24 mars Sidi Ben Kacem (Khémis Oulad El Haj)

8. Jeudi 25 mars Sidi Hsein Moul l'bab (zaouia Retnana)

9. Vendredi 26 mars Sidi Ishaq

10. Samedi 27 mars Sidi Mansour - Sidi Massaoud

11. Dimanche 28 mars Sidi Saleh Ahl Akermoud

12. Lundi 29 mars S. Boubker Ashemas, S. Abdellah Ou Ahmad

13. Mardi 30 mars S. Boubker Ashemas, S. Abdellah Ou Ahmad

14. Mercredi 31 mars S. Boubker Ashemas, S. Abdellah Ou Ahmad

15. Jeudi 1er avril Sidi Bou Zerktoun - Sidi Mogdoul

16. Vendredi 2 avril Sidi Mogdoul

17. Samedi 3 avril Setta Ou Settin - Sidi Yakoub

18. Dimanche 4 avril Sidi Wasmine

19. Lundi 5 avril Lalla Taourirt

20. Mardi 6 avril Sidi Boulamane

21. Mercredi 7 avril Sidi Yala

22. Jeudi 8 avril Sidi Aïssa Moul Louted ou « Moul L'aâhad »

23. Vendredi 9 avril Sidi Bou Laâlam- Sidi Hammou H'sein

24. Samedi 10 avril Zaouia Ahl Marzoug

25. Dimanche 11 avril Lalla Beit Allah - Zaouit Sakyat

26. Lundi 12 avril M'tafi L'haouf

27. Mardi 13 avril S. Abdellah Amzil- S. Ahmar Chantouf(Zaouit Tikten)

28. Mercredi 14 avril Sidi Massaoud Ahwir (Mrameur)

29. Jeudi 15 avril S.Abdellah Moul L'ghiran- S.Abdennaïm

30. Vendredi 16 avril Tafetacht

31. Samedi 17 avril S. Larbi Berkhil - S. M'hamed Ben Brahim

32. Dimanche 18 avril Sidi saïd Sabek

33. Lundi 19 avril Lalla R'qiya Agouidir - Sidi Ali L'kouch

34. Mardi 20 avril Sidi Abdellah Ben Saïd

35. Mercredi 21 avril Sidi Abdellah Ben saïd

36. Jeudi 22 avril Sidi Moussa - Sidi Abdellah Ben Wasmine

37. Vendredi 23 avril Sidi abdellah Ben Wasmine

38. Samedi 24 avril Sidi Ali M'aâchou(Had Dra).

39. Dimanche 25 avril 2010: Sidi Ali M'aâchou (Had Dra) , clôture du Daour.

Abdelkader MANA

11:12 Écrit par elhajthami dans Regraga | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : regraga, pèlerinages | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

20/01/2010

Sociétés sans horloge


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Sociétés sans horloge

 

 

 

 

Dans la circonférence d’un cercle,

le commencement et la fin se confondent.

Héraclite


Il faut considérer comme un propos épistémologique important,cette réflexion que m’a faite un pèlerin :

« Ne te limite pas à étudierles marabouts, leurs origines,leur    histoire, regarde, l’essentiel est ailleurs ! »

PICT0002.JPGLe Daour, rite agraire accompli en vue d’obtenir une grande abondance de produits est aussi accompagné de vastes échanges intertribaux.La Kula qui se déroule dans le pacifique occidental est également une forme d’échange intertribal de grande envergure. Malinowski l’a étudié en particulier chez les Trobriandais. Les Regraga comme les Trobriands organisent un vaste circuit qui n’est au fond qu’un « potlatch intertribal », mi-cérémonial, mi-commercial. Ces deux institutions – le Daour et la Kula – se développent sur un fond de mythes et de rites magiques et unifient symboliquement une vaste étendue géographique.

C’est le rituel magique qui rend possible la synchronisation spatio-temporelle de ces vastes échanges intertribaux, comme le note Malinowski :

« La magie procure une sorte de guide tutélaire naturel en introduisant ordre et méthode dans les diverses activités. Elle contribue avec le cérémonial qui en est inséparable, à assurer le concours de tous les membres de la communauté et régler le travail d’équipe ».

Le temps n’est pas quelconque, il est agraire. Ce n’est pas le temps industriel quantifié par des « horloges » mais celui d’un calendrier solaire pour les Regraga, lunaire pour les Trobriandais. L’auteur qui a participé au Daour, en 1984, compare ici cette institution à la Kula étudiée par Malinowski au début du XXesiècle.


LA PÉRIODICITÉ DU DAOUR

 

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Au sommet de la montagne nos regards embrassent le ruban côtier, cet immense miroir plein de fraîcheur océanique. Papillons gris-jaunes, senteur de thuya et de thym, répliques multimélodiques d’oiseaux invisibles, tout contribue à rafraîchir la montagne et à nous mettre à la portée de cet enchantement sans nom qu’est la poésie. N’est-il pas vrai que la poésie est la source de toute quête sacrée ? Sans la flamme de la poésie, tout rituel est une coquille vide, une quête sans objet.

« Les onze mois de péchés sont purifiés par le mois du daour », affirme un fellah-théologien.

Le feu du soleil nous communique son ardeur. L’espace mythique parcouru à pied et à dos-d’âne est intensément vécu, arpent par arpent, jusqu’à l’épuisement du corps. La vitesse des villes engendre le stress, le déhanchement des chameaux nomme chaque arbre et chaque pierre.

Tout seul, j’aurais vite abandonné, mais entraîné par l’endurance des pèlerins-tourneurs, j’apprends dans le sillage des chameaux, ce que signifie aller au-delà des limites assignées par la vie sédentaire.

La sédentarité engourdit les os et sclérose l’esprit. Je jalouse ces nomades qui ont l’âge de la vieillesse et l’agilité des chèvres. Ce n’est pas seulement le temps qui produit la vieillesse, mais aussi la vie urbaine.


LA SACRALITÉ DE L’ESPACE

 

 

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Le voyageur qui traverse la route qui relie Essaouira à Casablanca a essentiellement une perception verticale des plaines côtières dans le sens sud/nord. Les fellahs en ont une parception horizontale dans le sens est/ouest. Cette perception est imposée d’abord par le mouvement du soleil. Elle est ensuite imposée par la position centrale du Djebel Hadid, montagne sacrée et centre de rayonnement des Regraga qui coupe le territoire des Chiadma en deux parties :

À l’ouest le « Sahel » ce ruban côtier qui n’est qu’un « immense miroir », à l’est le territoire qu’on appelle la Kabla parce qu’il est orienté vers La Mecque.

Par rapport à cette disposition géographique, la répartition symétrique des sept saints Regraga est remarquable :

Au sommet de la montagne leur Sultan Sidi Ouasmine ; trois saints au sahel d’une part, trois à la Kabla, de l’autre. La baraka des Regraga diminue par transition graduelle en allant de l’ouest vers l’est, de l’univers linguistique et culturel arabophone à l’univers linguistique et culturel chleuh : chez les Oulad El Hâjj on offre un chameau, chez les Mtouga on offre un œuf. Comme par ailleurs, la côte est plus humide que le continent, on interprète l’aridité du territoire est comme la preuve de l’action négative des Regraga sur les tribus à offrandes parcimonieuses et la fécondité du territoire ouest aux offrandes généreuses, comme la preuve de leur action positive. Au pays des Regraga, les ruches sont toujours pleines de miel, les sources ne tarissent jamais et les grains sont vannés chaque année.


LA SAFIA ET LE DAOUR

 

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La route est déserte, le temps magnifique. Des tracteurs transportent pêle-mêle fellah, femmes et moutons. On discute des futures moissons et des dernières pluies. Nous longeons la rive sud de l’oued Tensift. Une fraîcheur marine nous vient de l’océan. Au milieu de la simplicité paysanne, une vive sensation de liberté m’envahit. La nature d’une beauté fragile, éternelle, irréelle. Ânes, mulets, carrioles s’engagent à la queue leu – leu dans une allée ombragée d’eucalyptus qui débouche sur le daour. Terme à la fois ambivalent et à double sens :

On l’utilise tantôt pour chacune des étapes qui se déroule autour du patron de chacune des tribus Chiadma. C’est une succession de moussems printaniers. La plaine se constelle de tentes qui semblent sortir du néant ; les bouchers se mettent avec les bouchers et les vendeurs de légumes avec les vendeurs de légumes. Des flots d’hommes envahissent la nouvelle étape. Et voilà qu’en peu de temps  ô prodige !  le plat pays prend sous nos yeux l’aspect et l’ordonnance d’un souk.

À la veille de la fête religieuse animée par les Regraga, on institue, pour préparer cette fête, les offrandes et l’accueil des invités, un marché de bétail et autres produits nécessaires : la Safia. Il y a complémentarité de la Safia et du Daour. Chacun est nécessaire à l’autre comme chez les Argonautes du Pacifique occidental décrits par Malinowski qui eux aussi « tournent » entre leurs îles pour échanger des colliers et des coquillages et qui, dans le même mouvement de Kula, intensifient les échanges commerciaux.


LA SACRALITÉ DU TEMPS : LES MANAZIL


Fadela photos 165.jpgLes fellahs ont une autre perception du temps qui n’est pas celle des nouvelles lunes, qui permet de fixer les étapes du pèlerinage dans l’orthodoxie, mais du cycle solaire subdivisé en Manazil. Ce sont des étapes dans le temps comme l’indique Ibn Arif :

« Les vertus qui s’avancent dans la voie mystique, pour arriver à la connaissance parfaite, à la gnose qui couronne l’union divine, sont des Manazil ».

Il existe 27 Manazil qui scandent l’année julienne tous les 13 jours : chaque Manzla se caractérise par des particularités météorologiques, qui ont un impact direct, soit négatif, soit positif sur la faune, la flore et les activités agricoles. On évite d’entreprendre les activités agricoles dans une Manzla de mauvais augure et on les fait toujours coïncider avec une Manzla de bon augure.

Chaque année le pèlerinage circulaire des Regraga coïncide avec l’équinoxe du printemps sauf pour l’année bissextile où ventôse empiète sur le jeudi de l’équinoxe. Alors, on reporte le départ au jeudi suivant pour éviter la coïncidence avec les jours stérilisants d’Al Houssoum .

Les derniers jours de cette Manzla de mauvais augure sont marqués par l’apparition des cigognes et des aigles. La clé du périple a toujours lieu un jeudi parce que le mercredi est constamment funeste : ce jour-là Dieu noya Pharaon, ce jour-là, il extermina les peuplades de Aâd et de Thamoud. Par contre le jeudi est propice à la bonne expédition des affaires : c’est le jour où Abderrahman réussit à soustraire Sarah à la convoitise du Roi d’Égypte.


La fiancée de l’eau portée sur sa jument blanche est du clan de l’ouest.

Chez les Regraga, au sommet de la montagne de fer, on découvre des monuments mégalithiques qu’on appelle également « la fiancée nue » (Laroussa makchoufa). Comme tout monument mégalithique de forme phallique, la fiancée de l’eau est liée au concept de terre nourricière. Enfin on appelle Laroussa une poupée de fleurs des champs que les femmes promènent pour implorer la pluie. C’est la fiancée du champ.

 

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La khaïma (tente rouge tressée de palmier nain) est l’emblème de la partie est. Elle part, de la zaouïa de Ben Hmida, le 27 mars, transportée sur un chameau. Ce jour-là, il y a rencontre et fécondation symbolique entre la fiancée de l’eau et les gens de la caverne, au bord de l’oued Tensift. Cette rencontre est sous le signe de la fécondation mutuelle, puis qu’elle coïncide avec une Manzla où l’on évite d’entrer dans les céréales, de sarcler ou d’arroser, parce qu’à ce moment les arbres, les plantes, et les pierres même se marient.

La khaïma préfigure la caverne des Sept Dormants mais aussi la voûte céleste. L’étai de la khaïma est l’axe du monde. On dit des sept saints qu’ils sont les Aoutades (étais) de la foi musulmane. La khaïma est porteuse des sept saints dont les âmes se libèrent avec la mue du printemps. C’est pourquoi ils doivent être apaisés par des sacrifices et des offrandes. Portée par un chameau, elle est suivie par les moqadem des Regraga, et par les tolba (lecteurs du Coran qui donnent une note d’orthodoxie au rite agraire). La suivent également les tiach (ou novices) pour leur initiation. Un raoui (conteur) est là pour bénir les fidèles par son talent d’orateur. Un homme-médecine aux traits étranges et agiles, malgré son âge avancé, offre ses services chaque fois que quelqu’un tombe malade. Un porteur d’eau vend aux pèlerins de petits bouts de khaïma de l’année précédente : chaque année, on doit tresser une nouvelle khaïma et acheter un nouveau chameau. Un dellâl (crieur public) est là pour vendre au prix de la baraka le bétail reçu en offrande.

La khaïma de l’est est rouge. Laroussa de l’ouest est blanche. Ce sont les deux grands symboles sacrés du périple. La jument et le chameau sont opposés dans le daour mais complémentaires dans le labour : on dit qu’ils forment le meilleur attelage du printemps. Ils sont aussi dans leur opposition et complémentarité l’attelage fantastique du Daour.

Laroussa arrose et la khaïma féconde. Larossa intervient contre la sécheresse et la khaïma contre la stérilité : c’est l’opposition entre la fiancée de l’eau et la grotte des sept Dormants dont le réveil féconde le printemps. Laroussa est en effet du côté de l’eau, au bord de l’océan, entre la source de pierre et la rivière verte. Elle symbolise le fayd qui est à la fois débordement de l’eau et débordement de la baraka.

 

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La khaïma dans les terres intérieures est le symbole itinérant de la grotte d’Éphèse où sept adolescents monothéistes s’éveillent : l’effet fécondateur de la khaïma est symbolisé par le tamarsit (caprification) que dispense le cortège des daouri (pèlerins-tourneurs), lorsqu’il se répand dans la campagne.

Le tamarsit ici, c’est le souffle de la baraka qui est à la fois énergie matérielle et spirituelle. Mais elle est aussi et en même temps lumière prophétique.

Le daour est donc un grand rite fécondateur ; j’ai découvert cette finalité en y participant : « les Regraga, me dit-on, sont le tamarsit du bled ».

Comme j’ai demandé ce qu’on entendait par là, on me répondit :

« Enfile des figues mûres aux branches du figuier stérile ; les insectes qui en sortent rendront l’arbre fécond. Sans ce tamarsit, ces fruits tomberaient avant d’être mûrs. L’endroit où les Regraga passent est fécond, l’endroit où ils ne passent pas est stérile ».


LA CAPRIFICATION DU TEMPS COSMIQUE

 

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La caprification (ou tamarsit) n’est pas réelle, mais symbolique. Le pèlerinage, en tant que déplacement, est en relation analogique – la magie est fondée sur des analogies – avec les insectes caprificateurs : de même que l’insecte par son déplacement transporte le pollen nécessaire à la fécondation d’une fleur qui, fixée sur sa branche resterait stérile dans son immobilité, de même les nomades regraga fécondent les sédentaires chiadma. La caprification magique (tamarsit) en tant que concept général de la magie agraire, implique que l’élément fixe reste stérile aussi longtemps que ne vient pas du dehors la fécondation.

Nous rencontrons chez les Regraga l’idée que les plantes croissent dans le ventre de la terre, ni plus ni moins que les embryons. Les Regraga interviennent dans le déroulement de l’embryologie souterraine : ils précipitent le rythme de croissance des plantes, ils collaborent à l’œuvre de la nature, l’aidant à « accoucher plus vite ». Bref, par leur rituel ; ils remplacent l’œuvre du temps.


LES RAPPORTS SOCIAUX DE PROTECTION

 

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Au milieu du souk, on a planté la tente sacrée (la khaïma). Des femmes offrent leur ziara aux moqadem (chefs de zaouïas) assis en demi-lune autour de l’étai de la tente sacrée. Non loin de là, des tentes en toile blanche sont disposées en rectangle de manière à former une grande place. Ce sont les tentes de l’une des tribus des Chiadma ; celle des Oulad-el-Hâjj dont c’est le tour aujourd’hui de présenter les offrandes. Ils se considèrent comme serviteurs surnaturels (khoddam) des Regraga.

Chaque fraction de tribu rivalise avec l’autre pour faire prévaloir le prestige de son nom en préparant les meilleures offrandes. Tous les plats de couscous se ressemblent sauf la gasaâ des Regraga qui se distingue par son ornementation en forme d’étoile et d’arc-en-ciel dessinée avec des fruits secs et du beurre.

L’ensemble des plats présentés sur la place sacrée, au moment où le soleil est à son zénith, symbolise le jardin de la tribu que les Regraga bénissent par des vœux qui sont généralement exaucés durant l’année agricole en cours. Ils bénissent par des fatha et maudissent par des daoua ; ils maudissent la sauterelle qui monte du désert, le sanglier qui s’attaque au maïs et le moineau qui s’enivre de raisins et de figues.

Un public admiratif se presse autour du jardin symbolique de la tribu, le chef leur crie :

« Ô tribu ! Éloigne-toi ! Laisse briller la fortune ! »

Avec un sourire exquis, un vieillard lui répond en jetant un coup d’œil aux plats multicolores :

« Nous n’avons rien à faire des choses amères ; que Dieu nous donne ce que rapporte l’abeille à sa ruche ! »

Le moqaddem des Mzilate (les maîtres de forges) circule entre les offrandes, la tête grosse et ronde, le regard passionné, la barbe régulière et la voix forte d’un homme qui mange bien, respire bien et a quatre femmes.

« La sécheresse a quitté les Regraga, ô tribu des Oulad El Hâjj qu’Allah fasse de vous ce qu’il a fait de l’ange Gabriel le jour du vendredi ! Que les billets de cent dirhams accueillent le commerçant dès l’ouverture de sa boutique ! Les absents sont parmi nous ! Ceux qui ont ajouté un plat cette année, nous voulons que la fortune ne les quitte jamais ! »

Les zaouïas regraga sont en quelque sorte, les intercesseurs de la baraka saisonnière et cosmique. Ce qui justifie et explique l’existence de rapports sociaux de protection entre les tribus-zaouïas des Regraga et les tribus-khoddam des Chiadma. On a donc ici une structure de rapports, qui séparent et même temps met en relation deux groupes :

- Le groupe dit Regraga (treize zaouïas).

- Le groupe des Chiadma (quatorze tribus) qui verse au premier un tribut selon un système connu d’achat de la baraka.

 

 

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Il y a des serviteurs uniquement pour la mouna (provision), d’autres uniquement pour la mbata (hébergement), d’autres uniquement pour le jelb (tribut sur l’élevage). Comme la baraka des sept saints regraga se transmet génétiquement à leurs descendants, le fait de « servir » chez les Chiadma est également transmissible, d’une génération à l’autre : chaque groupe de « serviteurs » (khoddam) sait exactement à quelle étape et à quel jour il doit présenter ses offrandes.

Sur le chemin des sept saints, que le rituel mime, on ne peut passer qu’une seule fois par le même endroit et au moment prescrit par la tradition : un jour avant, les offrandes ne sont pas prêtes, un jour après, les zaouïas ne sont plus accompagnées par les esprits de la baraka. Chaque année, à la même heure, au même jour et à la même étape, les Regraga bénéficient de la même hospitalité et ce, depuis des siècles !

Les Regraga sont les seigneurs, les Chiadma sont leurs serviteurs (khoddam) ; ils leur apportent leurs offrandes et leurs plats fleuris. Mais les seigneurs sont aussi les mendiants de la ziara et ils ne pourraient continuer leur périple sans le secours des « provisions » qu’on leur apporte (mouna).

Hegel a décrit dans sa  Phénoménologie de l’Esprit, ce retournement par lequel le maître devient l’esclave de son esclave. Au retour de la guerre où il fut actif et conquérant, comme les moujahidine des Regraga qui ont soumis les Chiadma par le glaive, le maître s’est installé dans le faste immobile et il a maintenant besoin de l’esclave à chaque instant de la vie quotidienne. En préparant la nourriture, en travaillant pour son maître, l’esclave est devenu le maître du maître. Ce mouvement dialectique qui unit les contraires dans des renversements successifs, qui fait et défait les oppositions, c’est le mouvement d’une histoire ouverte.

Les offrandes sont toujours distribuées lorsque le soleil est à son zénith et la distance entre deux étapes est parcourue entre deux prières (celle du Dohr et celle du crépuscule). La durée de séjour à chaque étape dépend de son importance économique ; d’une nuit à trois. Il y a aussi les simples escales. C’est pourquoi, il ne faut pas confondre une mbata, ni avec une nzala, ni avec une mzara :

La nzala est le relais caravanier d’où est sorti un soir un gros oiseau qui renversa un bédouin distrait par les flammes.

La mzara est une escale maraboutique, un cénotaphe où s’arrête la fiancée rituelle.

La mbata est le gîte des hôtes d’Allah où l’habitant vous assure une fête avec des chikhate, le temps d’une nuit, avant d’aller plus loin.

Après la distribution des ziara, les lieux se vident. Comme par enchantement l’agglomération ambulante ne laisse derrière elle que le sable et le vent. Longeant l’oued Tensift, on se dirige vers la côte à travers le petit-bois d’eucalyptus et de mimosas ; dans la lumière tamisée par les feuillages, la fiancée fait son apparition sur sa jument blanche. Son muletier qui fait figure de Sancho Pança sur son âne me dit :

« La fiancée perpétue la tradition du sultan des Regraga qui chevauchait également une jument blanche ».

Dans ma mémoire erre la citation du  Miroir des limbes de Malraux :

« Et pour le supplice, Brunehaut fut attachée à la queue du cheval, par ses cheveux blancs ».

De loin, on entend les baroudeurs inaugurer la nouvelle étape comme pour signifier que c’est d’abord en guerriers que les Regraga ont rendu visite à chaque tribu. Nous quittons « cette forêt mahométane » où Jean Genet voyait « des Bouddhas debout ». Le chameau qui porte les norias de bois nous dépasse ; le jeune chamelier écoute sur cassette une aïta des tribus côtières :

« Allons voir la mer

Restons face aux vagues jusqu’au vertige ».

L’HORLOGE COSMIQUE

 

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Dans le sillage de leur trajectoire, les Regraga dessinent sur l’espace géographique des Chiadma deux énormes roues :

La première roue se déroule dans le Sahel, la seconde roue se déroule dans la Kabla et suit le mouvement inverse. Il est remarquable de constater qu’il y a symétrie non seulement spatiale et symbolique mais aussi temporelle : chacun des deux périples se déroule en 22 étapes et 19 jours ; la mi-temps au sommet de la montagne de fer est fêtée par une transe rurale animée par les patrons de la pluie.

Le double mouvement de ce périple à deux roues rappelle étrangement la danse effectuée par les abbeilles lorsqu’elles veulent indiquer l’emplacement du butin par rapport à la position du soleil. Les Regraga utilisent d’ailleurs eux-même cette analogie pour décrire leur baraka et justifier le tribut qu’ils prélèvent lors de leur quête circulaire :

« Les Regraga sont une colonie d’abeilles, les ziara sont leur nectar et les tribus Chiadma leur jardin. Ils partagent à parts égales et dorment dans la même ruche ».

La roue du daour elle-même est en relation analogique avec la fécondation comme le note Mircea Éliade :

« La roue sexuelle et la roue du temps renvoient aux symboles et à l’initiation érotique et saisonnière ; le sexe collectif est un moment essentiel de l’horloge cosmique ».

J’entends les voix des figures colossales d’Eléphanta :

« Et toutes les créatures sont en moi comme dans un grand vent sans cesse en mouvement dans l’espace ».

Errance, errance pour la renaissance du printemps qui n’est pas une saison allant de soi, il faut le faire « revenir » par un rituel  ici le daour  si on ne veut pas que la sécheresse et la saison morte se perpétuent. Car « si les hommes meurent c’est parce qu’ils ne sont pas capables de joindre le commencement à la fin » nous dit le mythe orphique.

Le re-tour magique contraint l’irréversibilité du temps qui conduit à la vieillesse et à la mort. Comme me disait le porteur d’eau :

« Dans la vie, il faut se méfier de trois choses : l’Exil, le Chameau et le Temps ». Mais de tous les trois le plus fort est effectivement le temps.


LE TEMPS MYTHIQUE : L’IFRIQUIYA

 

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Il y a deux temporalités qui se superposent : le temps rituel et le temps mythique. Le temps rituel du daour contribue à la renaissance de la nature et dans le même mouvement, le temps mythique mime les gestes et les paroles des morts, pour retrouver l’âge d’or où les saints pouvaient faire jaillir l’eau, lutter contre la sauterelle et la rage, rajeunir le vieux et rendre mûr le novice… En ce sens, le Daour est une caprification du temps cosmique.

Dans cette énorme roue qu’est le temps, les vies humaines ne constituent que des jalons qui se succèdent de génération en génération. Jusqu’à l’horizon des siècles qui se perdent. Les Regraga s’obstinent à tourner autour du printemps : on a du mal à percevoir chez eux, le temps qui passe, les hommes qui s’en vont dans le silence.

Il y a donc plusieurs « revenir » : celui des saisons, celui du rituel, celui du mythe et celui des revenants Comme le note le romancier marocain Abdelkebir Khatibi :

« La tradition est le revenir de ce qui est oublié. Ce revenir doit être retenu et questionné pour qu’il nous indique le chemin des morts qui parlent. Que dit la tradition – toute la tradition ? Elle dit le séjour du divin dans le cœur et la raison des hommes. Ce séjour, la métaphysique l’a recueilli dès l’éveil de la pensée. La métaphysique est en quelque sorte, le ciel spirituel de la tradition ».

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La plupart des membres des zaouïas regraga ont en leur possession, telle une carte d’identité, un manuscrit intitulé l’Ifriquiya, l’ancien nom du Maghreb tunisien d’où ont déferlé les Béni Hilal et les Béni Maâqil venus d’Orient arabe.

Le périple perpétue la tradition des moines-guerriers qui faisaient chaque année le tour des tribus païennes pour s’assurer qu’elles n’avaient pas apostasié. Ils étaient arrivés, dit-on, en répétant :

« Le paradis est à l’ombre des glaives ! » et les rameaux d’olivier et de rtem (genêt) avec lesquels on flagelle les pèlerins symbolisent les épées par lesquelles les tribus ont été soumises. Cependant certains autochtones considèrent que leurs ancêtres ont été soumis non pas par des épées mais par des Fatha (bénédictions). Et les sept premiers saints n’étaient rien de plus que des moines qui jeûnaient le jour et priaient la nuit en se contentant de peu.

L’espace, ce sont les Chiadma, mais le temps ce sont les siècles : on peut parcourir l’espace des Chiadma mais pas le temps des Regraga. C’est ce qu’a voulu dire un jour un fellah théologien en me montrant des lambeaux de l’Ifriquiya :

« Pour déchiffrer l’Ifriquiya, il te faut cinq jours d’écriture et deux heures de litanie coranique, pas une minute de moins ! »

Quelle parole prémonitoire ! J’ai passé plusieurs nuits à tenter de raccorder l’horloge mythologique avec l’horloge rituelle : en vain ! Il faudrait être un chameau pour écrire sur ce cercle magique qu’est le daour ; ruminer ce rêve rural, égrener les étapes de l’immense chapelet qui traverse les tribus et leur printemps.

 

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Le théologien-fellah voulait dire probablement que le récit de l’Ifriquiya transcende le temps vécu du rituel tout en lui donnant sens : sans temps mythique, point de temps rituel. Les zaouïas Regraga sont des tribus comme les autres mais inscrites dans l’espace agraire en tant que chefferie religieuses grâce, entre autres, au corpus mythique de l’Ifriquiya qui fait que les morts imprègnent les pratiques sociales et rituelles des vivants. Sans lumière prophétique, point de caprification cosmique. Le mythe n’est pas rien : il rend possible le rite. Les paroles et les gestes actuelles commémorent des paroles et des gestes immémoriales : le présent s’effondre dans le passé et le passé submerge le présent.Finalement, ce sont les fruits et les activités de la terre qui permettent de synchroniser les travaux des saisons et des jours. Chez les Regraga une paysanne me dit un jour :

« Revenez nous voir au temps des raisins et des figues ! »

Cette horloge végétale a été également signalée par Malinowski :Pour fixer un rendez-vous, le chef d’une île trobriandaise, offre un cocotier couvert de bourgeons avec ce message :

« Lorsque ces feuilles se développeront, nous ferons un sagali (distribution) ».

Ces cycles végétaux sont liés au retour régulier des planètes et des saisons. D’où cette conception circulaire du temps, revenant périodiquement à ses origines, fêté par des rites également périodiques et circulaires aussi bien chez les Regraga que chez les Trobriandai. Mais déjà le centre solaire doré du mythe dérive avec ses pieds calleux et ses haillons dans la linéarité irréversible de l’histoire.


Abdelkader MANA

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16:13 Écrit par elhajthami dans Regraga | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : regraga | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook