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18/08/2010

Caïdalisme

 

Le temps des caïds

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Les ruines de la demeure du caïd M'barek en Neknafa(Ph.A.Mana)

« Le temps de la Siba, le temps où les caïds étalaient le burnous sur la jellaba et faisaient parler le baroud. » Fellah marocain


Vers 1840, un seul grand caïd, El Haj Abdellah Ou Bihi commandait une grande partie de la confédération des Haha,  et dominait la plaine du Sous au nom du Makhzen, grâce à l’influence dont il jouissait auprès de Moulay Abderrahmane, a une grande énergie et surtout a une justice intransigeante.Il fit construire la Kasbah d’Azaghar avec ses deux tours rondes et son magasin voûté. Il avait le contrôle de tout le commerce transsaharien qui transitait par le pays Haha. C’était un seigneur tout puissant. Même les Zaouias lui versaient la dîme. En plus, il levait des Toufrît (impôt extraordinaire) de 30 à 40 ouqiya par feu. Il installait partout des Chioukhs et des Oumana. Son commandemant unifia les tribus pendant 20 ans. Mais à sa mort survenue à Marrakech, discordes et déchirements se réveillèrent. Des vers du reis Belaïd, qui vivait aux Ida Ou Bâkil, près de Tiznit, rappellent sa domination sur les Haha et le Sous :


Les Haha ont fait du mal aux Soussis

Ils s’en sont fait entre eux aussi

Aghennaj est mort et passé.

On nous a compté sa puissance

On n’habite jamais les châteaux qu’il a démolis

Et Moulay Idriss où es – t – il ? On l’a remplacé, lui aussi.

El Haj Abdellah Ou Bihi, on nous a dit

Que nul ne fut semblable à lui

Puis est venu Guellouli

Il commanda jusqu’à Oussa, en s’en allant, il emporta

Esclaves, chevaux et chameaux, les chioukhs qu’ils nous ont imposé

Ont mangé ce qu’il a laissé, personne n’y a échappé...

 

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Le pays Haha, (Ph.A.Mana)

Vers 1814, Aghnnaj, caïd des Haha, rayonnait au nom du Makhzen dans le Sous et tenait la Maison d’Illigh sous la menace de son expédition. Le caïd Aghnnaj, était khalifa du Sous pour Moulay Sliman entre 1802 et 1816. Voici encore deux vers qui le concernent :

Aghennaj, nous a tordu la laine et la peau

Aghnnaj en ce temps là, mangeait les Chtouka

Plus tard, on voit, dans le Sous une autre famille de gouverneurs Haha, originaire des Aït Zelten. Le plus connu, El Haj Abdellah Ou Bihi, et son khalifa Moulay Idriss, sont nommés dans la chanson :

El haj Abdellah Ou Bihi, on nous a dit

Que nul ne fut semblable à lui.

Et Moulay Idriss, où est-il ? On l’a remplacé, lui aussi.

 

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"Lalla âbouch":l'arganier sacré du pays Haha(Ph.A.Mana)

Abdellah Ou Bihi, fils de négresse, eut l’autorité sur les douze tribus Haha et sur tout le Sous, jusqu’à l’oued Oulghas. Au sud du fleuve, c’était à Illigh, le royaume de Sidi Lhoucin Ou Hachem, le contemporain et l’ami d’Abdellah Ou Bihi. Les relations du caïd Haha avec le chérif de Tazerwalt étaient à la fois politiques et commerciales. Mogador était le port de Sous, Illigh l’entrepôt du Soudan. Les trois moussems annuels de Sidi Ahmad Ou Moussa, étaient très fréquentés par les caravanes des Haha. Elles apportaient à Illigh des produits d’Europe avec du blé, des chevaux. Elles remportaient l’ambre, l’encens, des étoffes du Soudan, des plumes d’autruche, des esclaves. Tous ces produits du Soudan arrivaient à Illigh, par Tindouf et Tizounin.


Un échange entre deux poétesses du pays Hahî atteste que ce grand caïd était un noir. Elles se sont rencontrées au moussem des femmes au maqâm d’El Jazouli, qui a lieu le 21 mars julien. Il s’agit de Rqiya N’barek,  des Aït Zelten qui fait l’éloge du caïd  en tant que noir et d’Aïcha N’taleb des Neknafa qui en fait la satire :

Rqiya M’barek a dit :

Femme blanche, tu as donné naissance à la laideur et tu l’as porté

Femme noire, tu as donné naissance au seigneur de tous les Haha

Sidi El Haj Abdellah Ou Bihit ô mes frères:

Il est  l’homme le plus courageux de tous les Haha

Ce à quoi Aïcha N’taleb a répondu :

On n’a jamais vu chez les noirs de taleb, de sidi, ou de Moulay El Haj

Ils ne sont connus que des noms de Boujamaâ, Salem et Barka

Abella, prends ta tunique d’esclave et rentre dans la paille !

Prends ton tambour et reviens à tes origines !

 

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En pays Neknafa (Ph.A.Mana)

On rapporta cet échange à El Haj Abdellah, qui convoqua aussitôt Aïcha N’taleb. Celle-ci le trouvant au seuil de sa demeure, lui demande :

- Isamguinou (mon noiraud), le caïd est-il là ?

- Où vas-tu ? Qui t’a envoyé ma vieille ? L’interroge-t-il à son tour.

- C’est ma mauvaise langue qui m’a condamné à venir jusqu’ici.

- Qu’est ce qu’elle t’a fait ?

- On s’est rencontrées au moussem des femmes moi et Rqiya M’barek, la poétesse des Aït Zelten. Elle faisait l’éloge des noirs, et moi leur satire Elle mit son mari dans la confidence, qui rapporta tout au caïd d’Azaghar qui m’a convoqué.


Elle ne savait pas qu’elle s’adressait au caïd en personne. Celui-ci s’est mis alors  à rire sous cape, surtout quand elle l’a affublé du sobriquet d’« Isamguinou » (mon noiraud). Il était en effet  métis, de mère noire et de père blanc, Oumoulid qu’il s’appelait, proclamé caïd lui aussi un vendredi, au moussem du miel de thym à Sidi Abdenaïm d’ Aït Daoud.


La légende du caïd Haj Abdellah Ou Bihi a débordé le 19ème siècle, où il a vécu. Tout ce pays des Haha et du Sous où il faisait régner une paix qu’on savait apprécier, malgré la dureté de sa poigne. Voici ce que m’en disait Mohammad mon oncle maternel un lundi des années 1970 au retour du souk hebdomadaire d’Imin Tlit :

 

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« Caïd El Haj Abdellah Ou Bihi était un devin qui métamorphosait des sacs de blé, en louis or. Il était tellement craint qu’il vint rapidement à bout  des voleurs et autres pillards, de sorte qu’on pouvait laisser sa vache ou sa brebis au milieu des chemins, sans que personne n’ose y toucher. En ce temps là, deux hommes passant en un lieu désert, dans la forêt d’arganiers, rencontrèrent deux bœufs paissant en liberté et en toute sécurité. L’un de ces hommes leur fit la révérence en disant : Que Dieu donne longue vie à El Haj Abdellah. Sa domination ayant débordé le pays Hahî au Sous extrême, il fut convoqué par le sultan au palais où on lui tendit un breuvage empoisonné, don’t il  mourut lentement à Marrakech. »

 

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Amendier en fleur(Ph.A.Mana)

Deux ans après la défaite retentissante de la bataille d’Isly et des bombardements de Tanger et de Mogador, ce grand caïd aurait obtenu du sultan Moulay Abderrahman, l’autorisation d’effectuer le pèlerinage à la Mecque :


« Le 25 chaâbane 1271 de l’hégire (1846), El Haj Abdellah Ou Bihi embarqua dans un babbor (vaisseau) qui lui était propre. Il y transporta, à ses propres frais, toute une compagnie de gens d’Essaouira et de Haha. Après le pèlerinage, il effectua une tournée au Hidjaz, y achetant des propriétés, don’t il fit couler les eaux, avant de les léguer toutes en main morte aux deux Lieux Saints. Dépensant des sommes considérables, il fit aumône aux pauvres et aux handicapés. Après une absence de près de trois années, il accosta à  Essaouira, le lundi 14 rajeb1274/1849, avec sa nombreuse suite,. Le pèlerinage à la Mecque ayant agrandi son prestige et sa réputation. »


Il mourut vers 1868, empoisonné dit-on, par le Makhzen inquiet de sa puissance Voici maintenant dans quelles circonstances, d’après la version recueillie par Justinard vers 1930 :


« Le chérif Sidi Lhaoussin Ou Hachem s’en vint un jour, à la tête de tout son lef des Guezoula, faire « tarzift » à son ami haj Abdellah Ou Bihi, sans doute quand celui-ci revint du pèlerinage. A partir de oued Oulghas, on trouve partout la mouna préparée par les soins d’Ould Bhi. On s’arrêta chez les Guellouli à l’assif Ighezoulen, puis dans l’azaghar n’Aït Zelten. El Haj Abdellah Ou Bih vint recevoir Sidi Lhaoussin et l’emmena chez lui. Après quelques jours de réjouissances, il lui dit :


- Je ne suis qu’un esclave, dans la main du sultan. Que pourrais-je faire s’il arrivait ici mille cavaliers du sultan, m’ordonnant de t’envoyer à Marrakech ? Mieux vaut que tu partes sans plus tarder.

 

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Amendiers en fleurs du pays Haha(Ph.A.Mana)

Sidi Lhaoussin Ou Hachem s’en fut d’abord à Mogador, où il reçut la hdia de tous : Musulmans, Chrétiens, et Juifs. Puis, il reprit le chemin de Sous. Beaucoup de ses gens avaient fait des achats à Mogador sans les payer. La note arriva à Tazerwalt au moussem suivant, et le chérif paya tout.

El Haj Abdellah Ou Bihi écrit une lettre compromettante à Sidi Lhaoussin, lui demandant aide éventuelle contre le Makhzen. Le reqqas aurait perdu cette lettre en passant chez les Chtouka. Un juif aurait trouvé cette lettre et l’aurait portée à un ami des Mtougga, qui aurait été heureux de perdre le chef des Haha et aurait envoyé la lettre au sultan. Sidi Mohamed fit venir à Marrakech le caïd Abdellah Ou Bihi :

- Es-tu un Roi pour recevoir telles visites ? Choisis. Entre le siaf qui va te couper la tête ou ce verre de thé qui va te faire mourir.


Le caïd s’en alla après avoir bu le thé et mourut en rentrant dans sa maison du quartier de Mouassin, à Marrakech. A sa mort Abdellah Ou Bihi  fut enterré (vers 1870-71) au hurm de Sidi Abdeaziz Tabaâ, l’un des sept saints de Marrakech. Plusieurs caïds se disputèrent alors les diverses fractions des Haha et en dernier lieu le caïd Hadj Saïd el-Guellouli qui les réunit en les jetant contre le Sous, don’t il fit la soumission, quand il mourut lui-même.

 

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Le manuscrit de Timsouriîne


Et voici la version que donne de ces évènements le manuscrit que nous venons de découvrir en ce mois d’août 2008,lors de notre récente dérive chez les Neknafa. Il est gauchement écrit par le dernier des Anflous, qui vit toujours au milieu des ruines de ses ancêtres à Timsouriîne :

 

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« Notre histoire se déroula au pays Hahî connu pour ses hautes montagnes, ses puits, ses sources intarissables, ses cours d’eau et ses nombreux arbres.Son territoire est sanctifié par le maqâm (mansion) d’El Jazouli ainsi que par d’autres zaouia telle celle de Sidi Saïd Ou Abdenaïm qui se trouve à Aït Daoud.  Dans les temps anciens, un homme de pouvoir gouvernait ce pays. Il s’agit du caïd El Haj Abdellah Ou Bihi Ou Moulid d’Azaghar, qui reçut ses pouvoirs de Sidi Mohamed ben Abderrahman (1859-1873). Il lui a délégué tous les pouvoirs sur les douze tribus Haha, don’t celle des Naknafa, connus par leurs Oulémas (docteurs de la lois) et leurs fuqahas (docteurs de la foi). Mais aussi par le courage et la bravoure de leurs guerriers, héros de ces temps, qui n’admettaient ni affront à leur honneur, ni humiliation.

Le caïd El Haj Abdellah Ou Bihi avait comme cheikh (auxiliaire, adjoint), un homme sage et expérimenté, le dénommé cheikh Mohamed Anflous, un originaire de la tribu des Aït Oussa au Sahara. »

 

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Selon l’auteur du manuscrit les Anflous seraient originaire du Sahara et plus précisément de Zag :


- La plupart des hameaux de Timsouriîne où se trouve Dar Anflous chez les Neknafa sont originaires du Sahara : Aït Oussa, Assa-Zag, Aguelmim. Ils sont venus s’établir en pays Hahî au 19ème siècle, du temps de Moulay Abderrahman, de Mohamed Ben Abderrahman et de Hassan 1er .L’ancêtre des Anflous était pasteur nomade  venu jadis avec ses troupeaux de camelins et de caprins à la recherche de pâturages à Timsouriîne.Tous les hameaux que vous voyez ici sont originaires soit du Sous soit du Sahara. Ils s’étaient établis avec leurs troupeaux dans ces arganeraies en période de sécheresse.

 

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Poursuivons la lecture de notre manuscrit :


« Si M’barek  et son frère Ahmed Anflous étaient des subordonnés du grand caïd El Haj Abdellah Ou Bihi : M’barek faisait office de  secrétaire particulier et  Ahmed de garde .Par ordre du sultan Mohamed Ben Abderrahman, le caïd gouvernait tout ce pays avec justice et équité. Il a mi fin aux causes du mal et aux fauteurs de troubles.  Un jour, Ahmed Anflous démissionna de sa fonction de garde. Craignant qu’il n’attise la sédition au sein de sa tribu, le caïd lui envoya une « bague d’aman » (gage de vie sauve) par l’entremise de son propre frère. Celui-ci en avertit aussitôt leur mère qui eut peur pour ses fils, mais consentit néomoins à ce qu’ils se rendent à Azaghar auprès du caïd. Les esclaves et la garde noire avertirent ce dernier de l’arrivée du cheikh Ahmed Anflous. Et le caïd de se lever pour l’accueillir, le plaçant à ses côtés, avec tous les égards et l’hospitalité d’usage. Mais une fois mis en confiance, il le désarma illico presto et lui assenât un coup de poignard mortel.

 

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«  El Haj Abdellah Ou Bihi continua encore pour longtemps à gouverner les tribus Haha jusqu’à en extirper les causes du mal et les fauteurs de troubles de son temps. Il mourut à son tour en l’an 1293 de l’hégire, et son fils Mohamed lui succéda comme caïd des Haha.Il prit à son tour pour secrétaire particulier, M’barek Anflous. Ce dernier, pour se venger de l’assassinat de son frère Ahmed, ne tarda pas à discréditer le nouveau caïd auprès des tribus Haha, en lui conseillant de les mater les unes après les autres, sous prétexte d’insubordination, suscitant l’opprobre de tous, en particulier celui des Neknafa. Il l’affubla en plus du sobriquet d’ Amaâdour (le loufoque en berbère). Ne se doutant pas des manipulations don’t il faisait l’objet Amaâdour finit par céder tous ses pouvoirs à M’barek Anflous proclamé caïd des Haha en l’an 1295 de l’hégire. »

Le nom d’Anflous, est donc celui d’une famille des Neknafa qui, après avoir contribué à la chute de la famille Abdellah Ou Bihi des Aït Zelten, conquit à sa place, non sans lutte et grâce à l’appui des Mtougga, la prédominance chez les Haha au temps du sultan Moulay Lhassan. Foucauld dit :

« Anflous, serviteur d’Ould Bihi usurpa le pouvoir après que ce dernier eût été empoisonné par le sultan. »

 

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Le manuscrit de Timsouriîne relate la suite des évènements en ces termes :


« Après avoir destituer Amaâdour, M’barek Anflous se met à soumettre les tribus qui se refusèrent à son pouvoir jusqu’à ce qu’il se heurta chez les Ida Ou Isarne en bord de mer,à la forte résistance d’El Haj Ali L’Qadi, qui aspirait lui aussi à devenir caïd des Haha. Les feux de la discorde s’allumèrent entre les deux prétendants, et leur guerre se poursuivit sans relâche avec son lot de destructions et de malheurs, au point que les tribus se plaignirent au sultan des massacres don’t étaient victimes des musulmans innocents. Ayant appris la destruction de la citadelle d’El Haj Abdellah Ou Bihi à Azaghar, Hassan 1erenvoya son émissaire à M’barek Anflous lui demandant de se rendre à la cour. Mais ce dernier craignant pour sa vie refusa d’obtempérer aux injonctions royales. »


Les Mtougga ne laissèrent pas passer l’occasion de prendre leur revanche des luttes antérieures et de deux pillages de la kasbah du caïd des Mtougga à Bouaboud. Ils mirent la division chez les Haha, s’appuyèrent sur Anflous, tombèrent sur Ould Bihi et pillèrent sa maison. Une mehella makhzen se rendit alors sur place pour faire rendre gorge aux Haha et aux Mtougga, auteur du pillage. A la colère du sultan reprochant au Mtouggui d’avoir piller la maison du Makhzen, le caïd Abdel Malek des Mtougga aurait répondu :


- Et la mienne, étais-ce celle du forgeron ? « Outinou, tin oumzîl ? »


Le chef de l’expédition punitive n’était autre que le jeune Moulay Hassan, fils du sultan Sidi Mohamed. Il campa à Bouriki, où un karkour marque l’emplacement de sa mehella, quand il apprit la nouvelle de la mort de son père et reçut la bay’â qui l’élevait au trône chérifien (1873). Il rentra de suite à Marrakech.

 

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Le manuscrit de Timsouriîne nous dit à ce propos :


« Lors de son expédition au sud du Maroc et dans le Sous, qui eut lieu en  1299 de l’hégire (1874-75), le sultan est venu inspecter en personne le pays Hahî. Il s’est arrêté au lieudit Bouriki où il édifia un rempart. De là, il s’est rendu au maqâm de Sidi M’hand Ou Sliman El Jazouli, où l’accueillirent le caïd M’barek Anflous et son neveu. Se présenta également devant le sultan leur adversaire El Haj Ali L’Qadi. Tout ce beau monde fut conduit à Marrakech où Hassan 1er déchargea M’barek Anflous de sa fonction de caïd pour la confier à Addi Ben Ali M’barek. Mais ce dernier s’avéra incapable de mettre fin au désordre et de gouverner les douze tribus Haha. Après leur reddition, M’barek Anflous, son neveux et El Haj Ali L’Qadi furent jeté en prison, et leurs descendants condamnés à verser annuellement un kharaj (redevance annuelle) en compensation des pillages auxquels il s’étaient livrés contre la citadelle d’ Azaghar. » Sibâ’î note ainsi dans son Boustân : les Haha, ayant assiéger leur gouverneur, le pouvoir « doit réparer ce qu’ils ont disloqué, rassembler ce qu’ils ont divisé, recoudre ce qu’ils ont déchiré ».

 

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Dans tous les cas, l’objectif affiché est de ramener les populations au respect du système, et, si elle persévère dans le refus, de les écraser pour la saine doctrine et la commune édification, nous dit Jacques Berque, analysant ces tournées qu’effectuait Hassan 1er à travers le pays :

« Se porter dans le Sous extrême pour y rétablir l’infrastructure du pouvoir central, c’est décourager l’insoumission tribale par un système répressif, lequel comporte pédagogiquement dirait-on plusieurs degrés. Le pur et simple passage de la meh’alla, qui exige son « ravitaillement », mûna, éponge les ressources du groupe récalcitrant. Si ce dernier résiste, s’il a mis à mal le gouverneur makhzénien, comme c’est souvent le cas, il perdra quelques têtes et acquittera une contribution. En cas de récidive, ou d’insolence marquée, on détruira ses campements, on mangera ses troupeaux, on pillera ses silos, on lui fera des prisonniers qui partiront enchaînés vers l’une ou l’autre des geôles de l’Empire. »

 

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À la mort de Hassan 1er le pays connaîtra partout éclatement et dispersion :

« Rébellion au nord avec le rogui Bouhmara, au nord-ouest avec Raïssouli, le « brigand », pénétration française par Oujda et les Beni Snassen d’une part, Casablanca et la Chaouia d’autre part, grossissement des grands caïds, et pour finir invasion du pays par le sud, avec les « Hommes Bleus » de Ma’el-Aynin puis d’El Hiba. Corrélativement, la réserve hiératique de Moulay Hassan aura fait place aux psychologies cruellement anecdotiques de Moulay Abdel Aziz et de Moulay Hafid, juste avant que la monarchie, dés lors assujettie à l’étranger, ne sombre, pour plusieurs décennies, dans l’impotence ».

Chez les Haha, la nouvelle de la mort de Hassan 1er en 1894, plongea à nouveau le pays dans le désordre et la siba d’après la relation du manuscrit de Timsouriîne :


« La confiance entre gouvernants et gouvernés en fut profondément ébranlée. Les Neknafa se divisèrent sur le postulant au pouvoir.Chaque fraction choisit son propre chef et veut étendre sa domination sur les autres. Il s’en suivit désordre et siba. Les Neknafa s’opposèrent aux Mtougga, aux Chiadma et aux Ida Guilloul. Le caïd des Mtougga tua d’une balle d’argent le caïd M’barek Anflous qui avait pourtant la réputation d’être immunisé contre l’impact des balles. Lui succède alors  Ahmed Anflous qui doit faire face au caïd Abdel-Malek des Mtougga au nord, au caïd Khobbane à l’Est, et au caïd Guellouli au sud.

«  Aidés du caïd Guellouli, les Mtougga s’attaquèrent aux Neknafa, au lieu dit tamjjout Chez les Aït Zelten. Parmi les victimes de cette embuscade, Si Mohamed M’barek Anflous qui succomba à ses blessures. Les hommes sont venus de toutes part à Timsouriîne pour présenter leurs condoléances au caïd Ahmed Anflous pour la mort de son frère.

« A la mort de Hassan 1er, son ministre, le célèbre Ba Hmad avait envoyé Mohamed Anflous comme représentant du Makhzen à Melilla. Puis à la demande des siens, Moulay Abdel Aziz le nomma par Dahir comme caïd sur quatre tribus Haha : Neknafa, Ida Ou Gord, Ida Ou Bouzia, et Aït Aïssi. Ceci  est arrivé en l’an 1318 de l’hégire. Il se rendit chez les Neknafa accompagné d’un détachement armé que lui avait accordé  le jeune sultan. En 1904, il reçut à Timsouriîne le cheikh Ma’el-Aynine et l’accompagna dans ses expéditions guerrière dans le Sous..»

 

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L'auteur A.Mana en pays Neknafa (Début février 2010)


El Hiba et son père le Cheikh Ma el-Aïnine fréquentaient Essaouira au tout début du 20ème siècle et formaient avec le caïd Anflous, le parti de l’indépendance  face à la France. Mon père me disait que la maison à la tourelle conique qui surplombe les remparts du côté de la mer et qu’on remarque nettement depuis le port, appartenait à El Hiba et à son père le Cheikh Ma el-Aïnine . Et je viens de découvrir, grâce au sculpteur Alam que les Ma el-Aïnine disposaient également d’un très beau Riad au quartier des Bouakher. Chaque année, au mois d’août, leurs descendants y séjournent encore aujourd’hui, lors du moussem de Tidrarine qui à lieu à Tafetacht à soixante dix kilomètres d’Essaouira sur la route de Marrakech.


C’est du port de Mogador que Ma el-Aynine s’est embarqué, le 17 novembre 1906 pour Cap Juby, avec une partie de sa suite, un chargement de madriers de thuya destiné à la toiture de sa mosquée de Smara, ainsi que ses bagages entiers, ses meilleurs mulets, chevaux, chameaux etc. Une véritable arch de Noé ! Un paquebot espagnol  a amené les hommes bleus, au Cap Juby, où il les a débarqué. Ils ont regagné par mer Terfaya, puis delà à dos de chameau, la ville de Smara.


« Le fils de Ma el-Aynine est resté à Mogador avec 50 hommes, soulignent les renseignements coloniaux de 1906. Il attend le complément d’une somme de 85 000 francs que son père devait recevoir à Marrakech. On assure que le sorcier-marabout veut construire un fort à Smara pour se protéger contre une incursion possible des troupes sahariennes françaises... »

 

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En 1906, les renseignements coloniaux rapportent  que « les nègres de la suite de Ma el-Aïnin, ont molesté un certain nombre de boutiquiers marocains avant de quitter Mogador. Le passage du grand marabout saharien a ruiné Mogador, qui s’était astreinte, suivant les instructions formelles du sultan, à dépenser chaque jour 1500 pesetas pour subvenir à l’entretien des « hommes bleus ». Il est de plus en plus admis que les voyages annuels de Ma-el-Aïnine aux provinces du Nord ont un caractère purement commercial, auquel les tendances religieuses ne s’adjoignent que comme accessoire. Le vrai motif de ces déplacements réside dans un rôle de pourvoyeur de negresses à la cour du sultan et chez les grands du Makhzen. En fait Ma el-Aïnine remonte toutes les maisons des gros notables marocains, sans oublier la maison de Moulay Abd el-Aziz. »


. Les troubles qu’avait connus la région commencèrent en 1904. Le caïd el-Guellouli et Abdelmalek el – Mtougui, s’allièrent contre Ahmed Anflous, mais ils furent battus ; le premier fut obligé de demander la paix pour sauver une centaine de cavaliers de sa tribu cernés dans la maison d’Azaghar, ancienne demeurre du caïd Hadj Abdellah Ou Bihi à Aït Zelten. Le second fut presque bloqué chez lui et les Haha ayant refusé d’assiéger la maison d’un caïd du Sultan de crainte de représailles, la paix fut conclue, paix qui confirmait à Ahmed Anflous la possession des Ida Ou Isarne et des Ida Ou Gord et par conséquent enclavait Mogador dans son territoire.


Ces faits se passaient en 1906. Le caïd Mohamed Anflous des Neknafa et protégé de Menebhi fut désigner pour remplacer dans le commandement du Sous, le caïd Guellouli tombé en disgrâce, mais il ne jouit pas longtemps de cette faveur, surpris par une mort subite. Son frère Ahmed Anflous et caïd des Neknafa fut chargé de recueillir sa fortune pour la verser, selon la coutume, au trésor chérifien : mais loin d’exécuter ces ordres, il trouva qu’elle serait aussi bien entre ses mains, commença à fortifier sa maison de Timsouriine et fit l’acquisition de quantité de fusils Gras, qui lui furent fournis, dit-on, par un Européen de Mogador et qui le rendaient terrible pour ses voisins.

 

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Quelques temps après, le caïd Ahmed Anflous, ayant su que les oumanas de Mogador avaient à livrer, par ordre chérifien, au caïd Abdel Malek el-Mtougui des armes et des munitions, vint à Mogador même, en pleine douane et força les oumana à lui remettre lesdits armes et cartouches. Deux mois après, les oumanas reçurent l’ordre de faire une nouvelle livraison à Abdel Malek ; ils devaient cette fois, opérer aussi secrètement que possible. Cette recommandation n’était pas inutile, car Anflous, en ayant eu vent, fit attaquer le convoi aux portes – même de la ville et l’enleva. Ce convoi était de 16 chameaux chargés de cartouches.

 

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Dar le caïd M'barek en pays Neknafa (Ph.A.Mana)


La veille du protectorat


A la veille du protectorat, Ahmed Anflous aurait en effet investi la ville en exigeant manu militari à ce que tous les juifs réintègrent le Mellah. Ces exactions  n’étaient pas étrangères au soulagement de la communauté juive de Mogador, lors de la prise de la ville par l’armée française.IL faut dire qu’Ahmed Anflous en voulait aux négociants juifs de la ville, don’t les entrepôts regorgeaient de marchandises, quand la compagne environnante souffrait de famine et de spéculations usuraires.

Mon père me disait que les juifs du Maroc n’ont jamais accepté au fond leur statut de minorité dominée politiquement par la majorité musulmane : cela explique pourquoi en 1912, lorsque les Français ont débarqué à Essaouira avec le navire Du Chayla, et que les soldats se sont rendu au nord de la ville, où ils ont fermé le fuseau à Bab – Doukkala, l’un des juifs qui sortaient du mellah pour observer la prise de la ville demanda surpris à un congénère :


- Que se passe-t-il ?

Et l’autre de lui répondre :

- Ce que le bon Dieu fasse durer pour nous !


Il émettait ainsi le vœu que la domination française se perpétue au Maroc. D’ailleurs, bien avant l’arrivée des Français, de pauvres juifs du mellah étaient  protégés français tandis que de riches négociants de la Kasbah étaient  protégés anglais. Ils jouaient de leur statut d’intermédiaires entre le Makhzen et les puissances étrangères.


Pour affirmer sa domination sur les Ida Ou Gord et les Ida Ou Isarn, Ahmed Anflous multiplie les nzala et fit payer des droits exorbitants : 5 pesetas par chameau de passage. Il en établi une aux portes même de la ville, sur la route de Safi, malgré les protestations du caïd de Mogador, comme le soulignaient les renseignements coloniaux de 1906 :


« Mogador est complètement dégarnie des ses troupes. Un des deux tabors a été embarqué pour Casablanca, à la suite de troubles fomentés, par un chérif qui cherche à jouer le rôle d’un nouveau prétendant. L’autre Tabor a été renvoyé à Tanger. Dés maintenant, les conséquences de ces différents départs se font sentir. Les nzala  d’Anflous paralysent tout commerce en exigeant des caravanes une série de contributions arbitraires. L’insécurité des routes recommence de plus belle, et on ne peut même pas circuler aux environs de la ville, à ses risques et périls, sans avoir obtenu l’assentiment des gens du caïd. »


Ces faits ayant provoqué des plaintes de la part des oumanas, du caïd de Mogador et du caïd el-Guellouli, le Makhzen, sous la pression du caïd Abde el-Malek el-Mtougui, ordonna à tous les caïds de la région : Haha, Mtougga, Chiadma, Oulad Be-Sbaâ, Hmar, de marcher contre Ahmed Anflous. Après un premier combat où fut tué son frère, le caïd Ahmed Anflous se retira dans la partie montagneuse de son territoire et là, il fut cerné.


Le caïd Ahmed Anflous disposait, outre ses Neknafa, de contingents venus des Aït Zelten, Ida Ou Bouzia et Ida Ou Tanane, c’est-à-dire des montagnards, qui penchaient par sentiment pour Ahmed Anflous qui représentait l’indépendance. Durant un mois les caïds réunis le cernaient, sans oser l’attaquer, dans ces montagnes inexpugnables avec les troupes don’t il disposait. Ahmed Anflous n’avait pas cessé de harceler ces caïds par de nombreuses attaques de nuit. Finalement la paix a été conclue entre les deux parties dans les conditions suivantes :



Le caïd Ahmed Anflous ajoute à ses Neknafa les Ida Ou Gord, abandonnant les Ida Ou Isarne à El-Guellouli. Le caïd Gourma blessé grièvement, disparaît de la scène et ses deux fractions, les Ida Ou zemzem et Aït Ouadil sont données à Iguidir, protégé d’Anflous. De plus, Ahmed Anflous s’engage à ne percevoir que 50 pesetas dans les nzala ; il doit également supprimer la nzala qu’il avait créée à la porte de Mogador sur la route de Safi. C’est la Makhzen qui a ordonné lui-même à ses contingents de traiter de la paix afin de pouvoir s’emparer d’Ahmed Anflous, par surprise et sans effusion de sang.


Et c’est ce qui allait arriver effectivement grâce à un tueur à gage : le caid Guellouli chargea un de ses esclaves de liquider Ahmed Anflous en se mettant à son service. Durant de nombreux mois l’esclave a fait montre d’une telle abnégation et savoir faire qu’il finit par obtenir la confiance de son nouveau maître. Celui-ci était constamment armé et sur ses gardes et ne vivait parmi les siens qu’au cours de la journée, le soir venu il s’isolait dans un pavillon à part. L’esclave noir avait l’habitude de le masser, pour l’aider à s’endormir. Mais quand l’heure de passer à l’acte est arrivée, à peine le caid s’est-il endormi que l’esclave le poignarda à mort. Il se faufila discrètement dehors et s’enfuit au milieu de l’arganeraie, pour rejoindre ses maîtres et leurs alliés qui ont commandité le meurtre. Après avoir couru toute la nuit, l’aube le surprit à Imgrad. Pour éviter de mauvaises rencontres, à un moment où la forêt commence à grouiller de bûcherons et de bergers, il se cacha dans un cimetière.


Le lendemain comme le caïd ne se présenta pas comme d’habitude à la prière de l’aube, on accouru vers sa loge. Un filet de sang filtrait du bas de sa porte. En ouvrant celle-ci on le découvrit déjà mort gisant au milieu d’une marre de son propre sang. Ne voyant plus de traces de l’esclave, tout le monde avait compris que la coalition qui s’est liguée contre Ahmed Anflous avait finalement réussi son coup, malgré le retranchement de ce dernier à Timsouriîne et malgré les milles précautions qu’il prenait pour se protéger contre d’éventuel tueur à gage.

 

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Au levé du jour, celui-ci ayant faim et soif, décida de sortir du cimetière pour demander à boire et à manger à une paysanne qui passait par là :


- Suis-je toujours au commandement d’Anflous ?


La paysanne le rassura en lui disant qu’il est désormais hors de portée des Anflous. Mais la question souleva ses soupçons que renforçait son regard hagard de bête traquée, avec son fusil au dos. Elle en avertit aussitôt son mari, qui invita le fugitif à la maison. Tout en faisant semblant de lui préparer à manger on envoya  un éclaireur à Timsouriine pour vérifier ce qui s’était vraiment passé là-bas. Une fois sur les lieux, celui-ci découvre tout un hallali en entendant s’élever au loin  les lamentations et les pleurs.Connaissant la menace qui pesait de partout sur le caïd Ahmed Anflous, il comprit ce qui s’est passé et revint  alerter les siens aux pas de course. Les soupçons confirmés, les habitants du hameau d’Imgrad se mirent à faire  semblant de poser des questions au meurtier sur le fonctionnement de son fusil. Une fois désarmé, ils l’attachèrent  à la queue du cheval par ses mains liées, et le conduisirent  à Timsouriîn, où le fils du disparu est déjà  proclamé caïd à l’âge de 23 ans. Contre l’avis même des Oulémas, il ordonna le châtiment du bûcher pour le tueur à gage de son père :


- Il doit brûler exactement comme il a brûlé mon cœur. Leur dit-il


On raconte que le bûcher avait  éclairé plusieurs nuits de suite, tellement le corps du noir était rempli de graisse ! Et c’est finalement ce jeune caïd  qui va devoir mener le parti de l’indépendance à la confrontation avec la France. Mais sans  avoir ni les moyens ni les hommes pour se faire .Le clan des Neknafa étant déjà divisé, se fissurera davantage . Il n’y aura pas de bloc Haha autour d’Anflous, comme il y eut un bloc rifain autour d’Abd el krim.


A la fin de l’année 1912, une petite colonne française, sous les ordres du commandant Massoutier, avait été assaillie, à une journée de marche de Mogador, par les contingents du caïd  Anflous, l’obligeant à s’enfermer dans le Dar el Cadi en attendant l’arrivée d’un secours. Quelques jours plus tard le général Brulard, vint délivrer les assiégés. L’évènement avait fait grand bruit dans toute la région.


Voici la version qu’en donne le manuscrit de Timsouriine :


« C’est le caïd Mohamed Anflous qui fut le premier à attiser les hostilités contre le colonialisme, en s’attaquant à une colonne française l’obligeant à se réfugier à la maison d’El Haj Ali El Qadi qui se trouve dans la tribu des Ida ou Isarn. Anflous et ses hommes encerclèrent les militaires français durant quarante jours les obligeant à se désaltérer aux urines de leurs propres chevaux.Les français ont voulu négocier mais Anflous refusa. Il demanda à sa tribu de choisir entre la paix ou la guerre. Celle-ci opta pour la guerre. Après mûre réflexion Anflous s’est dit :

- Si je choisi la paix avec les colonisateurs, j’aurai trahi mon pays.


Et il finit lui aussi par choisir la guerre. Face au colonialisme et pour l’indépendance du pays Anflous avait pris tous les risques pour lui-même, sa famille et ses biens.

 

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La terre brûlée


Il y eut un premier accrochage avec le général Brulard qui venait d’Essaouira, au lieudit Boutazart dans la tribu des Ida Ou Gord. C’est là que le caid Anflous et ses hommes ouvrirent le feu. La violence de la confrontation obligea le général français à ordonner le repli momentané sur Essaouira, en attendant l’assaut final.


Pour diviser le clan Anflous, le général français décide de recourir à la corruption en distribuant abondamment d’argent aux différentes fractions. Ainsi nombreuses furent les fractions Neknafa qui choisirent la désertion et l’argent à la confrontation et au sacrifice. De sorte, qu’avant même que ne commence la guerre, le caïd Mohamed Anflous s’est trouvé complètement isolé avec son dernier carré d’irréductibles, quelques fidèles et proches de sa propre famille et amis. »


- Seulement 150 à 200 cavaliers étaient restés fidèles à Anflous, les autres ont été conrompu par M’barek N’Id Addi et ont déserté avant même que n’éclate la bataille en 1912. Raconte le dernier des Anflous qui vit toujours à Timsouriîne.


Le général Brulard quitte Mogador avec une colonne de 5000 hommes et prend pour objectif la destruction de la kasbah d’Anflous, nid d’aigle qui était le centre de la résistance et que les habitants considéraient comme imprenable. IL s’agissait de prendre à rebours les farouches Neknafa à partir du territoire limitrophe  des Meskala qui étaient alors sous domination du caïd Khobbane, un  adversaire d’Anflous. Les troupes françaises, me racontait mon père, étaient guidées par le future caïd M’barek, un cousin d’Anflous, qui s’était réfugié quelques années auparavant chez les Mtougga..Les canons étaient péniblement traînés dans un terrain chaotique via Bouriki jusqu’au sommet de la  colline où se trouve zaouite Ou Hassan qui fait face à la citadelle du caïd rebelle, et d’où on pouvait facilement la viser : « Une fois l’argent distribué, le général français s’avança avec ses troupes vers Neknafa au lieu dit Zaouite Ou Hassan. De là ils commencèrent à bombarder Dar Anflous, durant 36 heures d’affilée : commencés le jeudi les bombardements n’ont pris fin que le samedi. » précise le manuscrit .

L’armée française a dû traverser le défilée montagneux de Taqandout où elle était prise sous les feux nourris et croisés des guerriers d’Anflous :


- La situation était si périlleuse, me racontait mon père, qu’une fois parvenu la haut, la main que tendait le général français pour descendre de son cheval, tremblotait de peur.


La kasbah fut enlevée le 23 janvier 1913. Mohamed Anflous s’enfuit précipitamment pour aller se réfugier chez les Aït Aïssi, lassant à l’ennemi de gros approvisionnements en vivres, en armes, en munitions Mauser et Martini. Un vieillard  qui avait participé au baroud d’honneur d’Anflous raconte :


- Le samedi, dernier jour de la bataille, j’avais encore 12 000 balles stockées au fond de la grotte d’Imin Taqandout. Je m’en suis servi moi et les derniers soldats d’Anflous, de sorte qu’en arrivant à Tagoulla Ou Argan, je n’avais plus une seule balle...

 

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La grotte d'Imine Taqandout au loin, février 2010 (Ph.A.Mana)


Et voici maintenant l’épilogue de la bataille selon le manuscrit de Timsouriîne :


« Voyant que la situation empirait, que ses troupes diminuaient, le caïd Anflous qui avait obstrué le défilé de Taqandout, ordonna le repli sur les hauteurs de Timsouriîne où se trouve sa maison.Il s’enfuit alors vers la tribu des Aït Aïssi avec sa famille et ses derniers fidèles. Les français avec les traîtres à la nation qui les accompagnaient remontèrent vers la maison d’Anflous et la transformèrent en champ de ruines où on n’entend plus que le sinistre ululement   des hiboux et des corbeaux. Ils rasèrent les oliviers, brûlèrent les magasins, et portèrent même atteinte au maqâm de Sidi Mohamed Ben Sliman El Jazouli.

Ceci était arrivé en l’an 1330 de l’hégire correspondant à l’année 1913. »


Le bien nommé général brulard pratiqua alors la terre brûlée ; rasant et brûlant, des centaines d’oliviers qui entouraient la demeure caïdale.Depuis lors la résidence de ce dernier n’est plus habitée  que par les pigeons, les chouettes et les chacals, attestant que le temps du caïdalisme appartenait désormais aux oubliettes de l’histoire.


Cependant qu’au sud de Mogador, le caïd el Haj Lahcen, successeur de Guellouli avait levé une Harka et s’était dirigé sur Agadir. IL s’empare d’une partie de la ville et, devant un retour offensif des gens d’El Hiba, doit se replier à 12 kilomètres au Nord, sur la côte. Mais le croiseur français Du Chayla, envoyé de Mogador, vient le ravitailler en cartouches et accompagne sa marche le long de la côte : le 31 mai 1913 el Hadj Lahcen enlevait la citadelle d’Agadir. Ben Dahan, pacha de Tiznit, et Haïda Ou Mouiz, pacha de Taroudant, continuaient à mener contre les derniers dissidents d’El Hiba. Les différentes factions se neutralisant, les français se contentaient d’aider les uns contre les autres.La soumission du caïd Anflous, dés le début de l’année 1913, a porté un rude coup à ce qu’El Hiba pouvait conserver de prestige et de force.


La grotte d’Imine Taqandoute, comme le cénotaphe de Sidi Slimane el Jazouli, sont situés au cœur des Neknafa, non loin des ruines de Timsouriîne et de la demeure caïdale d’ Anflous transformée en champ de ruines par les bombardements de 1912 qui mirent fin non seulement au caïd Anflous, mais au caïdalisme tout court. Et maintenant islamisme et mondialisation galoppante, vont-ils mettre fin au maraboutisme et au confrérisme ? L’histoire nous le dira.


Selon le fqih de Timsourine, on doit la coupole originelle de Tazrout où reposait la dépouille d'El Jazouli à Hassan 1er (1873-1894) :

- On raconte que quand celui-ci est arrivé au niveau des citernes, il aurait enlevé ses babouches pour marcher pieds nus jusqu’au maqâm d’El Jazouli. Il ordonna alors que le bois de la coupole soit amené de Timsouriîne.

Laquelle coupole fut entièrement détruite par les bombardements français de 1912, et l’huile que ramenaient les pèlerins au sanctuaire s’est déversée à flot, au point dit-on, que l’oued ksob l’a rejeté à son embouchure au sud d’Essaouira. Par repentir l’allié des français qu’était le caïd M’barek la restaurera plus tard en faisant venir des artisans de Marrakech. Car lui disait-on :

«Aussi longtemps que le maqâm restera sans coupole, la tribu demeurera sans protecteur ».

Maintenant les oliveraies rasées par les français ont repoussé de plus belle autour des ruine de Timsouriîne comme l’avait prédit en son temps Tabagfat, la poétesse des Ait M’hand lors d’une compétition chantée qui l’opposa à Aïcha Ali, la poétesse des Ida Ou Khalf: toutes deux appartenaient à deux fractions rivales Neknafa. Leur compétition chantée eut lieu au moussem de Sidi Boulanouar (littéralement le marabout des lumières).

Tabagfat a dit :
Les feux attisés par Anflous enflammèrent la paille
Brûlant les grenouilles au milieu des broussailles
Mais il n’a pu éteindre l’incendie qui consuma les siens

Aïcha Ali lui répondit :

Ô gens de bien, reprenez vos biens !
Et vous, gens du âar, reprenez votre âar !
Anflous et Id Addi sont issus du même citronnier
Du même bigaradier et des mêmes racines
C’est sur leurs citadelles ruinées et leur sang versé qu’il faut pleurer
Non sur les oliviers brûlés, quis resurgiront aussitôt après l’ondée !

Elle fait allusion au caïd M’barek Id Addi, le cousin du caïd Anflous qui s’était réfugié chez les Mtouga avant de revenir dans le sillage de l’armée française comme nouveau caïd des Neknafa. La colonisation les a irrémédiablement séparée : Mohamed Anflous représentait le parti de l’indépendance qui s’opposa farouchement aux français, tandis que M’barek Id Addi était du côté français. Leur rivalité explique à elle seule tout le processus de colonisation du Maroc : fractionnement à l’infini d’une société segmentaire où les lefs opposés s’annulent mutuellement jusqu’au niveau du lignage. Les militaires français parlaient de la conquête du Maroc comme d’une grenade qu’il s’agissait de consommer graine après l’autre. Aujourd’hui, le château de l’un et de l’autre est une ruine dans les montagnes Haha.

A  Essaouira, on confisqua les belles demeures d’ Anflous : l’actuelle « Dar Souiri », transformée en « Cercle » (administration des affaires indigènes), et leur belle demeure de derb Ahl Agadir donnant sur les jardins de l’hôtel des îles,  transformée en résidence du contrôleur civil du protectorat.

Les caïds de la région avaient tous une maison à Essaouira : celles du caïd M’barek, du caïd Khoubban et du Caïd Tigzirine, se trouvaient au clan Est des Chébanates, du côté de la terre. Alors que les seigneurs de guerre et du désert, avaient leurs demeures et leurs entrepôts commerciaux au clan Ouest des Béni Antar, du côté de la mer.Expression d’une société segmentaire, cette opposition entre clan Est des Chebanates et clan Ouest des Béni Antar, se manifestait symboliquement chaque année lors du rituel de l’Achoura par une compétition chantée entre les deux clans de la ville.

Abdelkader MANA

 

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Ph. Y.Amchir
Abdelkader Mana, lors de la signature de son
Beau Livre:"Essaouira, perle de l'Atlantique"
2003

03:04 Écrit par elhajthami dans Histoire, le pays Haha | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : histoire, anflous; ould bihi; my abderrahman; hassan 1er | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Excellent!!!! J'ai jamais lu lhistoire du Haha, des grand caids, la résistance contre les francais et l'histoire du Makzen dans cette region comme j'lai lu ici! Merci beaucoup et bonne continuation (j'mexcuse pour ma pauvre langue francais..)

Écrit par : Karim | 04/04/2009

votre article m'as apris beaucoup de chose. Par contre je voulais ajouter que mon grand père été le chef de makhzen de MOGADOR à cette époque connu sur le Nom suivant: Moulay Hadj Mohamed Soussi. Exsactement à l'époque colonial avec le général Masoutier . Si vous avez des informations le concernant je vous prie de bien vouloir me les fournir. Cordialement

Écrit par : tahiri | 13/04/2009

Je suis content que mon article ait pu avoir de l'impact sur les familles concernées: l'histoire récnte du Maroc, et notemment la péiode coloniale reste tabou. Nous n'avons pas toujours accès aux achives ciloniaux, mais nous pouvons compter sur les achives privées pour en savoir plus sur cette péiode . Nous savons aussi malheureusement que beaucoup d'achives ont été détruites à l'indépendance du pays, comme ce fut le cas de l'inestimabl bibliothèque de Thami Glaoui. Mais si vous pouvez nous enrichiir vous même par d'éventuelles archives de votre grand père à Mogador ils seront le bien venus Monsieur Tahiri. Les peuples ne sont pas amnésiques, tôt ou tard leu mémoire refait surface....Cordialement.

Écrit par : A.Mana | 14/04/2009

Bonjour,
Je ne sais rien sur la famille de mon père. Il serait né en 1902 à IDOUAGOURD. Il était le fils de Mohamed ben M'Barek. Ce sont les indications du carnet de famille. Je sais seulement que son père était caïd de IDOUAGOURD. L'épouse du caïd Mohamed, ma grand-mère, était Zorha ben Mohamed (ou Zarha). Serais je la famille des caïds ANFLOUS ?.
Mon oncle portait le nom de famille de AGOURD, mon père celui de IDAOULCAÏD.
Mohamed avait une fille, ma tante AÏCHA mariée avec un officier de l'amée française. Je garde un très bon souvenir de ma tante. Je n'ai pas connu le mari de ma tante.
Peut être que vouspourrez m'apporter des renseignements.
Félicitations pour votre article qui nous éclaire sur l'histoire de notre pays.
Merci,
Latifa

Écrit par : latifa | 02/08/2009

cher Abdelkader

J'ai appris un peu tard par ton frère si Mohamed que ta mère est originaire de Nknafa et qu'elle est Tihihite , d'où cette ardeur et cet enthousiasme de ta part pour notre Histoire commune..Douar Boutazarte se trouve sur le territoir de ma tribu d'Ida ou Mada , sous fraction du dit Ida Ouguerd , déformation du prénom amazigh Agourt , qui signifie : sois plus grand que lui! , comme Jugurtha ou yugerten, qui signifie : il est plus grand qu'eux , effectivement par la taille et par son rang, comme Massinissa , celui qui est Maître en chevaux , qui s'y connaît en chevaux ,issen , sait , connaît et issan , au pluriel et ayiss au singulier, les chevaux.Il en va de même pour Mogador , déformation de Mougadir, celle qui a l'agadir, et agadir a deux sens 1/le mur ou la muraille et 2/ la citadelle-grenier ou le dépôt collectif qui jouait le rôle de banque,de tribunal , de conseil communal,de lieu sacré de cultes , agraires.C'est là où la Jmaâ divise le travail entre ses membres , rend justice,procède à des rites ou cultes aujourd'hui disparus.Ce sont des pratiques encore vivantes dans des régions isolées et ayant conservé leurs traditions.Il y a aussi Lahri,Igherm,tighermt,Kasbah,Laksar, toutes des fortifications pour défendre les biens de la tribu.Pour ,on a malheureusement retenu le sens de muraille vétuste ,rendu par le nom d'Essaouira , marque de pauvreté plutôt que celui de dépôt collectif , signe de richesse et de Civilisation .Les habitants manifestent leur contestation silencieuse par les noms qu'ils donnent aux restaurants et hôtels et divers projets en ville:café Mogador,Bahjat Mogador,Riad Mogador,Association Essaouira/Mogador,l'aéroport Essaouira/Mogador et chronologiquement, c'est l'inverse qui est juste :Mogador/Essaouira.
J'ai une carte postale qui se trouvait dans la bibliothèque d'un diplomate à Mogador , qui lui est envoyée par sa soeur et qui montre le Caid Anflous faisant sa soumission au colonel Mangin , surnommé le boucher dans la guerre de Zayane contre Mouha Ou Hammou Zayyi ou Zayani.
J'aimerais avoir une copie du manuscrit que vous citez et il faut le garder scrupuleusement .C'est l'un des rares documents qui ont échappé au fameux prix proposé aux propriétaires en échange de leurs vieux manuscrits par le Ministère de la Culture et qui finissent , dit-on , dans les hauts fourveaux des usines de Casablanca pour tout ce qui ne va pas dans le sens de l'idéologie arabo-andalouse et musulmane.Il faut aider son auteur ou ses ayant droit à le publier et à le mettre au service du plus grand public Hihi.

Pour Dar Anflous confisquée par les colons une première fois et par ses concityens une deuxième fois et devenu Dar Souiri et l'autre dar Afifi , je ne sais comment, il y a aussi dar Abdellah ou Bihi , l'ancien commissariat , près de la grande horlodge et toute une rue avec ses maisons et sa mosquée dite de ben bihi , à Mellah Lakdim connue aujourd'hui par derb Zayane ou derb sbitar du côté de derb Laâlouj et face au Derb Frane Âbibou.
les responsables et les habitants occultent le passé amazigh de la ville, ce qui me fait mal au coeur.Il est temps de dénoncer cette facheuse situation.
Mes félicitations pour ce précieux travazil et bonne continuation.
mohammed Hifad.

Écrit par : hifad | 03/08/2009

excellent, moi je suis d'apres ce que m'ont appris mes parents, un decendant de sidi mhand ouchen, nous avons des origines à ida ou tghouma, on nous a dit que ce marabout est au environs de tamanar, j'aimerai savoir si je suis un vrai hahi et si vous connaissez l'histoire de cet homme.
Je vous remercie de cet apport extraordinaire sur l'histoire des hahis

Merci M ABDELKADER MANA

Écrit par : ouchen | 16/10/2009

Monsieur,

J'attendais depuis assez longtemps que l'on envisage l'histoire de votre si bel apanage... à l'aide de documents historiques. Georges L. m'ayant maintes fois parlé de vous et de votre érudition, je constate qu'il ne s'était pas trompé.

PLP____

Écrit par : Philippe de Laborde Pédelahore | 25/10/2009

Je viens de visiter votre site... qui est formidable

Je suis très attachée à Mogador, ville qui a accueilli ma famille dès 1845 - Elle venait d'Andalousie pour certains, et de Gênes pour d'autres;
Ma famille maternelle : RATTO - DAMONTE et BENITEZ et moi y compris, y avons vécu de 1845 à 1959.
Mogador est dans notre cœur depuis toujours.
Je suis, de loin, son évolution.son devenir...
Les Souiris sont chers à mon cœur - tous, sans exception.
J'ai connu l'époque où juifs, arabes et chrétiens s'entendaient -
MM Desjacques et Koeberlé étaient mes professeurs... et j'étais là lors de leur découverte sur Juba II

Nostalgie.

Encore félicitation pour votre blog.

Cordialement

Michèle à Toulouse

Écrit par : Michèle Caudan | 09/12/2009

La famille Damonté
Nicolas Damonté, Vice Consul d’Angleterre et du Portugal, avait construit en 1923 à ghazoua, à une dizaine de kilomètres au sud d’Essaouira, sur la route d’Agadir, une belle ville aux arcades en pierres de taille qui prit le nom de « villa Damonté ». D’origine de Gênes, les Damonté étaient une riche famille de Mogador. Elle serait arrivée en même temps que les Ratto. Le grand père Jean Damonté fut assassiné par un fanatique, dans une ruelle de Mogador, dite derb Cotor. Son fils Nicolas, prit la relève et continua à gérer la fortune de la famille et le négoce de son père.
Les Damonté étaient unies par les affaires et les liens de mariage au Gibraltarien Pépé Ratto , ou tajer Bibi,pour les berbères, qui tenait l’hôtellerie dite des « trois palmiers », située sur une colline à 8 kilomètres au Sud de Mogador, sur la piste qu’empreint aient jadis les caravanes allant ou venant du grand Sud. Il est né à Mogador en 1853. Naturalisé Anglais après un voyage en Angleterre au mois de mars 1879. Une lettre du Sultan Hassan 1er en date du 29 mai 1892 envoyé au chargé des biens publics de Mogador et sa région parle de cette hôtellerie des « trois palmiers » , comme étant « la maison du makhzen » et désigne Pépé Ratto sous l’appellation de « cet Anglais » :
« Nous avons reçu ta lettre concernant la maison du Makhzen, sis à Tagouidirt dans la tribu des Ida ou Gord et qui avait été hypothéquée par les familles Machouch à l’Anglais que tu as mentionné, et ce au temps du caïd Anflous. Lorsque ce dernier a appris cette transaction, il récupéra le bien et le garda pour lui, jusqu’à son arrestation. L’Anglais tenta de récupérer le bien mais le caïd Addi Neknafi, s’y opposa. En proposant d’utiliser ce terrain, comme un sanatorium, un accord fut signé à cet effet au consulat de son pays. En remplaçant son père, son fils Lahucine, conserva les choses telles qu’elles étaient jusqu’à son arrestation. Les gens de l’autorité de la tribu étaient venus pour évaluer les biens du caïd déchu et l’un d’eux, Bihi Ben Ali, s’empara de l’acte concernant le terrain susmentionné et le céda à l’Anglais qui ne perdit pas un instant pour y construire, de jour comme de nuit, une maison qui acquis une grande renommée. Nous avons donné nos directives à notre gouverneur pour faire une enquête et remettre les choses telles qu’elles étaient ».
Pépé Ratto avait en effet entamé la construction de l’hôtellerie des « trois palmiers » vers 1890. Elle fut connue de tous les touristes qui faisaient escale à Essaouira. A la suite du siège de la colonne Massoutier à Dar ElCadi dans la localité de Smimou par les troupes du caïd Anflous et Guellouli ,les colonnes Ruef et Bellanger occupèrent successivement l’hôtellerie du 27 décembre 1912 jusqu’au matin du 20 janvier 1913, date du départ de la colonne du Général Brulard de Mogador pour délivrer les soldats français et châtier les caïds qui avaient participer au siège. L’utilisation par les français de cette hôtellerie comme fort militaire, fut interprétée par les habitants comme la collaboration de Pépé Ratto avec les troupes d’occupation. Devant la gravité de la situation, le propriétaire des lieux dut évacuer l’hôtellerie le 18 décembre 1913 pour retourner à Mogador. C’était ainsi que la Palméra ferma ses portes, et tomba dans l’oubli après avoir connu pendant plusieurs années, une grande renommée dans les annales de la presse européenne. Profondément déprimé, Pépé Ratto décéda en 1917 à Essaouira, la ville qui l’avait vu naître, grandir et s’épanouir.
(Source, Lakhdar Omar : Mogador, mémoire d’une ville, éd. Géographique 2009).

Écrit par : Lakhdar Omar | 09/12/2009

J’ai sous les yeux un manuscrit arabe petit in- folio de 108 feuillets, (216 pp.), calligraphié
en noir, bleu, rouge et vert, relié en pleine basane brune, plats ornés d' un décor à froid.
Il s' agit, (d' après une note manuscrite en français), d' une copie du : "Kitab ai Hamasa"
d' el Bohtari réalisée par "le faible, chétif et périssable El Hassan ben Ahmed en- Neknafi le Mogadorien.....pour celui qu' il aime et est son ami intime : le lettré du pays (taleb el' ard)
monsieur Leriche le Français".
La copie est datée du 4 avril 1899.
IL semble bien que le nom de Neknafi ait quelque chose à voir avec l' histoire d' Essaouira.
Par ailleurs, un Louis- Edouard- Victor- Joseph Leriche a été drogman- chancelier à Mogador
de 1895 à 1899, puis à Casa en 1900, enfin vice- consul à Rabat de 1902 à 1911.
Pensez- vous que quelqu'un, particulier ou institutionnel, (musée, bibliothèque ou autre),
puisse être intéressé par l’acquisition d' un tel document ?

D' avance, merci, pour toute information.

Thierry Gauville, 5 rue du Centre, 30 720, Ribaute, France.
Tél.- fax : 00 334 66 83 85 61.

Bien entendu, je reste à votre disposition pour tout renseignement complémentaire, voire
d’éventuelles photos...

Écrit par : Thierry Gauville | 16/12/2009

Merci infiniment Monsieur Thierry Gauville,
Je serai très heureux de traduire et d’ analyser ce manuscrit en le mettant gracieusement sur mon blog comme je l’ai fait pour l’ensemble de ma production sur Essaouira et sa région. En tous les cas je vais mettre vos remarques et suggestions comme commentaire à la note sur le temps des caïds en espérant que quelqu’un qui a les moyens d’acquérir ce manuscrit et qui a le soucis de préserver le patrimoine de la région puisse vous contacter à ce sujet. Mais si vous pouvez nous envoyer une copie par e-mail pour qu’on puisse faire connaître ce Neknafi de chez nous, n’hésitez. A cet égard votre allusion aux éventuelles photos nous intéressent bougrement comme vous pouvez l’imaginer.Et mille fois merci d avance. Mon autre e-mail personnel est le suivant: khamarouge@yahoo.fr. Votre obligé: Abdelkader Mana

Écrit par : Abdelkader Mana | 16/12/2009

c est etrange que vous avez oublie de citer la noble famille des caid el hajji des chiadma nort au passe glorieux.une grande famille qui ont joue un role determinant contre l occupant.plusieurs de ses fils ont ete à l ecole maoulaoya cherifienne à rabat notemment si mohamed el hajji.et tous leurs ancetres etaient des fideles serviteurs au trone alaouite.

Écrit par : el hajji aabdelhamid | 20/12/2009

On trouve dans les archives la Presse occidentale de nombreux articles sous les caïds Anflous. Voici quelques articles de la presse d'expression française (Belgique, Suisse, France, - - -). La presse espagnole est également très riches.
Ces articles concernent le caïd Ahmed Anflous, puis le caïd Mohamed Anflous (fils du caïd Ahmed).

Lundi 10 Janvier 1908 - La Liberté (journal Suisse) -
Dêpèches - La situation au maroc - Londres 27 janvier - On télégraphie de Tanger à la Morning Post que la tribu des Anflous s'est déclarée pour Moulaï Hafid et s'appête à s'opposer à l'établissement de la police franco-espagnole. A Mogador, on craint de nouveaux troubles. Le consul de France demande des navires de guerre.

Lundi 10Août 1908 - La Liberté -
Au Maroc - Londres 10 Août - On télégraphie de Tanger à la Morning Post qu'une forte méhallah hafidiste, formée par les tribus du Maroc Cental, se porterait à marches forcées sur Marrakech pour défendre la ville. Les caïds Anflous et Kourini ont jusqu'ici empéché la jonction des forces azizistes dans la région de Mogador et Marrakech.

Vendredi 4 Septembre 1908 - La Liberté -
Les affaires du Maroc - Le caïd assassiné ?. Le ministère des affaires étrangères de Paris a reçu de Tanger la nouvelle que le caïd Anflous, ancien général d'Abd el Aziz passé à Moulaï Hafid a été assassiné.
Dernière minute - Paris 4 Septembre - M'Touggui victorieux ou vaincu?. Un télégramme de Médiouna au Matin dit qu'Abd el Aziz a reçu une lettre de M'Touggui lui annonçant qu'il allait remporter une victoire et lui apportant la nouvelle de l'assasinat du caïd Anflous. Au reçu de cette lettre, Abd el Aziz a exprimé l'intention d'embarquer immédiatement pour Moagador.
Moagador 4 Septembre - On confirme la nouvelle de l'assassinat du caïd Anflous par un nègre partisan de M'Touggui, qui l'a abattu d'un coup de révolver.
Casablanca 4 Septembre - On mande de Tanger au Times : l'armée du caïd M'Touggui a été écrasée par les forces hafidistes du Sud marocain. Le frère du caïd a été fait prisonnier et amené à Marrakech avec un butin considérable. Les tribus qui s'étaient déclarées en faveur d'Abd el Aziz se sont maintenant tournées contre lui.

Jeudi 10 Octobre 1912 - L'Abeille de La Nouvelle Orléans -
Le général Lyautey dans le Sud marocain - Les caïds des Strades et des Ouled Besselou dont les territoires s'étendent entre Marrakech et Mogador prirent l'engagement d'assurer la liberté des communications entre les deux villes. Le caïd Anflous demanda également son pardon, qui lui fut accordé aux mêmes conditions, avec outre l'obligation de se présenter personnellement à Mogador. Les tribus Chtouka des environs d'Agadir firent leur soumission.

Lundi 23 Décembre 1912 - La Liberté -
La France au Maroc - On mande de Mogador que le cuirassé Le Friant a croisé en face Dar El Khdi situé à 8 kilomètres de la mer. Il a annoncé, par ses cannonades et ses projections éléctriques, que des renforts seront envoyés incesament. Les tribus révoltées ont établi à 5 kilomètres de Mogador, des portes qui empêchent les émissaires de passer. Le caîd Anflous, de Mogador, a été emprisonné.

Samedi 15 Février 1913 - L'Indicateur de La Savoie -
Aujourd'hui - Dimanche - Les consuls espagnols de Tétouan, de Mogador et de Mazzagan ont été déplacés sur demande de la France. Il parait que leur impartialité laissait à désirer. Le général d'Esperey est rentré à Mogador, après la leçon infligée aux partisans d'Anflous. Les fuyards ont été poursuivis et dispersés. Lundi - La région de Mogador étant entièrement pacifiée, les troupes du général Brulard vont rentrer à Casablanca. deux compagnies seulement resteront à Mogador. L'accord franco-allemand étant conclu, l'Angleterre va reconnaître le protectorat français usr le Maroc.

Samedi 5 Avril 1913 - L'indicateur de la Savoie -
Le drapeau hissé sur la kasbah des Anflous, en janvier dernier, vient d'être déposé aux Invalides par le général Francet d'Esperey. Ce drapeau n'est qu'un drapeau de circonstance, fabriqué d'une couverture de cheval bleue, une chemise blanche et une ceinture rouge de tiralleurs. Les soldats lui rendirent les honneurs.

Mardi 20 Janvier 1914 - L'Indépendance Belge -
Au Maroc - Reddition du caïd Anflous - Marrakech, dimanche 18 janvier - Le caïd Anflous, amené par le caïd M'touggi, est arrivé, accompagné du chef des trois grandes fractions dissidentes du Sud de Mogador. Ce résultat est du à la harka du marhzem qui évolue entre Agadir et Tznit. Cette reddition facilitera les relations commerciales entre les deux villes.

Samedi 24 janvier 1914 - L'Indicateur de la Savoie -
Au Maroc, on annonce lasoumission du caïd Anflous. D'autres soumission sont annoncées celle des tribus commandant la route de Mogador à Agadir.
Une violente tempête sévit sur les cotes du Maroc. Les flottes françaises et espagnoles ont du se réfugier dans les eaux espagnoles.

Reda

Écrit par : reda | 23/01/2010

Merci d'avoir répondu. Tout ce que je sais c'est que mon grand père (Moulay hadj mohamed soussi) est né à tazeroualt. Il est venu d'Ifran anti-atlas à haha et il s'est marié avec ma grande mère qui est originaire d'Ida ogard. Il avait des terrains, une grande maison, des esclaves et des chauvaux.Il a participé à la capture de Bouhmara. Il a été décoré par un wissam alaouite de la part de Moulay Abdelaziz et 4 autres médailles que je ne connais pas. J'espère que les informations que je vous ai fourni vous aiderons à identifier mon grand père. Merci
Mme TAHIRI

Écrit par : TAHIRI | 31/05/2014

Je vous approuve pour votre éditorial. c'est un vrai état d'écriture. Continuez .

Écrit par : cliquez ici | 11/08/2014

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