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21/10/2009

Sucrerie saâdienne

La sucrerie saâdienne

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Au Maroc le sucre est lié au cérémonial du thé :

 

- Viens que je te prépare le thé !

- Laisse-moi, je ne veux pas de thé.

- Viens ! L’eau est bouillante et les amandes sont grillées.

- Laisses-moi, je ne veux pas de thé !

- Combien de reproches nous avons supporté pour toi ?

- Viens que je te prépare le thé ; je suis l’aigle qui fond sur le rocher !

(Chant du Raïs Aïsar des Haha)

 

Au bord de l’oued Ksob, les Saâdiens avaient établi une ancienne Essaouira , « Souira Qdima », autour d’un pressoir de canne à sucre. Cette sucrerie qui a fonctionné régulièrement de 1576  à 1603, aurait élaboré du sucre roux (sukkar ahmar), qu’Ahmed El Mansour Dahbi expédiait en Italie en contre partie du marbre de Toscane, comme nous l’apprend « Nozhat el Hadi » d’El Ouafrani : « Le marbre apporté d’Italie était payé en sucre, poids pour poids. »

 


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On découvre les ruines de la sucrerie, près de Larbaâ des Ida Ou Gourd, au milieu des arganeraies où des dromadaires – qui semblent attendre depuis une eternité de nouvelles charges de sucre – broutent la cîme rutilante des arbres : l’arganier s’est substitué à la canne à sucre. Nulle route ne mène plus à cette ancienne fabrique saâdienne ; la voie du sucre est devenue terrain de labour et la forêt enserre les vieilles murailles en pisé.

 

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On voit encore l’emplacement de la chute d’eau et les traces de frottement laissées par la roue hydraulique. Sur de grandes distances, de splendides aqueducs (Targa) en pisé – actuellement desséchés – acheminaientt l’eau depuis la source chaude d’Irghane jusqu’à la sucrerie. L’eau qui faisait tourner la roue hydraulique était ensuite amené à grand frais vers « l’Oulja » du bas et distribuée aux planteurs suivant la règle des tours d’eau.

 

Le broyeur principal se trouvait dans l’axe même de la roue hydraulique. Les deux broyeurs secondaires occupaient une position latérale. A la base de chaque broyeur prenaient naissance un canal d’écoulemnt destiné à recueillir les produits de trituration et à les acheminer vers la citerne en vue de la cuisson. On dénombre six fours à sucre qui servaient à la fabrication des moules en terre cuite d’une contenance de cinq kilos. Les débris de ces moules à sucre jonchent encore l’emplacement des anciens fours.

 

 

La culture de la canne à sucre autour d’un système hydraulique complexe et étendu avait  réclamé l’utilisation d’esclaves, mains d’œuvre peu coûteuse : aux environs de la fabrique, il existe un cimetière d’esclaves (Roudat Laâbid) plusieurs hameaux d’Isemganes(« Les Noirs » en berbère) et on peut encore rencontrer les descendants des potiers noirs qui fabriquaient les moules à sucre en terre cuite.

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Le souvenir de cette fabrique de sucre se perpétue encore de nos jours chez les riverains de « l’oued ksob » (la rivière de canne) sous la forme d’un mythe :

« Parceque les abeilles vivaient de la fleur de canne à sucre, le Sultan Ahmed El Mansour Dahbi (le Victorieux et le Doré) ordonna la destruction de toutes les ruches de la région. Les soldats ont tout détruit, mais quelques essaims restèrent au milieu des plantations. L’emissaire du Sultan poursuivit à cheval une abeille jusqu’à une ruche cachée dans le silo de Sidi Brahim Ou Aïssa. Lorsque les soldats brulèrent cette dernière ruche, le saint se mit en prière dans les broussailles. Une vipère vint alors s’enrouler autour du cou du fils du Sultan doré qui fit appel aux Gnaoua, aux Aïssaoua et autres gens de transe, en vain. Terrorisé, le Sultan alla trouver Sidi Brahim Ou Aïssa et le supplia de sauver son fils. Le saint y consentit, à condition que le Sultan renonçât aux plantations de cannes et quittât le pays. »

 

Ce mythe met en évidence la contradiction entre Ahmed El Mansour Dahbi qui avait une option économique à caractère spéculatif – la production du sucre – et la production du miel qui constituait la nourriture ordinaire des gens du pays.

 

Les Saâdiens avaient établi de nombreuses autres  sucreries au Maroc, notamment à Chichaoua  dans le Haouz de Marrakech, et le grand Sous. Des esclaves ramenés du Soudan y travaillaient, utilisés en particulier par les Saâdiens pour la construction à Marrakech du Palais El Badî.

 

Depuis la prise de Santa-Cruz-du Cap de Guir (1541), les esclaves chrétiens avaient introduit dans le Sous et le provinces méridionales du Maroc(Haha, Chiadma), les procédés de raffinage. Les chérifs saâdiens possédaient de nombreuses sucreries qu’ils affermaient aux juifs.

 

La rénovation de l’industrie sucrière dans le Sous commence après la prise d’Agadir (1541), lorsque El Ghozzi Moussa - juif convertit à l’Islam - dresse des moulins à sucre à Tiout (vingt kilomètre au sud - est de Taroudant) avec l’aide de captifs faits par le cherif d’Agadir. Dés lors les marchands accourent de toute part, de Fès, de Marrakech, et du pays des nègres parce que le sucre de Sous est particulièrement fin (Marmol, II, 30).

 

Selon une relation de James Thoma, datée des mois de mai / octobre 1552, les trafiquants anglais embarquaient du sucre depuis Agadir :

 

« Départ des trois navires commandés par Thomas Windham au mois de mai 1552. Arrivée à Safi après quinze jours de traversée, ils débarquent une partie de leur marchandise à destination de Marrakech. Ils se rendent ensuite à Santa-Cruz-du-Cap-de-Guir pour y décharger le reste : toiles, draps, corail, ambre, jais etc. Un navire français redoutant de leur part des hostilités, va se mettre sous la protection de la place, qui tire sur eux un coup de canon. Les Anglais ayant déclaré qu’ils sont déjà venus l’année précédante et qu’ils se présentent en trafiquants, avec l’agrément du chérif, on les laisse débarquer leur marchandise ; ils reçoivent la visite du caïd. Ils repartent après un séjour de près de trois mois, ayant embarqué du sucre, des dattes, des amandes, des melasses et du sirop de sucre. Leur nouveau commerce avec le Maroc mécontante les Portugais. Arrivée à Londre à la fin d’octobre 1552. »

 

Le sucre sous ses différentes formes (pannelles, mélasse, moscouades) était vers 1574-1576, et depuis les relations commerciales entre l’Angleterre et le Maroc, le principal produit importé de ce dernier pays. Les plantations de canne, les pressoirs, les raffineries (ingenewes, maseraws) étaient si nombreux sous Moulay Mohamed ech-Cheikh que le sucre se vendait à vil prix au Maroc(El Ouafrâni p.226). Les prix se relevèrent par suite des taxes mises sur les pressoirs (ibidem p.302). Mais le renchérissement du sucre sous Moulay Ahmed el-Mansour eut encore pour cause les spéculations du chérif et des juifs qui affermaient les sucreries. Ceux-ci profitaient de la concurrence que se faisaient les marchands anglais. On sait que les Maures avaient introduit en Espagne la culture de la canne à sucre et qu’il existait de nombreuses raffineries sur toute la côte, de Malaga à Valence. Les amandes furent, comme le sucre, l’un des produits le plus anciennement importé du Maroc en Angleterre»

 

Le 6 juillet 1577, un édit de Moulay Abd-el-Malek est promulgué à Marrakech en faveur des marchands anglais. Edmund Hogan ayant exposé à Moulay Abd-el-Malek les plaintes des marchands anglais contre les juifs qui ont affermé ces sucreries, le chérif ordonna que lesdits marchands, jouiront des mêmes libertés de trafic qu’autrefois, que les trois qualités de sucre leur seront rendues au prix des années passées, pesées avec le poid de la dîme royale de Marrakech.

 

Un mois plus tard le 7 juillet 1577, Moulay Abd-el- Malek promulgue un nouveau édit en faveur des marchands anglais. Les marchands anglais s’étant plaints d’avoir été lésés dans les marchés passés au Maroc pour les achats de sucre, le chérif ordonne aux juifs et autres personnes avec qui ces marchés ont été passés, de livrer dans le délai de trois ans ces commandes de sucre, à défaut de quoi, ils restitueront l’argent.

 

« Otland, 2 septembre 1577, dans sa lettre la reine Elisabeth remercie Moulay Abd-el-Malek du bon accueil qu’il a fait à Hogan et des mesures qu’il a prises en faveur des marchands anglais. Grâce à ces mesures, le commerce du sucre est libéré de toute entrave et le remboursement des sommes dues par les juifs fermiers des sucreries royales est assuré aux dits marchands dans un délai de trois ans. »

 

Les sucreries, qui étaient la base du commerce au Maroc et une grosse source de revenu pour le roi, ont été détruites à la mort de Mouay Ahmed el Mansour en 1603. Une relation d’époque nous le confirme :

 

« On trouve au Maroc en abondance de l’or, du cuivre d’excellente qualité, du sucre, des dattes, de la gomme arabique, de l’ambre, de la cire, des peaux et des chevaux. Les articles étrangers qu’on y cherche le plus sont l’étain, les lames de sabre, les piques, les rames, le fer, le gros drap. La poudre d’or est importée du Soudan ; elle arrive en grande quantité après la conquête de ce pays par Moulay Ahmed el  Mansour en 1591.La culture de la canne à sucre fut extrêmement florissante au Maroc, notamment dans la région du Sous, jusqu’à la mort de Moulay Ahmed el Mansour en 1603, après laquelle les guerres civiles qui éclatèrent entre ses fils ruinèrent les plantations. »

 

Effectivement à la mort de ce sultan saâdien, toutes les sucreries furent détruites probablement à la suite de révoltes d’esclaves.


Abdelkader MANA


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

22:40 Écrit par elhajthami dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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