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12/05/2010

Les Branès au temps des moissonneurs

Les Branès au temps des moissonneurs

Par Abdelkader Mana

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La route et le chemin de fer de Fès à Oujda via Taza, passe par la voie de l'Innaouen. Pour obtenir en 1914, cette jonction entre Maroc Occidental et Maroc Oriental, il a fallu à la France, non seulement vaincre les obstacles naturels, mais briser par la force la résistance des nombreuses tribus environnantes. C'est des avantages de cette montagne que d'offrir des ressources diverses, depuis les olives et les mûriers des basses pentes jusqu'aux vraies forêts et aux pâturages des hauteurs. Le territoire des Branès se caractérise par l'abondance de l'eau si précieuse - avec la nappe pré rifaine - et par les mines de sel.

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De même que le drainage rattache le couloir de Taza au Sebou du côté Ouest, il le rattache au Moulouya du côté Est. La vallée de l'oued Innaouen recueille ainsi toutes les eaux du pays au niveau du barrage Idriss 1er .Cette brèche est une ligne de partage des eaux. Le courant dérivé du front polaire autour de l'anticyclone des Açores donne des vents qui déversent leur pluie sur le Maroc Oriental et s'arrête au col dit faj Touaher. Par sa position la trouée de Taza a donc vocation de recevoir le maximum de précipitations. L'oued Lahdar transverse tout le pays Branès depuis la vallée de l'Innaouen jusqu'au sommet du mont Taïneste . C'est l'un des principaux affluents qui se déversent depuis les contreforts rifains sur l'oued Innaouen au fond de la trouée de Taza.

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Lorsque les travaux d'été sont en voie d'achèvement que le maïs et le blé sont déjà sur pied, qu'une partie des récoltes est déjà stockée en réserve, alors commence la saison des fêtes. Ces célébrations s'étalent sur deux mois. On entre dans la saison des fêtes le 31 juillet du calendrier julien(12 août du calendrier grégorien) ; on en sort à la fin du mois de septembre. Les travailleurs émigrés sont en congé chez eux, ils apportent l'argent qui fait tant défaut et leurs économies serviront au financement des fêtes. Ces périodes de réjouissances, ces festins de viande et de grains, sont le complément nécessaire à l'année d'économie agricole et à la période d'intenses activités des moissons et du dépicage, comme nous avons pu le constater chez les Branès au mois de mais 2008 lors d'un tournage de la série documentaire « la musique dans la vie ».

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« Chez les Branès, après chaque moisson des fêtes saisonnières ont lieu à « Barria »  et à Sidi Ahmed Zerrouq, que Dieu nous accorde sa bénédiction. » Alilou, moissonneur rencontré chez les Branès . La période des moissons s'étale de la mi - mai  à la mi - juillet. Les moissonneurs trouvent l'embauche à la porte des bourgs ou le long des routes et des champs en déambulant par équipes de moissonneurs signalées par des roseaux qu'ils portent sur l'épaule. De ces roseaux ils tirent des doigtiers pour se protéger contre la morsure de la faucille. Le propriétaire de la parcelle à moissonner fait appel à eux après négociation sur le montant du salaire, la composition des repas, et l'horaire du travail. Alilou, moissonneur rencontré chez les Branès nous précise à ce propos :

« Avant d'aller au souk pour y vendre notre force de travail au mouqaf, nous préparons doigtiers, salopette et  faucille .C'est là que nous négocions avec le propriétaire du champ à moissonner la rémunération journalière qui varie d'un souk à l'autre. On moissonne le champ en contre partie de l'hospitalité du propriétaire. On fait de même pour son voisin et ainsi de suite en allant ailleurs ; à Oued Amlil, chez les Tsoul, ou les Ghiata. Quand le laboureur engrange ses gerbes, il ressent une joie secrète à moissonner et à rentrer son grain. Il est récompensé ainsi de ses longs et anxieux travaux agricoles. »

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Après dépicage et vannage, la paille est stockée, non pas dans un silo - Matmora - comme au sud marocain, mais dans une meule de paille cylindrique au dôme maintenu par un croisillon de cordes lestées de pierres.

Au moment de la conquête arabe, les plus importantes confédérations de tribus Branès sont, selon Ibn Khaldoun, celle des Âwraba, des Houara et des Sanhaja, qu'on retrouve encore aujourd'hui au voisinage de Taza. Au nord de cette vieille cité maghrébine, la tribu actuelle des Branès n'est que le résidu de l'une des deux grandes familles qui ont constitué la nationalité berbère : les Botr et les Branès. Ibn Khaldoun, revient souvent sur cette dichotomie, qui lui sert à la fois à classer les tribus et à ordonner l'histoire du Maghreb, lorsqu'il évoque les évènements de la conquête arabe à la fin du 7ème siècle. C'est à ce moment là qu'entre en scène le chef berbère Koceila qui appartient au groupe ethnique des Branès et à la tribu des Âwraba. Koceila est l'un des trois héros de l'histoire de la conquête arabe du Maghreb, avec Uqba et la Kahéna. C'est sous son règne que les Âwraba ont résisté à la conquête arabe : Kceila El Âwrabi est à l'origine de la mort d'Oqba Ibn Nafiî. Grisé par sa victoire Koceila s'empara de Kairouan en 683. L'armée arabe le poursuivit jusqu'à Moulouya, et ses soldats Âwraba ne s'arrêtèrent qu'à Volubilis. Beaucoup d'entre eux iront par la suite s'établir dans la région de Taza où on les trouve toujours, dans cette contrée verdoyante du pré rif, où poussent drus l'herbe et le bois épais.

 

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Roman Lazarev

Chez les Branès, la fraction  Awraba est la première a avoir présenter son allégeance à Idris 1er à  son arrivée d'Orient. Les berbères accueillirent Moulay Idris avec enthousiasme, car la croyance populaire en la baraka des descendants du Prophète était déjà bien enracinée au Maroc.C'est cet évènement initial que le moussem de Berria qui se déroule autour d'un olivier sauvage millénaire est sensé commémorer au temps des raisins et des figues. Berria l'arbre géant sous lequel, Moulay Idris aurait reçu la main de Kenza, la mère du fondateur de Fès, est à associer à l'arbre cosmique symbole de régénérescence printanière et d'éternelle jeunesse. C'est en ce lieu même que la tribu berbère des Awraba s'était ralliée à Moulay Idriss, à son arrivée d'Orient, pour diffuser l'Islam au Maroc. Et c'est à l'ombre de cet immense oléastre dénommé « Barria », que chaque 12  août, Les Awraba commémorent pendant une semaine, le passage  d'Idriss 1er par leur territoire à son arrivée d'Orient.  Ce moussem qui commémore un évènement historique inaugurale de la dynastie Idrisside au Maroc se tient chaque mois d'août, durant une semaine entière, comme nous l'expliqua Mr. Abdelkader Zeroual avocat établi à Taza qui fait office de moqadem de Berria dont il est lui-même originaire :

 

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Roman Lazarev

«C'est dans cette région qu'était arrivé Moulay Idris, et c'est ici même qu'Abdelhamid, le chef des Awraba lui avait accordé sa fille Kenza. C'est de là, que Moulay Idris avait entamé sa conquête du Maroc, jusqu'à son arrivée à  Volubilis dans la région de Zerhoun.. Les Awraba qui font partie des Branès, englobent actuellement les communes rurales de Taïnest ,des Gouzate, ainsi qu'une partie de la commune de M'sila. La tribu des Awraba se compose de tout cet ensemble. Le moussem de Berria qui s'y déroule est le lieu de rassemblement des récitants du saint Coran. À chaque fois que la pluie fait défaut, on y procède à des prières rogatoires et à des appels à la miséricorde divine. Durant une semaine entière, toutes les sourates du Coran sont psalmodiées en ce moussem et sous cet olivier sauvage et millénaire. Les gens de tribus y affluent de partout. Ils y sont approvisionnés gracieusement en nourritures. Les offrandes sont accordées pour plaire à Dieu seul. C'est peut-être la seule région du Maroc, où on t'accorde encore l'hospitalité au nom de Seigneur. De sa naissance à nos jours, l'état de grâce, a toujours caractérisé ce pardon de « Barria ». Le surplus d'offrandes en nourritures et en  sacrifices est confié au garant du parvis sacré, pour approvisionner le moussem de l'année suivante. La tribu se charge de compléter l'approvisionnement du moussem. »

 

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Le terme de "Burnous" dérive du nom des "Branès". Un proverbe dit: "Les Berbères sont connus pour trois qualités: le crâne rasé, la consommation du cous-cous et le port du burnous."

C'est sous cet arbre sacré dit-on, que le chef des Awraba aurait accordé sa fille Kenza à Idris 1er. Pour cette raison les Awraba se considèrent encore de nos jours, comme les gendres de Moulay Idris et en tirent une certaine fierté. C'est de là qu'il serait aller fonder la dynastie Idrisside à Volubilis. C'est une coalition de tribus berbères, dont les Awraba constituaient le noyau qui appuya la cause d'Idris 1er. En tout cas, celui qui est connu comme le fondateur de la dynastie  Idrisside au Maroc fut proclamé Imam par les Awraba en l'an 789 d'après ce que nous en dit l'auteur de « Rawd Al-Qirtâs » (le jardin des écritures) :

« L'Imam Idriss, premier imam souverain du Maghreb, se montra en public dans la ville d'Oualily(Volubilis) le vendredi quatrième jour du mois du ramadan de l'année 172. La tribu des Awraba fut la première à le saluer Souverain ; elle lui donna le commandement et la direction du culte, de la guerre et des biens. À cette époque Awraba était la plus grande des tribus du Maghreb ; puissante et nombreuse, elle était terrible dans les combats. De toute part on venait en foule lui rendre hommage. Bientôt devenu puissant, Idris 1er se mit à la tête d'une immense armée composée des principaux d'entre les Zénèta, Awraba, Sanhaja et Houara. » Les Branès possèdent encore la hampe et la soie du premier étendard que Moulay Idris avait confié à ses alliés berbères Awraba à Volubilis.

 

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Roman Lazarev

La plupart des habitants pratiquent l'agriculture de montagne d'une manière générale, ainsi que l'élevage de caprins, d'ovins et de quelques bovins. Leur économie est également fondée d'une part sur l'émigration et d'autre part sur l'engagement dans les rangs des Forces Armées Royales :

« Au départ raconte le retraité, Rouan Abdessalam,  je me suis engagé dans l'armée française, où j'ai passé deux ans en Indochine et deux en Allemagne, pendant l'occupation, jusqu'à la fin de la deuxième guerre mondiale.

J'étais né en 1931. Nous avons émigré en France dans les années soixante dix, pour acquérir les devises fortes qui nous manquaient ici. J'ai travaillé en France durant 22 ans. Après la retraite, je suis revenu ici, au Maroc , où nous organisons des fêtes pour tous moussem : celui de Sidi Ahmed Zerrouq, celui de  Barria , ou encore celui de Sidi Othman à Amtghar. A chaque nouvelle année, sa fête. »

« A notre retour de France, nous confie pour sa part le vieux  Allal el Oumali, on se rend en pèlerinage à Sidi Ahmed Zerrouq, que Dieu nous accorde sa bénédiction. A son patronage se rendent de nombreux cavaliers et pèlerins. On se rend aussi à la « Lama de Barria » aux Gouzate. »

La zaouia de Sidi Ahmed Zerrouq jouait un rôle d'étape de caravane entre Fès et Melilla : en effet, la route Fès - Taza allait autrefois jusqu'à Melilla. Florissante au Moyen âge cette voie est citée par Ibn Battouta qui l'a suivi. C'est par elle que s'introduisit à Fès le velours vénitien que l'on y retrouve encore. Si à partir de l'occupation française en 1914, la Zaouïa a perdu son rôle d'étape de caravane, entre Fès et Melilla,  elle continue d'être un lieu de pèlerinage fréquenté au mois d'août par la communauté émigrée originaire des Branès et des Tsoul .En effet, au moussem de Sidi Ahmed Zerrouq qui a lieu au mois d'Août, après la période des moissons, toutes les tribus  affluent. Le moussem qui dure trois jours est animé par les cavaliers Branès, Tsoul et Ghiata. Sidi Ahmed Zerrouq El Bernoussi est né dans la tribu des Branès en 1442. Dans sa quête  du savoir théologique et mystique, son itinéraire est celui des maîtres spirituels de son temps. Après s'être imprégner de l'ordre mystique de la Chadiliya et du savoir théologique de la Qaraouiyne de Fès, il se rendit en pèlerinage au Moyen Atlas auprès du maître Soufi Sidi Yaâla, puis Sidi Bou Medienne de Tlemcen, delà à Bougie où il aura ses premiers disciples.  A son retour de la Mecque , il s'établit dans l'ancienne oasis libyenne de Mestara, où il mourut dans sa retraite en 1494. Pour les amis de la légende, c'est plutôt le fils qui serait enterré en bordure de la Méditerranée en Libye, et c'est le père qui serait enterré ici même, chez les Branès, où sa dépouille aurait été amenée de Fès sur une jument.

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Les monts des Tsoul et des Branès, forment les derniers contreforts du Rif, s'étendent sous l'aspect des plateaux mamelonnés au dessus de la plaine.Pour les Branès, leur territoire se divise en deux parties : la montagne et la plaine. Les Bni Bou Yaâla et les Âwraba habitent la partie montagneuse. Les Taïfa et les Bni Faqous, la plaine (Louta). En partant de Taza nous traversons d'une manière transversale, le pays Branès jusqu'à Taïnest au nord de la tribu Branès : nous passant d'abord par la saline avant d'escalader les mamelons montagneux richement boisés qui traversent  les communes de M'sila, Braha, Taïfa, Traïba et Bni Ftah.On peut diviser les Branès en deux parties : la partie montagneuse et la plaine. La partie « plaine » commence au couloir de Taza - Oujda jusqu'au sanctuaire du grand soufi Sidi Ahmed Zerrouq qui a des racines profondes dans la région. Quant à la partie montagneuse, elle commence au niveau de Sidi Ahmed Zerrouq- M'sila, jusqu'à Taïnest qui constitue le sommet le plus élevé de la chaîne montagneuse et dispose du couvert forestier le plus dense : pin d'Alep,  pin sis, acacia, lentisque, le caroubier. Et dans leurs parcelles ,les vieux sédentaires Branès plantent amandier, pommier,abricotier, ainsi que de nombreux autres arbres fruitiers. Le souk de Had M'sila, avec ses  pics - bœufs perchés aux arbres, constitue la limite tangible entre plaine et montagne. L' humidité élevée, jointe à une température relativement douce, explique les forêts nombreuses et denses : chênes dans les régions basses, cèdres, sapins et pins sur les sommets les plus élevés, thuya enfin dans les secteurs moins arrosés de l'Est.En montagne « l'optimum de peuplement » est vite atteint et dépassé : elle doit périodiquement déverser sur la plaine sa surcharge d'hommes. Ces montagnes qui  fournissent traditionnellement l'armée en soldats réguliers, fournissent en émigrés l'autre rive de la méditerranée.

Les toitures des maisons sont ici recouvertes d'ardoises de schiste. Elles sont de type Jbala, les seuls au Maroc dont le toit est à doubles pentes et recouvert de chaume. Ce qui conforte le sentiment de convergence physique et humaine tout le long de ces massifs :

«  Dans notre région des Tsoul et des Branès, nous dit un moissonneur, après avoir jeter les fondements, les paysans recouvrent leurs toitures en tuiles de pierres. Alors que ceux qui sont riches recouvrent la leur de briques et de béton armé. Nous nous contentons, pour notre part, à retirer du sol des tuiles de pierres. Depuis nos ancêtres et jusqu'à nos jours, c'est la manière de bâtir chez les Branès, les Tsoul, et les Ghiata. »

Ici, chanter c'est semer la parole sage. Le poète, tel le journaliste de la tribu,  traite de toutes les préoccupations de la vie quotidienne : cherté des prix« qui brûlent au souk », pénurie d'eau, sécheresse, ou encore conflit du Moyen Orient.

C'est Mohamed Doukkali qui vous raconte le patrimoine des Branès ; " Leurs chants accompagnent les fêtes depuis toujours. On y joue l'Ahidous comme les Bni Warayen, la seule différence c'est que nous chantons en arabe et eux en berbère. Nous appelons nos déclamations « semence ». Chaque déclamation est suivie d'une percussion Ahidous. » Quoique chantant en dialecte Jebli, les Branès sont ici influencés par le style berbère du Moyen Atlas tout proche. Il s'agit de l'Ahidous, ce mélange de poésie et de danse . Quand le poète fait signe qu'un nouveau chant est prêt, on se tait, on s'arrête.L'improvisation poétique de Doukkali - ce Zajal populaire et savoureux - est une véritable chronique de la vie villageoise. La langue d'expression est arabe, mais le style rappelle étrangement les déclamations poétiques des troubadours berbères du Haut Atlas. C'est que les Branès, situés aux premières marches entre pays Jbala et pré rif , sont eux-mêmes d'anciens berbères précocement arabisés du fait de leur position à la lisière de la trouée de Taza,sur la voie des grandes migrations en provenance  de l'Orient arabe.

Abdelkader Mana

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23:25 Écrit par elhajthami dans Le couloir de Taza | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : le couloir de taza | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

23/04/2010

Abd-el-krim le mystérieux

Abd -el-Krim le mystérieux

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Mohamed - Si Mohand dans le Rif- Ben Abd-el-krim El Khattabi était né en 1882. De ses années d'enfance et de jeunesse, on sait sans plus, qu'il les passa dans la maison d'Ajdir, à l'ombre de son père. Le grand tournant pour lui, fut à n'en pas douter, le séjour  effectué à Fès. Après trois ans d'étude dans la mosquée Qaraxiyine, il était devenu en 1915, le na'ib du qadi qudat du Presidio espagnol de Melilla. Quand il quitta Melilla à la fin de la 1ère guerre mondiale, pour n'y jamais retourner, et rentra chez lui, à Ajdir, il était déjà un protonationaliste marocain.

Mohamed Ben Abd el-Krim venait chaque année fêter la fin du Ramadan et profiter de son congé pour épauler son père. Un officier turc, émissaire clandestin, vint voir Abd el-Krim à Ajdir, en novembre 1914. Le visiteur voulait savoir si l'on pouvait au Maroc même, espérer un appui pour une action contre la France, à partir des régions que l'Espagne, dans sa zone n'occupait pas encore. Il lui fut répondu, qu'avec l'aide matérielle fournie par la Turquie de Mustafa  Ata Turk , il serait très facile de soulever le Rif.

Sous le titre « Abd el Krim, le mystérieux », le correspondant du Bulletin de l'Afrique Française à Madrid, écrit le 5 septembre 1921 : « Le personnage devient de plus en plus énigmatique et on a bien du mal à comprendre comment le commandement de Melilla ne se préoccupe pas plus de le surveiller ou de s'en faire un auxiliaire.Des faits très caractéristiques permettent de se rendre compte qu'on ne se trouve pas en face d'un fanatique vulgaire, préoccupé surtout de rapines faciles, aidé de son frère, qui étudia durant trois ans, à Madrid, pour préparer son entrée à l'Ecole des Ingénieurs de Mines, il donne l'impression de s'efforcer de donner aux hordes rifaines une organisation inusité dans ces régions. Il tient à donner à ses adversaires l'impression qu'il est  au courant des usages de la guerre entre pays civilisés : les prisonniers sont bien traités et ont toute la liberté pour donner des nouvelles à leurs familles ; lorsqu'il rend le cadavre du colonel Morales ; avant de faire déposer son cercueil sur la petite plage de Sidi Idris, il le fait envelopper d'un drapeau espagnol et ordonne de saluer la dépouille mortelle du malheureux chef de la police indigène par des salves et les marins de la canonnière espagnole le voient s'incliner dans un dernier salut à celui qui fut son ami avant de devenir son adversaire. C'est à Abd-el-Krim et grâce à l'escorte qu'il envoya à Mont Arruit, que le général Navarro doit d'être encore vivant.»

C'est le 27 février 1920 que le Cadi Abd el - Krim avait franchi le rubican comme l'annonce en quelques mots un télégramme de Nokour[1] : « Si Mohand el Khattabi et son oncle Abdessalam avaient quitté Ajdir et faisaient route vers la « Harka », mot qui désignait les formations de Marocains en armes. Autrement dit Si Mohand et son oncle étaient montés au front[2]. Désormais le Cadi Abd el-krim commandait au front. « Plutôt la mort, répétait Abd el-krim, que de se rendre aux espanols ». Ces derniers envisageaient de relier Melilla à la baie d'Al Huceima par voie de terre[3]. Pour leur barrer la route, fin janvier 1921, quelques centaines de combattants Beni Ouariyaghel vinrent s'établir sur la hauteur du Jebel El Qama. Ils faisaient face aux nouvelles positions  espagnols, dont Anoual, la principale et la plus proche. C'est au Jbel El Qama , de février à mai 1921, que s'affermit le pouvoir de Mohamed Ben Abd el krim sur les tribus du Rif. Il imposa tant chez les siens, les Beni Ouariyaghel, que chez les Temsamane, une justice sociale qu'il exerça lui-même selon le « Chraa », loi de l'Islam.

Quasiment prisonnière dans sa ceinture de fortifications, Melilla, jadis, ne respirait que par la mer, d'où tout le nécessaire de la vie quotidienne devait lui parvenir. Mais en dix ans, grâce aux progrès de la conquête, elle était devenue capitale d'une région représentant, de l'oued Kert à la basse Moulouya, et du Guerrouaou à la pointe des trois fourches, plusieurs milliers de kilomètres carrés. Manquant de tout naguère, y compris l'eau courante, elle trouvait maintenant, dans cet arrière pays, les conditions lui permettant de se peupler et de s'étendre en vue de recevoir une forte armée d'occupation. Durant sept ans, entre 1912 et 1919, sous Jordana et sous le général Aizpuru, commandant de Melilla à la veille de la guerre du Rif, deux progressions eurent lieu vers le Sud : sur les étendues plates des Beni Bou Yahi et de leurs voisins Metalsa. Le territoire conquis est maintenant parsemé de positions, de garnisons, de points de colonisation que reliaient, des routes, des pistes et même une voie ferrée, offrait pour la manœuvre toutes les ressources dont peut user la stratégie. Beranguer avait dès 1919, dressé un plan pour une occupation de la région de Tafersit ou la localité de Dar Drius servirait de pivot pour la manœuvre au Nord, tandis qu'à  Ben Taieb, Tafersit et Azib Midar, des positions colmateraient sur son flanc gauche toutes les issues de la montagne qui menaçaient la progression. Ce fut le plan qu'en arrivant, eut à exécuter le général Silvestre. Le premier band prévu devait conduire à Sidi Driss, sur l'embouchure de l'Amekrane, à une dizaine de kilomètres vers le Nord d'Anoual. Situé sur la côte, la position à établir là bas formerait une base rapprochée, où lui viendrait ensuite, par la voie maritime, le gros de son ravitaillement.

Dans le numéro du Liberal du 23 septembre 1921, on peut lire :

« On ne s'expliquera pas en Europe comment une armée d 24 000 hommes avec son artillerie, ses aéroplanes et ses mitrailleuses ait pu être maltraitée par une horde de montagnards. Ceux qui comparent avec une légèreté inconcevable, pour nous consoler,l'évènement de Melilla à d'autres qui se déroulèrent dans la zone française, nous couvrent de ridicule. Précisément, en ce moment, a eu lieu un fait qui contraste rudement avec ce que les Espagnols lamentent : l'inauguration du chemin de fer de Taza à Fès qui traverse une vaste région peuplée par les tribus les plus guerrières de tout le Maroc. »

Ajdir est aujourd'hui la résidence d'Abd - el - Krim , l'organisateur du soulèvement de juillet dernier. Que se passe - t - il exactement entre Abd - el - krim et le général Silvestre ? Le général, beau sabreur, n'avait que du mépris pour ses adversaires et on peut supposer que des prétentions à une autonomie plus ou moins étendue du Rif central, ne devait pas trouver auprès de lui un accueil très favorable ; Abd - el - krim l'apprit à ses dépends, on a même raconté que le général le malmena rudement. Le cadet fut rappelé précipitamment à Madrid et revint à la maison paternelle d'Ajdir.

C'est peut - être à ce moment là que germa, dans l'esprit d'Abd - el - krim, l'idée de s'opposer à la marche en avant du Général Silvestre d'abord, pour se venger des mauvais traitements qu'il avait reçu et aussi pour essayer de conquérir par la force ce qu'on lui avait refusé : l'indépendances des Bén Ouaryaghel et la libre disposition des richesses du sous sol, dont les Allemands lui avaient appris à apprécier la valeur.

Si les Espagnols veulent rechercher quelles sont les origines du soulèvement qui débuta par la défaite de  Dhar Ouberran et eu son couronnement un mois plus tard, à Anoual, à Nador, à Selouane, à Mont Arruit, ils devront se donner la peine de remonter à une dizaine d'années, alors qu'ils marquaient le pas sur les rives du Kert et que les frères Manesmann, plus heureux prospectaient la région d'Al Huceima sous la protection du père d'Abd - el - krim.

Mémoires d'Abde el-krim[1]

Recueillies par Roger - Mathieu, sur le « Abda » qui le menait en exil :

« Mon père mourut à Ajdir. Son corps repose actuellement dans le sanctuaire de Sidi Mohamed Ben Ali...Les espagnols venaient d'occuper Dhar Ouberran, en pays Tamsamane, point stratégique et politique de toute première importance. Je me proposais sur le champ, de leur disputer cette position. La partie était risquée. Je disposais à cette heure, de 300 guerriers. Je revins me mettre à leur tête. Et malgré ma pauvreté en munitions, je déclenchais la contre attaque. Après un combat des plus durs, ma troupe réoccupa Dhar Ouberran.

Dans cette première grande bataille, les Espagnols avaient perdu 400 hommes dont 2 capitaines et 4 lieutenants. Quant au butin, il fut précieux pour nous : une batterie de 65 de montagne, des fusils Mauser tout neufs, environ 60 000 cartouches, des obus, des médicaments et des vivres de campagne ! Et vraiment tout cela n'était rien encore en comparaison de l'effet moral de cette victoire. Notre succès était si imprévu, si peu vraisemblable, que les Espagnols ne s'étaient même pas fortifiés à Dhar Ouberran. Et notre action avait été si rapidement menée que les troupes Rifaines ne comptaient pas plus de huit ou neuf morts, alors qu'ils en déploraient eux quatre cents. Encouragées par la victoire, nos troupes, maintenant voulaient attaquer. Et si bien, que de leur propre initiative, elles dessinaient déjà une offensive en direction d'Anoual et de Sidi Driss.

L'effet avait été considérable. Tandis que la population située dans la zone en retrait des troupes espagnoles, ayant vu la débandade de celle - ci s'apprêtait à la rébellion, toutes les autres fractions du pays Tamsaman se joignaient spontanément à nous. A cette heure commençait à se constituer le bloc rifain. Ne voulant pas succomber à l'erreur qui avait été funeste à nos ennemis, nous fortifions les positions conquises dont la ligne passe par Sidi Driss et devant Anoual et Tizi Azza.

Les Espagnols avaient massé à Igherriben, au Sud d'Anoual, une colonne extrêmement forte qui constituait en quelque sorte les avant postes de l'armée Sylvestre, dont le quartier général était à Anoual. J'étais informé que le ravitaillement des troupes espagnoles était défectueux, que peut - être même il ne s'opérait déjà plus, et que celles -ci n'avaient que pour quatre jours de vivres. Je savais aussi à quelle inquiétude elle était en proie, s'attendant d'une minute à l'autre, à voir  se soulever contre elle la population du pays qu'elle occupait. Pour accroître leur angoisse et rendre leu situation plus critique, je décide de couper leur communication avec Tizi Azza, leur base de ravitaillement. Et brusquement j'occupe la côte entre Anoual et Igherriben.

Effrayé des conséquences de cette manœuvre, le général Sylvestre ordonne immédiatement d'engager une opération désespérée, à gros effectifs. Il met en ligne environ 10 000 hommes, avec cavalerie et artillerie. Je ne dispose, moi, que de 1000 guerriers, mais, en seconde ligne, j'ai maintenant des réserves et l'appoint de tout le pays.

La bataille d'Anoual  va durer du 21 au 26 juillet 1921, menée par le seul courage et le bon sens. La bataille est acharnée. Chaque jour le général Sylvestre attaque, et de jour en jour avec plus de violence. Mais nos guerriers se sont fortifiés. Et ils ont un avantage capital : ils n'offrent pas de prises à l'ennemi, tandis que les Espagnols qui manoeuvrent en formations massives, éprouvent de lourdes pertes. Et tous les jours nous réalisons un riche butin.

Le 25 juillet 1921, manquant de tout, nos ennemis doivent évacuer Igherriben qu'ils avaient réussi à réoccuper un instant. La reprise de cette position nous procure des stocks imports d'armes et de munitions. Nous faisons là nos premiers prisonniers dans cette affaire, dix ou quinze, et nous ramenons des canons.

Chacun des combats livrés au cours de ces journées est cruel pour les Espagnols. Car afin de sauver le plus possible de matériel, ils contre - attaquent en se repliant et, chaque fois leurs pertes sont sévères.

Dans la matinée du 26, leur défaite apparaît inévitable. Le général Sylvestre donne l'ordre d'évacuer, non seulement Anoual, mais tous les postes de la région. Au fur et à mesure de notre avance, je me suis rendu compte qu'il avait dû y être condamné, sans doute moins par notre pression que par le soulèvement des tribus qui le prenaient à revers.

En effet, durant cette évacuation, il n'y eut pour ainsi dire point de baroud. L'armée Espagnole battait en retraite, littéralement affolée, dans un désarroi si complet que nos guerriers eux - mêmes avaient de la peine, en progressant si rapidement, à croire à la réalité de leur victoire, à la catastrophe où sombrait l'ennemi. Plus de cents postes tombent ainsi entre les mains de nos soldats !

Partout la campagne est jonchée de cadavres et de blessés qui se lamentent et qui rient grâce.

Les Espagnols se replient en désordre dans la direction de Melilla. L'enthousiasme de mes guerriers est à son comble, mais leur désir de vengeance est tel qu'il me faut les menacer de mort pour les empêcher de massacrer les blessés.

Le désastre d' Anoual nous rapportait 200 canons, 20 000 fusils, d'incalculables stocks d'obus et des millions de cartouches, des automobiles, des camions ; des approvisionnements en vivre à ne savoir qu'en faire ; des médicaments, du matériel de campement ; en somme l'Espagne nous fournissait, du jour au lendemain, tout ce qui nous manquait pour équiper une armée et organiser une guerre de grande envergure !

Nous avions fait 700 prisonniers. Les Espagnols avaient à déplorer 15 000 tués et blessés. Parmi les tués se trouvait un Espagnol que j'avais beaucoup aimé, le seul d'ailleurs qui m'eût compris : le colonel Moralès. Respectueusement, je fis transporter son corps à Melilla. On n'a pas manqué de dire par la suite, que c'était de ma part une habilité pour me rapprocher des Espagnols. Il ne s'agit là que du suprême hommage à un ennemi intelligent et loyal. Tout autre commentaire serait indigne de lui et de moi.

Quant aux conditions de la mort du général Sylvestre, qui succomba au cours de la bataille avec son état - major, je ne les connais point. C'est un petit Rifain qui vint nous informé qu'il avait découvert le corps d'un général tombé au milieu de ses officiers, et il me remit son ceinturon et ses étoiles. Quand je parcouru le terrain, à la fin du combat, il me fut impossible sur ses indications, de retrouver le corps et d'identifier les restes du général.

Nous dirigeâmes les prisonniers, partie sur Anoual, partie sur Ajdir. Et durant les premiers temps de leur captivité, c'est grâce à l'énorme ravitaillement pris à l'ennemi que nous avons pu les nourrir et leur éviter des privations.

A l'issue de la bataille de Mont -Aruit , j'étais parvenu sous les murs de Melilla[2]. Je m'y arrêtai. La prudence s'imposait. Avec la dernière énergie, je recommandais à mes troupes et aux contingents nouveaux venus de ne point massacrer ni maltraité les prisonniers. Mais je leur recommandais, aussi énergiquement, de ne pas occuper Melilla, pour ne pas créer des complications internationales. De cela je me repends amèrement. Ce fut ma grosse erreur. Oui, nous avons commis la plus lourde faute en n'occupant pas Melilla ! Nous pouvions le faire sans difficulté. J'ai manqué ce jour là, de clairvoyance politique nécessaire. Et à plus ou moins longue échéance, tout ce qui a suivi a été la conséquence de cette erreur.»

Au sommet du Jbal Qama,les rifains firent le grand serment de demeurer unis et de se battre jusqu'au bout. Les auteurs du serment d'El Qama, « frappaient » ainsi la première effigie du chef de guerre, qui deviendrait Abd el krim de l'histoire.

Abdelkader Mana

[1] Bien au-delà de l'oued Kert, dans la tribu des Metalsa, où s'est replié le Chérif Mohamed Amezian, en novembre 1909, l'Espagne disposait de deux bases insulaires qui lui servaient d'observatoires : le rocher de Badis et celui de Nokour. De celui-ci surtout, au territoire des Beqqioua et des Beni Ouaryaghel tout proche, avait fini par s'établir ouvertement un va et vient de marchandises et de personnes qui, en plus des nouvelles qu'il permettait de recueillir, faisait,en soi, par ses fluctuation, office de baromètre de l'attitude Rifaine vis-à-vis de l'Espagne. La fraction Aït Khattab des Beni Ouariaghel se situe précisément, autour de la bourgade d'Ajdir, exactement en face de l'îlot de Nokour.

[2] Un fait nouveau, que ni les chefs militaires en poste au Maroc, ni les autorités péninsulaires n'ont estimé à sa juste valeur, change les données de l'affrontement : la capacité de résistance des Rifains s'est décuplée avec l'entrée en jeu, après la mort de son père d'un nouveau chef de grande envergure, Abd el krim. Et bientôt se produit le desastre.

[3] Pendant que le général Beranguer progressait sur la côte Ouest, le général Fernandez Silvestre avait pour mission d'avancer depuis Melilla vers Al Huceima.

11:17 Écrit par elhajthami dans Le couloir de Taza | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le couloir de taza, histoire, guerre du rif | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

22/04/2010

La Bataille d'Anoual

La bataile d'Anoual

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La victoire éclatante d'Abd-el-krim à la bataille d'Anoual, fut partout interprétée comme une revanche non seulement du Rif sur l'Espagne, mais de tout le monde musulman opprimé sous le joug colonial. Jusqu'en Perse on applaudit à la ténacité de ses montagnards contre les troupes européennes.

La bataille d'Anoual a suscité l'intérêt des historiens du monde entier. C'est la bataille où une des plus puissantes armées de l'époque fut écrasée. Il faut savoir qu'au début du vingtième siècle le colonialisme espagnol était une puissance au niveau mondial. Malgré cela, les combattants d'Abd El Krim et de la région toute entière, ont réussi lors de cette bataille a apporter la preuve qu'on peut vaincre le colonialisme, en luttant  pour l'indépendance de son pays. Ce fut naturellement le cas aussi dans les autres villes et régions marocaines.

Pour les milieux coloniaux, le désastre d'Anoual reste inexplicable. Le Libéral, du 23 septembre 1921 écrit :

« On ne s'explique pas en Europe comment une armée de 24 000 hommes, avec son artillerie, ses aéroplanes, et ses mitrailleuses ait pu être maltraitée par une horde de montagnards. Le désastre d'Anoual a eu de telles conséquences, qu'on peut sans exagération aucune, le considérer comme un des évènements les plus importants de l'histoire de l'Espagne de ces cinquante dernières années. »

Pour le général Luque, il n'y a pas d'exemple dans toute l'histoire Espagnole, d'un désastre comme celui d'Anoual.

Après ce désastre, Primo de Rivera parvint à la conclusion qu'Abd el krim est un danger pour la présence coloniale européenne dans tout le Maghreb.

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Le Rif se caractérise par des vallées compartimentées et surpeuplées, où les cultures ne suffisent pas aux besoins et contraignaient une grande partie des montagnards à l'émigration. On n'a pas ici de villages au sens habituel du mot, mais seulement des maisons dispersée « comme des étoiles dans le ciel ». Cette forme de la vie humaine matérialise sur le terrain, l'esprit d'indépendance et la fierté des Rifains.

Dans le dialecte marocain, Rif signifie rive, côte ou bordure ; on dit par exemple, « le rif d'un campement pour indiquer les tentes qui forment la bordure extérieure de ce campement, celles qui sont le plus près de l'ennemi et protègent le camp. Si l'on ajoute à cela que le mot Rif n'a été employé, pour désigner une partie de la côte de la Méditerranée, qu' à partir du règne des Mérinides, on peut se demander si ce mot, n'était pas compris comme l'équivalent de ligne de défense, de boulevard de l'islam contre la chrétienté.

Pour Léon l'Africain, le Rif « est une région du Royaume de Fès, qui s'étend en longueur des colonnes d'Hercule au Fleuve Nekour et en profondeur de la Méditerranée aux montagnes voisines de l'Ouergha. ».

Depuis les Mérinides le terme « Rif » désigne, toute la côte Nord du Maroc faisant face à l'Andalousie reconquise par les chrétiens. Il semble que c'est à partir des Mérinides que la confédération rifaine s'est formée et que, devant les attaques des chrétiens par mer, a été constitué un Rif ; c'est-à-dire une ligne extérieure de défense pour couvrir Fès.

Comme ailleurs au Maroc, les paysans sédentaires rifains ont conservé l'usage de l'antique calendrier julien, le long duquel s'égrènent les actes et les rites de la vie agricole : l'époque magiquement propice aux labours, les périodes néfastes où il faut se garder de travailler le sol, le moment des bénéfiques pluies de Nisân , l'instant heureux des moissons , et enfin le jour de la « mort de la terre », après lequel tout est brûlé ;  mort jusqu'à la résurrection aux  premières gouttes de la pluie automnale.

Le cheikh Moussa est actuellement le plus célèbre à Nador. Il est accompagné de l'Azemmar, une sorte de biniou, munit de deux cornes d'antilopes. On appelle le chant rifain «  izri « (pluriel ; « izran »). En voici un qui fut composé, en 1911, à l'occasion de la mort du Chérif Mohamed Ameziane, le chef de la résistance rifaine contre l'Espagne, au début du 20ème siècle :

Sidi Mohamed Ameziane est mort !

Nous ne pouvons honorer son tombeau

L'ennemi ayant  emporté sa dépouille

Dans les villes pour la photographier !

Par Dieu ! Ô Mouh fils de Messaoud !

Rends nous son corps afin que nous le vénérions !

Sidi Mohamed Ameziane qui avait levé l'étendard de la guerre sainte contre les espagnols, tomba dans une embuscade avec trente de ses compagnons. Son corps n'ayant pas été retrouvé, le bruit couru dans le Rif que les chrétiens avaient emporter sa dépouille pour l'exposer dans leur pays et la photographier.

La bataille d'Anoual,  eut lieu en 1921. La stratégie utilisée par Abd El Krim durant cette bataille est un secret bien gardé. Encore aujourd'hui, l'armée espagnole mène des recherches sur les causes du désastre qu'elle avait subi à cette bataille . Ce désastre suscita une grande colère contre l'armée espagnole, de la part du gouvernement de Madrid, et du roi Alphanso. La stratégie qui avait conduit à la victoire d'Abd el Krim est considérée à juste titre comme un fait historique marquant du 20ème siècle.

Dans une interview paru dans le « Telegrama » du 7 avril 1921, le général Silvestre déclare :

« Nous allons ce printemps franchir la ligne qui sépare les bassins de l'oued Nokour et l'oued Amekrane. Certaines fractions Beni Wariyaghel voudront probablement nous barrer le passage, et il faudra alors livrer bataille. Mais dés que nous aurons atteint l'autre versant, nous gagnerons très vite la baie d'Al Huceima qu'on peut considérer comme un fruit mûr. »

Les espagnoles avaient pénétré à partir du rocher de Nokour. A travers les Béni Wariyaghel. Ils ont aussi pénétré à partir de Melilla. C'est ce qu'on nous racontait. Lors de leur avancée, ils furent combattus par les Metalsa, les Temsaman, et les Béni Waryaghel. Tous combattaient les espagnols, d'après ce qu'on nous racontait. Ils les combattaient à chaque étape de leur avancée. Les envahisseurs s'approchaient de Aïn Zorah, et c'est là que leur avancée était brisée. Ce fut le cas aussi à Aruit. D'après ce qu'on nous raconte, Aruit fut un désastre pour les espagnoles. Un dicton dit : « Oued Aruit ruisselle de sang. »

Durant sept ans, entre 1912 et 1919, deux progressions eurent lieu vers le sud : sur les étendues plates des Bni Bou Yahi et de leurs voisins Metalsa. Le territoire conquis est maintenant parsemé de positions, de garnisons, de points de colonisation que reliaient, des routes, des pistes et même une voie ferrée, offrait pour la manœuvre toutes les ressources dont peut user la stratégie. Beranger avait, dés 1919, dressé un plan pour une occupation de la région. On le voit ici, en compagnie de ses collaborateurs dont le future Maréchal Franco.

Un vieux rifain originaire de la tribu des Metalsa, partie prenante de la bataille d'Anoual se souvient:

- Les Metalsa est une grande tente du Maroc. Ils sont connus pour leur courage, leur Jihad, leur dignité. Ils sont agriculteurs et éleveurs. Abd el Krim était un homme de foi. Les espagnoles étaient venus occuper « Dhar Ouberran » avec une grande armée. Abd el Krim s'adressa alors à la communauté : « levez vous, le temps de la guerre sainte est arrivé ! ». Tout le monde l'avait suivi, personne n'était resté sourd à son appel.

A la veille de la bataille d'Anoual, on assiste au défilé d'une colonne Beranger, à Dar Driouch. A partir de cette position, les espagnols avaient le contrôle de l'oued Kert , où s'était replié le chérif Mohamed  Ameziane, en 1919. Les Espagnols envisageaient de relier Melilla à la baie d'Al Huceima par voie de terre.. Pour leur barrer la route, fin janvier 1921, des combattants Beni Ouariyaghel vinrent s'établir sur la hauteur du Jebel El Qama. Un poème rifain de l'époque relate ces manœuvres espagnoles :

Le roumi fait souga, il a pris Tizi Azza.

Il veut faire le thé, avec de l'eau d'Oulma,

Moujahidines au combat !  À quoi bon la vie.

Le plan Beranger que devait exécuter en arrivant le général Silvestre, consiste en un premier bond qui devait conduire à Sidi Driss, sur l'embouchure de l'Amekrane, à une dizaine de kilomètres vers le nord d'Anoual. La position formerait une base rapprochée, où lui viendrait ensuite, par voie maritime, le gros de son ravitaillement.

C'est ici, à Sidi Driss que certains notables avaient accueilli, les généraux Silvestre et Navarro, ainsi que le colonel Moralès.

Les premiers débarquements de l'artillerie eurent lieu à la plage d'Afraou à l'Est de Sidi Driss. A partir de cette position, les espagnoles prirent d'assaut, le piton de « Dhar Oubarran », qui surplombe à la fois les rivages et l'intérieur du pays.

Sur le « Abda », le navire qui le menait vers l'exile, Abd el krim, raconte en ces termes, l'épisode de « Dhar Ouberran », la première grande victoire des rifains :

« Les espagnols venaient d'occuper Dhar Ouberran, en pays Tamsamane, point stratégique et politique de toute première importance. Je me proposais sur le champ, de leur disputer cette position. La partie était risquée. Je disposais à cette heure, de 300 guerriers. Je revins me mettre à leur tête. Et malgré ma pauvreté en munitions, je déclenchais la contre attaque. Après un combat des plus durs, ma troupe réoccupa Dhar Ouberran. »

C'est le général Silvestre qui dirigeait les opérations, côté espagnol.

« Dans cette première grande bataille, relate Abd el krim,  les Espagnols avaient perdu 400 hommes dont 2 capitaines et 4 lieutenants. Quant au butin, il fut précieux pour nous : une batterie de 65 de montagne, des fusils Mauser tout neufs, environ 60 000 cartouches, des obus, des médicaments et des vivres de campagne ! Et vraiment tout cela n'était rien encore en comparaison de l'effet moral de cette victoire. Notre succès était si imprévu, si peu vraisemblable, que les Espagnols ne s'étaient même pas fortifiés à Dhar Ouberran. Encouragées par la victoire, nos troupes, maintenant voulaient attaquer. Et si bien, que de leur propre initiative, elles dessinaient déjà une offensive en direction d'Anoual et de Sidi Driss. »

En ce qui concerne « Dhar Ouberran », qui se situe dans la commune de Bou Dinar ;le nom de cette montagne signifie « la huppe du perdreau », parce que seul son sommet est couvert d'arbres faisant penser à la tête huppée de cet oiseau..

Pourquoi le nom de cette montagne est souvent cité par l'histoire ? C'est parce qu'il était la première position occupée par le colonialisme espagnol dans le Rif. Cette montagne surplombe la Méditerranée d'un côté et le Rif de l'autre, du fait qu'elle est assez haute. A l'époque les espagnoles avaient cru qu'en occupant cette position, ils allaient dominer la région entière.

« Ayant vu la débandade espagnole, poursuit Abd El Krim, les autres fractions Tamsamane, se joignirent à nous : le bloc rifain se constituait. »

Quiconque occupe cette position, domine toute la région : c'est un balcon sur la Méditerranée d'un côté, et sur toute la province de Nador de l'autre. Une position stratégique très importante. C'est là que les rifains avaient récupérer les armes sur l'ennemi : les armes pris aux espagnols à « Dhar Ouberran » ont permis par la suite de mener la bataille d'Anoual.

Au sommet du Jbal Qama,les rifains firent le grand serment de demeurer unis et de se battre jusqu'au bout. Les auteurs du serment d'El Qama, « frappaient » ainsi la première effigie du chef de guerre, qui deviendrait Abd el krim de l'histoire.

Deux rivières délimitent le Rif proprement dit : oued Kert, du côté de Driuch et de Bni Saïd , qui se déverse en Méditerranée, juste à côté d'El Huceima. L'autre oued est celui de  Nokour. Juste à côté de ce dernier coule une petite rivière du nom de oued « Bou Kidane », qui signifie « rivière de bois ». Selon un habitant du cru "Cette rivière a connue l'un des stratagèmes d'Abd el krim : des soldats espagnols qui tentaient de la traverser  s'y noyèrent avec leurs chevaux et mulets. On lâcha un barrage d'eau et de troncs d'arbres qui les renversèrent et les noyèrent avec leurs montures : depuis lors on appela ce oued « la rivière de bois ».

Le lendemain de leur premier combat, les vainqueurs d'Ouberrane, s'étaient portés sur Sidi Driss, position avancée de Silvestre. Inaugurant une tactique qui deviendra la règle : tirailler le jour durant, puis monter à l'assaut la nuit. Mais soudain, vers trois heures du matin, ils cessèrent le combat. C'est qu'ils étaient pressés de s'en aller passer en famille, la nuit du destin, sacrée entre toutes.

La suite des évènements est racontée en ces termes par Mohamed Ben Abd el krim :

« Les Espagnols avaient massé à Igherriben, au Sud d'Anoual, une colonne extrêmement forte qui constituait en quelque sorte les avants postes de l'armée Sylvestre, dont le quartier général était à Anoual. J'étais informé que le ravitaillement des troupes espagnoles était défectueux, que peut - être même il ne s'opérait déjà plus, et que celles -ci n'avaient que pour quatre jours de vivres. Je savais aussi à quelle inquiétude elle était en proie, s'attendant d'une minute à l'autre, à voir  se soulever contre elle la population du pays qu'elle occupait. Pour accroître leur angoisse et rendre leu situation plus critique, je décide de couper leur communication avec Tizi Azza, leur base de ravitaillement. Et brusquement j'occupe la côte entre Anoual et Igherriben. »

« Effrayé des conséquences de cette manœuvre, le général Sylvestre ordonne immédiatement d'engager une opération désespérée, à gros effectifs. Il met en ligne environ 10 000 hommes, avec cavalerie et artillerie. Je ne dispose, moi, que de 1000 guerriers, mais, en seconde ligne, j'ai maintenant des réserves et l'appoint de tout le pays. »

Le 22 juillet 1921, le général Sylvestre décide de se replier de la base d'Anoual, vers la base arrière de Ben Taieb. A la sortie du camp d'Anoual, les « Régularès », formés de mercenaires rifains, ouvrent le feu en tirant dans le tas. Un tirailleur espagnol raconte :

« à l'entrée du défilé, l'afflux des unités auxquels étaient mêlés des cavaliers perdus, des attelages et des camions autos, ainsi que des mulets chargés de leurs blessés, créa dans cet étranglement, un tel embouteillage, qu'il ne fut plus possible d'organiser la marche ou de refaire les rangs. Epuisées et privées de ressort, nombre de bêtes tombaient dans les ravins. Des véhicules tombaient en panne. D'autres s'étaient brisés sur les tranchées creusées par l'ennemi à travers la route. Autant d'obstacles qui entravaient la marche. Or plus  avant la route s'enfonça dans le creux d'un ravin sablonneux où les pas soulevèrent une mer de poussière. C'est là que fut atteint le comble du désordre. Les indigènes du voisinage avec certains de nos soldats rifains, venaient tirer hors du chemin, des mulets et des hommes, puis ils les emmenaient raflant aussi des armes dont  bien des nôtres, exténués, se défaisaient d'ailleurs d'eux - mêmes. Jusqu'aux femmes mauresques qui prenaient part à ces pillages et à ces rapts. » Défection de tous les mercenaires, soit un bon tiers de l'effectif, passé à l'ennemi, et devenu son fer de lance. Ben Abd el krim dira qu'il retrouva parmi les morts, le corps de « son ami », le Colonel Gabriel Morales, mais non celui du Général sylvestre, dont plus personne n'a jamais retrouver la trace. Le régiment de cavalier fraîchement arrivé, fut lui-même entraîné par le flot qui déferle sur Ben Taieb. Delà il ne restait qu'une dizaine de kilomètres pour aboutir à Dar Driouch, position bien fortifiée, dotée d'une suffisante garnison, avec des munitions et de l'eau du Kert qui coulait à portée. Les fuyards n'étaient pas encore parvenus à Dar Driouch, que la rumeur de leur mésaventure avait déjà atteint chaque recoin du Rif et y sonnait comme un tocsin. La ligne défensive qui assurait la maîtrise de la tribu Beni Saïd  et de la partie Nord de celle des Metalsa, se disloqua. Les autres positions jalonnant cette ligne, de Tleta Boubker, à l'extrémité sud , à Kendousi au nord, puis à Dar Kebdani, connurent également une fin tragique."

Au sortir de Driouch, la traversée de l'oued Kert ne pu se faire le 23 juillet 1921 que sous un feu nourri, au prix de grosses pertes. A Tiztoutine, à l'instar d'Anoual, les hommes de la Policia, embusqués maintenant sur les hauteurs environnantes, ils opérèrent contre les arrivants un mitraillage en règle. Pour tout le reste, ce ne fut plus qu'un sauve - qui - peut, avec pour seul but les murs de Melilla. Mais seuls y parviendraient, miraculeusement, de rares survivants. Les autres auraient fini ou massacrés, ou morts d'épuisement.

Dés le 23 juillet, la plus grosse position, celle de Dar Kebdani, chez les Beni Saïd, fut cernée de si près qu'elle demeura privées d'accès à ses points d'eau. Une fois sa reddition acquise, et les armes livrées contre la vie sauve, la garnison fut massacrée hormis les officiers. De même au sud dans la tribu des Metalsa, la garnison de Tleta Bou Beker fut attaquée dés le 23, par la population locale. Elle chercha son salut dans la fuite, vers la zone française toute proche. Elle parvint à y trouver refuge, même si durant son court trajet, elle dût abandonner des morts, des blessés et ses armes. Des dizaines d'autres positions connurent le même sort. En trois ou quatre jours la rébellion gagna Selouan et Nador, puis les faubourgs de Melilla.

Le 9 août 1921, l'accord conclu entre Navaro d'une part et les Metalasa et Beni Bou Yahi d'autre part, stipule, que la garnison devait livrer ses armes, Moyennant quoi elle pourrait librement évacuer la position, et sa retraite s'effectuera sous bonne escorte jusqu' à Melilla. Toujours est - t - il qu'à l'heure où l'on se mit à désarmer la troupe, tout un groupe d'officiers se forma autour du général, à la sortie du camp. Des notables rifains s'approchèrent et nouèrent avec eux le contact. Puis, en causant, et sans en avoir l'air, ils les menèrent en quête d'un peu d'ombre, vers une petite gare, seul lieu couvert des environs. Pourtant le vrai mérite des murs de ce refuge, fut de leurs épargner le spectacle fâcheux qu'aurait été pour eux la mise à mort de leurs soldats, tous leurs soldats, jusqu'au dernier. Quand à eux, officiers, avec leur général, pris en croupe par des cavaliers « maures », ils chevauchèrent, captifs, mais saints et saufs, vers un meilleurs destin.

Franco fait partie des troupes appelées en renfort, pour défendre Melilla.De là, il assistera impuissant à la chute de Mont Aruit, le 9 août 1921. Le général Navarro assiégé à mont Aruit finit par se rendre. Les rifains pénètrent dans la place et font 3000 morts.

Notre vieux temoins -cle Metalsa raconte : "Au Maroc, les Metalsa étaient des meilleurs. C'était des éleveurs et des cavaliers. C'était des gens hospitaliers. Ce sont des combattants fidèles. Tous les Metalsa étaient ainsi. Ils font de l'agriculture et de l'élevage.Quand les Espagnole sont arrivées à Aruit, ils y sont entrés grâce aux Guelaya et un frère des Aït Bou Yahi. C'est d'ici, de Aïn Zorah que les Metalsa étaient partis . Les avaient rejoint à Aruit, les Aït Bou Yahi, en particulier leurs combattants d'Afsou. Ils avaient décidé d'interdire l'établissement des espagnols à Aruit, disant au Guelaya : établissez les espagnols chez vous, pas chez nous ! Celui qui s'était rallié aux espagnoles leur dit : laissez moi d'abord terminer mon déjeuner. Mais les Moujahidînes de Aïn Zorah lui coupèrent la tête( pour punir sa trahison ). Ils l'ont amputé d'une main qu'ils accrochèrent au bout d'un piquet aux tentes des combattants d'Afsou. Ils l'avaient piégé, ne lui laissant aucune chance (d'en réchapper). Les espagnols s'enfuyaient en se réfugiant au dessus des meules de paille, qu'on incendia. La rivière de Selouan ruisselait de sang.Lors de la bataille d'Aruit, y pénétrèrent les Guelaya et un frère des Aït Bou Yahi. Les combattants l'ont décapité. Les combattants Metalsa et Aît Bou Yahi, lui dire : ne reste pas ici, retourne d'où tu est venu(avec les espagnols). Il leur avait dit : laissez moi déjeuner avant de repartir.Ils lui dirent : d'accord, on te fera pas de mal. Dés qu'il avait déposé ses armes pour déjeuner, ils se jetèrent sur lui. Alors, la rivière de Selouan se mit à ruisseler de sang."

Dés le début du siège, le 1er août 1921, Abd el krim a recommandé de capturer les armes, mais de laisser les hommes en vie. La réponse des Métalsa et des Bni Bou Yahi fut un « non » catégorique.

" Le colonialisme espagnol est arrivé chez nous le long du chemin qui relie Anoual à Driuch, et ils s'étaient établis dans l'actuelle commune de Bou Bker, où existe encore les vestiges de leur caserne, raconte le vieux temoinsMetalsa . Là se trouvait effectivement un bataillon composé de 1200 soldats. Ordre leur a été donné de rejoindre la zone occupée par la France. Ils devaient quitter Bou Bker en longeant les montagnes, à l'ombre desquelles ils devaient se dissimuler pour fuir. Mais nos aïeuls et ancêtre étaient prêts à les affronter. Mon grand père est mort, ainsi que mes oncles, lors de cette confrontation. Nous eumes beaucoup de blessés dans notre famille.Lorsque le bataillon espagnol s'est approché de la frontière qui séparait la zone espagnole de la zone française, la fraction des combattants de Tizrout Ouzak, s'est mise au travers de leur chemin. Aidées des nôtres, ils ont repoussé les espagnols dans un retranchement dénommé « Aqrab » (musette). Une grande étendue vide. De tout le bataillon espagnol, avec ses armements, rares sont ceux qui ont pu s'échapper : 50 à 60 soldats espagnols. Quant aux autres, tous les autres ont été massacrés. Du bataillon espagnol, environ 900 ont péris, et n'ont pu s'enfuir en zone française qu'une soixantaine. Depuis lors cette parcelle a été délaissée durant une quinzaine d'année : on n'y laboure pas, on n'y pâture pas. On n'est jamais plus repasser par là."

Sous le titre « Abd el Krim, le mystérieux », le correspondant du Bulletin de l'Afrique Française à Madrid, écrit le 5 septembre 1921 :

« Le personnage devient de plus en plus énigmatique et on a bien du mal à comprendre comment le commandement de Melilla ne se préoccupe pas plus de le surveiller ou de s'en faire un auxiliaire.Des faits très caractéristiques permettent de se rendre compte qu'on ne se trouve pas en face d'un fanatique vulgaire, préoccupé surtout de rapines faciles, aidé de son frère, qui étudia durant trois ans, à Madrid, pour préparer son entrée à l'Ecole des Ingénieurs de Mines, il donne l'impression de s'efforcer de donner aux hordes rifaines une organisation inusité dans ces régions. Il tient à donner à ses adversaires l'impression qu'il est  au courant des usages de la guerre entre pays civilisés : les prisonniers sont bien traités et ont toute la liberté pour donner des nouvelles à leurs familles ; lorsqu'il rend le cadavre du colonel Morales ; avant de faire déposer son cercueil sur la petite plage de Sidi Idris, il le fait envelopper d'un drapeau espagnol et ordonne de saluer la dépouille mortelle du malheureux chef de la police indigène par des salves et les marins de la canonnière espagnole le voient s'incliner dans un dernier salut à celui qui fut son ami avant de devenir son adversaire. C'est à Abd-el-Krim et grâce à l'escorte qu'il envoya à Mont Arruit, que le général Navarro doit d'être encore vivant.»

Un télégramme publié par le Temps de Paris du 22 août 1921, souligne que « les réfugiés espagnols continuent à franchir journellement la frontière par petits groupes. Beaucoup parmi eux sont blessés, et ceux qui ne peuvent pas être dirigés immédiatement sur Oran pour être rapatriés sont soignés dans les hôpitaux de Taourirt, de Guercif et d'Oujda. »

Un article publié le 17 août 1921 dans El Liberal, écrit sous le titre « le présent et l'avenir » :

« Nous sommes dans le Rif depuis le 24 juillet, dans une plus mauvaise situation que lorsque nous signâmes le traité de 1912. Nous avions comme gage de notre capacité de l'œuvre à accomplir, conjointement avec la France, tous ces territoires conquis durant les campagnes de 1909 et 1911, Guelaya, Kebdana,Bni Sicar. Aujourd'hui ces territoires nous sont complètement hostiles.

Les contingents espagnols qui se trouvaient à proximité de la Moulouya durent se réfugier à l'abri des postes français installés sur la rive droite. Et ces contingents nous ont été rendu, venant d'Oran, en un exode qui nous fait rougir. Les contingents de l'intérieur furent anéantis. Sur le cours moyen de la Moulouya et dans la région de Taza, une menace s'élève contre la tranquillité - relative si l'on veut- des Français. Pourrons nous, oui ou non faire honneur à nos engagements ? Aujourd'hui, notre idéal doit se limiter à doter Melilla d'un hinterland qui ne peut être que celui marqué sur les cartes par la ligne du Kert.»

Un communiqué de l'armée espagnol annonce qu' « on se trouve dans notre zone comme dans la zone française, devant un soulèvement général des tribus. »

L'attaque d'Igherriben précéda la débâcle d'Anoual.

Voici ce qu'on peut lire, entre autres, sur un document affiché, par les soins des Rifains, au nom de l'assemblée musulmane du Rif, dans la mosquée de Tanger, le 21 juillet 1921 :

« Si vous pouviez voir vos frères sur les champs de bataille, les uns morts, les autres blessés, vous verseriez des larmes de sang, vous n'hésiteriez pas à venir à leur aide. Nous voyons les Espagnols s'aider les uns les autres et ce sont des infidèles et des gens injustes, et nous ne voyons personne nous venir en aide, nous qui avons la vraie foi. Ne faisons nous pas la guerre dans la voie de Dieu ? Notre conduite n'est - elle pas conforme aux préceptes de l'Islam ? Notre dignité et la vôtre ne sont - elles pas une seule dignité, comme notre honte et la vôtre une même honte ? Où sont vos Oulémas ? Ô Oulémas, n'êtes vous pas les héritiers des Prophètes ? A quoi pensez vous ? Y - t - il quelques doutes au sujet de Dieu ? Comment vous excuserez vous demain devant Dieu, si vous êtes de ceux qui par crainte, négligent la guerre dans la voie de Dieu ...S'il vous est difficile de venir à notre aide, ô musulmans, adressez vous à l'émir des croyants, Notre Maître Youssef, pour qu'il nous fournisse les approvisionnements nécessaires à l'accomplissement de notre œuvre ; qu'il nous applique les lois qu'il voudra et par l'intermédiaire de quelle nation il voudra, sauf l'Espagne.. »

« A l'issue de la bataille de mont Arouit, raconte Abd el Krim, j'étais parvenu sous les murs de Melillia. La prudence s'imposait.

Avec la dernière énergie, je recommandais à mes troupes de ne point massacrer ni maltraiter les prisonniers. Mais je leur recommandais aussi énergiquement, de ne pas occuper Melilla, pour ne pas créer des complications internationales. De cela, je me repends amèrement. Ce fut ma grosse erreur. Oui, nous avons commis la plus lourde faute en n'occupant pas Melilla ! Nous pouvions le faire sans difficulté. J'ai manqué ce jour là de clairvoyance politique nécessaire. Et à plus ou moins longue échéance, tout ce qui a suivi, a été la conséquence de cette erreur.

Abdelkader Mana

13:57 Écrit par elhajthami dans Le couloir de Taza | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le couloir de taza, histoire, documentaire, la guerre du rif | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook