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21/05/2013

L’ENFANCE MEURTRIE DE MOGADOR

DOUNIA A PERDU L’USAGE DE LA PAROLE !

Le placement des enfants dans les centres de sauvegarde de l'enfance n'est pas conforme aux standards de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant (CDE), ni aux principes régissant la justice des mineurs, relève un rapport du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) publié ce : 21.05.2013 . Nous nous réjouissons de la publication de ce rapport qui corroborre notre ananalyse de l'institution "Darna" d'Essaouira dont le fonctionnement relève davantage d'une institution carcérale pour enfants que d'une institution éducative. Voir à la fin de cet article, le compte rendu du rapport sur les centres de sauvegarde de l'enfance par le Conseil National des droits de l'Homme.

Aujourd’hui,mercredi 1er mai 2013, ce que je craignais en publiant la première version de cet article, il y a quelques jours, vient de se produire : la petite Dounia a perdu l'usage de la parole! La maman et la tante qui ont rendu visite à l'enfant au centre de détention dénommé, ô ironie du sort,"Darna"(notre maison), ont constaté avec consternation et désolation que leur enfant de deux ans et demi s’est totalement replié sur lui-même. Méconnaissable au vu de la joie de vivre de jadis! Car, il faut bien paler du temps de la liberté il y a à peine un mois comme étant déjà "jadis"!Plus grave encore, la petite a perdu l’usage de la parole après un mois de détention arbitraire . Et je pèse mes mots vu la gravité extrême du constat déplorable: c'est à l'âge-même où l'enfant commence à apprendre la langue maternelle, qu'il vient de perdre, à Dieu ne plaise, l'usage de la parole! Elle vient de perdre sa "langue maternelle" avec son enlèvement – arrachement à sa maman! "Darna" (notre maison) porte ainsi l'entière responsabilité juridique de  tout irréparable et de toutes séquelles résultant de cet enfermement que rien ne justifie, de cette séquestration préjudiciable, de cette séparation violente d’avec la maman: blessure de l'âme dont souffre désormais l’enfant. Je viens de saisir à ce sujet, à l’instant même Mr Nabil Benabdellah,le ministre de l’habitat au sujet du recasement de cette famille démunie, de sorte qu’elle soit à nouveau réunie, en bénéficiant comme les autres habitants du Mellah, d’un logement de recasement. Le ministre a demandé d’être saisi de ce dossier pour résoudre ce problème dans les plus brefs délais. En attendant, pour limiter les séquelles du traumatisme dont souffre actuellement l’enfant Darna, doit procéder immédiatement à la restitution de l’enfant à sa maman. Nous saisissons pour la même occasion, Mme Basma Haqqaoui, ministre de tutelle, pour qu’elle se saisisse immédiatement de ce dossier et sauve Dounia des griffes inhumaines de ce qu’il faut bien appeler une institution carcérale pour enfants, qui n’a aucune qualification pour contribuer à l’épanouissement de l’enfance malheureuse. Ce soir, toute la famille est profondémment choquée, le mot n'est pas assez fort pour décrire leur angoisse; Ils prient le bon Dieu, de leur venir en aide, de leur faire retrouver au plutôt leur enfant victime d'un véritable rapte. En espèrant que cette perte de parole n'est que passagère et qu'elle retrouvera bientôt et la parole et le sourire, en réintégrant sa véritable famille d'origine, seul cadre naturel à même de promouvoir l'affection et l'épanouissement dont tout enfant a besoin et auquel tout enfant a droit..Plus on retardera le moment de restituer l'enfant à sa maman, plus on l'abimera par refus de regarder la vérité en face, par entettement à s'attacher à des procédures désuètes et mal venues pour cette prime enfance où tout s'incruste à jamais dans l'esprit et dans le corps en gestation et où toute séparation d'avec la mère peut être préjudiciable, et signifie bien souvent à cet âge fragile entre tous, un arrêt de mort, une mise en abîme: à chaque visite de la mère l'enfant s'enfonce davantage dans le désarroi, car ne comprenant pas pourquoi sa propre mère serait forcée à l'abondonner entre les mains d'inconnus...L'enfant s'abime de jour en jour, c'est pourquoi il faut absolument mettre fin, et le plutôt serait le mieux, à cette mise en abîme!...Après avoir retirer Dounia et Soumia à leur maman; on lui a confisqué sa carte d'Identité Nationale et son livret de famille. La tante handicapée qui a bénéficié d'un logement de recasement où elle heberge actuellement au bloc "tafoukt"(soleil en berbère), et la mère et Wafa, la fille aînée, doit retirer demain lundi 6 mai 2013, les documents d'identité à "Darna"(notre maison) et doit faire une demande de récupération de l'enfant, dont elle se portera garante pour la prise en charge: "Dounia qui ne cesse de pleurer, Dounia, la malheureuse ne supporte pas de vivre loin de nous sa famille: elle est trop malade chez eux..." Espérant que Dounia réintègre au plutôt le giron familial en attendant qu'un logement de recasement soit attribué à la mère en tant qu'ancienne résidente du Mellah, où elle puisse réunir ses enfants et sa famille...Ce matin la famille m'a expliqué qu'il avait suffit un malin cafouillage kafkaïen du moqadem du quartier sur l'adresse exacte de la maman au vieux quartier du Mellah, pour que celle-ci soit exclue par la commission chargée d'octroyer les logements de recasement aux habitant du Mellah qui menace ruine: "Au Mellah, m'explique Wafa, la fille aîné nous habitions dans un taudis en terrasse, qui menaçait de s'effondrer à tout coup de vent..." Le fameux "charqui"(vent d'Est), l'eternel fils du pays, qui contribua avec les embruns maritimes à l'érosion du vieux rempart du Mellah et à l'effondrement de nombreuses maisons qui y étaient adossées...On pourrait ainsi dire que la petite Dounia est une victime collatérale de l'effondrement du vieux Mellah où elle était née, et du fait que sa petite famille n'a pu bénéficié comme c'est prévu par le ministère de l'habitat, d'un logement de recasement...

  Au cœur de la Médina d’Essaouira, Dounia est un enfant d’à peine deux ans et demi, mais qui attirait particulièrement l’attention par sa vivacité et sa joie de vivre. Chaque soir, sa maman indigente qui habite au quartier effondré du Mellah, venait avec cet enfant s’installer au seuil de la grande mosquée Ben Youssef de la ville, pour s’attirer les bonnes intentions des croyants à l’issue de la prière du crépuscule. Un beau jour, l’enfant et sa maman ont brusquement disparu de la circulation : comme le font parfois les employés municipaux lors de leurs tournées de chasse aux chiens errants, on venait d’arracher l’enfant du sein maternel, avec une violence inouïe et sans le moindre ménagement, pour l’enfermer brusquement et définitivement dans une institution dévolue aux enfants abandonnés. Dounia en a perdu brusquement tout sourire, Dounia ne cesse désormais de pleurer la séparation, le déchirement, l’arrachement à sa mère. Dounia est méconnaissable et sa visite est désormais interdite à sa mère : il a fallu deux longues et interminables semaines d’attente, avant qu’elle n’obtienne la procuration lui permettant de rendre visite à son enfant. Car désormais l’enfant est privé de sa mère par décision de justice. L’enfant est désormais aux mains d’inconnus, qui la violentent et qui la brutalisent : les premières retrouvailles autorisées entre la maman et son enfant, n’ont duré que quelques secondes sous le regard sévère de la surveillante de ce cadre institutionnel froid et procédurier. La deuxième entrevue s’est déroulée sous les même auspice :  à nouveau l’enfant fut arraché violemment à sa mère, par une directrice qui se comporte davantage en gardienne d’un lieu de détention, qu’en éducatrice. Les pleurs de l’enfant et son déchirement sont insupportable. Aucune précaution n’est prise pour aménager un meilleurs accueil, une meilleurs transition entre la vie familiale d’hier et ce cadre institutionnel froid où elle est enfermée aujourd’hui. L’enfant est traumatisé ne sachant pour quelle raison on l’a brusquement enfermé ici, pour quelle raison on l’a privé de l’air libre et des vagues de la plage où elle vivait jusqu’ici. Lors de la seconde visite, le premier geste de l’enfant rassuré par la présence de sa maman fut de se diriger instinctivement vers la porte de sortie : une voie immédiatement barrée et interdite par la directrice de ce qu’il faut bien appeler désormais un centre de détention pour enfants : si les visite autorisés sont strictement réglementaires, les sortie sont désormais strictement interdite. L’enfant ne comprend pas, la maman non plus. L’enfant stresse et exprime son stress de mille manières. Aux sourires d’hier s’est substitué le pleur permanent, au plaisir de manger une glace ou un gâteau s’est substitué une terreur viscérale : l’enfant passe en quelques secondes d’une totale parte d’appétit, en ignorant ce qui fut jadis un alléchant gobelet de glace, à une boulimie excessive où il veut ingurgiter tout ce qu’on lui avait apporté comme cadeau à la fois. C’est comme si la rose qui venait d’éclore avec ce printemps s’est brusquement fanée. C’est comme si la flamme qui rayonnait en liberté s’est brusquement éteinte. Traumatisme doublé du syndrome d’enfermement. Brusque irruption du Moyen-âge à Essaouira, avec cette réapparition de la sorcière voleuse d’enfants.

 

Un malheur ne vient jamais seul, ni pour l’enfant, ni pour sa maman, ni pour Soumia , sa sœur de six ans qui l’accompagne en détention, ni pour wafa, leur sœur ainée de 17 ans, qui a été recasée avec leur tante handicapée dans le nouveau quartier périphérique où on a déplacé les anciennes familles du vieux quartier insalubre et ruiné du Mellah. Un malheur ne vient jamais seul, car contrairement à leur tante « recasé », la commission chargée d’octroyer de nouveau logement aux familles déplacées a complètement ignoré leur mère : du jour au lendemain celle – ci, chassée de son vieux taudis du Mellah, s’est trouvée sans toit et sans famille. La veuve se met alors à errer dans la ville, à quêter non pas comme jadis au parvis sacré de la grande mosquée Ben Youssef, mais sous les murets de nouvelles mosquées périphériques : privée de sa maison, privée de ses enfants, privée de sa ville. C’est la mort dans l’âme qu’on a arraché les enfants à leur mère, on en faisant une veuve errante aux parvis sacrés de la ville et de ses enfants de brusques orphelins privés à la fois de leur père et de leur mère. Des orphelins désormais sans famille, sans affection chaleureuse, au prise avec l’arbitraire et la violence institutionnalisée, privés du sable, de la mer et du vent de la liberté. Ils vivent désormais derrière des murs au seuil même de ces rivages de pourpre auxquels ils n’ont plus droit comme les autres enfants de la ville. La hideuse directrice de leur nouveau lieu de détention s’interpose désormais entre leur tendre enfance saccagée et la chaleur de leur mère et les embruns rafraichissantes de la mer…Le traumatisme est là, hélas pour toujours, même si nous rêvons à l’effacer un jour…Dans ces paisibles rivages de pourpre, dans ce havre de paix, dans ce printemps des alizées où résonne pour les fils à papa, à la fois la sonate à Kreuzer de Beethoven et le casse noisette de Tchaïkovsky, il y a quelque chose d’à la fois morbide et indécent dans cette brusque irruption d’une violence symbolique sans nom qui s’abat sans raison et sans explication sur certain des enfants d’Essaouira, dont on semble vouloir débarrasser la ville comme s’il s’agissait de chiens errants…Pourtant, par leur grande beauté, Dounia , deux ans et demi, Soumia, six ans et Wafa, dix sept ans, sont issues de la nacre-même de ces beaux rivages de pourpre, elles sont issues de ces coquilles qui ne cesses depuis Juba II d’éclore sur ces grèves depuis une éternité…Elles sont le visage du Maroc eternel qu’on abime. Elles sont les fleurs de demain qu’on est en train d’abimer au cœur de ce beau printemps. Pourquoi les autres enfants ont le droit de garder leur sourire ; pourquoi Dounia, Soumia, et Wafa doivent pleurer : pourquoi le malheur a-t-il choisi de s’abattre sur elles aveuglément ? Pourquoi ? Une question sur l’injustice au quelle l’enfance innocente est incapable de répondre parce qu’incapable de se défendre. Et la mère, drapée dans un linceul de silence, se mit à arpenter ces rivages où poussent brusquement des cris blancs et gris de détresse, en répétant à chaque pas, sans pouvoir non plus y répondre : pourquoi mes enfants et pourquoi moi ?

 

Il fallait voir l’immense joie de vivre de Dounia, quand par de-là les remparts elle interpela au loin sa jeune sœur : « Soumia ! Emmènes-moi vers la Mer ! ». C’est ce sourire, ce goût de vivre, cette soiffe de LIBERTE, qu’il m’importe de toute hâte de faire retrouver à Dounia, dont le seul nom crie en face de l’univers entier : je  vais pouvoir aller librement avec ma mère vers la Mer !...Je vais pouvoir, construire moi aussi mon château de sable à la lisière des vagues et du vent, comme tous les enfants du monde. Tout simplement… je vais pouvoir me nourrir d’amour et d’eau fraiche, comme tous les enfants du monde. Tout simplement…Il m’est hâte de la voir enfin comme l’autre jour, écraser une larme, esquisser un sourire…Que plus personne ne s’interpose entre elle et sa mère, entre elle et la Mer…

 

  Dounia qu’on a parqué là de force, dans ce centre d’accueil pour enfants abandonnés, n’est pas un enfant abandonné : dehors sa mère brûle d’envie de la reprendre dans ses bras ; dedans l’enfant brûle d’envie de se blottir contre sa mère. Il y a eu erreur sur la donne. Dounia n’est pas un enfant abandonné. Brisons de toute hâte, ce mur de séparation, ce mur d’incompréhension, éloignons ces inconnues qui s’interposent en fausses mères entre elle et sa vraie mère. A cet âge viscéral d’attachement à la mère et à la Mer. Elle ne doit être sevrée par la violence ni de l’une, ni de l’autre. Réparons vite cette erreur dramatique avant que ne s’installe à jamais la blessure du nom propre. La véritable place de Dounia est d’être au sein de sa famille et de sa mère. Il faut pour se faire, commencer par réparer l’injustice à l’origine du drame : accorder de toute urgence un logis de recasement comme on vient de le faire pour les autres habitants du Mellah qui tombe en ruine. Puis donnons-lui les moyens d’élever ses trois enfants dans la dignité, de sorte que la décision de justice qui vient d’arracher Soumia et Dounia à leur vraie famille tombe d’elle-même. Car jamais au grand jamais, une directrice qui se comporte plus en directrice de prison qu’en éducatrice ne peut se substituer à la vraie mère : on a vu dans mille et un documentaires animalier, comment le petit finit par dépérir en l’absence de la vraie mère. La régression psychologique et physiologique guète inévitablement des enfants placés de force entre quatre mur sans possibilité de développer leur intelligence et leur sensibilité au contact de la nature et de la société où ils vivent : ils auront un quotient intellectuel(le fameux Q.I.) stagnant même s’ils continuent à grandir en détention sur le plan physiologique : âge physique 12ans, âge mental et affectif appartenant toujours à la prime enfance, comme si l’horloge mentale s’était brusquement détraquée en s’arrêtant au moment où les enfants ont été incarcérés de force, pour en délasser soi-disant la cité balnéaire proprette (comme on le ferait pour les chiens errants). Réparer urgentément cette injustice, c’est ressouder pour ainsi dire la cellule familiale brisée, dissolue. C’est panser au plus vite le traumatisme qui risque d’avoir des conséquences encore plus fâcheuses pour les adultes de demain : les enfants qui grandissent dans la violence deviendront inévitablement violents. Droit au logement, droit à la famille, droit à la ville, droit enfin à la vie, tout simplement. Droit sacré et inaliénable accordé par les divinités avant les hommes. Il y a eu incontestablement erreur dans la donne, confusion entre enfant abandonné et sans parents pour lesquels ce centre est destiné à l’origine, et enfants défavorisés et dont les parents vivent encore : pour ceux-ci, rien ne peut se substituer à la vraie famille : Etat et société civile doivent d’abord protéger la famille quand elle existe et non pas la détruire sous prétexte de protéger l’enfant. Car rien au monde ne peut remplacer pour un enfant, sa vraie famille. Montrons, nous aussi que nous sommes capables de discernement, que nous sommes nous aussi capables de mobiliser les moyens dont dispose notre Etat pour libérer nos enfants lorsqu’ils sont avec leur famille au prise avec l’arbitraire et l’ignorance. Il y a eu erreur dans la donne, car même pour la rafle pour chiens, on fait le distinguo entre chiens errants et chiens à maître. On devrait faire de même entre enfants abandonnés et enfants à parents ou dont l’un des parents vit toujours. Il faut donner au parent les conditions de vie descente au lieu de le séparer d’avec ses enfants.

 

Paradoxalement l’orphelinat dont il s’agit s’appelle « Darna » : une institution qui se veut par son intitulé, une reproduction du modèle familial, et qui s’avère être en réalité un simple décalque du modèle carcéral, puisque son règlement intérieur stipule que seules les personnes expressément autorisées par le procureur ont droit de visite aussi brève et surveillée de près soit-elle. Et que le droit de sortie pour l’enfant est strictement interdit même pour sa propre mère et à fortiori à un parrain éloigné de la famille. Il est donc urgent, au ministère de tutelle – en l’occurrence le Ministère de la Solidarité de la Femme, de la Famille et du Développement Social, dont est en charge, Mme  Bassima el Haqaoui, ministre estampillée P.J.D.- de réformer la loi 14-05, qui autorise des non professionnels de l’éducation, de la psychologie, de la pédiatrie et du développement humain, d’édicter des règlements internes plus calquées sur une institution carcérale, que sur un modèle pédagogique dont la priorité des priorités est le développement harmonieux et l’épanouissement de l’enfance. Car le staff de Darna, qui ne s’est jamais renouvelé depuis la création de cette orphelinat qui sert de vitrine provinciale qu’on montre aux visiteurs officiels et aux O.N.G. contributrices, est composé principalement de notables locaux qui n’ont aucun savoir faire pédagogique, qui se servent de cette institution autant comme vache à lait que pour reluire leur réputation auprès des autorités et qui croient que l’éducation d’un enfant se limite à le gaver de confiture et à le surveiller et à le punir. Darna, se mue ainsi en institution d’exclusion encore plus profonde, d’une enfance malheureuse et en danger, déjà exclue au départ par un système social et urbain, profondément discriminant.                  

 Essaouira, le vendredi 26 avril 2013

         Abdelkader Mana    

Centres de sauvegarde de l’enfance

Le CNDH réclame des mesures d’urgence

«Le placement des enfants dans les centres de sauvegarde de l'enfance est non conforme aux normes de la Convention relative aux droits de l'enfant», rapport du CNDH

 Le placement des enfants dans les centres de sauvegarde de l'enfance n'est pas conforme aux standards de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant (CDE), ni aux principes régissant la justice des mineurs, relève un rapport du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH).

Selon ce rapport, présenté lundi lors d'une conférence de presse et ayant pour thème «Enfants dans les centres de sauvegarde : une enfance en danger...pour une politique de protection intégrée de l'enfant», l'analyse de la situation des enfants placés, basée sur les résultats de visites et entretiens réalisés par le CNDH du 15 au 29 novembre 2012 dans 17 centres, révèle qu'en matière de justice des mineurs, le placement en institution et la privation de liberté constituent souvent le premier recours.

Les centres de sauvegarde de l'enfance (CSE) abritent des enfants dont les profils, les âges et les situations sont très variés, ce qui fait que les enfants en situation difficile (les enfants abandonnés et les enfants de la rue) partagent les mêmes espaces avec les enfants en conflit avec la loi, déplore le CNDH, notant que ce mélange ne permet pas une prise en charge adaptée et pose le problème de la protection des enfants vulnérables, notamment ceux âgés de moins 12 ans et les enfants en situation de handicap.

Le rapport signale, par ailleurs, des disparités notables en termes de taux d'occupation entre les CSE, certains étant très faiblement occupés alors que d'autres sont surchargés, ce qui est notamment le cas pour les structures d'accueil dédiées aux filles qui ne sont qu'au nombre de cinq. A cela s'ajoute l'éloignement de plusieurs centres des lieux de résidence des enfants, ce qui rend difficiles le suivi judiciaire et le maintien des liens familiaux.

Les centres en question ne sont pas régis par des normes conformes aux standards internationaux en matière d'accueil et de prise en charge des enfants, fait observer le rapport, ajoutant que les droits des enfants placés ne sont pas pleinement garantis, notamment les droits à la santé, à l'intégrité physique, à la protection contre toutes les formes de violence, d'abus et d'exploitation, à une rééducation appropriée et le droit d'être entendus, protégés et assistés légalement tout au long du processus judiciaire. 

D'autre part, le rapport fait état d'«importants acquis» engrangés en matière de justice des mineurs, notamment la mise en conformité des lois nationales avec les dispositions de la CDE, grâce aux réformes législatives initiées, en particulier celle du Code pénal et du Code de procédure pénale.

Le CNDH salue, à cet égard, l'élévation de l'âge de la majorité pénale à 18 ans et la création du poste de juge d'application des peines spécialisé dans la justice des mineurs, estimant que ces réformes législatives constituent une véritable innovation en matière de protection des enfants en situation difficile.

L'application effective des lois souffre, cependant, de nombreux dysfonctionnements dus au manque de moyens, de capacités et de supervision, ce qui entraîne fréquemment le recours au placement des enfants en institution, relève la même source, ajoutant que cette mesure, souvent injustifiée, peut parfois aller à l'encontre de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Au niveau institutionnel, le rapport note que, bien que les CSE soient placés sous la tutelle du ministère de la Jeunesse et des Sports, le ministère de la Justice et des Libertés joue un rôle de toute première importance dans la protection judiciaire des enfants en contact avec la loi et dans la prise de décision concernant leur placement. 

Tout en mettant l'accent sur l'apport considérable du secteur associatif en matière de protection et de prise en charge des enfants en contact avec la loi, le document fait observer que ce secteur fait face à de nombreuses difficultés, notamment en ce qui concerne la mise à disposition de ressources humaines et matérielles durables. 

En guise de conclusion, le CNDH estime que l'absence de politique globale de justice pour mineurs, les faibles capacités institutionnelles, le manque de clarification des rôles et des responsabilités ainsi que l'insuffisance de coordination entre les intervenants, ne concourent pas à une protection et à une prise en charge conformes à la législation et aux droits des enfants.

Etant donné la situation préoccupante d'un grand nombre d'enfants placés en CSE, et afin de faire en sorte que ce placement respecte les dispositions de la convention internationale relative aux droits des enfants, le CNDH recommande, dans ce rapport, de finaliser rapidement les enquêtes familiales en attente, afin de permettre aux juges de revoir la décision de placement de certains enfants et d'examiner la possibilité de les réintégrer dans leurs familles.

Il préconise, de même, l'organisation d'un colloque national sur les centres de sauvegarde de l'enfance, réunissant toutes les parties prenantes, afin d'élaborer une politique publique globale et intégrée pour la protection des droits des enfants. 

 

Publié le : 21.05.2013 - 10h50 - MAP


 

18:44 Écrit par elhajthami | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : essaouira | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

21/10/2009

Lumière

t05hp48c.jpgSuivons la lumière…



« L’aurore que j’aime se lève la nuit, resplendissante, et n’aura pas de couchant ».

Hallaj.



Le mercredi 1er janvier 2003, je note : tout à l’heure j’irai chercher à Souk Akka — l’une des principales artères de la ville — « Iqad Sarira fi Tarikh Saouira » (lumières sur l’histoire d’Essaouira), pour y décrypter la calligraphie de la porte de l’horloge : mon père me disait se souvenir, qu’en 1930, l’auteur de cet ouvrage l’historiographe « fqih Marrakchi », le père du dramaturge Tayeb Saddiki  montait sur une échelle pour déchiffrer l’inscription, aujourd’hui illisible, parce que trop abîmée par les embruns…

A souk Akka donc, je croise Chokhman, le jeune frère de l’ancien réparateur de vélos, devant lequel nous passions chaque matin en allant à l’école un beignet chaud à la main, et chez qui on louait les vélos pour rejoindre par-delà le pont rose de Tangaro, les « trois palmiers », en suivant les sentiers du bois de mimosas et d’eucalyptus qui longe l’oued ksob et le village hippie de Diabet. C’est à l’ombre de ces denses mimosas et ces hauts eucalyptus que sous des pluies battantes et bénéfiques, nous récoltions des escargots. Bachelier, je m’y rendais, pour lire « De grandes espérances » de Dickens. Poumon de la ville, c’est dans ce bois ombragé que se déroulaient chaque vendredi les pique-niques rituels des artisans , et c’est là aussi qu’accompagnés en calèche avec mon père et ma mère, nous nous perdîmes un jour des années 1960, ne sachant plus trouver d’issue, tellement la végétation était dense…


Enfant, j’ai jeté tous mes cahiers à la mer

Et je suis revenu avec des coquillages et des îles

On me donnait zéro

Et mes yeux d’enfant me donnaient

Le point lointain de l’univers.


Le jeune Chokhman m’apprend que son frère, qui nous louait ses vélos, est décédé il y a juste un an, à tel mois lunaire du calendrier musulman. Je comprends alors ce que disait le sociologue Paul Pascon, en parlant du caractère composite de la société marocaine : elle fonctionne, en effet, selon trois temporalités : la lunaire, la solaire et la grégorienne. Et durant toute ma collaboration avec la deuxième chaîne marocaine, j’ai trouvé énormément de difficultés à faire coïncider le planning de la télévision qui fonctionne selon les temps modernes, avec les fêtes saisonnières et religieuses qui fonctionnent selon le calendrier julien ou lunaire.


Cohabitation simultanée de plusieurs temporalités, mais aussi de diverses mentalités : le magique, le religieux, le scientifique. Les gens ne voient pas ici de contradiction entre science et superstition. Rationnel et irrationnel. Cela est certainement dû à l’absence de débats, tel que cela existe dans les sociétés démocratiques, où on joue carte sur table, sans le moindre tabou. Ici, au contraire, beaucoup d’interdits régissent la vie sociale, sans la moindre remise en cause, sans le moindre esprit critique.


La mort de Chokhman, figure habituelle de mon enfance, m’interpelle pour une autre raison : son atelier se trouvait juste à l’entrée de l’impasse au fond de laquelle se trouve le sanctuaire du saint où l’on se rendait pour obtenir une huile d’olive aux vertus miraculeuses, en particulier contre les rhumatismes, dont souffraient inévitablement les habitants vivant sous ce microclimat humide. Je garde surtout une impression de poésie inaltérable de l’Adwal qui s’y déroulait : mon oncle berbère Mohamad, venait annuellement avec les tolba du pays hahî, y sacrifier un bélier et un bouc noir, et y faire bombance : la vieille coupole et son vieux palmier, le bûcher de l’arrière-cour et ses énormes bouilloires et marmites, les multiples tagines posés à même les carrelages noirs et blancs, sous le figuier sacré, d’où se dégageait une irrésistible odeur d’huile d’argan, la barbiche de tonton et ses prières… De tout cela se dégageait une chaleur et une poésie irréelles et à jamais perdues. Il ne reste plus que le silence, la porte fermée du vieux sanctuaire, dans une ville désormais livrée à la frénésie immobilière et touristique.


Maintenant à Casablanca, nous avons déménagé, moi, ma sœur et ma fille, dans un nouvel appartement, et j’ai dû me rendre tout à l’heure dans l’ancien pour récupérer tous mes documents : une fois dedans, je n’ai pu m’empêcher de sangloter comme un enfant : mon père et ma mère que je n’ose visiter au cimetière de Casablanca  parce que j’aurai aimé qu’ils soient enterrés sous l’olivier sauvage de Lalla Toufella Hsein, la sainte de la vallée heureuse de Tlit au pays hahî, entre le mont Amsiten et le mont Tama, où j’ai passé toutes les vacances de mon enfance et mon adolescence, au hameau de Tassila, aujourd’hui tombé en ruine et où ma grand-mère maternelle nous offrait le Balghou , à base de blé tendre, d’huile d’argan et de lait de chèvre…semblent toujours présents dans ce lieu. Le musulman, me dit-on, ne choisit pas sa terre d’élection : il doit être enterré là où la mort l’a surpris. Car la terre entière est temple de Dieu.


C’est dans ce vieil appartement de type colonial, qu’on vient d’évacuer comme tous les autres locataires de l’immeuble  lequel sera bientôt rasé, pour faire place à un édifice flambant neuf, répondant mieux à la fièvre immobilière qui s’est emparée de Casablanca , qu’au cours du Ramadan 1986, je me suis rendu compte de la vacuité de mes reportages à Maroc-Soir (où l’on passait du coq-à-l’âne du jour au lendemain), et du même coup de la valeur de mes notes sur le daour des Regraga de 1984-1985 : j’ai alors retiré d’un couffin, que j’avais acheté en pays chiadmî, la dizaine de calepins écrits en français mais aussi en aroubi – le dialecte du pays chiadmî – et je me suis mis à écrire avec frénésie dans une espèce d’extase mystique, d’une manière continue avec seulement quatre heures de sommeil : si bien qu’à la fin du Ramadan, le livre était pratiquement écrit…


La journée est également bouleversante par les messages de solidarité et de soutien de mes amis Manoël Pénicaud et Falk van Gaver, qui m’encouragent à écrire ce livre, sans lequel je m’enfoncerais à jamais dans le silence et l’anonymat. Et je me dis en cette journée bouleversante, que les valeurs humaines que j’ai perdues avec la mort de mes parents, je peux les retrouver lorsque le destin vous amène à rencontrer l’amitié et la fraternité humaines. Sans quoi, je le répète, à quoi bon écrire dans un pays qui accorde un sort si peu enviable aux choses de l’esprit…

« Le journal de route » que j’ai écrit sur les Regraga, est non seulement un « style », mais un héritage : Chez nous les Arabo-Berbères, et en particulier les Marocains, on excellait uniquement dans la littérature de voyage – le fameux adab Rihla lié au pèlerinage à La Mecque et dont le prototype était celui d’Ibn Battouta, qui décrit son voyage de Tanger à la Chine.


La société marocaine reste une société de tradition orale : il n’y a pas de reconstruction du réel par le récit. Le vécu ne laisse pas de trace. Or sans traces écrites, selon la conception occidentale, il n’y a ni mémoire ni progrès au niveau de la pensée. L’un des enseignements fondamentaux que j’ai reçu de Georges Lapassade, en menant ensemble, une vaste enquête sur « la parole d’Essaouira » au début des années quatre-vingts, c’est non seulement l’obligation de tenir une sorte de compte – rendu sur les apprentissages de chaque jour, mais surtout la vertu pédagogique du « compte-rendu » : au retour de mon pèlerinage chez les Regraga, il venait chaque soir m’écouter : en lui racontant ce qui s’est passé, je me rendais compte que mon subconscient avait enregistré des faits pertinents à mon insu. Mais sans son écoute attentive, je n’aurais certainement pas produit telle ou telle idée intéressante, comme faire le lien avec « l’essai sur le don » de Mauss, « l’éternel retour » de Nietzsche, ou « l’observation participante » de Malinowski : on produit autant par soi-même que par l’écoute amicale de l’autre. Comme me le disait si bien mon ami Georges Lapassade : dans ton cerveau et dans le mien, il n’y a que de l’eau ; la véritable étincelle jaillit dans l’interaction entre les deux. C’est du dialogue que naît la lumière…

D’ailleurs, ce n’est pas un hasard que la philosophie naisse du compte rendu que faisait Platon, des dialogues qu’entretenait Socrate avec ses disciples. C’est ce qu’a toujours voulu dire mon père qui me répétait inlassablement que la vérité jaillit comme une lumière des échanges qu’entretiennent les esprits. Ce livre est né de l’échange épistolaire avec mon ami le poète Falk Van Gaver : Il faut, lui écrivais-je, que nous continuons cet échange, jusqu’au jour où en jaillira peut-être de la lumière, en tout cas une voie à suivre, une voix à écouter, un livre à construire. En espérant un jour rencontrer ce « duende » dont parlait si bien Garcia Lorca… « Suivons la lumière », me répondit-t-il.


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Abdelkader MANA
















11:00 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : essaouira, poèsie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook