27/06/2010
Georges Lapassade
Sadya Bayrou
Sous le signe de la transe
Ce chant, ces grands tambours et ces cymbales d’or !
Georges Lapassade
Larbi Slith
Les flammes intérieures et leur mystère de Sadya Bayrou
Par Abdelkader Mana
Ma première rencontre avec Georges Lapassade remonte à la période où il enquêtait sur Ben Sghir pour répondre à une double commande : celle du caïd Bassou de la division économique et sociale de la province d’Essaouira, qui voulait publier les travaux du colloque de musicologie (1980-1981)dont les actes sont parus par la suite dans la revue Transit de Paris-VIII, sous le titre Paroles d’Essaouira. Il s’agissait aussi de répondre à la demande de son ami Dominique Bedou, petit éditeur de poésie qui voulait publier un recueil sur la poésie d’Essaouira en tant que « carrefour culturel ».
Sadya Bayrou
J’enseignais alors au Lycée Akenssous de la ville. Un jour, au tout début des années 1980, le proviseur m’invita à une réunion prévue vers 16 heures à la Chambre du commerce, entre Georges Lapassade, et les connaisseurs du Malhoun de la ville. La réunion était provoquée par Georges qui enquêtait alors sur Ben Sghir. Il comptait ainsi sur la dynamique du groupe pour faire avancer sa recherche.
A l’origine de cette enquête, un article où Hachmaoui et Lakhdar, résumaient la qasida de Lafjar (l’aube) de Ben Sghir sans donner le texte. C’est après cette réunion que Georges m’embarqua dans l’enquête sur les traditions poétiques et musicales d’Essaouira et sa région qu’il menait à l’issue du premier festival d’Essaouira « la musique d’abord » (1981-82). Une fois à Paris il me faxa ce qui suit :
« Ce qui choquait mon esprit de cartésien, y écrivait-il, c’est que nous avons découvert que le cahier d’un certain Saddiki (grand’père du prof. d’histoire du même nom) qu’il avait exposé au Musée et « commenté » était daté en réalité de 1920, et non de 1870 comme ils prétendaient, tirant argument de cela et du contenu du cahier, pour inventer une sorte de pléiade poétique souirie qui aurait eu pour mécène vers 1870, à Essaouira, Moulay Abderrahman ! C’est cela que je contestais beaucoup plus que l’origine souirie de B.Sghir. En effet, ce cahier contenait des qasidas diverses, recueillies (peut-être) par le grand-père Saddiki au cours de ses voyages à Marrakech qui du coup devenait souiri ! Etant donné l’impossibilité d’avancer à Essaouira, j’ai fini par me décider d’aller consulter à Marrakech Maître Chlyeh, animateur d’une sorte d’Académie du malhoun. Il m’a fort bien reçu, bien informé et je crois (sans en être sûr) que la version de Lafjar que j’ai ensuite diffusé à Essaouira venait de lui »
Sadya Bayrou
Toute la démarche de l’enquête ethnographique de Georges Lapassade réside dans ce texte : alors qu’il demandait des informations sur Ben Sghir, au bazariste Ben Miloud, celui-ci était assis sur un vieux coffre qui contenait plein de qasida, dont celles de Ben Sghir ! C’est pour contourner cette rétention d’informations, ces réticences locales qu’il se voyait obligé de se rendre à Marrakech pour obtenir la fameuse qasida de Lafjar (l’aube) ! Lors de cette enquête sur les paroles oubliées d’Essaouira, Ghorba le cordonnier d’Essaouira, refusait lui aussi de transmettre le contenu de sa « khazna »[1] à Georges Lapassade jusqu’au jour où après sa mort, sa vétuste boutique de cordonnier s’effondra engloutissant à jamais sous les décombre, tout le trésor poétique qu’il conservait si jalousement.
Sadya Bayrou
« Lafjar » (l’aube)
De Mohamed Ben Sghir
En participant ce printemps 2009 à Essaouira au colloque de musicologie de la deuxième édition du festival du Malhûn, les musiciens de la ville m’ont parlé d’une seconde mort de Ben Sghir avec la disparition de Georges Lapassade, son découvreur. C’était une flamme qui s’était éteinte. C’est à Georges Lapassade en effet, que revient, le mérite d’exhumer et de diffuser « Lafjar » (l’aube), la qasida de Mohamed Ben Sghir, le poète du melhûn d’Essaouira, qu’on avait retrouvée dans un cahier daté de 1920 :
Vois le ciel au-dessus de la terre, source de lumière
Les habitants de la terre ne peuvent l’atteindre
Vois Mars, toi qui es indifférent
Sa beauté apparaît au monde clairement
Vois Mercure qui vient à toi, ô voyageur
Au dessus du globe, de l’ignorance étonnante
Vois Neptune qui illumine les déserts
Il a mis dans la création, le riche qui a tout.
Vois Saturne qui vient visiblement vers toi
Au-dessus des sept du secret parfait
Guerre des hommes, ô toi qui dort,
Vois le mouvement des astres
Ils ont éclairé de leur lumière éclatante, les ignorants.
Et sache la vérité si tu veux être pur
Lafjar (l’aube) qui t’advient d’une science illuminée
Prends ô toi qui m’écoutes Yabriz et Nikir
Celui qui règne sur le plus rusé des loups
Celui qui répond très vite au défi
Doit protéger les fauves
Est-ce que le hérisson peut aller à la guerre contre l’ogre ?
On connaît l’aigle parmi les faucons
Il craint le moindre bruit et les fauves au sommet des montagnes
En passant par les grottes Bendir Telemsani et son beau cortège
Dites à celui qui n’est ni faible ni vantard
Que Mohamed Ben Sghir est une épée dégainée.
Sadya Bayrou
Le mercredi 13 mai 2009, j’écris à Céline Cronnier :
Je suis depuis quelques jours à Essaouira pour participer au colloque sur le Malhûn - une tradition instituée par Georges au festival de 1980. Je participe par une communication sur le poète Ben Sghir, "une énigme" sur laquelle Georges avait enquêté à Essaouira pendant de nombreux étés.
Je vous écris sans accent; parce que le clavier n’en contient pas; mais aussi parce que je n’en n’ai pas pour raison d’émotion: au colloque sur le malhûn, tout le monde était stupéfié par la beauté céleste d’aurore de Ben Sghir que Georges avait aidé à exhumer et à traduire! Les autres intervenants qui ont utilise la "langue du malhûn" entaient inaudibles et sans voix parce qu’ ils ont parlé dans une langue morte et inusitée depuis longtemps: seuls les chanteuses lui rendent vie; arrivent à en communiquer le sens oublie: c est donc Georges qui avait rendu vie à Ben Sghir en le faisant traduire en une langue vivante et moderne comme le français! Il faut que les gens comprennent que les manuscrits du malhun _ que les khazzanes(leur conservateurs) tiennent jalousement dans leurs counnaches (cahiers dissimules dans de vieux coffres) sont les seuls inities capables d’en déchiffrer le sens: Georges avait donc aidé à faire parler un poème cosmique écrit dans une langue morte; lui qui est féru de Paul Valery : il était capable de me réciter de long poèmes de ce fiévreux penseur français tout le long de la plage...
Sadya Bayrou
C'est incroyable ! Me répond Céline Cronnier, le même jour. Ce qui est incroyable ? Cette "énigme", dont vous me parlez, j'en prenais connaissance tout juste hier ! Hier que vous étiez à reprendre le fil de l'enquête là où Georges l'avait laissé...Oui, hier en effet, j'étais à lire le "Journal de la réforme des DEUG", tenu par Georges de septembre 1984 à juillet 1985... Soudain, un passage fort me frappe... suffisamment pour que j'en rêve dans mon sommeil...
"27 février. Hier soir, en rentrant à Paris, je réfléchissais à la "recherche". Je ne me sens autorisé à faire usage de cette expression que pour désigner mon enquête d'Essaouira sur la chanson, en 1981. Ce n'était certes pas une "recherche scientifique" : je n'avais aucune compétence pour engager une telle recherche, je ne connaissais ni le vieux dialecte poétique local, ni sa graphie. Je ne connaissais rien non plus en matière de chant andalou, ni les formes, ni les rimes, ni les thèmes consacrés.
Sadya Bayrou
C'était pourtant une recherche : recherche d'un poème perdu, "Lafjar", de Mohamed Ben Sghir, tout en sachant déjà que lorsque je l'aurais retrouvé, je serais incapable de le lire, de le traduire, de le comprendre. Plus j'avançais dans mon enquête, plus les portes se fermaient, plus les gens devenaient hostiles, plus ils mentaient et brouillaient les pistes. Et plus je devenais obsédé, par le fantôme de Ben Sghir : ce poème perdu me fascinait par son absence, par sa perte (alors qu'il se trouvait, mais je l'ai su trop tard, dans le coffre d'un antiquaire chez qui j'allais chaque jour pour le supplier de m'aider à recomposer ce poème perdu.)
Il y avait là quelque chose d'excessivement douloureux, comme une "obsession" au sens fait à ce mot par les théologiens de l'exorcisme. Cette douleur naissait de l'obsession elle-même, de ce fantôme de poète oublié qui me fait courir, dans l'hostilité grandissante de la ville ; j'aimais cette ville et je croyais en être aimé. Mais mon enquête me montrait jour après jour, qu'elle ne m'aimait pas, et qu'elle n'aimait pas non plus son passé, ses poètes. Tout cela lui était indifférent."
J'ai passé la nuit à errer, à rechercher avec angoisse ce Mohadmed Ben Sghir dont j'ignore tout. et voilà qu'aujourd'hui, qu'à peine sortie de mon errance, vous m'écrivez son nom !
Sadya Bayrou
J’ai maintenant les mêmes problèmes de traduction avec les chants des femmes(les haddarates) que jadis avec les chants oubliés du malhûn, mais je suis tellement content de retrouver en plus complets leurs chants de mariage dont j’avais recueilli des lambeaux à l’aube des années 1980; lors de ma première rencontre avec Georges où ce dernier m’avait embarqué à son enquête sur la "Parole d’Essaouira' (en tant que parole sociale s’entend). Je me rends compte maintenant à quel point mon enquête d’alors était larvaire; mais je suis content de voir a nouveau fonctionner le dispositif de recherche que Georges avait installe il y a déjà si longtemps. Non seulement cela, mais cette enquête ressuscitée m’a permis de retrouver vivace les souvenirs de Rbatia une amie de ma mère; morte il y a déjà fort longtemps - au milieu des années 1970- que j’aimais beaucoup et dont l’image me hante toute ma vie sans savoir pourquoi ? Or hier les haddarates m’ont appris que ce fut une des figures emblématiques qui ont émaillé leur histoire secrète et qu’en plus, elle était sage-femme. Je suis maintenant convaincu que c’est elle qui avait aidée ma mère à me mettre au monde! Elle était en fait ma seconde mère et je la chérissais pour cette raison sans le savoir...Cette en- quête s’est révélée comme une nouvelle naissance pour ma propre mémoire; une sorte de re-naissance de Rbatia; de ma mère; de Geeorges; mais aussi de ma mère nous apportons à moi et à Georges le thé et les gâteaux lorsqu’au salon de chez nous il m’aidait à mettre en forme mes contributions à son enquête.
Sadya Bayrou
Selon Rabiâ haïl, dont le grand père maternel, Ba-Zaïd, était le moqadem des Aïssaoua d’Essaouira dans les années 1950 :
« Rbatia était la grand-mère de toute la ville. Elle était à la fois sage-femme et moqadma de la zaouïa du Hadi Ben Aïssa. Au Mouloud, on y organisait un moussem où se retrouvaient les Aïssaoua et où étaient également conviés les Hamadcha.. Après le sacrifice, on offrait tête et tripes à la moqadma. Au troisième jour des festivités, arrivaient les haddarates. C’était la moqadma qui organisait la hadhra. »
Cette enquête s’est révélée comme une nouvelle naissance pour les" paroles oubliées d’Essaouira"...
Sadya Bayrou
Latifa Boumazzourh qui a maintenant 54 ans, se souvient encore, qu’à l’âge de quatre ou cinq ans, elle tenait le bendir recouvert de tissus de sa grand-mère , qu’elle accompagnait à la zaouïa des Aïssaoua où la hadhra se déroulait jusqu’à l’aube : elle me cite comme Haddara, entre autre la femme de Moulay Omar le célèbre hautboïste des Hamadcha, et Fatima Kit-kit, que j’ai connu au début des années quatre vingt lorsque j’enquêtais sur le chant des femmes, à l’instigation de Georges Lapassade. Elle résidait à derb adouar , une sombre impasse qu’évoquait le rzoun , le chant oublié de la ville :
Ô toi qui s’en vas vers Adouar
Emporte avec toi le Nouar
La rime est un jeu de mot entre « Adouar » (le nom de la sombre impasse supposée cacher les belles filles de la ville) et le « Nouar » (le bouquet de géranium et de basilic).. Au début des années cinquante, le souvenir était encore vivace du tournage d’Othello par Orson Welles à Mogador. Le soir on le voyait souvent méditer sur la grande place du syndicat d’initiative. Dans le film, on reconnaît surtout « Tik-Tik » avec son luth au pied des remparts de la Scala de la mer. Sa mère m’avait récité un chant de femme où il est dit :
Sadya Bayrou
Pourquoi je suis partie et pourquoi je revienne ?!
Aux pays lointains chacun me médit
Que le chemin est long, les chameaux sont fatigué
Mais mes pas continuent à le parcourir...
La qasida du Gnaoui
Lors de la soirée musicale, je découvre, la qasida du Gnaoui que je ne connaissais pas : Elle est ducheheïkh Thami Mdaghri (de Mdaghra au Sahara), qui a vécu( au 19ème siècle )de longues années à Fès et Marrakech : elle raconte l'histoire d'un Gnaoui à scarifications sur les joues qui tombe amoureux d’une gazelle et surtout qui tombe en transe par dépit amoureux La maladie d’amour comme possession par le bien-aimé auquel on aspire à s’unifier. Et pour le soigner, on fait appel entre autre à une voyante médiumnique !
Sadya Bayrou
Al harba (le refrain)
Ma bien-aimée me reproche mon état, sachant bien ce qui m’arrive
Mes joues sont scarifiées et les siens rayonnent
Elle me charme par son tempérament de feu et son grain de beauté.
Al qism al aoual( première partie) :
Qu’il est terrible le jour où les miens sont partis
Me laissant pleurant sur les ruines,
Que Dieu apaise les flammes de celui qu’abandonnent les siens
Ils ont décampé sur la trace des étoiles
Ah, si je pouvais accompagner le rubis scintillant de mille feux
Au désert mon cœur erre désormais seul derrière les mirages !
Perdu à jamais , s’il n’y avait ce tintement de cloche,
Al qism al tâni (deuxième partie) :
Que ma désolation est grande, le jour où la caravane est partie
Derrière les lointaines rumeurs du désert
Le moindre bruit attise mes soupirs
Les gazelles errantes sont dispersées par le vent
Me trouvant perdu m’ont dit : « Qui es-tu ? »
« Esclave Gnaoui aux joues scarifiées sans remède pour son mal» leur dis-je
Sillons creusés sur mes joues, par le flot des larmes
Par amour, elles ont asservi , ma peau noire
A leur service, j’attiser les cendres éteintes
J’irrigue les champs assoiffés et j’ajuste la mesure
Je consolide l’encrage des tentes
Je redresse les étais de celles qui s’affalent
Elles se dirent alors : « Cet esclave est utile, pas si cher pour ce qu’il vaut »
Sadya Bayrou
Al qism al talet (troisième partie) :
Elles m’ont mis à prix en augmentant les enchères
Tirant au sort les bâtonnets sur le sable
Le mien a désigné une autre que celle que j’aime
J’en suis tombé en transe,
Ecumant par la bouche, sans prise sur mon état
Elles se dirent alors : « Celui-là est un possédé »
Sadya Bayrou
Al qism al rabiâ (quatrième partie) :
Ma maîtresse m’a rapproché d’elle
M’encensant de benjoin et de bois de cantal
C’est alors que le melk qui me possède s’adressa à elle
« Pour qu’il guérisse, il faut un sacrifice » lui dit-il.
Lui conseillant une voyante ou un homme-médecine
Ou encore un devin prescrivant les écritures
A elle mes secrets se dévoilèrent
Souriante, sur moi elle exhala son musc
Que Dieu me fasse de son parfum délivrance
Sadya Bayrou
Al qism al khamis (cinquième partie) :
A cause d’elle, j’ai oublié tout ce que j’ai appris
Et quand j’ai retrouvé mes esprits, elle l’a à nouveau ensorcelé
J’en suis tombé malade et rien ne peut m’en guérir
Le poète du malhûn était souvent considéré comme un mejdoub, et les connaisseurs du melhûn sont ses « adeptes », dans le sens où ils n’ont pas un simple rapport esthétique avec cette poésie, mais un rapport mystique proche de la possession rituelle. C’est une poésie ritualisée, me disait Abdelkébir Khatibi, qui considère Sidi Abderrahman el-Majdoub comme le meilleurs poète marocain jusqu’à maintenant. Vagabond mystique et poète, el – Mejdoub a vécu au XVIe siècle dans le Gharb. Ses pouvoirs magiques ainsi que ses quatrains, souvent caustiques, le rendirent célèbre. Parmi ses célèbres quatrains celui où il prédisait l’engloutissement de la ville sous le déluge :
Sadya Bayrou
« Essaouira périra par le déluge
Un vendredi ou un jour de fête,
Marrakech est un tagine brûlant,
Fès, une coupe transparente.... »
En guise de commentaire à ce quatrain, un pèlerin tourneur du printemps m’a dit un jour : « On raconte que le Mejdoub était fou. Mais tout ce qu’il disait arrivait. L’œil verra ce que l’oreille entend. On raconte qu’il était fou, mais il voyait avec « l’œil du cœur ». L’œil – la vision du Majdoub – n’est pas simple regard ; il est « l’œil du monde », comme disait Schopenhauer : « le pur connaître »...Il pratiquait donc la voyance en état de transe !
Sadya Bayrou
L’expérience de Sidi Boudhaab
Autant que faire se peut, Georges Lapassade pratiquait de l’observation participante auprès de ces confréries de la transe. Il provoquait même des « nuits bleues » pour contribuer à les observer, comme ce fut le cas pour les nuits bleues des Gnaoua à Essaouira(festival de 1980-1982) et au premier festival de Safi(1983), avec les nuits bleues de Sidi Boudhab (le marabout de l’or)..
Cette animation était comme un dispositif de visibilité selon l’expression des ethno-méthodologues ou encore un analyseur culturel. Pour comprendre la culture de Safi, il fallait l’organiser, y participer. Dans l’entretien paru par la suite à Maroc-Soir du lundi 1er septembre 1986, Georges Lapassade faisait le bilan de cette expérience en ces termes :
Sadya Bayrou
«Une expérience assez étonnante, me disait-il et qui vaut la peine d’être racontée. Nous avons obtenu, non sans peine de la Direction du Festival, qu’on organise chaque soir à Sidi Boudhab, à l’entrée de la vieille médina, après le spectacle donné dans le château de la mer, une nuit confrérique. Et très vite les difficultés se sont accumulées : on devait chaque soir, avec Abdelkader Mana, qui était invité au colloque, mais qui était avant tout militant de la culture populaire, on devait dis-je chaque soir balayer les poissons pourris qui jonchent la place que protège le marabout. Ensuite, nous devions transporter des nattes avec l’espoir que les gens viendraient s’asseoir selon la tradition de la lila. Hélas, le premier soir, la place était envahie dans une énorme confusion par les curieux. Mais nous n’avions pas à les faire asseoir. Nous avions oublié que Sidi Boudhab à Safi, est avant tout un haut lieu de la Halka, y compris celle des Gnaoua. Et les gens de Safi ne pouvaient pas comprendre immédiatement que les mêmes Gnaoua venaient maintenant à minuit pour tenter d’y instituer le rituel de la Derdeba avec ses transes et ses danses de possession. C’est seulement à la fin du festival, comme par miracle que les jeunes de la médina ont compris le projet et l’ont soutenu. Une immense Jedba animée par les Hmadcha s’est installée vers minuit sur la place de Sidi Boudhab.
Cette expérience rendait visible la permanence à Safi comme probablement ailleurs, d’une vieille culture de médina, dans laquelle la transe et le Soufisme populaire ont une part de choix. C’est ce qui explique d’ailleurs l’immense succès qu’ont connu dans le Maghreb, les « Jil » par exemple Nass El Ghiouan. J’ai retrouvé cela à Tunis, à Constantine où pourtant la vieille culture maghrébine semble moins vivante qu’au Maroc. Je l’ai aussi constaté à Casablanca après Safi. Là, à Casablanca, dans une vieille médina rétrécie, cette culture reste vivante et enracinée. Peut-être, faudrait-il décrire un jour cette culture de médina à Casablanca dans le contexte offensif de la modernité comme une contre-culture. Pour toutes ces raisons, je me réjouis de constater d’une année à l’autre, que le Festival de Safi continue. Mais ce qui me fait plaisir par-dessus tout, c’est de savoir qu’on a gardé dans le programme du festival, les nuits de Sidi Boudhab. »
Le plus vieil arbre d'Essaouira
Le 31 août 1983, je participe pour la première fois au moussem des hamadcha, en tenant sur les conseils de Georges Lapassade, un journal de route où je découvre en la décrivant la transe et ses adjuvants rituels. Le soir j’accompagnais ârabi ,le tambourinaire noir au yeux exorbitants en notant ceci à propos de leur adjuvent rituel :
Hamdouchi, tourneur sur bois de son état, rencontré à Sidi Mogdoul, me dit en préparant sa pipe de kif : « Tout ce qui brûle au feu n’est pas impur. Jadis, on cachait le kif dans le tambour. Le moqadem disait : « Fumez où bon vous semble, sauf dans la salle de prière. »Nous gens du hal, nous avons besoin de fumer jusqu’à ce que nos yeux soient hors des orbites pour pouvoir chanter et faire monter le saken (l’habitant surnaturel) ».
Et c’est en ces termes que je décrivais les scènes de transe :
Pour la première fois des gens du public tombent en transe. Un jeune homme de 18 ans perd le contrôle de ses gestes. Une autre jeune fille se roule par terre en pleurant. Elle retire son peignoir que prend sa sœur qui l’accompagne et qui paraît plus étonnée d’être parmi les hommes que de l’état de sa sœur. Un boucher me dit plus tard que la possession de cette fille cessera avec le mariage. Le public l’observe avec sympathie et compréhension. Non pas en tant que cas pathologique, mais en tant que personne en contact avec le surnaturel. La jeune fille s’effondre dès que la musique cesse. Le public se précipite autour d’elle. Dakki, le jeune hautboïste d’Essaouira leur dit :
« Eloignez-vous, elle n’a rien, c’est seulement le hal, apportez le brasero et l’encens… »
.Après avoir respiré ce parfum, elle sort de sa transe et va se reposer.
En participant à ce moussem, j’ai rêvé moi-même que je suis tombé en transe. En le rapportant le lendemain à Georges Lapassade, il me dit : « Tu résistes à la transe en état de veille parce que tu es occidentalisé, mais au sommeil tu cèdes à ta culture profonde qui est fondée sur le hal. » .
Dans le langage populaire marocain, la transe se dit hal , c’est à dire l’état de celui qui est « saisi » qui est « possédé » par les esprits et qui tombe en transe pour cette raison. Un chant de la confrérie des Ghazaoua évoque le hal en ces termes :
Sadya Bayrou
Le hal, le hal, Ô ceux qui connaissent le hal !
Le hal qui me fait trembler !
Celui que le hal ne fait pas trembler, je vous annonce ;
Ô homme ! Que sa tête est encore vide
Ses ailes n’ont pas de plumes
Et sa maison n’a pas d’enceinte
Son jardin n’a pas de palmier
Celui qui est parfait, la calomnie ne l’effleure pas
Sidi Ahmed Ben Ali le wali
Prends-nous en charge, Ô notre cheikh !
Sidi Ahmed et Sidi Mohamed
Ayez pitié de nous. »
Sadya Bayrou
Le hal est cette énergie supérieure qui dictent aux Gnaoua en état de transe le choix de telle ou telle couleur, et qui dictaient à Sidi Abderahman el- Mejdoub en extase ses fameux quatrains. Le « Mejdoub », est celui qui est possédé par le hal.
Abdelkader MANA
13:01 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poèsie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
25/06/2010
L'arbre du Malhûn
L’arbre du malhûn
Sadya Bayrou nous a quitté à la force de l'âge(Essaouira, 1963-2010). Pleine de fougue et de créativité. Son art relève autant de la poésie que de la peinture: une palette d'or imprégnée de mysticisme. Dés que j'ai appris son décès à Essaouira je me suis empressé de lui rendre hommage aux travers les images de la salle de prière des femmes de Moulay Abdelkader Jilali. J'ai voulu récupérer des images de ces oeuvres auprès de son mari, mais celui -ci était trés éprouvé pour répondre à mes sollicitations..Maintenant c'est chose faite avec l'exposition "Traces et mémoires" qui lui est consacrée au bastion de Bab Marrakech. Elle aurait été très heureuse d'assister à ce vernissage auquel elle a préparée elle - même un catalogue. On peut y lire une citation d'elle où elle écrivait: "Les traces nous font remonter le temps et nous guident à travers bien des espaces. ils traduisent des aspects de notre vécu et de nos mémoires enfouies. Les traces font rêver...". En effet, chez Sadya Bayrou comme chez beaucoup de femmes marocaine, la frontière entre la réalité et le rêve est ténue et bien souvent le rêve se confond avec la réalité voir s'y substitue...Ce son ses oeuvres qui accompagnent ce texte sur l'arbre du malhun qui rend hommage à d'autres poètes disparus...
J’aimerai mettre en exergue à ce texte « L’arbre jouant au saxophone », poème de mon ami Moubarak Raji, qui s’incrit véritablement, avec sa modernité et sa fraîcheur, dans la lignée des grands poètes du Malhun local :
L’arbre jouant au saxophone
Accueille des nuées d’oiseaux invisibles
C’est l’arbre de la vie,
Qui ne se crucifie, ni par les clous, ni sur les murs
Depuis que l’arbre est arbre
Tous les souffles sont vibrations d’ailes sur l’arbre
Le souffle de l’âme
Le souffle du saxophone
Le souffle du souffle
L’arbre jouant du saxophone
A effacé de son destin
Le cauchemar de devenir une porte de prison
Ou de se transformer en poignée de cendre dans un four
L’arbre jouant au saxophone
A toute la nuit derrière lui
Une nuit qui s’engouffre toute entière
Dans les orifices d’une petite oreille
Tel l’univers dans le trou noir…
Le melhûn, comme composante de l’identité culturelle des artisans des vieilles cités marocaines, est à la fois un legs bédouin sur le plan poétique et un legs andalou sur le plan musical. Beaucoup de mots de cette poésie populaire ne sont plus usités. Il serait le chant par lequel les chameliers rythmaient le déhanchement des caravanes. Maître Laânaya, forgeron de son état, au quartier des Sraïria où l’on fabriquait les armes à Meknès,fait même remonter les origines du melhûn , aux temps immémoriaux (la seconde moitié du Xe siècle),où les Béni Hilâl, « pareils à une nuée de sauterelles »,font leur apparition aux frontières de l’Ifriquiya (l’actuel Maghreb).
Une des oeuvres de Sadya Bayrou :"Traces et moires", Essaouira vendredi 25 juin 2010
La majeure partie des poètes est originaire de Tafilalet, notamment leur prince, Mohamed El Maghraoui,surnommé « l’arbre du melhûn ».Il était pasteur-nomade, se déplaçant avec son troupeau entre le Sahara et les plaines de la côte atlantique. Un jour qu’il sortait du souk avec son troupeau , une sauterelle s’est posée sur la corne d’un bélier. Elle ne l’a plus quitté jusqu’au Sahara, le pays d’origine du poète-pasteur. Le troupeau s’étant mis à l’ombre d’un muret, une salamandre noire marbrée de taches jaunes sortit d’un trou pour dévorer la sauterelle sur la corne du bélier. Le poète qui assistait à la scène s’exclama alors :
« Après tant de chemin parcouru, celui qui destina la sauterelle à la salamandre, apportera sa nourriture au Maghraoui en sa demeure ! »
Parmi les autres poètes du melhûn, on cite également Thami Lamdaghri de Mdaghra au Sahara qui a vécu de longues années à Fès et Marrakech. L’une de ses qasidas les plus célèbres s’intitule La lanterne. On ne sait d’ailleurs pas si cette lanterne est faite pour éclairer tout le monde, ou lui seul :
Ton manque m’ébranle, ô lanterne !
Branche brisée, tu m’as jeté au milieu des arbres
Sans pareil parmi les délaissés !
Non loin des chandeliers et des candélabres de Moulay Idriss à Fès, en collectionneur averti, Si Abdelkader Berrada exhibe de sous le paillasson, tout un florilège de melhûn inscrit avec un grand soin sur un registre de commerce ! Pour lui cette poésie populaire est aussi un art musical et plus précisément un tarab cette émotion musicale qui aboutit à l’extase :
« À travers le temps, les poètes ont fait du melhûn un tarab. À l’origine les gens du Sahara rythmaient leurs qasidas uniquement en battant des mains. Puis vinrent les terrassiers qui tenaient la mesure en aplatissant le sol et en rythmant de la plante des pieds, ce qui a d’ailleurs donner naissance à cette danse qu’on appelle « rakza » ».
Pour Hussein Toulali, le chantre de Meknès et du Maroc, le melhûn était né, en quelque sorte, pour commenter la prose du monde :
« On commentait les événements qui se déroulaient dans ce bas monde. Puis, il est venu un temps, où un certain homme des Jbala, s’est mis à découper la qasida en strophes pour permettre aux chanteurs de respirer, quand la chorale lui réplique par un refrain ».
Pour Laânaya, le forgeron Meknassi, au moment où il eut l’expulsion des Morisques d’Espagne vers le Maroc en 1610, il s’est établi un échange entre leurs musiciens et les poètes du melhûn. Ce sont eux qui ont introduit les instruments à cordes dans l’orchestre du melhûn. Auparavant cette poésie était rythmée uniquement par des instruments de percussion : al handka (castagnettes), la taârija (tambourin) et le dûf (cadre de bois entouré de peau de chameau qui scande aussi la parole du conteur).
C’est à partir de ce contact avec les Morisques qu’on voit apparaître des modes de la ala andalouse – Al Maya, lahgaz, Sika, Rasd, Al Istihlal – dans les mesures du melhûn.
Laânaya, le maître forgeron de Meknès, se souvient encore de son premier jour d’initiation :
« J’ai découvert le melhûn grâce à un gardien de nuit, chargé de surveiller les boutiques du souk. À l’époque je me réveillais tôt pour nettoyer ma boutique. Et lui passait par là, en chantonnant pour son propre plaisir. Je l’écoutais sans vraiment tout comprendre, mais j’appréciais la musicalité des mots. Un jour, je lui ai offert deux beignets, en preuve de mon admiration. De debout qu’il était, il s’est assis par terre. Et il commença à m’expliquer la qasida qu’il chantait. L’amour de la parole poétique habitat alors ma conscience. Il me demanda :
- Veux-tu apprendre ?
- Bien sûr, si je pouvais.
Il m’apprit deux qasidas. Toutes deux portaient sur l’aube. La première est celle de Sidi Kaddour El Alami, dont le refrain dit :
La nuit s’est dissipée,
Prélude à une aube lumineuse.
La musique s’embellit,
Par la coupe qui fait le tour des convives.
La seconde qasida est « Lafjar » (aube) de Mohamed Ben Sghir, le poète du melhûn d’Essaouira. On l’avait retrouvée dans un cahier daté de 1920 :
Vois le ciel au-dessus de la terre, source de lumière
Les habitants de la terre ne peuvent l’atteindre
Vois Mars, toi qui es indifférent
Sa beauté apparaît au monde clairement
Vois Mercure qui vient à toi, ô voyageur
Au dessus du globe, de l’ignorance étonnante
Vois Neptune qui illumine les déserts
Il a mis dans la création, le riche qui a tout.
Vois Saturne qui vient visiblement vers toi
Au-dessus des sept du secret parfait
Guerre des hommes, ô toi qui dort,
Vois le mouvement des astres
Ils ont éclairé de leur lumière éclatante, les ignorants.
Et sache la vérité si tu veux être pur
Lafjar (l’aube) qui t’advient d’une science illuminée
Prends ô toi qui m’écoutes Yabriz et Nikir
Celui qui règne sur le plus rusé des loups
Celui qui répond très vite au défi
Doit protéger les fauves
Est-ce que le hérisson peut aller à la guerre contre l’ogre ?
On connaît l’aigle parmi les faucons
Il craint le moindre bruit et les fauves au sommet des montagnes
En passant par les grottes Bendir Telemsani et son beau cortège
Dites à celui qui n’est ni faible ni vantard
Que Mohamed Ben Sghir est une épée dégainée.
De seigneur qu’il était Sidi Kaddour Al Alami, finira par devenir un mystique errant entre les parvis sacrés, dans un univers où les valeurs et les rôles sociaux se sont inversés :
L’aigle apeuré rentre ses griffes
Quand le hibou chasse l’hirondelle.
Ce poète qui était l’âme même de la générosité, toujours au service de ses amis, a fini par devenir mystique et misanthrope :
Un jeu sur la pointe d’une lance,
C’est comme ça que je vois,
La grande fréquentation des hommes.
Ce désenchantement du monde, il le doit à l’amère expérience qui l’avait conduit à perdre sa belle demeure pour s’abriter sous des auvents, dit-on qu’il décrivait comme un lieu où :
Les étourneaux frôlent l’eau qui ruisselle dans les canaux inclinés,
Comme les poissons fuyant dans les lacs,
Les hameçons que leur jettent les pêcheurs.
Cette interprétation recueillie par Khiati à la coupole du souk est désapprouvée par le forgeron des Sraïria de Meknès, pour qui il faut plutôt comprendre :
Les oiseaux de la maison
Sont aux aguets,
Picorant, s’envolant,
Tels les poissons des côtes rocheuses
Fuyant les hameçons.
C’est ainsi que sont les amis
Prompts à s’attrouper autour du verre
Et à se dissiper quand la main est vide.
Quand la nourriture est abondante à toute heure
Que d’amis, m’entourent !
Que de compagnons me font la cour !
C’est un pôle mystique parmi d’autres. La nuit, il dormait sans feuilles ni plumes, mais le lendemain le mur se noircissait par ce que la nuit dictait au jour. On le considérait comme un Mejdoub qui aurait reçu l’inspiration d’en haut : il se rendait souvent à Moulay Idriss Al Akbar du Zerhoune, pour s’adonner dans l’isolement à la prière. Il ne devait rentrer chez lui, qu’après être « autorisé » - par un rêve divinatoire. Une fois, la dévotion du poète a duré trop longtemps, sans que Moulay Idriss lui apparaisse dans le rêve pour l’autoriser à quitter les lieux. De guerre lasse, il se dirigea à pied vers la ville de Meknès. En cours de route, un homme lui demanda :
- Où vas-tu comme ça ?
- Je vide le pays pour le laisser à ses habitants. Depuis que je suis ici, je n’ai pas reçu de Burhan (preuve surnaturelle).
Un peu plus loin, le même personnage lui apparut une seconde fois :
- Où vas-tu comme ça ?
- Je fus délaissé alors que d’autres, venus après moi, ont eu ce qu’ils voulaient.
- Non, lui répliqua l’apparition. Tu es le fils de la maison, alors que les autres ne sont que de simples hôtes. À ce titre, ils ont la priorité sur les propriétaires de la maison.
Et il lui tendit un ustensile contenant du miel. Le seigneur des poètes en but une gorgée et continua son chemin. Arrivé à un oued, il lava l’ustensile. L’eau en devint sucrée. Depuis lors, on l’appela Oued Bou Âssoul (rivière de miel). C’est ce qu’on raconte chez les gens de Zerhoune et d’ailleurs, et Allah est le plus savant. Son mausolée est richement décoré par de vieux lustres, des calligraphies sur l’une d’entre elles, on peut lire : « Par la plume et ce qu’elle a tracé » des poèmes, des tapis, et surtout de vieilles horloges qui semblent s’être arrêtées à une heure indéterminée du passé.
Sidi Kaddour El Alami était un maître, et les connaisseurs du melhûn sont ses « adeptes », dans le sens où ils n’ont pas un simple rapport esthétique avec cette poésie, mais un rapport mystique proche de la possession rituelle. Et le producteur de melhûn qu’on appelle Sejaï n’était pas non plus un simple poète, mais un mejdoub, une sorte de fou de Dieu, auquel on élève parfois un mausolée après sa mort. Les initiés – ces priseurs de tabatières, ces joueurs de ronda qui semblent « tuer le temps », sont en fait en quête permanente de la sjia, cette sorte d’extase, cette voie mystique que la poésie et le chant rendent possible. En ce sens, le melhûn devient un besoin fondamental pour l’équilibre spirituel et psychique de l’individu. Une sorte de « drogue poétique » à laquelle on s’accoutume autant qu’au tabac à priser. C’est en cela que cette poésie diffère fondamentalement de ce qu’on entend généralement par « poésie » dans notre monde moderne : son but n’est pas esthétique, mais spirituel.
Abdelkader MANA
15:22 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poèsie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
05/06/2010
Gaza
B R I S E R le blocus de Gaza
Ce blocus est "contre-productif, intenable et immoral. Il punit des civils innocents. Il doit être levé immédiatement", a déclaré le secrétaire général de l'ONU.
Venir en aide aux Palestiniens de Gaza et pratiquer le boycott d'Israël : deux actions simples et non violentes et payantes en solidarité internationale avec les Palestiniens de Gaza.
Au total, 9 passagers de la flotte, composée de militants et de sympathisants de la cause palestinienne,en majorité Turcs, ont été tués dans le raid mené par l'armée israélienne.Selon le rapport d'autopsie des autorités turques, révélé samedi par le Guardian, les neuf victimes turques du raid israélien contre l'expedition maritime vers Gaza cette semaine ont été criblées de balles, et plusieurs d'entre elles ont été abattues à bout portant.
Yalcin Buyuk, le vice-président du Conseil turc de médecine légale, qui a réalisé l'autopsie vendredi à la demande du ministère turc de la justice, a déclaré au quotidien britannique que les neuf victimes ont essuyé en tout 30 balles.
DES IMPACTS DANS LE DOS OU L'ARRIÈRE DE LA TÊTE
Un homme de 60 ans aurait été atteint à la tempe, la poitrine, la hanche et au dos, alors qu'un ressortissant turco-américain a été touché par cinq balles tirées à bout portant contre le visage, l'arrière du crâne, le dos et deux fois la jambe, selon le journal britannique. Deux autres hommes ont essuyé quatre balles et cinq des corps présentaient des impacts dans le dos ou l'arrière de la tête.
L'opération sanglante de l'armée israélienne contre la flottille se rendant à Gaza n'a pas dissuadé les militants pro-palestiniens à bord du Rachel-Corrie qui se sont jurés de briser le blocus de la bande de Gaza, malgré les avertissements de la marine israélienne et l'assaut de lundi, approchent du territoire palestinien. Le navire devrait arriver devant Gaza mercredi 2 juin vers 15 heures. Le navire porte le nom de Rachel Corrie [pacifiste américaine], morte il y a sept ans en tentant de barrer la route à un bulldozer de Tsahal à Gaza. Son nom et son histoire sont depuis lors devenus des symboles brandis par les militants propalestiniens. Le Rachel-Corrie, navire de commerce qui porte le nom de l'Américaine tuée dans la bande de Gaza en 2003, a appareillé lundi de Malte avec quinze militants à son bord, dont l'Irlandaise Maired Corrigan-Maguire, lauréate du prix Nobel de la paix en 1976. Le premier ministre irlandais, Brian Cowen, a indiqué que le navire était propriété irlandaise et estimé qu'il devait être autorisé à terminer sa mission. "Le gouvernement a formellement demandé au gouvernement israélien de permettre au navire, de propriété irlandaise, d'être autorisé à terminer son trajet sans obstacle et à décharger sa cargaison à Gaza", a dit le chef du gouvernement devant les parlementaires. "Notre initiative vise à briser le blocus israélien imposé aux 1,5 million de Gazaouis. Notre mission n'a pas changé et ce ne sera pas la dernière flottille", a déclaré Greta Berlin, membre du mouvement Gaza libre, situé à Chypre.
Aujourd'hui nous publions deux témoignages cruciaux sur le drame que vit l'humanité au large de GAZA: Le premier témoignage est celui que Thomas Sommer - Houdeville, coordinateur des missions civiles, avait écrit hier soir[le 29 mai 2010] depuis le cargo grec faisant partie de la flottille de la liberté. Le second témoignage est celui d'Abouna (1) Manuel Musallam, prêtre du Patriarcat latin de Jérusalem, qui a été curé de Gaza de 1995 à 2009. Témoins du blocus inhumain de Gaza il affirme:
"Nous avons vécu des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité."
Témoignage
Voici le texte que Thomas Sommer - Houdeville, coordinateur des missions civiles, avait écrit hier soir[le 29 mai 2010] depuis le cargo grec faisant partie de la flottille de la liberté. Thomas a participé depuis 3 mois en Grèce à la préparation de la flottille et était venu en France pour élargir la participation, il est intervenu entre autre dans une réunion du collectif national pour présenter l'initiative.
L'occasion ici de rendre un fervent hommage à la petite délégation française composée de 7 personnes (cbsp, cvpr et ccippp).
Le dernier set
29 mai 2010 - de Thomas Sommer-Houdeville*, depuis l'un des bateaux de la flottille de Gaza
Un jour ou l'autre peut-être, quelqu'un écrira l'histoire complète de cette aventure. Il y aura beaucoup de rires, de véritables cris et quelques larmes. Mais ce que je peux dire maintenant, c'est que nous n'avions jamais imaginé que nous ferions flipper Israël comme ça. Enfin, peut-être dans certains de nos plus beaux rêves.... Tout d'abord, ils ont créé une équipe spéciale d'urgence réunissant le ministère israélien des Affaires étrangères, le commando de marine israélien et les autorités pénitentiaires pour contrer la menace existentielle que nous et nos quelques bateaux remplis d'aide humanitaire représentent. Puis, Ehud Barak lui-même a pris le temps, malgré son agenda chargé, de nous mettre en garde à travers les médias israéliens. Ils nous annoncent maintenant qu'ils nous enverront dans la pire des prisons israéliennes, dans le désert près de Beersheva.
Ce sont des annonces pour nous faire peur. Et d'une certaine façon nous avons peur. Nous avons peur de leurs navires de guerre, peur de leurs Apaches et de leur commando tout noir. Qui n'en aurait pas peur ? Nous avons peur qu'ils saisissent notre cargaison et toute l'aide médicale, les matériaux de construction, les maisons préfabriquées, les kits scolaires, et qu'ils les détruisent. Toute cette solidarité patiemment rassemblée dans de si nombreux pays pendant plus d'un an. Tous ces efforts et cette vague d'amour et d'espoir envoyés par des gens normaux, d'humbles citoyens de Grèce, Suède, Turquie, Irlande, France, Italie, Algérie, Malaisie. Tout ceci pris comme un trophée par un État agissant comme un vulgaire pirate des îles. Qui ne sentirait pas un certain sentiment de responsabilité et de peur de ne pas être capable d'accomplir notre mission et livrer nos marchandises à la population emprisonnée de Gaza ?
Mais nous savons que la peur est aussi de l'autre côté. Parce que depuis le début de notre coalition, l'Etat d'Israël fait tout ce qu'il peut pour éviter la confrontation avec nous. Depuis le début ils ont essayé de nous empêcher de partir, de regrouper nos forces et de prendre le large tous ensemble vers Gaza. Ils ont essayé de nous briser. Leur scénario idéal était de nous diviser, les Irlandais d'un côté, les Grecs et Suédois d'un autre, les Américains d'un autre encore et les Turcs tout seuls. Bien sûr, ils savaient qu'ils ne pourraient pas mettre la pression sur la Turquie, ni agir directement là-bas. Alors ils ont concentré leurs attaques sur les parties irlandaises et grecques de notre coalition.
Le premier set a commencé il y a deux semaines quand ils ont saboté le cargo irlandais, l'obligeant à retarder son départ pour près d'une semaine. Mais, les Irlandais ont réparé aussi vite qu'ils le pouvaient et maintenant ils sont à un ou deux jours derrière nous. Puis ils ont mis une pression énorme sur le gouvernement grec, affaibli par la crise économique, pour l'obliger à ne pas laisser partir le cargo grec et le bateau de passagers gréco-suédois. A cause de ces pressions, nous avons dû retarder notre voyage deux fois et demander aux Turcs, à leurs 500 passagers et aux amis américains qui étaient prêts à partir de nous attendre. C'est ce qu'ils ont fait heureusement ! Jusqu'à la dernière minute avant leur départ de Grèce, nous ne savions pas si les deux bateaux auraient l'autorisation du gouvernement grec, mais finalement le gouvernement grec a décidé de prendre ses responsabilités en agissant comme un Etat souverain et a laissé le cargo et le bateau de passagers quitter le port du Pirée à Athènes.
Le deuxième set a eu lieu hier, dans la partie grecque de Chypre, là où nous avions négocié avec le gouvernement d'embarquer une délégation VIP de parlementaires européens et nationaux de Suède, d'Angleterre, de Grèce et de Chypre. Alors que les deux bateaux de Grèce, le bateau américain venant de Crète et les 4 bateaux turcs étaient déjà au point de rendez-vous attendant que la délégation VIP arrive et embarque à notre bord, nous avons reçu la nouvelle que notre délégation était encerclée par la police chypriote dans le port de Larnaka et interdite de bouger où que ce soit. Chypre, un pays européen, était en train d'interdire à des parlementaires européens de se déplacer librement sur son sol, en rupture complète de toute législation et réglementations européennes ! Alors que nous commencions à négocier avec le gouvernement chypriote, nous avons clairement compris que ce changement soudain d'attitude envers nous était dicté directement par Israël. De sept heures du matin jusqu'au soir, le gouvernement de Chypre nous mentait, disant que c'était un malentendu que les VIP aient été autorisés à embarquer pour n'importe quelle direction qu'ils souhaitaient, que c'était juste une question bureaucratique à résoudre. Mais rien ne s'est passé et nos parlementaires ont été pris au piège. Le gouvernement chypriote agissait comme un auxiliaire d'Israël et nous a fait perdre un temps crucial. Ce matin, la délégation VIP a décidé que le seul choix qui restait était d'aller au port de Formogossa dans le Nord de Chypre sous contrôle turc, et de là prendre un bateau rapide pour nous rejoindre au point de rendez-vous. Bien sûr, parce que notre coalition est formée de Turcs et de Grecs et de Chypriotes, la Chypre du Nord qui est sous occupation turque, est une question politique très importante. Et envoyer notre délégation prendre un bateau dans le port de Formogossa, encore sous embargo des Nations Unies, est une question politique encore plus importante. Cela aurait pu briser le dos de nos amis grecs et chypriotes de la coalition. Ce fut presque le cas. Mais c'est le contraire qui s'est révélé. Notre coalition tient toujours. C'est le parti chypriote au pouvoir qui est sur le point de se briser, et les 7 parlementaires grecs et chypriotes qui faisaient partie de la délégation et ne pouvaient pas aller au nord de Chypre sont furieux contre le gouvernement chypriote. Un immense débat a toujours lieu en ce moment en Grèce et à Chypre sur ce qui s'est passé et sur notre flottille pour Gaza. Dans une heure ou deux, 80% de notre délégation VIP embarquera sur nos bateaux et nous partirons pour Gaza comme prévu. Donc nous pouvons dire qu'Israël a perdu les deux sets qu'il a joués.
Dans quelques heures, le dernier set, crucial, commencera quand nous entrerons dans les eaux de Gaza. Bien sûr, matériellement, il serait très facile pour Israël de nous stopper et nous arrêter, mais le coût politique qu'ils auront à payer sera énorme. Vraiment énorme, à tel point que toutes les ruses et les pièges qu'ils ont tenté de mettre sur notre route ont réussi à faire une seule chose : sensibiliser de plus en plus de gens partout dans le monde sur notre flottille et sur la situation de Gaza. Et de tout ça, nous apprenons quelque chose : la peur n'est pas de notre côté, mais du côté d'Israël. Ils ont peur de nous parce que nous représentons la colère des gens tout autour du monde. Les gens qui sont mécontents de ce que l'Etat criminel d'Israël fait aux Palestiniens et à chaque amoureux de la paix qui ose prendre le parti des opprimés. Ils ont peur de nous parce qu'ils savent que, dans un proche avenir il y aura encore plus de bateaux à venir à Gaza comme il y a de plus en plus de personnes à décider de boycotter Israël chaque jour.
Thomas Sommer-Houdeville, depuis l'un des bateaux de la flottille de Gaza
* coordinateur de la campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien (ccippp)
http://www.protection-palestine.org
Toulouse le premier juin 2010
Mohammed Habib Samrakandi : habib.samrakandi@free.fr
Témoignage
« Nous avons rencontré Dieu dans la guerre »
La Nef – Abouna, comment êtes-vous devenu curé de Gaza ?
Abouna Manuel Musallam – En 1995 le Patriarche de Jérusalem, Michel Sabbah, m’a demandé d’aller à Gaza. La situation y était alors encourageante. Mgr Sabbah souhaitait avoir sur place un prêtre courageux et travailleur. Après quelques difficultés pour obtenir des papiers, j’ai pu finalement partir. Le Président Yasser Arafat m’a donné un passeport diplomatique que je n’ai pu employer qu’une seule fois pour me rendre à Rome. À part cela, je suis resté à Gaza pendant 14 ans, bloqué par Israël. Avant de partir j’ai souffert une guerre terrible, qui n’était pas vraiment une guerre, car une guerre doit être entre égaux : armée contre armée, char contre char, avion contre avion, etc. Alors que nous, nous étions à la merci de l’armée israélienne, et nous avons vécu des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?
J’ai vécu de près la souffrance des enfants, car j’étais directeur de deux écoles qui comptaient 1300 gosses. Ils arrivaient à l’école en ayant faim, n’ayant rien mangé le matin, tombaient de fatigue, s’évanouissaient. On a créé des aides à l’école comme on pouvait. La clôture de Gaza a été une catastrophe, qui a provoqué des crises humaines et des traumatismes graves. Hausse des prix, chômage, manque d’eau, d’électricité, d’argent, de livres, de fournitures scolaires... Le prêtre est toujours l’enfant gâté de la paroisse, et pourtant je peux dire que vraiment j’ai eu soif. On n’avait pas d’eau, alors on pressait les carottes pour en boire le jus.
C’est là que j’ai vu la chute du Fatah et la prise du pouvoir par le Hamas. Ce fut une terreur terrible. Une guerre civile. Il y avait une peur diffuse et générale, tout le monde tremblait. Et puis il y a eu l’attaque israélienne : les avions qui patrouillaient et bombardaient, les attaques et tirs quotidiens... Ils visaient des cibles civiles, même autour des écoles, des églises... Les habitants de Gaza ont souffert plus que le nécessaire. Une souffrance peut être salvifique, mais là c’était trop profond, car elle touchait leur être, leurs sentiments, leurs cœurs, leur foi, leur espérance – tout l’homme. Les Gazaouis se sont perdus dans le désespoir, abandonnés du monde entier, dans une souffrance sans lueur derrière. Avec seulement la perspective de la servitude au lieu de la liberté, avec la peur d’être encore plus dominés, humiliés, affamés, menacés. J’ai vu la prophétie du Christ se réaliser : « En ces jours-là, les gens mourront de peur. » Chez nous des personnes sont vraiment mortes de peur : une fille de 16 ans, un père de famille, une vieille femme... Gaza était l’enfer, impossible de voir l’autre à côté de soi. On était coupé des autres. Nous sommes devenus malades, malades de peur. C’est un monde entier qui est devenu malade, et moi le premier, j’en ai perdu la vue... Mais nous, les chrétiens de Gaza, nous pouvons dire que nous avons souffert avec le peuple, mais non pas du peuple.
Justement, quelle est la situation des chrétiens de Gaza depuis la prise du pouvoir par le Hamas ?
Il n’y a pas de persécution à Gaza, et le Hamas nous a même protégés plusieurs fois, lorsque nous avons eu des menaces de groupuscules fondamentalistes. Le Hamas à plusieurs reprises a déployé ses policiers jour et nuit pour protéger les écoles et les églises contre d’éventuelles attaques des fanatiques. Vous savez, les gens en Occident ne savent pas ce que c’est que le Hamas. Le Hamas, ce n’est pas juste une milice armée, mais c’est un parti politique. Le Hamas, c’est le professeur à l’université, c’est la mère de famille, c’est l’épicier, l’employé, etc. Ce sont des musulmans de Gaza comme les autres, et ils envoient leurs enfants chez nous à l’école comme les autres. Nous avons même comme élèves de nombreux enfants de ministres du gouvernement Hamas, que je connais tous personnellement et avec lesquels nous avons de très bonnes relations. Lors du Ramadan de 2008 j’ai vu sur la chaîne télévisée du Hamas un sheikh (2) saoudien blasphémer contre le pape et les chrétiens. J’ai aussitôt appelé le Premier Ministre, qui a fait interrompre immédiatement le programme. Ensuite, le Premier Ministre et d’autres ministres, le directeur de la chaîne, ainsi que des chefs religieux musulmans m’ont tous appelé pour s’excuser et exprimer leur refus du fanatisme. Le Hamas lutte farouchement contre les groupes extrémistes clandestins.
Et l’affaire Gilad Shalit ?
Moi, je dis que Gilad Shalit est prisonnier de guerre, et doit être traité comme tel, selon le droit international. Il a été pris sous uniforme israélien dans une action de guerre. En face il y a 12 000 captifs palestiniens dans les prisons israéliennes, la plupart sont des civils qui ont été enlevés chez eux, et dont la majorité ne sont mêmes pas encore jugés ! Beaucoup aussi ont fini leur peine et sont toujours enfermés. Personne ne parle d’eux et on ne parle que d’un prisonnier de guerre !
Quel bilan tirez-vous de ces 14 ans à Gaza ?
Comme prêtre, pour moi tout était positif : « Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu ». Sur la croix, le Christ a beaucoup souffert, mais il avait la joie d’être le Rédempteur. Et cette joie, personne ne pouvait la lui enlever. Nous étions crucifiés à Gaza, et pendant la guerre, nous avons beaucoup plus prié. Nous avons découvert une réalité : c’est Dieu et Dieu seul qui peut protéger les gens. C’est Dieu seul qui protège son peuple. Et si Dieu protège tout le monde, il prend particulièrement soin des siens : « N’aie pas peur, petit troupeau, moi, je te protège ». Dans tous les bruits de la guerre, il y avait le Christ qui éloignait de nous les malheurs, dans le ciel. Les gens venaient à la messe et au catéchisme malgré tout. L’école tremblait sous les bombes. Dans la guerre, dans la haine, dans la souffrance, il y avait une main clandestine qui nous protégeait. L’Église est l’espoir du monde, et là, on l’a vraiment découvert.
Les gens étaient perdus, et avaient besoin de quelqu’un pour les fortifier. Le prêtre ne peut pas être pessimiste : je ne pouvais pas m’arrêter, sinon, tous s’arrêtaient ; je ne pouvais pas me décourager, sinon, tous désespéraient. J’avais un monde derrière moi, non seulement les chrétiens, mais aussi des musulmans. Quand je suis parti, tout le monde pleurait. Non seulement les chrétiens, mais aussi des musulmans. Un sheikh m’a dit : « Nous pleurons parce que nous avons un certain amour pour vous, parce que vous étiez une lumière ici, qui encourageait les gens, les chrétiens mais aussi les musulmans. Nous avons découvert les chrétiens par vous, et nous voulons continuer à les connaître. »
Est-ce que Gaza vous manque ?
À chaque fois que l’on mentionne Gaza, une souffrance me saute aux yeux, alors je pleure. J’ai toujours pitié pour eux, comme le Christ avait pitié pour ces gens qu’il voyait souffrir comme des agneaux sans berger. Ils souffrent parce qu’ils n’ont pas de pasteur. Personne pour les diriger, les protéger. J’ai quitté Gaza en larmes, mais je ne pouvais pas rester plus, j’ai lutté jusqu’à la fin, j’ai jeté toutes mes forces dans le combat. Ce n’était pas moi, car il y a une force à l’intérieur du prêtre qui fait ce qu’elle veut : « Ce n’est pas moi, c’est le Christ qui vit en moi. » On n’est pas dirigé par ses propres forces, mais par une force qui nous dépasse. Dieu m’a
Propos recueillis par Kassam Muaddi et Falk van Gaver
(1) « Père » en arabe. (2) Chef religieux musulman.
Propos recueillis par Kassam Muaddi & Falk van Gaver.
11:48 Écrit par elhajthami dans Témoignage | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gaza | | del.icio.us | | Digg | Facebook