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19/01/2010

Dites-le avec les fleurs

 

Dites - le avec les fleurs

Par Abdelkader Mana

 

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Brahim Mountir

le peintre - abeille

En ce mois d’août 2008, je croise par hasard à Essaouira, Brahim Mountir, né à Tidzi, au pied de la montagne et au milieu des arganiers du pays Hahî. Je savais déjà qu’il avait perdu la vue à cause de son diabet. Son fils lui tient lieu de  guide. Qu’y a-t-il de plus terrible pour un peintre que de perdre la vue, de  ne pas voire les couleurs du jour ? Il me dit : « Je reconnais ta voix et je peux distinguer les rayures de ta chemise ». Résigné mais plein d’espoir qu’un jour il pourra à nouveau recouvrir sa vue, retrouver les lumières de la vie.

Je l’ai connu il y a plus de vingt ans de cela, il gérait alors le restaurant le « Mogador ». Il  venait de se faire connaître par ses estompes à base de pollen, ce qui me conduisit à avoir avec lui l’entretien suivant :

 

 

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- Art culinaire et peinture, même cuisine ?

- Mon travail, c’est à la fois le printemps et le dindon ! (rire) L’encre, je le tiens des fleurs du printemps et mon pinceau est une plume du dindon ! On reste toujours avec la nature parce qu’il n’y a pas mieux que la nature. L’encre et la matière, je les fabrique moi-même une fois par an à partir du coquelicot (rouge) d’une fleure bleue que les berbères nomment « l’œil d’une romaine » et de toutes les autres couleurs du printemps. Si je ne garde que le rouge, j’aurai une couleur un peu forte pour mon goût, de même que si je garde le jaune ou le bleu à l’état pur. Avec l’extrait de mélange de toutes les couleurs de la prairie, j’obtiens une couleur rose que je laisse stagner un bon moment. Au bout d’un an, elle vire au marron-sombre. Une couleur qui ne change plus, mais plus elle vieillit, plus elle devient belle.

 

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- Comme le miel ?

- Si tu veux(rire).

- C’est le miel des choses parce que le miel aussi provient des fleurs ?

- Je suis une abeille ; alors ! (rire). La reine des abeilles. C’est le meilleurs insecte du monde. En fait, j’obtiens deux couleurs : si j’appuie sur la plume, ça donne du noir, et si je touche légèrement, elle me donne la couleur marron. Entre ces deux couleurs, il y a le blanc. Voilà comment j’arrive avec une seule couleur à en faire ressortir trois, vives et naturelles. C’est que je suis d’abord un biochimiste avant d’être un artiste (rire).

 

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Mountir

- Au commencement était le grain de pollen, et le résultat est encore un grain de pollen : une espèce de serpent qui se mord la queue ?

- C’est le merlan en colère ! Nous revoilà encore avec la cuisine (rire)

- Est-ce le feu qui est le lien entre les deux arts ?

- Il y a aussi le dosage de la matière.

- Ton pointillisme fait penser à l’estompe japonaise ?

- C’est ce que tout le monde me dit, mais c’est une pure coïncidence si mon style ressemble à l’estompe japonaise.

- On trouve aussi cette affinité artistique entre la musique berbère et la musique asiatique : de là à penser que les berbères sont d’origine asiatique, voilà un pas que je ne franchirai pas. Mais pourquoi tes paysages sont-ils estompés ?

- Parce que ce ne sont pas des paysages réels mais imaginaires. Je suis né au pied d’une montagne, c’est pour cela que je suis influencé par les beaux paysages...

 

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- Une transfiguration du paysage vécu par le rêve ?

- Et le pointillisme...Mes tableaux essaient de reproduire au niveau imaginaire la variété des reliefs : montagnes, collines, plateaux, oueds, et même plaines.

- On a l’impression de strates de reliefs, de superpositions de paysages ?

- C’est une grimpée de paysages en escaliers. Chez nous au pays Haha, le principal arbre, c’est l’arganier. Sur mes tableaux, il y a toujours un arganier, que je peins des fois sans fleurs ni feuilles. C’est un arbre sacré chez les habitants depuis toujours.

 

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Mountir

Maintenant qu’il distingue à peine les rayures de ma chemise, et qu’il me reconnaît surtout au timbre de ma voix, je n’ai pas eu le courage de lui demander s’il a toujours envie de peindre ses estompes aux couleurs si fines et si délicates.Maintenant, c'est le fils qui a repris le relais du père en utilisant la même technique.Grains de pollen, grains de sable.Ils sont deux artistes  d'Essaouira à recourir au pointillisme: Mountir à base de pollen et Oulamine à base de grains de sable.

Oulamine commence par un point et termine par un autre, parce que la vie elle-même commence par la poussière et finit dans la poussière. Il pratique, un pointillisme figuratif, inspiré de scènes insolites du bord de mer : le saut d’un poisson en dehors de l’eau,la rumination d’une vache sur le sable, un plat de noyer magique sous un astre noir. Le sablier du peintre immobilise des moments uniques et dépeint des situations à la fois étranges et poétiques, grain de sable, grain de peau, corpuscule de lumière cendrée, molécule d’air et d’eau. Le paysage est reconstitué à partir de ses composantes élémentaires ; plus on ajoute de nouvelles couches de petits points, plus il y a possibilité de combiner lumière et ombre, et de ce jeu se dégagent de nouvelles formes.

 

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Au début des années 1980, Oulamine faisait partie du « groupe kawki ». Un groupe informel, de réflexion sur les arts plastiques, qui ne tarda pas à se disperser, faute de cadre institutionnel approprié. Sidi Kawki, ce marabout de la mer, qui surplombe de son architecture étrange et belle, une magnifique plage préhistorique, protège Manzou de toute influence venue d’ailleurs. C’est son saint protecteur, c’est là qu’on lui avait coupé les cheveux pour la première fois comme le veut la coutume berbère. Les pèlerines s’y rendent pour une incubation, afin de trouver dans le rêve une guérison, les musiciens pour que leur voix ne soit pas désagréable et Manzou pour écouter mugir le chergui sous sa coupole, s’imprégner de la magie du lieu afin de mieux intégrer ses « forces vibratoires » à sa peinture. Mais ce qu'il y a de fantastique chez Mountir, c'est sa dépendance au printemps: il attend le retour de la belle saison pour aller butiner dans la montagne le nectar des plus belles fleurs exactement comme font les abeilles! Il peut d'ailleurs continuer à le faire en recourant à son seul odorat.

 

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Mountir

13:06 Écrit par elhajthami dans Arts | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : arts | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Je vous félicite pour votre recherche. c'est un vrai exercice d'écriture. Développez .

Écrit par : MichelB | 13/08/2014

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