23/12/2009
Roman Lazarev
ROMAN LAZAREV
L'orientaliste d'Essaouira
Le cavalier agressé par les démonts de Roman Lazarev
En 2008, Roman Lazarev a présenté au festival de l'étrange : le cavalier agressé par les démons. C'est un dessin sur carton. Un cheval affolé entouré de cavaliers dont on ne voit qu'une jambe et un bras.
.Par Abdelkader Mana
Depuis déjà fort longtemps, vit parmi nous Roman Lazarev, le grand peintre orientaliste : il est tantôt à la pharmatie pour prendre des fortifiants, car il faut bien travailler n'ayant pas de retraite. Tantôt il est attablé au café de France, donnant l'impression d'une personne reservée et inabordable, mais dès qu'on acquière son amitié et sa confiance, c'est un homme volubile et savoureux, un intarrissable érudit sur son orient imaginaire et son Maroc révolu qu'il restitue et resuscite par ses oeuvres. Il a fait mieux que peindre Essaouira: il a raconté son histoire en images.
"Je commence toujours par peindre le ciel. C'est la question de la perspective : si je commence par peindre cette table puis le Monsieur qui est là - bas derrière, ensuite le port et en dernier lieu le ciel ; qu'est ce qui va se passer ? C'est que le ciel va passer devant tout le monde. Donc, on commence par le ciel, les différents éléments, les uns sur les autres. Je travaille par plans : je commence d'abord par le ciel, ensuite je fais le paysage et en dernier lieu les personnages, en finissant par les personnages de premier plan."
Les scènes de la vie quotidienne d'Essaouira l'inspirent, avec ses rites de passage, ses vieilles murailles, ses vieux canons à l'horizon figés à jamais sur les souvenirs d'anciennes batailles perdues d'avance, de vivaces caravanes surchargées d'ombre de balaines et de poudre d'or de l'ancien Soudan. Ainsi que l'océan bleuté avec , ses pirates, ses navigateurs , ses caravelles et ses aventuriers de la mer.Ses rivages de pourpre, lui ont inspiré de nombreuses fresques et aquarelles aux couleurs vives et chatoyantes des reverbérations du soleil sur la mer. Mais aussi ce côté exotique et chaleureux du souk aux quenouilles (souk laghzel) et des ruelles étroites,.comme celle des fontaines (Chourges) où il habite, bruissant parfois au solstice d'été, par ces tournées aumônières où on reconnait le hautboiste larabi au devant de la scène juste à côté du vau d'or , de la femme voilée et du marchand de bois .Il a même peint une procession des Hamadcha dans la rue des fontaines « Chourjes » où il habite :"C'est la procession des Hamadcha dans ma rue à Essaouira. C'est ma maison avec ma bonne à la fenêtre qui travaille bien. Là, il y avait un marchand de bois et juste en face, il y avait un hammam qui est devenu depuis trois jour une pâtisserie . Au fond la porte qui donne sur ma rue. L'hôtel des amis pas très amicaux. Et là, c'est les hamadcha effectuant leur tournée aumônière :la bonne femme qui récupère de l'argent, d'autres qui portent les étendards . ET là ,il y a le vaux. C'est une fête quoi."
De père Russe et de mère Française, Roman Lazarev est né à Marrakech en 1938 :" Mon grand père paternel, toute la famille est restée en Russie. Je ne sais plus ce qu'ils sont devenus. La seule famille que j'ai , est celle de mon grand père et de ma grand-mère du côté de ma mère qui est française (elle enseignait l'arabe au Maroc du temps du protectorat)."
Son grand frère est le célèbre sociologue Grigori Lazarev connu pour ses travaux sur le Gharb qu'il avait mené en copmpagnie du regretté Paul Pascon. Actuellement Roman Lazarev vit et travaille à Essaouira et ce depuis déjà de nombreuses années:
"J'ai connu Essaouira quand j'avais quatre ans, en 1942. A ce moment là, nous vivions à Marrakech puisque je suis né à Marrakech. A cette époque là, c'était la guerre. On ne voyageait pas comme maintenant. Donc, nous avions pris l'habitude de venir régulièrement à Essaouira, d'abord en famille et par la suite tout seul. J'allais à l'hôtel sauf une année ou mon ami Boumazough m'avait invité à séjourner plus longtemps que d'habitude.. Après avoir passé trois mois ici, je n'avais plus envie de repartir. Du coup, j'ai acheté l'appartement que j'avais loué : à l'époque les maisons n'étaient pas aussi chères que maintenant."
Le marché de la laine d'Essaouira (souk laghzel)Roman Lazarev
Sa famille avait quitté Marrakech pour Rabat : "Finalement notre mère n'avait que son salaire d'enseignante et elle avait quand même trois gosses. Alors, on ne pouvait pas se permettre d'aller dans les bastions chics de l'époque comme El Jadida. Et puis j'ai redécouvert Essaouira quand je suis revenu au Maroc, parce qu'après Marrakech, nous sommes partis dans le nord à Rabat. Il est certain qu'à Rabat on allait plutôt dans la montagne, c'est-à-dire Azrou, Ifran."
Après des études à Paris, il est revenu au Maroc où il a débuté sa carrière artistique par une exposition au salon des indépendants qui s'est tenu à Casablanca en 1968. Depuis maintenant de nombreuses années, il s'est établi à Essaouira où il vit et travaille en plein cœur de la médina.
Femmes d'Essaouira à Souk Laghzel
Je fais des croquis sur place, des dessins éventuellement ; je prends des photos pour avoir certains détails que je n'ai pas mis sur le dessin et à partir de là, je refais le tableau en me servant surtout du dessin : l'appareil photo ne me sert que pour des détails qu'on oublie. Je ne suis pas le seul Canaletto travaillait comme ça. A cette époque -là, la photo n'existait pas, mais il y avait ce qu'on appelle la chambre noire. Il avait une espèce de boîte avec un objectif qu'il pouvait régler en fonction de ce qu'il voulait, avec un miroir à l'intérieur à 45° et dessus un verre transparent sur lequel il mettait son papier(en général du papier huilé ou du papier calque). Il dessinait comme ça. C'était inversé : il suffisait de retourner et il avait la perspective exacte. Il arrivait à faire de très, très bonnes perspectives.
Pour moi, ce qui compte, c'est le sujet ; les personnages sont souvent un peu secondaires mais ils ont un rapport avec le sujet. Par contre le paysage est toujours secondaire. Alors que pour Canaletto, c'était le paysage qui primait ; les personnages n'étaient là que pour meubler, pour animer. Or si j'ai horreur de quelque chose dans le paysage, c'est de ces paysages qui ne vivent pas, parce qu'il manque ne serait - ce qu'un drapeau qui flotte, un personnage ou simplement un oiseau. Un tableau ; ça doit vivre !
"Khoddara", le marché aux légumes d'Essaouira, Roman Lazarev
10:32 Écrit par elhajthami dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arts | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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