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09/09/2010

Noces Berbères

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Noces Berbères au Haut Atlas

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Par Abdelkader Mana               

  En 1998, j’ai entrepris de consacrer un documentaire au mariage chez les Ghojdama, sur recommandation de l’anthropologue Ali Amahan qui leur  avait consacré une thèse et dont il est lui-même  originaire. Je l’avais connu dix ans plus tôt à « Signes du Présent » la revue que dirigeait Abdelkébir khatibi. Ce dernier me déclarait alors que notre mémoire est une richesse et que nous devons la prendre en charge, notamment par des recherches de terrain sur la vie musicale des plaines, des côtes et des montagnes de notre pays. Piste de recherche qui  mène à ce Maroc profond et méconnue dont je n’arrive plus à me départir.   

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    Comme il arrive souvent, le planning de la télévision coïncide rarement avec le calendrier des fêtes saisonnières. Les festivités villageoises  furent reportées  à plusieurs reprises. Les habitants d’Agni devaient descendre de leur nid d’aigle jusqu’au au souk hebdomadaire de Damnate pour s’enquérir auprès d’un épicier disposant du téléphone fixe, de l’arrivée de la télévision ! On imagine l’impatience des mariés à chaque report et la mobilisation – démobilisation des tribus …Mais en ce lieu si isolé depuis toujours à qui « cent ans de solitude » sied comme un gan, l’attente valait la chandelle : la télévision allait rompre l’isolement et accroître, en quelque sorte,le prestige du mariage et celui de la tribu qui l’organise…

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Le tournage n’a pu finalement avoir lieu qu’au bout de plusieurs semaines. La fête de mariage qui devait avoir lieu vers la fin des moissons n’a pu finalement se tenir qu’au début de l’automne, puisque la première scène que nous avons filmée, une fois sur place, fut celle du laboureur ! Le temps des labours, des semailles et la récolte des olives. Les paysans du haut Atlas disent : 

Vois la montagne ! Vois le pigeon !

Vois l’associé ! Vois le fumier ! 

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Car le pigeon annonciateur de l’hiver est de retour. C’est le moment de songer aux travaux agricoles, de rechercher son associé et de transporter le fumier sur les terres.  Ici plus qu’ailleurs, la solidarité humaine est essentielle à la survie aussi bien pour les individus que pour les groupes. C’est grâce à cette solidarité communautaire dans le maniement de la pelle et de la pioche que la piste est aujourd’hui carrossable et que l’organisation des mariages est possible. 

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 L’immense forêt est entrecoupée ici et là de minuscules vallées habitées. Pour relier Agni à Damnate, à environ trente cinq kilomètres de là, le mulet reste le principal moyen de locomotion. Par ce moyen, la distance est parcourue en deux jours : on passant la nuit à mi – chemin en pleine forêt. Difficile est la piste muletière qui mène à Agni, le hameau du bout du monde,, même pour un véhicule tout terrain. C’est dire combien cette montagne est enclavée.

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Dans cette montagne où la voie lactée paraît si proche, l’homme est à la fois mystique et austère. L’endurance et la frugalité sont une seconde nature. Pour mieux s’adapter à une nature qui semble l’écraser, l’homme prie pour que le ciel soit plus clément. En attendant, la vallée est irriguée non  par l’oued Tassaout qui serpente trop bas et dont on n’a pas les moyens de pomper l’eau vers le haut, mais par l’eau des sources qu’on achemine par séguia jusqu’aux parcelles clairsemées le long des flancs de montagnes.

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     Quand l’année est bonne, on peut se permettre de donne le surplus aux nécessiteux et aux démunis. Mais quand elle est mauvaise, on compenser le manque à gagner par des achats au marché de Demnate, voir en cherchant  ailleurs les moyens de la survie comme c’est le cas d’el Haj thami , originaire de la tribu voisine des Aït M’gun que j’ai retrouvé plus tard en plein centre de Casablanca en tant que gardien de parking automobiles ! 

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L’érosion des sols est ainsi freinée par cette pratique des cultures en terrasses qu’on appelle ici les taghanim. Il s’agit en fait d’une agriculture autosuffisante, mi-bour, mi –irriguée, fortement soumise aux aléas climatique

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   Bien au-delà des individus et des deux lignages concernés, le mariage symbolise l’alliances entre deux tribus : celle des Fatouaka d’où est issue la fiancée, et celle des Ghojdama pou le fiancé. En fait, on a célébré deux mariages : celui du fils d’Abboubi notre hôte avec sa cousine du côté paternel. Un mariage endogame puisque  l’isli et la tislit sont tous deux d’Agni. Le second mariage est exogame : le fils du frère d’Abboubi notre hôte, se marie avec sa cousine du côté maternel qui vient de la tribu voisine des Fatouaka. C’est ce dernier mariage qui va être mis en avant pour sa portée symbolique parce qu’il renforce les alliances et les échanges matrimoniaux qui se perpétuent d’une génération à l’autre entre Ghojdama et Fatouaka.

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Sur les toitures des maisons, on remarque ici et là, des paraboles juste au dessus de la tazribt, l’enclos qui sert d’étable aux bovins, ovins et surtout caprins.. La région enclavée par son difficile relief s’ouvre maintenant sur le monde par satellites. En raison de l’exiguïté de l’espace disponible, les maisons se développent aussi bien en hauteur qu’en sous sol !

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    Après notre accord en haut Ghojdama pour le tournage du documentaire sur la fête de mariage d’Agni , Fatih Miloud est allé chez les voisins Fatouaka leur demander la main d’une fiancée pour son fils:  « Nous avons rejoint à dos de mulets les Fetouaka, avec en guise de cadeaux un bélier châtré et des pains de sucre. Une fois obtenu l’accord sur le mariage et sur le jour de la fête, nous reprîmes le chemin du retour»

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Fathi Miloud

    C’est le père qui prend la décision de marier son fils sans que ce dernier en ait manifesté le désir. Quand de son côté Monsieur Abboubi a su que la télévision allait venir, il est monté lui aussi sur son mulet chargé d’un sac de blé et d’un mouton,pour aller demander la main de leur fille aux parents de la jeune future. Dans ces conditions la demande ne peut être refusée. Là aussi les parents tiennent peu compte de l’avis de leur fille. Avant d’être une histoire d’amour entre deux individus, le mariage est d’abord un pacte communautaire, une alliance entre deux lignages, deux douars, deux tribus. L’individu s’efface devant le groupe d’appartenance y compris dans le domaine politique : souvent au Maroc, toute la tribu vote pour le parti politique choisi par son chef et si ce dernier change de couleur politique ; sa clientèle fait de même…L’individu reste à naître.

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Abboubi

Dés lors au village les préparatifs allèrent bon train et les invitations  lancées bien au – delà de la vallée d’en face. Les femmes se mirent alors  à tisser les tapis qui devraient servir de dote pour la mariée mais aussi pour accueillir somptueusement les invité sous l’immense tente caïdale plantée au beau milieu du village.

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     Une semaine avant le départ pour sa nouvelle demeure, la fiancée se teint chaque jour au henné, assistée par des jeunes filles choisies parmi ses amies et qui se teignent en même temps qu’elle :  

C’est du bon henné qu’a pilé Mimoune

Que ceux qui se marient se teignent le corps

O sœur du fiancé, apporte le mortier et le pilon

L’ardeur du soleil me consume

Deux roseaux s’entrelacent

Ce sont les rigoles qui jettent les racines

C’est le long de la rivière qu’il vient la nuit en rougissant

Ne crains – tu pas que la fiancée ne te frappe de ses bracelets ?

Roseau ! Qui t’a fait ces blessures ?

Ce sont les rigoles qui font naître les racines.

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La tislit est dans une chambre entourée d’ami et de femmes qui procèdent à sa toilette. Elles la vêtent d’une mansouria , une sorte de chemise, d’une farajia, et d’un haïk très fin et la parent de ses bijoux. Une femme experte dans le maquillage lui allonge les sourcils avec un fard de couleur noire, lui met du khôl aux yeux et du rouge sur les joues, lui avive les lèvres et lui accuse l’éclat de ses dents avec le taswik, l’écorce de noix. On la part d’un diadème fait de piécettes d’argent.

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Même pour l’ultime exposition de la mariée sur la place d’assaïs, ici l’ahouach n’est jamais mixte. C’est par devers elles que les femmes chantent en rythmant des mains : 

 

Que Dieu vaille que toujours tu sois belle

Comme la source qui fait croître l’herbe autour d’elle

Comme un tapis doux où chaque nuit repose l’époux

Belle comme la lune dans un ciel étoilé

Les tresses de ta chevelure reflètent tes baisés de lumière

Tes dents ont la blancheur des pierres au fond des torrents

Qui contemplera tes yeux, si ce n’est le promis ?

Qu’il te soit fidèle et t’aime jusqu’à la mort

Que Dieu le préserve de la misère et du chagrin

Qu’il lui donne des fils braves et beaux

Et le comble de ses bienfaits 

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Ils ont quitté Agni à dos de mulets pour  aller chercher  tislit. Chez les Fatouaka . Les femmes s’empressent autour d’elle, la couvrent d’un burnous dont elle rabat le capuchon sur ses yeux. Elles lui donnent une grenade. Elle pleure. C’est le moment de se séparer des siens. Sa mère la console : 

Sèche tes larmes ma fille

C’est à la maison de ton mari qu’on t’emmène

 On porte la fiancée sur une jument derrière un garçon d’honneur et les voici en route vers la maison du future. C’est l’oncle maternel de la fiancée qui conduit la procession accompagné des gens de sa famille. Tout le long du trajet qui dure une heure, ils n’ont cessé de chanter pour réconforter la fiancée qui quitte définitivement la maison paternelle pour celle de son mari. Les filles qui l’accompagnent chantent des vœux pour son bonheur : 

Le chemin est long qui mène à la grande tente du fiancé

O taslit, que Dieu fasse ton destin pareil à la prairie

Où abondent avec les fleurs les brebis et les bœufs

Soit pour ton mari une campagne douce

Comme le mélange du sucre et de thé dans le verre de cristal

Ton matin, qu’il soit bon ô reine !

Toi pareille au palmier qui surplombe la source

O dame, tu es l’étendard doré dont l’eau est acheminée par des séguia

Jusqu’aux parcelles clairsemées le long des flancs de montagnes

O dame ! Tu es l’étendard doré

Que le cavalier porte sur son cheval blanc… 

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A Agni, la procession est accueillie par la détonation  du baroud, qui ouvre au Maroc toute réjouissance importante. Elle marque ici cette frontière invisible entre le passé et le future en même temps qu’une reconnaissance sociale du couple qui vient de naître. Une femme de la famille du fiancé tire la jument par la bride. Ce dernier qui vit reclus depuis sept jours et qui n’a ^pas le droit de rencontrer les gens doit entendre tous ces clameurs et ces chants : 

Accourez ô gens de notre village !

Nous déposons la princesse !

Apportez l’agneau marqué de blanc et de noir

Nous déposons la princesse

Vas doucement ô pied, ne soulève point de poussières ! 

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Les processions  féminines se dirigent vers le sous - sol de la maison du futur. C’est dans cette ruche où s’engouffrent toutes femmes qu’est accueillie la fiancée à son arrivée sur dos de mulet. Ce rite de passage par excellence est souligné ici par le franchissement du seuil de la nouvelle demeure. Le franchissement de cette porte souligne d’une manière tangible le passage de la vie de célibat à la nouvelle vie conjugale. Cette séparation avec la vie familiale passée pour l’agrégation dans un nouveau groupe social est rendue tangible ici sur le plan sonore par la détonation du baroud.De partout, les femmes affluent en procession, à des kilomètres à la ronde. De tous les lignages, de tous les douars, de toutes les fractions : caftans bariolés, couffins d’osier sur la tête, elles portent à la mariée, en guise d’offrandes, pains de seigle, pains de sucre, huile d’olive qui vient à peine de sortir du pressoir. Toute la tribu participe ainsi aux dépenses nuptiales et somptuaires. Les gens d’Agni bien sûr mais aussi les fractions Aït R’baâAït H’ssen, Aït H’kim ainsi que les douars Ghighan, Amchgat, ImouggarTaourirt, Assaka et  Tarrast. Sans oublier, bien sûre, la belle famille venue des FatouakaTandis que les  femmes s’engouffrent au sous sol, les hommes sont accueillis juste au dessus, sous la tente caïdale plantée au beau milieu d’Agni. On sert aux  invités, du  harr – barr, une bouillie d’orge arrosée de miel et de beurre ronce. Pour préparer cette bouillie ; on mouille des grains d’orge, puis on la décortique au pilon. Après les avoir sécher au soleil, vanner et nettoyer on les fait cuire à l’eau. Puis on les sert avec du beurre, de l’huile et du miel. C’est une bouillie épaisse qui se mange avec les doigts. Elle se prépare en hiver, au moment du grand froid. A une personne qui se porte bien, on dit généralement :  

-         J’imagine que tu ne te nourris que de herr – berr ! 

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Mais c’est la viande qui prend une part prépondérante des repas. Le couscous est préparé par les femmes et les tagines par les hommes du village. Pour accueillir tout ce beau monde, on a sacrifié une vache, une vachette, sept béliers, quarante poulets en plus de trente kilos de viande achetée au souk hebdomadaire de Demnate.  Toutes ces dépenses ont été compensées par les dons de la tribu qui a offert des agneaux, une dizaine en tout, de sorte qu’ils ont  largement compensé les sept béliers sacrifiés par les organisateurs du mariage. On est ici dans une économie du don. Mais ce don, n’est jamais gratuit puisqu’il est compensé plus tard par un contre don : lorsque l’une des familles donatrices organisera à son tour son mariage, tout le monde participera au festin mais aussi aux dépenses. Il y a à la fois circulation des femmes et circulation des dons. 

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    La place centrale où se déroule l’ahouach, qu’on appelle assaïs, est investie chaque fois qu’un évènement concerne toute la communauté villageoise comme c’est le cas avec cette fête de mariage..   En début de soirée on chauffe les tambourins aux feux de joie : un énorme bûcher fait de troncs d’arbres. La danse peut alors commencer  sur  la grande place d’assaïs. Le bendir  chleuh n’est pas très grand : un cercle de bois percé d’un trou pour passer le pouce de la main gauche et une peau tendue aux sonorités vibrantes. Ici, la musique ne vient pas d’ailleurs. Elle est le produit du village. On pratique la danse collective de l’ahouach, partout semblable à elle – même qui varie pourtant d’une tribu à l’autre voir d’une vallée à l’autre à l’intérieur d’une même tribu. 

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     La soirée des hommes commence d’abord par ahrach, rythme à l’état pur. On accorde les instruments de sorte que les percussionnistes qui produisent de fausses notes se retirent des rangs. L’ improvisation d’ ahrach  consiste en une synchronisation la plus parfaite possible entre les nombreux percussionnistes en éliminant chemin faisant ceux d’entre eux qui cassent le rythme, D’ailleurs le terme  d’ahrach dérive du mot iharch  qui  signifie en parler tachelhit « le maladroit ». Par conséquent cette phase préliminaire vise autant la synchronisation du jeu collectif que l’élimination des mauvais joueurs... 

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  Les joueurs de tambourins scandent le jeu. Le tambourin bat le rythme chleuh habituel : 2/4, mais il y a aussi des partitions plus complexes de 2/8 et de 6/8. Il se trouve dans l’assistance un homme connu pour sa belle voix. C’est un excellent chanteur qui entame un distique, isli reprit en chœur par l’assistance.Il dit : 

 

Cavaliers ! Rangez – vous !

Je vais vous dire le chant aux stances

Se déroulant comme le ronron du moulin !

Figuier qui domine sur les rochers

Mon ami est en ton ombre

Dites nous ô père, ô mère

Où étiez vous pour veiller sur les invités ?

J’ai gravi la montagne et d’en haut

J’ai contemplé cette réunion 

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     Dans cette nuit magique et colorée, l’arrivée des hommes à la place d’assaïs est scandée par ce qu’on appelle ici, lamsaq, c'est-à-dire le chant à l’unisson. Un soliste chante un seul vers que le chœur reprend : les hommes placent leur voix dans un registre grave. Vient ensuite, azegz, le fait de frapper les tambourins en baissant leur face vers le bas. 

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N’dam , c’est cette compétition poétique improvisée à tour de rôle entre les deux moitiés de l’orchestre. Tour à tour les poètes des villages et des villages invités prennent la parole. Ils donnent des informations sur le monde et amènent les gens à se remettre en question. C’est par ces ahouach que se terminent ces noces berbères en haut atlas, sous le double signe de la poésie et du rythme à l’état pur. L’ahouach des hommes dure jusqu’à l’aube. Il faut être patient, tant cette musique nécessite tout ce temps pour aboutir enfin à des moment de bonheur et d’harmonie musicale. On ne cessera toute la nuit de rechercher cette harmonie perdue comme une nostalgie musicale. Parfois on y parvient d’autres fois on déplore quelques fausses notes. 

Taslit, tu étais belle comme la lune dans un ciel étoilé

Les tresses de ta chevelure reflètent tes baisés de lumière

Tes dents ont la blancheur des pierres au fond des torrents

Qui contemplera tes grands yeux, si ce n’est le premier amour ?

Qu’il te soit fidèle et t’aime jusqu’à la moert

Que Dieu le préserve de la misère et des chagrins

Qu’il lui donne des fils braves et beaux et le comble de ses bienfaits. 

On persiste ainsi, sous la voie lactée, à interpeller la voûte céleste jusqu’à ce qu’ahouach qui n’est jamais écris d’avance devient enfin lui-même. C'est-à-dire, pure enthousiasme. Jusqu’à ce que le jour se lève enfin sur la vallée heureuse d’Agni.Abdelkader Mana

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11:48 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : musique, haut-atlas | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

07/09/2010

Sur les traces de Jacques Berque

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 Chez les Seksawa du Haut Atlas

Ibn Khaldoun, décrit en ces termes le mont Tichka qui est la source des eaux au pays Seksawa :« Le massif qu’ils habitent fait partie du Deran . C’en est le dôme et le faîte. Il leur offre le refuge d’un château, sans pareil, hauteur aérienne, cime vertigineuse. Il touche de la main les planètes, reçoit  le choc des nuées, donne asile  à la furie des vents. »

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     Le vrai tombeau de Jacques Berque se trouve peut-être ici chez les Seksawa. En tous les cas sa mémoire y reste vivace…A la naissance de ses deux jumeaux, il avait offert une horloge murale à leur sainte Lalla Aziza : elle trône toujours au cœur de son sanctuaire, scandant les heures de prières  le long des saisons et des jours. Visitant les lieux pour un documentaire en 2001, un paysan du cru nous déclarait : « Berque qui gouvernait les Seksawa sous le protectorat aimait les saints et les tolba . Il faisait réciter le Coran à ces derniers et leur demandait quel verset ils avaient récité la veille . Si la réponse est bonne, la récompense l’était aussi. C’est lui qui avait offert l’horloge à Lalla Aziza. » 

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Lalla Aziza ma lumière! C'est vers toi que je viens en pèlerinage!

    Au milieux de ces farouche  montagnes , les gens se souviennent encore de cette fameuse horloge offerte jadis par le traducteur du Coran qui a vécu parmi eux pendant six années à partir de l’automne de 1947, en tant que chef de cette circonscription du Haut Atlas. Temps de réclusion qu’il avait mis à profit pour rédiger son livre sur « les structures sociales du Haut Atlas » au préambule duquel on peut lire  : « J’écris ce livre en collaboration avec les tribus du haut Atlas occidental et surtout avec les Seksawa. Rien de plus farouche, de mieux préserver que ces fils du schiste noire. J’avais, sacrifiant à la coutume, lors de la naissance de deux jumeaux dans mon foyer, Maximilien et Emmanuel offert à la maraboute, l’appareil Suisse qui scande encore, me dit – on , une litanie venue droit de l’obscure passé de l’Atlas »

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Jacques Berque

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Vue de l'intérieur de la coupole de Lalla Aziza

   C’est un passage du kounnach  du Cadi Ibnou Qonfoud , le Constantinois qui séjourna au Maroc vers le milieu du 14ème siècle qui fut pour Berque l’aubaine qui permettait d’aller au – delà de la légende de la bergère devenue sainte. Ce cadi était l’élève du célèbre vizir andalou Lissan Eddin Ibnou El Khatib, lui –même chantre inspiré de la montagne masmodienne. Il visite la région vers 1362 et passe en curieux à la maison d’Ibn Toummert. Dans son livre, ûns el faqih wa îzz el haqîr, il recueille de précieuses notations sur la chaîne du deren qui frappe son imagination et l’atmosphère religieuse du lieu et du temps. Or notre savant Constantinois rencontre Lalla Aziza : 

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L'horloge offerte par Jacques Berque lors de la naissance de ses jumeaux

«  J’ai vu au Maroc, en bordure des Seksawa dans le deren, un endroit appelé el Qihra , la dame princesse, la sainte Aziza, seksawiya . J’ai recueilli sa baraka et m’entretenu avec elle. Elle s’occupait de réconcilier deux groupes importants. Elle avait des adeptes, hommes et femmes, chacune de ces deux troupes s’adonnait à l’ascèse et à la dévotion dans un endroit à part. On montait à Lalla Aziza  une tente du côté des femmes . Nul ne bougeait sans son ordre. Si elle tenait séance publique ; elle ramenait sur elle son voile sans laisser d’interstices par où personne pouvait la voir. Elle était très éloquente dans ses réponses, ses ordres et ses homélies. »

Lalla Aziza apparaît ici avec des traits bien vivants. Elle avait un rôle de résistante dans la siba masmodienne contre les mérinides. La modestie musulmane de son culte, une vocation de conciliatrice, entre groupes de fractions, rôle qu’elle partageait avec un grand nombre de personnages légendaires du sud, une figure nationale protectrice de la montagne contre la plaine.  

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Assif Isaksawen; oued Seksawa

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C’est dans cette montagne « fort sauvage », écrit au 16ème siècle, Léon l’Africain, que les Seksawa « ont coutume de tenir leur bétail trois mois de l’années, qui sont novembre, décembre et janvier.  En la saison de primevère, ils ont du lait et beurre et fromage, et sont gens qui vivent longuement. »     

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Lalla Aziza la sainte, je vous apporte le bois sur mes épaules

Je vous ai puisé de l'eau en une journée chaude!

En raison de sa position médiane , zinit, le village de lalla Aziza  est un passage obligé pour les transhumants qui descendent d’amont en aval, c’est le cas des gens d’Aghbar et d’Assif Ou Gadir, qui y apportent leur musique comme le fleuve y dépose son limon que pour ceux qui montent d’aval en amont ; c’est le cas des Ouled Bou Sbaâ qui de la plaine y montent pour y déposer leur offrandes et leur musique. De ce double mouvement d’aval en amont un habitant de zinit nous dit : « Les Seksawa vivent dans une région montagneuse. En hiver, quand il neige, ils descendent leur troupeau vers la vallée, là où il y a de l’herbage, chez les Oulad Bou Sbaâ, jusqu’à Chichaoua, Imin Tanout. Pour nous c’est le plat pays, azaghar, en berbère. Et quand l’été arrive, on monte vers le mont Tichka qui est frais et verdoyant en été. Quand il n’y a plus de pluie ni de neige, on conduit nos troupeau au sommet de cette montagne. Chaque douar y possède une pâture à part. Tichka se trouve dans une région médiane entre le Sous, Aghbar et les Seksawa. Toutes ces tribus pratiquent la transhumance sur le mont Tichka où il y a de la pâture pour tout le monde. ». 

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La place où se déroule le sacrifice de la vachette au Mouloud

Lalla Aziza est le symbole de l’unité et de l’identité Seksawa comme l’atteste ce chant de l’ahouach mixte auquel nous avons assisté à l’enceinte sacrée même de la sainte des transhumants : 

O Seksawa, nous ne sommes qu’une seule personne

Je cherche le cheval qui m’emmène à lalla Aziza

En l’honneur de qui nous dansons tous !

Par Dieu Lalla Aziza, j’ai pénétré ton enceinte sacrée ! 

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J'aimerai retrouver le ble tel que je l'avais laissé

Que tous les épis soient irrigués d'un côté comme de l'autre

Que pousse l'herbe , que frémissent les marguerites et que fleurissent les terrasses!

Sainte de la transhumance, Lalla Aziza était elle –même une simple bergère d’après une vieille légende que nous relate un habitant de son propre village : « Je vais vous raconter ce que disent les anciens de lalla Aziza. Nos ancêtres disaient que ce sont les Regraga qui lui avaient donné le nom de lalla Aziza. Elle naquis ici – même et dés son jeune âge, elle allait garder les chèvres dans la montagne. Au lieu de rester avec les bergers et de faire paître son troupeau le long de la rivière où l’herbe est belle et abondante, lalla aziza alla tout en haut de la montagne où il n’y a que des rochers. Ces chèvres étaient cependant aussi grasses que celles des autres bergers. Par cela Dieu montrait déjà qu’il avait remarqué cet enfant. Néanmoins la jalousie aidant, le père de lalla Aziza ne tint aucun compte de l’état florissant de son troupeau. Il exigea que son enfant parcouru les parties inférieures de la vallée. Et comme elle continuait à mener ses chèvres parmi les rochers arides, il l’a roua de coups à plusieurs reprises. Un jour alors que lalla Aziza gardait son troupeau au sommet de la montagne où jamais aucune herbe n’a poussé, le père accompagné des gens du village alla la rejoindre et lui reprocha de ne pas suivre ses recommandations. 

- Père ! Répondit l’enfant, voyez vous – même ce que mange mon troupeau ! 

Et le père constatât alors que les chèvres avaient la bouche pleine de blé. A partir de ce moment là, l’enfant fut regardée comme une envoyée de Dieu et chacun l’admirait. » 

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     Certes pour les yeux du cœur, Lalla Aziza est visible de loin dans la plaine. Lorsque des massons du Haouz, du Dra ou du Dadès, juchés sur de grossiers coffrages battent le pisé d’un mur en construction, la mélopée que scande leur effort commence par l’invocation de lalla Aziza tagourramt. Mais cette extension du nom aux litanies populaires du sud ne saurait effacer les profondes raisons qui font du tombeau de la sainte, de sa légende et de son rite, le centre vital des Seksawa. Toute cette  partie du deren est dominée par la figure de l’héroïne. Comment s’étonner que le paysage en soit imprégné ? 

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Le village de Zinit avec au centre la coupole de la maraboute nationale

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   A zinit, il y a soixante dix canounes. Un sixième de la séguia revient à Lalla Aziza avec ses actes notariés. Seuls les héritiers mâles ont droit au tour d’eau. Lalla Aziza dispose également d’une part de tour d’eau, nouba, chez les Douiranes du côté d’Imine Tanoute et dans deux autres endroits du pays Seksawa : l’oued Seksawa et la seguia de Talharcht : 

« Lalla Aziza a beaucoup de propriétés, nous confirme un habitant du village de la sainte. Elle en a à Douirane . Elle possède une séguia avec preuve à l’appui, des dahirs. Elle possède des pieds d’oliviers, d’amandiers. Elle a des propriétés à Wanchkrir, à Aghbar. Lalla Aziza possède beaucoup de biens. » 

    La coupole de Lalla aziza est située au centre de Zinit. Ce nom de Zinit est curieux. On l’explique localement par un impératif ; ce «querellez –vous !». Il y a deux querelles dans la liturgie de  la sainte : un pourchas légendaire autour de son corps, selon un thème hagiographique courant et les coups prodigués au sacrifice du Milâd. Quoiqu’il en soit du nom,le site se décompose comme suit : la zaouia offre un Bab louda, porte de la plaine et un Bab Oudrar, porte de la montagne. C’est bien là l’antithèse entre amont et aval qui domine toute cette vie. Deux grands sacrifices se célèbrent à Lalla Aziza. L’un se célèbre par un calendrier naturiste déjà ouvert par toutes les perceptions de prémices et dont il est en quelque sorte l’acte culminant on l’appelle généralement tigharsiwin, les immolations. Il a lieu le 15 yulyous, le juillet du calendrier julien. L’autre coïncide avec la nativité du Prophète.

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Ô poésie! Que Dieu te vienne en aide quand l'amour n'est plus là!

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  Le culte de lalla Aziza doit retenir l’attention. Une donation testamentaire, wassya de Sidi Âmer stipule au bénéfice de la sainte pour chaque année : une toison par troupeau, la récolte de trois noyers, trois barattées de beurre en mars, l’apport d’un plat de bouillie dûment garnie de matières grasses. Quiconque en mangera le haram fondera dans son corps comme le sel dans les mets. 

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Peut-être qu’à tout prendre, se demande Jacques Berque, tels chants descendent plus profond  dans l’intimité des êtres et des choses. Toute cette réalité de l’atlas nous arrive en effet précédée, et peut-être soutenu de chants. D’où l’intérêt de rétablir le fond sonore si puissant de cette vie. Certes, chez les Seksawa, nous sommes dans le domaine chleuh, et la langue, la facture comme l’inspiration répètent ce que nous entrevoyons de ce lyrisme à la fois étroit et délivré. Un souffle anthologique et familier y règne, exhalant un mince cri de cigale. Mais parfois quelque chose de plus fort y passe : l’accent d’une vieille culture communautaire, lente à mourir.

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Poètes improvisant alternativement au milieu de la place publique

« A la fête du mouloud, raconte un villageois, les Imtdan organisent ici le maârouf et font le sacrifice. Les pèlerins restent ici trois jours. Les gens viennent de tous les horizons. Pour cette raison, ceux de lalla Aziza connaissent la musique de toutes les tribus. Ils connaissent l’ahouach , des Aït Oughbar, celui d’Assif ou Gadir , celui des Oulad Bou Sbaâ. Toutes les tribus viennent ici en pèlerinage pour y sacrifier. Les Imtdan viennent au mois de mars pour un autre maârouf, ils dansent pendant trois jours. »

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Le mont Tichka : balance des eaux, mizân el miyah, le réservoir de la montagne

Un certain pays, voilà ce à quoi réfère au plus serré le nom des Seksawa. De ce pays, l’essentiel est et a toujours été le bassin d’un torrent , assif isaksawen, oued Seksawa. Voici donc un pays s’identifiant partiellement sans doute, mais sûrement à un bassin fluvial. Les vallées du N’fis, d’Assif el Mal, des Seksawa divergent toutes d’un même château d’eau : le massif du Tichka. Le marabout de Tassaft compare ces bassins fluviaux suspendus à la crête à des outres dont les hauts contons sont les pattes. Le Tichka, dit-il est la balance des eaux, mizân el miyah, le réservoir de la montagne. L’existence des seksawa ou Seksawen est attestée depuis huit siècles au moins dans la même vallée du Haut Atlas. A ce nom maintenant se reconnaissent entre elles et se distinguent d’autrui une dizaine de communautés groupées dans ce bassin fluvial. Le périmètre de terre que les Seksawa couvrent est resté à peu près fixe depuis le 12ème siècle, date des plus anciens témoignages écrits. Il s’agit là des plus vieux sédentaires du Maghreb.

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Ce haut lieu géographique et pastoral est aussi un haut lieu de l’histoire berbère : c’est vers 1125 qu’Ibn Toumert, s’installe à Tinmel à une journée de marche au Nord – Est de Tichka. Pour Robert Montagne, « le cœur de la Bérbérie ne bât pas à Tinmel, mais au Tichka et à Lalla Aziza, où des hommes courageux ont veillé à sauvegarder le patrimoine berbère. »  

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Musicalement, les Seksawa répartissent leur territoire en trois parties :

Tout en haut de la montagne, du côté des Aït Haddou Youss et du Tichka ; c’est le domaine de la danse du bélier ; celle des Tiskiwin. Ce sont les Seksawa n’oufella, les Seksawa du haut . Tout en bas de la vallée,les Seksawa n’ouzddar, du bas, connus pour leur ahouach avec la tara comme principale instrument de musique. Enfin lalla Aziza tient une position médiane, touzzoumt , une sorte de carrefour culturel, un aimant spirituel qui attire vers lui les pèlerins venus d’horizons lointains, offrir leur musique parmi les offrandes. Si bien que les villageois entourant la maraboute maîtrisent plus de danses et de chants que tous les autres villages Seksawa.           

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    La production poétique et musicale s’inspire du double mouvement plaine – montagne de la transhumance et d’une vie agricole qui dépend plus de la fonte des neiges du mont Tichka et d’une irrigation fondée sur les tours d’eau que des précipitations pluvieuses proprement dites : 

Je me mets sous la protection de ton enceinte sacrée

Lalla AzizaBihi où fleuri le henné

Que fleurisse le henné !

Grande sainte lalla Aziza

Tu es la rigole qui irrigue nos terres assoiffées

Je t’ai apporté le bois sur mes épaules

Je t’ai puisé de l’eau un jour de grande chaleur

Que pousse l’herbe, que fleurissent les rigoles !

Nombreuses celles que le berger mène au pâturage

Et qui n’en n’étaient ni dévorées par le loup

Ni mortes sans sacrifice

C’est auprès de toi que je puise mes lumières

Quand surviennent les ténèbres

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Ce type de compétition chantée est spécifique aux transhumants du Haut Atlas ; plus précisément à ceux d’Aghbar. On retrouve ce type d’ahouach à base de compétition chantée chez toutes les tribus du haut atlas, tels les Ghojdama et les Glaoua. Ce type d’ahouach se distingue sur le plan instrumental par l’utilisation du grand tambour appelé « Ganga », par référence à ses origines africaines. De l’austère montagne de schiste noir se dégage finalement l’impression d’une vie spirituelle nourrie de contrastes et puisant dans la vivacité de ces populations une vive ferveur. Abdelkader Manaabdelkader.JPG

 

 

 

19:06 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : musique, haut-atlas | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

01/09/2010

Le pays Haha

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La flûte enchantée du pays Haha

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Qu’elle soit la bienvenue

Celle qui apporte le bien à nos maisons

Celle dont les épousailles sont célébrées

Par la danse de toute une montagne !

                  Chant nuptial du pays Haha

 En l’an de grâce 2003, nous avons assisté à une fête donnée par Bouhaddoun (littéralement « le porteur de burnous »), le grand notable des Aït Zelten, qui y possède quelques mille hectares, domaine appartenant jadis au caïd El Haj Abdellah ou Bihi, mort pour avoir nouer au 19ème siècle des alliances douteuses avec la Maison d’Illigh dans le Sous. Bouhaddoun est centenaire mais toujours bien portant se réveillant avant que le soleil ne se lève sur la vieille citadelle qu’il avait héritée du grand caïd des douze tribus  Haha :

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« Le jardin que vous voyez derrière moi appartenait jadis au caïd el haj Abdellah Ou Bihi. Il l’avait entouré d’un rempart en pisée . Dans ce jardin pousse un oranger vieux de cent cinquante ans qui continue pourtant à donner des fruits. Dieu a voulu que j’hérite de ce jardin où coule des sources et de cette Maison de ce grand caïd. Au départ les parents de ce dernier étaient des bédouins venus du Sahara. Ils nomadisaient avec leur tente. Leur arrivée à Azaghar avait coïncidé avec le maârouf d’un agourram (saint berbère) dénommé Sidi Lahcen Bouchta. Ils ont demandé l’hospitalité de Dieu et on les a conduit au lieu dit Bifaren. C’est là qu’ils se sont établis. L’une de leurs femmes, en allant puiser de l’eau, en ramena plutôt de l’or. Son mari, le fqih Moulid a connu à partir de là une grande notoriété au pays Haha, en tant que mage capable de transformer les grains de maïs et de blé en louis d’or. On a alors voulu mettre à l’épreuve ses pouvoirs surnaturels et son courage d’homme de guerre avant de lui confier le pouvoir suprême sur toutes les tribus . A l’époque, le pays connaissait les troubles de la siba . Les tribus qui se disputaient depuis fort longtempd  se rencontrérent à Aït Daoud au moussem annuel de Sidi Saïd Ou Abdennaïm. Celui – ci leur avait dit que c’est celui qui domptera la jument rebelle qui deviendra le chef de toutes les tribus. Il l’enfourcha aussitôt et parvint effectivement à la maîtriser. En voyant qu’il était parvenu à ses fin on ordonna au Berrah (crieur public) d’annoncer sa proclamation en tant que caïd de toutes les tribus, mettant ainsi fin à leurs dissensions incessantes . C’est ainsi que le choix du fqih Moulid, le mage des tribus, fut arrêté puis consacré par la suite par décret  Royal . Son fils  Abdellah Ou Bihi qui lui succéda a pu commandé aux douze tribus Haha et aux trente six tribus de Sous. »

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Cap Sim est la pointe la plus avancée du pays Haha dans l’Océan Atlantique.  En traversant ces parages habités par de vieilles tribus sédentaires dont le territoire s’étendait de l’Océan au pied de l’Atlas,  Pline l’ancien notait  qu’« entre le littoral et l’Atlas, vivaient les Gétule Autolole. Quant à l’Atlas lui-même, sous des reines arrosées où poussent des fruits merveilleux, il ne semble pas pendant le jour receler d’habitants mais la nuit au contraire, il se couvrait de feux, les Agipans et les Satyres s’y livraient à leur danse tandis que les flûtes, les bruits des tambours et des cymbales remplissaient mystérieusement l’air de leurs accords et de leurs fracas. » 

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Pour le Raïs Belaïd, l’aède des troubadours de Sous, l’esprit de la musique et du chant qu’on appelle hawa au pays Chleuh serait né de la flûte enchantée du pays Haha. C’est l’air du pays de l’arganier, du vent et de la mer.

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Nous rejoignons le bord de mer et nous passons à la zaouia de Sidi Kaouki qui a plutôt l’aspect d’un village aggloméré dont la koubba du saint se trouve enfermée dans les constructions bâties sur le rocher, que la mer vient battre à marée haute. Pour les Ida Ou Madda, Sidi Kawki est un lieu de pèlerinage où on organise le maârouf pour la première coupe de cheveux du nouveau – né. Par ce rite de passage, on met l’enfant, pour ainsi dire, sous la protection du marabout de la mer. Ce pèlerinage est marqué par un sacrifice, un repas communiel et une danse collective de l’ahouach

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Comme pour la musique , il y a un hameau spécialisé dans le tamtil , le pré – théâtre :  Hmad Mach,  toison de mouton du sacrifice en guise de barbichette blanche,  grosses lunettes sur le nez , le crâne couvert d’un gros bonnet de laine, tient un vieux araire d’une main le fouet de l’autre, s’efforcant de mettre en branle dans la rectitude sur le bon sillon du laboureur un attelage d’hominidés retors ! Il est  bientôt rejoint par Batoule, un homme déguisé en femme, à qui il ordonne de semer un champ rocailleux en répétant « Dites – lui, ô mon cœur, dites – lui ! » Mais tout semble aller de travers ; l’attelage comme la semeuse. Il suspend alors ses travaux et fait mine de sortir de sa vieille besace un minuscule carnet dont il se met à lire illico le contenu avec de grandes gesticulations à l'appui de ses affirmations hasardeuses :

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-  Ceci est ma propriété foncière : elle est délimitée à l’Est par la mer. A l’Ouest par la mer. Et au milieu par la mer ! Grâce à toi, Sidi Kawki, elle est toute  océane ! Et puis nous finirons tous par être emportés par la mer!

 C’est dire qu’il n’a pas une once du lopin de terre ! A l’issue d’une danse burlesque  avec sa Batoule  il se prête volontiers à l’aléatoire exercice de l’interview :  

 « De mon véritable métier, dit- il, je suis marchand de soupe (harira). J’avais laissé tomber le métier de mon père pour celui de ma mère ! Au souk du mercredi, larbaâ des Ida Ou Gord, je vends la harira d’ici – bas et à celui du dimanche, Had dra, je vends la harira de l’au – delà ! Ma rencontre avec les comédiens m’a beaucoup appris. Cela fait longtemps que j’ai monté ma propre troupe ! »

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  Au pied du mont Amsiten, les salines d’Azla et d’Ida Ou Azza ont toujours alimenté en sel gemme  d’immenses contrées jusqu’aux profondeurs de l’Atlas à l’Est et au Sahara à l’extrême Sud. Transporté jadis à dos de chameaux, l’exploitation du sel connaît maintenant un embryon de mécanisation. Les paysans complètent ainsi leurs maigres ressources en extrayant le minerai de sel gemme ou en jetant leurs filets aux criques désertes et sauvages qu’on appelle afettas (port en berbère) : celle de taguenza, au sud de cap Sim, de tafelney et imsouwan plus au sud. Une pêche artisanale et aléatoire où au sortir de l’aube à marée basse, le paysan - pêcheur découvre parfois dans ses filets de frétillantes crevettes grises si ce n’est une grosse prise de loups, de dorades ou de  turbots !

 Raïs Mazoz , vit pour sa part de la coupe de bois de thuya :

« C’est dans la forêt,  que j’ai commencé à jouer de la flûte (aouada en berbère)derrière mon troupeau.. J’ai débuté tout enfant, puis en participant aux fêtes de mariages .On veillait jusqu’à l’aube. Au mois de mars il y avait un moussem à la timzguida du mont Amsiten. Les hommes s’y livraient aux danses d’ahouach tandis que les femmes extrayaient de l’outre des barattées de beurre des premières prémices du printemps. Ils festoyaient ainsi jusqu’à tard le soir et à l’aube redescendaient vers la vallée . »

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Au loin l'heureuse vallée de Tlit, vue d'en haut du mont Amsiten

Au plus haut sommet du mont Amsiten se déroulait un rituel de renouveau pastoral, en tout semblable à celui de la zaouia de Sidi Belkacem au flanc du mont Toubkal. Il est intéressant de relever que cela se passait au lieu dit timzguida (la mosquée en berbère) qui a donné Tamuziga, l’antique toponyme de Mogador.

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"Le poète et la hotte sont semblables,

personne n’en veut s’il n’y a pas de pluie et donc de récolte. »

Andam Ou Adrar, le compositeur de la montagne

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C’est dans les dits d’Andam Ou Adrar, le compositeur de la montagne, ces amerg, porteurs de la nostalgie  berbère, que puise aussi bien le chansonnier à la recherche du beau que le fellah à la recherche d’une sagesse. Si vous parlez  tachelhit, écoutez les conversations parfois animées qui se déroulent dans ces cafés maures du souk – où l’on boit le thé à même la natte de jonc – vous ne pouvez éviter de noter que l’un des interlocuteurs, pour appuyer ses affirmations, ou pour trancher une question ; recourt souvent à cette formule : « Ainsi parlait Andam Ou Adrar ». Il est le Zarathoustra berbère habitant les hauteurs de l’Atlas. Cette forêt magique où l’on trouve aussi bien des grottes que des amas de pierres sacrés. Cette forêt immense n’est point anonyme pour le berger qui en connait tous les recoins à qui il donne des noms. Pour compléter son repas frugal, il connait toutes les plantes comestibles et les nomme de métaphores à la frontière de l’animisme et de la poésie : amzough n’tili(oreilles de brebis), irgal(cils des yeux), ibawn n’taghzount (fèves d’ogresse), oudi imksawn (beurre des bergers), etc

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Colombe blanche allez-y jusqu’à Imgrad

Mais ne trainez pas trop dans la forêt

Craignez l’aigle au pantalon et à la bague d’or !

«  Amerg et Tiît » : nostalgie et flûte de roseau.

Le Raïs Mazoz, nous relate le sacré et les sacrifices en rapport avec la  touiza , cette entraide entre lignages que connaissent les moissons et les récoltes d’arganier : « A la touiza des moissons, on sacrifie un bouc. Tout le monde se réunit pour moissonner. Tandis que les femmes préparent le repas, les musiciens – poètes devancent les moissonneurs. Et à mi – journée, pendant la pose repas, les moissonneurs écoutent les troubadours et les flûtistes jouer pour eux. C’était la même chose pour la tuiza de la récolte du fruit d’argan. »

« Aujourd’hui, tous les moissonneurs sont en fête

Nous aimons la tuiza et tout ce qu’elle amène

Le tablier sur la poitrine, la faucille à la main

Que l’homme à la faucille aiguisée nous précède

Et que le maladroit nous succède

Coupons l’épis et pour la vaine pâture laissons la tige ».

Chant de moissonneur.

Dans un autre chant, l’activité des moissonneurs devient une simple métaphore pour désigner autre chose : la tige de blé symbolise la jeune fille, les oiseaux sont les bergers qu’elle rencontrait avant son mariage et les hyènes les amants qu’elle a après son mariage. Quant à la graine, dans cette société qui valorise la virginité ; elle symbolise l’hymen :

Dés qu’il voit les fleurs mûres de leur fruit

Il va chez le moissonneur et lui fait des avances

Mais au jour de la moisson, la tige était sans graine :

Les oiseaux l’ayant dévoré ne laissant que la paille.

Aux filles de notre époque, n’exigeons pas trop de pureté.

Que Dieu te vient en aide, toi qui veux les emporter !

Au grand jour, elles seront la proie de l’hyène

Si leur mariage était forcé…

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Le Raïs Mia (djellah rouge) dans un café maure d'Imin Tlit

Le plus grand flûtiste du pays Haha, le Raïs Mia, avait commencé lui aussi , comme simple berger. En effet, sur le marché de la cassette, le meilleurs flûtiste du moment est un berger qui vit sur la colline de Taourirt,à la lisière du mont Amsiten et non loin d’Imin Tlit : « C’est en 1956 que j’ai commencé à jouer de la flûte. C’est dans cette montagne, en tant que berger, que j’ai appris à jouer de la flûte et ce jusqu’aux années 1960. Je jouais souvent de la flûte avec mes amis en emmenant le troupeau sur la montagne. A force d’y souffler nous avons fini par en maîtriser l’air musical. C’est la flûte qui me tenait compagnie une fois que tous mes amis étaient partis, Mon maître était originaire des Neknafa. Je l’accompagnais aux fêtes de mariage. Il était mon initiateur. Il m’avait même confectionné ma flûte. Je percevais un petit pécule en l’accompagnant musicalement. Et quand il a vieilli, il m’a légué cet art en me disant :

- Tu seras meilleurs flûtiste que moi !

 Depuis lors, je me suis mis à animer les fêtes de mariage. Par la suite, à Agadir, j’ai enregistré une cassette. Je ne suis pas seulement musicien, je travaille aussi l’agriculture, l’élevage. Je vis de la récolte de l’amandier, de l’arganier et d’autres ressources. »

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Pour ceux qui veulent contracter mariage, la forêt et les points d’eau sont les lieux privilégiés de rencontres galantes avec les jeunes futures souvent chargées de la corvée du bois et de l’eau comme le soulignait dans l’une de ses chansons le regretté Omar Wahrouch, l’un des premiers trouveurs chleuhs à voir son répertoire gravé sur 33 tours :

J’allais du côté de la source

Quand j’entendis s’entrechoquer les bracelets

Ce cliquetis sonne plus cher et plus profond que toute cloche

Et ma belle qui passait par là de rejeter toute avance

Par de dédaigneuses et farouches admonestations :

Eloignez – vous, disait – elle,

Mes proches peuvent nous surprendre et nous condamner.

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les  Ait OUMAGHDOUSS : ces  "Almaghouss" que visita au 11ème siècle le géographe El Békri, lors de son passage par Imin Tanout en allant vers Tombouctou.De cette terre austère et fauve, déjà les voyageurs des temps antiques, pouvaient entendre flûtes et tambours,

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Selon une vieille légende, la flûte du berger serait née au pays Haha.

  Alors que la pratique instrumentale requiert une spécialisation et que le chant du Raïs relève de la créativité du poète, le chant traditionnel est pris en charge par toute la communauté. C’est le cas des chants nuptiaux. Ces mariages sont beaucoup plus des alliances entre lignages qu’entre individus. Les échanges matrimoniaux sont souvent réciproques et non unilatéraux : s’ils renvoient notre sœur, on leur enverra la leur. Une femme divorcée a très peu de chance de se remarier. Elle devient non seulement une charge pour sa famille, mais encore une malédiction qui peut apporter le déshonore.

 

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.Le chant nuptial du crû ne dit-il pas :

 O frère de la mariée, soutiens ces souliers !

Dresses – toi ma fille comme la canne au bord de la rivière

Montes ma fille, monte vers les hauteurs

Accompagne ceux qui vont là – haut

Ne pleures pas ma fille, ne pleures pas

Il y a ici ton père, ici il y a ta mère

O mon Dieu ! Élargissez vos biens pour ma sœur !

 Nous prenons le chemin qui nous mène à la maison de nos hôtes

Comme la vie sera facile, si les gens sont généreux

C’est notre colombe sauvage que nous vous offrons

Mais c’est pour qu’elle soit libre que nous lui ouvrons les portes

Que le châtiment lui soit épargné

 Qu’elle soit la bienvenue

Celle qui apporte le bien à nos maisons

Celle dont les épousailles sont célébrées

Par la danse de toute une montagne !

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En raison des rencontres des troupes que permettaient les fêtes de prestige du temps des grands caïds, à la danse locale d’ahouach s’est ajouté une empreinte musicale issue de la montagne. Mais il ne s’agit jamais d’une pure transposition : l’empreinte culturelle connaît aussi bien des altérations au niveau instrumental que vestimentaire : la danse du bélier jouer par les Aït Oumaghdouss y perd sa corne  . Il faut remonter au mont Tichka, dans l’Atlas, pour retrouver la danse du bélier, celle de Tiskiwin, dans sa pureté première. Au fur et à mesure qu’on quitte les forêts de la montagne vers les rivages océanes de la plaine, la danse du bélier perd de sa vigueur, en passant par les hauts plateaux d’igrounzar avant de s’éteindre aux rivages d’Ida Ou Madda et à l’embouchure de l’oued ksob pour devenir méconnaissables en arrivant au bord de la mer.

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Il est assez curieux que sont toujours des tribus – frontières qui excellent en musique : c’est le cas des Aït Oumaghdouss, tribu charnière entre les Haha et les Mtougga, à la lisière du Haut – Atlas. C’est le cas aussi des Hraoula qui sont à cheval entre les Haha berbérophones et les Chiadma arabophones. Se trouvant à la lisière du pays Chiadma, les Hraoula berbérophones ont subi l’influence de leurs voisins arabophones les Hamoules et  les Ziatines, aussi bien sur le plan linguistique que musical : ils sont à la fois d’excellents danseurs de l’ahouach, en tant que fraction de tribu Haha et joue et chantent en arabe, le genre houari, qu’ils avaient emprunté à leurs voisins les hamoules et les ziatines, à l’occasion de mariages mixtes. Leur position frontière permet à ces tribus une grande ouverture sur l’autre et donc un enrichissement de leur répertoire par des empreints venus d’ailleurs.

 

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     Après les somptueux ahouach donnés à l’ancienne kasbah d’Azaghar du caïd el Haj Abdellah ou Bihi, nous rejoignons au pays Neknafa, la grotte d’Imine Taqandout. Il est certain qu’on se trouve là en présence d’une curieuse survivance : le culte des grottes. Il semble bien que cette grotte ait été jadis, dans les temps forts reculés une habitation troglodyte. C’est ce que laissent croire dans le voisinage d’autres grottes – troglodytes. La pièce qui se trouve au fond de la grotte sert à ceux qui viennent pratiquer ce que les Arabes appellent l’Istikhâra. Cette Istikhâra  n’est autre que l’incubation de l’antiquité classique qui se trouve chez les peuples les plus divers. C’est une pratique qui consiste à dormir dans un sanctuaire pour recevoir de la divinité, pendant le sommeil des réponses à une question pressente, des indications sur la conduite à suivre dans des conjonctures difficiles. Mais surtout pour y être instruit des moyens de se guérir d’une maladie.

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    L’incubation antique se pratiquait dans des grottes à caractère sacré. D’après l’opinion courante, la caverne doit son caractère sacré à la présence d’une sainte qui est enterrée là et qui est précisément Lalla taqandout. Lors de notre visite, nous y avons rencontré un paysan qui est venu y sacrifier avec sa famille :

« Je suis venu en pèlerinage à cette grotte, nous dit –il, parce que ma femme ne se sentait pas bien. Ce sont les gens qui m’ont conseillé de l’amener à cette grotte d’Imine Taqandout .Par la grâce de Dieu, elle a été guérie en arrivant ici. Chaque année, elle vient en pèlerinage et y sacrifie. Depuis lors, je rends grâce à Dieu, que ce soit pour elle ou pour mes enfants. Ceux qui sont possédés ^par les djinns passent quinze jours dans la grotte et Dieu leur accorde sa guérison. Il y a même ceux qui sont paralysés, qui ne peuvent plus marcher qui viennent de Casablanca et d’Agadir. Après que Dieu leur accorde sa guérison, ils rentrent chez eux. Les gens y viennent le Dimanche et en repartent le mercredi. De cette  grotte nous allons nous rendre en pèlerinage à Sidi M’hand Ou Slimane tout proche. » (Il s’agit de Sidi Mohamed Ben Slimane El jazouli).

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     Grottes, sources et arbres sacrés sont indissociables d’une magie agraire dédiée à la renaissance du printemps et de la vie. Chez les Neknafa, il existe un arganier géant, un arganier sacré, le seul épargné par la coupe depuis deux cent ans : c’est argan lalla âbouch qui est doublé de la zaouia. Au début de l’année agricole, on y organise un maârouf avec sacrifice dédié à cet arganier sacré. La zaouia est en fait un transfert d’un ancien rite dédié à l’arbre de vie, l’arganier sacré. Selon un paysan du pays Haha, un arganier devient sacré parce qu’un saint se serait reposé à son ombre. Dés lors, on ne peut plus le couper et on l’appelle au nom de ce saint. A Ida ou Madda par exemple , nous avons un arganier qui porte le nom de Sidi Ahmad oulhaj et quand les poussins venaient à éclore , les femmes en réservent un pour l’arganier sacré, une fois devenu coq. C’est surtout quand la pluie tarde à venir ou quand il n’a pas plu à temps que les femmes se réunissent , préparent une bouillie d’orge tendre, l’aâssida, et se rendent auprès de l’arganier sacré pour puiser de nouvelles énergies de racines profondes qui lui confère des qualités de résistance à la sécheresse, qui en font un arbre sacré. Il est vrai aussi, qu’il est le seul arbre à pousser tout seul, ce qui lui confère sa part de mystère.

Abdelkader Mana 

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13:58 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : musique, haut-atlas | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook