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02/12/2011

Le souffle du souffle

musique

Morceaux choisis en hommage à Abdeslam MICHEL RAJI

arts,corégraphie

Texte Abdelkader Mana, photos Jean François Clément

L’artiste et l’univers éblouissant des idées

L’artiste ne vise pas à reprendre un seul sens, le « sens unique », il brouille les cartes pour multiplier les sens possibles. L’art est proche de ces pratiques mystiques où l’on pensait que la perfection nominale consiste à conjurer les esprits des sphères et des astres. Plus une forme est belle, plus elle a de chance de faire sortir l’artiste de son île où souffle un vent de crabes, pour le livrer à l’univers éblouissant des idées.

      Très cher Raji

 La revue Horizons Maghrébin vient de me commander un texte sur ta chorégraphie : je pense à ta danse sur l'ahouachau quelle j’ai assisté à Tata à celle où tu t’est livré à la danse extatique des derviches tourneurs et des soufies, à Agadir et dans l’Oriental marocain lors des training de l’Unesco pour la musique et la danse auxquels nous a convié notre ami Jean François Clément, en cette année 2011.

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  J'ai besoin de m’appuyer sur ces images pour écrire sur ton art , ta chorégraphie mystique que tu appelle « chorésophie »…. Je ne peux pas écrire de texte valable uniquement de mémoire....Et voilà que tu me sort d’affaire en m’envoyant la thèse de Bruno Couderc  intitulée : « L’improvisation en danse, une présence à l’instant ».Je lis, toute affaire cessante le chapitre intitulé « dialogue avec le souffle de Michel Raji »: je vous suis infiniment reconnaissant , à toi et à Habib Samrakandi, de m’avoir inspiré ce travail gratifiant qui me tire en plus de ma torpeur, de ma stupeur estivale: tant que le corps se porte mal, l'esprit ne suis pas . Seul un corps léger permet à l'esprit de danser à sa guise.... Si je ne me trompe, je crois que chez les mystiques soufis, la danse extatique permet d'élever l’âme vers Dieu...grâce au dhikr  l'âme se libère ainsi de son écorce charnelle .... 

arts,corégraphie De l’improvisation poétique

 « L’improvisation dis-tu est une pratique qui se fait à l’instant où le danseur est dans une écoute intérieure ». Cependant l’improvisation demande un travail en amont, une préparation : se laisser transporter par cet Othello incarné, retrouver les émotion primordiales du compositeur d'il y a des lustres: une communion mi-religieuse, mi-mondaine. L'esthétique de la science des harmonies entre notes célestes et transport amoureux... Dieu seul sait que derrière cette apparente improvisation se cache des années de travail sur la voix et ses possibilités acoustiques; la voix en tant qu'instrument musical. Et puis qu'est ce que la musique et la danse si non ce mystère qui nous met au diapason des beautés célestes ? « J’ai toujours improvisé en dansant » nous dis-tu, car l’improvisation imprègne notre culture marocaine, où on ne peut écouter placidement la musique sans y participer activement : Les marocains qui ont une culture participative ne voient pas pourquoi ils resteraient assis sagement tandis que les musiciens se produisent. Pour les marocains la frontière entre musiciens et public doit être abolie. Ils ne se sentent à l'aise et en fête que lorsqu'ils participent bruyamment à la fête en applaudissant, en trépignant, en poussant des you-you et des appels au Prophète. Il s'agit pour eux d'une décharge énergitique et biologique, en un mot d'une catharsis. Or pour la musique de chambre, on exige d'eux l'écoute attentive, le silence absolu, le bien se tenir. Conséquence peu de marocains parmi le public au printemps des alizés : la sélection ne se fait pas ici par l'argent mais par l'habitus culturel. Ici comme ailleurs, le Musée du Louvre et la musique de chambre ne sont pas fréquentés par le premier venu: il faut une éducation particulière de l'ouïr et du jouir...

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  La musique dans la vie

      J’ai retrouvé partout où je suis allé filmé les musiques et les danses du Maroc, cet esprit de participation et d’improvisation . Chez les Branès  par exemple; où le chant accompagne les fêtes depuis toujours, où on appelle les déclamations « semence » ; on a un mélange improvisé de poésie et de danse. Quand le poète fait signe qu'un nouveau chant est prêt, on se tait, on s'arrête. L'improvisation poétique de Doukkali - ce Zajalpopulaire et savoureux - est une véritable chronique de la vie villageoise. La langue d'expression est l'Arabe, mais le style rappelle étrangement les déclamations poétiques des troubadours berbères du Haut Atlas. C'est que les Branès, situés aux premières marches du pré - rif , sont eux-mêmes d'anciens berbères précocement arabisés du fait de leur position à la lisière de la trouée de Taza,sur la voie des grandes migrations en provenance  de l'Orient arabe. Le poète, tel le journaliste de la tribu,  traite de toutes les préoccupations de la vie quotidienne : cherté des prix« qui brûlent au souk », pénurie d'eau, sécheresse, ou encore conflit du Moyen Orient. Ainsi, à Tafraout, dans son improvisation poétique, le poète fustige l’avarice qui fait de l’accumulation de richesse le but ultime de la vie. L’avare ne peut s’adapter à la vie sociale : Dieu lui a interdit de goûter au miel des choses. Dans une fête où l’assistance est faite principalement d’épiciers et de commerçants ayant bâti leur richesse à force d’épargne, l’évocation de l’avarice paraît un clin d’œil qui ne manque pas de sel.

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 « L'aurore que j'aime se lève la nuit, resplendissante, et n'aura pas de couchant ». La « Laylat el Hajr » de Hallaj paraissant viser la nuit de l'esprit, sous d'autres symboles : l'oiseau aux ailes coupées, le papillon qui se brûle, le cœur enivré de douleur, qui reçoit.

Chorégraphie improvisée chez les troubadours de Sous

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Les troubadours de Sous, se produisent dans la plupart des moussem du sud marocain. Ils plantent généralement leur théâtre au parc forain qui constitue la partie ludique  et profane de la fête patronale. La Raïssa Amina dont le répertoire fait partie de la nouvelle chanson berbère en vogue, chante d’une voix naïve et belle les mots simples de l’amour du terroir et de ses symboles sacrés. Le raïs Amarok évoque quant à lui "l’aigle au beau plumage" :

« Ô aigle au beau plumage

Toi, l’étrange oiseau

À la lune tu porteras mon salut

Et tu lui diras : L’étoile polaire   désire te voire »

Mais par delà leur voix, les Raïssa  apportent un plus avec leurs diadèmes magiques,leurs caftans bariolés et leur chorégraphie improvisée. L’improvisation musicale constitue, en effet, avec la participation du public, un des traits majeurs de cet art populaire.

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Improvisation poétique chez les Glawa

Dans la poésie chantée qu’on appelle N’dam, les hommes ont un rôle prépondérant. Ce sont eux qui assurent l’improvisation poétique, devant les villageois rassemblés sur la place publique. On chante le N’dam en couvrant la bouche de son tambourin comme pour se protéger des puissances surnaturelles autant que pour mieux moduler sa voix. Un refrain montagnard, jeu de tambour, tambour de fêtes saisonnières. Voilà ce qui frappe le plus du point de vue musical au pays Glaoua que nous avons traversé à mi – chemin entre Marrakech et Warzazate ,à l’aube de cette nouvelle année agricole de 1998. Pour en finir avec l'improvisation dans l'ahouach, avant d'attaquer ta mystique, celle de Jean François Clément, ce fils de la miséricorde et mon regretté ami Boujamaâ Lakhdar  pour qui l’art  était un rite du silence qui anime les nuits de pleine lune. :

L’ ahouach d’assif el Mal qu’on appelle Idikel est également pratiqué par les tribus voisines de Mzoda , Aït Bou Yaâkoub et Douirane. C’est un ahouach d’un rythme différent de celui d’Imin Tanout et du pays Haha, même si ces derniers appartiennent au même ère linguistique chleuh. Ahouach Idikel se distingue surtout par la position centrale qui y occupe le chant solo, cette improvisation poétique et musicale qu’on appel arasal et qui est propre aux montagnards du Haut – Atlas.  Pour orchestrer l’ahouach Idikel on recourt à trois tambours à cadre à tonalités différentes, selon qu’il s’agit d’un coup vibrant appliqué de poing au centre de la peau ou de coups secs obtenus par le choc de la main à plat sur bord. Le premier tambour, le trime, commence par jouer un rythme appelé hamz, le deuxième qu’on appelle amtarfo , parce qu’il occupe les marges, joue une autre variation rythmique appelée asidari, et le troisième soliste recourt à une technique de jeu appelée Amdil. Chaque soliste joue un rythme différent mais il doit être impérativement complémentaire des deux autres.

Le chant des femmes Jbala

      Chez les Jbala on appelle Aâyouâ, le chant qui accompagne les travaux agricoles des femmes (moissons, gaulage des olives). On  peut traduire ce mot par l’expression « échos de montagnes » : son ambitus extrêmement aigue et allongé porte au loin la voix des femmes Jbala. Elles s’en servaient, dit-on, pour signaler d’en haut des collines, aux guérilléros d’Abd-el-krim, les déplacements des colonnes françaises. Et aux fêtes de mariage, on se servait de ces voix de soprano pour faire parvenir le message à tous les participants sans avoir à recourir au haut parleur. Le hautboïste Mr.Aziz Zouhri, dont la troupe vient d’être invitée en France, nous rapporte ce couplet, que les femmes chantaient lors des fêtes saisonnières :

 Warwar yâ limama, fal hjour dal ghoddana

La iâjbak chi zînak, hakdak kount hatta yana

 Aux branches des figuiers, recoule ô colombe !

Ne soit pas étourdi par ta beauté , moi aussi j’étais belle !

      Du point de vue mélodique, ce chant s’apparente au mode musical andalous dit « lahgaz » : de par leur position géographique sur la rive sud de la Méditerranée, les Jbala ont été influencé par la musique andalouse. Ce sont les fêtes de mariage qui ont permis à ce genre de se perpétuer, mais il est en voie de disparition : les femmes qui le pratiquent sont pour l’essentiel décédées. D’où la  nécessité de mesures conservatoires pour l’enregistrer avant qu’il ne soit trop tard. Cette nécessaire documentation concerna aussi les deux autres genres que sont le haïtet Taqtouqa Jabaliya.

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 Ce que tu dis du corps, de l’instant et de l’éternité

Ce qui reste de Shoshtari, comme des maîtres spirituels qui lui ont succéder depuis, c'est cette actualisation poignante de l'instant, où ils veulent nous faire rejoindre l'éternel. « L'instant est une coquille de nacre close ; quand les vagues l'auront jetée sur la grève de l'éternité, ses valves s'ouvriront ». Il n'en disait pas davantage pour laisser comprendre qu'alors on verra dans quelles coquilles les instants passés avec Dieu ont engendré la Perle de l'Union. Ce à quoi fait échos NIYAZI MISRI, poète mystique turc du 17ème siècle :« Après avoir voguer sur la mer de l'esprit dans la barque matérielle de mon corps, J'ai habité le palais de ce corps, qu'il soit renversé et détruit ; » OUI, l'instant est une coquille de nacre  close ; quand les vagues l'auront jeté sur la grève  de l'éternité, ses valves s'ouvriront.

Le corps photographié d’Ameziane

Le cheikh Moussa est actuellement le plus célèbre à Nador. Il est accompagné de l'Azemmar, une sorte de biniou, munit de deux cornes d'antilopes. On appelle le chant rifain «  izri « (pluriel ; « izran »). En voici un qui fut composé, en 1911, à l'occasion de la mort du Chérif Mohamed Ameziane, le chef de la résistance rifaine contre l'Espagne, au début du 20ème siècle :

Sidi Mohamed Ameziane est mort !

Nous ne pouvons honorer son tombeau

L'ennemi ayant  emporté sa dépouille

Dans les villes pour la photographier !

Par Dieu ! Ô Mouh fils de Messaoud !

Rends nous son corps afin que nous le vénérions !

Pour Abdélkébir Khatibi, l’enfant né au monde en tant que corps dansant et parlant:

«  Pour un conteur populaire lui dis-je  une fois, le jour de la résurrection même les analphabètes retrouveront la faculté d’écrire ; l’indexe sera leur plume, la bouche leur encrier et le linceul la page blanche. Comme le miracle coranique avait commencé pour le Prophète par l’impératif : « Lis ! », le miracle de la résurrection commencera pour chacun d’entre nous par l’impératif : « écris ! ». Qu’en pensez-vous ?  Ce à quoi il me répondit : « On peut interpréter de différentes manières. Je ne suivrais pas sa manière d’interpréter. Mais par exemple, symboliquement l’enfant apprend la langue, il naît au monde en tant que corps et puis il naît au langage en apprenant le premier mot, son nom propre, le nom propre de sa mère, son père, son entourage et il entre dans le langage comme naissance. Une résurrection dans ce sens là, parce qu’elle permet de rentrer dans un autre ordre du symbolique qui change les choses dans le sens où l’activité de l’écrit a sa loi propre. C’est une activité qui laisse des traces, qui durent et qui entrent dans une mémoire et dans une généalogie de textes, qui se transmet de siècles en siècle. Donc, la résurrection c’est la survie aussi de textes dans ce sens là. »

De la résurrection des corps

   La légende des sept saints Regraga s’inscrit dans une vielle tradition méditerranéenne dont la source serait celle des Sept Dormants d’Ephèse en Turquie comme le soulignait en 1957 Louis Massignon : « En Islam, il s’agit avant tout de « vivre » la sourate XVIII du Qora’n, qui lie les VII dormants à Elie (khadir), maître de la direction spirituelle - et la résurrection des corps dont ils sont les hérauts, avant coureur du Mehdi, au seuil du jugement, avec la transfiguration des âmes, dont les règles de vie érémitiques issues d’Elie sont la clé. Ce culte a donc persisté en Islam, à la fois chez les Chiites et les Sunnites mystiques. ». En Bretagne, par où les sept saints Regraga, auraient passé à leur retour de La Mecque avant d’accoster par leur nef au port d’Agoz à l’embouchure de l’oued Tensift, Massignon notait : « En Bretagne spécialement, le nombre des Sept Dormants raviva une très ancienne dévotion celtique au septénaire, seul nombre virginal dans la décade (Pythagore), chiffre archétypique du serment. On est tenté de penser que c’est une dévotion locale aux sept d’Ephèse, qui a précédé et provoqué les cultes locaux aux VII saints en Bretagne. »

Le corps broyé par les vagues

Dans la clarté du jour la procession investit la cité du son grave du tambour, du martèlement des crotales.

Dis-nous, ô arbre immobile !

Entends-tu les sons graves qui

Accompagnent le taureau vers le repos éternel ?

Son sang va jaillir comme jaillissent en  geysers de brume

Les chevaux marins de la houle violente.

Corps broyé par les vagues.

Rôde la mort, la mort sereine et brutale.

En échos à la prière cosmique du firmament,

Des ombres en oraison se répondent dans la pâle clarté du crépuscule.

L’esprit entre dans le corps

Léon l’Africain nous parle pour sa part de femmes qui « font entendre au populaire qu’elles ont grande familiarité avec les démons, et lorsqu’elles veulent deviner, se parfument avec quelques odeurs, puis (comme elles disent) l’esprit entre dans leur corps, feignant par le changement de leur voix que c’est l’esprit qui répond par leur gorge ». La fumigation de parfums, aux dires d’Ibn Khaldoun, met certains individus dans un état d’enthousiasme tel qu’ils prévoyaient l’avenir.

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 Pour B.Lakhdar l’art  était un rite du silence qui anime les nuits de pleine lune.

Quand on a assez de musique en soi pour faire danser le monde…

Un vrai musicien de Marrakech doit connaître tous les rythmes, maîtriser tous les instruments de musiques traditionnelles, et même savoir danser. C’est le sens des mots Bahja (esprit de la fête) et Hyala (esprit de la danse) : la joie qui habite le corps et l’esprit au printemps de l’âge - quand on a assez de musique en soi pour faire danser le monde.

L’épuisement du corps

Le feu du soleil nous communique son ardeur. L’espace mythique parcouru à pied et à dos-d’âne est intensément vécu, arpent par arpent, jusqu’à l’épuisement du corps. La vitesse des villes engendre le stress, le déhanchement des chameaux nomme chaque arbre et chaque pierre. Tout seul, j’aurais vite abandonné, mais entraîné par l’endurance des pèlerins - tourneurs, j’apprends dans le sillage des chameaux, ce que signifie aller au-delà des limites assignées par la vie sédentaire. La sédentarité engourdit les os et sclérose l’esprit. Je jalouse ces nomades qui ont l’âge de la vieillesse et l’agilité des chèvres. Ce n’est pas seulement le temps qui produit la vieillesse, mais aussi la vie urbaine.

arts,corégraphieLe corps et les mauvais esprits

Au milieu du cap Sim, je découvre une plante médicinale du nom vernaculaire d’ajebbardou, que deux jours auparavant, ma mère m’avait réclamée : on malaxe cette plante charnue avec de l’huile d’olive et l’on s’en enduit le corps pour se débarrasser des mauvais esprits — les esprits du vent qu’on nomme ariah ou on la met sous l’oreiller d’enfants souffrant de cauchemars. Ma mère souffrait d’hallucinations dues à une tumeur au cerveau et elle en a besoin pour cette aison. Les deux messages cosmiques signifient aussi que mes racines profondes se trouvent dans ces lumineux rivages et que, partout ailleurs, je pourrais peut-être gagner plus d’argent mais serais toujours comme une nacre hors de l’eau, une plante hors de sa terre nourricière.

Quel rapport entre tout cela et la danse fraternelle de Raji? Une complicité éternelle: Affaire à suivre...

Se réchauffer le corps et le cœur au soleil

Il y a par ici, de gigantesques caroubiers et de très beaux palmiers. J’ai l’impression de me promener dans le jardin d’Eden où coule une eau douce et bénéfique. Une balade qui pourrait bien être un remède pour les blessures de l’âme. Mon père aimait beaucoup marcher de la sorte, au printemps renaissant. Il y puisait une énergie vitale, le renouveau physique et spirituel. Se réchauffer le cœur et le corps au soleil. Partout les frais feuillages luisent sous le paisible soleil d’hiver.

Tous ceux que nous aimons

Maintenant que ceux que nous aimons ont disparus, qu'est ce qui nous retient encore à ce beau pays où les amandiers perdent déjà leurs fleurs sous la pluie? Mon corps est mouillé mais mes yeux sont desséchés d'avoir perdu tous ceux que nous avons aimés. Maintenant qu'ils sont tous partis, qu'est ce qui nous retient encore à ce beau pays où les amandiers commencent déjà à perdre leurs pétales mauves et blancs sous la pluie?

« J'écris sur ma toile, disait le peintre mystique Larbi Slith, en miniature, les mots qui ouvrent chaque sourate et qui représentent l'invisibilité et la puissance de Dieu. J'orne mes toiles d'un alphabet dansant, chantant, un alphabet qui parle, il parle d'horizons lointains, il parle de moi, embryon au milieu de la sphère tendre et chaleureuse. »

Du souffle

Vous avez raison, j'ai oublié le souffle qui joue un rôle central dans votre démarche:

Souffle ! Souffle ô Bou - Iblâne !

Rafraîchit l'air du plat pays

Car la belle n'est pas habituée à une telle chaleur !

Ô Bou - Iblâne ! N'était le froid, j'aurai planté ma tente sur ton sommet !

Le souffle d’Aïssa qui guérit les aveugles et les paralytiques…

À l’approche du sanctuaire, comme happé par les énergies spirituelles du seuil sacré ,le  horm, hommes et femmes accourent pieds nus, chevelures au vent, souffle haletant, regard hagard. Humanité pathétique qui semble avoir laissé derrière elle, charrue et travaux des champs pour venir ici à la rencontre du divin. Pathétiques et néanmoins beaux, par leur quête du céleste et du sacré, sont ces paysannes disgracieuses et ces vieillards édentés aux pieds calleux, retrouvant en ce temps du pèlerinage, jouvence et nouvelles énergies. Au terme d’une course éperdue, ils s’accrochent au catafalque du saint pour y trouver réconfort et purification. Au cours de cette course effrénée, ils doivent enjamber le corps de pèlerins à plat ventre au seuil du mausolée, comme pour leur transmettre l’énergie bénéfique dont ils sont sensés être porteurs en ce moment de grâce. La croyance veut que par ce geste, ils contribuent à dénouer les entraves visibles et invisibles dont on cherche délivrance, auprès d’Aïssa le guérisseur des aveugles et des paralytiques.

Le souffle chez les Hamadcha

Souffler dans la ghaïta, souffler en dansant.

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 Le souffle du souffle

Ton homonyme mon ami le poète Moubarak Erraji:

Depuis que l’arbre est arbre

Tous les souffles sont vibrations d’ailes sur l’arbre

Le souffle de l’âme

Le souffle du saxophone

Le souffle du souffle

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Faust et le feu sacré

   Gloire à la mer ! Gloire à ses eaux environnées de feu sacré !

   Gloire à l’onde ! Gloire à l’étrange aventure ! Le Faust de Goethe

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Poème recueilli l'hiver 2005 au Sahara:

Nos gîtes de campagne,

Sont dressés là - même où sont nos racines.

Cette étendue désertique est frappée de l’éclaire du Sud-Est.

Doux rêve d’hiver, sous les nuages, la fine pluie et sous la tente

Parfum d’herbes sèches, s’évaporant du milieu des oueds.

Lointaines rumeur des bêtes sauvages.

Cérémonial de thé, entre complices de l’aube.

Crépitement de flammes aux brindilles desséchées

Et avec le jour d’hiver qui point

Chacun des deux amants rejoint la tente des siens.

 La caprification

Un auteur n'écrit jamais à partir d'une page vide, mais à travers une accumulation et une « caprification », cet échange symbolique entre deux esprits d'où jaillit la lumière ou le rêve éveillé, c'est selon... 

Casablanca le vendredi 10 juin 2011  Abdelkader Mana

musiqueL'auteur lors de la remise des prix à l'équipe du training de l'Unesco sur la musique et la danse par le gouverneur

de Tata

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L'équipe des training de l'UNESCO sur la musique et la danse de gauche à droite: Jean François Clément, Belaïd Akkaf, le maire de Tata, abdelkader Mana, Michel Raji et Brahim Mezned

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L'équipe du training de l'Unesco sur la musique et la danse au tout nouveau théâtre de Tata: Abdelkader Mana, Jean François Clément, Belaïd Akkaf et le chorégraphe Michel Raji

11:06 Écrit par elhajthami dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arts, corégraphie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

01/12/2011

Les Jbala et le Rif

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Texte Abdelkader Mana, images Jean François Clément

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Comme ailleurs au Maroc, les paysans sédentaires du pays Jbala et du Rif ont conservé l’usage de l’antique calendrier julien, le long duquel s’égrènent les actes et les rites de la vie agricole : l’époque magiquement propice aux labours, les périodes néfastes où il faut se garder de travailler le sol, le moment des bénéfiques pluies de Nisân , l’instant heureux des moissons , et enfin le jour de la « mort de la terre », après lequel tout est brûlé ;  mort jusqu’à la résurrection aux  premières gouttes de la pluie automnale.

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Lieu d’échange entre la plaine et la montagne, Taounate est l’un des principaux marchés du pays Jbala, où s’échangent les produits de la montagne en contre partie de ceux de la plaine. Occupant la partie occidentale de l’ensemble rifain, limité à l’ouest par l’Atlantique, au sud par les plaines du Gharb et au sud-est par le Rif central, le pays Jbala s’étend depuis le nord de Fès jusqu’au haouz de Tétouan. A la suite de la reconquête de l’Andalousie par les Rois Catholiques à la fin du XVème siècle , beaucoup d’andalous viennent s’installer dans les principales villes du pays Jbala que sont Tétouan, Chefchaouen et Ouazzan. Ce qui n’est pas sans avoir un certain impact sur  « Taqtouqa Jabaliya » influencée entre autre par le mode musical andalou dit lahgaz

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Taounat, en tant que marché Jbalien dépendant de Fès où s’établissent souvent ces tolba et ses musiciens, tel Mohamed Laâroussi actuellement, est connue par trois genres de musiques et de chants : Taqtouqa Jabaliya, le chant des femmes Jbala dit « aâyouâ » et le genre « haït » spécifique à la plaine du Gharb toute proche.

Taqtouqa Jabaliya de Taounate

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    Actuellement, en plus des instruments de musique traditionnelles que sont le violon, le luth, souisdi, le bandir (tambour à cadre), la darbouka et le trier, les musiciens de Taqtouqa Jabaliya, recourent également aux instruments modernes : la guitare, le piano et la batterie. Sous l’encadrement de Mohamed Laâroussi, le cinquième festival de Taqtouqa Jabaliya qui s’est tenu à Taounate en 2009 a réuni une centaine de musiciens de ce genre représentant les trois régions : Tanger et ksar Sghir, Tétouan et Chefchaouen  et Taounate. Ce festival a été organisé par l’association Safir (ambassadeur) de Taounate. Les deux principaux maîtres de Taqtouqa Jabaliya sont Mohamed Laâroussi de Taounate et Abdellatif el khoms de Chefchaouen.  Les œuvres de Mohamed Laâroussi sont les plus connus et les mieux diffusées à travers la radio – télévision et sous forme de cassettes et de CD. C’est la musique qui symbolise le mieux le pays Jbala,. Elle est présente dans les trois régions suivantes, avec d’infimes variations locales que seule une oreille exercée peut déceler :

a)      La Taqtouqa Jabaliya de la région de Tanger et de ksar Sghir

b)      La région de Tétouan et de Chefchaouen avec les Béni Ârous en particulier, d’où est issu Moulay Abdessalem Ibn Mashish du djebel Alam, descendant de Omar, l’un des douze fils d’IdrissII, le fondateur de Fès. Les musiciens de Taqtouqa Jabaliya sont très présents auprès des disquaires du moussem annuel de la naskha qui a lieu autour de la grotte et de l’arbre sacré de Moulay Abdessalam vers la mi – chaâban, le mois lunaire qui précède le Ramadan.

c)      Enfin la région de Taounate avec les Mernissa et surtout les Bni Zeroual, d’où est issue Mohamed Laâroussi, actuellement considéré comme le chanteur de Taqtouqa Jabaliya par excellence. Les Mernissa  pratiquent  Taqtouqa Jabaliya et  un genre de haït plus proche de l’oriental marocain du fait de leur position à l’Est des Jbala à la lisière de la tribu rifaine des Gzenaya ( des guerriers qui ne pratiquent ni danse ni musique)et  des Tsoul, qui ont le même type d’habitat et de dialecte que les Jbala mais qui font plutôt partie du couloir de Taza.

Mohamed Laâroussi

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Considéré comme l’une des grandes figures de taqtouq al jabaliya Mohamed Laâroussi est né le 14 janvier 1934 Taferrant chez les Bni Ârous, fraction Bni Zeroual , située à 40 kms de Fès. Il était né à une période où les esprits étaient encore marqués par  l’offensive Franco – Espagnole de 1926 contre le Rif à partir justement des postes de Bni Zeroual et surtout ceux de Mernissa  : Abd el –krime menaçait alors Fès dont il annonçait la prise pour mai 1925. Inquiet de cette poussée puissante de nationalisme, le maréchal Pétain obtient le départ du Maréchal Lyautey, hostile à une coopération avec l’Espagne. Les conversations franco – espagnols commencent le 17 juin 1925. Lors de la rencontre le 28 juillet entre Pétain et Primo de Rivera, le principe d’une riposte commune sévère est arrêté. La guerre franco – espagnol du Rif commence. Dans ses « Lettres du Maroc, l’offensive dans le Riff 1925, la Tache de Taza 1926 », édition militaire, 1930, le Lieutenant J.Joubert écrit : « L’offensive française a commencé le 12 avril 1925, par une « souga » chez les Beni zeroual, à la zaouia d’Amjot ; ils nous lachèrent en partie. Abd el-krim voulait le chemin de Fès. Vous pensez quelle victoire pour lui de prendre la ville sainte, la capital intellectuelle. C’était la reconnaissance certaine de sa puissance, puis de son autorité, c’était notre défaite. Trois Harka d’ Abd el-krim étaient formées pour investir la ville : leurs efforts convergeaient. Ils isolaient les postes et on les vit un à un tomber. On essayait bien d’aller au secours des assiégés, mais c’était difficile. D’abord, il y avait peu de bataillons disponibles, et l’ennemi montrait du mordant. Il y avait du matériel moderne. Les canons et les mitrailleurs des postes, ils les retournaient contre nous, car ils savaient parfaitement s’en servir. Il y a, je crois, chez les Rifains, des déserteurs de la légion, et aussi des aventuriers de tous pays. C’est une si belle poire à accueillir que ce Rif ! Ce qui rendait surtout la situation très critique, c’était le départ en dissidence de nos tribus soumises. Les unes après les autres, elles nous lâchaient, nos postes étaient ainsi complètement isolés. Il y a quelques semaines, les Tsoul et les Branès sont eux aussi partis en dissidence, et c’est un fameux bloc contre nous, surtout à cause de leurs terrains mamelonnés. »

 

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    En 1925, les guérilleros d’Abd el krim  multiplient leurs attaques contre les postes Français et leurs auxiliaires chez les Branès, les Tsoul et les Bni Zeroual. Le mercredi 9 septembre 1925, le Maréchal Pétain en personne vint inspecter les avants postes d’Aïn Aïcha et de Taounate. Et c’est à partir de Mernissaentre autre que sera déclenché l’offensive du côté Français contre le Rif : L’échec des pourparlers d’Oujda avec les émissaires rifains a entraîné immédiatement, l’offensive franco-espagnole : dés le 7 mai 1926 l’aviation entreprit sur tout le front des reconnaissances et des bombardements massifs sur les rassemblements et les centres importants, notamment sur le poste de commandement du Khamlichi à la Zaouia de Bou Ghileb . Dés le lendemain le 8 mai les troupes françaises et les troupes espagnoles commençaient une offensive conjuguée : les secteurs espagnols d’Alhuceima et de Melilla marchèrent en même temps que l’ensemble de la ligne française. Celles-ci avançait sur plusieurs axes simultanément : à l’ouest depuis Ouazzan et Chefchaouen afin de couper les Jbala du Rif, et plus à l’Est depuis les Mernissa et Taza en direction du Kert.

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      Grandissant dans un contexte où la  guerre du Rif revenait souvent dans les récits des chaumières de son enfance, Mohamed Laâroussi  se souvient encore de ce qu’on lui racontait tout jeune des attaques désespérées des rebelles rifains contre les postes militaires Français de sa tribu des Bni Zeroual, tenus par les tirailleurs sénégalais et autres goumiers qu’ « on n’hésitaient pas, raconte-t-il, à pousser dans les fosses en les précipitant dans le vides des falaises. ». Et dans  sa toute première chanson intitulée « le capitaine Soly » il se faisait l’écho du mécontentement des paysans Jbala contre les postes militaires qui se servaient gracieusement en figues, olives, poules, moutons et moisson. Mohamed Laâroussi  débuta donc sa carrière de musicien en 1944, par cette qasida sur « le capitaine Soly » qui commandait les Bni Zeroual où il raconte les affres de la colonisation. Quand le capitaine Soly en eut vent, le 20 juillet 1946, il le jeta immédiatement en prison où il allait croupir pour dix ans, s’il n’y avait l’intervention d’un certain Mohamed Ben Taïb, traducteur, qui le tira finalement d’affaire au bout de neuf jours seulement. On lui interdit néanmoins de se rendre à Fès où il réside  actuellement. Il a fallu attendre l’indépendance du Maroc pour voire finalement  ses  chansons diffusées à la radio à partir de 1958. Il a même connu une carrière de chanteur de Cour sous le Roi Mohamed V puis Hassan II . C’est un chanteur prolifique : depuis le début de sa carrière à nos jours, il a produit quelques 526 chansons : d’où la nécessaire de réunir et de publier ses chansons sous forme de recueil pour préserver cette  mémoire, qui fait incontestablement partie du patrimoine populaire marocain menacé de disparition en ces temps de nivellement par la raboteuse de la mondialisation : enregistrer, traduire, le publier, préserver de l’oubli. 

Le chant des femmes Jbala

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     Chez les Jbala on appelle Aâyouâ, le chant qui accompagne les travaux agricoles des femmes (moissons, gaulage des olives). On  peut traduire ce mot par l’expression « échos de montagnes » : son ambitus extrêmement aigue et allongé porte au loin la voix des femmes Jbala. Elles s’en servaient, dit-on, pour signaler d’en haut des collines , aux guérilléros d’Abd-el-krim, les déplacements des colonnes françaises. Et aux fêtes de mariage, on se servait de ces voix de soprano pour faire parvenir le message à tous les participants sans avoir à recourir au haut parleur. Le hautboïste Mr.Aziz Zouhri, dont la troupe vient d’être invitée en France, nous rapporte ce couplet , que les femmes chantaient lors des fêtes saisonnières :

Warwar yâ limama, fal hjour dal ghoddana

La iâjbak chi zînak, hakdak kount hatta yana

Aux branches des figuiers, recoule ô colombe !

Que ta beauté ne t’étourdit pas , moi aussi j’étais belle !

     Du point de vue mélodique, ce chant s’apparente au mode musical andalous dit « lahgaz » : de par leur position géographique sur la rive sud de la Méditerranée, les Jbala ont été influencé par la musique andalouse. Ce sont les fêtes de mariage qui ont permis à ce genre de se perpétuer, mais il est en voie de disparition : les femmes qui le pratiquent sont pour l’essentiel décédées. D’où la  nécessité de mesures conservatoires pour l’enregistrer avant qu’il ne soit trop tard. Cette nécessaire documentation concerna aussi les deux autres genres que sont le haït et Taqtouqa Jabaliya. « Récemment, nous dit Mohamed Ben khazzou, nous avons essayer de recueillir les rites de mariage dans la ville de Taounate : les chants nuptiaux dont nous essayons d’enregistrer les mélodies et les rythmes. Ce projet sur lequel nous travaillons actuellement vise la préservation de ce patrimoine avant qu’il ne disparaisse. »  Il existe également le carnaval masqué que pratique à Ghafsaï, la troupe des fantassins qui pratiquent la fameuse « tbourida »: un pré -théâtre populaire avec tambours et hautbois qu’on trouve avec force aux environ de Moulay Abdessalam Ibn Mashish. Ce carnaval masqué a surtout lieu à l’occasion de achoura.. 

Le genre haït des hyaïna  et des Tsoul

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 Le genre dit le « haït » qu’on trouve chez les hyaïna et chez les Tsoul, a ses origines dans la plaine du Gharb : ce genre musical se manifeste surtout lors du moussem de sidi Bouzid qui a lieu au mois d’avril à Tissa chez les hyaïna , très connue par ses élevages de chevaux. Le haït arabophone de  Taounat diffère de celui berbérophone d’El Huceima . Musique essentiellement instrumentale et rythmique Le haït se caractérisant par une césure rythmique de 9/4, raison pour laquelle les musiciens l’appellent « mizân aâraj » (mesure boiteuse). Comme instruments de musique caractéristique de ce genre : le hautbois, le bendir (tambour à cadre), le ciseau pour les sons aigus et agoual (sorte de tambourin allongé). A  Taounat, les groupes connus de ce genre sont les suivants :

  • Groupe « Noujoum Hyaïna »
  • Groupe « Noujoum Tissa »
  • Groupe « Ben Allal »de Taounat qui a été invité au festival des Arts Populaires de Marrakech.

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Chez les Tsoul on joue du hautbois des Jbala. On trouve également chez eux des influences musicales venues de l’Ouest, en particulier le genre « Haït », caractéristique des plaines du Gharb. Chez eux la musique est toujours associée, au pré – théâtre burlesque de « Ba – Cheikh », avec son comique gestuel et ses accoutrements.Chez eux on trouve aussi  les influences musicales venues de l’Est – tels les genres Reggada, Mangouchi et Laâlaoui, qui caractérisent particulièrement l’Oriental marocain. Chez les Tsoul, on ressent cependant davantage l’influence des Jbala comme nous l’explique l’un des habitants de leur village qui porte curieusement du nom des mérinides :« Ce douar qui fait partie desTsoul  porte le nom des Mérinides.  Jadis, les mérinides avaient campé  ici avec leur Makhzen, et leurs troupeaux. Nous nous sommes établis ici après leur départ et nous avons gardé à cet endroit le nom des Mérinides ». Au début du 13ème siècle, au déclin de l’empire Almohade les Béni Mérine qui nomadisaient dans le pays compris entre Figuig, la Moulouya et l’oued Zâ, avaient l’habitude de passer l’été dans le Tell où ils étaient liés avec les tribus habitant les montagnes de Taza dont celles des Meknassa et des Tsoul. Dans cette région, quand les garçons veulent étudier, ils s’en vont chez les Béni Zeroual, L’jaïya, et Ouazzane. Ils étudient le Coran chez les Jbala. Ils y restent jusqu’à ce qu’ils l’apprennent par cœur : cela prend cinq à dix ans, après quoi ils reviennent ici pour y  enseigner dans une école coranique. Leur formation aux sciences religieuses se fait chez les Jbala et  à la Qaraouiyne de Fès. Une tradition qui remonte au plus prestigieux des Tsoul, Ali Ben Berri Tsouli, clerc, serviteur des mérinides. Son mausolée est le plus considérable de la plaine des tombeaux de Taza. L’édifice d’époque mérinide, se situe au dessus de « Triq Sultan » qui sortait de Taza et se dirigeait vers le sud. Sidi Ali Ben Berri a vécu au 12ème siècle, sous la dynastie Mérinide. Quand sa réputation et sa science se sont répandues, il fut choisi par Abû Inane le Mrinide, pour devenir son secrétaire particulier. Les cours d’eau de la vallée de l’Innaouen et du couloir de Taza ont toujours été un enjeu historique. : « Les Meknassa, nous dit Ibn Khaldoun, se composent de plusieurs tribus qui habitent les bords de la Moulouya, depuis Sijilmassa jusqu’aux environs de Taza et des Tsoul. » Ainsi, vers l’an 1045, les Ghiata, en entamant leur mouvement vers le nord, durent se ruer sur la vallée de l’Innaouen, repoussant peu à peu les Meknassa et les Tsoul sur les collines peu fertiles et moins arroses du Rif.

Musique et histoire du Rif

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Musiciens rifains de Nador 

Le Rif proprement dit va de l’oued Kert à l’oued Bni Gmil, et comprend les tribus côtières des Aït Ittef, Ibeqoien, Bni Wariaghel,  Tamsaman, Aït Saïd. Le Rif oriental se situe entre l’oued Kert et la basse Moulouya, et les tribus suivantes : les Guelaya, et les kebdana. A cette énumération,il convient d’ajouter les tribus de l’intérieur : Bni Touzin, Aït Âmmert, Aît Oulikech, et les Gzennaya.Le Rif linguistique s’arrête à la frontière algérienne. On classe en effet dans le groupe des Bni Iznacen, les Bni  Bou Yahi et les Mtalsa .

      Du point de vue musical le Rif se distingue par l’Azemmar ,  sorte de biniou composé d’une peau de bouc munie de deux cornes d’antilope à l’aide desquelles le musicien gonfle l’outre et règle la sortie de l’air. L’Azemmar(pluriel izemmaren), désigne également le joueur de biniou, ou de flûte(tazemmart), qui dérive du mot arabe « zamar »(flûte). Le  Cheikh Moussa qui chante Izri (poésie en rifain), accompagné d’azemmar est  le plus célèbre actuellement à Nador. Traditionnelllement lors des fêtes de mariage les jeunes filles chantent  Izran  mais il est très difficile de les observer ou de les enregistrer dans un milieu sévèrement conservateur vis-à-vis de la gente féminine . Voici un izran qui fut composé, en 1911, à l’occasion de la mort de l’un des chefs de la résistance contre les Espagnols dans le Rif, le Chérif Sidi Mohamed Amezian :

Sidi Mohamed Amezian est mort !

Nous ne pouvons honorer son tombeau

Aboulissi(le policier) et le capitaine ayant empoté sa dépouille

Dans les villes pour le photographier !

Par Dieu ! Ô Mouh fils de Messa’oud !

Rends nous son corps afin que nous le vénérions !

Sidi Mohamed Amezian, qui avait levé l’étendard de la guerre sainte contre les espagnols, tomba dans une embuscade avec trente de ses compagnons. Son corps n’ayant pas été retrouvé, le bruit couru dans le Rif que les chrétiens avaient empotés sa dépouille pour l’exposer dans leur pays et le photographier.

C’est le 15 mai 1912 qu’étant sorti, apparemment pour une reconnaissance, Mohamed Amezian se heurta à une troupe adverse qu’il ne pouvait, vu son grand nombre, ni affronter ni esquiver. S’avisant cependant que c’était des Rifains, de ces « régulares » enrôlés par l’Espagne, il se porta vers eux en faisant de grands signes, comme s’il se proposait de leur parler. Mais il tomba frappé à mort, avant d’avoir été ni reconnu ni entendu. Ce n’est qu’alors qu’un des « regulares », en s’approchant, l’examina et su que c’était lui. Identifié, le corps fut aussitôt porté à Melilla où, si l’on croit la tradition rifaine, on l’exposa publiquement. Et quelques jours plus tard, on l’envoya à Zeghenghen pour son inhumation. On racontait aussi, dans les veillées comment, ayant franchi le Kert avec une grosse escorte, il s’était installé pour la nuit, dans un village, chez les Beni Sidel.Mais avisés de sa présence par un espion, les Espagnols, grâce à l’obscurité, affluèrent de partout, fermant le cercle autour de lui. Quand Amezian s’en aperçut, il rassembla ses hommes et demanda des volontaires pour mourir avec lui dans son dernier combat. Demeuré, avec eux, il acheva sa nuit dans la prière, puis, au matin, il se battit en attendant la mort. Quand l’ennemi vint relever son corps, il trouva, ô prodige, le cheval du héros qui pleurait sur son maître et qui ne voulait pas se séparer de lui. On dit aussi que rien, après sa mort, n’a jamais plus poussé autour du lieu où il tomba, car la Nature en deuil ne se consolait pas.

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 Le corégraphe Abdeslam Raji lors d'une démonstration à Taounate

     S’inspirant du mouvement folk de Nass el Ghiouan dans les années 1970, le goupe rifain de « Tatouan », recourt à la même mise en scène et aux mêmes instruments de musique : tam-tam, banjo, centir etc. Vivant en Europe, ce goupe folk rifain s’est fait connaître surtout par la chanson Dhar Ouberran, le principal épisode de la bataille d’Anoul. Le nom de « Dhar Ouberran » signifie « la huppe du perdreau », parce que seul le sommet de cette montagne est couvert d’arbres faisant penser à la tête huppée de cet oiseau. C’est une montagne située chez les Tamsamane dans la commune de Bou Dinar . Le président de cette commune nous dit à ce propos : « Pourquoi le nom de cette montagne est souvent cité par l’histoire ? C’est parce qu’elle était la première position occupée par le colonialisme espagnol dans le Rif. Cette montagne surplombe la Méditerranée d’un côté et le Rif de l’autre, du fait qu’elle est assez haute. A l’époque les espagnoles avaient cru qu’en occupant cette position, ils allaient dominer la région entière. » A partir de cette position, les espagnols avaient, en effet,le contrôle de l’oued Kert , où s’était replié le chérif Mohamed  Ameziane, en 1919. Ils envisageaient de relier à partir de là Melilla à la baie d’Al Huceima par voie de terre.. Pour leur barrer la route, fin janvier 1921, des combattants Beni Ouariyaghel vinrent s’établir sur la hauteur du Jebel El Qama. Un izri, poème rifain de l’époque,  relate ces manœuvres espagnoles en ces termes :

Le roumi fait souga, il a pris Tizi Azza.

Il veut faire le thé, avec de l’eau d’Oulma,

Moujahidines au combat !  À quoi bon la vie.

Le plan Beranger que devait exécuter en arrivant le général Silvestre, consiste en un premier bond qui devait conduire à Sidi Driss, sur l’embouchure de l’Amekrane, à une dizaine de kilomètres vers le nord d’Anoual. La position formerait une base rapprochée, où lui viendrait ensuite, par voie maritime, le gros de son ravitaillement.Les premiers débarquements de l’artillerie eurent lieu à la plage d’Afraou à l’Est de Sidi Driss. A partir de cette position, les espagnoles prirent d’assaut, le piton de « Dhar Oubarran », qui surplombe à la fois les rivages et l’intérieur du pays. Sur le « Abda », le navire qui le menait vers l’exile, Abd el krim, raconte en ces termes, cet épisode de « Dhar Ouberran », la première grande victoire des rifains :« Les espagnols venaient d’occuper Dhar Ouberran, en pays Tamsamane, point stratégique et politique de toute première importance. Je me proposais sur le champ, de leur disputer cette position. La partie était risquée. Je disposais à cette heure, de 300 guerriers. Je revins me mettre à leur tête. Et malgré ma pauvreté en munitions, je déclenchais la contre attaque. Après un combat des plus durs, ma troupe réoccupa Dhar Ouberran.Ayant vu la débandade espagnole, les autres fractions Tamsamane, se joignirent à nous : le bloc rifain se constituait. » Les armes pris aux espagnols à « Dhar Ouberran » ont permis par la suite de mener la bataille d’Anoual. C’est la défaite des Espagnols à Dhar Ou Berran qui allait conduire en 1921 au desastre d’Anoul, après lequel Primo de Rivera parvint à la conclusion qu’Abd el krim est un danger pour la présence coloniale européenne dans tout le Maghreb. On comprend que le premier groupe folk rifain ait d’abord chanter Dhar Ouberran ! Le principal tournant de la légendaire bataille d’Anoual où quelques montagnards avaient mis en déroute une grande puissance coloniale de l’époque ! La musique est ici liée à une forte revendication identitaire, à la fois historique et linguistique.

Le Rif aux rythmes de la World Music

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   Le Rif se caractérise par des vallées compartimentées et surpeuplées, où les cultures ne suffisent pas aux besoins et contraignaient une grande partie des montagnards à l’émigration. Les jeunes musiciens rifains ne font pas exception à la règle. : tout en restant attaché à la langue et à la poésie rifaine, ils se sont formés en autodidacte aux instruments de musique moderne en terre d’immigration. C’est le cas de Choukri le jeune chanteur rifain qui chante izran avec la guitare et qui s’installe aux Pays Bas en 1990 : « Le rapport entre la musique traditionnelle rifaine et contemporaine a provoqué en moi des idées novatrices. » déclare-t-il. Invité à la radio télévison flamande, au mois de juin 1990, le groupe rifain « ithan » (les étoiles en Berbère) a chanté le drame des clandestins qui s’engloutissent au détroit de Gibraltar avec leurs pateras : « En dépit du nombre de tes habitants, ô mer, tu veux engloutir aussi les hommes ? » Chant auquel fait échos Zhimi Kamal d’El Huceima dans un autre album : « La mer, dis-moicombien d’hommes as-tu englouti ? La mer, quand laisseras-tu mes frères rejoindre l’autre rive ? ». Le groupe décrit son style comme étant « une musique moderne Amazigh ». :  un art décrit comme un arbre qui plonge ses racines dans le patrimoine artistique et culturel et qui est « fécondé », en queque sorte, par la musique moderne. Le groupe « Ithran », dispose d’ailleurs d’un site officiel sur le Net faisant référence à la Belgique leur pays d’acceuil (www. ithran.be.). Le musicien khalid Yachou qui est né en 1969 à Melilla et qui s’est produit à Strasbourg, puise lui aussi dans les izri (poèmes rifains traditionnels), tout en étant « clairement influencé par les musiques africaines et méditerranéennes ». Ces « maquisards de la chanson berbère », pour reprendre une expression de Kateb Yacine, puisent ainsi dans l’héritage ancêstral rifain, tout en le modernisant sur les plans instrumental et musical, mariant les anciens rythmes Amazigh à la World Music.  C’est le cas du groupe Timès qui réunit Rifains, Cubains et Belges qui semble avoir réussi un mariage subtile entre des sonorités de salsa, quelques notes de jazz et le style rifain. Ils ont réussi , d’après Tel Quel, à « conquérir des milliers de jeunes fans, pas forcément rifains, grâce notament à une musique moderne ouverte sur la World Music.»  La plupart de ces groupes sont des autodidactes, n’ayant bénéficier d’aucune formation musicale particulière. Ils considèrent tous les festivals comme de véritables tremplins pour les jeuns talents et souhaitent être encouragés par les différents médias nationaux. .

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     La plupart des tribus rifaines, aux traditions guerrières pratiquent surtout la fantasia comme les Metalsa et n’ont parfois ni musique ni danse comme les Gzenaya qui considèrent la pratique musicale comme indigne de la virilité et du courage des hommes. C’est pourquoi ils font plutôt  appel aux musiciens de leurs voisins Mernissa. Les jeunes musiciens Gzenaya sont obligés d’aller développer leur art à Nador. On peut dire de même des Bni Bou Yahi qui font appel aux joueurs de la guasba, la flûte des hauts plateaux de l’oriental marocain et du tell algérien, comme nous avons pu le constater à Saka chez les Bni Bou Yahi au nord de Guercif.Abdelkader Manamusique

07:40 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : musique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook