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26/04/2012

Le conteur de Marrakech

Le conteur de la Koutoubia

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Le comédien Mustapha Khalili

   Loin des bruits de Jamaâ Lafna, sous la paix et le silence de la Koutoubia, le conteur. Son public l’entour, comme les cils entourent les yeux. Au loin, les palmiers , les montagnes enneigées, le ciel bleu. La plaine lune scintille au milieu du jour. Ba-Miloud peut commencer :

- Quand le Calife du temps embrassa la terre pour la remercier des bienfaits qu’elle prodigue aux hommes, les maudits se taisent ! …Vous vous souvenez de ce passage ?

- Recommence depuis le début lui crie-t-on dans le public.

- Si le mensonge était une preuve, la vérité est plus salutaire

 Une meute de chiens aboie, un âne braie interrompant la narration.

- Voici l’âne, voici les chiens, il ne manque plus que le coq !...

poèsie

 Il y a constamment un va et vient entre le récit du conte et le commentaire de ce qui se passe tout autour.Ici, c’est le muezzin qui interrompt le conte par sa prière.Le conteur, c’est celui qui parcourt une géographie imaginaire, qui relate l’histoire des royaumes disparus, ou qui n’ont jamais existé. Le livre jaune reste un mort parmi les morts, s’il ne trouve pas de conteur professionnel qui peut le ranimer en donnant aux chevaux en cavalcade des sabots d’or :

poèsieJe ne lis pas, j’improvise avec mon propre style.Je dialectise l’arabe classique pour me aire comprendre des illettrés. Ce sont pour la plupart des artisans qui ont laissé leurs ouvrages au marché de la crié avant de me rejoindre. Je n’apprends pas par cœur :la parole est infinie, il n’est pas facile de la parcourir. Jamais huit tomes ne peuvent être racontés par une seule bouche. A moins d’être un Ibn Khaldoun. Chaque soir, je rapporte un épisode d’une légende qui peut durer plusieurs mois :j’exerce comme conteur depuis 1958 . Lorsque tu dis : « Ce conteur est mort », c’est la fin du conte :il en surgit un autre du milieu de la place…

   Une autre mémoire se substitue au néant. Cette durée de l’imaginaire n’existe que par la voix du conteur. Le conte est constamment recréé par la communauté de l’espace imaginaire, qui est d’ici et de nul part. La « Sira », c’est le temps à la fois figé et éternel du conte. C’est un voyage suspendu au souffle du conteur, qui transporte les auditeurs en dehors d’ici et d’eux-mêmes. Le conte se situe dans une durée rituelle entre deux prières : La « Sira » de l’étoile polaire et celle de Saladin.   Abdelkader Mana

Article paru à Téléplus, n°13, Mars 1991

 Repris in Cahiers d’études Maghrébines  N° 15, 2001, p143-145, Cologne.

 poèsieSur scène le comédien Mustapha Khalili donnant la réplique au dramathurge TAYEB SADDIKI

13:25 Écrit par elhajthami dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poèsie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Carnaval de achoura

Le carnaval de Achoura[i]

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Le prestigitateur de Roman Lazareve

Par Abdelkader Mana

 

Au Maroc, le carnaval qui porte les noms du "Bsat" et de la "Fraja" est aux sources du prè-théâtre de la halka de Jamaâ el Fna et du théâtre moderne d'inspiration populaire inauguré en 1967 par "les quatrains de Sidi Abderrahmane el Majdoub", pièce de Tayeb Saddiki.

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Les comédiens Khalili et Salamat
de la troupe "masrah Ennas"(théâtre des gens) de Tayeb Saddiki

Les bsat dont traite cette pièce se rapportent tous aux personnages burlesques de Jamaâ lafna  des années 1950-1960 : Baqchich, M'sayeh , mais aussi le fameux  Charkaoui (l'homme aux pigeons) et son acolyte labsir(l'aveugle)).Dans "Al Fil Wa Sarawil" ("éléphant et pantalons", par référence à la mode du pantalon "patte-éléphant"), Khalili joue le rôle de  Baqchich et Salamat celui du msayeh.Dans une des scènes on assiste à l'échange suivant:

Baqchich :

Ô M'sayeh ! le poux est originaire d'où ?

M'sayeh :

Frère baqchich,  le poux, sveltesse et délices (par ses morsures !) est originaire d'Essaouira !

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Driss Oumami

Aujourd'hui, 10ème jour de Moharram, on fête en famille dans tout le Maroc l'achoura. On donne l'aumône au pauvre, on met comme le Prophète  Mohammed le khol aux yeux. On fait la paix avec ses ennemis. On offre aux enfants des cadeaux. C'est un grand rite de passage. Depuis maintenant 10 jours et 10 nuits, nous avons entendu dans nos rues le grondement des goubbahi. Hier soir, veille de l'achoura, certaines de nos médina ont résonnées des chant de malhûn et des brioula de poèmes qui mettent en scène la ville. Dans certaines de nos campagnes on a promené des mannequins masqués. Mille traditions recueillies au début de ce siècle par le sociologue Edmond Doutté, célèbrent cette fête. Ed. Doutté a consacré un chapitre de l'ouvrage qu'il publie à Alger en 1908 (et qu'on a réédité récemment à Paris) sous le titre « Magie et religion dans l'Afrique du Nord », au « Carnaval de l'achoura ». Il tente d'expliquer cette fête du début de l'an musulman à la lumière de quelques livres d'ethnologie dont « le Rameau d'or » de Frazer et de monographies écrites par des fonctionnaires du temps de la colonisation. Il postule une sorte d'équivalence entre la notion maghrébine de la fraja et celle du carnaval parce que dans les rites qu'ils décrivaient il y avait des gens masqués, des scènes comiques des rues et l'idée d'iun passage des saisons.
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Driss Oumami

Doutté nous invite a faire avec lui le tour du Maghreb et de la Méditerranée et nous amène finalement à Karbala. C'est un beau voyage de l'imaginaire carnavalesque et tragique à la fois. Ainsi, le jour de l'achoura, on se déguise à Ouargla , les gens se répondent dans les rues les visages couverts de masques. Ce général de carnaval et ses acolytes, qui jouent les pères blancs fait penser irrésistiblement au fameux film que Rouch tourna en 1950 en Côte d'Ivoire. Avec les « Maîtres fous » dans ce film, on voit des immigrés africains jouer les rôles des autorités coloniales Anglaises : ils cassent un œuf sur leur crâne et le blanc d'œuf qui s'écoule sur leur visage évoque la perruque des soldats de la reine  etc.... Un possédé en transe mime le mouvement d'une locomotive. Tout le décor du modernisme, s'installe dans le théâtre carnavalesque de la possession.

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Scènes du film "Les Maîtres fous" de Jean Rouch

Puis Doutté tente d'expliquer ces « curieuses pratiques ». Il y voit « les derniers débris » d'un meurtre rituel d'un dieu de la végétation. Il parle alors des sacrifices agraires, où l'on mettait à mort l'année écoulée pour faire place à la venue d'un « dieu végétant ». Ce rite de mort et de résurrection ; c'est le rite de passage de l'hiver au printemps. Cependant l'achoura tourne avec le calendrier lunaire musulman. Ce qui complique l'analyse : « Lorsque achoura devient une fête du calendrier lunaire, écrit Doutté, elle ne concorde plus avec les époques agricole ; elle  faisait le tour du calendrier solaire. Soit qu'elle eût jadis, réellement été une fête de renouveau, soit que son manque de consistance et son indétermination dans l'orthodoxie musulmane eussent contribué à la faire captation, des rites de l'année solaire qui ne coïncident primitivement avec elle qu'à des intervalles éloignés. Il était naturel d'ailleurs pour des populations qui s'islamisaient, de rattacher au début de l'année musulmane lunaire des cérémonies célébrées depuis un temps immémorial au début de l'année solaire ».

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Driss Oumami

Doutté  propose ainsi , sous le nom de Carnaval, une théorie de la fraja . Mais il y a un manque important dans le beau travail de Doutté. C'est la dakka par toutes les villes et les campagnes. A peine fait-il allusion aux taârija de Marrakech. Il manque aussi la tradition du chant rituel de l'achoura ; celui de Taroudant comme celui de Marrakech et Essaouira. La nuit de l'achoura sera ainsi le nécessaire complément au dossier ethnologique que Doutté consacre au début de ce siècle à cette fête. Voici donc, quelques extraits du travail de Doutté  sur l'achoura. Nous reviendrons demain sur la mise en scène des villes la nuit de l'achoura.

Florilège de l'achoura

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Boujloud
  • L'achoura à Ouargla

A Ouargla, comme dans le restant de l'Afrique du Nord, à l'occasion de la fête musulmane de l'achoura, c'est-à-dire le 10 du mois de moharram, qui est le premier mois de  l'année musulmane. Le soir venu, les habitants se répondent dans les rues, déguisés et le visage recouvert de masques. Ils imitent des types populaires, des animaux, le lion, le chameau ; on voit encore « un général à la poitrine garnie de décorations en fer blanc, aux rubans de couleurs variées, accompagné de son état - major ; il va faire sa visite à son collègue le commandant de la place : après un salut militaire réciproque, les deux officiers font mine de conférer gravement ». Un groupe d'indigènes affublés d'une immense barbe, revêtus d'une longue gandoura, coiffés d'une chéchia ou calotte rouge.

 

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Driss Oumami
  • Chez les Haha et les Chiadma

Dans les Haha , au Sud de Mogador, pour prendre un exemple, a lieu à l'achoura, un carnaval très analogue à ceux que nous venons de décrire : le chameau et le chamelier, le juif, le cadi, sont toujours es thèmes habituels. Mais le personnage caractéristique de la fête est un indigène revêtu d'une peau de bouc[ii], ayant souvent la tête dans une courge percée de deux trous et hérissée de piquants de porc - épic ; à son cou est un collier d'escargots ; il se promène et il danse sous les huées de la foule : on l'appelle «  herma guerga'a »,( le deuxième mot veut dire « noix sèche »), herma bou jloud, comme celui des Benis Snoûs. En même temps, on allume des feux de joie. Dans les Chiadma, au Nord  de Mogador, la fête est très semblable, mais on appelle plutôt herma du nom d'Ech Chouikh, c'est-à-dire « le petit vieux » ; de plus le carnaval a lieu tantôt à l'Aïd El Kébir, tantôt à achoura et le plus souvent aux deux à la fois.

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Boujloud d'Aglou
  • La fraja

La fraja , tel est le nom que l'on donne au carnaval marocain, au moins à Fès et dans le Sud du Maroc, n'est pas la seule réjouissance qui marque la fête de l'achoura à Marrakech : il y a encore pour la plus grande joie des gamins, entre autres distractions, les noua'âr, (pluriel de na'oûra « roue hydraulique », espagnole (noria) , sont de grandes roues en bois montées sur un axe horizontal  et dont la circonférence supporte des compartiments suspendus où peuvent s'asseoir une ou plusieurs grandes personnes : o met la roue en mouvement et les amateurs s'élèvent et s'abaissent alternativement. A Safi par exemple on traîne une carriole, un cheval en bois, sur lesquels on monte pour quelques flous.

  • Au Nord du Maroc

Dans le nord du Maroc, le carnaval paraît également très répondu : nous savons qu'il existe à Tanger ; on l'a signalé à Fès, enfin il a été décrit en détail pour le Rif, pour les Djbala et pour une tribu voisine de la frontière marocaine, les Zkâra. Dans le Rif on représente le Ba Cheïkh (mot qui veut dire, un chef et en même temps vieillard) : c'est un personnage âgé, avec une citrouille sur la tête, une peau de hérisson, en guise de barbe, deux défenses de sanglier de chaque côté de la bouche etc. à côté de lui sa femme est figurée par un individu déguisé, avec des fers à cheval en guise de pendants d'oreilles, un collier d'escargots au cou, un autre indigène représente l'âne, monture de Ba Cheïkh , derrière marche le juif, sordide caricature d'un fils d'Israël.

 

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Driss Oumami
  • A touggourt

A Touggourt, les hommes se tracent avec du henné une ligne qui va de la naissance du nez jusqu'au cou en passant par le sommet du crâne ; ils prononcent en même temps l'invocation suivante : « S'il plaît à Dieu, l'année prochaine je ferai achoura comme cette année ». Sur la question du koh'eul, il semble qu'il y ait quelques divergences d'opinions mais l'usage spécial du  parfums. Pourtant, on croit que celui qui se purifie ce jour-là par le koh'eul ou le henné est purifié pour toute l'année ; celui qui se baigne est exempt de maladie aussi pour toute l'année ; ce jour-là, on se rassasie en une sorte de repas rituel où dominent les fèves et les légumes, car si on ne se rassasiait pas à cette occasion on ne serait pas rassasié de l'année. A Touggourt, on prétend que celui qui ne serait pas rassasié ce jour-là serait obligé, dans l'autre monde, de manger les pavés de l'enfer pour remplir son estomac.

 

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Driss Oumami

 

  • Au Caire

Au Caire, les femmes se réunissent dans une mosquée spéciale le jour de l'achoura, la mosquée de  Hassan et Hussein et s'y livrent à diverses pratiques condamnées par l'orthodoxie ; or nous connaissons quelques rites carnavalesques où les femmes jouent le rôle prépondérant : dans le rite susmentionné, ce sont les femmes qui expulsent la mort ; dans le mythe d'Orphée qui représente probablement un souvenir de meurtre rituel, ce sont des femmes qui mettent en pièces le héros : dans beaucoup des mystères antiques les femmes avaient des cérémonies spéciales. On avait voulu donner de ces faits une explication totémique,, fondée sur ce que dans les sociétés exogamiques primitives, les femmes étant d'une autre classe que les hommes ont un totem différent et doivent sacrifier à part. Il ne semble pas resté des traces de ce rôle des femmes dans le folklore maghrébin : nous avons du reste déjà eu l'occasion d'observer que les traces du totémisme dans l'Afrique du Nord sont extrêmement frustes.

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  • Visite aux tombes

A Mazouna, il est d'usage de porter à cette occasion des rameaux de myrtes sur les tombes (rayhân, usage que nous avons aussi observé à Marrakech lors du tournage de « feux de joie » pour la série  documentaire « la musique dans la vie », à la fin des années 1990). A Marrakech, à Mogador, dans le sud du Maroc, on arrose les sépultures à grand eau. A khanga Sidi Nadji, on s'aborde le jour de l'achoura en se jetant de la terre ou de l'eau sur le visage. A Marrakech et dans certaines tribus des environs on allume ce jour-là des feux de joie, analogues à ceux de la ancera . Il en est de même à Tunis : l'orthodoxie réprouve aussi cette pratique. Ces rites du feu, comme les rites de l'eau, ne paraissent pas nécessairement spéciaux à achoura, mais ce sont pour ainsi dire « accrochés » à cette fête qui semble, comme nous le disons, un centre de cristallisation. Au contraire les rites suivants se rapportent tous aux cérémonies carnavalesques.

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Driss Oumami
  • Soltan Tolba

Passion des Dionysos, chacun sait comment le théâtre est sorti chez nous des mystères de la Passion qui se sont peu à peu mondanisés ; or nous savons pareillement que les carnavals du Maghreb ont engendré, nous l'avons vu, une sorte de théâtre rudimentaire, qui ne se borne plus au thème primitif, mais comporte, au Maroc par exemple, des représentations burlesques très variées. De semblables petites représentations sont rares en dehors de la fête de l'achoura et de la fête que nous avons seulement mentionné, du Roi des tolba, très analogue au carnaval et vraisemblablement d'origine semblable. Même la fête de l'achoura n'a pas , chez nos indigènes produit de véritable art dramatique : c'est à peine si on signale en dialecte zénatie les dialogues récités lors de la fête de l'achoura, du Ramadan etc. , par les membres du chaïb achoura, sorte de confrérie théâtrale et satirique qui a beaucoup de ressemblance avec les frères de la Passion et les Enfants sans soucis de la littérature française à la fin du Moyen - Âge.

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Driss Oumami

  • Karbala

On sait qu'Ali, H'oseïn et Ha'san devinrent « le déversoir des besoins mystiques de la Perse. Chaque année les chiites Perses célèbrent la mort de H 'oseïn à Karbala par une série de cérémonies  extrêmement curieuses et que nous ne pouvons décrire en détail ici. Les fêtes durent les dix premiers jours de Moharram : des  descriptions que nous ont laissé les voyageurs, il faut retenir d'abord de nombreux rites de deuil privé et public ; puis le service funèbre qui se célèbre plusieurs fois en grande pompe, au milieu d'une désolation générale : la présence de membres des confréries religieuses qui se tailladent le crâne, se donnent des coups de poings avec un fanatisme sauvage, au cours de processions conduites par un  mollah monté sur un âne et surtout les représentations théâtrales qui ont lieu durant toute cette période et qui ont donné lieu à une littérature dramatique spéciale. Les drames ont toujours pour sujet H'oséïn à Karbala et des épisodes accessoires. Il est remarquable qu'au milieu de ces fêtes on célèbre une cérémonie nuptiale, en souvenir, dit-on, du mariage de la fille de H'océïn avec Qâcim qui, suivant la légende, se maria le jour - même où il mourut à Karbala au côté de H'oséïn, en sorte que des cérémonies de réjouissances se mêlent aux lamentations.

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Karbala

Des rites analogues ont lieu chez les chiites de l'Inde , où des rites du feu se joignent aux autres cérémonies ; les rites de l'eau ne sont pas non plus absents, tant en Perse que dans l'Inde. Enfin, il parait qu'à Karbala même, un condamné à mort, destiné à jouer le rôle de Chemr, assassin de H'oséïn, est tellement malmené par la multitude qu'il est presque toujours lynché. Il n'est pas difficile de reconnaître dans ces cérémonies non seulement les principaux traits des carnavals, mais aussi les caractères d'une véritable Passion dont Ali est le Dieu. H'oséïn est le Christ et le khalife le Judas. Il semble également évident que les téaziés  se sont développées des cérémonies religieuses et ont abouti comme en Grèce, comme chez nous, à la production d'une littérature qui se laïcisera peut-être un jour. Une étude scientifique de la fête de achoura en Perse achèverait sans doute de démontrer ce que nous avons suggérer dans tout ce chapitre, à savoir que les cérémonies célébrées à cette occasion sont les débris d'un antique meurtre rituel, à l'occasion du renouveau : que ces cérémonies ont dégénéré en carnaval dans le folklore du Maghreb comme dans celui de l'Europe, mais qu'en Perse, elles ont failli se développer en rite de rédemption comme dans le christianisme.

·Tayeb Saddiki, le Molière marocain

Le théâtre de Tayeb Saddiki concilie les formes traditionnelles et les exigeances contemporaines: il a travaillé avec Jean Vilar et est un fervent admirateur de Molière. Son théâtre s'inspire aussi bien du patrimoine marocain avec les pièces de "Sidi Abderahmane El Majdoub" et d'"El Harraz" que du patrimoine arabe avec "Maqamat Badiî Ezaman El Hamadani". Il a également écris et joué des pièces dans la langue de Molière: "Diner de gala", "Les sept grains de beauté", "Nous sommes faits pour nous entendre". Il déclarait à propos de son recueil "l'auteur parle, le metteur en scène montre": "J'ai écris ces poèmes, parce que je sais ce que signifie la solitude du comédien. Quand il joue le rôle d'un roi avec un costume fabuleux, il quitte le théâtre après la représentation et se retrouve parfois seul dans son coin n'ayant plus que ses rêves". Chez Tayeb Saddiki, il existe un point commun entre le théâtre - son domaine de prédilection, où son génie s'impose à l'échelle du monde arabo- musulman(il a connu personellement le Shah, Saddam Hussein et Yaser Arafat)- l'écriture et la calligraphie: la mise en scène de la parole. La scénographie. La place de Jamaâ Lafna, lieu privillégié de la culture populaire où Tayeb Saddiki ouvrait symboliquement le prologue de sa pièce sur "Sidi Abderrahman El Majdoub". Sa calligraphie se caractérise par le dépouillement et la pureté des formes. Les traits larges, l'envolée du coup de pinceau de Tayeb Saddiki n'appartiennent qu'aux grands maîtres, qui savent marier la force et la vigueur, à la grande souplesse et à l'extrême douceur.
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Tayeb Saddiki, né le 17 décembre 1938 à Essaouira

Dialectique du clair et de l'obscure, du vide et du plein, où vient s'inscrire la parole du jour et le silence de la nuit. Lettres grandioses au sens énigmatique, descendant du ciel comme une manne ou une foudre, texte illisible où on déchiffre "il n'y a de vainqueur que Dieu". Ecriture fine sur un fond de rigueure géométrique, l'agencement harmonieux de la miniaturisation et de la géométrie en tant que traits fondamentaux de l'art islamique, prend ici une forme inédite, une création qui ne ressemble à nulle autre. Forme voluptueuse, parole infinie; une mémoire se substitue au néant. Théâtralité de la gestuelle, ambiguïté du signe: une alphabet arabe dansant sur une mélodie japonaise. Comme par une espèce de magnétisme invisible, les hommes qui "suivent" la parole divine, les signes aimantés par le nom d'Allah, tout se précipite vers ce foyer de lumière. Les hommes ett leur mémoire s'engouffrent dans le vide. Un vide qui n'est pas un néant, mais l'énergie d'où est né l'univers. De la parole divine est né lemonde, et après sa disparition, son "fana"; restera encore la parole de Dieu. Car elle est supérieure à la parole des hommes; c'est pourquoi elle émerge du tableau comme ces deux initiales "T.H" qui désignent le Prophète: "T.H.Nous ne t'avons pas envoyé le Coran pour te rendre malheureux". Tout commence et tout finit par Dieu; voilà le sens profond de cette calligraphie d'une exécution magistrale où Tayeb saddiki s'affirme, encore une fois, comme un pionnier au Maroc, de la réhabilitation du patrimoine ancien sous une forme nouvelle. Ces dernières années, par amour immodéré pour l'art dramatique, il s'est ingénié à construire le théâtre Mogador à Casablanca.Un théâtre privé ou plutôt "privé de moyens" comme il le dit avec humour.

Abdelkader Mana


[i] Article paru à Maroc-Soir du lundi 15 septembre 1986.

[ii] Boulebtaïn, en arabe et ilmen en berbère dont le pluriel est Bilmawn. Les deux termes signifient « homme vêtu de peaux ». Boujloud ou Bilmawn, ce sont successivement les noms des personnages masqués du carnaval de l'Achoura et de la fête du sacrifice : personnage central de la procession masquée répondant selon les lieux aux noms de Boulebtaïn, Boujloud,Herma, en ville arabophone ou encore de Bilmawn et Bou-Islikhen au Haut-Atlas berbérophone.  Ces processions et mascarades s'intercalent entre le sacrifice et le Nouvel An. Ils sont liés à la fête du sacrifice dans la campagne et à celle de l'Achoura dans les villes. Pour Emile Laoust ces mascarades masquées  constituent les débris de fêtes antiques célébrant le renouveau de la nature, capturée par le calendrier musulman :« Au Maroc, des fêtes carnavalesques d'un genre spécial s'observent partout à l'Aïd el Kébir ; le personnage essentiel s'y montre revêtu de peaux de moutons ou de chèvres. Le Berbère n'aurait - il pas établi un rapport si étroit entre le sacrifice du mouton, ordonné par l'Islam, et la procession carnavalesque d'un personnage vêtu de peaux qu'il aurait vu en ces deux rites, deux épisodes d'une même cérémonie...L'Aïd El Kébir s'est substitué, en Berbérie à une fête similaire qui existait déjà et au cours de laquelle les indigènes sacrifiaient un bélier et se revêtaient de sa dépouille. Si l'on y rappelle que le bélier fut autrefois l'objet d'un culte dont le souvenir s'est conservé tard dans le pays, on voudra peut - être voir dans les mascarades actuellement célébrées à l'Aïd El Kébir, la survivance de pratiques zoolâtriques dont l'origine se perd dans les âges obscures de la préhistoire. »

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Masques et mascarades

Chez les Aït Mizan du Haut Atla, ces peaux sont plaquées à même sur le corps nu du personnage masqué. Celle qui lui couvre les bras est disposée de manière à laisser les sabots pendant au bout des mains. Sa figure noircie à la suie ou avec de la poudre disparaît sous une vieille outre à battre le beurre qui lui sert de masque. Sa tête  est agrémentée de cornes de vache ou coiffée d'une tête de mouton dont les mâchoires écartées par un bout de roseau lui font faire la plus horrible grimace. Une orange garnie d'un bouquet de plumes est souvent piquée à l'extrémité de chaque corne ; des branches de verdure lui couvrent parfois la tête ou les épaules. Enfin deux ou trois colliers, un immense chapelet aux grains fait de coquilles d'escargots, et de puissants attributs de mâle complète l'accoutrement du personnage hideux.  Chez les Jbala on parle plutôt de Ba Cheikh, un vieillard lubrique à la barbe blanche, habillé de « haillons sordides », portant « une peau de bouc en guise de bonnet » et égrenant un chapelet de coquilles d'escargots. Ses organes génitaux sont bien mis en évidence : « une lanière de peau de mouton avec sa laine et deux aubergines entre les jambes, simulant les organes de reproduction ». Telles était les observations qu'avait noté Mouliéras au début du 20ème siècle, à propos de ce qu'il appelle le carnaval djebalien. Il décrit en ces termes les scènes burlesques des masques telles qu'elles se déroulaient devant chaque maison :

« Une fois par an seulement a lieu ce carnaval. Il dure trois jours et coïncide avec la grande Fête des Sacrifices. Le premier jour, les masques se répondent dans les villages, vers midi, et ils commencent leur tournée aumônière, s'arrêtant devant chaque habitation, rééditant invariablement leurs farces après laquelle ils reçoivent ce qu'on veut bien leur donner : du pain, de la viande, des œufs, des poulets, des grains. Inutile d'ajouter que tout le village est à leur trousse, les entourant, les admirant, hurlant de bonheur quand se produit une grivoiserie plus épicée que les autres. »

13:18 Écrit par elhajthami dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook