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07/01/2012

Nostalgie des origines

En ce début 2012,Mustapha BELKOUCH éxpose à Toulouse

arts

L'artiste paysagiste mustapha Belkouch présente,en ce moment-même, une grande exposition de ses oeuvres à Toulouse : souhaitons grand succès à cette exposition qui ouvre l'année 2012, en même temps qu'une nouvelle étape dans la vie de l'artiste.

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 Le désert n'est plus un paysage, c'est la forme pure qui résulte de l'abstraction de toutes les autres.

Flamboiement de lumière, écriture cristalline

Les paysages de Belkouch me rappellent étrangement une visite au Sahara l'hiver. C'était à« Foum El Oued », le delta de la Séguier el Hamra, avec ses méandres d'eaux dormantes aux reflets d'acier serpentant vers la mer.. Ce paysage austère et pluvieux revêt des allures poétiques pour l'épilogue d'un chant nomade :

Nos gîtes de campagne,

Sont dressés là - même où sont nos racines

Sur cette étendue désertique  frappée d'éclaires.

Doux rêve d'hiver, sous  la fine pluie et sous la tente

Parfum d'herbes sèches, s'évaporant du milieu des oueds.

Lointaines rumeur des bêtes sauvages.

Cérémonial de thé, entre complices de l'aube.

Crépitement de flammes consumant des brindilles desséchées

Et avec le jour d'hiver qui point

Chaque amant rejoint la tente des siens.

Cette vision du désert comme centre de rayonnement mystique et comme source d'inspiration nous est aujourd'hui confirmé par l'artiste lui-même :

« Mon travail est comme une thèse en mouvement. La transformation et l'évolution se font dans le temps (pas d'arrêt sur un style ou de techniques particulières). La quête doit être totale, sans cesse remise en question et au fur et à mesure proposée au public. Je propose une expression de mon énergie intérieure, avec tout ce que cela comporte de tâtonnements,  de recherches dans les  rapports des formes par rapport au vide qui composent mes tableaux.L'idée de représenter le désert est un objectif car il est le représentant de tout ce à quoi j'aspire : la puissance, l'émotion à l'état brut.  Cet extrait du livre Amérique  de Jean Baudrillard i résume bien l'idée que le désert ne peut-être que le support idéal pour réaliser une œuvre abstraite) : l'émerveillement de la chaleur y est métaphysique. Les couleurs mêmes, pastels bleus, géologique, intemporelle. La minéralité du sous-sol y fait surface dans des végétaux cristallins. Tous les éléments naturels y sont passés à l'épreuve du feu. Le désert n'est plus un paysage, c'est la forme pure qui résulte de l'abstraction de toutes les autres. »

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Ardence de glace et de feu, de Mustapha BELKOUCH

Il y a longtemps que j'ai rêvé de ce tableau que nous propose BELKOUH: ardente lumière soupoudrée d'or...Un art dense qui nous fait danser, penser, rêvasser. Danse de couleurs et de lumière.Musique du silence et des prières.De glace et de feu, d'ombre et de lumière le travail de Mustapha Belkouch est absolument étonnant et poétique. Ardeurs, ardence, ardentes amours.Flamboiement de lumière, écriture cristalline.Il me fait penser un peu à la gestalt théorie de ce magicien vers lequel m'avait conduit alors que je n'étais qu'enflant un dénommé Abdallah "jahel"(l'enragé), un type fort puissant tout en muscle qui avait fait le figurant dans le film de Massist. Il voulait savoir si sa femme ne l'avait pas trahi et le sorcier lui avait demandé de ramener un enfant au regard innocent pour déchiffrer son avenir. Une fois chez le voyant entouré des livres jaunes de la magie celui -ci s'est mis à enduire un œuf de smakh et à la fin il me l'avait mis entre les mains en me demandant de regarder attentivement au reflet de la lumière ce que signifie pour moi les ondoiement d'ombre et de lumière à la surface de l'œuf et j'y décelais comme sur les oeuvres de Belkouch, des montagnes, des paysages , des personnages...Et il m'avait alors suggéré de raconter le film qui se déroulait sous mes yeux à la surface de l'œuf! Tout ce dont je me souviens maintenant c'est que j'avais dit au Massist de notre quartier que je voyais sa bien aimée en train d'escalader une falaise et le sorcier de commenter qu'elle est certainement en train de voyager dans un monde imaginaire....

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Ondoiements d'ombre et de lumire,(cendres) Mustapha BELKOUCH

Le mercredi 23 décembre, j'écris à nouveau à Mustapha Belkouch :

J'ai retrouvé hier un autre souvenir d'enfance complètement oublié : c'est curieux de voir comment mon enfance se télescope avec ton travail...J'ai rencontré Fatima que j'ai connue dans mon enfance. Elle est maintenant une femme précocement vieillie s'adonnant assidument à la prière...Elle me rappelle un souvenir oublié en rapport avec sa mère que nous appelions affectueusement « Mouizigha »  et qui n'est plus de ce monde probablement depuis fort longtemps. C'était une voisine et une amie à ma mère chez qui enfant je me réfugiais à chaque fois que je commettais une farce. Pour éviter d'être puni, je passais sous la chaleur de son toit hospitalier et affectueux, les nuits sombres de l'hiver.

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Médium nocturne, bétyle de glace, Mustapha BElkouch

Elle m'amenait souvent à son bled dénommé Ifran et situé à l'emplacement actuel de l'aéroport de Mogador. Fatima me dit maintenant : « Les voisines à qui nous faisions visiter notre Ifran n'en revenaient pas une fois sur place : « Nous croyons que nous allons visiter un Ifran de verdure, mais nous n'avons trouvé qu'un ifran de pierrailles ! » En effet, en berbère le terme ifran signifie l'oasis de rosiers et de lentisques qui se développe à l'ombre d'un vieux caroubier au voisinage d'un puits ou d'une source avec des laveuses de linges sur dalles de pierres lisses chantonant de beaux refrains au cliquetis de leurs bracelets mêlé au coassement des crapauds et des grenouilles. Une espèce de paradis d'ombre et de lumière semblable à ceux qui surgissent de l'inconscient de Mustapha Belcouch comme des souvenirs estompés à multiple interprétations. L'artiste retrouve aussi ses souvenir d'enfance à la volupté indéfinissable voir insaisissable : des montagnes bleutées, des ciels azurées, des vallées enflammées. Une nostalgie des origines : voila ce que nous révèle l'œuvre de Belkouch. On peut penser aux estompes asiatiques à l'ère glacière, moi son œuvre me fait revenir à mon enfance dans les montagnes berbères. A chacun sa lecture de Belkouch, une œuvre plutôt tournée vers les horizons intérieurs.Amoncellements de blocs de glaces bleu nuit au bord d'un précipice d'une faille...

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Précipice et faille de glace..Mustapha BELKOUCH

Pour moi, l'ifran de  pierrailles était plutôt un petit coin du paradis de mon enfance, oublié certes, mais où germe cette flamme poétique qui continue notre vie durant à nous insuffler cette ardeur intérieur, cette méditation des profondeurs, semblable à celle qui fait produire à Belkouch ces œuvres si énigmatiques et mystérieuses à travers lesquelles il tante de nous transmettre l'indicible qui l'habite : c'est de cet inconnu rêvé qu'il s'adresse à nous. Lui aussi, tente par sa peinture de retrouver le temps perdu de son enfance à travers ces couleurs chaudes, transparente à la légèreté éthérée ...Il y a longtemps aussi que j'ai rêvé que je me suis perdu dans de pareilles banquises que nous propose BELKOUCH: c'était à la suite de la vision de Charlie Chapline se débattant au - dessus du gouffre; sa pauvre cabane de bois menaçant à tout moment de se précipiter dans le sombre vide de glace ...

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Ksours,Mustapha BELKOUCH

Jaune safran, aube dorée, trace de henné, sacrifice, rêve brumeux

« Une fois me raconte Fatima, Mouizigha avait acheté au souk des Ida Ou Gord, un petit âne au pris de 1200 réaux (60 DHS actuels), juste pour te permettre de gambader entre les enclos d'épines de nos champs...Tu passais ainsi la journée avec ton petit âne au point d'en attraper une terrible fièvre et de nous faire peur en nous disant au fond de ta sieur et de ton délire : je vais mourir, je vais mourir... » Vision cramoisie, enfiévrée du monde...

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Sirocco, ardentes amours, Mustapha BELKOUCH

cet ifran de pierraille , cet ifran disparu sous le bitume de l'aéroport, représentait pourtant pour moi un petit coin de paradis que je parcourais accroché à la crinière de mon petit bourricot le regard rivé aux sentiers lumineux, entouré de palmiers nains, d'arganiers rabougris, de fleurs sauvages. « Tu mantais aux branchages d'un figuier pour en recueillir des figues à peine éclose, des figues loin d'être mûres ». Me dit Fatima. On devait être au tout début du printemps ou même au cœur de l'hiver comme maintenant.

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La nuit lunaire de Mustapha Belkouch

Je crois que c'est de semblables souvenirs qui sont à l'origine de l'œuvre de Belkouch, une nostalgie indéfinissable qui l'habite en permanence et qu'il essaie d'exprimer par ces formes et ces couleurs d'une tendresse indéfinissable. On est caressé interpelé sans savoir exactement de quelle nostalgie des origines il nous parle, de lui-même mais aussi de nous...En ce moment il pleut et de la forêt voisine les paysans arrivent en ville avec des sacs plein d'escargot, ces mollusques ont aussi la couleur tendre et transparente des toiles de Belkouch. Ils ont aussi la couleur de notre enfance, lorsque sous la pluie battante nous parcourions les sous bois dense des eucalyptus et des mimosas, à la recherche des précieux escargots qui se meuvent en dehors de leur tanière sous les brindilles et au milieu des petites pousses. C'est à de semblables sensations liquides et chaleureuses auxquelles nous convie Belkouch, des sensations poétique et colorées comme un rêve qu'on ne peut reproduire par un franche figuratif...

Le soir du 23 décembre je fait le lien entre le travail de Belkouch et les rêveries poétiques de Bachelard sur l'eau, le feu et les quatre éléments des alchimistes ; Calligraphie japonaise, coulée de glace et de feu, montagne de neige tourmentée, jaune safran, aube dorée, trace de henné sacrifice, rêve brumeux. Ce n'est pas une pure abstraction, ce que nous propose Belkouch : sa peinture est une peinture de la mémoire faite traces qui suggère des formes concrètes en pointillé, et nous invite ainsi à la rêverie Bachelardienne au bord de l'eau et du feu... Des paysages, des traces humaines. C'est-à-dire un sens, des significations en même temps qu'une esthétique des formes et des couleurs ; Cette  rêverie dorée et blafarde faite peinture porte sur le feu et l'eau, c'est-à-dire les éléments primordiaux de la création minérale et volcanique. Oui, harmonie des formes plastiques aux allures musicales.

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Calligraphie japonaise, coulée de glace et de feu Mustapha BELKOUCH

Peinture du silence, de l'absence, du dépouillement, du vide et du plein. Ce n'est pas le silence du vide et de la mort, c'est celui du rêve et de la vie. Des trouvailles techniques dues au hasard des coulées plastiques ou le résultat d'une rêverie méditative ? Peu importe le regard ; une sensation poétique s'empare peu à peu de celui qui regarde ces reliefs primordiaux aux allures  étranges et belles...C'est une forme d'écriture cristalline : des cristaux en équilibre...Un cheminement de montagnard en hautes alpages hivernales ...Une écriture de l'indicible qui invite au déchiffrement magique  des sillons et des traces.

Dans mon enfance, j'ai connu aussi le déchiffrement magique des traces : je vois encore ma mère invitant une voyante nomade qui déambulait dans nos rues les jours de fête : une fois au patio de notre vieille maison, elle posait à même le sol un van d'osier et le saupoudrait de sable, puis traçait des rayures et des formes abstraites à l'aide d'une omoplate. Elle lisait à travers ces traces nos avenirs incertains comme on lit les destins à la forme particulière  et unique de chaque empreinte de paume à la surface ouverte des mains. Sauf que les rayures et les formes tracés par Belkouch sont de glace et de feu...Il ne s'agit pas de nomadisme sur le sable mais de transhumance de haute montagne en hiver. De solitude et de silence. Donc d'une certaine forme de prière...que symbolise cette bétyle de glace dressée au milieu du silence de la solitude et de la nuit.

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Glaciation cristalline de Mustapha Belkouch

Le chant du pays se rythme au tambourin

Le rythme  de Bou Iblân scintille au firmament

La danse pastorale  est une  ondulation de la montagne

Hautes sont les cimes, limpides sont les sources

Drues, les  vallées de la montagne à Meskaddal

Où chaque année, on  célèbre les pâturages d'été...

Vertes, les prairies de la plaine d'Azaghar

Où chaque année, On  célèbre les pâturages d'hiver...

Ces cîmes eneigées me rappellent les hauts alpages de Bou -Iblân, le plus élevé sommet du Moyen Atlas Oriental, en arrière pays de Taza  que j'ai visité l'hiver il y a trois ans de cela, pour les besoins d'un documentaire de "la musique dans la vie" .Le massif de bou iblan, est une zone enneigée et inhabitable l'hiver. Les quelques maisons qui y existent sont occupées l'été par les gardiens de troupeaux qui viennent y transhumer. Cette montagne constitue d'excellents terrains de parcours où tous les troupeaux des Bni Waraïn se retrouvent l'été. En cette haute montagne, où le paysage respire l'agréable fraîcheur des petits sites alpestre j'ai pu recueillir quelques légendes pastorales.

Selon l' une d'entre elles recueillies auprès d'une chaumière du crû, sur  cette montagne aux neiges éternelles, on découvre «  une bergère et son troupeau pétrifiés au cours des 40 nuits les plus glaciales de la saison morte». Il s'agit des fameuses « liali Hyane », où selon un vieux dicton, il ne faut préparer ni chevreau ni agneaux qu'après le passage de leurs  nuits froides et néfastes. En effet, durant cette période, on cesse de faire le beurre avec le lait des brebis qui a diminué. C'est probablement  parce qu'elle avait enfreint ce tabou, que la vieille bergère fut pétrifiée sur la montagne avec son troupeau alors qu'elle était en train de préparer du petit lait avec une outre en peau de chèvre.

La vieille bergère disait au début :

-         Je vous défie, ô les plus froides nuits de l'hiver ! Et j'escalade la montagne, avec mes ovins, mes caprins et mes chevreaux !

« hyan », l'esprit des nuits d'hiver demande alors à Mars :

-         Ô Mars ! Prêtes mois le jour de mauvaise augure pour que je tue la vieille ogresse !

C'est ainsi qu'elle s'est pétrifiée au sommet de la montagne aux neiges éternelles avec son troupeau et son outre en peau de chèvre. .




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Méditation lumineuse et assymétrique de Mustapha BELKOUCH

S'agit-il ici d'un gestuel calligraphique où de l'une de ces branches mortes de la cédraie millénaire, que j'ai vu surgir de la neige au sommet de Bou - Iblân comme un vieux fusils au bout d'un bras pétrifié de la première boucherie humaine de 1914 - 1918?

On n'arrive pas à replanter le cèdre disparu des flancs de Bou- Iblân, parce que, nous dit - on, les bergers se mettent à l'arracher dès qu'on l'a planté, croyant que la régénération de la forêt se fera au détriment des terrains de parcours. Les vieux de la région racontent que l'ancienne forêt dense du cèdre a disparu à cause des incendies. Ils  rapporte même une légende pour appuyer cette affirmation :

Dans un temps à la fois mythique et lointain « vivait à Bou - Iblâne une  monstrueuse créature, mi - boa, mi - jument, du nom de Targou : elle avait l'allure d'une grande jument entièrement recouverte de grosses poiles qui lui tombent jusqu'au sol. Un jour qu'elle fut foudroyée par l'éclaire au sommet de la montagne, sa farouche tignasse prit feu, et elle s'est mise alors à se frotter aux troncs d'arbres, provoquant un gigantesque incendie qui décima d'un coup des milliers et des milliers de cèdres millénaires. De sorte qu'il ne reste que quelques cédraies disparates ici et là, autour de Bou - Iblâne.

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Souffle ! Souffle ô Bou - Iblâne !

Rafraîchit l'air du plat pays

Ô Bou - Iblâne ! N'était le froid,

J'aurai planté ma tente sur ton sommet !

En effet, dés qu'arrive la période des neiges , les transhumants s'empressent de rejoindre le plat pays et avec la belle saison ils reprennent d'assaut les hauts paquis. Mouvement oscillatoire et saisonier dont nous parle cette autre légende:

La vieille bergère se déplaçait vers Taïzirt avec son troupeau. Elle était accompagnée de son mari, d'un berger et des ses bovidés. Quand les sept nuits froides de Hyân sont arrivées, elle a dit à son mari :

-         On ne doit pas rester ici, il faut qu'on monte en haut de la montagne.(ils avaient une maison à Moussa Ou Saleh).

-          On ne quittera ici, que lorsque l'épis soit mûre, lui répondit son mari.

Elle dit alors au berger :

-         Quand tu seras en pâture, là où on laboure, ramène avec toi une vieille épis pour que je puisse la montrer à mon mari, en lui faisant croire que l'été est déjà arrivé., et que nous devons donc décamper d'ici.

Après avoir tâter l'épis son mari aveugle lui dit :

-         Il est temps de transhumer vers « Moussa Ou Saleh ».

Au bout de trois jours de leur séjour là -haut,  Hyân est allé emprunter trois jours au mois de mars :

-         Ô mars, toi qui préside la saison du printemps ! Peux - tu me prêter tes trois jours de mauvaises augures, pour que j'en pétrifie la vieille ogresses ?!

Et c'est ainsi qu'il lui accorda les trois jours de mauvais augures qui pétrifièrent le troupeau, la vieille bergère, son aveugle de mari, le berger et le troupeau de vaux. Le froid les a pétrifié pour avoir renverser le cycle de la transhumance.

 
"Moussa Ou Saleh" est le nom que porte le sommet le plus élevé qui domine tous les autres et dont la cîme est perpetuellement couverte de neige. Pour cette raison il rvêt un caractère légendaire dont se fait échos cette tradition orale:

« Moussa Ou Saleh » habitait à Tlemcen. Il possédait un cheval. Un jour une fourmi l'a piqué. Il l'a mise alors dans un étui en roseau et l'enferma avec un grain de blé tendre. Au bout d'un an , elle n'en n'a pu consommer que l'équivalent d'une tête de fourmi. Quand le Roi de l'époque le su, il demanda à ce qu'on fasse venir « Moussa Ou Saleh ». Une fois en sa présence, il lui dit :

-         Pourquoi as-tu emprisonné la fourmi ? Toi aussi, tu sera emprisonné pendant un an.

-         Ça sera comme vous l'aurez voulu, puisque vous êtes le Roi du Temps : jugez comme vous l'entendez, lui rétorqua Moussa ou Saleh.

Il demeura une année en prison, en demandant à sa mère de bien prendre soin de son cheval, de le nourrir de blé, en le gardant à l'ombre, loin du soleil.

-         Quelle aliment choisiras - tu pour te nourrir ? lui demanda le Roi.

-         Le lait dont je peux boire l'eau et manger le fromage, répondit - il. Et d'ajouter :

-         Seigneur, il faudrait qu'on organise un jour une fête et une fantasia !

Le jour de la fête,il sella son cheval et se dirigea vers les remparts. Un observateur se mit alors à crier :

-         Moussa est parti ! Faites attention, Moussa est en train de fuir !

En un clin d'œil, il parvint en effet, à enjamber le rempart avec son coursier.

A chaque fois que ses poursuivants demandaient aux gens :

- Un cavalier, est- il passé par là ?!

Ils recevaient invariablement cette réponse :

-         Nous n'avons vu passer par ici qu'un corbeau portant une laine blanche à son bec.

Le cavalier blanc continua ainsi sur son coursier noir jusqu'à Taza, où il fit ses prières à la grande mosquée. Après quoi il se dirigea vers la plus haute montagne du pays, où deux fossoyeurs ont déjà creusé une tombe :

-         Que faites-vous ici ? leur demanda -t-il.

-         Nous venons de creuser la tombe d'un homme de votre taille, lui répondirent - ils. Veux - tu t'y mettre pour qu'on puisse mesurer si elle convient ?

-         D'accord ! leur répondit - il.

Ils lui firent alors flairer une fleur sauvage, et il en mourut subitement.

C'est la raison pour laquelle, on appela désormais cette montagne du nom de « Moussa Ou Saleh ».

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Le « Moussa Ou Saleh » qui élève sa cime à 3215 m. d'altitude, est le sommet culminant de la chaîne du Bou - Iblâne et de tout le massif du Moyen Atlas. Une jolie légende se rapporte à l'origine de son nom :

« Il y a de cela bien des siècles, Moussa Ou Saleh vivait  réduit en captivité sur les Etats du puissant roi de Tlemcen. Mais un beau jour, déjouant la surveillance de ses gardiens, le prisonnier s'enfuit aux galops d'un splendide et fougueux coursier.A ses poursuivants qui demandaient des nouvelles du cavalier fugitif, les gens répondaient :

-         Nous n'avons vu qu'un corbeau volant avec de la laine au bec !

Le cavalier blanc paraissait s'envoler sur son coursier noir.Et c'est en vain que les plus habiles cavaliers du roi de Tlemcen le poursuivirent à travers les monts et les plaine jusqu'aux derniers rayons du soleil couchant. Il  fit la prière du crépuscule à la grande mosquée de Taza, avant de poursuivre sa folle chevauchée . Vers le soir, et alors même qu'il venait d'atteindre la gigantesque barrière de Bou - Iblâne, son cheval fourbu, s'abattit brusquement sous lui. Le fugitif cherche à reprendre haleine , mais un essaim furieux d'adversaires, l'entoure déjà :

-         Vous me suivez plus haut encore ! les défie - t - il à leur approche.

Et dans un suprême effort, il se prend à gravir au devant d'eux, le flanc inhospitalier de la rude montagne. Mais il sentit peu à peu ses forces le trahir et en lui , la vie défaillir : en touchant au sommet , il tomba brusquement foudroyé par la mort,. C'est  depuis lors, qu'on appela cette partie culminante de la montagne du nom de « Moussa Ou Saleh ».

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Paroi préhistorique de Mustapha Belkouch

En faisant la par des embellissements inévitables où se complait l'imagination populaire, deux points sont à retenir dans ce récit :

Le nom du héros d'abord, et ensuite l'évocation de sa rivalité avec le roi de Tlemcen. Ils suffisent à nous découvrir le fond historique de la légende : moussa Ou Saleh, n'est autre , en effet, que le plus fameux d'entre les princes de la dynastie des Banou saleh, ces fondateurs du petit royaume de Nokoûr qui florissait sur la basse Moulouya aux environ du 10ème siècle. La renommée laissée par Moussa fut telle, que cinq cent ans après sa mort, il se trouve encore cité par Ibn Khaldoun au nombre des illustrations du peuple berbère et présenté par lui « comme un des ornements de sa Nation. » La lutte inégale qu'il soutint contre les lieutenants Tlemcéniens d'Obeid Allah le Fatimide n'est point sans doute étrangère au développement d'un pareil prestige.

C'est au sommet de cette montagne qu'on découvre encore aujourd'hui selon la  légendeainsi , la vieille bergère pétrifiée au  milieu des   neiges éternelles avec son troupeau et son outre en peau de chèvre. Au plus haut sommet de Bou - Iblâne on trouve également une fiancée pétrifiée par la glace.

Abdelkader Mana

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Nuit solitaire, Mustapha Belkouch






12:13 Écrit par elhajthami dans Arts | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : arts | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

03/01/2012

Le port de Tombouctou

 Le Port de Tombouctou
 histoire,photographie
Caravane arrivant à Mogador, Roman Lazarev

La frontière nord de l'oum rbia était franchie par des caravanes chargées de marchandises à destination d'Essaouira. A son rôle maritime important, s'ajoutait son rôle de relais du Soudan. Le littoral que longaient les caravanes se prolongeait jusqu'à la porte de la marine et les navires restaient au large.Essaouira avait un rôle de transit entre l'Afrique et l'Europe, c'est pour cela qu'on l'a surnommait "le port de Tombouctou". Ici, les caravanes de Tombouctout prolongeaient les caravelles de la lointaine Europe, ici le vent alizé enflait de son souffle puissant les voiles des navires marchands et des bateaux corsaires.

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    Le négoce fournissait au Makhzen des ressources notables, et les puissance européennes appréciaient le Maroc non seulement pour ses richesses propres, mais encore sous le rapport du transit.Visitant Mogador à l’aube du 20èmesiècle, Eugène Aubin écrit le 2 novembre 1902 : « A l’heure actuelle la place de Mogador n’exporte plus que les peaux de chèvres venues de Marrakech et du Sous, les amandes du Sous et de Haha, les huiles et la cire, enfin la gomme du Sous(gomme arabique et sandaraque, utilisée en Europe dans les industries chimiques et pharmaceutiques ; gomme ammoniaque, expédiée en Egypte, Algérie, Tunisie, et employée pour l’épilage, selon les usages musulmans) ; les caravanes du Sous et de Marrakech aboutissent journellement au port…De puissantes maisons juives sont établies à Mogador. Comme elles importent surtout des bougies, des cotonnades et du thé, elles font la plupart de leurs affaires avec l’Angleterre, et quelques unes possèdent même des comptoirs à Manchester. » . Arrivée d'une caravane à souk haddada - Cliché Garaud :

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Ici les caravanes de Tombouctou prolangeaient les caravelles de la lointaine Europe.

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La rade d'Essaouira


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Arrivée de la caravane de Tombouctou à Mogador

C’étaient les dernières caravanes qui reliaient Mogador à son arrière-pays et à Tombouctou, avant qu’Agadir au Sud et Casablanca au Nord ne supplantent la ville des Gnaoua en tant que principal port du Maroc. Avec la découverte de la machine à vapeur, l’Europe était désormais directement reliée par voix maritime au Sahara et à la boucle du Niger sans avoir à passer par l’ancien « port de Tombouctou », qu’était Mogador.

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Marché au seuil de Bab Sbaâ

Au grand souk situé hors la ville aboutissent les caravanes de Marrakech et du Sous ; elles doivent y demeurer , sans franchir les portes , jusqu’à ce que leurs marchandises aient trouver acheteur ; chameaux et chameliers y campent sur le rivage dans la saleté et le désordre ; à côté d’eux sont étalées sur le sol les peaux de chèvres , amenées de l’intérieur dans la fiente et le sel, que les exportateurs font sécher avant leur embarquement.

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Haddada, quartier des forgerons où aboutissaient les caravane en 1912

  Les caravanes en provenance de Tombouctou et qui longeaient la côte pour rejoindre Agadir puis Essaouira passaient soit par Guelmim à l’oued Noun, fief de la famille Bayrouk, soit par la Maison d’Illigh à Tazerwalt, fief des descendants de Sidi Ahmad Ou Moussa. D’ailleurs à la fin du XIXe siècle, Huçein Ou Hachemi de la Maison d’Illigh, comme le Cheïkh Bayrouk, disposaient d’une maison commerciale à la nouvelle kasbah d’Essaouira. C’était le négociant juif Afriat qui s’occupait des intérêts des Bayrouk au port de Mogador. Le cheykh Bayrouk de Goulimine disposait en effet d’un entrepôt où il déposait les marchandises en provenance de Tombouctou, et c’était le négociant Afriat, lui-même originaire de Goulimine qui s’occupait de ses affaires à Essaouira. Ces juifs de Goulimine avaient fini par aboutir dans cette ville saharienne, après leur expulsion d’Espagne, comme le prouvent les motifs des bijoux qu’ils produisaient et qui étaient à bien des égards similaires à ceux des orfèvres d’Andalousie. On se souvient encore aujourd’hui de la famille  Bayrouk qui habitait au début du siècle au quartier des gens d’Agadir (quartier d’Essaouira qui porte ce nom parce que ses premiers habitants étaient originaires d’Agadir) : les hommes travaillaient au port, tandis que leur marraine, une mulâtresse, était célèbre voyante médiumnique (talaâ) qui officiait lors des nuits rituelles des Gnaoua.

histoire,photographie

    Sur sa route vers Mogador Léopold Panet, le premier explorateur du Sahara, rencontre le cheïkh Bayrouk pendant son séjour à Noun, et assiste à une fête d’accueil d’une caravane en provenance de Tombouctou :

  « Pendant mon séjour à Noun, j’y fut témoins d’une fête magnifique. C’était le 12 mai ; la veille, on savait qu’une grande caravane revenant de Tombouctou devait arriver le lendemain, parce qu’elle avait envoyé faire louer des tam-tams pour fêter sa rentrée. Dés sept heure du matin, les femmes des marchands arabes, qui composaient cette caravane, étaient parées de tout ce qu’elles avaient de beau en habis et en bijoux, et le tam-tam, dont le bruit assourdissant se répétait au loin, avait attiré autour d’elles une foule des deux sexes...Ceux au-devant de qui elles allaient, paraissaient à l’autre extrêmité de la plaine, laissant derrière eux leurs chameaux chargés et deux cent esclaves appartenant aux deux sexes. Le tam-tam résonna avec fracas, les drapeaux voltigèrent en l’air, les chevaux se cabrèrent de part et d’autre...La troupe forme deux haies qui reçoivent entre elles les chameaux chargés et les esclaves déguenillés, souvent nus. Les hommes continuent leur évolution guerrière avec le même enthousiasme, mais il y a moins de charme, moins de mélodie dans les chants naguère si harmonieux des femmes : elles ont tourné leur attention vers les esclaves et déjà chacune d’elles y a fait son choix. »

  Les maîtres de ces lieux de rassemblement de convois caravaniers, disposaient dans leurs citadelles de nombreux esclaves issus du commerce transsaharien. Les Noirs qui vivent aujourd’hui autour de ces vestiges du passé y célèbrent encore leur fête annuelle.S’ils vénèrent tous  Lalla Mimouna, et sont issus de la même origine l’ancien Soudan, le pays des Noirs des géographes arabes, qui correspond à la boucle du Niger , il n’en demeure pas moins que sur le plan culturel, chaque communauté  ganga s’est adaptée à sa manière au contexte, dans lequel, elle fut intégrée.

  Le souvenir de la traite des esclaves reste vivace chez leurs descendants marocains. Voici le témoignage d’un maréchal-ferrant noir, également grand connaisseur de l’amerg, chant poétique berbère :

  " Les esclaves provenaient de la tribu Sharg du Sahara. Des marchands les amenaient de là-bas pour les vendre dans le Sous. Par la suite, leurs enfants étaient expédiés dans le pays Haha. On leur mettait la corde au cou pour les conduire sur la place où on les vendait comme des bêtes, en examinant leur denture pour distinguer le jeune du vieux. C’est ainsi que mon père fut offert au caïd des Ida ou Guilloul. En revanche chez les Neknafa, les esclaves noirs appartenaient à Israren, un caravanier qui échangeait les céréales de la région contre le thé, le sucre, et les esclaves de Sous. C’était le trabando (la contrebande). Cette traite des esclaves a cessé quand il a plu à Dieu de venir en aide aux Noirs. Une fois affranchis, comme ils ne possédaient pas de terres, ils ont dû devenir métayers pour subsister. Un jour, j’ai décidé de troquer le tambour contre le ribab et j’ai fait le tour des villages pour animer les fêtes de mariage. J’ai chanté l’amerg en tant que maître du ribaba pendant quatorze ans, mais quand mon père est mort, j’ai pris sa relève à la forge. »

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Au temps où les caravanes afluaient vers Mogador

  Avant de traverser le désert des déserts, les caravanes faisaient halte au pays des moulatamoun, ces hommes voilés du désert, pour y faire provision d’eau. Quand les vents chauds tarissaient l’eau dans les outres, les caravaniers pour apaiser leur soif recouraient au stratagème suivant : ils prenaient avec eux des chameaux sans charge et les assoiffaient pour les faire boire une première fois puis une deuxième fois, jusqu’à ce que leur panse soit pleine. Quand le besoin d’eau devenait impérieux, les chameliers égorgeaient le chameau et se désaltéraient avec l’eau de sa panse jusqu’au point d’eau suivant. C’est ainsi que, recrus de fatigue, les caravaniers avançaient dans leur voyage jusqu’au lieu de rencontre avec les propriétaires de l’or.

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Le grand méchouar avant l'élevasion de l'horloge au début des années 1920

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"Marocains apprenant l'arrivée d'un navire se dirigent vers le port"

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 On raconte qu'à la portes de la Marine, une femme grimpait au sommet d'un vieux figuier pour scruter à l’horizon l’improbable retour du bien aimé, mort de noyade. En vain, elle adressait ses folles suppliques à la nuit et à la mer ...
 
 
Des rivages parcourus par les Négrites et les Gétules

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Vue prise de la plage,au fond Essaouira 

On imagine à peine maintenant les grandes distances que ces hommes pouvaient parcourir

 

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 Mogador - Sous la porte de la Marine

 

Dans les vieilles photos en noir et blanc, on voit le déchargement des paquebots au large par les barcasses. Jusqu’à la fin des années 1960 par beau temps chacune pouvait faire de 4 à 5 voyages, avec un rendement journalier, de 300 à 350 tonnes. Depuis les fenêtres grandes ouvertes de nos classes de l’alliance israilite, on pouvait entendre les sirènes de ces paquebots, comme autant d’appels nostalgiques, nous convions à l’évasion et à l’aventure. Le dernier des courtiers juifs de Mogador, fut le Sieur Hatouile, décédé vers 1989 : il était représentant de la compagnie Paquet et avait le monopole sur le savon de Marseille.

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Mogador-Avenue du Chayla - Cliché Garaud
Mise à l'eau des barcasses dans le petit bassin à l'entr"e du port: la rue a été démentelée en 1980 .Une décenie nefaste pour le patrimoine et la mémoire de la ville: vieux cimetière de Bab Marrakech rasé, saccage du marche au poisson, de souk Laghzel, du marché aux orfèvres et de khoddara. Destruction des espaces verts etc...Un conseil municipal néfaste et igrorant de la valeur patrimoniale et historique de la vieille médina...Aucune barcasse n'a été sauvegarder pour témoigner qu'Essaouira était un port marchand avant d'être port de pêche, aucun aqueduc qui alimentait les jardins depuis l'oued ksob, aucun jardin potager n'a été sauvegarder pour la mémoire et pour l'histoire alors que la ville a maintenant vocation de tourisme culturel c'est à dire fondé sur la culture et l'histoire de la ville....
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Mogador - Le port

 " Quand la forte houle venait à les surprendre, me dit ma mère, les barcassiers se réfugiaient en haute mer. Loin des récifs côtiers où se fracassent les vagues. Ils restaient là, le temps que la tempête s’apaise. En attendant, la ville retenait son souffle."

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 Embarquement de marchandises: en arrière plan, "Borj el Barmil", l'ancien emplacement du Castello Real",avant la construction de la jetée du port au début des années 1920

  Les barcasses employées à Mogador, étaient propriété du Makhzen. D’un type long et étroit, n’offrant pas beaucoup de résistance au vent, leur stabilité transversale, probablement assez faible, suffisait parcequ’elles n’avaient à circuler qu’en rade, assez abritées en somme. Ce petit type, qui portait de 8 à 10 tonnes, était plus facilement maniable dans les rochers qui fermaient l’entrée du port. Elles étaient limitées à 8, dont deux étaient toujours en réserve à terre, prêtes à fonctionner en cas de besoin. Voici les marchandises que transportaient ces barcasses en 1906 :

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Du bord à quais : balles de cotonnades, sacs de sucre, barils de sucre, thé, café, riz, semoule, épices, bougie, fer, peaux du buffles, acier, fer-blanc, bière, confiserie, madriers, balles de papier, faïence. Et du quai à bord : amandes, gommes, huiles, laine, cuirs de bœufs, graines en sacs, peaux de chèvres et de moutons.
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"Landing Place,Mogador"lit-on en bas de ce cliché, puis en haut à la main: "Salutations cordiales.Sandillon".Il s'agit de la signature du fameux minotier français établi à Mogador au tout début du 20 ème siècle....Ce nom de famille était devenu un toponyme puisqu'on appelait  "océan Sandillon"la mer jouxtant sa minoterie: un lieu de mémoire, tout un symbole....
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Mogador(Maroc)-Le Port
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Vue de la Douane
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La ville fut grandement favorisée par la fermeture du port d'Agadir, qui se trouvait dans un état de perpétuelle insécurité , et par le traité de 1767 entre Louis xv et le sultan Mohamed III, au terme duquel les marchandises à l'entrée ne devaient payer que 8% de leur valeur, tarif bien moins élevé qu'ailleurs. Ces mesures eurent pour conséquence d'accroître sérieusement l'"interland" du port et de lui amener le trafic des marchandises chères du Sud
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Les navires qui fréquentaient Essaouira étaient de grands bâtiments relativement àl'époque : 125 tonneaux, soit le double de ceux qui fréquentaient Tanger.50% du tonnage et près de 60% du commerce maritime du Maroc transitait par Essaouira.
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Pendant un siècle, de 1765 à 1865? sur les 29000 navires ayant accosté sur les côtes marocaines, 12000 concernaient Essaouira. L'originalité de ce port résidait dans l'ampleur de l'aire maritime desservie : 24 ports étrangers étaient en rapport régulier avec Essaouira, alors que les autres ports marocains étaient limités à une dizaine seulement. La politique de Sidi Mohamed Ben Abdellah a fait que les autres ports ont été mis en sommeil. Essaouira était le Casablanca de l'époque.
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Voici maintenant le récit d'un caravanier de Mogador : Voyage dans le voyage, itinéraire de l’imagination dans le sillage des caravanes, telle en est l’histoire mythique que raconte ce vieux chamelier sur le commerce transsaharien entre Tombouctou et Essaouira au XIXème siècle :histoire,photographie

 Caravanier dans les dunes et sur la plage

« On ramenait du Sahara l’ambre des baleines, du bois de santal, des boules d’or, des œufs de mhar ; parfois on ramenait, semblables à des perles, des œufs de lbia, des porcs-épics. On ramenait des autruches qu’on montait comme des chevaux de fantasia ; tu voyais certains mettre la selle sur le dos de l’autruche et la chevaucher ! (éclat de rire). Il y avait tout dans le Sahara ! Wahli ! (Ô les miens !) ce qu’on ramenait de là-bas ! Il y avait le lion, il y avait le tigre, il y avait l’hyène. On n’appelait pas le dromadaire méhari, on l’appelait « hab-rih » (souffle le vent). Pour parvenir à l’oued Draâ, les caravanes mettaient cinq jours pour les mulets, six jours pour les chameaux.

 On partait d’Essaouira et on passait la première nuit à Ida Guilloul, la deuxième nzala (étape de caravane) était à Tamraght, de-là à Houara et Taroudant enfin à Goulimine. Un jour qu’on allait dans le Souss, on rencontra une vipère au milieu du chemin : elle soufflait la mort sur quiconque voulait passer. Vingt cinq fantassins déchargèrent leurs fusils sur elle. Elle se souleva jusqu’au ciel et tomba devant la porte du lion. En vérité, chez les Houara, dans le Souss, « l’année du rat » (l’année de la peste) tout était couvert de rats ; l’année de la sécheresse et de la famine faisait penser à l’histoire de Joseph, lorsque le Pharaon rêva que sept vaches maigres dévoraient sept vaches grasses et que sept épis grêles engloutissaient sept beaux épis. »

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Arrivée des caravanes par Bab Marrakech

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Mogador, Bab Sbaâ, nouvelle kasbah

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Bab Doukkala

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 Abdelkader Mana

07:14 Écrit par elhajthami dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : histoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Un château en Afrique

QUATRIEME PARTIE

LE "QUARTIER DU ROY"

  Une ville née de la volanté du Prince

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       La ville n'a pas émergé lentement des méandres du Moyen Âge: elle est née de la volanté du prince.On appelait alors Marrakech "Maroc" , et Essaouira devait être son avant port sur l'océan.Dans un article désormais fameux sur la vie urbaine dans le Maghreb précolonial Stambouli et Zghal, développent l’idée, que par ses principaux traits urbains Mogador s’apparente au mode de production asiatique, où, la ville apparaît comme la projection dans l’espace d’un projet royal. Elle est construite selon un plan tracé au cordeau et prévoyant un ensemble de quartiers nettement délimités. La ville Chinoise – du moins jusqu’à la dynastie des Song (12ème siècle) où le modèle est encore parfait – apparaît davantage comme un centre de transactions commerciales contrôlées par le prince et à son bénéfice, plutôt qu’un foyer de création de richesses et un centre de mise en valeur de la région. Or constatent nos deux auteurs «  tous ces traits qui définissent la ville asiatique se retrouent d’une manière quasi parfaite dans une seule ville maghrébine précoloniale : Mogador ». Pour étayer leur thèse  les deux auteurs évoquant les quatre traits distinctifs suivants : 

 histoire,photographie 1. Mogador est la concrétisation d’un projet royal, une ville créée de toute pièce selon un plan géométrique en damier et à quartiers bien délimités.

 2. Le  Sultan par l’intermédiaire de sa bureaucratie contrôle la totalité des activités urbaines.

 3. Le commerce qui constitue l’activité principale de Mogador, est monopolisé par le Sultan qui importe des populations, dont les étrangers (juifs et chrétiens) pour assurer le succès de cette activité. Tous les locaux sont la propriété du Sultan, qui les loue à son tour aux commerçants.

 4. Enfin Mogador apparaît comme un centre de transactions par excellence et non comme un foyer de création de richesses économiques.

 Et nos deux auteurs de conclure :

 « Mogador apparaît comme un type urbain exceptionnel, non représentatif de la société urbaine maghrébine. D’ailleurs l’echec rapide de cette expérience souligne bien les limites d’un tel type ».

 De port international autrefois, aujourd’hui Essaouira n’est plus qu’un petit port de pêche où les marins cousent des filets aux multiples couleurs, tandis que  les goélands tissent le ciel avec la mer.

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        Sidi Mohamed Ben Abdellah (1757-1790) commença par bâtir un mur sur les rochers au bord de l’eau. Il fit inscrire la bénédiction du Prophète en lettres coufiques sur la pierre de taille arrachée aux flancs de cette île qui n’est rattachée au continent que par une lagune.

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     Le Sultan pensait ainsi disposer d’un port bien défendu mais accessible toute l’année à ses navires, alors que les ports du nord étaient pratiquement inabordables en dehors de la saison des pluies à cause de leur ensablement. Dans une dépêche datée du 26 octobre 1766, Louis Chénier notait :

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  « Les deux frégates du Roi du Maroc, Monseigneur, qui conduisirent en août dernier la prise hollandaise à Mogador, y sont encore. Elles sont observées par une frégate des Etats généraux, qui croisent à hauteur de ce port, et l’on suppose que ces deux frégates prendront le parti de désarmer et d’hiverner dans cette place. Mais cela me paraît hasardeux , attendu que le port de Mogador, formé par une île qui est à petite distance de la terre et à l’Ouest , n’est pas sûre en hiver, quand le vent règne dans la partie Sud et Sud-Ouest, et les navires un peu gros y sont en risque."

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       La plage de Mogador, le 27 mai 1914

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Les navires danois, anglais, espagnols, hollandais arrivaient avec des chargements de bois et les agrès nécessaires pour construire et armer les galiotes. Ainsi, en 1766 arriva, selon Höst, un vaisseau suédois avec soixante mille piastres, cinq cent tonneaux de poudre, quinze canons, soixante-cinq mâts, une grande quantité de rames, perches etc.

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 Le Sultan fonda un chantier naval en même temps que le port, et en 1768, sa flotte était composée de douze bateaux de tailles différentes, armés de deux cent quarante et un canons.

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  Le 15 décembre 1769, Louis Chénier, consul de France, souligne : « L’Empereur est arrivé à Mogador au commencement du mois passé. Il a vu avec toute la tendresse d’un auteur la ville dont il a posé lui-même les fondements. Il a fait établir une batterie respectable à l’entrée du port, et fait réparer tant bien que mal quelques fortifications, que le temps avait déjà dégradées. Sa Majesté doit partir à la fin de ce mois pour retourner à Maroc. » En  cette même année 1769, il eut la chance de récupérer Mazagan que les portugais évacuèrent.

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Vue de la ville d'après Heine(1809) avec les pavillons des consulats

Dés son avènement , Sidi Mohamed Ben Abdellah a compris que le développement du commerce pouvait devenir la source d'un revenu important et régulier, alors que les produits de la course ne pouvaient être qu'aléatoires tout en exigeant de continuelles dépenses. Il décida donc de faire d'Essaouira l'avant-port de sa capitale Marrakech. Ce serait un noeud privillégié des grandes voies maritimes , au débouché des grandes plaines céréalières , sur la route des caravanes et du grand commerce international. Essaouira n'a pas émergée lentement au cours des siècles comme les villes du Moyen Âge : c'est la volanté du prince de créer un lieu marchand qui créa les marchands.

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Le plan établi par Cornut en 1767 avec le port et l'ancienne kasbah

Théodor Cornut, l’architecte français que Sidi Mohamed Ben Abdellah chargea d'établir  le plan de l’actuelle Mogador, décrit le château sous les lettres :
« O Porte d’entrée.
« P Cour,
« Ancien château construit par les Portugais, qui est très peu de chose et qu’ils ont abondonné depuis 400 ans. L’épaisseur de ses murs n’ont que six pans dans ses quatre faces. Les Mores y ont fait depuis cinq ans un parrapet sur la platte forme, dont la bâtisse tombe d’elle-même et sur la face du côté ouest-nord, il a quatre pièces de canon de 12.
« Q Magasins très faibles, mauvaises voûtes, mauvais murs de 2 pieds d’épaisseur, où il y a dix mille barrils de poudre anglaise qu’ils ne sont point en sûreté. »

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  Plan de Mogador déssiné par Théodor Cornut en date du 25 octobre 1767

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L'ancienne kasbah, seule partie de la ville construite par Cornut 

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Plan de la ville d'Essaouira d'après Höst 1765

En 1767 rapporte Höst, arrivait à Marrakech un ingénieur français d’Avignon nommé Nicolas Théodore Cornut, ancien déssinateur des places fortes du Roussillon, passé à la solde des Anglais, que le sultan recruta à Gibraltar. C’est lui qui dressa le plan de la ville forte. De là ces fortifications à la Vauban, style XVIIIè siècle, qui furent armées avec des canons achetés en 1780 à la fonderie espagnole de Barcelone ou provenant de prises de mer.Les îles permettaient d’installer des batteries de canons à feux croisés : le « bation de surveillance » (borj el âssa), sur l’île faisait face au « bastion de la poudre » (borj el baroud) à l’embouchure de l’oued Ksob et protégeait ainsi l’entrée sud de la baie. De même le « bastion de Moulay Bennacer », toujours sur l’île, faisait face au « bastion circulaire » (borj el barmil) dans le port, défendant l’accès nord de la baie.De là aussi, ces rues droites et rectilignes qui ont, selon l’architecte Alain Courapied, une fonction militaire : « Deux axes traversent la ville et permettent ainsi de déplacer rapidement des forces militaires, ce qui est fort peu possible dans les tissus épais des villes marocaines telles que Marrakech ou Fès. »

 

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Vue d'ensemble d'Essaouira avant les développements urbains de l'indépendance

  On le voit clairement; la ville était construite sur une île qui s'est vue reliée il y a quelques siècles au littoral par les alluvionnements de l'oued ksob. Cornut établit le plan en 1769 en suivant les contours de l'îlot rocheux, sur lequel la ville est construite et dont elle conserve la forme. On le voit ici clairement : l'artère principale sépare la ville en deux moitiés. Elle avait une fonction rituelle de séparation entre les deux clans: à l'ouest le clan des Béni Antar qui étaient des corsaires avant la fondation de la ville et qui sont une tribu originaire du nord de Fès (d'où la ruelle des Jbala où je suis né). Ce clan comprend le quartier des Alouj où résident les convertis à l'Islam ayant participé à la construction de la ville et à la défense de ses fortifications. Il comprend également les tanneurs, les barcassiers et les marquéteurs. A l'Est de cette artère principale, le clan des Chébanates qui étaient une tribu Makhzen ayant contribué à pacifier le bled Siba à l'avènement de Sidi Mohamed Ben Abdellah. Il comprend; les Boukhara (garnison abid de Moulay Ismaïl ), les Ahl Agadir(Berbères en provenance de Sous qui constitue l'ethnie la plus dynamique sur le plan commercial). Le quartier des Rahala était habité par les nomades. Ce clan comprend également les travailleurs manuels, ainsi que les marchands de produits agricoles en provenance des tribus environnantes

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Au large, une autre île ferme la baie . La houle l'a sectionné en deux, isolant l'îlot de "firaoun"(Pharaon), qu'on appelle probablement ainsi à cause de sa résistence aux coups de bélier séculaire de l'océan: par une brèche béante, les vagues , déferlant du large, y pénètrent avec rage. Autour de l'île,les eaux sont si poissonneuses qu'on y pêche avec les algues, par nuit sombre comme au claire de lune.De tout temps, les navigateurs venaient chercher ici cette eau douce et précieuse de l'oued ksob, comme en témoigne le pilote portugais Pacheco Pereira, dans son Esmeraldo de situ orbi : "Entre la rière de Aloso - de l'oued ksob- et l'île de Mogador, la distance par mer est de sept lieues, ...De cette île à la terre ferme , il y aura la distance à laquelle une grande arbalète peut lancer une flèche en terre ferme.Il y a beaucoup d'eau douce tout près de la mer, dans laquelle cette eau douce vient se jeter. La meilleur entrée du mouillage et du port de cette île est celle qui se trouve du côté Nord-Ouest...Par cette bonne entrée peuvent pénétré des navires de cent tonneaux ; il faut s'amarrer avec une ancre et un câble, ledit câble étant attaché à l'île même et l'on sera par six ou sept brasses, fond net, bon et sûr."
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La kasbah - ce "quartier du Roy", comme l'appelait Cornut - est le plus vieux quartier de la  ville.C'était le lieu où résidait "le Makhzen" (l'administration royale), les vices consuls des pays européens et les "Toujar Sultan "(les négociants du roi). Comme partout ailleurs au Maroc, on a d'abord commencé par loger le Makhzen , les consuls et les négociants dans un quartier fortifié appelé "kasbah". Ce n'est qu'ensuite que la médina fut construite. Alors que dans les autres médinas, les gens s’établissent d’abord, puis les habitations sont entourées de remparts, à Essaouira, c’est le processus inverse qui s’est produit. On a commencé par la géométrie, et la démographie a dû se couler dans l’espace inscrit par un plan directeur. C’est la Kasbah qui avait induit la médina :les consuls, les négociants et l’administration avaient besoin d’artisans pour bâtir, de paysans pour les nourrir et de soldats pour les protéger. Au XVIII ème siècle, en dehors de la Kasbah, les gens habitaient sous des tentes et dans les casemates qui donnaient à Essaouira un visage militaire, à côté du quartier administratif.

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Mogador - Porte de la Marine - Cliché Garaud

Les douanes étaient perçues par les oumana nommés par le makhzen, qui résidait dans la kasbah. C’est la Kasbah qui contrôlait le port. C’est ce que symbolise la porte de la marine : le port est un passage entre la terre et la mer. Cette porte qui a l’air d’un décor avait une efficacité symbolique, parcequ’elle représente le pouvoir s’interposant entre la terre et la mer, prélevant des droits de passage en ce lieu de transit.

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 On remarque trois croissants sur la clé de voute de la porte de la marine pour signifier qu'elle a été achevé le jour de la troisième fête du calendrier lunaire.Sur les clés des portes individuelles d’Essaouira on voit les mêmes signes et symboles qui se trouvaient déjà sur les portes monumentales de la ville, particulièrement la porte de la marine avec ses coquilles Saint-Jacques et ses croissants :un croissant symbolise la première fête du calendrier lunaire ; deux croissants la deuxième fête du calendrier lunaire. Trois croissants : la troisième fête du calendrier lunaire. Une manière de signaler que l’édification de la maison a coïncidé avec un mois ou une fête sacrée.Ce fut, semble –t-il, un renégat anglais, désigné dans les chroniques de l’époque sous le nom de Ahmed al-inglisi, qui continua l’œuvre de Cornut.

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 1184 hégire (1770 J.C.)

Par la grâce de Dieu, cette porte du port a été édifiée par la gloire des Rois, Sidi Mohamed par son serviteur Ahmed El Eulj

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  Sur la porte de la marine est inscrit en effet le nom d’Ahmed al-Eulj. Il semble qu’on puisse lui attribuer toutes les fortifications du port et la scala qui ne figurent pas sur le plan de 1767. Mais ce plan montre assez clairement que Cornut avait déjà fixé le périmètre et les dispositions générales du quartier sud.

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Sea Gate, Mogador

 Dans le temps,  à un moment où il n’y avait pas d’hôtels pour héberger les étrangers, chaque chef de foyer disposait de deux maisons mitoyennes : l’une pour la famille et l’autre, la douiria(maisonet), pour les  célibataires, et les hôtes d’Allah de passage dans la ville. La Douiria,jouxtait la maison familiale proprement dite. Il existe encore de nombreuses maisons témoins de cette époque : généralement l’entrée de la Douiria  et celle de la maison familiale ont une décoration en pierre de taille si semblables qu’elles donnent l’impression d’être des portes jumelles. Dans la vieille médina existait aussi (derb laâzara), le quartier réservé uniquement aux célibataires...

  histoire,photographie"Dar el Makhzen"(aux tuiles vertes) était située dans l'actuelle place My Hassan isolée de la kasbah et du port par des trançons de rempart qu'on a démoli au tout début du protectorat(1912-1913)

Comme dans les capitales impériales, le gouvernement ne se mêlait pas à la population : il vivait à part dans un "Dar el Makhzen", qui forme le centre de la kasbah. Cet espace jadis clos - une porte donnait sur la kasbah et une autre s'ouvrait sur le port - comprenait "Dar Laâchar"(à l'emplacement actuel du café du même nom), où étaient stockées les prèlèvements qu'effectuait le makhzen sur  les marchandises qui transitaient par le port et qui s'élèvaient au 1/10ème (le "âchar" d'où le nom de "Dar Laâchar" que portait le magasin du Makhzen).

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After Prayer

Le pouvoir se manifestait avec force,lors de la prière du vendredi...

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Les "Toujar sultan" au seuil de "Dar el Mkhzen"

Lorsque je m'attelais à la rédaction du "Temps d'une ville", Haïm Zafrani m'écrit à la fin des années 1980 : "Essaouira a participé en dépit de sa récente histoire au grand destin du judaïsme marocain, et de l'Empire chérifien, par le rôle qu'elle a joué dans l'ouverture du pays tout entier au monde extérieur, américain et européen, atlantique et méditerranéen, par ses "toujar-as-sultan" les négociants du Roi qui n'étaient pas que des marchands exportateurs et importateurs de denrées, des produits de la terre et de l'artisanat, car ils appartenaient à ce système d'homme sage, le lettré-homme d'affaire(le lettré-artisan aussi fait partie de cette catégorie), qui poursuit la double quête de la science et de la fortune."

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Même rentrée de Dar Makhzen, démolie au début du Protectorat

A droite les trois arcades de l'ancien tribunal de la kasbah

Dans sa description du Makhzen Eugène Aubin écrivait depuis Fès en 1902:"L'idée d'héridité est au fond de toute l'administration Makhzen. Si les caïds des tribus ne sont pas héreditaires , ils sont cependant choisis, en règle générale , parmi les membres des deux ou trois familles les mieux placées dans la région. Dans l'armée, les gradés sont le plus souvent fils de gradés d'un rang égal; pour les services financiers, les fils d'oumana succèdent naturellement à leurs pères, et, comme secrétaire au Makhzen, on choisi de préference les fils d'anciens secrétaires, en négligeant, un peu la production annuelle des medersa..." Recensez les ministres et les hauts dignitaires marocains qui ont pour père et arrière grand père des ministres, et  des hauts dirigeants du Makhzen et vous saisirez à quel point l'observation  d'Aubin est juste même de nos jours....

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Le vieux Makhzen du Maroc prè-colonial.

Il m'a fallu plusieurs jours d'observations répétées pour faire le rapprochement entre les trois photos précédantes : on remarque que la parade quitte la même porte disparue de "Dar  el Makhzen" en défilant devant les mêmes trois arcades du tribunal pour se rendre à la mosquée de la kasbah où se déroulaient les prières officielles des jours de fêtes du calendrier lunaire ainsi que la prière et  le prêche du vendredi: les directives gouvernementales étaient adressé à la population du haut de la chaire du serement du vendredi .J 'ai finalement associé cette troisième photo aux deux précédantes parce qu'il s'agit du même contexte urbain, politique et religieux...

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Les troupes du nouveau sultan Moulay Hafid se préparent à marcher sur Casablanca

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 Moulay Hafid signant le traité du protectorat à Fès en 1912, en présence de Lyautey, d'après Roman Lazarev

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Colonne de Duchayla : Entrée des troupes Françaises à Mogador

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Démolition de la porte de "Dar el Makhzen" à l'avènement du Protectorat

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Infirmerie - Ambulance et Place Duchayla - 1913

L'emplacement de Dar el Makhzen(l'Administration Royale) après sa démolition à l'avènement du Protectorat :comme si le nouveau pouvoir dégageait l'ancien, spatialement et symboliquement . C'est au coeur de cette ancienne kasbah  que les français installèrent leur caserne en lui donnant le nom du navire de guerre ,"Duchayla" ,qui bombarda Casablanca en 1907 avant d'occuper Essaouira en 1913

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La même place Duchayla vue dans le sens inverse: on venait à peine d'y planter les nymphéa, ces "caouatchou" au tronc en patte d'éléphant qui donnent leur charme aux places de café de France et de "Place de l'horloge"...Places aux déambulations Méditerranéennes..

 

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Mogador-Caserne du Chayla

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Le rempart qui reliait la kasbah à la porte de la marine

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Campement derrière le même rempart reliant la kasbah au port:

au fond la porte de "dar Makhzen"

 En 1844, Mogador avait une populaton de 14000 âmes. Elle était complètement entourée d’un mur d’enceinte haut de dx mètres et courroné de crénneaux dans toute sa longueur. Le système de fortfcatons dressés devant le quarter de la Marne comprenat un rempart en lignes brsées, qui se reliait à la kasbah et était flanqué, au N-O et au S-E, de tours et de batteries casematées.

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L'emplacement du rempart qui reliait la kasbah à la porte de la Marine

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Ce qui reste du rempart qui s'élevait à dix mètres de haut en 1844

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. On y ressent une forte influence de Vauban dans la façon de protéger la ville des assauts de la mer. Murs maçonnés sans enduit. Le chemin de ronde est large. Porte à fronton et à colonne cannelée. Tour de guet (échauguette) à angle proéminent. Créneaux biseautés. Ces fortifications n’ont pas pu résister au bombardement de 1844, qui força les citadins à déserter la ville. 

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  On voit bien que cette ancien rempart reliait la kasbah à la porte de la marine

 

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L'ancien rempart est souvent débordé par les vagues le jour de tempête

 

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Juste au dessus de ce muret qui isole le bassin où une grue mettait à l'eau les barcasses dans ce qu'on appelait "Al-Masa-Sghira"(le petit port),la lucarne que nous appelions "Taqwira", était munie d'un tremplin du haut duquel les plus sportifs mais aussi les plus hasardeux effectuaient des sauts périlleux au risque de se heurter au fond rocheux pas si profond qu'il  n'y parait...

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Les plongées s'effectuaient au petit bassin à barcasses à une hauteur où nous avions dans ces folles années 1950-1960 ,une vue imprenable sur la ville avec ses habitations éclaboussées de lumières, comme une trainée de poudre de sel immaculé, entre l'ocre des remparts et le bleu limpide des cieux...

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Mogador - Vue des consulats - Clichet Garaud

Un document co-signé par l'Autriche,l'Espagne,la France,l'Angleterre,le Danemark,l'Italie,la Hollande et les Etats-Unis, atteste d'une réunion des consuls de toutes ces Puissances en vue de l'assainissement du port, où étaient établies la plupart des maisons de commerce européennes, comme l'écrit Louis Chenier en 1777 : " Mogador, qui n'est habitée que depuis environ dix ans, a été fondée par l'Empereur régnant qui a engagé les négociants européens, les maures et les juifs, à y établir des maisons avec l'assurance d'en être dédommagés par quelques grâces.C'est de toutes les places de la côte, celle qui est bâtie avec le plus de régularité, dont on a tiré quelques avantages, et elle contient plus de négociants que les autres places ensemble.".En 1787, le corps de commerce étranger à Essaouira prévoit l'organisation d'une sorte de cervice postal : le courrier du commerce

Dans la kasbah vivaient les consuls, non seulement ceux de toutes les nations européennes , mais également celui des Etats Unis.Le sultan avait ordonné à tous, sans exception, de passer à Essaouira et d'y bâtir une maison, comme le souligne Höst dans son journal de 1765 : " Après que Sidi Mohamed Ben Abdellah se fut rendu lui-même à Souira et eût distribué les terrains à bâtir , il ordonna à tous les consuls  d'aller là-bas eux aussi et d'y faire construire à leur compte, une maison importante et convenable; tous les ambassadeurs devaient arriver là, tous les pirates devaient amener leurs prises dans la même Souira et un chantier naval devait y être fondé."

La position géographique de Mogador faisait d’elle un lieu envié au carrefour des routes marchandes, terrestres et maritimes. Dés sa fondation, elle fut menacée par l’Espagne comme le rapporte Höst : « En 1765, après que le Sultan qui s’est rendu lui-même à Essaouira, eut distribué aux consuls les terrains à bâtir, un bateau espagnol se profila à l’horizon. Un navir de guerre espagnol armé de soixante-dix canons s’approcha, et comme Mohamed crut que les Espagnols avaient l’intention de déranger ses constructions, il expulsa le consul hollandais Demetri, l’accusant de connivance avec l’Espagne, en ajoutant qu’à l’avenir il ne voulait pas de Grec comme consul de Hollande, mais d’un Hollandais. Ensuite, il envoya au roi d’Espagne un cadeau composé de lions, tigres, chevaux, accompagné de trente esclaves espagnols, afin de lui mettre d’aimables pensées en tête, et lui laisser entendre que ce geste était un pas vers la paix. La suite montra d’ailleurs que ces agissements pleins de sagesse ne demeurèrent pas sans résultat. »

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Au fond, la maison du Danemark, l'une des plus ancienne de la kasbah

Le 23 mai 1765, le consul danois Barisien écrit à Höst qui se trouvait à Marrakech : "A cet endroit il n'y a que des pierres, du sable et du vent".Au début du XIXè siècle , tout le monde vivait du commerce directement ou indirectement, comme le soulignait Jackson : " Rien ne peut pousser ici en quantité suffisante pour satisfaire les habitants.Toutes sortes de fruits et légumes sont donc apportés d'un jardin d'une distance de 92 milles.Les volailles sont aussi apportés de l'autre côté des dunes de sable où la campagne est cappable de produire tout ce qui est nécessaire pour la ville. La situation insulaire de Mogador et le manque d'eau fraîche qui est apporté d'une rivière d'une distance d'un mille et demi prive les habitants de toute ressource, sauf celle du commerce dont dépend tout le monde, directement ou indirectement."

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Un château en Afrique

 « Il n’y a qu’un château que je connais où il fait bon   d’être enfermé...

Il faut plutôt mourir que d’en rendre les clefs

                                     C’est Mogador en Afrique. »

                                           Paul Claudel: Les souliers de satin

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Mogador sur la plage, village de Diabet et le Dar Maghzen

    A l'extérieur de la ville, on peut rejoindre , à l'embouchure de l'oued ksob, le palais ensablée - Dar Sultan- qui date de la fin du 18ème et du début du 19ème siècle et où le sultan effectuait de fréquents séjours. Avant son ensablement et jusqu'en 1840, il comportait cinq pavillons.Il ne reste plus que les ruines d'un seul.De style andalous, il se distinguait par ses beaux plafonds en boieserie sculptée et peinte.

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Central Kiosque of the Sultan's Palace - Mogador

Le palais était meublé à l'européenne , comme l'atteste une correspondance de Louis Chenier datée du 3 juin 1789: " A son audience de congé, l'ambassadeur de Hollande a présenté trois lingo d'or et s'est obligé , au nom des Etats généraux , d'envoyer à Sa Majesté les boiseries de toutes les pièces , portes, fenêtres, glaces, cheminées, et table en marbre, pour faire bâtir un palais à Mogador, à l'européenne.". Le sultan y recevait les négoçiants de toutes les nations. Au début du XIX è siècle, "Dar sultan" était devenue la résidence de Moulay Abderrahmane qui était gouverneur de la ville. Le palais sera vers 1820 affecté comme résidence aux ambassadeurs en mission. Ils servait également aux autorités locales et aux notables de la ville qui s'y rendaient en excursion. Avant son ensablement, il était entouré d'étangs et de toute un forêt de tamaris qui s'étendait sur plusieurs hectares.A ce propos un poète de la ville, ayant vécu au XIXè siècle écrit  une qasida du genre malhun intitulée "Aylal et aylala"(goéland et mouette) où il est dit :

Ne fais aucune confiance au temps, Ô toi qui comprend !

 Il fait d’une hutte un château

 Et d’un palais une ruines ensablées dans la baie !

 

Visite Royale à Essaouira, par Roman Lazarev

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Le sultan quittait chaque vendredi son palais , longeait à cheval la baie avec sa suite , pour venir prier à la mosquée de la kasbah..Bientôt rappelé ailleurs par d'autres soucis, les sultans quittent Essaouira et y laissent un gouverneur de leur Makhzen, auquel ils adressent leurs instructions par lettres chérifiennes.

 Au mois d’avril 1784, Sidi Mohamed Ben Abdellah, a rendu visite aux Regraga  en période du Daour. Accompagné de copistes, il offrit à cette occasion de nombreux ouvrages à la medersa de la kasbah. Dans son Istiqçâ,  Ennâçirî Slaoui nous relate en ces termes les péripéties de cette visite royale :

     « Au retour de Sijilmassa, le sultan Sidi Mohamed ben Abdellah (Dieu lui fasse miséricorde !) Demeura à Marrakech jusqu’au printemps. Il résolut alors d’aller à Essaouira, pour se rendre compte de son état et voir ses constructions, car il aimait cette ville qu’il avait fondée et en était satisfait. Il voulait en profiter pour visiter les saints Regraga dans le Sahel et recueillir la bénédiction de leurs tombeaux. Il effectuait ce voyage pour son agrément, pour le repos de son esprit et pour sa distraction. Il emmena avec lui un certain nombre d’oulémas et d’imâms de l’époque, auxquels il devait dicter des extraits des haditsdu Prophète, et qui devaient les réunir selon ses indications.

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Cérémonial d'affirmation symbolique du pouvoir durant la prière du vendredi

      Ces personnages lui tenaient compagnie : ils rédigeaient pour lui et mettaient en ordre tous les extraits qu’ils tiraient des livres de hadits qu’il avait fait venir d’Orient, entre autre leMesned de l’imâm Ahmed , le Mesnedd’Aou Hanîfa. Il avait également avec lui un très grand nombre de secrétaires habiles dans la rédaction et la correspondance.

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Le sultan Sidi Mohamed Ben Abdellah

Il sortit de Marrakech  pour cette excursion au printemps de l’année  1198 (1784). Au préalable, il fit dresser ses tentes autour de la ville, et les entoura du mur d’enceinte appeléAfrâg. Au centre de toutes ces tentes, était la grande qoubba que lui avait donné le despote des frendj . Elle était doublée de brocart ; les panneaux muraux, découpés en forme de mihrâb, étaient de velours fin de diverses couleurs, ses garnitures en galon d’or, et les cordes qui les tendaient, de soie pure. On prétend que le despote avait dépensé, pour le faire fabriquer, près de 25 000 dinars. La preuve en est que la pomme  qui surmontait le poteau central, et qu’on appelle communément jâmour, était en or pur et pesait 4000 mitsqâls or. Le sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) s’en servit à cette occasion pour s’en réjouir la vue.

     Les qâids, les secrétaires et tous ceux qui partirent avec lui emportèrent leurs tentes les plus belles et les plus riches. Dans ce cortège merveilleux, il visita les contrées pittoresques et les beaux sites qui sont agréables à la vue, qu’on est impuissants à décrire, qui dilatent l’âme et tiennent compagnie.histoire,photographie

   Fraday Review of Troope at Mogador

Après une excursion de deux mois employés à parcourir ces plaines, à satisfaire tous les délices, à se promener dans ces contrées, et à chasser le gibier de plume et de poil, il arriva à Essaouira. Quand il eut examiné la ville et réaliser entièrement le but qu’il s’était proposé, il reprit la route de sa capitale.

       Il passa par le ribât Châker, qui est une des mzâra les plus célèbres du Maghrib, et qui est, depuis les anciens temps, le rendez-vous des saints. Dans le Tachaouf, Châker, qui a donné son nom à ce ribât , est indiqué comme ayant été un compagnon d’ Oqba ben Nâfî El-fihri, conquérant du Maghrib, et c’est là que se trouve son tombeau. A son passage dans cette localité, lors de ce voyage, le sultan Sidi Mohamed ben Abdellah ordonna de restaurer la mosquée et de faire des fondations et des murs nouveaux.

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Arrivée du pacha à la mosquée pour la prière

 En revenant, il remonte le cours de l’oued N’fis, jusqu’à la ville d’Aghmât. Sa mhalla était installée en dessous de la ville. Lorsque son campement fut établi, un certain nombre d’habitants du pays vinrent, avec leur qâdi, lui apporter un superbe bélier et des vases contenant des rayons de miel.

    Le qâdi fut introduit auprès du sultan, qui se mit à parler avec lui, et lui demanda quels avaient été ses professeurs. Celui-ci lui fit des réponses extravagantes. Se tournant alors vers le hâjib (chambellan), le sultan lui dit :

-         Conduis ce qâdi à la tente du qâid Abou Zeïd Abderrahmân Ben Elkâmel ; c’est lui qui s’en ira comme qâdi avec la mhalla au Soûs, s’il plait à Dieu ! Fais-le installer dans sa tente et remets-lui ce bélier et ce miel. 

    Le hâjib conduisit le qâdi à la tente du qâid de l’armée Abou Zaïd ben Elkâmel, emmenant en même temps le bélier et le miel. Il recommanda à ce dernier de bien traiter le qâdi pendant la nuit  qu’il passerait chez lui.

   Le lendemain, le sultan se mit en route pour regagner Marrakech. Arrivé à l’oued N’fiss vers le milieu de la journée, il fit dresser le pavillon de repos au bord de la rivière et convoqua le qâid Abou Zéïd et tous les secrétaires. Quand ils furent assis tous devant lui, il se mit à interroger le qâid pour plaisanter :

- Comment as-tu traité ton hôte pour le remercier de son bélier et de son miel ? lui dit-il.

Le qâid balbutia une réponse quelconque : il comprit que le sultan voulait le mettre dans l’embarras en lui posant une pareille question, bien qu’il n’eut cependant pas négligé son hôte d’une nuit. Le voyant embarrassé, le sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) lui dit :

-         Je crois que tu ne l’as pas traité comme il fallait. Si tu lui avais fait son éloge au moins pour son bélier et son miel, tu aurais réalisé ce qu’on attendait de toi, et ta responsabilité eût été dégagée, car je ne t’ai envoyé ce qâdi  qu’à cause de ce bélier et ce miel. J’ai passé toute la nuit sans dormir, me rappelant ce qui s’était passé entre Elmansoûr Essaâdi et ses secrétaires, à propos d’un incident semblable. Je vois bien qu’aujourd’hui il n’y a plus de secrétaires, plus de fins lettrés ni de princes. Je vais vous faire entendre ce qu’il survint àElmansoûr lors de sa visite dans ce bourg d’Aghmât.

      Il fit alors lire par son secrétaire le récit donné par Elfichtâli, dans les Manâhil Essafâ, du voyage que fit Elmansoûr Essaâdi à Aghmât pour y faire un pèlerinage et se distraire . Les poésies qui furent échangées entre le qâdi Abou Malek Abdelouâhed Elhamîdi et celui qui lui fit cadeau du bélier et du miel. L’auteur de Nozha cite les vers d’Elhamîdi. Quand le secrétaire eut fini de lire le récit contenu dans le livre d’Elfichtâli, le sultan leur reprocha l’insuffisance dont ils avaient fait preuve dans un incident semblable à celui dont il venait de leur être donné lecture. Je crois que le sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) leur ordonna de copier ce récit et de l’étudier, pour leur servir de leçon. Dieu sait quelle est la vérité ! »

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Campement de chevaux à l'entrée du méchouar au sud de la ville

        L’auteur de kitab al-Istiqça  nous confirme que la madrasa de la kasbah figure parmi les œuvres que Sidi Mohamed ben Abdellah avait légué à la ville : « Il fonda la ville d’Essaouira, avec ses mosquées, ses medersas, ses forts, ses batteries et tout ce qu’elle renferme. »

       Les lettrés qui accompagnaient alors le Sultan, étaient originaires de Fès, Mekhnès, Rabat - Salé, et surtout de Marrakech.. C’est la configuration des agents du Makhzen établis alors à Essaouira, ce qui renforçait dés le départ son urbanité. Comme Ahmed ElMansoûr le grand sultan Saâdien se faisait accompagner de l’historien Elfichtâli, Sidi Mohamed ben Abdellah était à cette occasion accompagné de Belqâcem Ezzayâni, auteur du Boustân, titre qu’on peut traduire par « le jardin du savoir », un « savoir » qui couvrait d’une aura de prestige le pouvoir.

    La bibliothèque de la madrasa, attenante à la mosquée de la kasbah d’Essaouira contenait les ouvrages de ces copistes, ainsi que des exemplaires du Coran et du hadits, qu’à l’occasion de cette visite royale de 1784, le sultan avait légué en main morte à la ville et à ses étudiants.

    Le jeudi 23 octobre 2008, j’ai visité la bibliothèque de l’ancienne medersa de la Kasbah,qui ne contient plus que quelques 200 manuscrits, pour l’essentiel, légués en main morte par le Sultan Sidi Mohamed Ben Abdellah. Le plus ancien de ces manuscrit, qui explication le Coran, remonte à 833/1430. Et concernant le dernier en date des manuscrits, le registre des Habous note : « Le précis d’Ibn Haroune est dans un bon état, sauf que sa calligraphie est si blafarde qu’elle fait mal aux yeux. Le copiste a achevé son écriture le 15 safar 1223 ».(Soit le 12 avril 1808).

   On peut lire au tout début d’un des manuscrits : « Et nous avons envoyé des Prophètes avant toi… » Et au début d’un autre : « La science religieuse est la meilleurs des sciences après le Livre de Dieu et les Dits de son envoyé. Car c’est grâce à elle qu’on distingue le licite de l’illicite ».

Outre des dictionnaires de Faïrouz Abâdi, des précis de grammaire et de jurisprudence (Nawazîl), on relève parmi les manuscrites des œuvres d’Averoès, du Qadi Ayâd, ainsi queDalil el Khayrât d’El Jazouli ; que le copiste avait établi en l’an 1196/1782, soit deux ans avant la visite royale d’avril 1784.

   Le manuscrit d’Averoès  Al Bayan wa tahçîl (le savoir et la connaissance) commence ainsi : « L’homme est né d’un atome d’argile et d’une goutte d’eau, à qui Dieu insufla la vie en en faisant une créature parfaite et magnifique ».

Averroès y considère le Prophète comme « l’envoyé de Dieu à toute l’humanité » et s’y considère comme faisant  partie de ceux qui ont « revivifier la religion après sa mort ».

Après la mort d’Averroès à Marrakech, la pensée unique, imposera une interprétation dogmatique, rigide et immuable de la religion, qui se limitera au Maroc à des prières dont la plus illustre est celle de Dalil el Khayrât d’El Jazouli .On mettra davantage l’accent sur les  prières de ce dernier, qui ont eu la fortune que l’on sait au sein des confréries, que sur « le savoir et la connaissance » Al Bayan wa tahçîl d’Averroès.

     Dans l’esprit de l’époque la madrasa de la kasbah devait être une réplique de celle de Fès et de Marrakech. La medersa Seffârine de Fès serait la première  en date, construite au quatorzième siècle par le Sultan mérinide Yaâqoub ben Abd el-Haqq,qui la pourvut d’une riche bibliothèque :

 « Une des clauses du traité de paix qu’il conclut en 1284 avec le roi de Castille fut que celui-ci lui remettait tous les livres arabes qui se trouvaient dans les mains des chrétiens et des juifs de ses Etats...Sancho (le roi de Castille) lui envoya treize charges, composées de Korans, de commentaires comme ceux de Ben Athiya El Thâleby, et autres. L’émir des musulmans (que Dieu lui fasse miséricorde) envoya tous ces livres à Fès et les fit déposer pour l’usage des étudiants dans l’école qu’il avait fait bâtir, par la grâce de Dieu et sa générosité. »

      C’est au premier étage  surélevée sur les boutiques des Seffarin (relieurs) et desMechchatin (fabricants de peignes), que se trouvait la maisonnette Douiriya) où habitait Al Jazoula durant ses études à Fès. Cette Medersa Seffarin était fréquentée alors par les Ahl Sous principalement.

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Sur le cliché il est écrit : Le gouverneur allant à la prière du vendredi

C’est à « Dar  Sultan », que le monarque recevait les négociants et les consuls. Le 8 avril 1773 Chenier note à ce sujet : « L’Empereur reçut à Mogador la visite des négociants de toutes les nations sans rien changer  aux usages, mais il refusa de voir les vice-consuls d’Espagne, d’Angleterre, et de Hollande, qui résident dans cette place. Tous les négociants, Monseigneur, ont fait à ce souverain des représentations sur l’augmentation considérable du droit sur les huiles... »

A l’envoyé suédois qui disait un jour à Sidi Mohamed Ben Abdellah :

« - Les consuls sont inutiles ici, dès qu’ils n’ont pas l’honneur d’être admis par Votre Majesté... »

Il répondit :

« - Je suis très aise que les consuls soient ici, mais je ne puis point les voir. »

 Les négociants juifs jouaient un rôle d’intermédiaire économique et politique : d’un côté, ils étaient « les négociants du Roi » et de l’autre, ils étaient représentants consulaires des puissances étrangères. En effet, pour contourner l’interdit de vente de céréales aux Occidentaux, Sidi Mohamed Ben Abdellah sollicita l’avis des Oulémas, leur demandant si l’on ne pouvait pas autoriser « l’extraction » du blé afin d’acheter armes et munitions ? Leur avis fut favorable. C’est ainsi que les juifs assumèrent les fonctions interdites aux musulmans : le négoce du blé, la bijouterie et la musique – on venait de tout le Maroc, pour consulter au mellah , David Iflah, le chantre mogadorien du malhûn, sur des modes disparus de la Ala andalouse. A titre d’exemple d’échange de céréales contre des munitions, une dépêche de Louis Chenier datée du 20 juillet 1767 nous signale :

« L’Empereur a mandé en dernier lieu aux négociants des différentes nations (établies à Mogador) que, s’ils désiraient avoir à l’avenir la libre extraction de blé, il fallait lui faire venir des canonniers et des fondeurs pour travailler dans ses Etats. » Et d’après Jacksen, sur le bastion circulaire qui se trouve du côté sud de la ville « le sultan plaça le présent de Lord Heathfield : un canon sous la forme d’un lion. Un chargement de grains libre de droits fut offert par l’Empereur à celui qui lui a offert le canon. »

Dans l’esprit des Etats européens, ces hadiya étaient essentiellement destinées à obtenir des traités de commerce favorables, à se protéger contre les corsaires barbaresques et à faciliter le rachat des captifs. Outre les horloges, les montres et la vaisselle en porcelaine de Chine, étaient les canons et les fusils, la poudre, les bois et les cordages pour la construction et le gréement des navires de guerre.

Vu l’importance du négoce, le sultan créa un tribunal de commerce, et en 1775, un atelier pour la frappe des monnaies chérifiennes fut installé dans la Kasbah. Dans son corpus des monnaies alaouites Daniel Eustache, à la suite d’Ibn Zaïdane, la Kasbah d’Essaouira est citée comme atelier monétaire :

« On voit, dit-il, apparaître à la fin du XVIII è siècle, sur la monnaie d’or et d’argent, le fameux motif constitué par une rose à six pétales, dite « Rose de Mogador », inscrite dans un ou deux cercles linéaires moyens. C’est tout l’art des juifs d’Essaouira que résume cette belle composition décorative, qui figurait encore récemment sur les très beaux bijoux d’argent filigranés d’Essaouira. »

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Les escaliers du crépuscule

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 Je me souviens de  ce propos de mon père concernant la Scala de la mer,  qu’il avait reproduite en miniature en bois de thuya : son édification aurait duré vingt-quatre années, de 1760 à 1784. Ce qui signifie que Sidi Mohamed Ben Abdellah a visité au mois d’avril 1784 Essaouira en période du daour, non seulement pour se rendre en pèlerinage chez les Regraga mais aussi pour inspecter l’achèvement des travaux des fortifications.

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Porte de la Scala côté petite île - photo de 1910

   La tradition orale dit que ces fortifications ont nécessité vingt quatre années de travaux. Faites avec lésine, elles furent très vite détruites par les hautes vagues de la tempête, ce qui mit le sultan en colère et l’amena à congédier Cornut et à le remplacer par un Gênois. Des Noirs ont été employés à la construction de la ville comme en témoigne en 1764 Georges Höst :

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« Après avoir été tranquilisé des troubles intérieurs, Sidi Mohamed Ben Abdellah s’employa à améliorer l’état général du pays, à construire une nouvelle ville à Souira ou Mogador, et envoya cent fois cent livres de fer et quelques centaines de nègres, ce qui marqua le début de cet endroit curieux. »

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   Ce fut, semble –t-il, un renégat anglais, désigné dans les chroniques de l’époque sous le nom de Ahmed al-inglisi, qui continua l’œuvre de Cornut. Sur la porte de la marine est inscrit en effet le nom d’Ahmed al-Eulj. Il semble qu’on puisse lui attribuer toutes les fortifications du port et la scalaqui ne figurent pas sur le plan de 1767. Mais ce plan montre assez clairement que Cornut avait déjà fixé le périmètre et les dispositions générales du quartier sud.Comme son nom l’indique, Ahmed al-Eulj faisait partie des Alouj, ces chrétiens convertis à l’islam lors de prises de mer par les corsaires. Le vieux chant de la ville évoque ainsi le quartier des Alouj :

  À Derb Laâlouj, j’ai vu des yeux d’un tel noir

 Si tu savais, ô mon frère, combien ils m’ont ravi !

Alors que dans les autres médinas, les gens s’établissent d’abord, puis les habitations sont entourées de remparts, à Essaouira, c’est le processus inverse qui s’est produit. On a commencé par la géométrie, et la démographie a dû se couler dans l’espace inscrit par un plan directeur. C’est la Kasbah qui avait induit la médina :les consuls, les négociants et l’administration avaient besoin d’artisans pour bâtir, de paysans pour les nourrir et de soldats pour les protéger. Au XVIII ème siècle, en dehors de la Kasbah, les gens habitaient sous des tentes et dans les casemates qui donnaient à Essaouira un visage militaire, à côté du quartier administratif.Outre les esclaves qui accompagnaient les caravanes du commerce transsaharien en provenance de Tombouctou, la Garde Noire de Moulay Ismaïl – Les Abid Al Boukhari – a été employée dans la garnison et dans les fortifications de la Scala de la mer et du port.

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Selon l’étude réalisée par Alain Courapied, la ville est fortifiée par deux types de remparts :

 Un type chérifien, qui rappelle les fortifications de Marrakech, protège la ville du côté de la terre (il comporte d’ailleurs la porte dite « Bab Marrakech »). Il est en pierre et enduit d’un crépi de terre. Le chemin de ronde est étroit, les portes arrondies, les tours de batteries parallépipédiques, et les créneaux sont carrés.

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 Un type européen du côté de la mer. On y ressent une forte influence de Vauban dans la façon de protéger la ville des assauts de la mer. Murs maçonnés sans enduit. Le chemin de ronde est large. Porte à fronton et à colonne cannelée. Tour de guet (échauguette) à angle proéminent. Créneaux biseautés. Ces fortifications n’ont pas pu résister au bombardement de 1844, qui força les citadins à déserter la ville.

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Les vieux canons de la Scala

 Outre les esclaves qui accompagnaient les caravanes du commerce transsaharien en provenance de Tombouctou, la Garde Noire de Moulay Ismaïl – Les Abid Al Boukhari – a été employée dans la garnison et dans les fortifications de la Scala de la mer et du port.Selonkitâb al-Istiqça, « Pendant le règne du sultan Sidi Mohamed ben Abdellah, il y avait à Essaouira, en comptant le guéïch, les artilleurs et les marins, 2500 hommes. » Mais lors du bombardement de la ville, ils devaient être moins nombreux à la défendre puisqu’une grosse partie de la garnison l’avait quitté pour se rendre à Meknès comme le rapporte le même auteur : «  Dans tous les ports du Maghrib, le sultan fit établir un trésor pour payer aux soldats de la place présents ou absents 30 onces par tête, pour leur permettre de subvenir aux besoins de leurs familles...Il en fut ainsi jusqu’à sa mort où les abids des ports, à l’instigation de Moulay Yazîd, s’emparèrent des trésors, les ouvrirent, et, après avoir enlever ce qu’ils contenaient, retournèrent à Meknès, leur patrie commune. » De ce fait la ville était presque à « découvert », le jour de son bombardement par les unités navales du prince de Jouinville...

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 Les tribus guich formaient le fondement de l'autorité chérifienne; deux de ces tribus figurent encore  en tant que toponymes de la médina : le quartier des Bouakher issus de la garde noire de Moulay Ismaïl(les fameux Abid el-Boukhari, c'est à dire les serviteurs du livre de Boukhari, devenu leur talisman confié à leur garde et les accompagne dans toutes leurs expéditions)et le clan Est  des  Chebanat ; une des premières tribus- Makhzen que les saâdiens ont utilisé pour contenir les tribus septentrionales obstinées dans leur fidélité aux Mérinides expirants. Le premier devoir de toute tribu Makhzen consiste à fournir le guich. La fraction de tribu guich devient le Raha, appelé à fournir un contingent permanent de cinq cent hommes, dont le caïd er-raha est en même temps le chef.Le caïd er-raha dispose de cinq caïds el-mia  chef de cent hommes , qui ont chacun sous leur ordre, quatre moqadems; le simple soldat du guich porte le nom de mokhazni(agent du Makhzen).On peut lire cette description du Makhzen en campagne dans cette lettre des esclaves français de Safi en Barbarie adressée en 1631 au Roy de France  :

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« ...le troisième château est Mogador, situé au bord de la mer. Le château est fort petit et foible, habité par quelques quatre – vingts hommes ; le Roy l’a fait réparer et habiter depuis trois ans (c’est-à-dire en 1628), pour empêcher le trafic des chrétiens avec les Arabes et le santon du païs qui lui sont rebelles. Il y a une isle inhabitée demi lieue à la mer : l’isle commande le château et le port, car elle est tellement située que d’un bout elle commande au dit fort et le peut battre en ruine, et de l’autre elle commande dans le port qui est la retraite ordinaire des forbans pendant l’hyver. Il a une rivière d’eau douce d’où les navires prennent de l’eau en dépit de tous les Maures ; lesdicts château et port de mer sont entre Safi et Ste  Croix. Il faut aussi que le Roy y envoie des provisions par mer dans quelques petits bateaux, car les Arabes sont maîtres de la campagne.Le Roy a beaucoup de païs à son commandement et beaucoup de sujets qui lui rendent hommage, sans payer aucun tribut, si lui-même ne le va recueillir dans leurs douars et habitations, ce qu’il fait tantôt en une province, tantôt en une autre, menant avec soi une armée de 15 ou 20 000 hommes à cheval, car ils n’ont point d’infanterie en ce pays ; et, si ce Roy n’y aloit le plus fort, il n’auroit aucun tribut qui consiste en bled, orge ou froment, chevaux, moutons, vaches, chameaux et volailles, car pour de l’argent, il n’en tire point, si non des susdites places où il a des douanes et impôts sur les marchandises. Les juifs faisant tout ce négoce. Il entretient sa maison et son armée par les moyens des dictes douanes et des autres commodités qu’il prend sur ses sujets, payant ordinairement sa gendarmerie de bœufs, moutons, bled etc. Il a de grands trésors d’or, argent et pierreries que lui ont laissé ses prédécesseurs... » 

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 Les Scala du port

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Les négociants juifs jouaient un rôle d’intermédiaire économique et politique : d’un côté, ils étaient « les négociants du Roi » et de l’autre, ils étaient représentants consulaires des puissances étrangères. En effet, pour contourner l’interdit de vente de céréales aux Occidentaux, Sidi Mohamed Ben Abdellah sollicita l’avis des Oulémas, leur demandant si l’on ne pouvait pas autoriser « l’extraction » du blé afin d’acheter armes et munitions ? Leur avis fut favorable. C’est ainsi que les juifs assumèrent les fonctions interdites aux musulmans : le négoce du blé, la bijouterie et la musique – on venait de tout le Maroc, pour consulter au mellah , David Iflah, le chantre mogadorien du malhûn, sur des modes disparus de la Ala andalouse. A titre d’exemple d’échange de céréales contre des munitions, une dépêche de Louis Chenier datée du 20 juillet 1767 nous signale :

« L’Empereur a mandé en dernier lieu aux négociants des différentes nations (établies à Mogador) que, s’ils désiraient avoir à l’avenir la libre extraction de blé, il fallait lui faire venir des cannoniers et des fondeurs pour travailler dans ses Etats. »

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Ces fortifications à la Vauban, style XVIIIè siècle, furent armées avec des canons achetés en 1780 à la fonderie espagnole de Barcelone ou provenant de prises de mer

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La transcription de « Baraka de Mohamed » gravée sur pierre de taille, appelle la bénédiction du Prophète sur la cité. On la trouve sur les donjons dela Scaladu port et de la mer. Les artisans l’utilisèrent comme devise d’Essaouira en l’ incrustant sur de petites plaques de thuya.

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Le système déensif à tirs croisés
 

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Les îles permettaient d’installer des batteries de canons à feux croisés : le « bation de surveillance » (borj el âssa), sur l’île faisait face au « bastion de la poudre » (borj el baroud)à l’embouchure de l’oued Ksob et protégeait ainsi l’entrée sud de la baie. De même le « bastion de Moulay Bennacer », toujours sur l’île, faisait face au « bastion circulaire » (borj el barmil) dans le port, défendant l’accès nord de la baie. 

I. L'entrée Nord de la rade et du mouillage d'Amogdoul :

L'entrée nord de la rade où les batteries du port et de la petite île (au premier plan) sont en feu croisés avec les batteries sur l'île et îlot de firaoun (en arrière plan) :

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 le « bastion de Moulay Bennacer », sur l’île, faisait face au « bastion circulaire » (borj el barmil) dans le port, défendant l’accès nord de la baie.

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 II. L'entrée Sud de la rade et du mouillage d'Amogdoul :

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Sur l'île, l'entrée sud de la rade est défendu par deux batteris située de part et d'autre de la mosquée

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le « bation de surveillance » (borj el âssa), sur l’île faisait face au « bastion de la poudre » (borj el baroud)à l’embouchure de l’oued Ksob et protégeait ainsi l’entrée sud de la baie.

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Lorsque l’escadre du prince de Joinville, fils du roi Louis – Philippe  est arrivée le 15 août 1844 au large d’Essaouira, la plupart des canonniers (tobjia) étaient des Alouj. Le chef des canonniers, Omar El Eulj, était le plus illustre de ces convertis : « Qu’attendez-vous pour commencer les hostilités ? » lui avait-on lancé. « Mais avec ou sans munition ? » leur avait-il répondu. (bliqama aoulla bla iqama ?).Des années plus tard, lorsqu’on rapporta cette anecdote au contrôleur civil du Protectorat, il fit appel à David Iflah, le chantre mogadorien du malhûn juif, et lui demanda de composer une qasida sur ce thème en y insérant la fameuse réplique : « Avec ou sans munition ? ». 

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La porte de la Marine, Roman Lazarev

 En 1844, Mogador avait une populaton de 14000 âmes. Elle était complètement entourée d’un mur d’enceinte haut de dix mètres et courroné de crénneaux dans toute sa longueur. Le système de fortfcatons dressés devant le quarter de la Marine comprenat un rempart en lignes brisées, qui se reliait à la kasbah et était flanqué, au N-O et au S-E, de tours et de batteries casematées.

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                                              Voiliers à bon port, Roman Lazare

 D’après Jacksen, sur le bastion circulaire qui se trouve du côté sud de la ville « le sultan plaça le présent de Lord Heathfield : un canon sous la forme d’un lion. Un chargement de grains libre de droits fut offert par l’Empereur à celui qui lui a offert le canon. »

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 Le bastion circulaire de Baba Marrakech où  le sultan plaça le présentde Lord                       Heathfield : un canon sous la forme d’un lion.histoire,photographie

  

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 La ville allait être mêlée au confli franco-marocain de 1844. On sait la lutte que soutint contre la France en Algérie l'émir Abd el-Qader, qui trouva un important appui, matériel et moral, auprès du sultan Moulay Abd er-Rahman(1822-1859). Celui-ci, en sa qualité de "Commandeur des Croyants", ne pouvait guère refuser son concours à l'émir, qui se faisait le champion de la guerre sainte. D'ailleurs, il n'exerçait qu'une autorité nominale  sur les populations du Maroc Oriental qui soutenaient l'émir Abd el-Qader. En outre, un certain parti militait à la cour chérifienne en faveur de la guerre contre la France. le conflit éclata en 1844, à la suite d'incidents de frontière et devant le refus du Sultan d'obtempérer aux demandes de la France concernant la non assistance par les populations marocaines aux luttes d'Abd el-Qader contre l'occupation Française en Algérie. En guise de represailles, le 6 août , l'escadre du prince de Joinville, bombarda la ville de Tanger. Le 14 août, sur les bords de l'oued Isly, à quelques kilomètres d'Oujda, le maréchal Bugeaud mit en fuite l'armée marocaine et, le 15 août, les navirs du prince de Joinville vinrent attaquer Mogador.

La bataille d’Isly

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 Roman Lazarev

     La conquête de l’Algérie par les Français, à partir de 1830, mettait le Maroc en présence d’une situation nouvelle. Sollicité par l’émir Abdelkader, le sultan Moulay Abderrahmane (1822 – 1859) lui avait accordé un asile, puis une armée. La garde royale (mehalla)marocaine soutenait l’Emir Abdelkader et menaçait les opérations de Bugeaud. Aprè de longues hésitations devant l’attitude menaçante de l’Angleterre, la France se décida à une double expédition : par terre sur Oujda et l’oued Isly (d’où le nom de « bataille d’Isly »), par mer, sur Tanger et Mogador. On trouve dans kitâb al-Istiqçâ fi Akhbâr al-Maghrib al-Aqçâ de Ennâçiri Esslaoui, une description vivante de cet évènement dramatique du point de vue marocain :

« En 1259 , les Français étaient maîtres de tout le territoire du Maghrib Moyen , tandis que Elhâdj Abdelqâder ben Mahi Eddin allait et venait sur les confins, tantôt dans le Sahara, tantôt chez les Béni Yznâsen, tantôt à Oujda et dans le Rif . Peut-être dans ses allées et venues, y avait-il autour de lui un grand nombre de sujets ou de soldats du Sultan ? Les Français, envahissant alors l’Empire du Sultan (que Dieu lui fasse miséricorde !) dirigèrent plusieurs incursions contre les Béni Yznâsen et contre Oujda et les environs. Ils prirent Oujda par surprise et livrèrent cette ville au pillage. Leur brigondage désolait la frontière. Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) leur ayant adressé des représentations sur cette violation de son territoire, ils répondirent que le fait d’avoir fourni à plusieurs reprises à Elhâdj Abdelqâder des chevaux, des armes et de l’argent, la guerre qui leur avait été faite par les troupes régulières du sultan massées sur la frontière, et la présence des Béni Yznâsen dans les rangs de l’armée d’Elhâdj Abdelqâder, constituait une violation de la trêve, sans compter d’autres arguments qu’ils mettaient en avant.

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Roman Lazarev

 Les affaires s’aggravant, le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) résolut de déclarer la guerre aux Français. Il invita les habitants des ports à se tenir prêts,à faire bonne garde et à se préparer à toute éventualité. Il donna à son cousin le commandement d’un détachement de réguliers et l’envoya dans la direction d’Oujda. Voici à ce sujet, ce qu’écrivait le Vizir Ben Driss pour appeler au combat la population du Maghrib, les exciter à la guerre sainte et réveiller leur aspiration dans ce sens :

« O habitants de notre Maghrib, il est juste de vous appeler à la guerre sainte : le droit ne se trompe pas.Le polythéisme est à votre porte du côté de l’Est : il a déjà imposé l’injustice aux gens de votre religion.Ne vous laissez pas séduire par la douceur trompeuse qui déjà s’est transformée en colère contre l’Islam.Car il possède toutes sortes de stratagèmes qui défient toute l’intelligence des jeunes et des vieux. Les principes de la trahison commencent à ses bagues : la trahison et le mal abhorré sont sa règle de conduite. C’est vous qu’il vise. Ne restez pas en paix : le repos devant les ennemis est une déchéance. Celui qui reste dans le voisinage du mal sera frappé par le malheur.Comment vivre quand on a des serpents dans son panier ? L’homme noble désire la gloire qui le rend eternel, et celui qui vit dans l’avilissement n’est pas heureux. »

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Driss Oumami

 Le commandement des troupes fut confié au fils et khalif du Sultan, Sidi Mohamed ben Abderrahman, qui se mit en route et établit  son camp au bord de la rivière d’Isly, dans l’obédience d’Oujda. Elhâdj Abdelqâder parcourait toujours le pays, n’ayant plus avec lui qu’environ 500 cavaliers du Maghrib Moyen..Quand le khalif Sidi Mohamed, arrive à l’oued Isly, y eut établi son camp Elhadj Abdelqâder vint lui demander une entrevue. Le khalif le reçut à cheval et eut un entretien avec lui. Entre autres choses Elhadj Abdelqâder lui dit :

- Vous avez été mal inspiré d’apporter avec vous ces tapis, ces effets et tout cet appareil que vous avez placé ici devant le front de l’armée de cet ennemi. N’oubliez pas que vous ne devez jamais vous trouver en face de l’ennemi sans avoir tout plié, et sans laisser une seule tente plantée sur le terrain. Sinon, dés que l’ennemi apercevra les tentes, c’est sur elles qu’il se dirigera, et il n’hésitera pas à perdre pour elles tous ses soldats.

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Roman Lazarev

 Il expliqua aussi la façon dont il combattait les Français et certes il avait raison de tenir ce langage, mais il ne produisit aucun effet, parce que les cœurs étaient déjà gâtés. Il n’y a de force et de puissance qu’en Dieu.    Dans la nuit qui précéda le combat, deux arabes du pays arrivèrent au camp et demandèrent à être introduits auprès du hâjib (chambellan). Arrivés auprès de lui, ils lui dirent :

- L’ennemi se dispose à surprendre demain matin : préparez vous à le recevoir et préparez votre général.

On prétend que le hâjib leur répondit :

-  Le général dort à ce moment : ce n’est pas moi qui le réveillerai.

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Driss Oumami

   Après eux, quatre autres hommes vinrent donner des informations sur l’ennemi : ils furent reçus comme les premiers. A l’aube, le khalîfa venait de terminer sa prière quand une dizaine de cavaliers, arabes selon les uns, gardiens du khalîfa selon les autres, arrivèrent pour lui annoncer que l’ennemi était en route et qu’ils l’avaient quitté au moment où il commençait à lever le camp. Le khalîfa (Dieu lui fasse miséricorde !) donna l’ordre de monter à cheval et de se tenir prêts : personne ne devait rester à la mehella, sauf les fantassins qui étaient moins d’un millier. Il envoya l’ordre de se mettre en selle aux Béni Yznâsen qui arrivèrent par milliers, et qui étaient presque aussi nombreux que les troupes du khalîfa. Les cavaliers marchèrent contre l’ennemi, rangés en bataille à perte de vue, leurs étendards flottant au – dessus d’eux. Ils offraient un spectacle surprenant et présentaient un ordre magnifique. Au milieu d’eux marchait le khalîfa, avec le parasol ouvert au – dessus de sa tête, monté sur un cheval blanc et vêtu d’un manteau rouge, se distinguant des autres par son extérieur et son appareil. Quand les deux armées se rapprochèrent, des lignes de cavaliers se mirent à se porter en avant, comme pour hâter le combat. Mais le khalîfa ordonna aussitôt le calme, la dignité et une marche prudente. Puis, les deux troupes se trouvant face à face, le combat s’engagea. L’ennemi observait surtout le khalîfa et dirigea plusieurs fois le tir sur lui ; une bombe vint même tomber devant le porte – parasol, son cheval s’emporta et faillit le désarçonner. Voyant cela, le khalîfa changea son aspect extérieur. Il fit replier le parasol, monta un cheval baie qu’il se fit amener, et mit un autre monteau. De cette façon, il disparaissait dans la foule. Les musulmans avaient jusque – là , brillament repoussé l’ennemi et lui avaient infligé des pertes sérieuses, leurs chevaux s’effrayaient, des bruits des canons, mais ils les éperonnaient vigoureusement et ils tenaient ferme contre l’ennemi. Mais quand se tournant du côté du khalîfa, ils ne le virent plus, à cause de son changement d’aspect, ils furent pris de peur, car des alarmistes disaient qu’il était mort. Aussitôt le désordre se mit dans leurs rangs. Les chrarda se hatèrent vers lamehalla et, se rendant maîtres des tentes où était l’argent, s’en emparèrent, s’entretuèrent pour se l’arracher. Ceux qui étaient dominés par l’effroi les suivirent, les autres s’esquivèrent peu à peu, de sorte que l’armée fut battue sur tous les points. Un des personnages de son entourage vint annoncer au khalîfa que l’armée était défaite et que les hommes se tuaient et se volaient dans la mehalla. « Gloire à Dieu ! » s’écria-t-il, et, se retournant, il constata la conduite effrayante des troupes, et battit en retraite, les gens qui étaient restés avec lui furent mis en déroute jusqu’au dernier. L’ennemi les poursuivait et lançait sans discontinuer des boullets et des obus. Heureusement, quelques artilleurs tinrent solidement à la mehalla, mais la rivière se mit à couler et submergea ses rives habituelles. Les ordres de Dieu reçurent leur exécution, et se furent les Musulmans seuls qui battirent les Musulmans, ainsi que vous avez pu le voir.

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Roman Lazarev

     L’ennemi s’empara de la mehalla, et, les pillards s’étant enfuis devant lui, il en resta maître avec tout ce qu’elle contenait. Ce fut une calamité cruelle, un désastre considérable, tel que n’en avait pas encore subi la dynastie chérifienne. Ce triste évènement eu lieu le 15 chaâban 1260, à 10 heures du matin.

     Les troupes défaites battirent en retraite et se dispersèrent de tous côtés. Mourant de soif,de faim et de fatigue, les gens se laissaient dépouiller sans resistance par les femmes des arabes Angâd. Le khalîfa parvint jusqu’à Taza, où il resta quatre jours, pour attendre les fantassins et les faibles débris du gueïch, puis rentrer à Fès. »

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Driss Oumami

 Les chroniqueurs rapportent que le sultan, qui venait de Marrakech et se trouvait à Rabat, apprit la nouvelle et repartit à marche forcée pour Fès. Pendant son voyage, il fut informé successivement du bombardement de Tanger par la flotte de Joinville (6 août 1844) et de celui d’Essaouira par les mêmes unités, avec débarquement de 500 hommes sur l’îlot sis à l’entrée du port (15 août 1844). Cela accrut la fureur du sultan, qui fit raser la barbe à un groupe de caïds de l’armée.

 

Le bombardement de Mogador

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                                       Roman Lazarev

L'ESCADRE française envoyée sur les côtes du Maroc partis de Toulon vers le milieu du mois de juin 1844. Elle se composait seulement, à l'origine, de trois vaisseaux, d'une frégate et de quelques bateaux à vapeur. Un corps expéditionnaire de 1200 hommes avait été embarqué sur les différents navires. Par la suite, un certain nombre d'autres bâtiments furent envoyés pour augmenter la puissance de la flotte française.

 

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Plan levé en 1840, soit 4 ans avant l'attaque

Intitulé : "La flotte Française dans la rade de Mogador le 15 août 1844

Vent variable du N-N.O au N-N.ES

Grosse houle du N-N.O

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François-Ferdinand, prince de Joinville, troisième fils du roi Louis - Philippe, alors âgé de vingt-six ans, avait reçu le commandemant de l'escadre. Après avoir fait escale dans le port d'Oran pour prendre contact avec le maréchal Bugeaud, gouverneur général de l'Algérie, il alla mouiller, d'abord à Algésiras, puis à Cadis. Au début du mois de juillet, l'Aviso à vapeur lePhare partit de Cadix pour Mogador.

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Bombardement de tanger par le prince de joinville

Après avoir bombarder Tanger, le 6 août, l'escadre revint dans la baie de Cadix, d'où elle repartit à nouveau le 8 août, à destination de Mogador. Elle se composait d'une quinzaine de bâtiments, tant à voile qu'à vapeur, dont trois vaisseaux de ligne, le Suffren , leJummapes,armé de cent trois canons et le Triton.En faisaient également partie : trois frégates, la Belle Poule , l'Asmodée, le Groenland, quatre bricks, l'Argus , le Volage , le Rubis , leCassard ; trois corvettes, le Pluton, le  Cassendi, la Vedette, deux avisos, le Phare et lePandour.

 

 Tempête sur la ville.

Ce jour-là, seules les mouettes osent braver les trombes d'eau qui se déversent sur la ville

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Jour de tempête à Essaouira, jeudi 18 février 2010

Reportage photographique d'Abdelkader Mana 

 Les navires fraçais arrivèrent devant Mogador le 11 août  par une fraîche brise du Nord, qui souffla trés fortement durant plusieurs jours.Dés l'apparition de l'escadre, le consul d'Angleterre à Mogador, Wilchir, avait pu faire informer le commandant en chef que tous les Français avaient quitté la ville, mais que les autorités locales s'étaient opposées à son départ et àcelui d'un autre Anglais, Richardson, avant qu'ils eussent payé leur dette. A eux deux, en effet, ils devaient au Sultan environ trois millions de francs. Le 13 août, une frégatte britannique, le Warspite, arriva sur les lieux pour observer les évènements. Le gouvernement de Londres, qui se posait en protecteur du Maroc, ne pouvait se désinteresser des opérations de la flotte française.Le bombardement commença sans que les Anglais eussent trouver la liberté.

 Mogador était défendue par de nombreuses pièces d'artillerie, installées tant sur les remparts de la ville et notamment sur la skala de la kasbah et dans l'île. La défense de celle-ci consistait en trois fortes batteries; en outre un réduit était aménagé au centre , autour d'une mosquée. La garnison de l'île, commandée par El Haj Larbi Torrès, comprenaient 320 hommes, choisis parmi les meilleurs soldat du Sultan et les canons étaient servis par des renégats - la plupart espagnols- qui se montrèrent tous bons pointeurs. En effet, la plupart des canonniers (tobjia)étaient des Alouj(des convertis). Le chef des canonniers, Omar El Eulj, était le plus illustre de ces convertis : « Qu’attendez-vous pour commencer les hostilités ? » lui avait-on lancé. « Mais avec ou sans munition ? » leur avait-il répondu. (bliqama aoulla bla iqama ?).Des années plus tard, lorsqu’on rapporta cette anecdote au contrôleur civil du Protectorat, il fit appel à David Iflah, le chantre mogadorien du malhûn juif, et lui demanda de composer une qasida sur ce thème en y insérant la fameuse réplique : « Avec ou sans munition ? ».

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Vue panoramique de Mogador depuis la mer

D'après le plan d'époque publié plus haut, la ville est défendue par:

1. Dzira Sghira, 8 pièces.

2.Batterie de la Marine El Ouardinia, 24 pièces.

2 et 4, Fort carré

3.Pont en pierre

Entre 2 et 4 - Batterie de la Marine El Ouardinia 24 pièces

Entre 3 et 4 - Porte de la Marine

5. Porte de la Kasbah

6 à 7 - Scala kasbah - 40 pièces

7. Borj el Barmil, 4 pièces

8.Fort Sidi Mogdoul

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 9.Bab Doukkala

10.Fortin de l'île de Mogador

11. Batterie el Marissi-6à 7 pièces

12.Batterie Jamaâ

13.Batterie Moulay Bennacer

14.Batterie Dlimi

15.Batterie Feraoun

 

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Voici comment s’est déroulée la bataille d’Isly à Mogador d’après les récits militaires d’Achille Filias, publié à Alger en 1881 :

« La flotte était arrivée devant Mogador, après une traversée des plus pénibles : pendant les trois jours qui suivirent ; les vaisseaux restèrent mouillés au large sans pouvoir communiquer entre eux, tant la mer était mauvaise. Enfin, le 15, le temps s’embellit et, vers les deux heures, au signal donné par l’amiral, tous les bâtiments se mirent en marche.

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 Le Triton laissa tomber son ancre à 700 mètres à l’Ouest de la ville et en face des batteres de la Marine ; le Suffren et le Jemmapes venaient ensuite. Dés qu’ils furent embossés, les trois vaisseaux commencèrent le feu ; aussitôt après, ordre fut donné à la frégatte la Belle Poule et au Bricks le Cassard, le Volage et l’Argus d’entrer dans le port. La frégatte devait combattre les batteries de la Marine,et le Brickscelle de l’île."

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Selon la relation de Jacques Caillé (intitulée:"Les Français de Mogador en 1844-1845) :

La brise molit dans la matinée du 15 août, le prince de Joinville décida  de commencer les opérattions.Le bombardement dura deux heures, sans que le feu discontinua de part ni d’autre. Les navires tiraient à plein fouet sur le front des fortificatons et sur les ouvrages détachés ; les Marocains ripostaient de toutes leurs pièces. C’était une véritable grêle de boulets et d’obus. Peu à peu, cependant, l’artillerie de la ville ralentit ses coups : à cinq heures, ses formidables batteries étaient pour la plupart démontées et leur canonniers battaient en retraite.L’île seule tenait encore : le bateau à vapeur le Pluton, le Gassendi et le Phare, portant ensemble un détachement de 500 hommes s’avancèrent, sous une vive fusillade, vers le débarcadère : à cinq heures et demie, la troupe débarquait avec une partie des équipages et, gravissant à la course une pente assez raide, enlevait la première battere sous les yeux de l’amiral, qui avait voulu prendre sa part du danger.

L’île était défendue par 320 soldats, detachés de la garnison de Mogador et choisis parmi les plus résolus : attaqués avec furie, chassés à la baïonnette des positions qu’ils occupaient et poursuivis de broussaille à broussaille, ces hommes se défendaient en désespérés : 180 d’entre eux furent tués ; les autres se réfugièrent dans la mosquée et en barricadèrent l’issue. C’était un siège à faire. Les marins de l’Argus et du Pluton enfoncèrent la porte à coups de canon et pénétrèrent dans les couloirs : la lutte continua jusqu’au moment où l’amiral, voulant éviter un massacre inutile, fit sonner la retraite. On cerna la mosquée et les troupes bivaquèrent. Les vaisseaux retournèrent au mouillage à l’exception de la Belle Poule qui resta dans la passe et, durant toute la nuit, tira à intervalles inégaux sur les batteries de la Marine pour empêcher qu’on vint les réparer.Les pertes Françaises, dans cette seule journée, s’élevèrent à 14 tués et 64 blessés. Parmi les bâtiments qui prirent part à l’acton, leJemmapes, le Triton, le Volage et le Suffren, furent particulièrement maltraités.

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Image plus récente de la mosquée de l'île où l'on voit l'effet du vent et du temps

 Le 16, aux premières lueures du jour, le détachement qui cernait la mosquée reprit les armes, mais il n’eut point à en fare usage. Les assiégés se rendirent à merci. On  compta 140, dont 35 blessés. Tous s’étaient bravement battus, l’amiral leur en tint compte. Au lieu d’en faire des prisonniers de guerre, il les rendit à la liberté et donna l’ordre à Mr. Warnier de les ramener à terre. Les chefs marocains se montrèrent touchés de cet acte de miséricorde : en témoignage de reconnaissance, le Gouverneur de Mogador fit aussitôt conduire à bord du Rubis une vingtaine de sujets anglais au nombre desquels se trouvait avec sa famlle, le vice – consul Sir Wilshire, qu’il avait gardé comme ôtage malgré les pressantes réclamations des officiers duVésivius.

Le prince de Jouinville eût pu s’en tenir aux succès de la veille : il lui parut cependant indispensable de ruiner de fond en comble ceux des ouvrages qui n’étaient qu’entamés, et décida qu’une pointe serait faite sur la ville : une colonne de 600 hommes, dont il prit la direction, débarqua sous la protection des feux du Pandour et de l’Asmodée et gagna rapidement le quartier de la marine. Elle y pénétra sans coup férir : tous les postes étaient désert.

- Aussitôt, dit un témoin, les troupes se mettent à l’œuvre : les magasns à poudre sont noyés, les remparts abattus, les canons encloués et roulés à mer. C’était des pièces de bronze magnifique, moitié anglais, moitié espagnol. L’une d’elles était un chef d’œuvre de l’art ; son affût , également en métal, représentait un lion en pleine course : les quatre pattes de l’animal formaient les quatre roues ; sa tête portait la pièce.Le magasins de la Douane étaient encombrés de marchandises de toutes sortes : on les y laissa dans la crainte que le feu ne gagna trop vite d’immenses approvisionnements de poudre et de bombes répartis dans les casemates des forts. Le prince de Joinville vint lui-même assister à l'opération.On dénombra 120 canons, tous de fabrication anglaise ou espagnole et dont la plupart étaient de magnifiques pièces de bronze. Quelques - uns seulement furent emportés, et les autres encloués et jetés à la mer. L'affût de l'un d'eux, également en métal, représentait un lion en pleine course; les quatre pattes de l'animal formaient les quatre roues et la tête portait la pièce. Les  soldats français trouvaient en outre à "la marine" d'immenses magasins, remplis de marchandises de toutes sortes - notamment des cuirs, des laines, des fruits - appartenant au Sultan. Quand tout le quarter ne présenta plus qu’un amas de décombre, la colonne regagna ses vaisseaux. Le soir-même les troupes revinrent dans l'île. A peine avaient-elles quitter le rivage que plusieurs tribus berbères se jetèrent dans la ville et la mirent à sac, après en avoir expulser la garnison. En effet, dès le début du bombardement, les habitants de Mogador avaient pris la fuite et les tribus des environs, Haha et Chiadma,s'empressèrent d'envahir, de piller et d'incendier la ville. Les consulats européens ne furent pas épargnés et, des navires français on voyait des pillards qui s'éloignaient en portant sur le dos de belles glaces dont le soleil projetait au loin l'éclat. Les canonniers français prirent ces glaces pour cibles et réussirent,semble-t-il, à culbuter les voleurs.

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Le Prince de Joinville retournant à bord du Pluton en rade de la Rochelle le 22 avril 1844

 La tradition orale rapporte que l’un des canonniers d’Essaouira, en ce jour néfaste du 15 août, s’était étonnée : « Où étions – nous quand l’adversaire s’armait pour nous conquérir ?! » Dans la ville un chant anonyme d’époque nous en fait un récit vivace :

Ceci s’est pasé un jeudi

Le monde se voila d’obscurité

C’était avant le Dohr

Les gens étaient assis

Préparant leur déjeuner

Les canons les prirent

Pour cibles de leurs boulets,

Les hommes et les femmes vinrent

Sur les remparts.

C’était un coup venu du ciel.

La négresse se leva en criant :

« Où est mon maître ?! »

Bientôt est venu le soir

Tout le monde était terrifié

Le destin nous a frappé à l’instant

Où Omar El Eulj se baissa et où sa tête vola.

Le prince de Joinville consigna également dans ses notes le souvenir de cette bataille : « les navires Français arrivèrent devant Mogador...La mer était si houleuse qu’ils durent rester mouiller en face de la ville, sans même pouvoir communiquer entre eux. Malgré des bouées de deux cents brasses de chaînes, les ancres se cassaient comme du verre...Les combats étaient des plus violents... »

Joinville lui-même n’échappa que par miracle à la grêle de balles qui s’abattaient sur les assaillants. Accablés par le nombre, les Marocains finirent par se rendre après avoir résisté jusqu’à la dernière limite.

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 On raconte que ce sont les Chiadma qui ont mis à sac la ville, et que depuis l’îles les soldats français visaient ceux des pillards que trahissaient les miroires qu’ils emportaient le long de la plage. Avant de fuir la ville dévastée, le négociant Touf El Âzz avait dissimulé sa fortune en louis d’or sous du gravier de construction, dans le patio de sa maison. Il a pu ainsi retrouver intacte sa fortune une fois revenu à la ville livrée au pillage.

De la coquette Souira, dont Moulay Abderrahman avit fait sa résidence favorite, il ne restait plus que des murailles criblées de boulets et noircies par la fumée : l’escadre n’ayant plus rien à détruire appareilla le 22 août, partie pour Cadix et partie pour Tanger, où le prince de Jouinville devait attendre le résultat des négociations ouvertes entre les deux gouvernements au lendemain-même de la bataille d’Isly.

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Quelques vapeurs restèrent pour fermer l’entrée du port, et un bataillon de 500 hommes fit commis à la garde de l’île. Celle- ci fut évacuée le 17 septembre 1844, après la signature du traité de paix. L’équipage de la Belle Poule encloua les canons pris aux marocains et brisa leurs affûts. Tout ce qui ne pouvait être enlevé fut livré aux flammes. »

 

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Le prince de Joinville ne voulait pas s'embarasser des prisonniers blessés. Il proposa de les échanger contre les Anglais restés à Mogador et son offre fut acceptée par les tribus maîtresses de la ville. Le 17 août, dans la matinée, Wilchir, Robertson et leur familles furent recueillis par une embarcation du Cassard .Puis le Rubis les conduisit à bord du Warspite. Le 17 août également, le prince de Joinville envoya le Véloceconduire au Maréchal Bugeaud, en Algérie, les prisonniers valides.en même temps, le commandant en chef organisait l'occupation de l'île de Mogador, qui n'était qu'un rocher stérile: pas d'eau, pas de bois, quelques abristout à fait isuffisants, des citernes vides, à moitié comblées de ruines, des défenses hors de service. en outre il fallait prévoir la mauvaise saison qui approchait, les difficultés de ravitaillement. on tira des navires tout ce qu'ils purent fournir de vivres, de canon, de poudre, de projectiles et d'ustensiles de toutes sortes. il fallut aussi se procurer des ancres et des chaînes pour la division navale, composée de quelques bricks et canonnières, qui allaient rester devant Mogador. en outre on fit venir des vivres et du charbon, de Cadix, de Gibraltar et même de Lisbonne. La garnison comprit 500 soldats, avec 150 pièces de canon. les hommes furent choisis avec soin, car la perspective d'un long séjour dans l'île manquait d'agrément. Un officier écrivait avec philosophie que "le plaisir de la pêche lui serait d'un grand secours et divertissement, ainsi que les travaux à faire pour installer à l'européenne les bâtiments qu'on allait occuper."

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Fort de la petite île, Mogador, démantelé en 1844

Le matin du 24 août le Groenland, quitte Mogador, par un temps brumeux. Le 26 août, les brouillards devinrent même si épais que, de l'arrière du navire, on ne distinguait plus l'avant. Si bien, qu'à 10 heures du matin la frégatte s'échoua sur une plage, à trois lieues au sud de Larache. Quand la brume se fut dissipée, une heure plus tard, les habitants du pays vinrent en nombre sur la côte et commencèrent, sur le bâtiment, une fusillade qui dura plusieurs heures. La corvette à vapeur la Vedette vint alors à l'aide du Groenland et ses canons dispersèrent les assaillants. Le Plutonà bord duquel se trouvait le prince de Joinville, se rendit également sur les lieux.

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Trois mats en perdition

L'amiral reconnu l'impossibilité de relever le navir échoué, dont on évacua l'équipage et qui fut incendié pour que les Marocains ne puissent s'en emparert. Le 10 septembre 1844, fut conclu à Tanger une "convention pour régler et terminer les différends survenus entre la France et le Maroc". Le jour même le prince de Joinville écrivait: "L'ordre de cesser toute hostilité et d'évacuer l'île de Mogador partira ce soir.". Un an plus tard, les deux gouvernements procédèrent alors à l’échange des prisonniers, comme le relate Jacques Caillé dans la petite histoire du Maroc :« Le 4 juillet 1845, le Véloce parut devant Mogador, ramenant 123 prisonniers. Quelques uns des plus marquants, dont El Haj Larbi Torrès, se réunirent en cercle entre deux canons de la corvette. Après avoir essuyé leurs larmes, ils entonnèrent un chant d’action de grâce. Les officiers et les matelots français furent impressionnés par la joie calme et profonde avec laquelle ces hommes rendaient hommage à Dieu de leur délivrance. »

Dans l'après-midi , les officiers du Véloce débarquèrent en tête, avec leurs interprète, suivis dans plusieurs embarcations, des 23 Marocains. Quand les prisonniers de ceux-ci mirent pied à terre, ce fut un enthousiasme délirant, "un infernal tumulte de joie et tout fut entraîné, le caïd sa garde et même les Français". Les habitants poussaient des hurlements dej oie, avec des larmes dans les yeux. Un des officiers français écrivait: " il fut impossible de savoir ce que nous devenions; je me trouvai enlevé dans une foule, qui déborda comme une avalanche, vers un hangar,où je fut preservé par une douzaine de Maures, qui prirent d'extrêmes précautions pour que je ne fusse pas écrasé."

 Alors que la dernière embarcation était encore à deux cent mètres du rivage, elle fut entourée par une multitude de nageurs, qui s'y accrochèrent si vigoureusement qu'elle chavira.

Quand l'ordre fut rétabli, la cérémonie se déroula ainsi : assis au pied de la grande tour carrée des fortifications, le caïd était assisté du cadi et les hommes de sa garde l'entouraient. Le commandant du Véloce et trois de ses officiers se présentèrent les premiers et, derrière eux, virent les prisonniers, El Haj Larbi Torrès en tête. des enfants s'étaient faufilés dans les batteries voisines tandis que les soldats du gouverneur avaient peine à maintenir la foule sur la place. le commandant fit un bref discours au caïd qui le remercia chaleureusement. Puis les

français se retirèrent, tandis que les captifs libérés retrouvaient leurs parents et leurs amis.La remise des prisonniers de Mogador terminait le plus grave conflit qui ait jamais existé entre la France et le Maroc.

Le lendemain,les officiers du Véloce se promenèrent dans la ville, où ils escitèrent la curiosité des habitants. ils y rencontrèrent le capitaine du port "enroué depuis la veille,mais beaucoup plus tranquille". celui-ci s'aprètait à faire porter à bord de la corvette une abondante mounaofferte par le gouverneur: trois boeufs, des moutons, des poules, des fruits, du pain, etc. il s'excusa pourtant de n'avoir pu faire mieux, bien qu'il eût placé une garde de cavaliers à chaque porte de la ville, pour réquisitionner tous les vivres: "Mais, dit-il avec chagrin, ce n'était pas le jour du marché."

Cinq années après ce bombardement, l’explorateur métis Léopold Panet , qui partit de Saint Louis du Sénégal en passant par l’immense Sahara, la kasbah du Chaykh Bayrouk de Goulimine avec sa traîte négrière et enfin Mogador , signale de nombreux boullets de canon jonchant les pieds des remparts. Et Jusqu’ aux années 1960 je pouvais voir encore ma mère en train de moudre les épices dans l’un de ces boullets, que les habitants de la ville avaient recuilli au pied des remparts..

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                                           Les contours de l'ancienne kasbah

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 Le minzah, d'où l'on assistait aux fêtes et cérémonies qui avaient lieu au méchouar - ce qu'une ancienne gravure indique comme étant " l'alcôve du café de l'Empereur"Les trois porte de ce  monument appelé "le minzeh"donnent axcès à l'axe principal qui traverse de part en part la ville : à l'ouest de cet axe l'ancien kasbah, à l'est la nouvelle kasbah.Cet artère axiale sépare la médina en deux clans: à l'ouest le clan des Béni Antar, à l'Est celui des Chébanate.

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On le voit clairement sur le plan établi par Cornut en 1767: à la fondation de la ville il n'y avait que l'ébauche du port(les deux tours du port avec au milieu la port de la marine et au bout borj el Barmil à l'emplacement du Castello Real) et l'ancienne kasbah entourée de remparts.En dehors de l'ancienne kasbah on voit les contours de ce qui deviendra la médina mais à l'intérieur de cet espace, il n'y avait aucune construction. Nous allons suivre dans les images qui suivent les contours de cette ancienne kasbah.

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Les remparts extérieurs de l'ancienne kasbah du temps des caravanes

histoire,photographieLa porte de l'ancienne kasbah d'où partaient les voyageurs et au dessus de laquelle se trouve la transcription relative à la fondation d'Essaouira : "Grâce à Dieu commence la fondation de cette ville paisible, ordonnée par notre seigneur l'imam Mohamed Ben Abdellah 1765"...

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 La transcription de fondation gravée sur la porte de la kasbah

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Détail de la transcription gravée au dessus de la porte de la kasbah

Le mercredi 1er janvier 2003, je note : tout à l’heure j’irai chercher à Souk Akka — l’une des principales artères de la ville — « Iqad Sarira fi Tarikh Saouira » (lumières sur l’histoire d’Essaouira), pour y décrypter la calligraphie de la porte de l’horloge : mon père me disait se souvenir, qu’en 1930, l’auteur de cet ouvrage l’historiographe « fqih Marrakchi », le père du dramaturge Tayeb Saddiki  montait sur une échelle pour déchiffrer la transcription relattive à la fondation de la ville, aujourd’hui illisible, parce que trop abîmée par les embruns…

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En haut de la porte Est de l’ancienne Kasbah — connue du nom de son portier Mohamed Ben Massaoud, devenue depuis les années 1920 « porte de l’horloge » — la transcription de la fondation de la ville.Selon cette transcription gravée dans la pierre de taille sur ladite porte , le fondateur « a ordonné l’édification de ce havre de paix, en l’an 1178 de l’hégire », ce qui correspond à l’année 1760.

  La transcription  s’étale sur six lignes qui s’énoncent ainsi :

 « À Dieu, je confie mon destin, à lui je m’attache puisque je n’ai que son aile protectrice et rassurante. Si les yeux de la miséricorde t’ont élu : dors tranquille, aucun danger ne peut t’atteindre. Tu peux alors mettre le Simorgh dans tes filets, et viser les gémeaux qui sont les yeux même du bonheur ».

Ces gémeaux — comme Romus et Romulus qui ont veillé à la naissance de Rome — sont sensés apaiser l’esprit des morts, assurer le renouveau des vivants, et veiller sur les échanges humains qui se déroulent toujours sous le signe permanent de la gémelle parité terrestre et céleste.

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La porte de l'ancienne kasbah, sans horloge donnait sur le méchouar que traversaient les transporteurs de marchandises en provenance du port : l'un de ses transporteurs qui se dirigeait avec son âne vers l'un des entrepots a été surpris un jour par un négociant juif en train de dérober un sac de jutte plein d'amandes dans une ruelle adjacente : "Demandes - le moi, lui dit-il, plutôt que de subtiliser à mon insu une marchandise qui ne t'appartient pas.! Sauvegardes ta face devant Dieu avant celle des hommes !"

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         On peut lire aussi à la troisième ligne :

     « Le victorieux par la grâce de l’envoyé de Dieu, même les lions se soumettent à sa volonté, dussent-ils le rencontrer dans leur tanière. Tu ne verras point de saint vaincu, ni d’ennemi qui ne soit défait. »

        Il s’agit d’un couplet de la célèbre « Bourda »(élégie en hommage au Prophète) de l’Imam Al Bouceiri – poète mystique né en Bosnie en 1211 et mort au Caire en 1296, qui vivait de l’écriture d’epitaphes sur pierres tombales, de louanges et de sarcasmes – qu’on chante au Maroc, lors de rites de passage, sur le mode andalou dit « Al Istihlala » (mélodie d’ouverture), en particulier à la fête de la nativité du Prophète. On raconte que l’Imam Al Bouceiri, était malade lors de la composition de cette élégie de plusieurs centaines de vers, et qu’il a été guéri à la fin de la rédaction de la « Bourda »  qui signifie littéralement « tenture du Prophète ».

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La légende du lion auquelle se réfère le couplet est probablement à l’origine du nom de l’une des principale porte de la ville ; « La porte du lion ».  

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Initialement il y avait d'abord l'ancienne kasbah dont on voit les remparts extérieurs à gauche de cette image(cette image est antérieure à l'horloge élevée au début des années 1920).

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Le rempart extérieur de l'ancienne kasbah avec horloge et emme en haïk

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Le même rempart avec taxis à l'entrée de l'ancienne kasbah

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Au sud du Méchouar, il faut tourner à gauche des trois portes, rue des "attara"(marchands d'épices) pour suivre les remparts de l'ancvienne kasbah : en 1767, le plan de Cornut ne comprenait que le port et cette ancienne kasbah et à l'emplacement actuel de derb laâlouj il n'y avait que des huttes et des casemate. Ce n'est que plus tard que le reste de la médina a été construit.

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En tournant à droite de ces trois porte on abouti à "Attarine" ci dessous avenc l'enceinte primitive de l'ancienne kasbah.

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 Mogador-Bab el Attara au fond n'existe plus, photo mars 1933histoire,photographie

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Souk el Attara - axe opposé à la grande mosquée

La ville était très cloisonée: au fond la porte de l'allée des marchands d'épice qui a disparue et qui donnait à gauche sur l'ancienne porte de l'ancienne kasbah qui a disparu également

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"Attara"(allée des marchands d'épices) dans le sens de la mosquée Ben Youssef

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Le même axe d'Attara, l'allée des marchands d'épices dans le sens de la mosquée

La Kasbah – ce « quartier du Roy » commel’appelait Cornut – est le plus vieux secteur de la ville. C’était le lieu où résidait « le Makhzen » (l’administration royale), les vice-consuls des pays européens, et les « Toujar Sultan » (les négociants du Roi). Le Sultan avait ordonné à tous les consuls de passer à Essaouira et d’y bâtir une maison. Comme le souligne le Danois Géorges  Höst dans son journal de 1765 : Après que Mohamed se fût rendu lui – même à Souira et eût distribué les terrains à bâtir, il ordonna à tous les consuls d’aller là bas eux aussi et d’y faire construire à leur compte, chacun une maison importante et convenable ; tous les ambassadeurs devaient arriver là, tous les pirates devaient amener leurs prises dans la même Souira, et un chantier naval devait y être fondé.

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 En date du 21 déc.1912, la photo de la porte, que les français ont démoli et  qui isolait l'ancienne kasbah de la médina : elle est surmontée du pavillon du consulat d'Angleterre.

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 C’est ce qu'on voyait en franchissant l'ancienne porte de la Kasbah: une population juive très visible par son vestimentaire et des âniers transportant des marchandises en provenance du port.L'ancienne kasbah était habitée essentiellement par les dignitaires du Makhzen et les consuls européens. Mais peu à peu les négociants juifs achetèrent aux musulmans les maisons où ils établirent leur commerce. Selon Jean Louis Miège :« C’est avec les capitaux du sultan que trafiquaient Aflao et Corcos. Jusqu’en 1840, seuls les noms des censeaux juifs apparaissent dans les actes commerciaux. Ils jouent également le rôle d’interprètes pour les consulats européens. Nous touchons ici, aux premières origines du capitalisme juif au Maroc. »

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L'ancienne porte de la kasbah était percée dans les remparts des "attara"(marchands d'épices) que voici qui se prolangeaient au milieu de l'actuel derb laâlouj en passant devant le Musée pour rejoindre la batterie de la Scala de la mer.

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L'emplacement de l'ancienne porte de la kasbah où une partie des remparts a été démolie: au premier plan l'ancien consulat d'Angleterre surmonté de son porte pavillon et au fond à gauche le minaret de la kasbah.

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Une mouette sur le pavillon de l'ancien consulat de Sa Majesté la Reine d'Angleterre. A l'entré nord de la kasbah,à l'ongle de derb laâlouj, se trouvait la maison d'Angleterre qui fut transférée de Tétouan à Essaouira en 1769.

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Le rempart qui ceinturait l'ancienne kasbah se prolongeait au milieu de cette allée de "Derb Laâlouj" jusqu'à la Scala.

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Les Noirs employés à la construction de la ville habitaient sous des huttes et des casemates en dehors du rempart de la vieille kasbah qui traversait jadis cette artère de derb laâlouj.En 1764 Georges Höst  écrit à ce propos:« Après avoir été tranquilisé des troubles intérieurs, Sidi Mohamed Ben Abdellah s’employa à améliorer l’état général du pays, à construire une nouvelle ville à Souira ou Mogador, et envoya cent fois cent livres de fer et quelques centaines de nègres, ce qui marqua le début de cet endroit curieux. »

   Ce quartier était dit des  Alouj, ces chrétiens convertis à l’islam lors de prises de mer par les corsaires. Le vieux chant de la ville évoque ainsi le quartier des Alouj :

 À Derb Laâlouj, j’ai vu des yeux d’un tel noir

Si tu savais, ô mon frère, combien ils m’ont ravi ! 

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Au fond la Scala où aboutissait l'ancien rempart en passant devant le Musée actuel: au 18 ème siècle en dehors des rempart il n'y avait que des huttes et des casemates qui donnaient à Essaouira des aires militaires.

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Vue des Consulat - Cliché Garaud

Tous les consulats se trouvaient dans l'enceinte de l'ancienne kasbah, noyau primitif de la ville.Le 20 juillet 1765, Barisien le Danois est reçu par l'Empereur qui lui dit: "Maintenant consul, tes affaires sont conclues, j'ai demandé à Moulay Idriss, de t'aider demain, afin que tu puisse partir après - demain.La construction à Souira doit continuer et Höst, qui habite là, doit y rester comme vice consul."La maison du Danemark se trouve actuellement au fond de la rue Hoummane el Fatouaki.Dans la même rue se trouvait la maison de Hollande construite en 1766,d'après Höst : "Mohamed envoya le consul hollandais,Rossignol, de toute urgence,afin qu'il y établit une belle demeure."Sur un plan espanol daté de 1900, on identifie la maison d'Espagne à l'actuelle "Dar Mussica"(conservatoire de musique).En remontant derb laâlouj, dans l'actuelle rue Ibn Toummert, se trouvait la résidence de l'envoyé de Gênes.

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Face à l'atelier de mon père dans l'allée des marqueteurs, dans l'actuel cinéma Scala, se trouvait la maison d'Allemagne.Le consul y organisait des "Avaries", ventes aux enchères des marchandises avariées.

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L'atelier de mon père en face du cinéma Scala

Hier, j’étais à la municipalité pour y rencontrer Hallab, le chef du groupe folk local. Il m’a dicté une qasida de Souhoum où l’on parle du Barzakh, cette station céleste des âmes mortes

 

La kasbah vue par Roman Lazarev

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Prisonniers Berbères amenés à la prison sur l'ordre d'Abdel Aziz

On reconnait l'entrée de la mosquée de la kasbah et de sa médersa: juste à côté se trouvait la prison de la kasbah, dans l'actuelle salle de baschet-ball, que les français avaient transormé en caserne lui donnant le nom de "Du Chayla" le navire de guerre qui a conquis la ville en 1913. En ces temps lointains, Iskijji le vieil herboriste allait distribuer leur pitance aux prisonniers de la kasbah, la cité interdite qui était entièrement entourée de remparts et où résidaient les consuls, les amines de la douane et l’administration royal. Mon père me racontait comment  grâce à la complicité d’un caïd de la région, l’un de ces prisonniers put s’évader à la faveur de la nuit, en traversant cette vieille porte grâce à la complicité de ses gardiens puis en sautant sur un coursier qui l’attendait en bas des remparts.

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 La prison à ciel ouvert qui existait sur l'île à la fin du 19è siècle et qui servait initialement de caserne auxx canoniers avant le bombardement de Mogador en 1844 par l'escadre de Joinville.

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Au large une autre prison à ciel ouvert existaient sur l'île, on la surnommait "la prison des Rehamna", parce que les dignitaires de cette tribu insoumise du "bled siba" dans le Haouz y ont été jetés à la fin du XIX ème siècle par le Makhzen :

 

 

 

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Au large de la rade de Mogador, l'entrée  de la casene de l'île où bivouaquaient à ciel ouvert les soldats de moulay Abd er-Rahmane sous la direction de Larbi Torrès, avant le bombardement de 1844. Elle sera transformée ultérieurement en prison où seront jetés par le Makhzen les rebelles Rehamna et où séjourna un certain temps le célèbre Raïssouni des Jbala.Il réussi à s'en évadé et à rejoindre  le port mais fut vite repris à la sombre impasse de derb Adouar, du fait qu’il ne connaissait pas vraiment la ville où on l'avait exilé loin de son Jbala natal.où il menait son monde au doigt et à l'oeil : ici personne ne connaissait le chef redoutable qu'il était.....

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Au large île de Mogador et vue du port et de la médina en 1917

Ce qui reste de l’île, c’est d’abord cette prison à ciel ouvert, recouverte de toiles d’araignée, telle une tombe de silence avec son tapis d’algues vertes et ses vestiges de murex ayant échappé aux filets des anciens pêcheurs…Il m’importe de beaucoup le devenir de cette île. De savoir comment elle s’est envolée pierre par pierre. Au point qu’il n’en reste plus que cette prison, prisonnière de sa propre histoire. On y aurait découvert des squelettes enchaînés. Pourquoi ces chaînes pèsent – elles encore sur ces squelettes ? Ont –elles peur que leurs fantômes soient des revenants parmi les hommes ?On l’appelait « prison des Rehamna," parce que c’est là qu'on avait parqué cette tribu rebelle et où eut lieu une évasion  spectaculaire digne du fameux film de « Papillon » : pour échapper à leur triste sort, les prisonniers avait gonflé, telle des chambre à aire, des outres de chèvres et se sont jetés à la mer pour rejoindre la terre ferme. Malheureusement la plupart des évadés ont péri au beau milieu de la rade : les outres se dégonflaient brusquement au milieux des flots et les pauvres prisonniers ne sachant nager, rejoignaient les fonds marins, en coulant comme des pierres !

 

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La nouvelle kasbah

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Le méchouar avant l'élévation de l'horloge, début des années 1920

Du temps où les caravanes en provenance de Tombouctou et qui longeaient la côte pour rejoindre Agadir puis Essaouira passaient soit par Guelmim à l’oued Noun, fief de la famille Bayrouk, soit par la Maison d’Illigh à Tazerwalt, fief des descendants de Sidi Ahmad Ou Moussa. D’ailleurs à la fin du XIXe siècle, Huçein Ou Hachemi de la Maison d’Illigh, comme le Cheïkh Bayrouk, disposaient d’une maison commerciale à la nouvelle kasbah d’Essaouira. C’était le négociant juif Afriat qui s’occupait des intérêts des Bayrouk au port de Mogador. Le cheykh Bayrouk de Goulimine disposait en effet d’un entrepôt où il déposait les marchandises en provenance de Tombouctou, et c’était le négociant Afriat, lui-même originaire de Goulimine qui s’occupait de ses affaires à Essaouira. Ces juifs de Goulimine avaient fini par aboutir dans cette ville saharienne, après leur expulsion d’Espagne, comme le prouvent les motifs des bijoux qu’ils produisaient et qui étaient à bien des égards similaires à ceux des orfèvres d’Andalousie. On se souvient encore aujourd’hui de la famille  Bayrouk qui habitait au début du siècle au quartier des gens d’Agadir (quartier d’Essaouira qui porte ce nom parce que ses premiers habitants étaient originaires d’Agadir) : les hommes travaillaient au port, tandis que leur marraine, une mulâtresse, était célèbre voyante médiumnique (talaâ) qui officiait lors des nuits rituelles des Gnaoua.

Les caïds de la région avaient tous une maison à Essaouira : celles du caïd M’barek, du caïd Khoubban et du Caïd Tigzirine, se trouvaient au clan Est des Chébanates, du côté de la terre. Alors que les seigneurs de guerre et du désert, avaient leurs demeures et leurs entrepôts commerciaux au clan Ouest des Béni Antar, du côté de la mer.Expression d’une société segmentaire, cette opposition entre clan Est des Chebanates et clan Ouest des Béni Antar, se manifestait symboliquement chaque année lors du rituel de l’Achoura par une compétition chantée entre les deux clans de la ville . Dans cette même nouvelle kasbah, se trouvait la résidance du caïd Anflous, l’actuelle « Dar Souiri », confisquée par le protectorat après la reddition du dit caïd en 1913 et transformée en « Cercle » (administration des affaires indigènes), ainsi que sa belle demeure de derb Ahl Agadir donnant sur les jardins de l’hôtel des îles,  transformée en résidence du contrôleur civil du protectorat..

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 Le méchouar où se déroulaient des parties de fantasia devant le sultan

En 1863, le sultan Sidi Mohamed Ben Abderrahmane donna l'ordre aux administrations de la douane d'agrandir le quartier de la kasbah. Une nouvelle kasbah entourée de remparts vit le jour au prolangement de l'ancienne. Elle était initialement destinée à loger vingt quatre nouvelles maisons de commerce étrangères. Essaouira était alors une ville commerçante , un des premiers ports du Maroc. On y comptait en 1865, cinquante-deux maisons de commerce.

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La nouvelle kasbah à gauche du Méchouar

La nouvelle kasbah qui abritait de nouveaux entrepots, étant donné que ceux de l'ancienne kasbah fondée par Sidi Mohamed Ben Abdellah en 1764 ne suffisaient plus pour entreposer les marchandise. On appelait ces entrepots: "Lahraya dyal Lagracha": les entrepots de la gomme de sardanaque. Elle donne actuellement accès à la galerie Othello, en hommage à Orson Welles, qui tourna en 1949 un film inspiré du célèbre drame Shakespérien dont les héros sont le fougueux maure Othéllo et la charmante Desdémona.Orson Welles qui séjourna à Essaouira pendant six mois, obtint la palme d'or pour ce film en 1952; sous les couleurs marocaines - pour narguer le Maccartisme dont il était l'une des victimes - et avec comme hymne national une chanson de trouveur berbère appartenant à l'aed le Raïs Belaïd, dit-on!

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Explorons la nouvelle kasbah, au bout de cette grande rue on aboutit à la plage par "Bab Sbaâ"(la porte du lion) qu'évoque en ces termes le grand poète du malhun souiri Mohamed  Ben Sghir dans une qasida intitulée Warchan(pigeon-voyageur). Voyage qui débute par la porte du lion:

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Mogador - Bab Sebaâ : La porte du lion qui donne accès à la nouvelle kasbah

De la porte du lion, tu sortiras, colombe

Tu te dirigeras vers Sidi Mogdoul, seigneur du port,

Tu demanderas sa protection

Il est connu même par-delà Istamboul

Sois prudente et éveillée

Dépasse les amas de pierres

Au-delà de la grande colline

Et touche de tes ailes

Moula Doureïn, gloire de notre pays

Demain, de bonne heure,

Tu te purifieras et tu seras matinale

Plus agile que le faucon,

Tu visiteras Akermoud et ses seigneurs !

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Bab Sbaâ-une autre vue de l'intérieur -photo de 1889

On voit à gauche la porte d'entrée qui donne à la ruelle où habitaient jusqu'au début des années 1970, Mr Chavot qui m'enseignait au collège Akensous le français et son épouse qui nous enseignait les mathématiques. Le niveau et la qualité de vie des coopérants français étaient alors autrement plus confortables que ceux des enseignants actuels: ils pouvaient se permettre un train de vie aristocratique en se livrant le week - kend à la chasse au lièvre et au pigeon piset sur l'île ou à celle du sanglier dans les environs d'Essaouira! En 1950 Desjacques et Koeberlé enseignants à Mogador, consacraient leurs loisirs à la recherche des silex taillés de l’époque préhistorique. Cette recherche les conduisit dans l’île d’Essaouira où ils trouvèrent dans le sable des fragments de poterie, des pièces de monnaie. Des fouilles plus systématiques furent entreprises aussitôt. En creusant assez profondément du côté de la plage de l’île, sur le « tertre » on a mis à jour une couche phénicienne, la plus profonde, et des couches plus récentes en particulier celle des Romains du temps de JubaII. La petite histoire de cette recherche nous était jusque là inconnue. Desjacques nous l’a racontée, la voici : Comme il était interdit, raconte Desjacques, de chasser sur le continent en période de fermeture, la société de chasse locale Saint Hubert élevait des lapins dans l’île. Les lapins avaient brouté l’herbe et mis à nu le sol. Par le vent qui emportait le sable, par érosion, les pièces antiques étaient visibles à la surface du sol.C’est ainsi que nos deux  explorateurs ont découvert à côté de vestiges préhistoriques épars, tels que des silex taillés, des monnaies romaines et une pièce d’argent à l’effegie de Juba II, ainsi que des tessons de poterie sigillés et des fragments d’amphores. C’est la première fois que des vestiges romains sont découverts à une telle distance du Limes de la Mauritanie Tingitane

C'est dans cette même  nouvelle kasbah que se trouvait la chambre de commerce que dirigeait feu Abdeljalil Kasri, décédé lors de son pèlerinage à la Mecque:Un jour, au tout début des années 1980, le proviseur du lycée où j'enseignais la littérature et la langue française, m’invita à une réunion prévue vers 16 heures à cette même Chambre du commerce, entre Georges Lapassade, et les connaisseurs du Malhoun de la ville. La réunion était provoquée par Georges qui enquêtait alors sur Ben Sghir, le chantre du malhoun souiri. A l’origine de cette enquête, un article où Hachmaoui et Lakhdar, résumaient la qasida de Lafjar (l’aube) de Ben Sghir sans donner le texte. Après cette réunion à la chambre du commerce, Georges m’embarqua dans l’enquête sur les traditions musicales d’Essaouira et de la région qu’il menait à l’issue du festival d’Essaouira (1981). Une fois à Paris il me faxa ce qui suit à propos de l’article controversé sur le malhoun :

 « Ce qui choquait mon esprit de cartésien, y écrivait-il, c’est que nous avons découvert que le cahier d’un certain Saddiki (grand’père du prof. d’histoire du même nom) qu’il avait exposé au Musée et « commenté » était daté en réalité de 1920, et non de 1870 comme ils prétendaient, tirant argument de cela et du contenu du cahier, pour inventer une sorte de pléiade poétique souirie qui aurait eu pour mécène vers 1870, à Essaouira, Moulay Abderrahman ! C’est cela que je contestais beaucoup plus que l’origine souirie de B.Sghir. En effet, ce cahier contenait des qasida diverses, recueillies (peut-être) par le grand’père Saddiki au cours de ses voyages à Marrakech qui du coup devenait souiri ! Etant donné l’impossibilité d’avancer à Essaouira, j’ai fini par me décider d’aller consulter à Marrakech Maître Chlyeh, animateur d’une sorte d’Académie du malhoun. Il m’a fort bien reçu, bien informé et je crois (sans en être sûr) que la version de Lafjar que j’ai ensuite diffusé à Essaouira venait de lui »

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Ben Miloud le bazariste qui refusait de participer à notre enquête sur le Malhûn

 Toute la démarche de l’enquête ethnographique de Georges Lapassade réside dans ce texte : alors qu’il demandait des informations sur Ben Sghir, au bazariste Ben Miloud, celui-ci était assis sur un vieux coffre qui contenait plein de qasida, dont celles de Ben Sghir ! C’est pour contourner cette rétention d’informations, ces réticences locales qu’il se voyait obligé de se rendre à Marrakech pour obtenir la fameuse qasida de Lafjar (l’aube) !

    L’enquête pourrait durer des années, chaque été il revenait à la charge avec son obsession de chercheur et son doute cartésien pour reposer encore et toujours l’énigme Ben Sghir. Il  soulevait  d’autres lièvres qu’il problématisait à souhait alors même qu’on croyait avoir affaire à des évidences : le sultan Sidi Mohamed Ben Abdellah avait fondé le port et l’ancienne kasbah et non pas toute la médina comme on le croyait auparavant. Le plan établi par Théodore Cornut en 1767 est là pour prouver que Georges avait raison. Au XVIII èmesiècle, en dehors de la Kasbah, les gens habitaient sous des tentes et dans les casemates qui donnaient à Essaouira un visage militaire, à côté du quartier administratif.

    

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Façade de la Banque d'Etat et colporteurs juifs traversant sur ânes la nouvelle Kasbah     

     Vu l’importance du négoce, le sultan créa un tribunal de commerce, et en 1775, un atelier pour la frappe des monnaies chérifiennes fut installé dans la Kasbah.

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Pièce d'un dirham en argent frappé à Mogador en 1792 et sur laquelle est gravé en creux une rose à six pétales dite "Rose de Mogador"

 

Dans son corpus des monnaies alaouites

Daniel Eustache, à la suite d’Ibn Zaïdane, la Kasbah d’Essaouira est citée comme atelier monétaire :

« On voit, dit-il, apparaître à la fin du XVIII è siècle, sur la monnaie d’or et d’argent, le fameux motif constitué par une rose à six pétales, dite « Rose de Mogador », inscrite dans un ou deux cercles linéaires moyens. C’est tout l’art des juifs d’Essaouira que résume cette belle composition décorative, qui figurait encore récemment sur les très beaux bijoux d’argent filigranés d’Essaouira. »

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Cette nouvelle kasbah contenait la banqe d'Etat du Maroc, que dirigeait un banquier juif

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Preparing for Powder Play, Mogador
Cette nouvelle kasbah avait abrité la première école européenne d'Essaouira.Le nom de Sandillon figure dans la toute première alliance israelite de Mogador : les élèves de cette école étaient, en juillet 1905, au nombre de 206, dont un Français, le jeune Sandillon. Le local de l’école était au premier étage de l’actuel commissariat de police. La présence d’une seule école anglaise de filles créait une situation particulière aux enfants des autres nationalités qui étaient obligés de suivre ses cours, c’était le cas des filles de Mr Sandillon, le minotier français de la ville.Ce Sandillon, dont je me sens si proche parce qu’il avait fondé au début du XXe siècle, le premier journal que Mogador ait jamais connu.

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A gauche l'école Anglaise, commissariat ultérieurement

Les enfants d'indigènes doivent se contenter de l'école coranique...

 À l’époque, l’Eglise anglicane était très active à Essaouira, au point que les juifs de la ville avaient organisé une manifestation au quartier des forgerons — manifestation immortalisée par une vieille photo en noir et blanc — pour exiger le départ du chef de l’Eglise anglicane  accusé de vouloir convertir les juifs au protestantisme.Si dans la plupart des ports marocains, la majorité des Européens installés est catholique, dans celui d'Essaouira il y a une forte proportion de protestants anglicans.Ce qui explique que la première mission protestante à s'implanter dans le pays soit celle entreprise par l'Anglais J.B.C.Ginsburg, en 1875, à Essaouira.Celle-ci s'est attachée très vite à l'évangilisation des juifs de la ville.Dès le premier mois de sa fondation, le grand rabbin d'Essaouira exprima ses craintes au consul de France.Il demande aux autorités marocaine et au consul d'Angleterre d'expulser ce missionnaire de la ville.Les juifs menacèrent de faire appel aux Arabes de l'intérieur pour parvenir à leurs fins.Le gouverneur de la ville fut amené en janvier 1877, à la suite de la manifestation organisée par les juifs, à prier le consul angla.is d'expulser Ginsburg.Les juifs d'Essaouira considéraient les protestants anglais comme des rivaux; les problèmes qui résultent de la cohabitation des juifs avec les protestants étaient plus d'ordre économique que d'ordre religieux

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 D’après une légende, Sidi Mogdoul aurait débarrassé la ville d’un lion qui se tenait à l’une de ses portes en le guidant au loin par une simple laisse, tel un inofensif caniche...Sidi Mogdoul est le saint patron de la ville qui lui doit son nom de Mogador. Depuis lors on surnomma cette issue "Bab Sbaâ"(la porte du lion).

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Le vendre 24 juillet 1987, j'avais interviewé pour "Maroc - Soir", Mr. Haïm Zafrani et Mr. Jean Louis Miège, auteur de l'histoire des relations entre l'Europe et le Maroc aux18 è et 19 ème siècles, qui connait très bien les archives consulaires de Mogador (en particulier ceux des Corcos, l'une des principales famille des négociants du sultan,les fameux "toujar sultan"). Voici sa réponse à l'une de mes questions:

Maroc-Soir. Dernièrement, kakon, natif d’Essaouira a écrit sur la ville un livre intitulé « la porte du lion », Edmond Amran El Maleh a écrit « Parcourt immobile » où on retrouve cette nostalgie pour la ville, Haïm Zafrani en parle également…Comment expliquez – vous cette nostalgie de la communauté juive pour sa ville malgré le départ ?

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J.L.Miège : Je pense que vous pouvez poser la question à mon ami Haïm Zafrani qui vient d’arriver à l’Université d’été de Mohammadia. Nous en avons justement beaucoup parlé aujourd’hui au déjeuner. Je pense que cette nostalgie tient d’abord d’une façon générale à la nostalgie qu’on a de ses racines. Et moi-même né à Rabat et ayant une famille qui a vécue 60 ans au Maroc ; je ne peux manquer d’avoir de la nostalgie de mes racines. Je pense ensuite, que cette communauté avait une très profonde originalité, parce qu’elle est à la fois très marocaine, très enracinée mais également très ouverte sur l’extérieur, très vivante et il y a eu là une petite civilisation – j’oserai dire dans la grande civilisation séfarade Judéo – Arabe et plus spécialement Judéo – Marocaine. Et il y a eu une micro - civilisation particulière de Mogador qui tenait justement à ces particularités et peut être à une teinte Anglaise due à quelques Gibraltariens qui apportaient une touche supplémentaire et que cette synthèse d’éléments, ce décore si particulier de la ville si belle de  Mogador, qui avait crée cette petite civilisation Judéo – Marocano – Mogadorienne ou Essaouirienne oserai – je dire."

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En ce même début des années 1980, je rencontre un jour Edmond Amran El Maleh en plein centre ville et je l’invite à une lecture d’un passage de mon journal de route, qui porte sur la nuit des Oulad Bouchta Regragui. Une nuit de transe et de flamme. Une fois la lecture terminée, je me souviens que l’auteur de « parcours immobile »  n’avait pas émis de commentaires sur la valeur littéraire de mon texte comme je l’espérais... 

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Mon père qui était venu nous rejoindre pour le thé raconta à notre invité d’honneur  cette anecdote: « Pour se rendre d’Essaouira à Marrakech un négociant juif a demandé au pacha de la ville de lui désigner unmokhazni (agent du Makhzen), pour l’accompagner. Il fallait alors trois jours à dos de mulet pour parcourir la distance qui sépare Marrakech d’Essaouira, son avant-port. Le mokhaznise présente alors au magasin du négociant juif et l’interpelle sur un ton brutal :

 -  Je viens de la part du pacha : quant est-ce que nous irons à Marrakech ? !

 Le négociant lui rétorque alors :

 -  Vas  dire au pacha que le voyage est reporté.

 Le pacha ayant compris que le « report » est plutôt dû à l’indélicatesse dudit mokhazni, en désigna un autre réputé pour son tact et son savoir – vivre. Ce dernier se rendit d’abord chez lui, mit son plus beau burnous et se parfuma de musc. Une fois arrivé chez le négociant, il le désigna par ses triples qualités :

 -  Salut Monsieur le Consul, le Négociant, et le Rabbin…

 Ce dernier se retourna alors vers l’assistance en lui disant :

 - Avez-vous vu l’incarnation même de la politesse ? Prépares-toi au voyage, on prendra la route très tôt demain matin… ». L’anecdote concernait le propre grand-père de l’écrivain ! Originaire des Aït Baâmran, dans le sud marocain, Joseph Amran el Maleh était en effet à la fois grand Rabbin de la Kasbah, négociant en plumes d’autruches et consul représentant la nation d’Autriche à Mogador !


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Drawing up the mariage contract

     Etre médini n’est pas seulement le fait d’habiter la médina au  sens de ville traditionnelle, c’est aussi une conception du monde et une position dans la culture. Etre médini , c’est connaître de l’intérieur et pratiquer la culture traditionnelle de la médina. C’est être le produit d’un HABITUS MEDINISTE.En tant que patrimoine commun des médini , la musique des médina est un élément fondamental du système.Il existe au Maghreb un modèle culturel commun aux médinas traditionnelles. S’agissant de la musique, comme d’ailleurs d’autres  formes d’art, nous savons que le modèle est venu de la civilisation Andalouse ; c’est notamment Ziriab, l’oriental installé à Cordoue qui a contribué à la fixation des règles de lanouba.Mais le modèle musical médini ne se limite pas aux différentes écoles de musique andalouse : ala et malhûn. Il s’y ajoute d’autres composantes telle la musique sacrée et la musique d’origine soudanaise des Gnaoua. Si ces derniers apparaissent à première vue marginaux, ils font néanmoins partie de la mémoire et de la tradition collective de la médina.

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Feu maâlem Boubker et son fils maâlem mahmoud Guinéa 


 

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La porte de la marine, par Roman Lazarev

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 En 1933, on croisait encore de nombreuses caravanes se dirigeant vers Essaouira.      Ma mère était arrivée à Essaouira à l’âge de cinq ans, vers 1933, c’est-à-dire en pleine période du Dahir Berbère  décret par lequel le Protectorat visait à promouvoir deux juridictions parallèles, le droit coutumier berbère d’un côté, et le  chraâ , ou juridiction musulmane de l’autre. Ce  qui unifia par réaction le nationalisme marocain naissant : dans toutes les mosquées du pays, on répéta le  Latif  (prière dite quand la communauté musulmane est gravement mise en danger) : « Seigneur, aie pitié de nous, en ne nous séparant pas de nos frères berbères ! »

 

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 Mogador - Déchargement à marrée basse

Au cinéma Scala, devant l’atelier de mon père, c’était le consulat d’Allemagne. Mon père me disait qu’en sa halle se tenait la criée des marchandises avariées en haute mer.Lors de l’une de ces criées, alors que la femme du consul d’Allemagne traversait le hall, l’un des participants à la criée n’avait plus d’yeux que pour ses beaux atours. Le consul qui présidait la séance se leva alors et jeta violemment l’importun dehors.La femme du consul avait aussi un jeune soupirant qui venait jouer du luth chaque soir au pied de sa fenêtre. Lorsque le consul l’a su, il convoqua son père et mit un revolver sous son nez en le menaçant ainsi :
« Si jamais on me rapporte une nouvelle fois que ton fils est revenu jouer du luth sous les fenêtres de ma femme, il ne sera plus de ce monde ! »
Le père du soupirant s’empressa aussitôt d’envoyer son fils à Fès d’où il était originaire. Et mon père de poursuivre :« Conformément à la volonté du consul, sa dépouille a été rapatriée sur un voilier vers l’Allemagne ».

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Mogador - La Marine à marée basse

  Ma grand-mère paternelle Mina serait morte en 1919 de la diphtérie, affection qu’on appelait « Hnicha » (serpentine), qui tue par étouffement au niveau de la gorge. Mon père n’avait alors que dix ans, quand sur son lit de mort elle le confia à Abdessalam, le fils aîné de sa sœur, en ces termes :

  - Tahar, mon fils est orphelin du père et bientôt il le sera de mère : il n’a que faire du cléricalisme, il faut lui trouver un travail manuel pour vivre.

 C’est ainsi qu’Abdessalam allait confier mon père à l’un des premiers marqueteurs d’Essaouira : c’était juste à la fin de la première guerre mondiale. Ce maître confectionnait service de thé et cross de fusils en bois de noyer incrustés d’ivoire, pour la Maison royale et les consuls de la ville.



                                                            

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Juifs, chrétiens et musulmans ont toujours vécu côte à côte à Mogador comme le constatait déjas en1641 le peintre hollandais Adrien Matham : "Il est à remarquer que nous avons ici trois dimanches à célébrer chaque semaine, à savoir, celui des Maures : le vendredi, celui des juifs : le samedi, et le nôtre : le dimanche."

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Etant donné qu’Essaouira se trouve à la charnière des Chiadma au nord et des Haha au Sud, elle reçoit  aussi bien leurs poulets et autres produits agricols que leurs chants et leurproduction musicale. Mon père me parlait d'une célèbre chanteuse de l'amerg berbère du nom de tawelyakholt qui vivait à derb M'saguina et j'ai moi-même rencontré avant sa mort la cheïkha Aîda qui chanta l'aïta arabohone.

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Femmes de Mogador

 Le chant berbérophone appelé Amerg ne se limite pas au pays Haha.Mais il couvre tout l'univers linguistique chleuh.Comme l'Aïta couvre la quasi totalité des tribus arabophones. Essaouira n'est pas le centre de ces productions musicales, c'est le point où se rencontrent les deux courants arabophones et berbèrophones.Par contre, du fait de leur position géographique , Agadir est au centre de la production Amerg comme Safi est au centre de l'Aïta. Les musiciens Haha sont plutôt attirés par Agadir et ceux des Chiadma par Safi. Du fait de la marginalité de la ville sur le plan économique, elle ne constitue plus un point d'attrait et d'ancrage - à la manière de la fabrique capitaliste - pour les musiciens. La musique rurale vit désormais dans la ville sous de cassettes chez les disquaires. 

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07:12 Écrit par elhajthami dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Des caravanes au tramway

L'axe des marchés

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Couope transversale de l'artère principale

En quittant le méchouar; les trois portes qui donnent accès àla médina et à ses marchés

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Les caravanes de Tombouctou arrivaient jusqu'au coeur de la médina

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"Haddada"(le quartier des forgerons) en 1912

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Il est claire que les jardins datent du Protectorat et ont disparus avec lui

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Haddada du temps des caravanes au tramway!.

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En 1910, on avait commencé les travaux du tramway qui devait relier à travers l'axe central de la médina, le port à l'embryon de la zone industriel au nord de la ville avec la tannerie Carel

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Travaux du tramway à Souk Jdid en 1910

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Rails du tramway traversant le marché  

Khobbaza : le souk au pain 

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Les marchéshistoire,photographie

Au croisement des deux principeaux axes de la Médinahistoire,photographie

De part et d'autre de l'axe principal au niveau de souk Jdid, quatre petites places parfaitement symétrique: le marché au grain(la Rahba) et le marché de la criée(la Joutia) d'un côté et le marché de la laine (souk laghzel) et le marché au poisson de l'autre. Le marché au poisson se subdivisait en marchands de poissons et en marchands de fruits de mer(moules et oursins en particulier).Tout autour, il y avait les marchands de poteries et les écrivains publics pour la rédaction des actes notariés, les actes de mariage et de divorce.

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De part et d'autre de l'axe vertical, les deux axes horizontaux débouchant à l'Est sur Bab Marrakech et à l'Ouest sur Bab Labhar donnant accès à la mer

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 Non loin des arcades de Souk Jdid, à l’entrée de la Joutia (le marché à la criée) vivait le tailleur traditionnel dénommé Abdellah Majjout (le chauve) célèbre dans tout le pays par son humour : il serait né à Essaouira à la fin du XIXesiècle, et mort assez vieux au milieu des années soixante. Il élevait deux rossignols déplumés qu’il chérissait tant et auxquels il ouvrait la cage pour qu’ils puissent bénéficier du soleil : les oisillons sortaient et rentraient à leur guise. Et voilà qu’un chat déroba l’un d’eux. Furieux Abdellah le chauve attira par des morceaux de viande le félin fautif et l’assomma d’un violent coup de bâton sur la tête. On lui dit alors selon la croyance qui accorde aux chats sept vies :

- Vous venez de tuer sept âmes !

Ce à quoi il répondit :

- Je n’ai tué qu’une seule âme : dites lui alors de vivre grâce aux six autres âmes que vous lui accordez!

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Souk Laghzel : le marché de la laine 

Une autre fois un client se présente à lui avec un magnifique tissu pour lui demander de confectionner une djellaba à nulle autre pareille. Il confectionna ladite djellaba avec un manche trop court et un manche trop long. Le client alla se plaindre au pacha borgne, et quand celui-ci le convoqua, Abdellah le chauve se justifia en ces termes :

- J’ai confectionné cette djellaba de la sorte parce que le vœu de ce client était d’avoir une djellaba qui n’a jamais existé…

 L’un des apprentis d’Abdellah le chauve, dénommé « Kih », qui a fini sa vie ses dernières années à l’alimentation des goélands — dès qu’il paraît à l’horizon, une nuée d’« Aylal » comme on les appelle en berbère (c’est-à-dire ceux qui volent de leurs ailes) vient à sa rencontre — était un amateur de beaux garçons, notoire dans les années soixante. C’est à cause de lui que je tiens à raconter cette blague salace et significative, qu’on rapporte à propos d’Abdellah le chauve et que j’ai omis de rapporter par autocensure :

 « Une fois, vers le coup de dix heures du matin un blédard est venu lui demander dans sa boutique de la Joutia :

 - Combien coûte cette chemise ?

 - 400, lui répond Abdellah le chauve.

 - Et ce pantalon ?

 - 1 000 réaux.

 Le blédard fit le tour de la Joutia et revint à la charge :

 - Combien coûte ce pantalon ?

 - 400, répond Abdellah le chauve.

 - Et la chemise ?

 - 1 000 réaux

 Le campagnard lui dit alors :

 - Comment se fait-il qu’entre deux tours, vous avez fait monter la chemise et baisser le pantalon ?

 - C’est pour t’enculer ! Lui rétorqua Abdellah le chauve.

 Blessé dans sa virilité, le blédard alla se plaindre au pacha borgne, qui gouvernait la municipalité de Mogador à l’aube des années 1950 et à la veille de l’indépendance. Le coursier du pacha fit venir Abdellah au Pachalik sis à Derb- Laâlouj, dans l’actuel Musée d’Essaouira.

  -   Je sais pourquoi vous m’avez convoqué, dit Abdellah le chauve au Pacha  borgne : s’il mérite d’être enculé, enculez-le vous-même ! 

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  La Joutia (le marché de la criée): l'une des quatre places qui ornent de part et d'autre Souk Jdid

Abdellah le chauve qui vivait en célibataire dans sa boutique de la Joutia est venu un jour demander au pacha borgne le droit de s’abriter dans l’ancien logis du canonnier au-dessus de Bab – Doukkala. Une requête auquel le pacha borgne répondit favorablement. Mais voilà qu’à l’approche du Ramadan, une délégation de notables se présenta au pachalik, réclamant l’expulsion d’Abdellah le chauve de l’ancien logis de canonnier, sous prétexte qu’il y reçoit des personnes à la moralité douteuse, et qu’à l’approche du Ramadan on doit préparer le canon qui annonce la rupture du jeûne.Abdellah le chauve qui voyait venir le complot et les comploteurs, s’empressa de se photographier sur les lieux : il avait la taille trapue, les jambes arquées, et les bras ballants et démesurés comme ceux d’un gorille. Impression renforcée par son teint foncé et ses petits yeux  pétillant de malice.En voyant venir à lui, le Chaouch démesurément grand du pacha  borgne précédé de son propre apprenti, à la fois chétif et de petite taille, Abdellah le chauve s’exclama :

 -  Voici venir le chameau guidé par une allumette ! (Ouqida)

 C’est de là que vient le surnom d’« allumette » qu’on donnera à son apprenti, sa vie durant.

 Quand le pacha  fit part à Abdellah  des recommandations des notables  le concernant, il retira sa propre photo qu’il avait en poche et la remit au pacha en lui disant :

  -  Je sais que c’est mon célibat qui fait problème, mais si jamais vous trouvez une femme qui accepterait de se marier avec un tel individu, faites-moi signe !histoire,photographie

  Rahba : marché aux grain

Il était convaincu que ses disgrâces physiques lui interdisaient le mariage. En fait la plupart des hommes de sa génération, non seulement n’avaient pas accès à la maison close deJraïfiya, en raison de leur statut social et de leur pauvreté, mais avaient peu de chance de séduire une beauté locale en raison de la règle d’exogamie qui avait cours dans la ville. Les habitants  se considéraient comme une même famille, si bien que les mariages intra-muros étaient considérés comme de l’endogamie : à Mogador, le mari idéal doit nécessairement venir de loin. Le mariage avec le voisin immédiat fait si peu rêver les jeunes filles, comme j’en ai fait moi-même l’expérience au début des années quatre-vingts. Je venais de terminer mes études en France, et j’enseignais la littérature au lycée de la ville. Un médecin interne de l’hôpital me pria alors de rédiger sa thèse sur les maladies vénériennes de la région. Un samedi après – midi je me rendis chez ce médecin interne pour lui rendre un  chapitre. Une fois à l’internat, je dus traverser un immense couloir jonché de bouteilles de bières vides, où les internes qui se sentent exilés trompaient leur ennui. Il y avait là quatre ou cinq médecins, et surtout quatre jeunes filles dans la fleur de l’âge, avec des corps dorés de nymphe. L’une d’entre elles entraîna dans la cuisine le médecin qui m’accompagnait. Au bout d’un moment il vint vers moi et m’entraîna dehors en m’expliquant que la jeune fille m’ayant  reconnu comme enfant du pays lui avait dit :

 - Si jamais tu ramènes encore une fois parmi nous un type d’ici, c’est la dernière fois que tu nous verras parmi vous !

 Tous les médecins étaient en effet des étrangers : or pour préserver leur réputation du qu’en-dira-t-on, l’amant doit être nécessairement un étranger ! Encore aujourd’hui, les plus belles filles de la ville partent maintenant à l’étranger avec le prince qu’elles ont choisi et qui est venu de loin. Comme pour les oranges ; les plus beaux fruits sont destinés à l’exportation !

 « Le Marrakchi qui na pas damant nest pas de Marrakech, et le Souiri qui na pas de maîtresse nest pas dEssaouira », me disait récemment un ami. La formule me rappelle le début d’Anna Karenine, mais elle n’est pas juste. Le point commun entre les deux médinas traditionnelles était le phénomène de « Liwate » : les artisans efféminaient les beaux garçons, selon la tradition du poète Abou Nuwâs, parce que la femme était recluse et voilée, et ne pouvait donc être accessible que dans le cadre légal du mariage. Conséquence ceux qui ne pouvaient pas se marier n’avaient de choix qu’entre la transe rituelle et le transfert sur les beaux « ghoulam », pour décharger leur bioénergie. C’était une société de mystification absolue refusant de nommer l’innommable, en dehors de cadre strictement codifié par la tradition. Une société de souffrance silencieuse instituée.histoire,photographie

Rahba : marché au grain

 Un Souiri invita un jour à Adellah le chauve à Casablanca et lui confia les clés de son appartement situé au quatrième étage d’un immeuble. Alors qu’il était seul dans l’appartement tout d’un coup la sonnette retentit. De la fenêtre il vit quelqu’un qui lui fit signe de descendre. Une fois en bas, le personnage s’avèra être un mendiant demandant l’aumône au nom de Dieu. Pour toute réponse Abdellah le chauve l’invita à monter : une fois là-haut il lui dit en lui claquant la porte au nez : « Que Dieu facilite les choses ! » (la formule rituelle qu’on adresse aux mendiants quand on n’a rien à leur offrir). Mais comme le disait Bergson le rire est difficilement traduisible.

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Gravée sur pierre de taille, « Baraka de Mohamed », qui appelle la bénédiction du Prophète sur la cité, qu’on trouve sur les donjons de la Scala du port et de la mer, que les artisans utilisèrent comme devise d’Essaouira en l’ incrustant sur de petites plaques de thuya. 

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Souk Jdid au début du Protectorat : on venait d'y planter les premiers arbres

On voit clairement que les arcades étaient d'un seul côté.Mon père me disait que les arcades de Souk Jdid ont été édifiée en deux étapes comme en témoignent les gravures en pierre de taille : la partie Ouest d’abord, édifiée en 1858 a servi de modèle pour les arcades de la façade Est, édifiées en 1945 par Abdellah Ben Tahar, alias « Jmal » (le chameau). Soit à 87 ans d’intervalle.Ce qui veut dire qu’une fois le cadre général mis en place, à savoir les quatre portes et les remparts qui structurent l’ensemble autour d’un axe sous forme de croix, l’espace a été progressivement occupé par les nouveaux arrivants : arrivée des « Ahl Agadir », en 1773, construction de la nouvelle Kasbah en 1876, mise en place de Souk Jdid en 1858, etc

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Année 1364 hégire, soit 1945 J.C.par Abdellah Ben Tahar

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Juifs en noir et femmes en blanc à souk Jdid

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Parmis les atteintes au patrimoine de la ville, la destruction de ces colonnades des Guezzara au début des années 1980
On voit   les colonnades en pierre de taille de la rangée des bouchers détruites en 1983 pour être remplacé par des arcades en béton armé surmontées de tuiles vertes : ces arcades et ces tuiles vertes ont partout remplacé les auvents en bois peint en bleu qui étaient le cachets propre à Essaouira
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 Les mêmes colonnades des bouchers, vues de près en 1933histoire,photographie
La face Est des mêmes bouchers, démolie en 1983

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Dromadaire au marché devant la zaouia des Darqaoua : sa coupôle qui faisait partie de l'esthétique du centre historique n'est plus visible depuis qu'on l'a dissimulé recemment par un muret.De cette zaouia que je fréquentais enfant avec mon père, il me revient surtout la figure énigmatique du dénommé Faraj, qui vivait principalement des enterrements en tant que fossoyeur de la ville mais aussi en tant que porteur d'eau fraîche pour les gargoulettes des zaouia.On le voyait dandinant au gré de ses prières déclamées à haute voix, allant ainsi d’un parvis sacré, l’autre : longue barbe blanche, énorme chapelet autour du cou, tenant toujours à bout de bras deux sauts en bois remplis d’eau, histoire,photographie

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Même khoddara(le marché aux légumes) était planté d'arbres

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Poteries, rue du marché avant qu'il ne soit planté d'arbres en 1913

 

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 Les jardins de Mogador

Sous le protectorat(1912-1956), Mogador était une ville-jardin : les plantations allaient tout le long de l'axe principal depuis le port jusqu'à Bab Doukkala! Ces jardins et plantations seront pour l'essentiel rasés à l'indépendance!...

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L'axe principal qui relie le port au Sud à Bab Doukkala au Nordhistoire,photographie

Les jardins étaient fort bien entretenus et celui -ci comprenait même un aquarium!histoire,photographie

Le même jardin entouré maintenant de marchands de grillades de poisson, et de parc automobiles : plus d'aquarium ni du joli édifice du syndicat d'initiative en pierre de taille rasé ...

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Jardins du Mechouar et mosquée Ben Youssef

Deux axes traversent la ville et permettent ainsi de déplacer rapidement des forces militaires. Ces axes ont trois autres fonctions. l'une politique, la seconde économique et la troisième hygiènique /

économique : à l'endroit où se croisent les deux axes majeurs, les souks se greffent de part et d'autre.

politique : sur l'axe politique se trouve le méchouar et la mosquée; le pouvoir étant à la fois politique et religieux.

hygiènique : La direction de l'axe est celle du vent dominant. Les vents soufflent durant la période d'été et peuvent ainsi pénétrer dans la ville pour la néttoyer et la rafraîchir. Depuis la fixation des dunes par les mimosas , genêts et tamaris, le climat s'est rafraîchi et l'action bienfaisante du vent s'est minimisée. Cependant aux XVIII è et XIX ème siècles , il avait limité les dégâts des épidémies qui sévissaient alors.

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Des images qui accusent : Le méchouar contenait de très beaux jardins rasés depuis...

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S'il y a un mérite à reconnaître à la gestion urbaine du temps du protectorat, c'est bien son grand intérêt pour les espaces verts : toute une armada de jardiniers proffessionnels s'affairaient jour et nuit et sept jours sur sept à l'entretien des espaces verts. Le derniers des jardiniers professionnels est Monssieur JOUAY, qu'enfants nous voyons sur sa byciclette courir du jardin ombragée de Bab Marrakech - aujourd'hui disparu - aux jardins du Méchouar et de la kasbah qui contenait un aquarium. Après l'indépendance tous les jardins de la ville ont péréclité d'une manière irrémédiable et n'ont plus retrouvé leur éclat d'antan, faute de soins, d'entretiens et surtout de goût pour l'esthétique: les équipes d'illétrés qui se sont succéder au conseil municipale ont favorisé l'anarchie urbain, le mauvais goût patent et l'incompétence criarde enfonçant la ville dans la ruraliusation et la laideur, détruisant le patrimoine bâti par les grands maâlem comme en témoigne la situation lamentables des marchés du centre ville actuelles qui n'ont plus rien à voir avec ce qu'ils étaient  jadis tous plantés d'arbres: ce qui traduit une baisse de niveau catastrophique de la gestion urbaine d'après l'indépendance....

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Mogador - Jardin du Mechouar

Depuis le départ des Français, jamais plus aucun jardin public n'a retrouvé une telle variété, une telle richesse et une telle densité de plantations: quand je me promenais en ville avec Georges Lapassade celui-ci me disait souvent: "Nous autres Français nous avons planté de beaux jardins et vous autres marocains, vous n'êtes même pas foutu de les arroser!" 

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Lyautey accordait le plus grand intérêt aux jardins publics: c'est lui qui avait imprté d'Amérique Latine les fameux arrocarias en les plantant dans toutes les villes côtières du Maroc. Malheureusement à chaque fois qu'un arbre de cette époque meurt on ne le remplace jamais par un autre et quand ces arbres sont malades; personne ne les soigne : on les laisse mourir dans l'abondon comme si les "responsables" municipaux n'avaient aucune conscience de la beauté d'un arbre dans la cité....

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Grâce aux arbres, l'avenue du méchouar était de toute beauté et on avait le coeur brisé à chaque fois qu'on quittait la ville si attahante, si charmante, si romantique: c'est là d'ailleurs qu'on prenait les premiers bus pour partir ailleurs: quelle différence avec la hideuse et lugubre gare routière actuelle qui fait plutôt penser à un dépotoire humain de sorte qu'on se sépare maintenant de la ville sans le moindre regret...C'est que depuis l'indépendance, le système politique s'est ingénié à sélectionner la médiocrité la plus crasseuse au détriments des esthètes et des véritables compétences du pays: résultat un urbanisme catastrophiquement aveugle à tous les niveaux.histoire,photographie

Le temps est passé et la ville s'est enlaidie  : c'est triste de constater combien ces mêmes artères sont moins beaux à voire...L'esthétique urbaine est fondamentalement une affaire de démocratie locale et malheureusement ce n'est pas pour demain...

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Ce n'était pas beau celà?! Malheureusement, depuis l'indépendance du Maroc, en matière de gestion urbaine, la "chaâwada"(le charlatanisme) l'a emporté sur les vrais compétences: il y avait pourtant de grand maâleme artisans à Essaouira qui souffraient en silence parce qu'on les a jamais associé aux affaires de leur cité. Pourtant Dieu sait qu'ils étaient un milliard de fois plus cultivés et plus civilisés que les soi-disant interlocuteurs des autorités de "tutelles" comme ils disent...Au Maroc l'urbanisme a souffert de l'arrivée aux affaires d'élus sans projet, sans vision, sans la moindre once de connaissances esthétique: résultat, des villes comme Csablanca avec son architecture Art Déco ou Essaouira avec ses beaux jardins se sont clochardisés depuis, offrant le visage dégligué de bourgades rurales dont on ne peut plus dissimuler la laideur et la saleté à coup de propagande : Lyautey associait les meilleurs savants pour  mieux connaitre la civilisation marocaine en la respectant et en tirant le meilleurs d'elle-même et non comme maintenant en offrant les meilleurs poste de responsabilité à une horde de pillards hilaliens... 

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Le souk et la mosquée Sidi Hmad ou Mohamadhistoire,photographie

Souk Jdid était tout planté d'arbres !histoire,photographie

On pouvait s'abriter du soleil au souk Jdid-photo de 1924

 Quelle qualité de vie! Quelle clareté urbaine! Rien avoir avec la catastrophe urbaine sans tête ni queue qui s'est développée à partir des années années 1960, dans ces quartiers de la périphérie qui ont supplantés les anciens jardins potagers, ni avec cet habitat produit à "l'industriel" dans ce qui était le village de Ghazoua....

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Maintenant, non seulement aucun arbre ne pousse plus à souk Jdid, mais on a défiguré ses arcades en les affublant de tuiles vertes unifornisantes et surtout en  détruisant l'harmonie et la symétrie des quatre places qui faisaient le charme du centre ville(le marché au poissons, le marché de la laine d'un côté, le marché aux grains et le marché de la criée de l'autre): au début des années 1980, le buldozer est entrée en action pour mélanger laine et poissons avec une architecture en béton d'une laideur indescriptible et dire qu'on ne pouvait même pas lever le petit doigt pour dénoncer une atteinte évidante au patrimoine urbain : les destructeurs prenaient le silence pour de l'aprobation à leur forfait et à leur ignorance.On a été non seulement réduits au silence, mais ce qui est plus grave on s'est retiré de toute vie concernant la cité: les plus brillants d'entre nous se fondaient dans la masse silencieuse et anonyme : quel progrés que l'indépendance du Maroc...Les gestionnaires de la chose public n'ont de compte à rendre à personne...histoire,photographie

 On pouvait s'abriter du soleil au souk Jdid - photo de 1924

Arbres plantés en 1913, rasés en 1956 

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Traversée de l'axe principal de la médina en images: le méchouar, haddada, souk Jdid et khoddara; Sous le Protectorat, les arbres étaient plantés tout le long de l'axe principal de la médina.Ils ont tous été rasé à l'indépendance et malheureusement jusqu'à aujourd'hui encore, on continue de raser cette horloge biologique, ce témoins de l'écoulement des saisons que sont les plantes et les arbres..Le temps est passé et du coeur de la ville les arbres ont disparuhistoire,photographiehistoire,photographie

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Ces arbres plantés en 1913 allaient disparaître en 1956

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Souk Jdid allait perdre ses arbres et les bouchers leurs colonnades en pierre de taille
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Même "khoddara"(le marché aux légumes) était ombragé d'arbres! Au premier plan les pilliers en pierre de taille qui abritaient la rangée des bouchers d'un côté et celle des marchands d'abats de l'autre: on les a détruit au début des années 1980 pour les remplacer par de lugubres arcades en béton armé surmontées de tuiles vertes uniformisantes, qui gomment et les spécificités locales en matière d'architecture et son ésthétique et  cachent surtout les arrivages des quatre saisons! A l'origine le marché était ordonné par profession: les fleuristes avec les fleuristes, les bouchers avec les bouchers et les maraichers avec les maraichers: maintenant c'est du n'importe quoi: un marchand de pacotille vient élire domicile au milieu des bouchers et une téléboutique ouvre au milieu des marchands de volailles!. C'est tout simplement révoltant à force de ridicule et de mauvais goût! Non seulement les jardins allaient jusqu'à Bab Doukkala, mais donnaient en plus sur d'autres jardins : les fameux jardins potagers rasés à l'indépendance!

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Arrivée de la procession des Hamadcha à Bab Doukkala, Roman LAZAREV

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Bab Doukkala

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Forteresses à Mogador et vieux cimetière marin

 Les tombes qu'on voit au premier plan sont celles du vieux cimetières marin où on vient d'ênterrer l'écrivain marocain Edmond Amran El Maleh à sa demande (il avait réclamé aussi que son épitaphe soit rédigée en Hébreu, en Arabe, en Amazigh et en Français, les quatre idiomes utilisés au niveau national).David Bouhaddana m'écrit  à propos de ce vieux cimetière marin : "c'est l'ancien cimetiere de mogador, qui est maintenant entouré d'un mur et qui est à ce jour bien mieux  entretenu. C'est dans ce cimetiere que repose notre Rabbin Rabbi Haim pinto qui recois chaque annee par avion des centaines d'anciens mogadoriens.........ils viennent de France ,  des Etats Unis et d'Israel.....sous la reponsabilité de Rabbi david pinto "arriere petit fils du saint" pour quelques jours juste avant le debut de l'annee juive "roch hachana" (tête de l'annee ). Ce saint etait mort 3 jours avant la nouvelle annee."

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Les Rabbins de Mogador au tout début du 20 ème siècle

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David Bouhaddana m'apprend maintenant que ce cimetière marin a plus de 900 ans et qu'il était déjà complet après 400 ans.Il y a deux couches de tombes. C'est ce que m'a raconté Lahcen, le gardien mort il y a 15 ans. Cette histoire, il la tient de son grand père, qui la tient de son grand père...C'est une histoire de gardiens de cimetière de père en fils....

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C'est dans ce cimetière que Rabbi Haïm Pinto est enterré sous la coupole

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Le cimetière « rasé » de Bab Marrakech 

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 Potiers à l'entrée du vieux cimetière de Bab Marrakech le nuit du destin

Hier,en passant devant le cimetière « rasé » de Bab Marrakech — il paraît que les musulmans ont le droit de raser les cimetières au bout de soixante-dix ans — et en particulier devant les trois palmiers où mon père disait qu’Abdessalam, son tuteur, était enterré ; j’ai passé plus d’un quart d’heure à lutter contre le trou de mémoire, pour retrouver le nom d’Abdessalam : trou de mémoire pour sépulture disparue. Devoir de mémoire envers mon père et ma mère. Le jour où je m’attaquerais à cette amnésie, ce jour-là, je pourrais peut-être m’autoproclamer « écrivain ».histoire,photographie

La "Machina" : la minoterie Sandillon

Abdesslam l’homme à la sépulture disparue qui a élevé mon père vendait de la farine près de la minoterie Sandillon. Le nom de ce dernier figure dans la toute première alliance israelite de Mogador :  les élèves de cette école étaient, en juillet 1905, au nombre de 206, dont un Français, le jeune Sandillon. Le local de l’école était au premier étage d’une maison de la nouvelle kasbah – l’actuel commissariat de police. La présence d’une seule école anglaise de filles créait une situation particulière aux enfants des autres nationalités qui étaient obligés de suivre ses cours, c’était le cas des filles de Mr Sandillon, le minotier français de la ville.

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  Au fond, Henri Sandillon, fils ainé de Ferdinand Sandillon avec maâlem Abdellah

Ce Sandillon, dont je me sens si proche parce qu’il avait fondé au début du XXe siècle, le premier journal que Mogador ait jamais connu. À la fin des années 1980, quand je menais des recherches sur l’histoire de la ville, j’avais retrouvé dans un fichier de la bibliothèque de Rabat, la collection complète de ce journal ! Malheureusement, à chaque demande, le bibliothécaire revenait les mains désespérément vides, me disant que le journal avait disparu. C’était au moment même où la minoterie vacillait sous la violence des vents avant de disparaître à son tour.

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 Dix ans auparavant la veuve de Sandillon est revenue dans le sillage des nostalgiques français de Mogador.Ils étaient conviés à un somptueux dîner aux langoustes, dans l’ancienne résidence du contrôleur civil qui avait été confisquée par le protectorat au caïds Anflous après sa reddition en 1912, et qui appartient désormais à ce président du conseil municipal qui a pour coloration politique, les oranges. J’ai alors servi de traducteur à ce président araophone dans le style du vieux Makhzen, qui disait comprendre l’émotion de ces revenants, pour qui les rivages de Mogador symbolisaient les temps à jamais révolus de leur jeunesse. Madame Sandillon m’a prise alors à part pour me dire : 

« Quand nous sommes arrivés en haut du promontoire dAzelf, à la vue dEssaouira au bord de leau, je ne pus mempêcher de pleurer de désespoir ». 

 Et combien je comprends sa douleur. Je lui disais alors que selon mon père, à l’instar de son mari, il y avait un homme qui tenait boutique de chimères au quartier des Boukhara — où résida la garde noire de Moulay Ismaïl — et qui tenait un journal quotidien de tout ce qui se passait dans la ville : intempéries, hausses de prix, arrivée de caravanes, naufrage de marins …histoire,photographie

  Les moulins de l'époque

Veux-tu bien que nous ajustions

Son axe au moulin,

Pour moudre en commun

Ton grain et le mien ?

Veux-tu bien qu’en un seul troupeau

Nous mêlions nos ouailles aux tiennes ?

Mais gardes-toi bien

D’y mettre un chacal !

Comment donc, de la plaine,

Surgirait Mogador,

Comment pourrait-on

Haïr qui l’on aime ?

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  Le vieux cimetière de part et d'autre de Baba Marrakech 

À l’époque les quatre portes de la ville se fermaient la nuit, et en dehors des remparts, il n’existait que des jardins potagers et des cimetières. Pour se prémunir contre les caïds de la région qui la convoitaient, la ville tendait à développer une certaine autonomie, en disposant d’une citerne collective en son enceinte  plus précisément dans l’actuel marché aux poissons. Au crépuscule un berger faisait rentrer les vaches laitières, que chaque maison possédait avant que les portails de la cité ne se referment.histoire,photographie

 Des vaches à l'entrée de Bab Marrakech 

   Un soir qu’il faisait très froid, deux colporteurs qui sillonnaient la région pour y vendre du tissu de melf importé d’Allemagne et des épices – au paradis le Prophète aurait aimé être marchand de tissu et d’épices – entraient en ville après leur tournée dans les souks de la région. Ils trouvèrent les portes fermées au crépuscule parce que c’était le temps de la Siba, le temps où les caïds étalaient le burnous sur la jellaba et faisaient parler le baroud. Le marchand qui resta immobile jusqu’au matin fut trouvé inanimé au pied des remparts, alors que son compagnon qui avait passé la nuit à rouler une grosse pierre, à la manière de Sisyphe, entra prendre son petit-déjeuner tout trempé de sueur en répétant :  « Que le lit où coule le flot de notre vie serait étroit, s’il n’y avait le vaste espace de l’espérance ».histoire,photographie

Des vaches à l'entrée de Bab Sbaâ

 Le mogadorien David Iflah, le chantre du Malhun judéo-arabe qu'Alexis de Chottin cite dans son "Tableau de la musique marocaine", évoque les jardins potagers qui entouraient la ville en ces termes :  La betterave provient du potager de Messan,de Bunnif le jardinier et son associé Dda Hammani, ainsi que les aubergines..Leur produits sont vendus sans être pesé et les jeunes de la ville s'y servaient gracieusement  pour apaiser leur faim après chaque match de football se souvient maintenant Mr.Abdelkhaleq Louzani, gloire du football national: "Carottes , navets, choux, chou-fleur (bourass) poussaient aux jardins potagers qui étaient exploités aussi bien par les juifs que par les musulmans. On jouait des matchs de foot au « hangar » et au retour tout le monde a faim. On passait par ces jardins pour manger les carottes. 

D'entre les jardins potagers (Bin Laârassi)histoire,photographie

 Mogador - Vue prise en avion au tout début des années 1900 : on reconnait les deux cimetières de Bab Marrakech et les jardins maraîchers qui entouraient la ville.Tout cet espace vert allait disparaître sous les constructions anarchique à partir des années 1960.

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.Mogador - Vue général: au premier plan "Bin laârassi", d'entre les jardins(potagers)histoire,photographie

Par Bab Doukkala arrivait aussi la fameuse menthe de "Chicht"histoire,photographie

 Mogador avant la construction de la jetée du port

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 C'est cette ville qu'avait quitté Eugêne Aubin, pour se rendre à Safi, le 15 novembre 1902 :

« Vers midi notre convoi commençant à s’ébranler par groupes successifs traverse la rue principale de Mogador et sort de la ville par la porte du Nord, qui donne sur la lagune entre des jardins maraîchers et des cimetières. La plage , bordée de dunes sablonneuses, s’étend tout droite et la vapeur d’eau qui vient des vagues noie les contours du paysage. Dix kilomètres plus loin, à la nzalade Chicht , toute la caravane se trouve réunie. Dans le lointain, Mogador forme une apparition très fantastique, s’élevant des sables et de la mer, avec ses grandes murailles crénelées, ses maisons blanches et les tours carrées de ses minarets. »


 

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 Jardins maraîchers longeaint les remparts du côté de Bab Doukkala

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    Les dits jardins  se situaient sur la lagune qui entourait  la ville et qui était connue sous le nom vernaculaire de "loughrad"(le terreux) .Le jonc y poussait avec abondance faisant ombre dense où  nichaient les pics-boeufs: dans cette lagune qui entourait l'îlot sur lequel est bâtie la ville ; on enduisait ces joncs de  suie fondue des chombre à aire des becyclettes et on attendait patiemment que  vienne s'y prendre l'un de ces tendres oisillons convoités.... 

    C’était au temps, où à la veille de la fête du sacrifice, les enfants chantaient encore la fameuse comptine dénommée Qûbaâ ( la pie ), qui fait partie de ce que Halbwachs appelait « les cadres sociaux de la mémoire »: 

   Pie, ahah ! 

  Carrelée, ahah ! 

  Viande fraîche, ahah ! 

  Et n’égorge, ahah ! 

  Et ne dépèce, ahah ! 

  Jusqu’à ce que vienne, ahah ! 

  Moulay Ali, le doré ! 

  Il a bu une sangsue, 

  Aussi grande que l’astre ! 

  Pour guérir ? Ahah ! 

  Sueur d’ensens, ahah ! 

  Où est l’ensens ? 

  Chez l’herboriste ! 

  Où est l’herboriste ? 

  Dans la cithar ! 

  Patronne de la maison 

  Par-dessus l’olivier ! 

  Cette maison est la maison de Dieu ! 

  Et les disciples, esclaves d’Allah ! 

  Donne moi quelque chose,   

  Si non, je pars, 

  En rampant, 

  Comme le serpent 

  Providentielle !  Haw ! Haw ! 

  Sur l’olivier! Haw! Haw! 

  Cette maison est la maison de Dieu ! 

  Libérez-nous ! Providencielle ! Haw ! Haw ! 

  La maîtresse de maison leur donnait alors un mélange de henné, de sel et d’orge, que le bélier devait avaler avant d’être sacrifier par Moulay Ali le doré. Actuellement ces comptines oubliées ne sont plus évoquées que par de vieux souiris, lorsqu’ils parlent des années folles de leur enfance. Après l’école coranique, les enfants étaient principalement déstinés à un travail manuel, la marqueterie, en particulier. histoire,photographie

Pêche à la ligne au pied des remparts du côté du Mellah :" les enfants de Mogador se rendaient chaque  vendredi aux jardins maraîchers qui cernaient la ville pour apaiser leur faim en croquant des carottes fraîches après un match de football puis à jarf lihoudi (le rocher du juif) au pied des remparts du mellah, pour la pêche aux crabes.Il y avait beaucoup de sarres qui arrivaient avec la marée montante et qu'on pêchait là-bas.Les juifs aussi pêchaient près de cet îlot qui porte leur nom» se souvient aujourd'hui M. Abdelkhaleq Louzani, gloire du football national.histoire,photographie

Les produits des jardins maraîchers arrivaient chaque matin au marché par Bab Doukkala.

Dans l'un des fours d'Abibou, situé au coeur de l'ancienne kasbah offiçiait kadouche dont David Bouhaddanam'envoie la photo accompagnée de ce commentaire: "Abibou a fait le pain mais c'est kadouche qui s'occupait de la cuisson. En plus c'etait lui qui as cuit les dafinas de la pluspart des juifs.Meme  messaouda de l'hotel atlantic et mira de l'hotel centrale etaient clientes chez lui."Le jeune David Bouhaddana (enhaut en campagnie de l'acteur Michel Piccoli lors du tournage  au port dans  les années 1970  de scènes de "La poudre d'escompettes"et Mustapha Khalili(en bas), le chantre du malhûn souiri et le digne successeur d'Abdellah Abibou qui s'occupait de la cuisson du repas du shabbat, dénommé skhina (de la racine "skhou"chaud); dont  le professeur Joseph Chetrit m'envoie une qasida du genre malhun en arabe udéo - arabe, intitulée әl-qṣἱḍɑ d-әs-sxinä qu'avait consacré le chantre mogadorien, David Iflah à ce plat traditionnel.

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 Le chant du plat chaud du shabbat

 de David Iflah (Mogador/Essaouira 1867-1943)

 

    Le repas chaud du shabbat procure une jouissance suprême; parfaitement préparé. il offre tous les délices, dont se délectent les amis et les  frères réunis. 

Voici la description explicite de la marmite: elle est resplendissante, blanche et brillante, de taille largement suffisante, fabriquée à l’ancienne 

Elle porte les gros pois chiches, qui baignent dans leur huile, formant une sauce alléchante, de couleur dorée. 

Les grosses boules de viande, le pied et la langue, avec des poulets farcis et d’autres sans farce; ajoutez-y les pommes de terre du Yémen

Des œufs blancs comme un tissu de lin, achetés après avoir été choisis et sélectionnés par un européen averti, et payés bien plus cher. 

Mettez-y des morceaux de viande bien gras, du faux filet, de la poitrine et de l’épaule, provenant d’un bœuf clément, et la base découverte ou voilée des côtes. 

Les grains de blé couleur d’ambre, reposent bien cuits au milieu de graisses ruisselantes, provenant de la moelle des os. 

Je l’ai vue passer en direction du four, sur les mains d’une servante décorée de henné, originaire du pays des Noirs. 

Regardez ˤAkiku avec ses verres, affaissé et tout couvert de suie, de torchons sales, se vautrant tout nu dans la cendre. 

Regardez Ben u-Hatta roulant son ivresse, se cachant exprès entre la fosse du four et les planches rondes à pains, surveillant les voleurs. 

Les plats chauds des différentes communautés comportent des oignons, des coings et des fayots couleur de raisins secs, ainsi que des lentilles pareilles à des coraux. 

Regardez les amis et les proches parents, qui se réunissent tous affamés pour [le repas du shabbat], accourant bien perspicaces au festin 

Les fourchettes à l’ancienne, des serviettes et des nappes de soie fine, brillant de leurs fils d’or. 

Son odeur réveille les souffrants, par ses épices et le fin safran, et par son apparence couleur d’or. 

Dans le salon étincelant et joyeux, couvert de tapis, de matelas et de coussins en soie fine, nous avons réjoui tous ceux qui ont bu et ont resplendi de bonheur 

Faites revigorer les esprits par des bouteilles, de maħya blanche et de maħya rouge couleur de perles, distillée par des fins connaisseurs. 

Le vin coulant à flots, l’absinthe, le brandy et le gin purifient mes chants, avec l’anisette blanche de couleur 

Le cognac calme les ardeurs, mais ne négligez pas le célèbre rhum des Bermudes flamboyant dans les verres, étincelant comme des éclairs. 

Des conserves au citron remplissez des pots: cornichons, moutarde, ainsi que les alléchants piments au vinaigre, avec la salade aux tomates et au piment fort. 

La betterave provient du potager de Messan, de Bunnif le jardinier et son associé Dda Hammani, ainsi que les aubergines. 

Les câpres valent leur prix cher; ne manquez pas les olives cassées à la manière de Taroudant, ainsi que les citrons couchés à l’huile d’olive. 

Les radis couleur d’or sont acompagnés d’une salade de gros concombres à l’oignon blanc, de carottes, de citrons confits et de figues jeunes. 

Quand le plat est arrivé à la maison, le logis a resplendi; c’est le maître mets dont l’odeur m’enivre. Notre joie est complète et notre fortune a embelli. 

Mon nom est livré ici explicitement: le maître Dawid Iflah, qui s‘y plaît bien; je l'ai composée contre les [mauvais] yeux des ennemis. 

әd-dritkä 

Le plateau de thé offre de la jouissance, avec les deux théières et les verres dont la couleur m’enchante, on dirait un parterre de coquelicots. 

Voici le détail des verres: le bleu violacé, le jaune du genêt ainsi que le vert me ravissent; ceux qui ont la          couleur du coucher du soleil raniment les esprits. 

Ajoutez-y le rouge vif éclatant, ainsi que le violet vert et doré du cou de pigeon indien, avec le bleu ciel teinté d’or. 

N’oubliez pas les verres couleur de poils de chameau et de corail, ainsi que ceux qui sont d’un jaune rosé des jujubes, avec en dernier ceux à la couleur beige de pois chiches tout comme ceux qui sont du beau jaune verdâtre des roseaux. 

Installe ensuite la bouilloire en beau métal jaune sur son réchaud, dont les braises se consument d’amour et de passion pour le plateau et les verres 

Mettez à la tâche deux petites servantes noires du même âge, portant carafes, serviettes et tasses, celles dont l’ancêtre était gouverneur du pays des Noirs.histoire,photographie

Texte extrait d’une étude culturelle et linguistique, sous presse,que le Prof. Joseph Chetrit a consacré à ce poème  intitulée: Délices et fastes sabbatiques.( Edition et analyse d'uneqaṣi:dajudéo-arabe d'Essaouira/Mogador sur le repas festif du sabbat)

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Avant de commencer la journée, j'ai pris des baignées croustillons au « Sefnaj » - un mot arabe qui dérive du persan «isfanj » probablement parce que ces baignées sont originaires d'Ispahan - puis une soupe de fèves (bissara) à khobbaza, marchants de pain de seigle bien chaud en cette heure matinale, où d'habitude se retrouvent, à chaque aube naissante, les marins du vieux port, pour partager un bon thé d'absinthe (chiba) qui a la réputation de réchauffer le corps et les cœurs juste avant d'affronter les embruns et les frimas de haute mer. Mais aujourd'hui, aux cafés maures de khobbaza, rares sont les marins parmi la clientèle de l'aube : là aussi c'est signe qu'il n'y a pas de sortie en mer.histoire,photographie

  En sortant de la maison, je passais d'abord par le marché aux grains où j'étais ébloui par le ballet des pigeons autur des marchands de blé et de maïs:

 Enfant, j’ai jeté tous mes cahiers à la mer 

 Et je suis revenu avec des coquillages et des îles

 On me donnait zéro

  Et mes yeux d’enfant me donnaient

  Le point lointain de l’univers.  

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 Comme à chaque aube qui point: arrivée du marchand de pain à khobbaza
A souk Akka,Chokhman m’apprend  que son frère, qui nous louait ses vélos, est décédé il y a juste un an, à tel mois lunaire du calendrier musulman.  La mort de Chokhman, figure habituelle de mon enfance, m’interpelle pour une autre raison : son atelier se trouvait juste à l’entrée de l’impasse au fond de laquelle se trouve le sanctuaire du saint où l’on se rendait pour obtenir une huile d’olive aux vertus miraculeuses, en particulier contre les rhumatismes, dont souffraient inévitablement les habitants vivant sous ce microclimat humide. Je garde surtout une impression de poésie inaltérable de l’Adwal qui s’y déroulait : mon oncle berbère Mohamad, venait annuellement avec les tolba du pays hahî, y sacrifier un bélier et un bouc noir, et y faire bombance : la vieille coupole et son vieux palmier, le bûcher de l’arrière-cour et ses énormes bouilloires et marmites, les multiples tagines posés à même les carrelages noirs et blancs, sous le figuier sacré, d’où se dégageait une irrésistible odeur d’huile d’argan, la barbiche de tonton et ses prières… De tout cela se dégageait une  chaleur et une poésie irréelles et à jamais perdues. Il ne reste plus que le silence, la porte fermée du vieux sanctuaire, dans une ville désormais livrée à la frénésie immobilière et touristique.

 

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A l'aube je prends ma première image de l'artère de Souk Akka, où enfant j'achetais des baignées en me rendant à l'école;Au bout de cette artère de Souk Akka, à la sortie de Bab Marrakech, se trouvaient les deux plus vieux cimetières de la ville que Tahar Afifi, alors président du conseil municipal de la ville avait ordonné de raser dans les années 1980. J'ai appris plus tard que mon père s'accoudait au muret de ce vieux cimetière pour prier pour le repos de l'âme de ma grand mère Mina , pour notre aïeul  Hajoub Nass Talaâ (surnommé "mi-pente" parcequ'il avait dit au caïd Rha qui inspectait les caisses d'amandes du port vers 3h du matin: "Ma gachette est à mi-pente"; que je suis éveillé; c'est lui qui aurait édifié le toit peint (Barchla) de Sidi Mogdoul en tant que maâlam Brachlya).

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 Le vieux cimetière de Baba Marrakech

Au fond les palmiers où mon père disait qu’Abdessalam, son tuteur, était enterré. L'espace entre les deux vieux cimetières était très animé surtout lors de la fête de âchoura Hier, en passant devant le cimetière « rasé » de Bab Marrakech — il paraît que les musulmans ont le droit de raser les cimetières au bout de soixante-dix ans — et en particulier devant les trois palmiers où mon père disait qu’Abdessalam, son tuteur, était enterré ; j’ai passé plus d’un quart d’heure à lutter contre le trou de mémoire, pour retrouver le nom d’Abdessalam : trou de mémoire pour sépulture disparue. Devoir de mémoire envers mon père et ma mère. Le jour où je m’attaquerais à cette amnésie, ce jour-là, je pourrais peut-être m’autoproclamer « écrivain »Abdesslam, l’homme à la sépulture disparue qui a élevé mon père vendait de la farine près de la minoterie Sandillon. Le nom de ce dernier figure dans la toute première alliance israelite de Mogador.À l’époque, il y avait encore des consuls européens dans la ville.Lambrojo, le consul d’Italie avait une minoterie en face de la maison où je suis né

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Les vieux cimetières de Bab Marrakech

 « Nous sommes nés d'une poussière d'atome etnous redeviendrons poussière. ». Cette formule usuelle indique que pour les musulmans, la dépouille mortelle n'est pas si importante ; et que ce qui importe est l'âme qui monte au ciel : « Ils t'interrogent au sujet de l'âme, dis : l'âme relève de l'ordre de mon Seigneur. Et on ne vous a donné que peu de connaissance. » (Sourate 17, verset 85). L'Islam fait ainsi le distinguo entre « Rûh » (l'esprit)  que Dieu rappelle auprès de lui, qui est d'essence  éternelle et la « Nafs » (le souffle vital), objet des désirs, qui est périssable avec le corps. Dans l'un de ses quatrains mémorables, Omar Khayyâm disait : « Allèges le pas car le visage de la terre est recouvert des dépouilles des morts. ». Ce qui importe ainsi pour l'Islam, c'est l'âme qui monte au ciel, attitude diamétralement opposée au Judaïsme qui accorde une grande importance à l'intégrité du corps après la mort et surnomme le cimetière « Beit Haïm»  (la maison des vivants)

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  Mogador - Porte de Marrakech

  Le commerce caravanier a continuer d'affluer vers Mogador bien après le déclin de la ville à la fin du 19è siècle comme on le voit sur ce clichet pris le 4 juillet 1927

 Adossée au rempart, la chambre où on lavait les morts était juste à droite en sortant de Bab Marrakech.Pour apaiser le mort et réconforter la conscience endeuillie des vivants, l'oraison funèbre disait: 

Sobhâna di lmoulki wal malakout 

 Sobhâna di lîzzati wal jabarout! 

 Sobhâna l'hay alladi la yamout! 

 Asabbouh, al qoddous, Rab al malaîkati wa ruh! 

 Jah n'bi qaddamnak, ya moulay tarhamna! 

 Grâce soit rendue à celui qui a la royauté de tous les royaumes! 

 Grâce soit rendue à celui qui a le pouvoir sur tous les pouvoirs! 

 Grâce soit  rendue au vivant qui ne meurt jamais! 

 Le primordial, le sacré, le Dieu des anges et de l'âme! 

 Nous t'implorons au nom de ton Prophète, que ta clémence soit sur nous! 

 Cette oraison funèbre était déclamée sur le mode musical andalou dit "laghriba"(l'exilée au royaume de l'ombre), dite aussi "ghribt lahcen". Ce mode musical on le trouve également dans le malhûn chez les Hamadcha et les Aïssaoua.

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 Au bout de la nuit du destin Laylat El Qadr, les habitants se rendent  au cimetière pour y déposer ces poteries sur les tombes de leurs proches. Et à la veille du 1er Moharram, jour de l’an musulman – annoncé par la nouvelle lune — le rythme de la Dakka envahit les rues de la ville. C’est le rythme à l’état pur. Au dixième jour de ce mois sacré, on chante le rzoun. Dans le carnaval de l’achoura, il y a enchevêtrement de pratiques sacrées et profanes.Le lendemain de la nuit chaude de achoura, au levé du soleil, on s’asperge d’eau de zem - zem et on se dirige vers les vieux cimetières de la ville pour les asperger à grande eau. Dans les cimetières, avec baba achour, on enterre pour ainsi dire l’année écoulée. On couvre les tombes d’eau de rose et de basilic sauvage (rihan). Un marchand qui vend cette plante du paradis aux abords du cimetière nous dit : « Hier, a eu lieu la nuit de la Dakka. Tout le monde y participe avec joie jusqu’à l’aube. Les gens se rendent au cimetière pour visiter les morts. Ils trouvent les figues sèches, le basilic sauvage, les palmes de palmiers, l’eau de rose, les poteries qu’ils mettent sur les tombes et les jouets qu’ils achètent pour leurs enfants. Après avoir visiter leurs morts, ils rentrent tout contents chez eux. » Durant la séquence de la Dakka, le clan Ouest de la ville, celui des Béni Antar se retrouvait à la porte de la mer (Bab Labhar), alors que leurs adversaires du clan Est des Chebanate se retrouvaient au seuil de Bab Marrakech. La première porte était dite hantée par Aïcha Qandicha, (la démente de la mer). La seconde porte se situait entre les deux vieux cimetières de Bab Marrakech (rasés au court des années quatre-vingt). Le tapage nocturne des uns vise à exorciser les génies, et celui des autres à réveiller les morts.

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  Ceux qui n'ont pas de respect pour les morts ne peuvent pas en avoir pour les vivants.Dans le monde entier, le rasage d'un cimetière est considéré comme une profanation, sauf chez nous où les morts doivent doublement disparaître pour laisser place aux speculations immobilières. On dit de la mort qu'elle est un scandale mais le véritable scandale  est de ne pas tenir compte de la mémoire des vivants qui sont en fait des morts-vivants puisqu'ils n'ont aucun droit au chapitre quant aux affaires de leur cité : de facto "les élus" eux-mêmes sont considérés comme  de simples représentants du Makhzen, c'est à dire de la volanté de Dieu sur terre.Ainsi donc le manque de démocratie nous prive du droit de nous recueillir sur nos morts en soustrayant leurs dépouilles à nos prières et à nos souvenirs....Le type reponsable de ce forfait en tant que président du conseil municipal, on le disait lui-même ancien gardien de cimetière du temps du Glaoui, avant de finir sa carrière de politicien comme ministre chargé des relations avec le parlement au nom de "l'Union Constitutionnel"! Ceux qui désapprouvaient sa profanation et sa politique municipale (c'est encore lui qui rasa les magnifiques cabines de la plage de notre enfance, qui s'ouvraient sur la mer comme des arrêts de poissons) se contentaient de l'appeler sous cape tantôt "le Boss" tantôt "le Cobra"....     Le Conseil Municipal d'alors justifiait ce rasage de nos tombes en disant que l'Islam autorise la disparition d'un cimetière - soit une double disparition des disparus - après soixante dix ans de son existence. Ce qui n'est pas le cas des cimetières marins juifs qui existent là depuis les Romains et les Phéniciens. Pourquoi avoir touché à la tombe de Mina ma grand mère ? Une question douleureuse et lancinante qui me tarrode encore et toujours...C'est aussi, parce que nous autres les locaux, nous n'avons jamais eu de pouvoir de décision au niveau local. On est dans les petits métiers, d'artisans, de marins, d'instituteurs,dans une espèce de marge réduite de facto au silence; celui des morts-vivants, celui des marges indiscibles : c'est ce qui en moi attira la sympathie d'un autre illustre marginal, d'un marginal professionnel dénommé Georges Lapassade. Marge des marges : Je viens de découvrir que la pluspart des marchands de fruits et légume de la ville sont originaires des Ida Ou Gord, la tribu riveraine de l'oued Ksob qui, chaque hiver, déverse ses allovionnement sur ces rivages 

histoire,photographie The children holiday , the Aashourah swings

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L’hiver, les étourneaux , ces oiseaux solaires qu’on appelle zerzour, forment un immense « boa volant », qui orne le ciel et se confond avec lui. Calligraphie céleste, noria tournoyante au crépuscule. Ces oiseaux sont les gardiens de l’île, ou peut être la réincarnation des âmes qui la hantent encore.

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 Y hasra ! Hélas! Les naoras de notre enfance! 

Ces balançoires en bois qui étaient de toutes les fêtes jusqu'aux tout début des années soixantes en ville, étaient encore en usage en milieu rural jusqu'à une période récente comme j'ai pu les observer  en participant au printemp des Regraga en 1984: De loin, on entend les baroudeurs inaugurer la nouvelle étape comme pour signifier que c’est d’abord en guerriers que les Regraga ont rendu visite à chaque tribu. Nous quittons « cette forêt mahométane » où Jean Genet voyait « des Bouddhas debout ». Le chameau qui porte les norias de bois nous dépasse ; le jeune chamelier écoute sur cassette une aïta des tribus côtières :

 « Allons voir la mer 

 Restons face aux vagues jusqu’au vertige ».histoire,photographie.

Abdelkader Mana 

06:34 Écrit par elhajthami dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook