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03/01/2010

Le pointillisme d'Oulamine

Abdellah Oulamine

Le peintre du sable

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Par Andelkader Mana

Au début des années 1980, à Essaouira, Oulamine faisait partie du « groupe Kawki », un groupe informel, de réflexion sur les arts plastiques, qui ne tarda pas à se disperser, faute de cadre institutionnel approprié. Cette première initiation à la peinture, Oulamine la compléta par de nombreux voyages, qui lui permirent de découvrir de nouvelles façons de peindre.

Il pratiqua d'abord, un pointillisme figuratif, inspiré de scènes insolites du bord de mer d'Essaouira et de l'architecture ocre des « kasbahs » du Sud. Le sablier du peintre immobilise des moments uniques - le saut d'un poisson en dehors de l'eau, la rumination d'une vache sur le sable, un plat de noyer magique sous un astre noir - et dépeint des situations à la fois étranges et poétiques, grains de sable, grains de peau, corpuscule de lumière cendrée, molécule d'air et d'eau. Le paysage est reconstitué à partir de ses composantes élémentaires ; plus on ajoute de nouvelles couches de petits points, plus il y a possibilité de combiner lumière et ombre, et de ce jeu se dégagent de nouvelles formes. Oulamine passe parfois des heures à remplir un petit espace de points et de formes minuscules. Avec une pareille technique, il ne peut pas réaliser de grands formats. Ses toiles, sont à l'image d'Essaouira, qui est elle - même une jolie miniature.

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Ces dernières années, Oulamine pratique un art plutôt symbolique. Sur fond d'harmonie géométrique, il combine aux points des signes et des symboles magiques, des bijoux et des tapis berbères. Le contenu cosmologique s'y combine aux formes cosmiques. Oulamine commence par un point et termine par un autre, parce que la vie elle - même commence par la poussière  et finit dans la poussière. Il a donc voulu juste nous montrer qu'il n'y a pas de différence entre l'infiniment petit, ici un point, et l'infiniment grand, qu'il représente par une forme sphérique : l'atome est aussi complexe que la galaxie.

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Cinq années après la parution de cet article dans « Artistes d'Essaouira », notre regretté maître, Georges Lapassade, lui consacrait un autre article (dans « Traces du présent », numéro 2/3 paru en 1994). Il s'agissait là aussi de « poussières », mais comme symbole de la mort. Georges dont l'activité vitale et spirituelle  se réduisait presque exclusivement à l'écriture, avait une conscience aigue de la mort qui peut à tout moment mettre fin à son activité d'écriture :

«  Occupés par nos activités de tous les jours, écrivait - il,  nous vivons dans l'oubli des origines et nous restons ainsi endormis. Oulamine nous réveille de ce sommeil en nous rappelant à sa manière combien ce monde où nous vivons est précaire et fait de poussière. Il peut à chaque instant retourner au néant d'où il est issu. C'est en tout cas, ainsi que j'ai interprété  la succession de quelques unes de ses toiles, en les regardant comme les moments successifs d'une cosmologie, le jour où, pénétrant dans son atelier, j'en ai fait le tour.

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Il y avait d'abord un ovale blanc qui m'a semblé représenter la vie encore enveloppée d'où - 2ème toile - s'envolaient des mouettes : une première messagère de la vie sur la terre. Venait ensuite une gerbe de lumière jaillissant sur une toile comme l'écume d'une vague vient exploser dans la lumière du soleil. La répétition joyeuse de cet hymne à la vie était soudain interrompue par un cataclysme. Cette nouvelle explosion de feu n'était plus celle de la vie , mais, au contraire, sa conflagration.

Les âmes mortes des mouettes courant vers le néant d'une apocalypse. Cette fin d'un monde était figurée par une boule de feu, bientôt transformée en une fumée d'un noir intense. Puis c'était le gris des cendres  juste avant l'émergence d'un grand soleil mort, un bloc blanc et glacé errant dans la nuit du cosmos.

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Il m'a semblé, ce jour - là que le pointillisme d'Oulamine trouvait ici sa pleine justification. Loin de consister en une simple technique d'école,  il convenait au rappel angoissé de ce que nous avons oublié, que ce monde n'est qu'un fragile agrégat de poussière et de sable dont la consistance reste précaire. Un conflagration possible à chaque instant, peut le désintégrer et détruire à jamais la vie.

 

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Cette lecture « apocalyptique » d'une œuvre dont la disposition, dans cet atelier , qui n'était peut - être pas due au hasard, était probablement subjective. Mais comment faire autrement ? Notre rapport visuel au monde qui nous entoure et nous fait signe est toujours dialogue avec ce monde. D'autres, très certainement, trouveront dans l'œuvre d'Oulamine des enseignements différents ».

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Au  Maroc, l'héritage intellectuel  de Géorges Lapassade  reste vivant: au début de ce mois de juin 2009,  un peintre qui expose  à Casablanca m'a remis une invitation où il a mis en exergue la citation suivante tirée d'un article que lui avait consacré Georges au début des années 1980:

"Non loin du rêve, les sujets prennent vie du côté intérieur de l'être tandis que la réalité s'y reflète,  dissimulée derrière les voiles de l'imaginaire...Non loin de la théâtralité, le dialogue entre l'imaginaire et le réel se pare d'une réflexion sur notre perception de l'existence humaine et de la réalité"

 

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L'artiste plasticien dont il s'agit est l'ex prisonnier politique, Saïd Hajji qui faisait partie  avec Oulamine  entre autres, du groupe "Kawki" auquel  Georges avait  alors apporté un appui très actif,  par des écrits sur leurs œuvres,  lors du premier festival d'Essaouira "la musique d'abord"(1980-81).  Ce fut un moment essentiel qui marque la naissance de tout un mouvement culturel où s'inscrit ce groupe de peintres mais aussi les recherches ethnographiques sur Essaouira et sa région. Pour  Georges Lapassade, le mouvement pictural des artistes singuliers d'Essaouira n'était en fait, qu'une «  bombe à retardement »  née de la peinture psychédélique qu'a connu la ville avec le mouvement hippie dix ans plus tôt au début des années soixante dix.

Maintenant Oulamine met davantage en avant son activité d'antiquaire du côté de la place de l'horloge, dont il nous dit que « si ce village est bleu et ses remparts ocres , les chiffres romains de son horloge en panne sont noirs ». Mais il n'en continue pas moins d'être l'artiste qu'il a toujours été. Il nous surprend en ce tout début de l'année 2010, en nous tendant un cahier d'écolier où il a griffonné au grès du temps qui passe des poésies méditatives qu'il a composé pour meubler les silences par les mots comme il se plaisait à faire surgir du néant un monde imaginaire en procédant par pointillisme. Une poésie qui évoque en pointillé sa propre peinture, dont elle est en quelques sortes le miroir :

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Terrasses

La médina a poussé de quelques mètres verticalement.

Les mouettes y ont trouvé refuge et y pondent leurs œufs.

Jadis elles le faisaient uniquement au large sur l'île

Ou sur les rochers inaccessibles aux ramasseurs de crabes

Et aux enfants qui pêchent les petits poissons

Appelés bouri ou gaougaou.

La médina a poussé aussi horizontalement

Mais c'est comme si elle ne l'avait pas fait

Puisque les mouettes la fuient

Et les chattes n'y font pas leurs petits.

Seuls ceux qui n'ont rien compris y aménagent

Et la prennent comme foyer.

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Massacre

L'homme de ce pays , quel pêché lui reste - t - il à commettre ?

Quelle vie lui reste - t - il à anéantir ?

Où est la faune d'autrefois ? Où est le putois ?

Où est le lion de l'Atlas ?

A part l'âne, les rats, les chiens et les chats, je ne vois pas.

Le scorpion est enfermé dans la résine,

La femme est devenue gazelle.

La tortue qui rythmait les notes dans son espace

Aujourd'hui participe à la fausse note, devenue carcasse.

D'autres animaux, au lieu de courir dans la nature,

Ornent les murs des palaces.

Seuls quelques migrateurs échappent au massacre

Et le chacal tire encore le fiacre.

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M'STAFA

Salut à toi, sage parmi les personnages !

Que tu sois là-haut dans les cieux

Ou là-bas dans le cimetière au fond de la terre, chante

Et fait danser kharboucha tout au long de la kasbah.

Distribue ton sourire et ta sagesse

A tous ceux qui séjournent

Ainsi qu'aux fidèles noctambules.

Où que tu sois, prince de Mogador,

Je te souhaite le paradis ainsi qu'à tous tes semblables.

Aujourd'hui que tout t'es égal,

C'est à mon tour de te demander :

« Entre la lune et les étoiles combien y-a-t-il d'intervalles ? »

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Le vert

La couleur verte n'est pas morte, elle ne mourra jamais,

Je l'ai vu ressurgir après chaque pluie.

La terre est verte, l'émeraude, le jade le sont aussi.

Tout le monde se laisse emporté par sabeauté,

La verdure n'est autre que la vie.

Toi aux cheveux noirs tu resteras exclu

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De toutes les sensibilités, tu mourras

Sans avoir goûter au brai sens de la vie.

Pour nous tous, chaque feuille verte est trésor renouvelé.

Tous les textes sacrés on en parlé,

Qu'elle soit ici sur la Terre ou dans le paradis.

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Le berger

Comme la pluie est le lien entre le ciel et la terre,

L'eau des lacs est le miroir des étoiles (y compris Jupiter).

Les montagnes s'élèvent  pour accueillir les gouttes messagères

Chaque goûte qui tombe porte en elle une vie particulière

Le berger a bien compris le message depuis des millénaires :

Il joue sa musique tout le long des rivières

Pour maintenir en harmonie ce dialogue entre le ciel et la terre

Gardant l'œil sur la chèvre qui danse sur les branches

Avec une joie singulière.

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Un autre jour

Que je sois la montagne et toi le volcan

Que je sois le feu et toi la flamme

Que je sois l'eau et toi son âme

Que je sois le père et toi l'enfant

Que je sois la parole et toi le son

Que je sois le sourd et toi le muet

Que je sois la musique et toi le rythme

Je sais que demain ne sera jamais le même.

 

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Le voyage

Chaque naissance est un nouveau départ

Pour un nouveau long voyage

Les sentiers se croisent et se recroisent

Tout le long de la ruée vers je ne sais quels rivages

En plein vacarme les cris de joie et de détresse

Se mélangent avec le bruit des orages

Toute chose vivante empreinte le chemin quelle aura choisi

Avec ou sans bagage .

Quelque soit son âge l'homme ne maîtrise en réalité

Que trop de bavardages

Bien sûr le voyage continue après la mort

En silence terrible et discrètement sage.

 

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Abdellah Oulamine, et son chat dans son magazin d'antiquaire place de l'horloge

Muré dans un silence « terrible et sage », Oulamine n'en continue pas moins d'observer les contradictions qui minent une ville où « les choses ne tournent pas comme on souhaite » :

« Le vent souffle du nord, mais les gens l'attribuent au sud »

Et de conclure avec le Mejdoub qu' « il faut se rappeler que cette cité, si belle, si bleue et noire, sera noyée tôt ou tard comme l'a prédit un lucide vieillard »

 

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Entouré de vieux tapis, de mobiliers du haut Atlas et de bijoux berbères, il compare l'inconstance de l'homme au comportement trempe l'œil du caméléon et observe méditatif que « seul l'or se montre toujours tel qu'il est : il n'a rien à cacher à personne quel qu'il soit le lieu. C'est ce qui fait attirer sur lui tous les regards ». Il a parfois envie de fuir loin de cette ville où tous les rêves se brisent violemment au pied des murailles , symbole par excellence de l'embargo eternel. » Ce qui lui donne parfois l'envie de sauter par-dessus ces murailles de l'enfermement pour s'en aller ailleurs, « en haut des cimes de l'Atlas ».

Abdelkader Mana


17:14 Écrit par elhajthami dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arts, poèsie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

31/12/2009

La printanière

La procession printanière

Qasida du genre Malhûne de Mohamed Ben Sghir

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L'arrivée des Regraga à Essaouira, Roman Lazarev

 

Nous nous empressons par petits groupes à accueillir les Regraga

Leur procession printanière arrive déjà à Essaouira

Les larmes de joie scintillent les regards,

Une nouvelle aube éblouissante traverse de part en part.les horizons

Vois scintiller  au firmament,le divin soleil

Il a jeté son filet de lumière sur chaque pétale de fleur

Vois perler à l'ombre, la rosée sur chaque fleur et chaque feuillage

Vois la nature se pavanant, saupoudrée d'or

De perles de diamants, d'émeraude et d'or

On dirait des guirlandes suspendues aux feuillages des arbres

La danse colorée, équarquille les regards

La danse colorée chavire la raison de stupéfactions

Feuillage doré, perlé des dernières gouttelettes de pluie

Qui aurait vu ainsi le soleil mêlé de pluie au milieu des jardins en fleurs

En averse comme en éclaircie, l'eau transparente illumine l'univers

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"La fiancée des Regraga" Hamza Fakir

Le revoilà le beau seigneur sur sa jument blanche,

Jetant sur la ville,du haut du promontoire d'Azelf ,son regard  et ses prières

Parmi tant de récitants du dhikr et de danseurs de l'extase

C'est sur moi qu'il a jeté finalement son dévolu

Il m'a pris sur sa monture et ensemble

Nous frayâmes la foule des pèlerins tourneurs du printemps

De sa propre main, il m'accorda offrande de dattes et de lait

Il m'asseya sur son tapis de prière et me recouvrit de son haïk de lumière.

Cependant qu'autour de nous les gens ne cessent de tomber en transe

Cependant que je ne cesse de sangloter d'extase, de regret et de repentir.

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Roman Lazarev

Voici que se dissipe l'ondée dont s'abreuvent d'innombrables créatures

Voici l'éclaircie du soleil jaunissant qui a du mal à nous quitter

Mon compagnon me dit :

« Pauvre astre, qui   nous adresse ses adieux, par sa chevelure dorée

Ses amours sont pure perte, en ceux qui ne les méritent pas. »

 

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Les fantassins faisant exploser leur baroud lors de l'arrivée des Regraga. R. LAZAREV

La terre est maintenant une trame de couleurs étonnantes

Eblouissement des sens où errent  les poètes

Comment l'eau incolore donne -t- elle  des fleurs multicolores ?

Le bleu, le blanc, le jaune, le rouge et tant d'autres  indicibles colorations

L'eau incolore, donne pourtant des fleurs de toues les couleurs :

Comment reverdit - elle les plantations ?

Comment alourdit - t - elle de fruits les branchages ?

De grappes d'abricots  et de raisins gorgées d'eau,

De poires et de pommes déjà mûres,

De  grenades perlées, de juteuses  oranges...

Peut-on me dire d'où viennent tous ces éblouissants fruits de la terre ?

 

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L'arrivée des Regraga à Essaouira

Traduction: Abdelkader Mana



00:32 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poèsie, pèlerinages circulaires en méditerranée | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

28/12/2009

La bataille d'Isly


La bataille d'Isly

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Roman Lazareve


La conquête de l’Algérie par les Français, à partir de 1830, mettait le Maroc en présence d’une situation nouvelle. Sollicité par l’émir Abd el-Qâder, le sultan Moulay Abd er-Rahmane (1822 – 1859) lui avait accordé un asile, puis une armée. La garde royale (mehalla marocaine) soutenait l’émir Abd el-Qâder et menaçait les opérations de Bugeaud. Aprè de longues hésitations devant l’attitude menaçante de l’Angleterre, la France se décida à une double expédition : par terre sur Oujda et l’oued Isly (d’où le nom de « la bataille d’Isly »), par mer, sur Tanger et Mogador. On trouve dans kitâb al-Istiqçâ fi Akhbâr al-Maghrib al-Aqçâ de Ennâçiri Esslaoui, une description vivante de cet évènement dramatique du point de vue marocain :


« En 1259/1844, les Français étaient maîtres de tout le territoire du Maghrib Moyen , tandis que Elhâdj Abdelqâder ben Mahi Eddin allait et venait sur les confins, tantôt dans le Sahara, tantôt chez les Béni Yznâsen, tantôt à Oujda et dans le Rif . Peut-être dans ses allées et venues, y avait-il autour de lui un grand nombre de sujets ou de soldats du Sultan ? Les Français, envahissant alors l’Empire du Sultan (que Dieu lui fasse miséricorde !) dirigèrent plusieurs incursions contre les Béni Yznâsen et contre Oujda et les environs. Ils prirent Oujda par surprise et livrèrent cette ville au pillage. Leur brigondage désolait la frontière. Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) leur ayant adressé des représentations sur cette violation de son territoire, ils répondirent que le fait d’avoir fourni à plusieurs reprises à Elhâdj Abdelqâder des chevaux, des armes et de l’argent, la guerre qui leur avait été faite par les troupes régulières du sultan massées sur la frontière, et la présence des Béni Yznâsen dans les rangs de l’armée d’Elhâdj Abdelqâder, constituait une violation de la trêve, sans compter d’autres arguments qu’ils mettaient en avant.

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Roman Lazarev

Les affaires s’aggravant, le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) résolut de déclarer la guerre aux Français. Il invita les habitants des ports à se tenir prêts,à faire bonne garde et à se préparer à toute éventualité. Il donna à son cousin le commandement d’un détachement de réguliers et l’envoya dans la direction d’Oujda. Voici à ce sujet, ce qu’écrivait le Vizir Ben Driss pour appeler au combat la population du Maghrib, les exciter à la guerre sainte et réveiller leur aspiration dans ce sens :

« O habitants de notre Maghrib, il est juste de vous appeler à la guerre sainte : le droit ne se trompe pas.

Le polythéisme est à votre porte du côté de l’Est : il a déjà imposé l’injustice aux gens de votre religion.

Ne vous laissez pas séduire par la douceur trompeuse qui déjà s’est transformée en colère contre l’Islam.

Car il possède toutes sortes de stratagèmes qui défient toute l’intelligence des jeunes et des vieux. Les principes de la trahison commencent à ses bagues : la trahison et le mal abhorré sont sa règle de conduite. C’est vous qu’il vise. Ne restez pas en paix : le repos devant les ennemis est une déchéance. Celui qui reste dans le voisinage du mal sera frappé par le malheur.

Comment vivre quand on a des serpents dans son panier ? L’homme noble désire la gloire qui le rend eternel, et celui qui vit dans l’avilissement n’est pas heureux. »

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Driss Oumami


Le commandement des troupes fut confié au fils et khalif du Sultan, Sidi Mohamed ben Abderrahman, qui se mit en route et établit son camp au bord de la rivière d’Isly, dans l’obédience d’Oujda. Elhâdj Abdelqâder parcourait toujours le pays, n’ayant plus avec lui qu’environ 500 cavaliers du Maghrib Moyen..Quand le khalif Sidi Mohamed, arrive à l’oued Isly, y eut établi son camp Elhadj Abdelqâder vint lui demander une entrevue. Le khalif le reçut à cheval et eut un entretien avec lui. Entre autres choses Elhadj Abdelqâder lui dit :

"Vous avez été mal inspiré d’apporter avec vous ces tapis, ces effets et tout cet appareil que vous avez placé ici devant le front de l’armée de cet ennemi. N’oubliez pas que vous ne devez jamais vous trouver en face de l’ennemi sans avoir tout plié, et sans laisser une seule tente plantée sur le terrain. Sinon, dés que l’ennemi apercevra les tentes, c’est sur elles qu’il se dirigera, et il n’hésitera pas à perdre pour elles tous ses soldats."

 

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Driss Oumami


Il expliqua aussi la façon dont il combattait les Français et certes il avait raison de tenir ce langage, mais il ne produisit aucun effet, parce que les cœurs étaient déjà gâtés. Il n’y a de force et de puissance qu’en Dieu.

Dans la nuit qui précéda le combat, deux arabes du pays arrivèrent au camp et demandèrent à être introduits auprès du hâjib (chambellan). Arrivés auprès de lui, ils lui dirent :


- L’ennemi se dispose à surprendre demain matin : préparez vous à le recevoir et préparez votre général.


On prétend que le hâjib leur répondit :


- Le général dort à ce moment : ce n’est pas moi qui le réveillerai.

 


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Roman Lazarev

Après eux, quatre autres hommes vinrent donner des informations sur l’ennemi : ils furent reçus comme les premiers. A l’aube, le khalîfa venait de terminer sa prière quand une dizaine de cavaliers, arabes selon les uns, gardiens du khalîfa selon les autres, arrivèrent pour lui annoncer que l’ennemi était en route et qu’ils l’avaient quitté au moment où il commençait à lever le camp. Le khalîfa (Dieu lui fasse miséricorde !) donna l’ordre de monter à cheval et de se tenir prêts : personne ne devait rester à la mehella, sauf les fantassins qui étaient moins d’un millier. Il envoya l’ordre de se mettre en selle aux Béni Yznâsen qui arrivèrent par milliers, et qui étaient presque aussi nombreux que les troupes du khalîfa. Les cavaliers marchèrent contre l’ennemi, rangés en bataille à perte de vue, leurs étendards flottant au – dessus d’eux. Ils offraient un spectacle surprenant et présentaient un ordre magnifique. Au milieu d’eux marchait le khalîfa, avec le parasol ouvert au – dessus de sa tête, monté sur un cheval blanc et vêtu d’un manteau rouge, se distinguant des autres par son extérieur et son appareil. Quand les deux armées se rapprochèrent, des lignes de cavaliers se mirent à se porter en avant, comme pour hâter le combat. Mais le khalîfa ordonna aussitôt le calme, la dignité et une marche prudente. Puis, les deux troupes se trouvant face à face, le combat s’engagea. L’ennemi observait surtout le khalîfa et dirigea plusieurs fois le tir sur lui ; une bombe vint même tomber devant le porte – parasol, son cheval s’emporta et faillit le désarçonner. Voyant cela, le khalîfa changea son aspect extérieur. Il fit replier le parasol, monta un cheval baie qu’il se fit amener, et mit un autre monteau. De cette façon, il disparaissait dans la foule. Les musulmans avaient jusque – là , brillament repoussé l’ennemi et lui avaient infligé des pertes sérieuses, leurs chevaux s’effrayaient, des bruits des canons, mais ils les éperonnaient vigoureusement et ils tenaient ferme contre l’ennemi. Mais quand se tournant du côté du khalîfa, ils ne le virent plus, à cause de son changement d’aspect, ils furent pris de peur, car des alarmistes disaient qu’il était mort. Aussitôt le désordre se mit dans leurs rangs. Les chrarda se hatèrent vers la mehalla et, se rendant maîtres des tentes où était l’argent, s’en emparèrent, s’entretuèrent pour se l’arracher. Ceux qui étaient dominés par l’effroi les suivirent, les autres s’esquivèrent peu à peu, de sorte que l’armée fut battue sur tous les points. Un des personnages de son entourage vint annoncer au khalîfa que l’armée était défaite et que les hommes se tuaient et se volaient dans la mehalla. « Gloire à Dieu ! » s’écria-t-il, et, se retournant, il constata la conduite effrayante des troupes, et battit en retraite, les gens qui étaient restés avec lui furent mis en déroute jusqu’au dernier. L’ennemi les poursuivait et lançait sans discontinuer des boullets et des obus. Heureusement, quelques artilleurs tinrent solidement à la mehalla, mais la rivière se mit à couler et submergea ses rives habituelles. Les ordres de Dieu reçurent leur exécution, et se furent les Musulmans seuls qui battirent les Musulmans, ainsi que vous avez pu le voir.

 

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Roman Lazarev

 

L’ennemi s’empara de la mehalla, et, les pillards s’étant enfuis devant lui, il en resta maître avec tout ce qu’elle contenait. Ce fut une calamité cruelle, un désastre considérable, tel que n’en avait pas encore subi la dynastie chérifienne. Ce triste évènement eu lieu le 15 chaâban 1260, à 10 heures du matin.


Les troupes défaites battirent en retraite et se dispersèrent de tous côtés. Mourant de soif,de faim et de fatigue, les gens se laissaient dépouiller sans resistance par les femmes des arabes Angâd. Le khalîfa parvint jusqu’à Taza, où il resta quatre jours, pour attendre les fantassins et les faibles débris du gueïch, puis rentrer à Fès. »

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Driss Oumami

Les chroniqueurs rapportent que le sultan, qui venait de Marrakech et se trouvait à Rabat, apprit la nouvelle et repartit à marche forcée pour Fès. Pendant son voyage, il fut informé successivement du bombardement de Tanger par la flotte de Joinville (6 août 1844) et de celui d’Essaouira par les mêmes unités, avec débarquement de 500 hommes sur l’îlot sis à l’entrée du port (15 août 1844). Cela accrut la fureur du sultan, qui fit raser la barbe à un groupe de caïds de l’armée.


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00:38 Écrit par elhajthami dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, isly, oujda, tanger | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook