29/04/2010
Spiritualité Vécue
Spiritualité Vécue
Des hommes ivres de Dieu, telle est la quête d'amour divin chez les soufis, selon Ibn al-Farid , ermite qui vécu toute sa vie sur les falaises cairotes jusqu'à sa mort en 1235. Sa tombe est bien connue, près de l'Imam Shâfiî. Amour divin, qu'il exprime ainsi dans sa très célèbre khamriya :
« Nous avons bu à la mémoire du bien aimé
Un vin qui nous a enivré
Avant la création de la vigne.
Notre verre était la plaine lune ;
Lui, il est un soleil ;
Un croissant le fait circuler.
Que d'étoiles resplendissent quand il est mélangé.
Sans son parfum, je n'aurai pas trouvé le chemin de ses tavernes.
Sans son éclat, l'imagination ne le pourrait concevoir.
Son verbe a préexisté éternellement à toute chose existante ;
Mais elle le voile avec sagesse à qui ne comprend pas.
En Lui, mon esprit s'est éperdu ....
Avant ma puberté, j'ai connu son ivresse ; elle sera encore en moi
Quand mes os seront poussière.
Prends - le pur ce vin : ne le mêle qu'à la salive du Bien-aimé ;
Tout autre mélange serait coupable ».
Cet éloge d'Ibn al-Fârid, est en fait une invitation au voyage mystique, à l'initiation spirituelle, et à la contemplation. Le soufisme désigne avant tout une attitude spirituelle de l'homme, que ne limite aucune frontière ni de temps ni d'espace. Il est aussi actuel aujourd'hui qu'à sa naissance. Il exprimerait cette force mystique qui soulève toute religion. Il libère la méditation, l'amour, l'extase. Il fraye une voie à l'irruption du divin. C'est la foi vécue comme le souligne Massignon à propos de Hallaj :« Quand Dieu prend un cœur, il le vide de ce qui n'est pas Lui ; quand il aime un serviteur il incite les autres à le persécuter pour que ce serviteur vienne se serrer contre Lui. ».
Comme l'eau donne naissance à des fleurs différentes selon la terre qui la reçoit, les disciples d'une voie pourront paraître différents selon les pays, mais ils s'abreuvent tous à une source unique, et parcourent le même chemin, chacun à sa façon. C'est cela qui fait d'eux des frères spirituels, au - delà des différences extérieures. Shoshtari n'a cessé de traduire pour ces disciples cette idée, d'un avertissement divin heurtant l'âme comme un choc impérieux. Dieu nous attire à Lui, par une sorte d'aimantation magnétique qui finit par « briser le talisman » corporel où l'âme est prisonnière ici - bas. Dieu frappa sans relâche à la porte de l'âme, à quoi elle ne peut que répondre par un cri bref, un tressaillement « comme la voix qui réveille celui qui dort ».
"O Nuit, que tu te prolonges ou que tu t'abrèges, ce m'est un devoir que te veiller. » S'exclama ainsi Ali Shoshtari le maître du samaâ , poète mystique andalou, né à Cadix vers 1203, ayant d'abord vécu au Maroc, avant de voyager en Orient :
« Un cheikh du pays de Meknès
A travers les souks va chantant
En quoi les hommes ont-ils à faire avec moi
En quoi ai-je à faire avec eux ?... »
Ce qui reste de Shoshtari, comme des maîtres spirituels qui lui ont succéder depuis, c'est cette actualisation poignante de l'instant, où ils veulent nous faire rejoindre l'éternel. « L'instant est une coquille de nacre close ; quand les vagues l'auront jetée sur la grève de l'éternité, ses valves s'ouvriront ». Il n'en disait pas davantage pour laisser comprendre qu'alors on verra dans quelles coquilles les instants passés avec Dieu ont engendré la Perle de l'Union.Ce à quoi fait échos NIYAZI MISRI, poète mystique turc du 17ème siècle :
« Après avoir voguer sur la mer de l'esprit dans la barque matérielle de mon corps, J'ai habité le palais de ce corps, qu'il soit renversé et détruit ; »
OUI, l'instant est une coquille de nacre close ; quand les vagues l'auront jeté sur la grève de l'éternité, ses valves s'ouvriront.
Abdelkader Mana
03:58 Écrit par elhajthami dans soufisme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : religion | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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