15/10/2010
La montagne magique
Bou - Iblâne
La montagne légendaire
Souffle !Souffle ô Bou - Iblâne !
Rafraîchit l'air du plat pays
Car la belle n'est pas habituée à une telle chaleur !
Ô Bou - Iblâne ! N'était le froid, j'aurai planté ma tente sur ton sommet !
Le « Moussa Ou Saleh », le plus haut sommet de Bou-Iblân, culmine à 3215 mètres .
Tout un cycle de légende est lié au massif de Bou-Iblâne, enneigé et inhabitable en hiver. D'après une vieille légende « Moussa Ou Saleh » habitait Tlemcen. Il possédait un cheval et faisait preuve de prodiges. Un jour une fourmi l'a piqué. Il l'enferma alors dans un étui en roseau avec un grain de blé tendre. Au bout d'un an, elle n'a consommé que l'équivalent de sa tête de fourmi. Quand le Roi de l'époque l'a su, il ordonna séance tenante qu'on fasse venir « Moussa Ou Saleh ». Il s'adressa à ce dernier en ces termes :
- Puisque tu as emprisonné une fourmi innocente , tu seras emprisonné pendant un an !
- A vos ordres, Roi du Temps : jugez comme bon vous semble ! lui rétorqua « Moussa ou Saleh ».
C'est ainsi qu'il demeura en prison pendant un an. Il demanda à sa mère de bien prendre soin de son cheval, de ne l'engraisser que de blé, en le gardant à l'ombre, loin du soleil.
Le Roi, lui demande de choisir l'aliment qui sera le sien.
- Le lait dont je peux boire l'eau et manger le fromage..
Un jour, il leur dit :
- Il faudrait qu'on organise une fantasia !
- Moussa s'enfuit ! Moussa s'enfuit !
A chaque étape ses poursuivants demandent aux gens :
- Un cavalier, est- il passé par là ?!
Invariablement, on leur répond:
- Nous n'avons vu passer qu'un corbeau portant une laine blanche à son bec !
- Que faites - vous ? leur demanda -t-il.
- Nous venons de creuser la tombe d'un homme de votre taille,. Veux - tu t'y mettre pour qu'on puisse mesurer si elle lui convient ?
- D'accord ! dit - il, en s'y glissant illico.
Ils lui firent alors sentir une fleur sauvage, et il en mourut d'une mort subite.
Le chant du pays se rythme au tambourin
Le rythme de Bou Iblân scintille au firmament
La danse pastorale est une ondulation de la montagne
Hautes sont les cimes, limpides sont les sources
Drues, les vallées de la montagne à Meskaddal
Où chaque année, on célèbre les pâturages d'été...
Vertes, les prairies de la plaine d'Azaghar
Où chaque année, On célèbre les pâturages d'hiver...
La danse chantée symbolise tout l'art musical berbère et se nomme Ahidous , chez les Braber. Sa caractéristique est d'être une ligne ondulante. Cela symbolise - t- il l'ondulation des blés ? Ou bien plutôt celle des chaînes des montagnes ? L'Ahidous est la manifestation musicale et chorégraphique la plus complète de la montagne berbère dans le Moyen Atlas. Chez les Bni Waraïn, comme dans le reste du Moyen Atlas, le principal divertissement des adultes réside dans les réunions d'Ahidous, qui se forment parfois les soirs d'été au centre du village. Outre la rangée des participants, il y a le compositeur qui leur souffle le refrain qu'ils répètent indéfiniment, dénommé « Bou- izlân »,« bou-walloun ». Les danseurs esquivent rythmiquement les figures de l'Ahidous, entraînés par les « Bou-walloûn » - panctuant la courte et roque mélopée des notes brèves et sèches de leurs tambourins. Les joueurs se saisissent mutuellement les mains pour s'agiter ensuite en cadence avec frénésie.
Maghraoua au sud de Taza
Chez ces anciens pasteurs - nomades, le nom de « Douar », éveille l'idée d'un groupement de tentes disposées en rond. C'est au pied de Bou - Iblâne et de son ancien volcan éteint, que se situe Bni Smint, le village des hauteurs où nous a accueilli Cheïkh Abdellah Yahya :« Douar Bni Smint comprend trois fractions qu'on appelle ainsi : Aït Messaoud, Aït Hammad, Aït Âbboud. D'après ce qu'on nous a toujours raconté, ces trois fractions avaient un ancêtre commun. Trois fractions issues d'un seul ancêtre. Le douar Bni Smint est au pied du mont « Moussa Ou Saleh ». Il se situe entre les monts « Moussa ou Saleh » et Bennacer. Ici la maison a deux niveaux : le rez de chaussée, réservé à l'étable et aux fourrages. Et l'étage réservé à l'habitation et au magasin de stockage des céréales et de la nourriture. Le bétail est parqué dans la partie inférieure de la maison dénommée « Ifri », là où on stock les fourrages. Dans la partie supérieure se trouve Thanout, où on stock les grains, et Akham où se trouve la cuisine et la chambre où vit la famille. On donne à cette partie habitable de la maison le même nom qu'on donne à la tente de la transhumance. On accède par un étroit et rude escalier aux chambres de l'étage : l'une sert de cuisine, l'autre de grenier, et une troisième, Tamsrît, où l'on reçoit les invités. »
La vieille mosquée en bois de cèdre des Bni Smint
Le transhumant considère la mosquée comme le « pieu du douar », son soutient moral et spirituel. Le proscrit est assuré de trouver avec un refuge, sa subsistance, et le pauvre, à sa mort, un linceul et des funérailles décentes. Elle l'avertit de tout danger, et à ce titre, il la révère autant qu'il la craint.
En plus des terrains de culture à la lisière du douar, les Bni Smint, disposent là haut au Jbal Jarrah, de terrain de parcours pour tout le monde, ainsi que des terrains de culture pour chacun. Quand arrive le froid, ils quittent la tente pastorale pour la maison en pisée. Et dés les prémices des premières neiges, ils se replient à nouveau sur leur douar, où commencent les préparatifs de la transhumance d'hiver vers la plaine, où seront entamés les labours.
La vieille bergère se déplaçait avec son troupeau vers la steppe de Taïzirt. En compagne de son mari, de son berger et de ses nombreux vaux. Quand les sept nuits froides de Hyân sont arrivées, elle dit à son mari :
-Il faut qu'on monte en haute montagne.(où ils possédaient une bergerie au Moussa Ou Saleh).
-On ne quittera ici, que si le grain est mûr, lui répond son mari.
Elle ordonne alors au berger :
- Vas en pâture, sur les terres de laboure, et ramènes - moi une vieille épis pour que je puisse faire croire à mon mari que la période des moissons est déjà là, et que nous devons entreprendre la transhumance d'été.
Après avoir tâté la vieille épis, son aveugle de mari, il lui dit :
- Il est temps en effet de transhumer au « Moussa Ou Saleh ».
Au bout d'un séjour de trois jours là -haut, Hyân est allé voir mars :
- Ô mars, toi qui préside au printemps ! Peux - tu me prêter trois jours de mauvaises augures, pour que j'en pétrifie la vieille ogresses ?!
C'est ainsi que mars avait accordé à Hyân, les trois jours de mauvaises augures, qui pétrifièrent, la vieille , son mari, son berger, et ses vaux.
Un vieux genévrier est au cœur de ce village des hauteurs « Au milieu du douar, il y a un arbre dénommé « Taqqa » en berbère, nous explique notre hôte. Cet arbre a toujours été au milieu du douar, peut - être depuis quatre, cinq, voir six siècles au moins. C'est un arbre destiné aux prières de la petite et de la grande fête. Il est toujours au centre de la vie sociale du douar. » C'est sous ce genévrier millénaire, arbre à palabre consacré par les usages séculaires que la Jmaâ décidait aussi bien des affaires courantes que de la guerre.
Ces transhumants sont de farouches guerriers qui s'étaient toujours opposés aux envahisseurs venus de l'Est, les hordes hilaliennes et Maqil du Moyen Âge, les incursions turcs et au tout début du 20ème siècle, l'arrivée des colonisateurs Français comme le relate notre hôte Cheïkh Abdellah Yahya :« Il y avait un homme du nom de Mohamed Ou Qasso, originaire de douar Tighza, qui s'était réfugié ici, à l'arrivée des Français. Il a résidé ici avec sa famille jusqu'à la prise de Tamjilt. Une fois montés jusqu'ici, les soldats français ont commencé à égorger et à dilapider le troupeau du vieil homme sous ses propres yeux. Ses enfants prirent la fuite vers le Sahara. D'après ce que nous ont raconté les témoins oculaires, en partant d'ici, ils affrontèrent les français sur leur chemin à Oulad Ali. De là, ils continuèrent en direction du Sahara, mais à nouveau les français leur barrèrent la route au lieu dit « Tazegzaout », au djebel Aïachi : des indicateurs les ont trahi. Encerclés par l'armée françaises, ils ont lutté jusqu'à la mort. Les femmes et les enfants qui ont survécu, les français les ont ramené ici à Berkine. »
Arbre au port majestueux et à la vie séculaire, le cèdre peut atteindre jusqu'à 40 mètres de hauteur et 2 à 3 mètres de circonférence.
Arbre millénaire sur montagne légendaire, le cèdre est le symbole de l'éternelle jeunesse, puisqu'on en trouve des spécimens qui datent de 1200 ans. En raison de sa longévité, les anneaux transversaux du cèdre - qui témoignent des années sèches et des années humides - ont permis aux chercheurs d'établir une chronologie pour mille ans d'histoire climatique du Maroc.
Abdelkader Mana
03:55 Écrit par elhajthami dans Le couloir de Taza | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : le couloir de taza, histoire, bou iblan, bni warain, cedre de l'atls, transhumance |
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