(_http://www.paperblog.fr ) ABDELKADER MANA statistiques du blog google analytic https://www.atinternet-solutions.com.

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/10/2009

La caprification

LE TMARSIT

Ou

LA CAPRIFICATION

Légendes et symbolisme chez les Regraga.

 

Par Abdelkader MANA

 

C’est la terre que je chanterai, mère Universelle aux solides   assises, aïeule vénérable qui nourrit sur son sol tout ce qui existe. »

 

Hymne Homérique

 

Chaque 21 Mars, les Regraga effectuent leur daour ; terme ambivalent : tantôt on l’utilise pour désigner l’ensemble du pèlerinage – il a la même connotation qu’en français l’expression « faire un tour » avec l’idée de revenir au point de départ – tantôt on l’utilise pour désigner chacune des étapes – « à tour de rôle » - qui se déroule autour du patron de chacune des tribus.

Au temps de Léon l’Africain, le territoire occupé actuellement par les Chiadma faisait partie du pays Haha dont les Regraga étaient l’une des tribus. L’auteur de Salouat al anfâs nous précise que : « Les Regraga sont une tribu connue du pays Haha fraction des Masmouda ». Pour Pierre de Cénival : « Les Chiadma sont des tribu arabes Mouddar qui sont venus du Sud pour envahir ce territoire, probablement au XVème siècle. »

On dénombre quatorze tribus Chiadma qui sont en vérité d’origine assez composite. Les tribus du Sud et de l’Est sont arabophones mais de souche berbère (Talla, Taoubalt, Hanchane, Korimate, Meskala, Takat, Naïrat) et les tribus du Nord et de l’Ouest sont de souche arabe (Touabet, Hart, Mnaçir,Ed draâ, En njoum, Oulad el haj, Mdaraâ).

Sur la côte atlantique la poussée hilalienne s’est faite du Nord vers le Sud ; ce qui explique que la moitié Nord des tribus Chiadma est arabophone alors que la moitié Sud est bilingue ; on parle l’aroubi, un arabe métissé de berbère, une langue de nomades qui s’est adaptée à la réalité sédentaire. Cette langue intermédiaire a pu créer son propre champ sémantique qui a aussi une saveur divine, comme seul peut la reconnaître dans l’appel aux forces orgiaques, un fils d’aroubi écoutant l’aïta à travers la fumée de la « fine fleur ».

Le territoire Chiadma se compose actuellement de deux groupes : la moitié sacrée, constituée par les treize zaouia Regraga et la moitié profane, constitué par les quatorze tribus Chiadma.

Dans le sillage de leur trajectoire, les Regraga dessinent sur l’espace géographique des Chiadma deux énormes roues qui semblent reproduire une constellation cosmique sur terre (une des tribus s’appelle justement « Njoum »(les étoiles). La première roue suit le mouvement solaire et la seconde roue suit le mouvement lunaire. L’une se déroule à l’Ouest du djebel Hadid qu’on appelle le Sahel et l’autre se déroule à l’Est qu’on appelle la Kabla.

Le pèlerinage circulaire qui commence avec la mue du printemps ne traduit pas seulement par sa réversibilité une conscience collective figée, il est aussi symbole de régénérescence. Le retour des Regraga se fonde sur l’idée de renaissance que traduit le mythe de la résurrection des sept saints et dont l’errance printanière vise à hâter la croissance des plantes. Le retour magique contraint l’irréversibilité du temps qui conduit à la vieillesse et à la mort.

Le cercle est régénérescence, il est le serpent fermé sur lui-même : « La roue sexuelle et la roue du temps renvoient elles-mêmes aux symboles et à l’initiation érotique et saisonnière, écrit Mircéa Eliade, le sexe collectif  est un moment essentiel de l’horloge cosmique. »

D’ailleurs le mythe fondateur du daour commence par le taouaf (circumambulation) des sept saint autour de la Kaaba avant  qu’ils ne reviennent de l’orient en suivant le mouvement de l’astre lumineux jusqu’au Maghreb ou « soleil couchant ». Et c’est la taïfa (celle qui tourne, la zaouia d’Akermoud) qui ouvre le pèlerinage le 21 Mars, avec à sa tête Laâroussa (fiancée rituelle). Habillée tout en blanc, laâroussa , reine de la pluie, est paradoxalement un homme (le moqadem de la zaouia d’Akermoud) accueilli par de véritables fiancées qu’il féconde symboliquement.

Chez les Regraga, au sommet du Djebel Hadid , on découvre des monuments mégalithiques qu’on appelle également laâroussa makchoufa (la fiancée pétrifiée). On a retrouvé les mêmes monuments dans les contrées septentrionales de l’Europe. La fiancée pétrifiée, comme tout monument mégalithique de forme phallique , est liée au concept de fécondité de la terre nourricière. On appelle d’ailleurs laâroussa une poupée ornée des fleurs des champs, que les femmes promènent pour implorer la pluie. C’est la fiancée des champs et la cérémonie n’est autre que le mariage avec le champ ; chez les berbère on l’appelle taslit , mot qui existe en tant que toponyme sacré chez les Haha : argan n’taslit (l’arganier de la fiancée).

Ailleurs, en Europe centrale, on l’appelle Mata. Or, dans son « Rameau d’or », Frazer nous explique que Mata serait la fiancée de l’orge dans la mythologie nordique. Pour Westermarck, dans « rituel and belief in Morocco »(Londres, 1926), Mata personnifie les forces vitales du grain, les cavaliers se la disputent, à travers les cultures afin de répondre sur les jeunes pousses un peu de la « baraka » qu’on lui attribue.

Pour Henri Laoust (dans « Hesperis ») il est permis de supposer que jadis les cavaliers se disputaient, non pas une grossière poupée, mais une véritable fiancée et que cette course à travers les orges, était suivie de l’union physique de cette fiancée et de son ravisseur dans l’idée que cet acte était de nature à stimuler la reprise de la vie printanière. La « fiancée » personnifie donc l’esprit bienfaisant de la végétation au printemps.

Le printemps n’est pas une saison qui va de soi, il faut le faire revenir par un rituel si on ne veut pas que la sécheresse et la morte saison se perpétuent. Car « si les hommes meurent, c’est parce qu’ils ne sont pas capables de joindre le commencement à la fin », nous dit le mythe orphique.

C’est le soleil qui en est capable ; c’est pourquoi laâroussa a pour ancêtre ashemas (de shems = soleil), source de toute énergie, ancêtre essentiel, régulateur du temps et arpenteur de l’espace. Ashemas ,nous dit le mythe, était un colosse qui chauffait les ablutions rituelles des sept saints au soleil. On appelle aussi Sidi Ali Ben Hamdouch « guiad shems » (le guide du soleil), parce qu’il a arrêté son cours pour permettre à une princesse de rejoindre son palais avant la tombée de la nuit.

Les sociologues ont montré que la roue a primitivement été l’image du soleil :

« Aux fêtes de la Saint Jean dans le folklore Européen, on met le feu à des disques de paille qu’on fait rouler, on tourne de quelque manière. On a pu suivre les traces de ce symbolisme dans  la roue portée comme amulette, dans la roue de fortune du moyen âge. Ces roues solaires ont été rapprochées du moulin à prière des bouddhistes et comparées aux circumambulations funéraires analogues à celle des disciples de Bouddha autour du tombeau de leur maître. La comparaison de tous ces usages a mis hors de doute qu’il faut voir dans la circumambulation un rite initiatique de la rotation du soleil, qu’il faut soutenir dans sa course. » souligne Ed.Doutté dans « Magie et Religion. »

L’eau, principe féminin, est fécondée par le feu, principe masculin. Le soleil féconde l’eau inerte comme l’écrit Goethe dans  le second Faust :

Gloire à la mer ! Gloire à ses eaux environnées de feu sacré !

Gloire à l’onde ! Gloire à l’étrange aventure !

L’araire du fellah sillonne la glèbe immobile pour y déposer la semence et « la Mère éternelle » nourrit le germe qu’elle abrite. Mais l’être en gestation risque de ne pas voir le jour et la graine d’étouffer dans la terre stérile à force de sécheresse. C’est pourquoi on procède au début de chaque printemps à cette tournée rogatoire : le daour.

Les Regraga font donc le daour , pour aider à la fécondité de la terre qui renaît. Ils transportent la baraka comme il est dit dans le Coran : « Et nous avons envoyé des vents fécondants… »

J’ai découvert cette finalité du daour en y participant : un jour où j’attendais leur arrivée dans la ferme de mon oncle, j’ai entendu ce dernier dire : « Chez nous, les Regraga sont le tmarsit du bled. » Comme je lui demandais ce qu’était le tmarsit , il me répondit : « Enfile des figues mûres aux branches du figuier stérile, les insectes qui en sortent rendront l’arbre fécond. Sans ce tmarsit, ces fruits tomberaient sans être mûrs. L’endroit où les Regraga passent est fécond, l’endroit où ils ne passent pas est stérile. »

J’ai compris ce jour-là que je participais à un grand rite fécondateur : le tmarsit. Ouvrons le Robert au mot caprification, on lit : « Opération qui consiste à suspendre parmi les branches d’un figuier cultivé, des figues sauvages (caprifigues), pour faciliter la fécondation (par l’intermédiaire d’un insecte). »

La caprification magique (le tmarsit ) en tant que concept général de la magie agraire, implique que l’élément fixe reste stérile aussi longtemps que ne vient pas du dehors la fécondation. Cette fécondation est donc liée à un déplacement – aussi bien de l’insecte porteur de pollen que celui magique des pèlerins Regraga. Le pèlerinage en tant que déplacement est en relation analogique – la magie est fondée sur des analogies – avec les insectes caprificateurs : de même que l’insecte par son déplacement transporte le pollen nécessaire à la fécondation d’une fleur, qui fixée sur sa branche resterait stérile dans son immobilité, de même les nomades Regraga fécondent les sédentaires Chiadma.

En contre partie de cette fécondation, les Chiadma ont le devoir rituel d’offrir aux Regraga à leur passage sur leur territoire : mouna (provision), ziara (tribut sur les moissons et les récoltes), Jelb (tribut sur l’élevage), dbiha (sacrifice), en plus de l’hébergement (nzala) et de l’accueil (mbata).

Il faut considérer comme un propos épistémologique important cette réflexion que m’a faite un pèlerin :  « Ne te limite pas à étudier les marabouts, leur origine, leur histoire ; regardes, l’essentiel est ailleurs ! » Cette ailleurs se légitime par le culte des saints ; mais il n’est pas, ou pas seulement, le culte des saints.

A chaque étape, les serviteurs (khoddam) offrent une espèce d’impôt magique selon un contrat fondé sur des mythes. En contrepartie, les zaouia dispensent la baraka. Ce sont des rapports sociaux de protection qui lient les tribus servantes Chiadma aux Seigneurs Regraga en tant qu’intercesseurs de la baraka cosmique. Les tribus –khoddam sont sous la protection surnaturelle des tribus-zaouia comme l’atteste ce vieux chant :

« Les Haha dans les grottes que survolent les aigles

Que peuvent craindre les Chiadma que les Regraga protègent ?

Du sommet du Djebel Hadid le Sahel n’est qu’immense miroir

Que peuvent craindre les Chiadma que les Regraga protègent ? »

On a ici une structure de rapports qui sépare et en même temps, met en relation deux groupes : le groupe dit Regraga (treize zaouia) et le groupe Chiadma (quatorze tribus) qui versent aux premiers un tribut selon un système connu d’achat de baraka.

Cet échange est strictement réglementé : seuls les descendants du saint peuvent transmettre la baraka et les serviteurs n’offrent la ziara qu’au marabout protecteur de ses ancêtres.

Ce système de protection par des tribus suzeraine rappelle les liens féodaux de vassalité quoiqu’il ne s’agisse pas tout à fait du système féodal (les Regraga n’ont de pouvoir que dans le cadre rituel), et on peut comparer les offrandes à la dîme qu’au moyen âge européen les paysans versaient au clergé.

Dans la koubba de Sidi Bel Abbas, l’un des sept saints de Marrakech, on peut lire calligraphié en gebs une qasida qui énumère les sept saints Regraga :

« Il est arrivé dans l’ultime occident

Sept saints des plus considérables

Qui jouissent d’un grand prestige

Parmi les gens de ce pays.

Ce sont Ibn Ashemas(1), son fils Saleh (2)

Ouasmine(3) Abdallah Adenas le mystique(4)

Boukhabia Aïssa (5) Yahya Ben Ouatil (6)

Et Sidi Ben Yabka (7) dont le nom est si agréable. »

Dans sa « Nouzhat al hâdi », Al Ouafrâni émet l’hypothèse que l’institution à Marrakech d’une ziara processionnelle aux sept sanctuaires d’Ouali , est une réplique institué par Moulay Ismaïl pour faire pièce aux sept saints Regraga. Il s’agit d’élever « autel contre autel, d’instituer ziara contre ziara et d’opposer au pèlerinage des sept ouali berbères enterrés auprès du Djebel Hadid, le pèlerinage des sept saints arabes inhumés à Marrakech. »

Cette tradition remonte loin, puisqu’un texte du XII ème siècle y fait allusion.

La légende des sept saints est assez répondue en Méditerranée. L’une des versions les plus connu est celle d’Ahl Al Kahf (les gens de la caverne) dont le Coran dit :

« As-tu remarqué que les compagnons de la caverne et de la tablette constituèrent parmi nos signes un prodige ? Tu les aurais crû éveillés mais eux dormaient…Nous les avons ressuscités pour qu’ils puissent s’interroger entre eux … On diras : - Ils étaient trois, leur quatrième étant leur chien.

On dira : - Ils étaient cinq, leur sixième étant leur chien. On dira : - Ils étaient six, leur septième étant leur chien. En pleine confusion< ; dis : - Mon Seigneur seul sait leur nombre. » (Les gens de la caverne, Sourate XVIII verset 8.25).

Il y a chez nos compagnons le long sommeil, symbolisme archaïque fondé sur la similitude apparente de la mort et du sommeil. Le sommeil de l’hiver prépare la renaissance de la nature, celui des sept saints féconde la terre – mère d’où jaillit l’eau, source de toute vie.

La caverne est l’utérus de la terre, c’est pourquoi les sept Regraga sont issus d’une seule grossesse et leurs tombeaux se répartissent symétriquement par rapport à la position centrale de leur montagne sacrée : au sommet du Djebel Hadid leur sultan Sidi Ouasmine, trois saints à l’Est et trois à l’Ouest. Si le clan de l’Ouest a pour emblème laroussa (fiancée) le clan de ‘Est a pour emblème la khaïma (tente sacrée).

La khaïma figure la caverne des sept saints mais aussi la voûte céleste et son étai figure l’axe du monde. On dit des sept saints qu’ils sont les aoutades (étais) de la foi musulmane ; leurs âmes se libèrent avec la mue du printemps ; c’est pourquoi ils doivent être apaisés par des sacrifices et des offrandes. La fiancée s’oppose à la khaïma comme le féminin au masculin, le blanc au rouge, la nuit au jour.

On tresse chaque année une nouvelle khaïma pour contribuer magiquement au renouvellement de la nature. Elle est tressée de racines de doum (palmier nain) qui participent à d’autres rites de renouvellement du foyer, rapporte Laoust :

« Dans certaines régions, on fait aux bestiaux une litière de plantes vertes, on offre du lait et des tiges de palmier-nain dont on mange le cœur : l’année serait ainsi douce comme le lait ou verte comme le palmier-nain, et cela en particulier durant la fête d’Ennaïr qui semble surtout se rattacher aux rites de renouvellement du foyer, bien connus dans un certain nombre de religions où ils ont toujours lieu au commencement de l’année. »

Les zaouia effectives ne sont pas sept mais treize : Akermoud, Ben Hmida, Aït Baâzzi, Retnana, Taourirt, Boulaâlam, Talmest Tikten, Aghissi, Marzoug, Mrameur, Krate, Mzilate, Sakyate.Le grand moqadem est issu de la zaouia de ben Hmida ; il a une fonction purement protocolaire et sert d’intermédiaire entre les zaouia et le makhzen.Le moqadem de la zaouia de Sakyat est le chef de la khaïma et le moqadem de la zaouia d’Akermoud est celui de la taïfa.

Les treize zaouia sont formées soit de descendants directs des sept saints, soit des affiliés. On appelle fokra les sept premiers et chorfa les six autres descendants réels ou fictifs du Prophète, source de toute légitimité politique et religieuse. C’est pourquoi toute zaouia pour justifier sa baraka a besoin d’extorquer un morceau du ciel prophétique. D’où la floraison de fictions généalogiques, véritables nattes semées d’arabesque, sacralité de la chose écrite, on retrouve ici les traits propres aux peuples sémites.

L’importance des preuves (houjaj) juridico-sacrales, réside dans le fait que la zaouia rurale, n’est pas comme la confrérie urbaine une simple communauté d’adeptes (Al-Mouridiines) mais également une communauté foncière : il arrive que le makhzen, ou des particuliers, immobilisent des terres pour les affecter  aux membres d’une zaouia. En dépit du fait que le nombre de zaouia est de treize, ni plus ni moins, chacun s’acharne à prouver à prouver son appartenance en brandissant son Ifriquiya (voir par ailleurs) en étalant sa chajara (arbre généalogique) ou en exhibant  son dahir (reconnaissance par décret royal). On finit généralement par apaiser les vaines querelles en rappelant que « les treize épées d’or sont identiques aux dents d’un peigne ! »

Comme il s’agit d’un rite périodique – l’équinoxe du printemps – justifié par des mythes également périodiques , il n’est pas étonnant qu’on soit en présence du chiffre treize qui évoque le cycle du Graal. Par ailleurs, l’équilibre entre le calendrier  lunaire et l’année solaire ne peut être établi qu’en intercalant de temps en temps un troisième mois. Dans « la pensée sauvage » Claude Lévi-Strauss nous décrit ainsi l’importance du chiffre chez les Osages :

« Un animal dépourvu d’utilité pratique est souvent évoqué dans les rites : la tortue à queue en dents de scie. Son importance serait à jamais inintelligible si on ne savait pas par ailleurs que le chiffre treize possède  pour les Osages une valeur mystique : le soleil levant répand treize rayons qui se répartissent en un groupe de six et un groupe de sept, correspondant respectivement au côté gauche et au côté droit, à la terre et au ciel, à l’été et à l’hiver. »

Outre les treize moqadem ,la khaïma est suivie par les tolba qui y lisent le Coran au crépuscule, les tiach (novices s’initiant à la parole des ancêtres) qui ratissent au large, comme les ouvrières de la ruche, pour cllecter les offrandes des hameaux qui se trouvent en dehors du parcours, un Raoui (conteur) béni à cause de son talent d’orateur, un homme –médecine aux traits étranges, qui offre ses services à ceux qui tombent malades et un porteur d’eau qui vend les bouts de la khaïma de l’année passée.

Le départ de la « fiancée » précède toujours celui de la khaïma puisqu’il correspond à l’équinoxe du printemps et coïncide avec un jeudi, jour propice à la bonne expédition des affaires : c’est le jour où Abderrahmane réussit à soustraire Sarah à la convoitise du Roi d’Egypte. On prend des précautions pour que le départ du périple ne coïncide pas avec les jours néfastes d’Al Houssoum :

 

« Durant les sept jours et les nuits d’Al houssoum

Tu aurais vu ce peuple renversé par terre

Comme des troncs évidés de palmiers…. »(Coran).

Les derniers jours de cette manzla de mauvaise augure sont marqués  par l’apparition des cigognes et des aigles. C’est pourquoi si le vent souffle le 21 Mars, on reporte le départ au jeudi suivant pour éviter ces vents mugissants qui avaient réduit les peuplades d’Ad et de Thamoud à des troncs évidés de palmiers.

Il y a treize zaouia descendants ou affiliées aux sept saints fondateurs. Or, le périple est une visite aux sanctuaires de quarante – quatre saints, qui sont soit des Seied – sanctuaire sans descendants – soit un cénotaphe, où les seigneurs déposaient leurs trésors en période trouble, dit-on, ou encore des coupoles sans catafalques, des tombeaux démesurément grands situés près d’un arganier, d’une grotte ou au sommet d’une montagne sacrée

Abdelkader MANA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

.

 

 

 

 

 

.

 

 

 

 

15:09 Écrit par elhajthami dans Regraga | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : regraga | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Je viens de découvrir sur Internet, cette déclaration de Georges Lapassade, publiée par son éditeur le 3 septembre 2008, le jour anniversaire de ma fille! :
L'ethnographie est une activité d'écriture, c'est une écriture et l'écriture, si tu lis mon journal, celui de Namir en 1995, celui de Mana qui a été publié en 1988 (mais il avait fait le tour en 1984), si tu lis ces trois journaux, c'est ça, c'est intéressant, chacun a une vision différente. Pourquoi ? Mana est un musulman progressiste, assez politisé,mais en même temps fils d'une famille Haha et descendant de Chiadma, avec une sensibilité forte et une nostalgie de la campagne de là -bas, d'autour d'Essaouira que je n'ai pas moi. Et moi je ne suis pas musulman. Parce que j'ai eu une éducation chrétienne je vais favoriser des choses que Mana ne va pas voir. Et inversement comme Mana a un accès direct à la langue rurale, entendant le mot tamarsit qu'il ne connaissait pas, immédiatement il demande à son oncle, qui était dans la tournée : " qu'est-ce que c'est tamarsit ? ", et hop théorie de la caprification que moi je n'aurai pas pu faire. En tant que musulman, fils de campagnard, il a un regard qui n'est pas celui de Namir qui lui est un administrateur, inspecteur de l'enseignement etc, et qui a une vision assez bureaucratique, qui fait qu'à chaque fois qu'il trouve un document en décrépitude il dit " ah, il faudrait faire réparer ce monument, ah, il faudrait faire une route secondaire  ". Il résonne comme ça. Chacun a ses Regrega à lui. C'est une banalité de dire cela. On voit par ces trois exemples qu'il n'y a pas un seul discours possible sur les Regrega.

Écrit par : Georges Lapassade | 30/09/2009

Les commentaires sont fermés.