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06/06/2011

Agadir

Le primat de la langue Amazighe

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Agadir et d’une manière plus large le Sous est le cerveau musical de l’amerg, la poésie chantée en langue Amazighe. Ici, tous les emprunts sont  permis  sauf l’escamotage de la langue amazighe : la donne linguistique centrale. On accepte en effet toutes les innovations possibles et imaginables, Agadir est une ville touristique internationale, mais on se ferme sur soi-même et sur sa communauté d’origine dés lors qu’il s’agit de la langue maternelle  : elle constitue le socle non négociable autour duquel s’organise toute activité culturelle dans le Sous. S’il y a eu à un certain moment une forme de concession à la darija sous l’influence du mouvement folk de Nass el Ghiwan, les groupes folk berbères de Sous se sont vite repliés sur leur identité linguistique et musicale. Dans aucune autre région du Maroc on n’observe un tel attachement à la langue amazighe. Il n’est d’ailleurs pas un hasard si Fatima Tabaâmrant ,la diva de la chanson chleuh soit en même temps membre à part entière de l’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM).

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         Le samedi 8 janvier 2911 nous avons assisté à la grande soirée organisée par l’association Talilte d’aide médicale aux artistes, à l’occasion du nouvel an Amazigh 2961. La soirée eut lieu à la salle de la fantasia située à la sortie d’ Inezeggan en allant vers  Aït Melloul Un dîner de gala  y fut donné sous une immense tente à quelques 7000 invités: chaque table est réservée nominativement  à une famille  particulière à raison de 150 DHS par personne. Toutes les grandes familles de Sous étaient là : on est venu du pays Haha, des Ida Ou Tanane, d’Aït Abdellah, d’Ida Ou Baâkil, d’Ida Ou Gnidif, des Chtouka, d’Isaffen et même des Mtougga. Toutes les tribus de  Sous –Massa – Dra étaient représentées. Des femmes en caftans bariolés sont souvent arrivées accompagnées de leur conjoint à bord de 4x4 et autres voitures de lux appartenant à de richissimes commerçants de Sous.  Toutes les musiques et  danses de la région étaient également représentées : danses traditionnelles de l’Atlas, Raïs et Raïssat de Sous, jusqu’à « l’amerg – fusion » le dernier style en vogue à Agadir : le chant est berbère mais le style musical est celui des  Rockers.

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       Les grandes stars de la poésie et de la musique amazighe étaient là : Ammouri M’barek et  Ali Faïq en Brel et Brassens de Sous. Ces derniers représentent la modernité chez les trouveurs chleuhs tout en maîtrisant la tradition des grands maîtres du genre. Leur style musical et vestimentaire- jean et chemise décontractés, lunettes d’intellectuels, pas de danse sur scène avec micro au bout du bras- est  représentatif de la nouvelle génération des  Rways. Celle des modernes qui ont longuement trempé dans l’émigration en Europe. Amouri M’barek a ainsi chanté une qasida d’Abou Bakr Anchad, ancien trouveur chleuh, dont il est, dit-on, le seul  à savoir reproduire style et répertoire. Il chanta aussi la qasida  où le Raïs Belaïd faisait l’éloge de la kasbah de Tilouine du temps où celle-ci était sous commandement Glaoui.. . Quasiment tous les grands Rways étaient là réunis en  un seul orchestre surnommé la « symphonie des Rways »…Ammouri M'barek  nous déclarera par la suite: " Le Raïs Anchad et le Raïs Belaïd sont pour moi les piliers de la chanson amazighe. Ces deux Raïs m’ont particulièrement influencé, du point de vue la créativité dans la mélodie et les paroles. Du point de vue des voix et du chant aussi. Jusqu’à présent il est difficile de rencontrer quelqu’un qui s’élève au niveau de ces Maestros. Déjà à l’époque le Raïs Belaïd avait composé des chansons qui ne dépassaient pas 3 à 4 minutes. Je n’ai jamais voulu briser cette beauté ancestrale, cette beauté traditionnelle. Anchad et le Raïs Belaïd doivent être traité à la classique avec un grand orchestre philharmonique."

En attendant le début de la soirée, le public eut droit à quelques morceaux d’ « Amarg – fusion » . En guise d’hôtesses, de jeunes filles habillées en haïk blanc avec caftan bariolé( rouge,noir et blanc) et  bijoux berbères en argent massif : on affirme ainsi avec force l’identité berbère. Celle – ci se décline  sous tous les registres : linguistique, musical, vestimentaire et culinaires. Sous-Massa-Dra, comme bloc identitaire s’affirme ainsi par le référent amazigh qui est ici omniprésent comme nulle part ailleurs au Maroc  …

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       La grande soirée s’ouvre par l’ahouach d’« Ajmac – Sous »  en tout similaire à celui du pays Haha. La flûte du berger appelée awada y joue un rôle central. Pour émettre des sons aiguë, cette flûte est confectionnée dans un roseau femelle Car le roseau est mâle et femelle. La flûte oblique dont il s’agit est percée de sept trous. Son accord ressemble à celui du rebab. Elle donne un air qu’on appelle « âsra Gnaouia » : celui de la gamme pentatonique.. Pour le Raïs Belaïd, l’aède des troubadours de Sous, l’esprit de la musique et du chant qu’on appelle hawa au pays Chleuh serait né de la flûte enchantée du pays Haha. C’est l’air du pays de l’arganier, du vent et de la mer. Nostalgie des origines. Au pays chleuh, l’awada est indispensable à chaque fête. On dit que les chevaux de la fantasia sont très sensibles aux airs de cette flûte de berger par excellence. Sans sa présence, ni la danse atlasique qui l’accompagne ; ni  la fantasia ne seraient réussies. Pour le Raïs Mohamed Lamzoudi :« Les Chtouka de Sous sont surtout connus pour leur outar. Ils sont doués pour cet instrument à corde. Les Haha, le sont pour leur aberdag, trépignement et leur awada, flûte. Cet instrument à vent est né chez eux. Les Mtougga, eux, sont réputés pour leur rebab. Comme les autres tribus de Sous, ils produisent beaucoup de poésie. ». L’ouverture avec l’ahouach  fut  un grand  moment : Prestige de la musique. Le rythme à l’état pur.

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    Des différentes formes d’Ahouach Mohamed El Khattabi, poète amazigh, né le 4 avril 1965, dans la commune d’Aït Ahmed, aux environs de Tiznit qui préside actuellement le syndicat marocain des musiques et des danses dans la région Sous – Massa – Dra, nous dit : « J’ai grandi en milieu rural où on pratique différents genres d’ahouach , tels ceux d’ Ajmak, d’Aghnaqar, d’Asdawl, ou de derst et bien d’autres encore. Le Sous est aussi connu pour sa poésie chantée en langue amazighe, surtout l’art des Rways qui m’a énormément influencé. J’avais formé une troupe de Rways au milieu des années 1980 et en 1988, j’ai formé un groupe folk berbère  du nom d’Imoudal (les montagnes). Ce groupe s’est structuré autour du Rebab en y incluant des instruments modernes telle la batterie, le banjo et la guitare électrique. On animait ainsi fêtes officielles et privées. En même temps j’ai écris un grand nombre de poèmes en langue amazighe : certains furent publiées dans les revues et journaux nationaux, d’autres ont été interprétée par des trouveurs chleuhs ou par des groupes folk berbères»  A la fois troubadours et trouvères, les danseurs chleuhs sont aussi des chanteurs qui interprètent les œuvres des poètes de la montagne : vieilles mélopées, chansons nouvelles.

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      À droite de la scène,  sur écran électronique, défile maintenant l’inscription : « L’association talilite d’aide médicale aux artistes vous souhaite la bien venue ». Le symbole de ladite  association est tout naturellement le Rebab : en argent, il trône au beau milieu d’un tableau  grand format sur fond velours noir. Le rebab  est en effet, l’instrument central de cette musique  : c’est cet instrument qui lui permet de garder son cachet original.Le joueur du rebab prélude de deux manières : soit en montant des gammes « tlouâ », soit en brodant la note « Do » ; « Astara ». Aux tremblements d’épaules correspondent les trilles du rebab. L’introduction du rebab monocorde dans l’orchestre chleuh peut passer pour un trait de génie, tant il donne à cet orchestre un timbre original, une allure pittoresque, une force expressive qu’il n’aurait pas sans cet instrument. La corde vibrante est constituée par une mèche de quarante à cinquante crins de cheval (sbib). Les sons produits constituent un curieux amalgame de notes fondamentales et d’harmoniques. Il en résulte un timbre aigre – doux qui rappelle les sons de la flûte.

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      L’un des grands moments de la soirée fut incontestablement la montée sur scène de « la symphonie des Rways » sous la direction du Raïs Lahcen Id Hammou : les grands maîtres du Rebab de Sous, accompagnés d’un joueur de guitare électrique et surtout de nombreux joueurs d’outar. Parmi les grands Raïs présents on peut citer : Mohamad AchtoukHmad Darkaoui, Brahim Ou TiznitAkherrazJam’ou TaddartIdder,  Amghar Mazzi , Amghar Maqqor,Moulay Ahmad Ihihi,  Ahmad Amentag, Lahcen el Fatouaki, et Boubakr Achtouk , disciple de feu le Raïs Mohamad Damsiri . On a joué en premier lieu des airs du grand maître du Rebab que fut le Raïs Belaïd dont tous les trouveurs chleuhs se réclament. Originaire des Ida Ou Baâquil, tribu à l'E-S-E. de Tiznit, il avait une soixantaine d'années en 1933. Sa mort semble être survenue après 1945. A son prestige de poète chleuh, maître d'un grand nombre de trouveurs qui firent leur apprentissage dans sa troupe et qui formèrent par la suite leur propre troupe, il ajoutait le prestige du lettré, qui avait étudié à la zaouïa de Sidi Ahmed Ou Moussa, grand marabout de Tazerwalt, et .saint protecteur des Rways qui se rendent en grand nombre à son pèlerinage annuel, où ils chantent jusqu’à  l’extinction de leur voix : effet bénie par le saint et désirée par les chanteurs, car la voix éteinte symbolise la mort des vieilles cordes vocales indispensable à la renaissance d’une nouvelle voix,à la fois neuve et vigoureuse, pour le restant de l’année.

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        Depuis 2003, le syndicat des métiers de la musique et de la danse pour la région Sous- Massa- Dra, organise un festival à Tiznit autour de la figure emblématique du Raïs Belaïd nous explique Mr. Mohamed El Khattabi, instigateur de cette manifestation :

« Le festival du Raïs Belaïd que j’ai fondé à Tiznit est maintenant à sa neuvième édition. Nous lui avons donné le nom de ce grand  artiste, qui  symbolise à lui seul la chanson amazighe. Nous comptons perpétuer son souvenir en  décernant un  prix en son nom lors de chaque édition de notre festival. Le délégué de la culture à Tiznit, Mr. El Farz avait  appuyé dés le départ l’idée d’organiser cet évènement  avec des moyens forts limités du ministère de la culture. Soit la somme de 3000 DHS.  Parmi les stars de la chansons amazighe  y ayant participé : Ammouri M’barek, Fatima Tabaâmrant ainsi qu’un grand nombre de poètes amazighes. Lors du  colloque organisé à cette occasion nous avons recommandé de donner le nom du Raïs El Haj Belaïd au conservatoire de musique de Tiznit. Suggestion approuvée par le conseil municipal ;  une plaque commémorative portant le nom de l’illustre Raïs fut accolée aussitôt  à l’entrée du conservatoire de cette ville. Autre recommandation : nous avons adressé une requête à la délégation de la culture et au conseil municipal pour l’adoption de l’ enseignement de la musique amazighe au conservatoire, y compris le legs du Raïs Belaîd en tant que symbole culturel du Sous – Massa- Dra. Nous demandons également de baptiser l’une des artères de Tiznit en son  nom .  Au cours des neufs dernières éditions du festival, le prix Raïs Belaïd a été accordé successivement aux artistes suivants :  Ammouri M’barek,  Fatima Tabaâmrant, le Raïs H’mad Bizmawn, le groupe folk berbère d’Izenzaren , Rqiya Damsiriya l’artiste connue de tous,  Fatima Tihihite mazzine,  le poète Ali Chouhad doyen du groupe musical d’Archach, et enfin au Raïs Lahcen Ben L’moudden. Et si le bon Dieu le veut, ça sera le tour du  grand artiste le Raïs el Hucein el Baz, d’obtenir ce prix en 2011. »

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     Quand la Raïssa Fatima Tabaâmrant est montée sur scène, la salle s’enflamma. Avec fierté elle chanta l’amazighité qui remonte, selon elle à plus de 5000 ans d’histoire :

« Ô amazigh ! Libres sont vos  ancêtres et vos descendants ! »

Pour elle l’art est en relation avec la politique :

«  Par le passé il était interdit de parler de l’amazighité dans notre pays. Et maintenant nous allons fêter l’an amazigh 2961. N’est pas là un objet de fierté ? N’ai – je pas le droit d’être fierté de cette histoire plus que millénaire ? Je suis chez moi, je ne suis pas partie au pays de quiconque. Les générations s’en vont mais la culture reste. La page écrite peut braver l’éternité, surtout si son contenu pèse lourd. Si nous voulons parler de la culture dans notre pays ; force est de reconnaître que nous avons des maisons de la culture mais qui n’abritent pas de culture. Le grand problème dont souffre la chanson amazighe est celui de l’information. Les médias audiovisuels avaient complètement exclu l’amazighité de leurs programmations. Beaucoup de nos Rways sont décédés : où est maintenant la relève ? Les programmes télévisuels consacrés aux jeunes talents ne comportent pas de participation amazighe. Nous devons sauvegarder notre patrimoine, car la chanson amazigh est une école en soit. Elle est riche en contenu. La chaîne amazigh manque encore de crédibilité et de professionnalisme à même d’imposer la chanson amazighe. Par exemple à Studio 2M, il n’y a aucune participation en amazighe. C’est notre droit d’avoir une participation amazighe. Nous avons pourtant droit à 30% des programmes des chaînes non amazighes. Cela est clairement stipulé dans leur cahier de charge. Les ministères de la culture et du tourisme ont toujours eu une perception folklorique de l’art amazighe. On vous met toujours dans un cadre folklorique où vous ne pouvez rien donner. Pour ces ministères la chanson amazighe est un simple produit folklorique pour touristes de passage au Maroc. Cependant j’apprécie beaucoup l’initiative du ministère de la culture relative au soutien à la chanson marocaine. Maintenant les jeunes écoutent les chansons orientales et occidentales de sorte que la chanson marocaine s’en trouve exclue. Parce qu’il n’y a pas du nouveau dans le domaine de la chanson. Nous sommes dans une période où tout s’est perdu avec Internet, la parabole, les cartes mémoire, le piratage de sorte que le marché de la chanson a été perturbé. Le producteur ne peut plus tabler sur l’artiste, surtout quand celui-ci n’a pas de public. Or on ne peut pas  continuer à tabler uniquement sur les artistes connus : ils s’épuisent. J’ai maintenant plus de trente ans de carrière ; il nous faut du sang neuf. Il ne peut pas y avoir de progrès dans le domaine artistique sans lutte contre le piratage. »

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      De son vrai nom Chahou Fatima, née en 1962, dans l’ifran de l’anti Atlas. C’est là qu’elle a encore ses attaches familiales. Mais pour sa vie d’artiste, elle s’est établie comme la plupart des trouveurs chleuhs à Dchaïra.  Comme l’indique son nom d’artiste, elle est  originaire des Aït Baâmrane. Elle a  intégré le domaine de la chanson berbère en 1983, soit déjà une trentaine d’années :

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  « Je suis d’abord  une poétesse avant d’être chanteuse. Ma première qasida « qu’est ce qui t’arrive pour pleurer ainsi ? » évoquait ma situation d’orpheline : j’ai perdu en très bas âge. C’est la principale raison d’être de ma poésie. Je m’inspirais des anciennes mélodies d’El haj Belaïd ou de celles d’El Haj Mohamed Damsiri ou encore de  Hmad Biezmawn. C'est-à-dire les leaders de la chanson amazighe que j’admire. A l’époque il n’y avait que la radio ;  où j’écoutais les Raïssa Rqiya Damsiriya ou Fatima Tihihite. J’ai débuté en 1983 avec la troupe de Jamaâ el Hamidi que Dieu ait son âme. J’ai intégré sa troupe en tant que danseuse. Peu de temps après, j’ai rejoins la troupe de feu le Raïs Saïd Achtouk. Puis j’ai rejoins la troupe de Moulay Mohamad Bel Faqih. Depuis lors j’écris et compose mes propres chansons : je n’interprète jamais ce que je ne ressens pas personnellement. Je n’ai jamais chanté la qasida de quelqu’un d’autre. Ma qasida préférée est celle qui traite de l’identité amazighe en Afrique du Nord. Son  territoire porte le nom de Tamezgha, c'est-à-dire l’Afrique du Nord. Auparavant on considérait comme simple production de l’imagination que d’affirmer l’ existance des amazighes au Niger ou au Mali. Mais ma qasida a montré qu’il y a des amazighes au sud du Sahara. C’est en Afrique que se trouve la terre des amazighes libres ; au Burkina Faso, au Mali,  ainsi qu’au Tchad. C’est là que s’enracinent leur poésie et leur parole. Leur substratum, vital et  tribal. C’est la terre de Tamazight que je chanterai ! Pourquoi ne serais-je  qu’une outre emportée par les eaux ? J’ai pris le message qui me fait pleurer mais sans trouver de coursier pour le transmettre . A l’humiliation je préfère me terrer plutôt que de me taire. C’est pour tamazight que je me bats contre tous ceux qui renient notre langue … Pourquoi je ne préserverai pas mon identité alors que les kabyles d’Algérie restent attachés à la leur ? »

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      Fatima Tabaâmrant évoque ensuite le personnages mythique de la kahéna . L’antique héroïne berbère du Maghreb portait en fait un nom arabe :  kahéna signifie en arabe « devineresse », manifestement en rapport avec les dons prophétiques que prêtent à la reine les auteurs musulmans à partir d’Ibn Abd al-Hakam (mort en 871). Ibn khaldoun indique que la kahéna avait d’abord été « la reine de l’Aurès » avant de devenir « la reine des berbères de l’Ifriqiya ». Les Berbères se rallièrent à elle après la mort de Koceila leur chef en 688. Al Wakidi, écrit qu’elle se souleva « par suite de l’indignation qu’elle ressentit à la mort de koceila». L’historien arabe El Maliki rapporte à son propos ce curieux détail : « Elle avait avec elle une énorme idole de bois qu’elle adorait ; on la portait devant elle sur un chameau. » Des siècles après la reine de l’Aurès fait encore rêver, comme en témoigne les illustrations qu’en fait aujourd’hui l’artiste El Oumami ou ce qu’on disait une brochure anonyme de 1890 qui s’achève ainsi : « Sparte eût inscrit son nom dans ses temples. Homère l’eut célébré dans ses poèmes immortels». Cette « force amazigh » est aussi symbolisée par les antiques aguellid (ces anciens rois berbères) : Juba II, Massinissa, Jugurtha. Le plus illustre est Jugurtha qui apostropha ainsi  Rome après avoir distribuer son or aux membres de la classe sénatoriale : « Ville à vendre et condamnée à périr si elle trouve un acheteur ! ». Tabaâmrant, l’érige aujourd’hui en modèle de l’amazighité  : «  J’ai un film sur la kahéna, l’héroïne berbère. J’ai également chanté une qasida qui parle de la mort de Matoub Lounès. Car c’était un grand pilier de la culture amazighe. Je lui ai dédié un chant funèbre où je le compare à une grosse pierre qu’on aurait arrachée, laissant un vide béant sur les flancs de la montagne. Cette qasida parle de ceux qui militent pour l’amazighité et de ceux qui s’opposent à elle. Je n’aime pas les masques : je préfère les traits naturelles. Pourquoi tous les pays d’Afrique du Nord préfèrent le masque ? »La soirée s’est poursuivie avec les groupes folk de la région dont nous avons interroger deux éminents fondateurs.

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    La soirée s’est achevée par Tagoulla, le repas qu’on offre à l’occasion de la fête saisonnière d’Idernane. Lorsque les amandiers en fleurs donnent aux valets de l’Anti – Atlas leur aspect presque riant et au moment où commence le gaulage des olives, la fête des idernane a lieu juste après le jour de l’an du calendrier julien : c’est ras- el- âm, le jour de l’an berbère, cette porte de l’année agricole qui correspond au 13 janvier du calendrier grégorien, qui donne le départ à ces fêtes saisonnières qui permettent aux vallées de l’Anti-Atlas de sortir progressivement de la mort hivernale à la renaissance printanière. La fête des idernane commence en tribu Ida Ou Samlal le jeudi 15 janvier ; les autres tribus la célèbrent ensuite jusqu’à la mi – mars. C’est une fête qui dure trois jours : le jeudi, le vendredi et le samedi. Que sont les idernane ? Ce sont les baignés faits de patte que l’on cuit dans le plat à pain enduit au préalable d’huile d’argan. Ce jour – là on mange aussi les moules séchées achetées sur le marché : les villageois préparent les crêpes ainsi que les moules qu’on appelle waïl en berbère, bouzroug en arabe. Ils s’invitent entre eux et le soir venu a lieu la fête dans le douar.

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La fête des Idernan à Tafraout

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Dans le Sous, la femme reste la gardienne de la culture et de l’agriculture. De tout temps la femme berbère a été pourvoyeuse des significations du monde. C’est elle qui inculque aux très jeunes enfants la culture ancestrale que l’homme trop paresseux quand il n’est pas occupé dans les mines d’Europe ou les épiceries de Casablanca ne leur dispense pas. Cette culture se donnait comme un travail de patience et de méthode qui consiste à nourrir le cerveau de l’enfant de la geste symbolique tout en lui faisant connaître les beautés diverses et immédiates de la terre.                         

                                                          Agadir le lundi 10 janvier 2011

                Abdelkader MANA

 

12:24 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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